Biopsies liquides, le Graal ?

Synthèse Dr C.Bour, 15 septembre 2022
Mise à jour le 5 décembre 2022, publication de l'Institut du Cancer Américain (NCI), un séminaire pour évaluer les tests M.C.E.D. (multi-cancer early detection, tests de détection précoce de multiples cancers)

Article complet Cancer Rose

Comment exactement fonctionnent les biopsies liquides ? (explication détaillée)

Point de vue de Brenna Miller, Lown Institute

Le syndrome de Damoclès

Point de vue de V.Prasad (fil twitter) et en tant que co-auteur pour l'article dans The American Journal of Medicine avril 2022 " Tests de dépistage multicancers : Communiquer sur les risques doit rester une priorité"

Article décembre 2022 dans Journal of the National Cancer Institute, un séminaire pour évaluer les tests MCED (multi-cancer early detection, tests de détection précoce multicancers)

Biopsie liquides le Graal ?

Préambule

La détection précoce du cancer est et reste un Graal pour lequel nous accordons une foi illimitée dans la technologie. Malgré tous ces échecs de dépistages (mélanome, thyroïde, prostate, sein) à venir à bout du cancer et de ses formes hélas les plus graves[1], nous gardons néanmoins l'intime conviction que si on détectait toute cellule cancéreuse nous pourrions "vaincre" la maladie.
Les études démontrent que les faibles gains de mortalité en cancérologie ne sont pas dus aux dépistages, mais quasi essentiellement aux progrès des traitements des formes évoluées. Le cancer du sein en est un exemple.

Les médias se font souvent les porte-paroles de "découvertes spectaculaires", et nous avons déjà relayé la problématique de la restitution médiatique des innovations scientifiques, comme les dépistages et les tests sanguins (biopsies liquides) pour détecter précocement les cancers, qui a fait l'objet d'une étude publiée dans le JAMA en 2021.

Avec la multiplication des dépistages, dont la grande majorité aboutit à un échec en matière de réduction de mortalité globale et réduction des formes les plus graves des cancers, nos sociétés ont abouti à deux sortes de maladies.
D'une part, des maladies réellement vécues par le patient, avec symptômes précis et identifiées par le clinicien, d'autre part, des maladies non vécues, mais détectées par un dépistage et définies comme maladies. Dans ce dernier registre on a bien du mal à définir ce qu'est le malade. Une personne chez laquelle l'anatomo-pathologiste a trouvé sous son microscope une cellule cancéreuse ?  Une personne porteuse d'un amas cellulaire cancéreux dans un organe mais qui ne l'impactera jamais ? La personne porteuse d'un polype qui aurait pu, peut-être un jour, devenir cancéreux ?

Le paradoxe est qu'avec un dépistage de masse et sans sélection particulière, de plus en plus de personnes sont déclarées "malades" sans l'être, et surtout "guéries" avant de n'avoir jamais été malade cliniquement. Grâce au miracle biomédical, elles sont même traitées et puis guéries d'une maladie qu'elles n'auraient jamais connue. Si ce n'est pas un progrès.... Problème, c'est que d'une part les traitements eux, peuvent rendre bel et bien malades, et que d'autre part, la connaissance de leur "cancer" expose les personnes à un taux de suicide cinq fois plus élevé, avec un maximum constaté juste après l’annonce du diagnostic quel qu'il soit, que ce soit une lésion détecté ou un "vrai" cancer clinique. L'annonce multiplie par 12 le risque de décès par accident cardio-vasculaire.

On (re)-parle des biopsies liquides

Un article de La Croix nous annonce, comme d'autres médias récemment (Futura Science, Tops Santé etc..), un test sanguin consistant à détecter de l'ADN tumoral circulant dans le sang et permettant ainsi de détecter 50 types de cancers.

Mais, comme expliqué plus haut, détecter précocement des cancers ne signifie pas les guérir automatiquement et ne protège pas des faux positifs ni des détections inutile.

C'est la préoccupation exprimée par Gilbert Welsch et Barnett Kramer, dans un article, édité dans la revue STAT.
G.Welsch est interniste généraliste, chercheur principal au Center for Surgery and Public Health du Brigham and Women's Hospital de Boston.
Barnett Kramer est oncologue, membre de la Fondation Lisa Schwartz pour la vérité en médecine, et ancien directeur de la division de la prévention du cancer de l'Institut national du cancer américain.

Que sont les biopsies liquides ?

La biopsie liquide permet de détecter les cellules tumorales circulantes détachées d'une tumeur primaire voire de métastases et véhiculées dans le système vasculaire, ainsi que l'ADN circulant de ces cellules circulantes tumorales. L'espoir étant de pouvoir déceler un cancer avant son expression.

Il faut remonter en 2015 aux Etats-Unis, lorsque les membres du Congrès présentaient un projet de loi obligeant l'assurance-maladie américaine (Medicare) à couvrir un test de dépistage du cancer coûteux, proposé à toute la population, mais pour lequel jusqu'à présent il n'y a aucune preuve scientifique que ce procédé sauve réellement des vies. 
L'American Cancer Society, organisation à but non lucratif américaine créée en 1913 pour lutter contre le cancer et très en faveur des dépistages, approuvait le projet en arguant que ce test coûteux et non probant résoudrait les disparités en matière de santé.

Les deux auteurs américains posent alors deux question fondamentales :
Les biopsies liquides fonctionnent-elles comme annoncé ?
Si les biopsies liquides sont efficaces, le sont-elles suffisamment pour que cela en vaille la peine ?

Finalement une troisième émerge : qu'en est-il de la réduction des disparités que l'American Cancer Society met en avant ?

Les biopsies liquides fonctionnent-elles comme annoncé ?

On affirme, disent les auteurs, comme un mantra répété régulièrement en boucle par des spécialistes leaders d'opinion et des médias peu soucieux de controverse, que 90 % des cancers dépistés très tôt guérissent. Ce n'est pas pour autant la preuve que le dépistage sauve la vie...

Que signifie la notion de "survie à 5 ans"?

Le "90% de survie à cinq ans" pour les cancers, c'est vrai, mais seulement pour les cancers de très bon pronostic et ceux qui n'auraient jamais dû être découverts et n'auraient jamais rendu malades. Pour un cancer qui n'aurait jamais tué son hôte, c'est bien normal que l'hôte soit en vie à 5 ans. C'est vrai aussi que les cancers de bon pronostic occasionnent une meilleure survie que ceux de mauvais pronostic et métastatiques, mais la vraie question est : le dépistage est-il apte à découvrir en temps et en heure ces derniers, ceux-là même qu'il nous faudrait rattraper, parce qu'ils tuent ? Et c'est là où le bât blesse (voir réf 1)...

Premièrement disent Welsch et Kramer", la détection précoce de certains cancers pourrait ne pas être possible. Malgré quatre décennies de dépistage par mammographie, par exemple, l'incidence du cancer du sein métastatique demeure pratiquement inchangée . Les cancers très agressifs se sont souvent propagés au moment où ils deviennent détectables."
En effet, les cancers agressifs et métastatiques ne découlent pas de cancers plus petits, ou de plus bas grade ; ce sont des lésions qui sont d'emblée agressives et à composante moléculaire telle qu'ils ont déjà métastasé dans l'organisme, même lorsqu'on parvient à les détecter, ils sont volumineux au moment du diagnostic parce que très véloces. L'étude de Lanning explique très bien la mécanique des cancers.

Deuxièmement, bien qu'une détection plus précoce de certains cancers potentiellement agressifs soit possible, un traitement précoce peut ne pas modifier le moment du décès. Les statistiques de survie cachent cette possibilité."
C'est ce qu'on appelle le biais d'avance au diagnostic, qui est expliqué en détails ici.
La détection avance la "date de naissance" du cancer, et avantage ainsi les statistiques de survie, mais n'a aucune incidence sur la longévité des personnes. C'est une illusion d'optique.

Et troisièmement, les statistiques de survie sont gonflées par le surdiagnostic, c'est à dire la détection inutile de lésions qui n'auraient jamais tué.
Selon PrWelsch " des statistiques de survie élevées peuvent en fait indiquer un problème. La survie à 5 ans de 90 % pour les cancers à un stade précoce, par exemple, comprend de nombreux cancers détectés par des tests sanguins, comme le cancer de la prostate et le test PSA, ou par l'imagerie, comme le cancer du sein et la mammographie, qui n'étaient pas destinés à évoluer et à devenir un cancer à un stade avancé, ou à causer la mort. Le surdiagnostic – courant dans les cancers de la peau du sein, de la prostate, de la thyroïde et du mélanome – gonfle considérablement les taux de survie. Une survie plus élevée due au surdiagnostic n'est pas un avantage, mais un mal, avec plus de personnes diagnostiquées et traitées pour des «cancers» qui n'auraient jamais causé de problèmes."

Si les biopsies liquides sont efficaces, le sont-elles suffisamment pour que cela en vaille la peine ?

Nous citons ci-dessous ce que les deux scientifiques écrivent :
"Même si une intervention médicale est efficace, il est important d'évaluer également ses effets secondaires. L'aspirine, par exemple, est efficace pour prévenir les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, mais pas suffisamment dans la population générale pour justifier les inconvénients qui lui sont associés, comme les hémorragies cérébrales et intestinales.
Les biopsies liquides auront leurs propres inconvénients involontaires : davantage de tests, davantage de traitements et les problèmes psychologiques et physiques qui en découlent. Certaines personnes se verront dire qu'elles ont un "signal de cancer" - ce qui déclenchera la peur et des tests supplémentaires - pour apprendre plus tard qu'il s'agissait d'une fausse alerte. D'autres seront surdiagnostiquées et traitées pour des cancers qui, autrement, ne les auraient jamais inquiétées. Certains seront affectés par le traitement ; quelques-uns pourraient même en mourir.
D'autres encore se verront découvrir des cancers conséquents plus tôt qu'ils ne les auraient trouvés sans la biopsie liquide, sans pour autant vivre plus longtemps. Ils seront soumis à la toxicité des thérapies anticancéreuses plus tôt, à un moment où ils n'auraient autrement aucun symptôme. Ces effets secondaires existent dans tous les programmes de dépistage du cancer. Mais le dépistage multicancer par biopsie liquide en présente un qui lui est propre : S'il peut être évident qu'une personne a un cancer, on ne sait pas toujours où se trouve ce cancer. Imaginez que l'on vous dise que vous avez un cancer, mais que personne ne sache de quel type il s'agit.
À ce jour, personne ne connaît la fréquence de ces effets secondaires, car ces tests n'ont pas fait l'objet d'études rigoureuses. Mais un mauvais test est aussi mauvais qu'un mauvais médicament. C'est une autre raison pour laquelle un essai randomisé est nécessaire - pas seulement pour savoir si les biopsies liquides apportent un bénéfice, mais aussi pour savoir à quelle fréquence elles causent des dommages.
Il y a une chose que nous savons à propos du dépistage par biopsie liquide : il coûtera très cher."

Un des tests, le test Galleri par exemple, coûte 949 dollars. S'il  est recommandé chaque année aux personnes de 50 ans et plus, calcule G.Welsch, avec 100 millions d'Américains dans cette tranche d'âge, cela représentera selon lui environ 100 milliards de dollars par an.
S'ajoutera à cela tous les examens complémentaires et autres tests qui vont en découler pour rechercher et confirmer le cancer que la biopsie liquide laisse suspecter, et des consultations médicales démultipliées.

Car si cellules tumorales baladeuses il y a, il faut encore le retrouver, ce cancer.

Réduction des disparités ?

Là aussi les deux chercheurs sont très dubitatifs...
"Ceux qui veulent s'attaquer aux principaux facteurs de disparités en matière de santé devraient moins se préoccuper de la population couverte par l'assurance-maladie et davantage des personnes de moins de 65 ans, en particulier là où les disparités commencent vraiment : chez les jeunes adultes et les enfants. Et ils devraient moins se préoccuper des interventions médicales telles que le dépistage du cancer et davantage des véritables déterminants de la santé, comme l'alimentation, le logement et la sécurité des revenus.
Les effets de la pauvreté sur la santé n'ont pas été réglés par l'augmentation du nombre de mammographies et de coloscopies, et ils ne le seront pas par les biopsies liquides."

Dans un autre article publié dans le Boston Globe, G.Welsch cite l'exemple du test Galleri, qui a évité le processus d'approbation de la FDA (Food and Drug Administration ; c'est l'administration américaine pour denrées alimentaires et les médicaments, qui a pour mission de vérifier et d'autoriser la commercialisation des médicaments), grâce à une dérogation.
Galleri est vendu ainsi directement aux consommateurs au prix de 949 dollars par personne.
"La société qui vend Galleri", explique G.Welsch,"recommande aux gens de faire le test une fois par an. Faisons le calcul. Sachant qu'il y a environ 60 millions de bénéficiaires de Medicare, cela représenterait environ 60 milliards de dollars par an. Cela représenterait une augmentation de 7 % des dépenses totales de Medicare ¬- à répercuter sur les contribuables et/ou les bénéficiaires de Medicare sous la forme de primes plus élevées.
Tout cela pour un seul test. Et personne ne sait si ce test aide les gens à vivre plus longtemps ou à vivre mieux."

Que faudrait-il faire ?

Pour G.Welsch, il n'y a qu'un moyen d'éprouver les biopsies liquides sur leur efficacité dans la détection précoce des cancers, et cela passe par la réalisation d'un essai randomisé dans lequel les participants seraient divisés en deux groupes. L'un subit un dépistage régulier, l'autre non. Les participants sont ensuite suivis pendant une dizaine d'années ; on comptant le nombre de décès dans chaque groupe. Les essais comparatifs randomisés correspondent au "gold standard" des études scientifiques, il s'agit d'une méthode éprouvée. Le National Health Service (NHS) d'Angleterre recrute actuellement 140 000 personnes pour un tel essai. Le résultat le plus pertinent à mesurer serait le nombre de décès dans chaque groupe.

L'Institut national du cancer américain est en train de planifier un essai randomisé de dépistage par biopsie liquide. Ironiquement dit G.Welsch dans le Boston Globe, l'adoption précipitée de la couverture médicale pour ces tests par Medicare entraverait cet essai, "en raison d'une dynamique que nous avons déjà observée. Dans les années 1990, de nombreux médecins et patients croyaient qu'une greffe de sa propre moelle osseuse était un traitement efficace du cancer du sein métastatique. La presse s'est focalisée sur les jeunes femmes qui mouraient d'un cancer agressif sans avoir accès à cette procédure "salvatrice"....." La présomption de bénéfice était si forte que les chercheurs ont eu beaucoup de mal à trouver des volontaires pour participer à des études visant à déterminer si la procédure fonctionnait. Tout le monde supposait déjà que c'était le cas. Mais ce n'était pas le cas."
...."les essais randomisés ont finalement démontré que les greffes de moelle osseuse n'aidaient pas les femmes à vivre plus longtemps. Et elles ne vivaient certainement pas mieux. Des dizaines de milliers de femmes ont été soumises à une procédure ardue, souvent compliquée par l'anémie, l'infection et la diarrhée. Et certaines en sont mortes."

Il ne faut donc pas mettre la charrue avant les boeufs, il est urgent...d'attendre, le chercheur implore en fin d'article le Congrès de laisser le National Cancer Institute américain et le groupe de travail US Preventive Services Task Force faire leur travail de vérification scientifique. (USPSTF : groupe missionné pour examiner les preuves et pour formuler des recommandations sur les dispositifs de prévention).

Références

[1] Non réduction des cancers métastatiques depuis les dépistages, pour le cancer du sein et celui de la prostate :

Autier P, Boniol M, Koechlin A, Pizot C, Boniol M. Effective- ness of and overdiagnosis from mammography screening in the Netherlands: population based study. BMJ 2017;359:j5224.

Autier P, Boniol M, Middleton R, Dore JF, Hery C, Zheng T, et al. Advanced breast cancer incidence following population- based mammographic screening. Ann Oncol 2011;22(8): 1726e35.

Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med 2012; 367(21):1998e2005.

De Glas NA, de Craen AJ, Bastiaannet E, Op ’t Land EG, Kiderlen M, van de Water W, et al. Effect of implementation of the mass breast cancer screening programme in older women in The Netherlands: population based study. Bmj 2014;349:g5410.

Autier P, Boniol M. The incidence of advanced breast cancer in the West Midlands, United Kingdom. Eur J Cancer Prev 2012; 21(3):217e21.

Nederend J, Duijm LE, Voogd AC, Groenewoud JH, Jansen FH, Louwman MW. Trends in incidence and detection of advanced breast cancer at biennial screening mammography in The Netherlands: a population based study. Breast Cancer Res 2012;14(1):R10.

Lousdal ML, Kristiansen IS, Moller B, Stovring H. Trends in breast cancer stage distribution before, during and after intro- duction of a screening programme in Norway. Eur J Public Health 2014;24(6):1017e22.

Johnson RH, Chien FL, Bleyer A. Incidence of breast cancer with distant Involvement among women in the United States, 1976 to 2009. JAm Med Assoc 2013;309(8):800e5.

Esserman L, Shieh Y, Thompson I. Rethinking screening for breast cancer and prostate cancer. Jama 2009;302(15):1685e92. [53] Jorgensen K, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl P. Breast cancer screening in Denmark: a cohort study of tumor size and over-diagnosis. Ann Intern Med 2017 Mar 7;166(5):313e23.

Welch HG, Gorski DH, Albertsen PC. Trends in metastatic breast and prostate cancer dlessons in cancer dynamics. N. Engl JMed 2015;373(18):1685e7.

Di Meglio A, Freedman RA, Lin NU, Barry WT, Metzger-Filho O, Keating NL, et al. Time trends in incidence rates and survival of newly diagnosed stage IV breast cancer by tumor histology: a population-based analysis. Breast Cancer Res Treat 2016;157(3):587e96.

Comment exactement fonctionnent les biopsies liquides (explication détaillée)

Voici des extraits d'un article rédigé par Colin Pritchard, professeur d'anatomie pathologique à School of Medicine, Université de Washington
"A blood test that screens for multiple cancers at once promises to boost early detection"-Publié: 31 octobre 2022, 13:35 CET

"Cette année, le président Joe Biden a fait du développement des tests MCED (multiple cancers early detection ; test sanguin de détection précoce multi-cancers) une priorité du Cancer Moonshot, une initiative fédérale de 1,8 milliard de dollars visant à réduire le taux de mortalité par cancer et à améliorer la qualité de vie des survivants et des personnes vivant avec le cancer."
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"Comment fonctionnent les tests MCED ?
Toutes les cellules de l'organisme, y compris les cellules tumorales, libèrent de l'ADN dans la circulation sanguine lorsqu'elles meurent. Les tests MCED recherchent les traces d'ADN tumoral dans la circulation sanguine. Cet ADN "acellulaire" circulant contient des informations sur le type de tissu dont il provient et sur son caractère normal ou cancéreux.
Les tests visant à rechercher l'ADN tumoral circulant dans le sang ne sont pas nouveaux. Ces biopsies liquides - une façon élégante de désigner les tests sanguins - sont déjà largement utilisées pour les patients atteints d'un cancer à un stade avancé. Les médecins utilisent ces tests sanguins pour rechercher des mutations dans l'ADN tumoral qui permettent d'orienter le traitement. Comme les patients atteints d'un cancer à un stade avancé ont tendance à avoir une grande quantité d'ADN tumoral en circulation dans le sang, il est relativement facile de détecter la présence de ces changements génétiques.
Les tests MCED sont différents des biopsies liquides actuelles car ils tentent de détecter un cancer à un stade précoce, lorsque les cellules tumorales ne sont pas encore très nombreuses. La détection de ces cellules cancéreuses peut s'avérer difficile à un stade précoce car les cellules non cancéreuses excrètent également de l'ADN dans la circulation sanguine. Comme la majeure partie de l'ADN circulant dans le sang provient de cellules non cancéreuses, détecter la présence de quelques molécules d'ADN cancéreux revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

Pour rendre les choses encore plus difficiles, les cellules sanguines perdent naturellement de l'ADN anormal avec le vieillissement, et ces brins peuvent être confondus avec de l'ADN cancéreux en circulation. Ce phénomène, connu sous le nom d'hématopoïèse clonale, a déconcerté les premières tentatives de développement de tests MCED, avec un trop grand nombre de résultats faussement positifs.

Heureusement, les tests plus récents sont capables d'éviter les interférences des cellules sanguines en se concentrant sur un type de "code-barres moléculaire" intégré à l'ADN cancéreux qui identifie le tissu d'où il provient. Ces codes-barres sont le résultat de la méthylation de l'ADN, des modifications naturelles de la surface de l'ADN qui varient selon le type de tissu de l'organisme. Par exemple, le tissu pulmonaire présente un schéma de méthylation de l'ADN différent de celui du tissu mammaire.
En outre, les cellules cancéreuses présentent des profils de méthylation de l'ADN anormaux qui sont corrélés au type de cancer. En répertoriant les différents schémas de méthylation de l'ADN, les tests MCED peuvent se concentrer sur les sections d'ADN qui distinguent les tissus cancéreux des tissus normaux et localiser le site d'origine du cancer."
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". Aucun test MCED n'est actuellement approuvé par la FDA ou recommandé par les sociétés médicales."
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"En 2021, la société de biotechnologie GRAIL a lancé le premier test MCED disponible dans le commerce aux États-Unis. Son test Galleri prétend pouvoir détecter plus de 50 types de cancers différents. Au moins deux autres sociétés américaines, Exact Sciences et Freenome, et une société chinoise, Singlera Genomics, ont des tests en cours de développement. Certains de ces tests utilisent différentes méthodes de détection du cancer en plus de l'ADN tumoral circulant, comme la recherche de protéines associées au cancer dans le sang. Les tests MCED ne sont généralement pas encore couverts par les assurances. Le prix du test Galleri de GRAIL est actuellement de 949 dollars, et la société propose un plan de paiement pour les personnes qui doivent payer de leur poche."
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" Il faudra de nombreuses années pour déterminer comment les tests MCED doivent être mis en œuvre en clinique. Les chercheurs et les cliniciens commencent tout juste à se pencher sur la question de savoir qui doit être testé, à quel âge, et comment les antécédents médicaux et familiaux doivent être pris en compte. Il est tout aussi important de définir des lignes directrices sur la manière dont les médecins évalueront les résultats positifs du test MCED.

On craint également que les tests MCED n'entraînent des surdiagnostics de cancers asymptomatiques à faible risque qu'il vaut mieux ne pas détecter. Cela s'est produit avec le dépistage du cancer de la prostate. Auparavant, les directives recommandaient que tous les hommes âgés de 55 à 69 ans passent régulièrement des tests sanguins pour déterminer leur taux de PSA, une protéine produite par le tissu prostatique cancéreux et non cancéreux. Mais aujourd'hui, la recommandation est plus nuancée, le dépistage étant suggéré sur une base individuelle qui tient compte des préférences personnelles.

Une autre préoccupation est que les tests supplémentaires pour confirmer les résultats positifs de l'ECDM seront coûteux et constitueront une charge pour le système médical, en particulier si un scanner du corps entier est nécessaire. Le coût d'une IRM, par exemple, peut s'élever à plusieurs milliers de dollars. Les patients qui obtiennent un résultat positif au test MCED mais qui ne sont pas en mesure de confirmer la présence d'un cancer après une imagerie approfondie et d'autres tests de suivi peuvent développer une anxiété permanente à l'idée d'un diagnostic potentiellement manqué et continuer à passer des tests coûteux à la recherche infructueuse d'une tumeur."

Article de Brenna Miller, Lown Institute

Pour terminer nous vous proposons le  résumé en français des faits, rédigé par Brenna Miller, spécialiste de la communication en matière de santé à l'Institut Lown. Elle est titulaire d'une maîtrise en santé publique de la faculté de médecine de l'université Tufts.

Le Lown Institute est "groupe de réflexion non partisan qui défend des idées audacieuses pour un système de santé juste et attentionné."

L'auteure fait référence à la société Theranos, qui était une entreprise américaine dans le domaine des technologies de la santé, censée développer les premiers tests de biopsies liquides, mais sans évaluation indépendante ni publication scientifique, et dont les dirigeants ont été inculpés finalement en 2018 pour fraude massive.

Medicare doit-il couvrir les tests sanguins pour le dépistage du cancer ?

Par Brenna Miller | 5 juillet 2022

Le Congrès envisage d'adopter la loi sur la couverture du dépistage précoce des cancers multiples par Medicare, qui obligerait Medicare à payer les tests de dépistage précoce des cancers multiples. Détecter le cancer à un stade précoce par des tests sanguins avant que le cancer ne se soit propagé semble raisonnable - mais les experts en surconsommation avertissent que l'adoption de cette nouvelle technologie sans réflexion approfondie pourrait en fait faire plus de mal que de bien. Alors que certains défenseurs des patients ont plaidé auprès du Congrès pour qu'il approuve la couverture par Medicare, il convient d'examiner les inconvénients potentiels de ces tests de dépistage multicancer.

Les promesses des tests sanguins

La plupart des Américains connaissent maintenant Elizabeth Holmes et sa société Theranos, qui a échoué. Cette société avait promis qu'avec une petite goutte de sang, elle pourrait tester et diagnostiquer un grand nombre de maladies. Ce n'était qu'un mensonge. Il a été révélé des années plus tard, provoquant un scandale national et endommageant au passage la vie de patients confiants. 

D'autres entreprises tentent toujours de faire ce que Theranos n'a pas pu faire : développer un moyen d'analyser le sang pour un éventail de maladies allant des anomalies génétiques au cancer. Il existe plusieurs façons d'aborder cette mission, qu'il s'agisse de dépister des antigènes apparentés ou de compter les cellules sanguines.
Les tests de dépistage multicancer, parfois appelés biopsies liquides, sont de plus en plus populaires. Ces tests de dépistage utilisent une petite quantité de sang pour rechercher des marqueurs pour une variété de cancers. Actuellement, la FDA a approuvé ces tests pour les personnes atteintes d'un cancer avancé de l'ovaire, du poumon, du sein ou de la prostate, afin de détecter la récidive du cancer et de guider la thérapie. Les entreprises qui cherchent à étendre l'utilisation du dépistage - et à augmenter leurs profits - font pression pour une adoption plus large des tests de dépistage sanguins. Est-ce une bonne idée ?

L'équilibre délicat entre détection précoce et surconsommation

Notre corps présente des anomalies en permanence. Nos cellules se divisent et meurent constamment au fur et à mesure que nous évoluons avec l'âge. La reproduction cellulaire comporte inévitablement des erreurs et des cellules cancéreuses se développent - mais dans un corps humain sain, d'autres cellules impliquées dans le système immunitaire se chargent rapidement des cellules cancéreuses sans que l'homme s'en aperçoive. Parfois, elles ne le font pas, bien sûr, et les cellules cancéreuses se multiplient en tumeurs bénignes ou malignes. C'est là qu'apparaît la frontière ténue entre détection précoce et surconsommation. Supposons qu'un patient se rende à un rendez-vous de contrôle, qu'on lui propose un test de dépistage et que son analyse de sang révèle une anomalie, mais que celle-ci n'est pas définitive. Le patient ne présente aucun symptôme et n'aurait pas su que quelque chose était anormal s'il n'avait pas passé le test de dépistage. Un bon médecin examinerait le patient et l'encouragerait probablement à passer d'autres tests pour tenter de préciser le diagnostic et le pronostic. Le patient passe un autre test ; là encore, il n'est pas définitif. Il a déjà dépensé du temps et de l'argent pour deux tests qui n'ont ni renseigné ni amélioré sa santé. Il peut continuer à faire des tests et des procédures pour trouver la source du problème, ou il peut arrêter. La sagesse de la décision dépend de la question de savoir s'il y a vraiment quelque chose de nocif dans son corps. Le stress lié à son état de santé inconnu est maintenant profondément ancré dans son esprit.

Ces tests ont-ils aidé le patient ? La réponse n'est pas claire, et nous ne pourrons pas prendre de recul et examiner avec précision cette question d'un point de vue systémique avant de voir les résultats des essais contrôlés randomisés actuellement en cours.


Les profits avant tout

Les tests médicaux sont une activité lucrative et coûteuse. Si nous envisageons de financer les tests de dépistage sanguin par le biais de Medicare, nous devons prendre en compte les coûts et les avantages de ce choix. Susanna Quinn, qui a survécu à un cancer de l'ovaire, a récemment publié un article dans le Daily Beast dans lequel elle exhorte le Congrès à signer la loi sur la couverture du dépistage précoce des cancers multiples par Medicare. Elle soutient que les tests de dépistage sont une nécessité, en s'appuyant sur son expérience personnelle pour résoudre l'agonie que représente le fait de subir un traitement contre le cancer et d'y survivre.

Si l'histoire de Quinn est émouvante, il est important de considérer son article dans le contexte de ses conflits financiers potentiels. Quinn siège au conseil d'administration de la Prevent Cancer Foundation, une organisation à but non lucratif dédiée à la détection précoce qui reçoit des financements importants de la part de sociétés pharmaceutiques et de fabricants d'appareils médicaux - dont plus d'un million de dollars de la part d'Amgen, Astrazeneca, Genentech, Gilead, Merck et Pfizer en 2020.

Si Medicare commence à payer le dépistage universel, ces investissements seront largement rentabilisés par l'argent du contribuable. Ce n'est pas que ces efforts ne soient pas de bonne foi, mais il existe des intérêts financiers particuliers qui poussent au dépistage précoce pour tous.
H. Gilbert Welch, médecin universitaire et chercheur en cancérologie, a fait part de ses préoccupations dans une tribune publiée dans Stat News.
"La seule chose qui est claire pour moi, c'est que cela va coûter très cher. C'est une autre chose sur laquelle les entreprises et leurs investisseurs misent. Le test Galleri coûte 949 dollars et est recommandé chaque année aux personnes de 50 ans et plus. Avec 100 millions d'Américains dans cette tranche d'âge, cela représente environ 100 milliards de dollars par an, soit 15 fois le budget des Centers for Disease Control and Prevention. Et c'est sans compter le coût de tous les tests et traitements ultérieurs qui suivront invariablement. "H. Gilbert Welch, STAT News-

La détection précoce peut sauver des vies. Le problème potentiel des tests sanguins préventifs « tout en un » est qu'ils "diagnostiquent" la variabilité du corps humain. Les événements en cascade (examens multiples occasionnés à la suite d'une détection, NDLR) sont bien documentés dans le domaine médical et constituent une menace importante pour ceux qui utilisent les tests sanguins de dépistage du cancer. Les soins préventifs relèvent de la santé publique, mais ils doivent être mis en balance avec le serment de ne pas nuire. La ligne étroite entre la détection précoce et la surconsommation est difficile à tracer.


Le syndrome de Damoclès

Les tests sanguins qui détectent les cancers créent des risques pour ceux qui les utilisent

Blood Tests That Detect Cancers Create Risks for Those Who Use Them
The New York Times, Par Gina Kolata le 10 juin 2022

Témoignages

L'article restitue des témoignages que nous vous citons, traduits, et qui mettent en exergue ce que ces tests peuvent apporter comme bénéfices aux patients, mais aussi les risques auxquels ils exposent, surtout si, comme c'est le cas actuellement, les entreprises n'attendent pas le feu vert des législateurs, courcircuitent les autorisations et vendent les tests directement aux consommateurs.

"Jim Ford se considère comme un homme chanceux : Un test sanguin expérimental a permis de détecter son cancer du pancréas à un stade précoce. Ce cancer, qui compte parmi les plus mortels de tous les cancers courants, est trop souvent découvert trop tard.
Après des scanners, une biopsie et une intervention chirurgicale, puis une chimiothérapie et des rayons, M. Ford, 77 ans, qui vit à Sacramento, n'a plus de cancer détectable.
"Comme l'a dit mon médecin, j'ai gagné à la loterie", a-t-il déclaré."

Le syndrome de Damoclès

Mais d'autres témoignages et des réserves moins enthousiastes existent :

"Lorsque Susan Iorio Bell, 73 ans, une infirmière qui vit à Forty Fort, en Pennsylvanie, a vu une annonce sur Facebook recrutant des femmes de son âge pour une étude sur un test sanguin de dépistage des cancers, elle s'est immédiatement inscrite. Cela correspondait à son engagement en faveur de la médecine préventive et à sa croyance dans les essais cliniques. L'étude portait sur un test, qui appartient maintenant à Exact Sciences, et concernait des femmes patientes de Geisinger, grand réseau de soins de santé. Le test recherche les protéines et l'ADN excrétés par les tumeurs. Les résultats de Mme Bell étaient troublants : l'alpha-foetoprotéine était présente dans son sang, ce qui peut signaler un cancer du foie ou de l'ovaire. Elle était inquiète - son père avait eu un cancer du côlon et sa mère un cancer du sein. Mme Bell a vécu ce qui se passe lorsque les patients reçoivent un pronostic sombre. "Tout d'un coup, votre vie peut être changée du jour au lendemain", a-t-elle dit. Mais un PET scan et une IRM abdominale n'ont pas permis de trouver une tumeur. Le résultat du test est-il un faux positif, ou a-t-elle une tumeur trop petite pour être vue ? Pour l'instant, il est impossible de le savoir. Tout ce que Mme Bell peut faire est d'avoir des dépistages réguliers du cancer et une surveillance de sa fonction hépatique. "Je vis au jour le jour", dit-elle. "Je suis une personne croyante et je crois que Dieu a un plan pour moi. Que ce soit bon ou mauvais, c'est sa volonté."
Selon certains spécialistes du cancer, l'expérience de Mme Bell illustre un problème lié aux tests sanguins. La situation ne peut concerner qu'un petit pourcentage de personnes, car la plupart des personnes testées se verront dire que leur test n'a pas détecté de cancer. Parmi ceux dont les tests détectent un cancer, des scanners ou des biopsies peuvent souvent le localiser.
Mais le Dr Susan Domchek, chercheuse sur le cancer du sein à l'université de Pennsylvanie, a prévenu que lorsqu'un grand nombre de personnes se font tester, les faux positifs deviennent 'un vrai problème', ajoutant, 'nous devons savoir quoi faire de ces résultats et ce qu'ils signifient'."
"Le Dr Daniel Hayes, chercheur sur le cancer du sein à l'Université du Michigan, qualifie la situation de syndrome de Damoclès : "Vous avez cette chose au-dessus de votre tête, mais vous ne savez pas quoi que faire à ce sujet"."

Donald Berry, statisticien au MD Anderson Cancer Center de Houston, fait part de son expérience et de ses doutes. Lorsque GRAIL a été créé, ses dirigeants l'ont invité à faire partie de son conseil consultatif scientifique.
"Ils ont dit qu'ils avaient besoin d'un sceptique", a déclaré le Dr Berry. "Je leur ai dit que j'étais un sceptique et que j'étais plutôt négatif.
Je leur ai dit qu'il y avait un véritable obstacle : ils devront mener des essais cliniques de très grande envergure et le critère d'évaluation devra être la survie. Ils doivent montrer que la détection précoce du cancer est plus qu'une simple détection précoce du cancer. Il faut que cela signifie quelque chose".
Quelques années plus tard, la société a restructuré son conseil consultatif scientifique pour y inclure de nombreux nouveaux experts, et le Dr Berry n'en fait plus partie. Il ne sait pas exactement pourquoi.
En étant généreux, je dirais qu'ils n'avaient plus besoin de mon expertise", a déclaré le Dr Berry. "En étant réaliste, ils en ont eu assez d'entendre mes plaintes selon lesquelles la détection précoce du cancer n'était pas suffisante".

Motifs de réticences

Les questions difficiles que Donald Berry posait concernaient le surdiagnostic :
"la découverte de petites tumeurs qui n'auraient jamais été découvertes et qui n'ont peut-être causé aucun problème. Certains cancers ne se développent tout simplement pas ou sont éliminés par le système immunitaire de l'organisme. Mais sans savoir si le cancer est dangereux, il sera traité comme s'il l'était, soumettant les gens à des thérapies souvent difficiles ou débilitantes et parfois inutiles."

Un autre enjeu est l'efficacité de détection de ces tests, notamment pour les cancers les plus agressifs, selon le Dr Kramer, oncologue, membre de la Fondation Lisa Schwartz pour la vérité en médecine, et ancien directeur de la division de la prévention du cancer de l'Institut national du cancer américain.
"Nous allons plonger de plus en plus profondément dans l'iceberg de la maladie en trouvant des lésions qui ressemblent à un cancer pour le pathologiste mais qui n'ont peut-être pas du tout la même histoire naturelle. Il se peut même qu'il ne soit pas possible de trouver les cancers les plus agressifs suffisamment tôt pour les guérir, a ajouté le Dr Kramer. Les tumeurs qui excrètent le plus d'ADN et de protéines dans le sang sont les plus grosses tumeurs."

L'article conclut avec l'avis du Dr Berry, statisticien sus-cité :
"Le Dr Berry n'est pas rassuré pour autant et craint que la foi du public dans le dépistage précoce, qui, selon lui, "est comme une religion", ne l'emporte, même en l'absence de preuves solides. Les risques, nous les connaissons", a-t-il ajouté. "Les bénéfices sont très incertains"."

"Une étude définitive pour déterminer si les tests préviennent les décès par cancer devrait impliquer plus d'un million d'adultes en bonne santé répartis de manière aléatoire qui subiront ou non un test sanguin annuel de dépistage du cancer." Explique l'article." Les résultats prendraient une décennie ou plus."

Le public, les médias, les entreprises commercialisant les tests auront-ils la patience d'attendre ?

Point de vue de V.Prasad, à propos de l'article de Colin Pritchard sur les biopsies liquides pour détecter plusieurs cancers en même temps.

Le 31 octobre 2022, Vinay Prasad, hématologue-oncologue et chercheur en santé américain, professeur d'épidémiologie et de biostatistique à l'Université de Californie à San Francisco, réagit à l'article de Colin Pritchard concernant la détection de plusieurs cancers simultanément par biopsie liquide.

Il écrit :
"Voici pourquoi un "test sanguin de dépistage de multiples cancers" a toutes les chances d'échouer. Il y a 3 types de cancers que vous pouvez trouver lors d'un dépistage :

1. Le cancer qui vous tuera quoi qu'il arrive.
2. Le cancer qui vous tuera, à moins que vous ne l'éliminiez (ce que vous voulez trouver).
3. Le cancer qui ne vous causera aucun problème.

À ce jour, il n'existe aucun test moléculaire, pathologique, histologique ou omique qui permet de distinguer ces trois types de cancer. Le dépistage sanguin du cancer pourrait trouver le n° 2, mais probablement beaucoup de n° 1 et de n° 3. Voici la partie difficile : vous êtes souvent plus mal loti si vous trouvez le n° 1 et le n° 3.

Vous êtes opéré pour retirer votre organe primaire, mais le cancer n° 1 s'est déjà propagé à la moelle épinière, et cette localisation ainsi que d'autres métastases entraîneront la mort. Vous serez juste un patient pendant plusieurs années.

Le type 3 est plus intuitif. Quel est l'intérêt de passer sous le scalpel pour enlever le type  n°3. - il n'allait pas vous causer de problèmes de toute façon.
Parfois, rarement, quelqu'un a une complication pendant une procédure effectuée pour le n°3. Cela peut être dévastateur, et annuler les bénéfices obtenus pour 2 autres personnes.

Mais le dépistage basé sur l'analyse du sang présente un plus gros problème.

Si le test est ++, vous ne savez pas opérer. Vous devez utiliser des scanners et de l'imagerie pour trouver l'endroit à opérer. Vous pouvez ne pas le trouver ! Ou pire, vous pouvez opérer au mauvais endroit !

Il se peut que vous ayez trouvé un cancer n° 2, mais que la lésion la plus importante soit un cancer n° 3 et que vous l'éliminiez par erreur. Personne n'en a la moindre idée.

Les vies ne sont allongées que lorsque nous enlevons des cancers n° 2 (qui vous auraient tué, mais plus maintenant que vous l'avez enlevé). Ce test n'a aucun moyen de localiser ces tumeurs.

La seule façon de juger de l’efficacité d’un test de  dépistage sanguin des cancers est donc de procéder à des essais cliniques randomisés portant sur la mortalité toutes causes confondues. Cela prendra 3 à 5 ans (avec une taille d'échantillon importante), et si je devais parier, je parierais contre ces tests.

Les êtres humains ont encore une compréhension primitive du corps ; nous ne savons pas ce qui distingue les cancers 1, 2 et 3, malgré une avalanche de tests moléculaires. C'est le cœur du problème de tous les tests de dépistage."

Article avec V.Prasad en co-auteur, avril 2022
"Tests de dépistage multicancers : Communiquer sur les risques doit rester une priorité"

https://www.amjmed.com/article/S0002-9343(21)00653-7/fulltext

Olivier T 1, Gill J 2, Prasad V. 2 Multi-Cancer Screening Tests: Communicating About Risks Should be Prioritized. Am J Med. 2022 Apr;135(4):413-415.
doi: 10.1016/j.amjmed.2021.09.012. Epub 2021 Oct 14. Erratum in: Am J Med. 2022 May 24;: PMID: 34655543.

  • 1 Department of Oncology, Geneva University Hospital, Switzerland. Electronic address: timothee.olivier@hcuge.ch.
  • 2Department of Epidemiology and Biostatistics, University of California San Francisco, Calif.

En juin 2021, Klein et ses collègues 1 ont rapporté les résultats d'une étude prospective, cas-témoin et observationnelle sur la validité clinique d'un test de détection précoce multicancer (MCED) développé par GRAIL, Inc. Basé sur une prise de sang fournissant de l'ADN (acide désoxyribonucléique) exempte de toute cellule et sur l'interprétation de celui-ci par machine learning, ce test a été développé dans le but de permettre la détection d'un plus grand nombre de cancers lors du dépistage de la population. Les auteurs ont rapporté une spécificité de 99,5% pour la détection des signaux de cancer et une sensibilité globale de 51,5%. Ils ont conclu que le test MCED fait preuve d'une spécificité et d'une précision élevées et que "ces résultats soutiennent la faisabilité de ce test MCED sanguin en complément des tests de dépistage monocancer existants." L'étude a montré que le test MCED réussissait à identifier efficacement le cancer, mais ces résultats méritent-ils l'adoption d'un vaste programme de dépistage du cancer ?

Le dépistage du cancer repose sur un postulat largement adopté, selon lequel une détection précoce est préférable. La détection et l'ablation d'une lésion qui n'aurait pas eu d'effet préjudiciable sur la vie d'un patient ne présentent aucun avantage pour le patient et constituent des exemples de surdiagnostic et de surtraitement, respectivement. Le taux élevé de lésions malignes récemment découvertes dans les rapports d'autopsie et qui n'ont pas contribué à la cause du décès devrait nous amener à nous interroger :: "Ces lésions pathologiques sont-elles de 'vrais' cancers ?". Certains ont préconisé l'utilisation du terme "lésion indolente d'origine épithéliale" (en abrégé IDLE) pour faire la distinction entre les lésions qui risquent de menacer la durée ou la qualité de la vie d'un patient et celles qui ne causent jamais de problèmes.2 

On peut décrire trois types de ce que l'on appelle globalement des "cancers" : 1) les lésions à évolution lente, pour lesquelles une détection précoce peut prévenir le décès, 2) les lésions à évolution rapide, pour lesquelles une détection précoce ne présente que peu ou pas d'avantages, 3) et les lésions indolentes, qui, lorsqu'elles sont découvertes et traitées, constituent un surdiagnostic et un surtraitement. 2

À ce jour, il n'existe aucun test - qu'il s'agisse d'un test de laboratoire, d'imagerie, de génomique ou autre - qui permette de distinguer de manière fiable ces trois types d’évolutions.

Les signatures épidémiologiques des cancers montrent que, dans certains types de tumeurs, les taux de diagnostic ont augmenté au fil du temps, mais que les taux de mortalité sont restés stables, un phénomène qui s'explique potentiellement par un surdiagnostic dû aux programmes de détection précoce et aux vastes programmes de dépistage du cancer. 3 Le mélanome en est un exemple flagrant, et les prestataires de soins ont plaidé pour l'arrêt des examens cutanés de dépistage systématique afin de prévenir tout préjudice aux patients. 4 Alors que le postulat simple selon lequel " détecter plus tôt, c'est mieux " s'est imposé dans la recherche sur le cancer pendant des décennies, les études épidémiologiques ont démontré le contraire.

L'essai MCED a rapporté une sensibilité globale de 51,5 %, qui augmentait avec le stade. Les cancers de stade I avaient une sensibilité de 16,8 % (14,5 % à 19,5 %) et ceux de stade IV une sensibilité de 90,1 % (87,5 % à 92,2 %). Quelles seraient les conséquences si un résultat faussement "rassurant" retardait la détection d'un vrai cancer ? Compte tenu du taux de sensibilité de détection des tumeurs de stade I, combien d'entre elles ont le potentiel de causer des préjudices, et combien d'entre elles sont des lésions qui n'auraient jamais causé de problèmes ? Comme il n'existe pas d'outil établi permettant de faire la distinction, seul un essai randomisé pourra élucider les véritables bénéfices et risques d'une stratégie de dépistage par MCED.

Pour aider de tels efforts de randomisation, considérez ce calcul de puissance. Les chercheurs estiment que, sur la base des données du Programme de surveillance, d'épidémiologie et de résultats finaux, (SEER) des adultes diagnostiqués entre 40 et 79 ans, en supposant un changement de stade avec un tiers des cancers de stade IV avec des résultats similaires au stade III, un tiers avec des résultats similaires au stade II et un tiers avec des résultats similaires au stade I, cela conduirait à une réduction de 24 % de tous les décès liés au cancer. 5

À partir des données de 2006-2015, le nombre absolu de décès par cancer attendu après 5 ans de suivi dans cette tranche d'âge est de 241 pour 100 000 personnes. Cela représente un risque de 0,241 % de mourir d'un cancer au cours d'une période de 5 ans. Une réduction de 24 % ramènerait le risque à 0,182 %, ce qui éviterait à 59 personnes de mourir d'un cancer au cours d'une période de 5 ans pour chaque tranche de 100 000 personnes. En fixant une probabilité d'erreur de type I (alpha) de 0,05 avec une puissance de 80 %, la taille de l'échantillon nécessaire pour prouver un tel bénéfice serait de 190 348 personnes (95 174 dans chaque bras). Si nous supposons que l'estimation de 24 % est optimiste et que nous estimons la taille de l'échantillon pour une réduction du risque moindre, comme une réduction du risque de 20 %, 15 %, 10 % ou 5 %, des tailles d'échantillon de 290 000, 530 000, 1,2 million et 5 millions, respectivement, seraient nécessaires pour démontrer le bénéfice de la détection du cancer à un stade plus précoce.

L'essai MCED a révélé un "faible" taux de faux positifs de 0,5 %.1  Si l'on considère les 200 millions d'adultes qui peuplent les États-Unis, le test conduira à un million de personnes recevant un faux positif s'il est appliqué à grande échelle. La première conséquence serait un choc psychologique pour les personnes concernées et leurs proches : s'entendre dire que l'on a peut-être un cancer est un événement dévastateur. Ensuite, une cascade de tests s'ensuivra. Combien de scanners, d'examens d'imagerie par résonance magnétique, d'ablations de tumeurs de localisations diverses (ovaires, prostate, thyroïdes, etc.) seront nécessaires pour exclure le diagnostic de cancer ? Combien de complications et de séquelles à long terme résulteront du dépistage, qui ne sont pas prises en compte par le critère de mortalité spécifique au cancer ? Et, ce qui est encore plus préoccupant, que se passe-t-il si le test sanguin donne un résultat positif (ce qui signifie que l'on a un cancer), mais que la tumeur primaire ne peut être trouvée ? Avec un taux de réduction de 24% de la mortalité tous cancers confondus, la stratégie de dépistage par test sanguin, chez les 95 174 personnes du groupe expérimental, éviterait à 59 personnes de mourir d'un cancer, tout en donnant à 476 personnes un faux diagnostic de cancer. Le risque des stratégies de diagnostic, avec une cascade catastrophique d'interventions médicales qui peuvent survenir après la suspicion d'un diagnostic de cancer, doit être pris en compte. Le fait que certains essais de dépistage, tels que l'essai NELSON sur le cancer du poumon, aient trouvé une différence dans la mortalité par cancer spécifique qui ne s'est pas traduite dans la mortalité toutes causes confondues, pourrait être en partie dû à ce phénomène, ce qui pourrait conduire à une annulation du bénéfice par le préjudice net dans certaines situations 6.

Et si les cancers les plus dangereux n'étaient pas candidats au dépistage en raison de leur biologie et de leur évolution naturelle ? Et si le fait de pousser les stratégies de dépistage aboutissait seulement à trouver un moindre nombre de vrais cancers, et entraînait plus de préjudices ?

Nous illustrons cette hypothèse dans la figure, en nous basant sur les 3 types de "cancers" déjà décrits.2 En l'absence d'un essai randomisé, il est actuellement impossible de savoir quel type de cancer est détecté par les tests sanguins, et de quelle manière cela affectera les populations dépistées. Outre le surdiagnostic, le critère de mortalité spécifique du cancer peut occulter les conséquences catastrophiques lors de la suspicion d'un diagnostic de cancer en raison d'un résultat faux positif.

Dr Knock, le personnage principal éponyme de la pièce de théâtre de Jules Romains en 1932, déclare : "Tout homme sain est un patient déguisé".7 Rapidement, la ville dont le Dr Knock est en charge se transforme en un gigantesque hôpital vivant. Dans les sociétés qui acceptent de moins en moins de risques, la communication sur les risques des stratégies de dépistage doit être privilégiée lorsqu'elle est liée à un bénéfice non prouvé. En tant que soignants, nous devrions éviter de devenir des disciples aveugles du Dr Knock, au nom du "triomphe de la médecine", en transformant en patients, des milliers de personnes en bonne santé.

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References

  1. Klein EA, Richards D, Cohn A, et al. Clinical validation of a targeted methylation-based multi-cancer early detection test using an indepen- dent validation set. Ann Oncol 2021:1167–77.
  2. Esserman LJ, Thompson IM, Reid B, et al. Addressing overdiagnosis and overtreatment in cancer: a prescription for change. Lancet Oncol 2014;15(6):e234–42.
  3. Welch HG, Kramer BS, Black WC. Epidemiologic signatures in cancer. N Engl J Med 2019;381(14):1378–86.
  4. Welch HG, Mazer BL, Adamson AS. The rapid rise in cutaneous mela- noma diagnoses. N Engl J Med 2021;384(1):72–9.
  5. Clarke CA, Hubbell E, Kurian AW, Colditz GA, Hartman AR, Gomez SL. Projected reductions in absolute cancer−related deaths from diag- nosing cancers before metastasis, 2006−2015. Cancer Epidemiol Bio- markers Prev 2020;29(5):895–902.
  6. de Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, et al. Reduced lung-can- cer mortality with volume CT screening in a randomized trial. N Engl J Med 2020;382(6):503–13.
    7. Romain J.Knock Ou Le Triomphe de La   Medecine.1923.

Éléments à prendre en considération pour la conception des essais pour évaluation de l'utilité clinique des tests de détection précoce multicancers

https://academic.oup.com/jnci/advance-article/doi/10.1093/jnci/djac218/6865035?login=false

Lori M. Minasian, MD,1,* Paul Pinsky, PhD,1 Hormuzd A. Katki, PhD,5 Tony Dickherber, PhD,2 Paul K.J. Han, MD,3 Lyndsay Harris, MD,4 Christos Patriotis, PhD,1 Sudhir Srivastava, PhD,1 Carol J. Weil, JD,1 Philip C. Prorok, PhD,1 Philip E. Castle PhD, MPH1,

1Division of Cancer Prevention, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; 2Center for

Scientific Strategic Initiatives, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; 3Division of Cancer Control and Population Sciences, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; 4Division of Cancer Treatment and Diagnosis, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA; and 5Division of Cancer Epidemiology and Genetics, Biostatistics Branch, National Cancer Institute, Bethesda, MD, USA

*Correspondence to: Lori Minasian, MD, Deputy Director, Division of Cancer Prevention,

National Cancer Institute, 9609 Medical Center Drive, Bethesda, MD 20850, USA (e-mail:

minasilo@mail.nih.gov; phone: (240) 276-7053).

Résumé Des tests sanguins utilisant diverses technologies et biomarqueurs sont en cours de développement commercial dans le but de détecter simultanément plusieurs types de cancer à un stade précoce de la maladie. Ces tests de détection précoce de cancers multiples ( M.C.E.D multi-cancer early détection, tests de détection précoce multicancers) ont le potentiel d'améliorer la détection des cancers, en particulier ceux pour lesquels il n'existe aucune modalité de dépistage actuelle. Cependant, les bénéfices et les risques cliniques non connus liés à l'utilisation des tests M.C.E.D. pour le dépistage du cancer nécessitent l'élaboration et la mise en œuvre d'un essai contrôlé randomisé ( RCT ) pour vérifier leur efficacité clinique. Ce constat a fait l'objet d'un consensus de la part des experts lors d'un séminaire organisé par le National Cancer Institute pour discuter des premières approches nécessaires à la conception d'un tel essai.

L'utilisation de ces tests pour le dépistage simultané de plusieurs cancers soulève de nouvelles incertitudes pour la prise en charge des patients par rapport aux tests de dépistage conventionnels pour les cancers uniques, notamment : l'établissement du bilan diagnostique pour confirmer la présence d'un cancer dans tout organe ; la clarification du suivi approprié lors d’un test positif pour lequel il n'y a pas de diagnostic définitif ; l'identification des risques potentiels tels que le surdiagnostic d'une maladie indolente ; la détermination de stratégies efficaces sur le plan clinique pour la diffusion du dépistage M.C.E.D. dans la pratique réelle ; et la compréhension des implications éthiques telles que l'atténuation ou l'exacerbation potentielle des inégalités existantes en matière de santé. Ces tests présentent des défis nouveaux et complexes pour la conception d'un RCT. Les questions qui ont émergé de la réunion étaient centrées sur la nécessité d'un essai contrôlé randomisé d'utilité clinique, conçu de manière flexible, afin de recueillir rigoureusement les preuves nécessaires pour comprendre en profondeur le bénéfice net de cette technologie prometteuse. Les sujets spécifiques incluent : les critères d'évaluation (end points), les protocoles de dépistage, le recrutement, la trajectoire diagnostique, la phase pilote, les données, la collecte de prélèvements et les considérations éthiques.

Contexte Des tests sanguins utilisant diverses technologies sont en cours de développement commercial dans le but de détecter simultanément plusieurs types de cancer à un stade précoce de la maladie. Ces tests sont appelés tests M.C.E.D. (multi-cancer early detection, tests de détection précoce multicancers). Cependant, la pratique courante en matière de détection précoce du cancer consiste à dépister les personnes asymptomatiques, apparemment en bonne santé, qui présentent un risque pour un seul type de cancer, à l'aide de tests spécifiques à un organe. Un dépistage positif déclenche un processus de diagnostic spécifique au niveau de l'organe,  impliquant généralement une technique d’imagerie et une biopsie des tissus pour une évaluation histopathologique.

Les tests M.C.E.D. diffèrent du dépistage du cancer spécifique à un organe à plusieurs égards : 1) les types de cancers potentiellement détectés ; 2) les types d'analytes mesurés, tels que la mutation de l'ADNc, la méthylation ou la fragmentation de l'ADN, les biomarqueurs protéiques circulants, etc. et 3) l'intelligence artificielle ou les méthodes de modélisation de l'apprentissage automatique pour déterminer quelle combinaison et quel niveau de ces analytes correspondent à un résultat de test positif [1-10] De nombreux tests, en plus de l'identification d'une probabilité globale de cancer, génèrent une prédiction du tissu d'origine (TOO) concernant le(s) organe(s) le(s) plus probable(s) atteint(s) par le cancer. À ce jour, les études publiées sur les tests M.C.E.D. se sont généralement concentrées sur la validation des performances diagnostiques chez des sujets avec un cancer déjà diagnostiqué [1, 2, 6, 7, 10, 11]. Ces études de cas-témoins diffèrent par les méthodes, la conception et l'identification des cas et des témoins. Certaines études prospectives ont été menées chez des participants asymptomatiques [7, 10], mais ces études n'étaient pas conçues pour évaluer des critères d’évaluation (endpoints) d'utilité clinique tels que la mortalité par cancer. Un essai randomisé avec des critères d'utilité clinique d'un seul test M.C.E.D. a finalisé récemment le recrutement au Royaume-Uni ; cependant, les résultats ne sont pas attendus avant plusieurs années [12].
L'utilisation de ces tests pour le dépistage simultané de plusieurs cancers soulève de nouvelles incertitudes pour la prise en charge des patients, par rapport aux tests de dépistage conventionnels d’un seul cancer.

Ils incluent : 1) La détermination du bilan diagnostique nécessaire pour confirmer la présence d'un cancer dans tout organe ; 2) La mise au point d'un suivi approprié pour les tests positifs sans diagnostic définitif ; 3) L'identification des risques potentiels, tels que l'anxiété ou la dépression dues à des dépistages faux-positifs et au surdiagnostic d'une maladie indolente ; 4) La détermination de stratégies cliniquement efficaces et efficientes pour diffuser le dépistage de M.C.E.D. dans la pratique réelle ; et 5) La compréhension des implications éthiques, telles que l'atténuation ou l'exacerbation des inégalités actuelles en termes de santé.

Compte tenu des particularités des tests M.C.E.D. dans le domaine du dépistage du cancer, en octobre 2021, l'Institut national du cancer (NCI) a organisé un séminaire de deux jours consacré à la méthode d'évaluation des performances des tests MCED.

Objectifs du séminaire

Les participants au séminaire incluaient des chercheurs universitaires spécialisés dans les biomarqueurs du cancer, des médecins de soins primaires spécialisés dans le dépistage du cancer, des experts en essais cliniques, et autres.  Les objectifs du séminaire étaient d'évaluer:
1) La nécessité de mener un essai contrôlé randomisé (RCT) pour évaluer la performance et l'utilité des tests de dépistage de l'MCED ;
2) Les différents problématiques liées au design d'un éventuel RCT pour les tests de dépistage MCED. ; et
3) La nécessité d'études support pour un RCT, y compris un essai pilote et des études d'observation.

Pour l'objectif n°2, afin de faciliter la discussion, un prototype d'essai incorporant une conception de type plateforme,[13] où plusieurs bras d'intervention sont comparés à un seul bras de contrôle, a été présenté par le NCI.
Comme le montre la figure 1, chaque bras d'intervention offre un dépistage avec un test M.C.E.D. en même temps qu'un dépistage standard de soins, par rapport à un bras témoin de dépistage standard de soins seul.
Dans ce document, nous résumons les discussions de groupe sur les différentes questions. Lorsqu'il y avait un consensus clair entre les participants au séminaire, nous l'indiquons. En cas d'opinions divergentes, nous présentons le point de vue actuel des auteurs, éclairé par les arguments présentés de part et d'autre.

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Figure 1. Schéma de conception de la plateforme de l’étude.

La nécessité d'un essai randomisé M.C.E.D.

Les participants à l'atelier se sont accordés sur le fait qu'une évaluation rigoureuse des essais M.C.E.D. destinés au dépistage du cancer, d'autant plus qu'au moins un test M.C.E.D. est déjà utilisé en clinique. Bien qu'il soit difficile de prédire à quelle vitesse les tests M.C.E.D. se diffuseront dans la population, ou dans quelle mesure les participants du groupe témoin de RCT proposé chercheront à se faire dépister avec les tests M.C.E.D. en dehors de l'essai, les tests de dépistage sanguins pourraient être rapidement adoptés.
Des comparaisons ont été faites avec la façon dont le test sanguin de l'antigène spécifique de la prostate (PSA) a été largement adopté pour le dépistage sans évaluation adéquate des bénéfices potentiels par rapport aux risques. L'établissement de la validité clinique (c'est-à-dire la sensibilité et la spécificité) des tests M.C.E.D. a été jugé insuffisant ; une détermination de l'utilité clinique basée sur un RCT avec des critères primaires appropriés serait nécessaire.

Les participants du séminaire ont approuvé une méthodologie de base telle qu'illustrée dans la figure 1.

Divers aspects cliniques et opérationnels de la méthodologie d'un essai RCT pour M.C.E.D. diffèrent de ceux d'un essai unique de dépistage d'un seul cancer. Afin de les préciser avant le début d'un essai principal, les participants au séminaire ont discuté de la nécessité d'une étude pilote. La justification d'une étude pilote est renforcée par l'expérience antérieure de l'essai de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l'ovaire (PLCO) [14, 15], du National Lung Screening Trial (NLST)) [16, 17], et UKCTOCS (UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening) [15, 19].

Pour être compatible avec la conception de la plateforme multi-bras prévue pour l'essai principal (Figure 1.), l'étude pilote doit avoir une méthodologie similaire. Les participants du bras d'intervention se verraient proposer un dépistage avec des tests M.C.E.D. sur plusieurs cycles, tandis que tous les participants bénéficieraient d'un dépistage standard. Des échantillons de sang seraient collectés pour tous les bras de l'étude. S'il est suffisamment important, le pilote pourrait fournir des estimations actualisées des cancers identifiés dans chaque bras afin d'aider à affiner les hypothèses de conception de l'étude pour l'essai définitif. Le meilleur moment pour évaluer les tests M.C.E.D. dans le cadre d'essais contrôlés randomisés est, de l'avis général, avant l'approbation réglementaire par la Food and Drug Administration (FDA) et avant que le remboursement par l'assurance maladie ne devienne largement disponible. Le fait que ces technologies continuent d'être développées et perfectionnées a été invoqué comme une raison pour rendre la structure de l'essai flexible. Par conséquent, les essais pourraient être évalués continuellement au fil du temps en mettant en œuvre une méthodologie d'essai adaptative, de type plateforme, qui comprend des règles pour l'arrêt anticipé et un processus transparent pour l'incorporation de nouveaux bras pour d'autres M.C.E.D. prometteurs à mesure qu'ils se développent.

Une discussion a également eu lieu sur la nécessité de soutenir des études observationnelles, avant et/ou en même temps que le RCT pilote, pour valider de manière indépendante la performance diagnostique du M.C.E.D. et aider à évaluer quels tests M.C.E.D. méritent d'être inclus dans le RCT pilote et/ou la phase principale. Ces études comprennent l'utilisation de cohortes existantes, telles que la cohorte All of Us des National Institutes of Health [20], pour évaluer la performance prospective du M.C.E.D. chez des sujets asymptomatiques.

Critères d'évaluation primaires et secondaires pour un essai M.C.E.D.

L'objectif du dépistage du cancer est d'améliorer les résultats cliniques globaux pour les personnes dépistées grâce à la détection et au traitement précoces des maladies identifiées. Les mesures de la mortalité de la population, en particulier les taux de décès dus au(x) cancer(s) dépisté(s) parmi l'ensemble de la population du bras de l'essai, constituent le critère le plus rigoureux et sans équivoque pour mesurer l'amélioration du bilan [21]. Les mesures de la mortalité dans la population ne sont pas affectées par les biais liés aux temps d'avance au diagnostic et biais de la lenteur d'évolution qui compromettent d'autres critères d'évaluation potentiels, tels que la survie des cas de cancer ou le changement de stade proportionnel [22, 23]. En outre, les risques potentiels sont évalués afin de déterminer si la réduction de la mortalité l'emporte sur les risques liés au dépistage. La plupart des grands essais de dépistage du cancer ont évalué le dépistage d'un seul cancer, la mortalité due à ce cancer étant le critère d'évaluation principal.

Il s'agit notamment d'essais pour le dépistage du cancer du poumon par scanner à faible dose, de la mammographie pour le dépistage du cancer du sein, de l'endoscopie et de la recherche de selles pour le dépistage du cancer colorectal et du PSA pour le dépistage du cancer de la prostate [24-29]. En considérant un critère primaire de mortalité par cancer pour un test RCT du M.C.E.D., un défi central consiste à décider quels sites d'organes atteints par un cancer doivent être inclus. Une option est la mortalité liée à tous les sites cancéreux. Cependant, ces tests ne sont généralement pas conçus pour détecter tous les cancers possibles, et différents tests peuvent détecter différents sous-ensembles (un "panier") de types de cancer. Par conséquent, une autre option pour le critère principal d'évaluation pour un bras de test particulier est un critère composite de décès pour chacun des cancers cibles dans le panier pré-spécifié pour ce test. Comme le montre la figure 1, si le MCED 1 détecte les cancers A, B et C, le critère principal compare les taux de décès dus à ces trois cancers dans le bras 1 aux taux de décès dus à ces mêmes cancers dans le bras témoin.

Les principaux critères secondaires sont la mortalité toutes causes confondues, la mortalité tous cancers confondus (si ce n'est pas le critère principal), l'incidence de la maladie à un stade avancé et les inconvénients tels que les faux positifs, les procédures invasives, les événements indésirables graves, la détresse psychologique des patients et leur expérience des soins, et le surdiagnostic. Il est important que les risques et la sécurité soient évalués aussi rigoureusement que les bénéfices. Bien que la mortalité par cancer reste le critère primaire le plus rigoureux, certains participants à l'atelier ont exprimé leur intérêt pour l'utilisation du taux de cancer avancé (stade avancé) comme critère primaire, ce qui permettrait de fournir des conclusions plus tôt sur les essais.

Un exemple d'utilisation de l'incidence au stade avancé comme critère d'évaluation primaire est l'essai de dépistage actuel TMIST comparant la mammographie numérique à la tomosynthèse [30]. L'utilisation de ce paramètre a été justifiée sur la base des RCT de dépistage par mammographie, où il existe une forte corrélation entre la réduction du nombre de cancers du sein avancés (c'est-à-dire de stade II+) et la réduction de la mortalité par cancer du sein[31].

Les participants à l'atelier qui étaient opposés à l'utilisation de l'incidence à un stade avancé comme mesure de résultat primaire ont fait valoir qu'une réduction de l'incidence à un stade avancé pourrait ne pas se traduire par un avantage en termes de mortalité pour tous les cancers dans un panier d'essais particulier. Ils ont cité l'essai UKCTOCS, qui a démontré une réduction significative de l'incidence du cancer de l'ovaire au stade IV dans le groupe de dépistage multimodal par rapport au groupe témoin, mais qui n'a finalement pas entraîné de bénéfice en termes de mortalité liée au cancer de l'ovaire [24].

Bien que le bénéfice différentiel d'un traitement plus précoce par rapport à un traitement plus tardif d'un cancer soit un facteur important pour déterminer le bénéfice d'une réduction de l'incidence à un stade avancé, pour certains cancers, même un stade précoce de la maladie se traduit par de mauvais pronostics. Par exemple, le cancer du pancréas à un stade précoce a une survie à 5 ans plus mauvaise que le cancer de la prostate à un stade avancé [32, 33]. Ainsi, une diminution donnée du taux d'incidence à un stade avancé peut se traduire par des réductions différentes de la mortalité (voire aucune réduction de la mortalité) pour différents types de cancer.
Contrairement aux tests de dépistage du cancer existants, il n'y a pas eu de RCT des tests M.C.E.D. utilisés pour le dépistage du cancer comportant à la fois des données de mortalité et des données de stade avancé à utiliser pour la validation des substituts.

Une autre question concerne la définition du stade avancé de la maladie. Certains participants au séminaire ont préconisé l'utilisation du stade III+ pour tous les types de cancer ; d'autres ont suggéré d'utiliser des définitions spécifiques aux organes. Néanmoins, après réalisation d'un essai M.C.E.D. avec comme critère d'évaluation la mortalité par cancer, l'incidence de la maladie au stade avancé devrait être étudiée comme substitut potentiel de la mortalité afin de déterminer si ce critère peut être défini et validé de manière appropriée. En évaluant tous les arguments présentés, les auteurs pensent que la mortalité par cancer pour un panier de cancers prédéfini pour chaque bras M.C.E.D., comme indiqué dans la figure 1, est le critère d'évaluation primaire préféré pour un essai.

Protocoles de dépistage réalisables pour un essai M.C.E.D.

Un plan d'essai prévoyant un dépistage annuel de la M.C.E.D. pendant 3 à 5 ans et un suivi total de 7 ans pour le critère d'évaluation principal a été proposé. Les analyses de modélisation suggèrent que pour un essai avec un critère de mortalité par cancer, un essai avec cinq dépistages annuels et 7 ans de suivi total offre une augmentation substantielle de la puissance par rapport à un essai avec seulement trois dépistages annuels et 5 ans de suivi total. Un des avantages du dépistage annuel est sa simplicité. En outre, le panier de types de cancer inclus dans le critère d'évaluation principal couvrira probablement un large éventail de types de cancer, dont plusieurs, comme le pancréas et l'ovaire, ont une trajectoire agressive. Par conséquent, un intervalle de dépistage relativement court, tel que le dépistage annuel, pourrait maximiser les avantages potentiels sans imposer une charge excessive aux participants.

L'idée de tester à d'autres fréquences, en fonction du risque individuel, a été discutée comme une possibilité, mais cela augmenterait la complexité de l'essai. Un argument a été avancé selon lequel la fréquence du dépistage devrait être davantage déterminée par l'histoire naturelle sous-jacente et le traitement des cancers que par les tests. Or, on sait peu de choses sur l'histoire naturelle de la plupart des types de cancer. Dans les essais de dépistage, les taux de détection du cancer sont généralement plus élevés lors du premier dépistage que lors des dépistages ultérieurs. Le maintien de cette tendance dans un essai M.C.E.D. dépendra des types de cancer ciblés par un test particulier. Cela peut être pertinent pour déterminer le nombre de cycles de dépistage dans un essai.

Les participants au séminaire ont convenu sur la nécessité de mettre le dépistage standard à la disposition de tous les participants à l'étude s'ils choisissent de l'accepter. Cependant, ils ne sont pas d'accord sur la mesure dans laquelle l'essai doit encourager ce dépistage. D'une part, traiter le dépistage standard comme un soin habituel, sans encouragement excessif de la part de l'essai, serait un meilleur moyen d'évaluer les inconvénients réels, tels que l'attrition du dépistage standard dans les groupes d'intervention.

D'autre part, il pourrait être plus justifié d'un point de vue éthique d'encourager activement les personnes de tous les groupes à subir un dépistage standard. Cependant, si l'essai l'encourage de manière significative, il y aura un taux plus élevé de dépistage standard dans tous les bras et les résultats pourraient ne pas être aussi généralisables aux expériences pratiques du monde réel de la population plus large. Dans l'ensemble, l'approche préférée des auteurs est que tous les sujets de l'essai doivent être encouragés à subir un dépistage standard dans le cadre de l'essai.

Populations cibles pour un essai M.C.E.D.

Lors de l'examen de la population cible d'un essai M.C.E.D., deux questions connexes ont été discutées : 1) quelle devrait être la population éligible et 2) comment cette population devrait être recrutée. La population éligible, devrait être représentative de la population cible éventuelle et avoir un taux d'événement du résultat primaire (par exemple, la mortalité par cancer) suffisamment élevé pour permettre une taille d'échantillon réalisable de l'essai. Ces caractéristiques peuvent être contradictoires, car la représentativité peut être sacrifiée pour augmenter le taux d'événement du résultat primaire. C'est ce qui a été observé dans le NLST en ce qui concerne les conditions d'admissibilité relatives aux antécédents de tabagisme [34]. Généralement, des taux d'événements plus élevés conduisent à une taille d'échantillon d'essai requise plus petite et/ou à une durée d'étude plus courte.

La mortalité par cancer augmente considérablement avec l'âge ; l'âge est donc le principal facteur d'admissibilité. Les âges minimums possibles sont 45 ou 50 ans, et les âges maximums sont 70 ou 75 ans. Comme les tests M.C.E.D. ciblent un large éventail de cancers, avec des facteurs de risque potentiellement différents, il n'est pas aussi simple de sélectionner les sujets à haut risque que pour un essai portant sur une seule modalité de dépistage du cancer. Un modèle de risque simple a été développé pour ce séminaire en utilisant les données du PLCO. De 1993 à 2001, le PLCO a randomisé près de 155 000 hommes et femmes âgés de 55 à 74 ans dans un groupe d'intervention ou un groupe témoin ; les participants du groupe d'intervention ont bénéficié d'un dépistage périodique du cancer du poumon, du cancer colorectal et du cancer de la prostate ou de l'ovaire[14]. L'indice de masse corporelle, les antécédents familiaux de cancer et plusieurs variables liées au tabagisme, évalués dans un questionnaire de départ auprès des sujets des deux bras, ont été utilisés pour prédire la mortalité par tous cancers à 7 ans (Figure 2).

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Figure 2. En utilisant les données des essais de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l’ovaire, les panels A, B et C représentent l’ensemble de la population âgée de 55 à 75 ans (A), le risque supérieur de 50 % (B) et le risque supérieur de 25 % (C). Le risque concerne la mortalité par cancer sur 7 ans et est basé sur un modèle intégrant les antécédents de tabagisme, l’indice de masse corporelle, les antécédents familiaux et les données démographiques.

Sur la base de ce modèle, le fait de restreindre les participants éligibles aux 50 % ou 25 % de risques les plus élevés augmente sensiblement le taux de mortalité tous cancers confondus, et réduit donc la taille de l'échantillon nécessaire. Cependant, le fait de recruter sur la base d'un risque plus élevé biaise la population de l'essai en faveur des fumeurs actuels et des personnes plus âgées, ce qui pourrait nuire à la représentativité.

Dans une étude de population générale, les personnes à très haut risque de cancer, par exemple les porteurs de mutations à forte pénétration à l'origine du syndrome du cancer héréditaire du sein et des ovaires (HBOC) et du cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC), ne seraient pas exclues. Cependant, ces patients sont souvent soumis à des protocoles de dépistage du cancer plus intensifs. Une étude séparée, recrutant ces individus et utilisant ces tests M.C.E.D. qui ciblent leurs cancers à haut risque, pourrait être plus appropriée.

Les auteurs pensent qu'une approche de la population générale devrait être utilisée pour la phase pilote, avec une tranche d'âge d'environ 50-75 ans. Les résultats de la phase pilote peuvent aider à évaluer la faisabilité du recrutement de groupes à haut risque et à affiner les profils de risque de la population, ce qui peut contribuer à informer l'essai principal sur cette question.

Les participants s'accordent à dire qu'une représentation adéquate des populations traditionnellement sous-représentées dans la recherche est essentielle, notamment les Afro-Américains, les Amérindiens, les Latinos, les populations rurales, les personnes sous-assurées et les personnes non assurées. Une représentation adéquate implique au moins une représentation proportionnelle en termes de groupe d'âge éligible, mais pourrait également signifier une représentation proportionnelle au fardeau du cancer dans la population éligible en fonction de l'âge.

Comme stratégie générale, les principaux systèmes de soins de santé ont récemment utilisé les portails de patients, la messagerie sms et les médias sociaux pour recruter des sujets de recherche alors que les essais antérieurs faisaient appel à des envois postaux à grande échelle. Il serait utile de disposer d'un centre de communication de l'essai qui puisse interagir directement avec les participants potentiels et répondre à leurs questions ou préoccupations.

Pour les groupes traditionnellement sous-représentés, une fracture numérique existe aux États-Unis, en particulier chez les personnes socialement défavorisées [35]. Par conséquent, s'appuyer uniquement sur les médias sociaux et autres canaux numériques peut ne pas être efficace pour assurer la représentativité. Les stratégies basées sur la sensibilisation et l'engagement de la communauté qui s'associent à des organisations locales de confiance et développent des stratégies de messagerie culturellement appropriées peuvent être un moyen efficace de recruter des personnes[36]. Une méthode permettant d'assurer un recrutement adéquat des groupes sous-représentés, qui a été utilisée dans certains essais COVID-19, consistait à fermer le recrutement aux Blancs non hispaniques après avoir atteint un objectif donné et à ne recruter par la suite que dans d'autres populations (notamment les Afro-Américains, les Latinos et les Amérindiens). Pour les personnes sous-assurées et non assurées, il est nécessaire de mettre en œuvre une sensibilisation spécifique qui identifie un moyen de couvrir les coûts en aval liés à la gestion des tests de dépistage positifs et au traitement des cancers diagnostiqués.

Suivi diagnostique après des tests M.C.E.D. positifs

Après un résultat positif au test M.C.E.D., l'étape suivante consiste à déterminer s'il y a un cancer et si oui, où. La plupart des tests indiquent un TOO potentiel, fournissant une direction pour commencer le processus de diagnostic. D'autres, qui ne fournissent pas de TOO, peuvent au contraire déclencher des scanners d'imagerie du corps entier comme première étape du parcours de diagnostic. Bien que les tests puissent indiquer un ou plusieurs TOO probables, les entreprises ne précisent généralement pas le processus de diagnostic qui peut donc être très variable. En outre, on sait peu de choses sur la manière de déterminer le risque de cancer chez les personnes dont les résultats des tests sont positifs mais qui ne sont pas définitivement atteintes d'un cancer.

Le nombre et le type de tests diagnostiques appropriés pour évaluer des résultats de test positifs peuvent varier en fonction du TOO prédit et des caractéristiques du patient (par exemple, les comorbidités et les préférences du patient).

Une différence dans l'approche diagnostique peut également découler des préférences des cliniciens en matière de pratique et de la disponibilité des soins de suivi. Il peut s'avérer nécessaire d'élaborer une approche prédéfinie et normalisée des tests de diagnostic pour une variété de sites d'organes (voie de diagnostic) pour chaque test évalué dans l'essai. Par exemple, un processus de diagnostic spécifique à l'essai a été mis en place pour l'essai UKCTOCS [18].

Même avec des voies de diagnostic standardisées, une certaine flexibilité est nécessaire pour permettre le jugement clinique en fonction du cas de chaque patient. Pour la plupart des grands essais de dépistage du cancer, les voies de diagnostic n'ont pas été intégrées dans les essais proprement dits. Cependant, étant donné que les tests M.C.E.D. pour le dépistage sont nouveaux, les cliniciens peuvent saluer l'orientation des voies de diagnostic spécifiques à l'essai, en particulier lorsque le bilan initial ne révèle pas un diagnostic de cancer.  Bien qu'il existe des approches standard pour les découvertes fortuites dans certaines investigations par imagerie, il existe un risque potentiel d'effets néfastes dans le processus de diagnostic, notamment des complications liées aux tests diagnostiques, l'absence de suivi, la détresse du patient concernant les frais à sa charge et d'autres questions, et l'absence d'un diagnostic définitif.
L'un des inconvénients de la mise en œuvre d'une voie diagnostique prédéfinie et spécifique à l'essai dans les essais M.C.E.D. est que l'interprétation des résultats de l'étude peut être limitée à l'essai et à la voie diagnostique.
Cependant, même sans voie diagnostique définie, l'interprétation des résultats dépend toujours du processus diagnostique utilisé dans l'essai.
Les auteurs estiment que l'adoption d'un parcours diagnostique prédéfini et spécifique à l'essai constitue l'approche optimale et garantit une prise en charge appropriée aux participants de l'étude. L'algorithme de la trajectoire doit être évalué dans la phase pilote et modifié si nécessaire.

Collecte de données pour l'essai

Le recueil de données de haute qualité est crucial pour le succès d'un essai M.C.E.D.. Cependant, il peut y avoir des compromis entre les coûts, les délais, la qualité et l'exhaustivité des données de l'essai. Alors que les résultats cliniquement exploitables seront fournis à l'essai par les fabricants de tests, il est souhaitable d'obtenir autant d'informations que possible sur les résultats des essais, y compris les données brutes des essais, qui peuvent être utiles dans les recherches auxiliaires de l'essai.

Pour la collecte du résultat primaire de la mortalité due à tous les cancers ou à un sous-ensemble de ceux-ci, le lien avec l'index national des décès (NDI) est simple, peu coûteux et fournit des résultats rapides et très précis.

L'incidence et le stade du cancer, pour tous les types de cancer ou la plupart d'entre eux, sont des résultats secondaires importants. D'autres essais de dépistage du cancer, par exemple le PLCO et le NLST, employaient initialement un personnel nombreux pour obtenir et résumer les dossiers médicaux pertinents, un processus laborieux et coûteux pour déterminer l'incidence de tous les cancers.
Ces essais sont ensuite passés à un suivi passif par le biais de liens avec les registres du cancer des États. Dans l'étude PLCO, l'approche de lien passif a donné des taux de vérification similaires à ceux du suivi actif et présentait des niveaux élevés de concordance avec le suivi actif sur les caractéristiques du cancer [37]. Avec le développement du Virtual Pooled Registry (VPR)[38], de tels efforts seront grandement simplifiés par un processus de demande unique et commun couvrant la plupart des États, plutôt que d'avoir des demandes distinctes pour chacun d'eux, comme c'était le cas avec le PLCO et le NLST. L'un des inconvénients des liens entre les registres des États est le délai de deux ans pour les données disponibles.

Un autre inconvénient est la disponibilité des informations sur le stade, notamment le stade TNM (tumeur-nœuds-métastases), qui est souvent absent des registres. D'autres approches possibles consistent à établir des liens avec les dossiers médicaux électroniques (DME) des principaux systèmes de soins de santé.

Pour atténuer les risques et les coûts potentiels du suivi diagnostique et pour comprendre l'étendue des "odyssées diagnostiques" des patients, il est essentiel d'obtenir des données détaillées sur le suivi diagnostique, qu'il soit effectué sous les auspices de l'essai ou par la communauté. Les données sur les tests de diagnostic effectués au sein de la communauté sont généralement plus difficiles à obtenir. Les informations vitales sur les résultats des procédures, y compris les événements indésirables, sont plus difficiles à obtenir que le fait des procédures elles-mêmes. Par exemple, il est intéressant de savoir si des tests positifs n'ont jamais été poursuivis. Les complications des procédures de diagnostic doivent être saisies pour évaluer pleinement les dommages. Les DME peuvent être utiles pour collecter ces données, notamment auprès des patients inscrits dans de vastes systèmes de santé. Il est également important de saisir les résultats rapportés par les patients concernant le suivi diagnostique des dépistages positifs (par exemple, l'anxiété, l'expérience du patient en matière de soins, le temps de travail perdu). Les résultats rapportés par les patients devraient également être recueillis dans un sous-ensemble de personnes sans dépistage positif.
Les auteurs pensent qu'une combinaison d'approches, y compris la collecte directe de données par le personnel de l'essai, le lien avec les DME et le lien avec le NDI et les registres du cancer de l'État, sera nécessaire. La manière dont ces différentes approches fonctionneront pour différents types de données devra être évaluée dans l'essai pilote.

Collecte d'échantillons pour les tests et l'utilisation ultérieure

La meilleure façon de développer et de mettre en œuvre une procédure opérationnelle standard (SOP) pour la collecte d'échantillons n'est pas claire si chaque test M.C.E.D. a des exigences de collecte et de traitement différentes.

Cependant, des processus de collecte communs sont nécessaires pour garantir l'uniformité de la préservation des analytes cibles si les tests M.C.E.D. sont évalués par rapport à un bras de contrôle commun. Si chaque test a des exigences suffisamment différentes en matière de prélèvement sanguin, de traitement de l'échantillon avant l'expédition, de conditions de transport et de stockage, les sites peuvent être amenés à coordonner plusieurs types de kits de prélèvement différents pour l'essai de la plate-forme.

Les tests M.C.E.D. actuellement disponibles utilisent du plasma sanguin, dont la collecte nécessite une phlébotomie peu invasive, avec un volume maximal acceptable sur le plan éthique de 60 ml par prélèvement et par participant à l'étude, avec un rendement plasmatique approximatif de 40 ml. L'infrastructure requise par les procédures opératoires normalisées, ainsi que la formation et l'expertise des laboratoires pour le traitement des échantillons et le contrôle de la qualité, soulèvent des questions quant à la capacité des sites de soins primaires communautaires à participer à l'étude, ce qui pourrait avoir des répercussions importantes sur la diversité de la population étudiée. Une autre question éthique concerne la quantité maximale acceptable de prélèvements collectés pour les recherches futures sur le développement du test M.C.E.D..
Même si tous les tests MCED. rapportés utilisent du sang, ils pourraient à l'avenir utiliser d'autres échantillons biologiques (p. ex. biospécimens (par exemple, l'urine). Un ECR à plateforme doit donc avoir une conception flexible et adaptable pour permettre l'inclusion de nouveaux bras d'intervention en tenant compte des exigences en matière de prélèvements des nouveaux tests à mesure qu'ils deviennent disponibles.

Considérations éthiques dans la conception d'un essai M.C.E.D.

Aucune intervention médicale n'est totalement exempte de risques potentiels. A ce jour, il existe peu d'informations sur les bénéfices et les risques potentiels du dépistage du cancer par les tests M.C.E.D.. Les risques potentiels pour les participants comprennent : une morbidité psychologique (par exemple, l'anxiété) due à des tests faussement positifs, à la découverte de "incidentalomes" indolents ou à des conditions pathologiques impossibles à traiter ; des procédures de diagnostic et des complications inutiles ; et le report de tests de dépistage standardisés en raison de la fausse réassurance apportée par les résultats négatifs du test M.C.E.D.. D'autres préjudices en aval comprennent la morbidité résultant du surdiagnostic et du traitement de cancers indolents détectés par le dépistage. Lorsque les commissions d'examen institutionnelles (IRB) approuvent des recherches financées par le gouvernement fédéral, elles sont chargées de déterminer que les risques pour les participants sont réduits au minimum et raisonnables par rapport aux bénéfices escomptés [39]. La détection précoce du cancer, même par des moyens non invasifs, ne constitue pas un avantage en soi. Un bénéfice significatif nécessite une évaluation de l'utilité clinique du dépistage, qui est mieux évaluée par l’intermédiaire d’un essai RCT. Les questions éthiques comprennent également des préoccupations sociétales, notamment liées aux inégalités face aux soins.
Historiquement, les minorités raciales et ethniques marginalisées et les communautés géographiquement isolées ont connu des désavantages économiques, éducatifs et géographiques qui limitent l'accès aux soins de santé et peuvent nécessiter des garanties supplémentaires pour protéger leurs droits et leur bien-être en vertu de la politique fédérale de protection des sujets humains [39].

Il est essentiel que la population de l'essai soit représentative au niveau national en ce qui concerne la race/ethnicité, la géographie, le statut d'assurance et d'autres facteurs (par exemple, l'éducation, le revenu), afin que les résultats de l'essai soient largement applicables. Les coûts en aval pour les participants aux essais, y compris les tests de suivi diagnostique, doivent être couverts pour les personnes non assurées et sous-assurées afin de garantir leur participation. Les nouvelles technologies telles que les M.C.E.D. peuvent accroître les disparités actuelles si l'égalité d'accès au dépistage et aux soins de suivi n'est pas garantie. D'un autre côté, des M.C.E.D. efficaces pourraient réduire les disparités actuelles s'ils sont rendus accessibles dans les communautés mal desservies sur le plan médical. Ainsi, des informations provenant des RCT sont nécessaires pour comprendre l'impact que les tests auront sur les disparités existantes. Un autre préjudice potentiel est l'érosion de la confiance du public dans la recherche sur le cancer si l'essai n'est pas mené de manière équitable et transparente. Le scepticisme à l'égard de la science médicale et des recommandations d'experts est largement répandu aux États-Unis, ce qui incite à la prudence avant la mise en œuvre de nouvelles interventions[40].

Il faut veiller non seulement à déterminer si le dépistage par MCDE est efficace et sûr, mais aussi à faire comprendre au grand public les preuves scientifiques qui l'étayent. Une dernière question éthique, mentionnée précédemment, concerne la mesure dans laquelle le dépistage standard doit être promu dans les différents bras de l'essai. D'une part, le principe éthique de justice soutient les efforts visant à maximiser à la fois l'accès et l'utilisation du dépistage et des soins de suivi standard parmi tous les individus de tous les groupes de l'étude (en particulier ceux des populations mal desservies et sous-représentées), afin de promouvoir l'équité en santé.

D'autre part, de tels efforts peuvent réduire la généralisation des résultats de l'étude s'ils améliorent les taux de dépistage et de suivi des soins par rapport aux contextes cliniques réels (qui reflètent les limitations de l'accès aux soins). La conception d'un essai M.C.E.D. nécessitera une résolution acceptable de cette tension entre le principe éthique de justice et l'objectif scientifique de validité externe; un certain compromis sur la possibilité de généralisation peut être justifié s'il améliore l'accès aux soins de santé et l'équité en matière de santé, tout en permettant d'évaluer l'efficacité comparative des M.C.E.D. et des stratégies de dépistage conventionnelles.

Résumé

Les tests M.C.E.D. ont le potentiel d'améliorer la détection des cancers, en particulier ceux pour lesquels il n'existe aucune modalité de dépistage actuelle. Cependant, les bénéfices et les risques générés par le dépistage avec ces tests doivent être mieux compris. Les participants au séminaire s'accordent à dire qu'un RCT (essai clinique randomisé) d'utilité clinique, conçu de manière flexible, est nécessaire pour recueillir rigoureusement les preuves requises pour comprendre pleinement le bénéfice net de cette technologie prometteuse. Les auteurs recommandent un RCT qui recrute des participants âgés de 50 à 75 ans dans une population représentative avec comme critère d’évaluation principal la mortalité par cancer, à partir d'un panier prédéfini de cancers spécifiques aux tests M.C.E.D..
Le RCT devrait inclure une voie diagnostique prédéfinie spécifique à l'essai en cas de résultat de test M.C.E.D. positif.

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