Diagnostic précoce et vision linéaire du temps, une liaison dangereuse

Remise en question de la logique du diagnostic précoce dans le domaine du cancer

Rethinking the logic of early diagnosis in cancer

DOI: 10.1177/13634593241234481
journals.sagepub.com/home/hea

Traduction, restitution, synthèse et commentaires par Cancer Rose

Auteurs de l'article :
Christina Sadolin Damhus, Post doc PhD , Centre of Research and Education in General Practice, University of Copenhagen, master in Public Health. Danemark
Mette Bech Risør, professor in medical anthropology at the University of Copenhagen, Center for General Practice, Department of Community Medicine,The Arctic University of Norway, Norvège
John Brandt Brodersen, general practitioner, PhD in public health, Danemark ; Department of Community Medicine, The Arctic University of Norway, Norvège
Alexandra Brandt Ryborg Jønsson, anthropologiste médicale, travaille dans le champ des inégalités en santé avec un focus spécial sur le surdiagnostic à l'Université de Copenhague, Danemark ; Department of Community Medicine,T he Arctic University of Norway, Norvège ; Department of People and Technology, Roskilde University, Danemark

Si la logique du diagnostic précoce profite à certains, expliquent les auteurs, elle produit également des effets néfastes.
Le but de l'article est de démontrer comment le temps dans les sociétés des pays développés est perçu dans une logique linéaire, inéluctable, irréversible et rapide. Et comment cette vision, concomitamment avec le totalitarisme de l'accélération sociale demandant de l'urgence dans l'action en santé, a pu conditionner la logique de l'urgence du diagnostic, et du dictat de la détection précoce : "plus tôt, mieux c'est".

Les auteurs, parmi lesquels une anthropologiste, analysent la manière dont la logique du diagnostic précoce s'est imposée comme un concept stable et comment le message " plus tôt, mieux c'est" n'est actuellement pas remis en question par la recherche, la politique ou la société, alors que les preuves à l'appui de cette logique manquent, et que les études montrent la complexité imprévisible du génie du cancer.

Ils estiment que cela peut s'expliquer, du moins en partie, par une perception linéaire du temps et par les traces sociétales du néolibéralisme et de l'accélération dans notre société, ainsi que par le fait que le cancer est considérée comme une maladie énigmatique qui nécessite une action immédiate.
"La poursuite de la perception linéaire des symptômes et du cancer risque de faire plus de mal que de bien en rendant inutilement plus de gens malades et en dépensant les ressources de santé pour ceux qui en ont le moins besoin."

Les CPP au Danemark, qu'est-ce ?

Les variations de la survie au cancer que l'on constate entre les pays ont été expliquées par un supposé retard de diagnostic et de traitement, et cette vision reflète l'importance accordée au temps dans nos sociétés, convaincues qu'on peut réduire le délai de diagnostic et de traitement par des programmes nationaux de dépistage et des initiatives de lutte précoce contre le cancer.Ainsi des parcours accélérés pour les patients atteints de cancer (CPP, cancer patient pathways), ont été mis en place au Danemark depuis 2007, et des stratégies similaires sont en train d'être introduites dans le reste de ce qu'on appelle le Global North, à savoir les pays développés et à niveau similaire de développement.

Les auteurs écrivent :
"La rationalité qui sous-tend ces stratégies est ancrée dans la logique selon laquelle la détection précoce des symptômes du cancer (tels que la présence de sang dans les selles ou une grosseur dans le sein) peut soit (1) prévenir l'apparition du cancer, soit (2) détecter le cancer à un stade localisé et réduire ainsi la morbidité et la mortalité liées au cancer."

Dans ce cadre, les médecins généralistes peuvent orienter leurs patients vers des tests de diagnostic à l'hôpital lorsqu'ils présentent des symptômes vagues ou non spécifiques de cancer, tels que la fatigue ou la perte de poids. En bref, l'expression "le plus tôt sera le mieux" résume le principe essentiel de la logique du diagnostic précoce et est considérée par tous, public aussi bien que médecins, comme allant de soi, de par des facteurs sociétaux et culturels qui influencent nos perceptions du temps en relation avec le diagnostic. Ce que les auteurs vont décortiquer.

De quels effets néfastes parle-ton ?

"À l'échelle mondiale, le surdiagnostic, c'est-à-dire le fait de transformer inutilement des personnes en patients en détectant des changements pathologiques qui n'auraient jamais causé de dommages (Brodersen et al., 2018), est en augmentation (Glasziou et al., 2019). Un ensemble de recherches montre qu'une partie du surdiagnostic provient de la découverte de cellules cancéreuses "trop tôt", car beaucoup ne se développeront jamais ou ne se transformeront pas en maladie. Il est donc nécessaire de mener des recherches interdisciplinaires qui nuancent et approfondissent la compréhension du paradigme du "diagnostic précoce"."

Selon les auteurs, " les procédures de diagnostic, en particulier les dépistages dans le cas des cancers, sont fondées sur des impératifs moraux manifestes et sur une compréhension du temps, des symptômes et de la maladie qui imprègne la recherche, les individus et la société", alors même que les meilleures données disponibles ne suggèrent aucun bénéfice d'une telle initiative, mais plutôt des inconvénients. Cette conviction ressort dans les discours sur les avantages de la détection précoce et imprègne le ressenti du public.

Le problème : notre perception linéaire du temps

Damhus et col. exposent : " Dans cet article, nous soutenons que la logique du diagnostic précoce est liée aux notions de temps et à la façon dont les citoyens du Nord global interprètent le temps comme étant linéaire, cumulatif, irréversible et en mouvement rapide (Ostenfeld-Rosenthal et Bjønness, 2003). Ainsi, ayant une perception linéaire du temps, nous avons souvent tendance à nous orienter vers l'avenir."

La notion de temps ne doit pas être considérée comme acquise. Les auteurs en effet détaillent comment pour certains sociologues les périodicités temporelles conventionnelles (jours, mois, années) sont socialement dérivées, alors que pour d'autres, anthropologues, les catégories temporelles sont des adaptations à l'environnement physique. Certaines sociétés auraient une vision cyclique du temps, et non pas linéaire comme la nôtre.

Toutefois historiquement, toujours selon l'équipe on peut considérer que la période industrielle avec le travail en usine a favorisé cette vision d'une vie segmentée et séquencée, puis l'économie monétaire émergente a mis en relation le temps et le profit, dans la mesure où économiser du temps était aussi économiser de l'argent, et l'introduction d'un aspect moral selon lequel le temps doit être correctement utilisé.

Les auteurs se réfèrent au sociologue allemand Hartmut Rosa selon lequel l’accélération sociale prédomine dans notre société actuelle, "à la fois comme une accélération technologique mais aussi comme l’accélération du changement social et l’accélération du rythme de vie. Sans aucun doute, ce paradigme du temps linéaire, cumulatif et accéléré est également présent dans la façon dont le lien entre le temps et le cancer a été établi dans diverses disciplines de recherche."

De façon très souvent arbitraire un délai est attribué à chaque étape de l'évolution du cancer. Ainsi, l’accélération du temps de la réponse est une grande qualité dans la logique du diagnostic précoce. A la caractéristique de l'accélération de l'action sanitaire s'ajoute l’idée d’autonomiser les individus avec une meilleure litératie sanitaire. Ceci garantit certes une la liberté de choisir, mais aussi impose à l’individu plus de responsabilité et l'encourage à se gouverner selon des comportements de santé jugés appropriés.
Dans le cadre de ce que des sociologues appellent la « citoyenneté biologique », disent les auteurs," les citoyens sont promis à l’autonomisation par la diffusion de campagnes de sensibilisation nationales et encouragés à prendre des mesures proactives dans la recherche de soins de santé. Dans ce contexte, une réponse rapide est considérée comme le résultat souhaitable, l’individu étant considéré comme l’agent responsable de sa propre santé.
Cependant, si les individus n’adhèrent pas, ils ne sont pas seulement blâmés par les autres, mais sont également susceptibles de se blâmer eux-mêmes. Cela impose aux individus un fardeau considérable pour se conformer aux attentes de la société et renforce la notion selon laquelle une action en temps opportun est cruciale pour obtenir des résultats positifs en matière de santé."

L' article a pour objectif d'étudier comment les différentes notions de linéarité du temps sont essentielles dans la recherche sur le cancer, d'en comprendre les conséquences individuelles et sociétales, et d'inviter à repenser le temps dans l'évolution cancéreuse.

La taille d'une tumeur n'est pas corrélée au temps

Les auteurs se réfèrent à Gilbert Welsch, cancérologue américain qui a travaillé sur les modèles de l'évolution cancéreuse et a conçu un schéma explicatif illustrant pourquoi finalement le dépistage échoue dans sa mission première, à savoir trouver les cancers les plus graves qui sont souvent trop rapides pour être anticipés, et surdétecte à l'inverse des cancers peu ou même pas menaçants, mais suffisamment indolents pour être facilement détectés.

"Le cancer ne représente pas une maladie. La biologie, la croissance et l’étiologie des tumeurs sont beaucoup plus complexes, à la fois au sein de la tumeur spécifique aux organes et entre les différents types de cancer (Welch, 2022). Comme l’a dit le médecin et chercheur en cancérologie H. Gilbert Welch : « Dans la pratique clinique, le fait de dire qu’une personne est atteinte d’un cancer donne le moins d’informations possible sur l’évolution possible de sa maladie pour dire qu’elle est infectée. Il y a des conséquences dangereuses qui peuvent être fatales. et il y a des infections inoffensives qui sont auto-limitées ou qui peuvent disparaître. Il en va de même pour les cancers. Le cancer n’est pas une entité unique. Il s’agit d’un large éventail de maladies liées les unes aux autres seulement de nom » (Welch, 2022).

Cette complexité se reflète dans une étude épidémiologique danoise comparant la taille des cancers de la tête et du cou au moment du diagnostic avec la taille au début du traitement (Jensen et al., 2007). Les auteurs ont constaté que 38 tumeurs sur 61 avaient augmenté, mais que la croissance variait entre 6 % et 495 % du volume tumoral (Jensen et coll., 2007). Ces grandes variations de la croissance tumorale, au sein d’un même type de cancer, illustrent la complexité de la biologie tumorale, qui est illustrée plus en détail à la figure 1 (Welch et Black, 2010)."

A- Cancer rapide ; B-cancer lent ; C-cancer très lent ; D-cancer stagnant ; E-cancer régressif

"La figure 1 montre l’hétérogénéité de la progression du cancer (Welch et Black, 2010). Si l’on considère la figure 1, le cancer-A croît rapidement, ce qui laisse une très courte fenêtre d’opportunité entre les symptômes et le traitement avant que la personne ne meure de ce cancer. Ces tumeurs sont souvent qualifiées de tumeurs agressives, et aucun programme de dépistage ou d’initiation précoce au cancer ne semble pouvoir les détecter à un stade localisé. Le cancer-B se développe lentement, et la fenêtre ouverte d’opportunités des symptômes à la mort de la personne est plus longue. Dans le cas de certains cancers B, cela permet aux participants au dépistage et aux patients qui cherchent à obtenir un diagnostic de cancer localisé chez leur médecin de famille et, grâce au traitement, ces patients pourraient ne pas mourir de leur cancer. Le cancer-C se développe très lentement, et le patient mourra d’autres causes avant que le cancer ne donne des symptômes. Le cancer-D+E sont des conditions non progressives qui répondent à la définition pathologique du cancer mais ne causent jamais de symptômes (D), et certains grandissent puis régressent (E). Cela suggère que pour les cancers B, un diagnostic et un traitement rapides pourraient réduire la mortalité par cancer. En revanche, le cancer C+D+E peut être affecté par un surdiagnostic, ce qui signifie qu’ils reçoivent un diagnostic qui ne leur causera pas de maladie au cours de leur vie (Brodersen et coll., 2018). "

Nous vous proposons une version un peu différente issu de l'article "comment se développe un cancer" :

Le cancer très agressif correspondant à la forme rapide est raté par le dépistage.
Le cancer lent est anticipé par le dépistage mais ce serait manifesté et la patiente aurait consulté à temps, le temps métastatique étant très long, on est en temps et en heure pour traiter et guérir.
Pour les trois autres formes de cancer qui n'auraient pas occasionné de troubles, le dépistage ne sert à rien, et c'est pour ces trois dernières formes (parenthèse) que se produit le surdiagnostic.

"En termes simples, le surdiagnostic se produit parce qu’il n’est pas possible de déterminer si un cancer détecté est un cancer A ou l’un des autres cancers (figure 1). Ainsi, certains cancers sont diagnostiqués et certains d’entre eux sont traités, bien que ces cancers n’auraient pas causé de maladie dans la vie de la personne. Selon une étude australienne, environ 20 % des cancers diagnostiqués en Australie sont surdiagnostiqués (Glasziou et al., 2019). Outre les préjudices physiques découlant d’un éventuel surtraitement, ces patients risquent des conséquences psychologiques négatives et des effets d’étiquetage liés à l’obtention d’un diagnostic de cancer (Bond et coll., 2013). Pour récapituler, l’étiologie différente et la croissance des tumeurs cancéreuses impliquent que le diagnostic précoce du cancer peut réduire la mortalité par cancer pour certains, mais d’autres sont sur-diagnostiqués et surtraités. Cela signifie que même dans le même type de cancer, il est difficile d’estimer le bénéfice d’un délai accéléré entre les symptômes, le diagnostic de cancer et la mortalité par cancer."

La logique du diagnostic précoce du cancer

En oncologie on souhaite maîtriser les effets d'un cancer de diagnostic retardé, le temps est géré comme une variable qui doit être contrôlée, ou du moins corrigée tout en étudiant les résultats. C’est pourquoi les épidémiologistes du cancer divisent le temps en intervalles. La figure 2 est couramment utilisée dans les études de diagnostic précoce du cancer pour faciliter une définition et un compte rendu uniformes et normalisés des études dans ce domaine (Weller et coll., 2012).
C'est donc par commodité et de façon tout à fait théorique que le temps se compose de différents intervalles allant de la première fois que le patient ressent un symptôme potentiel de cancer au début du traitement.(Figure 2)

On distingue ainsi "un intervalle patient, un intervalle médecin et un intervalle système" correspondant à chaque période de temps où un retard peut survenir dans le processus linéaire des symptômes au traitement. Cette subdivision est théorique.

Comme le rappellent les auteurs :
"En épidémiologie du cancer, le plan d’étude idéal comprend un essai contrôlé randomisé dans lequel certains participants sont inclus dans un groupe d’étude qui retarde le diagnostic du cancer et d’autres ne le sont pas. Cependant, la perception que le diagnostic rapide du cancer est essentiel induit que les patients sont peu susceptibles de participer, et rend l’approbation éthique difficile, voire impossible à obtenir."

En effet, au tout début du dépistage on disposait de cohortes de personnes qui n'avaient jamais eu de dépistage et on les intégrait dans des études comparatives avec deux groupes, l'un dépisté et l'autre non, où on étudiait l'effet du dépistage par rapport au groupe non dépisté.
De nos jours ce genre d'étude n'est plus possible dans la mesure où l'on considère non éthique l'établissement d'un groupe "sans dépistage", autrement dit le fait de soustraire une personne à la possibilité de se faire dépister, considérant qu'il y a un manque de chance pour elle, alors que nous manquons de données probantes pour statuer si le diagnostic accéléré du cancer est réellement bénéfique ou non en termes de mortalité ou de morbidité.

Pour revenir aux CPP (les parcours accélérés pour les patients porteurs de cancers), une étude danoise a étudié la longueur de l’intervalle de diagnostic avant, pendant et après la mise en œuvre du CPP, dont les auteurs de cet article résument les résultats :
"Les auteurs ont constaté que l’intervalle diagnostique (voir la figure 2) était plus court après la mise en œuvre du CPP, mais aucun développement favorable au stade tumoral au cours de la mise en œuvre du CPP n’a été observé (Jensen, 2015). Cela souligne encore une fois la complexité de la question de savoir si la logique du diagnostic précoce peut prévenir le cancer disséminé. Ce ne sont là que quelques exemples tirés de la littérature épidémiologique, mais les données épidémiologiques actuelles ne suggèrent pas d’association claire entre le diagnostic précoce et l’amélioration des résultats du cancer dans son ensemble."

En dépit de bon nombre d'études démontrant la complexité non maîtrisable des modèles d'évolution cancéreuse rendant hypothétiques les bénéfices avancés du dépistage (lire ici, et ici), la recherche actuelle est toujours très centrée sur la découverte de nouvelles technologies d'anticipation, comme l'analyse de l'ADN tumoral circulant ou de marqueurs sanguins.(voir la synthèse sur les biopsies liquides). On réfléchit toujours le temps cancéreux sous forme d'un continu linéaire et inéluctable, alors que ce schéma existe peut-être mais que d'autres parcours existent, comme une stagnation, une régression, une évolution rapide de la tumeur suivie d'une stagnation, une lente évolution qui peut s'accélérer etc....

C'est ce que relatent les auteurs :

"Le concept sous-jacent est que les symptômes ou même les biomarqueurs existent sur un continuum, se développant d’une manière avant-gardiste sinon ralentie par la détection. La figure 3 montre comment les symptômes augmentent la signification clinique, devenant ainsi de plus en plus révélateurs du cancer (Vedsted et Olesen, 2015). Cette figure montre les symptômes sur un continuum allant de « certainement pas grave » à « à faible risque, mais pas sans risque », se terminant par « certainement grave » (Vedsted et Olesen, 2015). Cependant, cela contredit la figure 1, dans laquelle certains cancers, mais pas tous, deviendront des maladies graves (Welch et Black, 2010)."

Mais cette figure, là aussi très théorique, est trompeuse, car, disent les auteurs " les études suggèrent que même les symptômes « certainement graves », également appelés symptômes d’alarme du cancer, sont très répandus chez les personnes vues en pratique générale, mais ont une faible valeur prédictive positive (VPP) du cancer (Svendsen et al., 2010). Par exemple, au cours d’une année donnée, 15 % de la population générale danoise a présenté des symptômes alarmants de cancer du sein, colorectal, urinaire ou pulmonaire (Svendsen et coll., 2010). Cependant, seulement un petit nombre de ces 15 % auront le cancer (Svendsen et coll., 2010). Fait important, la logique du diagnostic précoce exprimée à la figure 3 a justifié l’abaissement du seuil de suspicion du cancer en pratique générale. Avec l’introduction du CPP pour les symptômes non spécifiques du cancer du sein (NSSC-CPP), les personnes qui présentent ce qu’on appelle un « risque faible mais non nul » sont admissibles à un examen diagnostique intensif du cancer."

La sémantique militaire qui entoure le discours du cancer amplifie cette agressivité et cette précipitation lorsqu'on appréhende le cancer. Les personnes "se sont battues" contre le cancer, ou au contraire "après une longue lutte, la personne a succombé". Le mythe du 'cancer-hero' est très présent, quand il s’agit de cancer on exige en retour une attitude de contre-attaque et une action forte du corps médical ; aussi on "combat" la maladie, on a un "arsenal thérapeutique", on "lutte" contre le cancer.

Dans son analyse historique du cancer du sein, Robert A. Aronowitz, docteur en médecine et professeur de sciences sociales a exploré "comment les écrits populaires et médicaux et les messages de santé publique sur le cancer depuis le début du XXe siècle exhortent constamment les femmes et les hommes à consulter un médecin dès qu’ils remarquent des symptômes qui pourraient signaler le cancer (Aronowitz, 2001). Il est intéressant de noter que le message public « ne tardez pas » dans la recherche de soins contre le cancer était déjà établi au début des années 1900".
"Aronowitz soutient que l’étiologie inconnue du cancer, les incertitudes médicales dans le traitement, et les écarts entre les cas spécifiques de cancer et le type idéal de cancer ont forcé le blâme et la responsabilité. Le « message de retard » a rendu les personnes responsables de leur maladie tout en minimisant certaines des incertitudes existentielles, morales et médicales liées au soin de patients individuels pour les cliniciens (Aronowitz, 2001)."

Alors que les faits, les études et les constatations dans la vraie vie laissent entrevoir des multitudes de possibilités d'évolution cancéreuse, et montrent que la taille tumorale n'est pas corrélée au temps de façon linéaire, malgré cela, relatent les auteurs : " dans le plan national danois de lutte contre le cancer de 2005, on peut lire que « les études sur l’effet des retards sur les facteurs pronostiques de ces cancers pointent dans des directions différentes, et l’effet n’est donc pas définitivement clarifié » (Autorité sanitaire danoise, 2005)."
Il y a bien un doute sur l'efficacité réelle des procédures de diagnostic accéléré, pourtant : "en dépit de preuves non confirmées, le gouvernement a mis en place des CPP accélérées dans le cadre du plan national contre le cancer (Autorité sanitaire danoise, 2005)."

Nous joignons ici des images de cas cliniques illustrant l'absence de corrélation taille/temps en matière de cancer du sein, issus de notre article sur "l'histoire naturelle du cancer".

Détecté petit et pourtant déjà métastasé

« Premiers symptômes »?

Nous reprenons la figure 2

Damhus et col. soutiennent que cette vision assigne la responsabilité aux différents acteurs du parcours, en particulier aux patients eux-mêmes ainsi qu'aux médecins.

" Le premier intervalle est nommé premier symptôme et fait partie de l’intervalle patient. Il existe deux principes : 1°- qu’un premier symptôme existe et 2°- que l’individu peut reconnaître et est responsable de réagir à un tel premier symptôme. Cependant, en faisant appel à d’autres et à notre propre travail ethnographique avec des patients enquêtés avec la suspicion de cancer, nous avons constaté que les premiers symptômes ne sont pas aussi simples que cela, car les gens n’ont pas toujours expérimenté leur corps dans un processus aussi linéaire et avancé (Damhus et al., 2022a; Merrild et Andersen, 2021). De plus, les gens pourraient ne pas être en mesure d’interpréter leur « premier symptôme » comme tel, parce qu’ils ne sont pas nécessairement exempts de symptômes pour commencer ou même conscients de leur corps de cette façon. Dans une étude de Merrild et Andersen, basée sur des entretiens ethnographiques répétés avec 10 patients atteints de cancer socialement défavorisés au Danemark, l’interlocuteur, Liz, a déjà été traitée pour le cancer du sein et est maintenant vue pour des tests de suivi à l’hôpital (Merrild et Andersen, 2021). Liz est handicapée par sa colonne vertébrale qui se détériore, alors lorsqu’elle décrit ses problèmes de santé, il est souvent difficile de faire la distinction entre son cancer antérieur, ses maux de dos ou ses ganglions lymphatiques enflés, le renflement de la peau sous son bras ou les bosses dans son sein – tout est flou. (Merrild et Andersen, 2021). "

"Trop tard", ou "suffisamment tôt", ces termes n'ont aucun sens lorsqu'on prend conscience du caractère illusoire de la corrélation entre symptômes et stade cancéreux. Pourtant combien de fois peut-on assister, en consultation, à des discours de patientes commodément blâmées par le corps médical d'avoir "trop tardé", et qu'on n'écoute absolument pas lorsqu'elles relatent la survenue subite, parfois en un week-end (expérience personnelle NDLR) de leur tumeur palpable dans leur sein ?

"En se référant à un intervalle entre les patients" notent les auteurs, "il y a une attente implicite que la personne est responsable d’agir en termes de réaction aux symptômes et de recherche de soins de santé appropriés.
Cette responsabilité n’est pas nouvelle, car les citoyens ont depuis longtemps la responsabilité d’agir sur les symptômes potentiels du cancer en temps opportun (Aronowitz, 2001). Dans les années 1920, l’étiologie inconnue du cancer a renforcé les médecins à blâmer le temps ou le patient si de mauvais résultats se sont produits. Fait important, le néolibéralisme n’a pas créé le cancer comme une maladie aiguë, mais plutôt confirmé et amplifié la logique déjà établie. Ceci en encourageant les individus vieillissants à se gouverner eux-mêmes, en créant un espace pour l’action individuelle et en impliquant, mais aussi en attribuant le blâme si l’individu ne réussit pas."

Citons à nouveau Rosa, le sociologue allemand :
"La responsabilité de réagir aux symptômes et de voir le médecin à temps, vient avec la contrepartie de ne pas perdre le temps du médecin, en voyant le médecin trop souvent. Concernant 'ne pas perdre de temps et l’obligation morale de faire bon usage du temps', Rosa et d’autres soutiennent que ce sont les caractéristiques de notre société actuelle où les logiques de marché, y compris les caractéristiques de la concurrence, ont accéléré le rythme non seulement du développement technologique, mais de toutes les parties de l’action sociale dans notre société."

Plus tôt, mieux c'est " en tant que concept stable dans le Nord

Tant que nous reconnaissons l’importance du diagnostic précoce, en médecine, dans la recherche et dans les innovations technologiques pour traquer le 'toujours plus petit' et considérons la précocité comme une perspective biomédicale précieuse, alors la logique sous-jacente fondamentale de linéarité du temps dans le développement cancéreux n’a pas été fondamentalement remise en question.

Pourquoi le "plus tôt, mieux c'est" , logique intuitive mais fallacieuse persiste encore à notre époque ?
Peut-être parce que, en dépit du fait que cette logique est fallacieuse, nous n'en avons pas de meilleure ni de plus précise, que celle-ci est commode et peut être facilement enseignée.

Les auteurs alertent toutefois sur les dommages de cette vision trop confortable de la recherche du toujours plus tôt et petit.
"Lorsque la logique du diagnostic précoce profite à certains, elle produit également des préjudices tels que le surdiagnostic, le surtraitement...
En outre, la logique du diagnostic précoce a élargi la population de personnes admissibles au dépistage du cancer, ce qui n’est pas sans conséquences. Premièrement, l’expansion a compliqué la réponse à ce qui constitue les symptômes du cancer. Cette question (de recherche) nécessite sa propre analyse, mais notre analyse actuelle indique que nous pourrions tous avoir des symptômes de cancer qui pourraient faire disparaître la signification des symptômes du cancer."

"Deuxièmement", poursuivent-ils, "enquêter sur davantage de personnes suspectées de cancer risque de dépenser des ressources de santé parmi ceux qui en ont le moins besoin, ce qui, au niveau sociétal, n’est pas viable dans un secteur de santé financé par l’État avec des ressources limitées.
Cependant, l’hypothèse vieille de plus de 100 ans que le cancer est évitable s’il est pris à temps (Aronowitz, 2001) n’a pas changé, mais elle est exactement la même que le message de la plus récente campagne sur le mélanome malin de la Société danoise du cancer « le mélanome malin est curable s’il est pris à temps ». (Société danoise du cancer, 2023). Il est frappant de constater que, malgré le manque de preuves à l’appui de ce message, aucun chercheur, politicien ou individu ne semble remettre en question la logique du diagnostic précoce du cancer.
Dans notre compréhension linéaire du temps, la mort est la fin. La mort est redoutée et considérée comme quelque chose qui devrait être évité ou du moins reporté par nous. Ces paradigmes, conjugués au fait que le cancer est la principale cause de décès, appuient l’accent à mettre sur la prévention du cancer et légitiment la logique du diagnostic précoce. Rosa soutient que l’accélération sociale est devenue une force totalitaire dans et de la société moderne (Rosa, 2010).
Pour Rosa, un pouvoir est totalitaire quand il exerce une pression sur les volontés et les actions des sous-projets, ...et quand il est difficile ou presque impossible de le critiquer et de le combattre (Rosa, 2010)."

C'est bien le cas dans nos sociétés post-modernes où le concept d'anticiper la maladie à tout prix par une multiplication de tests biologiques et d'imagerie est publiquement parfaitement incontestable sous peine de se voir traiter de non-progressiste ou pire, de vouloir mettre en danger la vie des gens.
Les médias sont pour la plupart hermétiques à toute remise en cause, et notre expérience dans le collectif Cancer Rose est grevée de refus de publications d'interviews donnés, en raison de barrages de certaines rédactions. (NDLR)

Conclusion

Les auteurs soutiennent "qu’il est nécessaire de remettre en question et de nuancer cette ontologie quelque peu linéaire et stable du temps et du cancer dans la logique du diagnostic précoce. Nous reconnaissons que cette tentative pourrait échouer, entre autres, en raison de notre perception linéaire du temps et des caractéristiques totalitaires de l’accélération sociale, constituant des élévations centrales de la logique du diagnostic précoce."

Ils écrivent :

"Les données de différents chercheurs suggèrent que les symptômes et le cancer sont beaucoup plus complexes que cette linéarité, la logique du diagnostic précoce a survécu, à la fois dans les décisions politiques sur la prévention du cancer, les différentes disciplines de recherche et dans la sensibilisation du public au cancer.

Nous soutenons que cela, au moins en partie, peut s’expliquer par la puissance d’une perception linéaire du temps et des traces sociétales du néolibéralisme et de l’accélération dans notre société, le cancer étant toujours une maladie quelque peu énigmatique qui nécessite une action aiguë. Pour soutenir un secteur de la santé durable, nous soutenons qu’il est nécessaire de nuancer la logique du diagnostic précoce. La prévention primaire structurelle du cancer est incontestablement importante dans les sociétés d’aujourd’hui, mais la poursuite de la perception linéaire des symptômes et du cancer dans la prévention médicale, risque de faire plus de mal que de bien. Bref, en rendant plus de gens malades inutilement et en dépensant des ressources de santé parmi ceux qui en ont le moins besoin."

Articles connexes

Un médecin a beaucoup travaillé en France sur l'histoire naturelle du cancer, il s'agit de Dr B.Duperray, ancien chef de service de radiodiagnostic à l'Hôpital Saint Antoine à Paris, voici un extrait de son livre, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion", aux éditions Souccar : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/extrait-du-livre-b-duperray/

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/12/17/contributions-de-dr-b-duperray-sur-le-surdiagnostic-dans-le-cancer-du-sein/

Références des auteurs

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