Les recommandations européennes

par Dr C.Bour, 9 février 2019

Nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein, de la Commission Initiative on Breast Cancer (ECIBC)

recos ECIBC

La "European Commission Initiative on Breast Cancer" (ECIBC), autrement dit l’initiative de la commission européenne sur le cancer du sein, publie ses nouvelles recommandations (ici : https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/)

Au total, 80  recommandations seront accessibles au public et classées en trois groupes, selon leurs destinataires :

  1. professionnels de la santé,
  2. patients / individus,
  3. créateurs de politiques.

Ces recommandations abordent : la fréquence des dépistages, les moyens d'invitation et d'information, les stratégies de communication envers les populations plus vulnérables psychologiquement, les stratégies d'organisation du dépistage, les types de tests, les méthodes de diagnostic, l'utilisation des technologies plus avancées comme la tomosynthèse, la communication des résultats et la formation des professionnels.

Cette initiative part des recommandations émises lors de Journée mondiale du cancer 2018 (journée mondiale cancer 2018) soutenue par Unicancer [1].

Qui sont les personnes composant l'équipe émettant les recommandations ?

Quelques scientifiques en particulier, qui font partie du groupe de développement des recommandations, que nous appellerons le GDR, retiennent notre attention : Stephen Duffy, Lennarth Nyström et Mireille Broeders.

Stephen Duffy a participé au tristement célèbre essai pionnier suédois sur le dépistage du cancer du sein dans deux comtés suédois, co-auteur de Tabar, et sur lequel se base le programme national de dépistage du cancer du sein au Royaume-Uni notamment. Cet essai a été mis en cause avec véhémence, tant en raison de ses biais majeurs que des conflits d'intérêts de Tabar. Voir l'article de P.Autier :

Autier "un enjeu majeur" , chapitre "bilan des premiers essais, les études".

Ces auteurs ont contribué à plusieurs publications mettant en avant les "extraordinaires bénéfices" du dépistage. La bibliographie du site de la Commission Européenne sur le cancer du sein[2]  fait la part belle aux travaux de Tabar, Pulliti, Duffy, Nyström etc, sous le titre de "preuves des effets", mais mentionne également les études de Miller, Harding, Cochrane, Autier, plus récentes et mettant en doute les bénéfices avancés.

Le libellé "preuve des effets" est très affirmatif car tout bon épidémiologiste et statisticien sait qu'en matière d'études scientifiques populationnelles il n'y a jamais de "preuves". Il y a des présomptions, les études qui suggèrent que, ou une conjonction d'études qui oriente vers telle ou telle conclusion...

Remettons les choses en lumière concernant ces premiers essais promoteurs du dépistage systématique.

En 2005 déjà, le statisticien norgévien Per-Henrik Zahl membre de la collaboration Cochrane, signale des différences entre ce qu’il constate dans le registre suédois et ce qui a été publié par Tabar en 1985 dans l’essai des Deux Comtés. « Par rapport aux statistiques officielles suédoises, nous avons constaté que 192 cas de cancer du sein et 43 décès par cancer du sein semblent ne pas figurer dans la publication principale de l’essai de Deux-Comtés ». Le Lancet avait à l'époque refusé de publier l'article de Zahl que celui-ci a dû proposer à d'autres revues scientifiques...[3] [4]

Outre les différences notées entre le registre suédois et la publication de Tabar, l’article de Zahl remarque également des discordances dans les résultats de l’essai suédois des Deux-Comtés. « Le nombre de femmes incluses dans l’étude donne un total de 133 065 femmes résidant dans les deux comtés lors de l’allocation aléatoire dans l’article de 2011, alors que celui de 1985 comptabilisait 134 867 femmes incluses dans l’étude, soit 1802 de plus. »

« En 1992, Tabar et ses collègues ont signalé 465 décès par cancer du sein dans le groupe d’âge des 40 à 74 ans, soit 16 de moins que le nombre indiqué dans l’aperçu des essais suédois »

PH Zahl, et all font remarquer en plus que les données sur les décès varient selon qu’elles proviennent des publications de Tabár ou Nyström co-auteur de l’étude : Tabár annonce moins de décès par cancer du sein dans le groupe dépisté que Nyström, et plus de décès par cancer du sein dans le groupe témoin que Nyström

Les recommandations pour les patientes selon les tranches d'âges :

Quatre tranches d'âge sont examinées : 40-44 ans, 45-49 ans, 50-69 ans, 70-74 ans.

Pour la première tranche d'âge, entre 40 et 44 ans, le groupe de scientifique du GDR recommande de ne pas recourir au dépistage pour les femmes asymptomatiques. Nous saluons ceci car dans beaucoup de départements en France les gynécologues le prescrivent assez systématiquement dès 40 ans. https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/details/Professional/screeningage/40-44

Concernant la tranche suivante, pas de dépistage annuel selon le groupe, mais le GDR suggère un dépistage mammographique triennal ou biennal dans le cadre d'un programme de dépistage organisé, en précisant l'existence d'un faible niveau de preuves.

La tranche des 50 à 69 ans se voit attribuer une recommandation forte de dépistage biennal.

Enfin, petit changement pour le groupe de femmes le plus âgé, un dépistage triennal est suggéré.

Nous nous posons la question de la légitimité de cette structure plutôt promotrice du dépistage sous le logo (rassurant ?) de l'UE.

La gouvernance est détaillée, avec les rapports de conflits d'intérêts des membres, mais dont les montants perçus ne sont pas tous mentionnés.

Néanmoins force est de constater qu'au-delà de la recommandation du maintien du dépistage systématique pour les femmes de 50 à 74 ans, le GDR fait preuve de prudence, mentionne le surdiagnostic en donnant, selon les tranches, une évaluation moyenne entre 12 et 22%, parle du risque des fausses alertes et de l'exposition au risque de mastectomies supplémentaires ainsi qu'à l'anxiété inutile.

Pour chaque tranche d'âge les recommandations sont argumentées, et vous trouverez pour chaque catégorie d'utilisateur 5 rubriques : la puissance de la recommandation, sa justification détaillée avec la mortalité réduite ou pas et les risques de surdiagnostic, fausses alertes et mastectomies, les considérations générales sur ce qu'il faudrait faire à l'avenir, une rubrique évaluation avec un questionnaire, et pour finir une bibliographie assez détaillée.

Pour les professionnels (https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/list/Professional) une incitation à la promotion du dépistage est donnée dans un chapitre (descendre avec le curseur) : ' Quel type de communication faut-il utiliser chez les femmes vulnérables pour accroître leur participation aux programmes de dépistage? '

"Pour que les programmes de dépistage du cancer du sein entraînent une réduction de la mortalité par cancer du sein, une proportion importante de la population doit y participer. Les programmes à faible taux d'utilisation peuvent être inefficaces et favoriser les inégalités dans les services de santé."

Or, on sait depuis l'étude d'Autier sur les Pays Bas que même les pays à forte participation ne connaissent pas de réduction significative de la mortalité imputable au dépistage et un taux stable des cancers avancés.[5] [6]

Autre ajout  (descendre un peu plus bas avec le curseur), le chapitre :

" Un outil d'aide à la décision expliquant les avantages et les inconvénients du dépistage par rapport à une lettre d'invitation "régulière" devrait-il être utilisé pour informer les femmes des avantages et des inconvénients du dépistage du cancer du sein?"

Au-delà de la promotion du dépistage, à la lecture des nouveaux chapitres édités et de la formulation nuancée des recommandations on peut constater davantage de prudence avec plus d'honnêteté sur les risques, même si l'estimation retenue du surdiagnostic est comprise dans un intervalle bas (entre 10 et 17% pour les 50-69 ans), et au regard des efforts d'argumentation et de justification des directives énoncées.

La synthèse du NIH

 

La synthèse du National Institute of Health américain[7] nous semble résumer plus clairement et synthétiquement les tenants et aboutissants pour les professionnels de santé, à la fois sur le dépistage mammographique, mais aussi concernant l'examen clinique des seins ou l'auto-examen, et il nuance le bénéfice escompté des premiers essais.

" Des études de population réalisées plus récemment soulèvent des questions sur les avantages pour les populations dépistées qui participent au dépistage sur des périodes plus longues."

"La validité des méta-analyses d'ECR démontrant un bénéfice en termes de mortalité est limitée par les améliorations apportées à l'imagerie et au traitement médicaux au cours des décennies qui ont suivi leur achèvement. Les 25 années de suivi de l’Essai national canadienne sur le dépistage du cancer du sein (CNBSS) [ 4 ], achevée en 2014, n'ont montré aucun bénéfice en termes de survie associé aux mammographies de dépistage."

"Sur la base de preuves solides, la mammographie de dépistage peut avoir les effets nocifs suivants..."

Le surdiagnostic potentiel ici est annoncé entre 20 et 50%, le taux de rappel à 10%, le risque de cancer radio-induit est cité ("en théorie, les mammographies annuelles chez les femmes âgées de 40 à 80 ans peuvent provoquer jusqu'à un cancer du sein sur 1 000 femmes"), et, chose rare, l'effet faussement rassurant est également évoqué en cas de faux négatif.

Conclusion

On peut saluer un effort dans les nouvelles recommandations européennes avec plus d'argumentation et de nuances dans la relation de la balance bénéfice /risques, mais regretter que la grande majorité des membres de cette commission européenne soit composée des emblématiques promoteurs, très contestés, du dépistage organisé du cancer du sein, que la bibliographie énumérée fasse la part belle aux études favorables aux premiers essais cliniques, et enfin que le risque du surdiagnostic soit minimisé.

BIBLIO

[1] Unicancer, qu'est-ce que c'est ?

Unicancer est un réseau hospitalier composé de différents établissements, dédié à 100 % à la lutte contre le cancer, le groupe soutient Octobre rose.

http://www.unicancer.fr/actualites/groupe/octobre-rose-2018-reseau-unicancer-se-mobilise

Unicancer a touché plus de 15 millions d’euros des industriels, du moins de ceux dont on peut connaître le montant, selon la base de données Eurofordocs. C’est aussi Unicancer qui organise le très curieux essai MyPeBS http://mypebs.cancer-rose.fr/  sur le dépistage « personnalisé » du cancer du sein.

[2] Pour trouver la bibliographie, aller à https://ecibc.jrc.ec.europa.eu/recommendations/details/Patient/screeningage/40-44, voir "à quel âge...", puis cliquer sur le 5ème onglet, le plus à droite.

[3] Zahl Ph, Gøtzsche PC, Andersen JM, Maehlen J, Withdrawn Results of the Two-County trial of mammography screening are not compatible with contemporaneous official breast cancer statistics in Sweden. Eur J Cancer, 2006; mars.

[4] Zahl PH, Gotzsche PC, Andersen JM, Maehlen J. Results of the Two-County trial of
mammography screening are not compatible with contemporaneous official Swedish breast cancer statistics. Dan Med Bull. 2006 Nov ;53(4) :438-40.

[5] https://app.core-apps.com/sabcs2016/abstract/d65d1d601c44a12e649faed52440f92e

[6] https://www.cancer-rose.fr/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/

[7] https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#link/_13_toc

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ARTICLE « DIS-LEUR »

Dis-Leur, oct2018

Cancer du sein : Le dépistage en questions

Article réalisé par Mr Olivier Schlama, journaliste de Dis-Leur, média indépendant, publié ici avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Nous le remercions beaucoup de nous permettre d'en publier l'intégralité, accessible en cliquant sur le lien.

 

Notre revue de presse d'octobre 218 à trouver au bas du site dans "presse."

 

 

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Un plan d’action national contre le surdiagnostic en Australie

Le surdiagnostic nuit aux patients et des mesures s'imposent.

Résumé de Dr Bour Cécile, 15 octobre 2018

https://www.smh.com.au/healthcare/overdiagnosis-is-harming-patients-and-action-is-required-says-chief-medical-officer-20181014-p509jx.html

https://www.mja.com.au/journal/2018/209/8/australia-responding-complex-challenge-overdiagnosis

 

 

A l'heure où Mme Buzyn, notre ministre de la santé, se félicite sur son compte twitter :

"Je l’ai rappelé aujourd’hui à l’@AssembleeNat, nous avons renforcé l’information et la prise en charge du #dépistage du #CancerDuSein, parce que c’est une priorité de santé publique. #OctobreRose #SavoirCestPouvoirAgir  "

Nous assistons, envieux, au pragmatisme salutaire qui a cours dans d'autres pays que le nôtre.

Ce qui se passe ailleurs

Le surdiagnostic est à présent reconnu partout, et c'est son impact sur les ressources de soins de santé qui préoccupe, tant celles-ci pourraient être mieux utilisées pour faire face aux vrais besoins.

Le "Overdiagnosis Working Group from the Guidelines International Network", réseau international sur les lignes de conduite en santé se penche sur le problème, au Danemark le 6ème congrès sur le surdiagnostic, auquel Cancer Rose a participé tournait autour du sujet, Au Royaume-Uni, un groupe permanent du Royal College of General Practitioners s’occupe déjà du surdiagnostic.  Au Québec, au Canada, l’Association médicale du Québec est à l’origine d’un plan visant à sensibiliser la population et à réduire le surdiagnostic.

Et un plan national a été élaboré en Australie pour faire face à ce problème.

En Australie, la base de preuves concernant l'étendue, les causes et les interventions pour prendre en charge le surdiagnostic est en expansion, notamment en raison du financement récent de la recherche octroyé par le Conseil national de la santé et de la recherche médicale (National Health and Medical Research Council (NHMRC)).

Un centre d'excellence en recherche et une subvention de programme financée par le NHMRC se sont associés pour former une alliance de facultés de médecine , de chercheurs, de défenseurs et d'experts en santé publique.

Il s'agit de la  collaboration de recherche Wiser Healthcare qui a pour objectif de produire et de traduire des preuves ( www.wiserhealthcare.org.au).

 

Les facteurs d'expansion du surdiagnostic

Les facteurs de propagation du phénomène de la surdétection sont :

  • la croyance culturelle et médicale qu'un empilement de tests sera bénéfique pour la santé,
  • La croyance que les avancées technologiques permettront une détection de plus en plus petites lésions qui permettraient de régler le problème de la maladie,
  • La peur des professionnels de santé de ne pas en faire suffisamment,
  • Les préjugés dans les prise de décision,
  • Les attentes du public qu'on "fasse" quelque chose .
  • Le tout arrosé d'incitations financières du système de santé sur les professionnels de santé prescripteurs.

Parmi les solutions de la désescalade on trouve :

  • L'information des populations,
  • L'encouragement à la prise de décisions partagées,
  • Des campagnes de sensibilisation du public non pas aux maladies mais à ce problème de surmédicalisation, sensibilisation aussi à la qualité de la prise en charge médicale plutôt qu'à la quantité..

 

Une épidémie de surdiagnostics

Le professeur Brendan Murphy, principal conseiller médical du ministre et du ministère de la Santé a salué l'initiative, qualifie le surdiagnostic de «problème important dans tous les pays dotés de systèmes de santé avancés».

Il a souligné les recherches de l'OCDE montrant que les systèmes de santé gaspillaient des milliards de dollars dans des soins de santé sans valeur ni efficacité.

"Nous devons nous assurer que nous ne finançons que ce qui profite aux patients."

Le Dr Ray Moynihan , co-auteur du journal Medical Journal of Australia et chercheur principal au Centre de recherche sur la pratique fondée sur les preuves de la Bond University , a déclaré que le surdiagnostic avait atteint des proportions épidémiques, particulièrement préoccupant en matière de dépistage du cancer de la thyroïde, du sein, de la prostate.

Le surdiagnostic menace la viabilité des systèmes de santé et gaspille les ressources qui pourraient être mieux utilisées en santé..

Plusieurs initiatives ont déjà été mises en place pour lutter contre le surdiagnostic, notamment la campagne Choosing wisely, ou campagne "Choisir avec sagesse"

Déjà en 2017 l’autorité indépendante australienne du cancer, le Cancer Council, avait approuvé l’appel de la part de médecins et de chercheurs, pour concevoir ce plan visant à protéger les patients du surdiagnostic et du surtraitement des maladies. Voir notre article à ce sujet : https://www.cancer-rose.fr/les-patients-souffrent-de-trop-de-medecine/

Et en France, pays des Lumières ?

En France que fait-on pendant ce temps ? Ah oui, notre ministre de la santé se planque sous le parapluie de la promotion du dépistage, ça évite de réfléchir et comme ça on ne risque rien.

Mais les parapluies, ça peut se retourner à l'envers et vous retomber dessus comme à Toulouse, où un vent rageur et désapprobateur a escamoté cette belle suspension rose de promotion urbaine du dépistage *.

La concertation citoyenne avait demandé de ne plus infliger aux citoyennes cette campagne outrancière et infantilisante.

On voit comment nos citoyens sont écoutés dans notre pays, lequel est déjà à la traîne d'initiatives modernes et intelligentes en vogue dans ces autres Eden de sagesse médicale tout autour de nous.

 

*Merci à Mme Anne Delbreilh -Ayoub, auteure de cette photo.

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Le dépistage du cancer du sein à l’aune des critères OMS

Par Dr Bour Cécile

21 septembre 2018

Sur le site de la Haute Autorité de santé vous trouverez  sur cette page dépistage cancer broncho-pulmonaire, une synthèse expliquant pourquoi la HAS ne recommande pas le dépistage systématique du cancer broncho-pulmonaire chez le fumeur.

Les conditions pour un dépistage possible et utile, édictées par l'OMS, sont énumérés par l'intervenante dans cette vidéo : critères d'un dépistage utile

Les 6 critères principaux :

1- Une maladie détectable précocement avant l'apparition des symptômes

2- Un test fiable

3- Des traitements efficaces contre la maladie doivent exister

4- Les personnes à risque doivent être identifiables

5- Le dépistage doit notoirement faire décroître la mortalité par cancer.

6- La balance bénéfice/risques doit être en faveur d'un bénéfice prépondérant par rapport aux risques.

Reprenons à notre compte lesdits critères pour l'analyse de la pertinence du maintien du dépistage organisé du cancer du sein.

 

1- Maladie détectable précocement avant symptômes.

Oui et non.

Les cancers avec un temps de séjour long dans le sein, donc peu évolutifs, sont détectés facilement par le dépistage avant leurs symptômes, car lentement progressifs justement. Ils participent pour beaucoup du surdiagnostic.

En revanche les cancers de mauvais pronostic, à potentiel évolutif important et à croissance rapide sont 'loupés' au dépistage, car évoluant entre deux mammographies, et trop véloces pour être 'rattrapés'. Ils sont détectés cliniquement par des symptômes inquiétants et sont volumineux au moment du diagnostic en raison de leur vélocité.

L'histoire naturelle du cancer n'est donc pas linéaire et prévisible, et elle n'est toujours pas connue à l'heure actuelle.

2- Fiabilité du test

Non

La mammographie est un mauvais outil de dépistage, elle a une bonne sensibilité pour les lésions atypiques et les cancers in situ, les moins agressifs ; elle a en revanche une mauvaise sensibilité pour les cancers de haut stade, les triple négatifs, les formes infiltrantes.

3-Des traitements efficaces

Oui

Les traitements sont efficaces, on dit que 9 cancers /10 guérissent, mais même les non-dépistés.

C'est d'ailleurs pour cette raison, d'autant plus, que l'utilité du dépistage s'amenuise.

Cf : étude Norvège

4-Personnes à risque identifiables.

Non

On peut isoler des facteurs de risque prédisposant au cancer, comme l'exposition à des toxiques, le travail de nuit, les antécédents familiaux....

Mais toutes les femmes tabagiques ou travaillant de nuit ne vont pas automatiquement développer un cancer du sein, et il n'y a pas de caractère reliable entre un facteur de risque précis et le cancer du sein, pas de façon aussi nette que le fait de fumer et le fait de développer un cancer broncho-pulmonaire (et pourtant là aussi le dépistage systématique des fumeurs n'est pas recommandé).

D'autre part seulement 5% des cancers sont héréditaires. C'est un phénomène trop rare pour imposer un dépistage à tout une population saine et sans risque familial.

Des femmes sans aucun risque, ni d'exposition, ni intrinsèque, peuvent développer un cancer du sein, sans 'raison' apparente.

5-Décroissance de mortalité

Non

Des études d'impact ont montré que la décroissance de la mortalité pour plusieurs cancers solides était effective depuis les années 90, et n'étaient pas imputables au dépistage, puisque ce modèle de décroissance était retrouvé aussi pour des cancers ne faisant pas partie de programme de dépistage.

étude d'impact

En matière de cancer du sein, les avancées thérapeutiques sont invoquées pour expliquer l'amélioration de la situation depuis les années 60, peut-être aussi la meilleure vigilance des femmes et du corps médical par rapport à la palpation et l'examen des seins ; les campagnes de véritable prévention portent-elles vraisemblablement également leurs fruits (mangez moins, bougez plus, fumer tue etc...)

Nous citons à nouveau cette toute nouvelle étude norvégienne  étude Norvège

qui suggère que le dépistage n'est pas le responsable de la décroissance de mortalité. Il n'est en effet pas associé à une réduction plus importante de la mortalité par cancer du sein chez les femmes éligibles au dépistage par rapport aux femmes non éligibles.

Les femmes qui se font dépister vivent plus longtemps parce que toutes les patientes atteintes d’un cancer du sein vivent plus longtemps.

Depuis 1996 la mortalité en France reste stable, aux alentours de 11 000 à 12 000 décès par cancer du sein/an, comme vous pouvez le lire sur ces tableaux excel du CePiDC de 1996 à 2012 (téléchargement en cliquant dessus) :

NATFPS06205 (1)

CepiDC, 2013 et 2016, taux bruts de mortalité stables

2013 (1)

2016

6-La balance bénéfice/risque en faveur du bénéfice

Non

Ceci n'est clairement plus le cas, même dans les hypothèses les plus favorables, comme l'évaluation du rapport Marmot, il y a toujours davantage de surdiagnostic par rapport aux "vies sauvées".

M.G. Marmot, D. Altman, D. Cameron, J. Dewar, S. Thompson, M. WilcoxThe benefits and harms of breast cancer screening: an independent review

Lancet, 380 (2012), pp. 1778-1786.  . Marmot

D'autres analyses indépendantes sont plus sévères encore, voir notre synthèse ici : https://www.cancer-rose.fr/le-sur-diagnostic-un-graphique-pour-expliquer/

Lorsqu'on cumule les trois maléfices essentiels du dépistage systématique du cancer du sein, surdiagnostic, fausses alertes, cancers radio-induits, décès imputables aux surtraitements, on obtient toujours une balance bénéfice/risques défavorable.

Conclusion :

Des six critères cités par l'OMS, nous en avons trouvé un seul qui est respecté par le dépistage systématique du cancer du sein.

Sur 6 conditions, le dépistage ne répond pas à 5 d'entre elles.

Alors pourquoi la HAS ne réalise pas une aussi jolie vidéo pédagogique et explicative pour les femmes concernant le dépistage de masse du cancer du sein ?

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Rapport de la CNAM 2018, surmortalité selon prise en charge

30 juin 2018

Résumé C.Bour

cnamts_rapport_charges_produits_2018

Cette semaine, le Figaro et Le Monde reprennent tous deux une information publiée le 29 juin dans le rapport de la CNAMTS, "Charges et produits 2018 » , obtenu par suivi de femmes traitées pour un cancer du sein entre 2012 et 2014.

Le Monde

Figaro

Selon ce rapport, les femmes prises en charges dans les établissements effectuant moins de 30 actes chirurgicaux par an (cela concerne 338 établissements sur 571) auraient 84% de risque supplémentaire de mortalité par rapport aux plus grands centres, dont l'activité surpasse les 150 actes par an (seuil fixé dans d'autres pays européens).

Cette inégalité n'est pas tant le fait du praticien que de l'organisation des équipes et l'application des "bonnes pratiques", selon le rapport. Les RCP(réunions de concertations pluridisciplinaires) seraient moins efficientes, moins nombreuses, les techniques du ganglion sentinelle (selon un rapport de l'IRDES de 2017, moins pratiquées).

Pour contraindre les établissements à l'amélioration des pratiques on procèderait par une valorisation du tarif de base de rétribution par l'Assurance Maladie de l'acte chirurgical envers l'établissement hospitalier qui aurait fait l'effort de respecter les critères de qualité, lesquels sont définis par l'HAS, les représentants des patients et les sociétés savantes.

Le rapport en question est un nouveau rapport pour 2019 rédigé en 2018 et n'est pas publiquement en ligne (ce n'est pas le même que celui qui est téléchargeable actuellement), nous remercions Mr Béguin journaliste à Le Monde qui nous a envoyé la page correspondant à notre sujet :

 

Disparités territoriales

 

Déjà le document publié par l'IRDES à l'époque montrait certaines disparités territoriales dans les prises en charge.

Cette disparité pose bien sûr d'autres questions, outre les raisons avancées par la CNAMTS qui seraient celles des disparités des capacités techniques et organisationnelles des établissements hospitaliers, nous nous interrogeons sur ce sur-risque de décéder qui serait imputable aux surdiagnostics, c'est à dire des diagnostics de cancer du sein inutiles pour les femmes, ce qui concerne 1 cancer détecté par dépistage sur 3 , voire sur 2 selon les dernières études. (étude danoise, Pays Bas).

Si on compte environ 30% de surdiagnostic selon ces dernières estimations pour l’ensemble des cancers du sein, et si là-dessus 84% de femmes y laisseraient leur vie en raison de la prise en charge, cela est très préoccupant…

 

 

Surmortalité imputable aux surtraitements ?

 

A ce titre l'étude brésilienne déroutante justifie de poser la question de savoir si le dépistage ne génèrerait pas une surmortalité par les surtraitements agressifs. (étude brésilienne)

Nous rappelons que notre étude publiée dans la revue Médecine (étude PMSI) réalisée en France sur la base du PMSI, c'est à dire la base de facturation des actes chirurgicaux, ne confirme pas la diminution des mastectomies totales qui aurait dû être observée si la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein s'était accompagnée d'un allègement des traitements chirurgicaux.

Au contraire, le nombre annuel de mastectomies totales augmente ; le nombre de mastectomies partielles augmente plus rapidement que l’incidence des cancers invasifs. Et le nombre des mastectomies totales croît parallèlement au nombre des cancers du sein invasifs.

analyse étude PMSI

 

 

Analyse à affiner

 

Après de récentes informations glanées ici et là, le rapport complet sera bientôt public, en effet s'il est clair que l'expérience des équipes médico-chirurgicales joue, il faut tenir compte du fait que les patientes traitées dans les petites structures, plus fréquentes en milieu rural, ne présentent pas le même profil que les citadines. Ces divergences socio-économiques ne ressortent pas, ni en ajustant sur l'âge ni sur la gravité des lésions, de même que la co-morbidité n'est pas connue. En bref, nous attendons la mise en ligne du rapport complet, et affinerons l'analyse.

Affaire à suivre...

 

 

 

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LETTRE OUVERTE A L’INSTITUT NATIONAL DU CANCER

Suite à la concertation sur le sujet qui a eu lieu en 2015 et la sortie du rapport en 2016, le nouveau site de l'INCa n’a toujours pas pris en compte les recommandions formulées, ni même son livret d'information.

Le site et la brochure, au lieu d’informer de façon neutre et indépendante les femmes à propos de la mammographie de dépistage, poursuit son marketing en faveur de ce dépistage dans la plus pure tradition du marketing pharmaceutique.

Nous nous insurgeons contre ce procédé qui constitue une insulte aux citoyennes et à la dignité des femmes d'être informées avec équité dans le domaine de la santé.

Ci-dessous notre lettre ouverte avec les co-signataires, et PDF : lettre à INCa 

Réponse de l'INCa au bas de l'article

 

Mars 2018

Formindep

Association pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui des personnes.

Dr Dupagne

Médecin généraliste et blogueur français, gère le site médical Atoute.org

Cancer Rose

Collectif militant pour une information loyale sur le dépistage du cancer du sein.

Groupe Princeps

Groupe militant pour la meilleure information en matière de surmédicalisation et surtraitements

UFC Que Choisir

Association au service des consommateurs pour les informer, les conseiller et les défendre.

 

L’institut national du cancer vient de rendre public son nouveau site d’information « Prévention et dépistage du cancer du sein »[1].

Les reproches formulés en 2016 lors de la concertation citoyenne[2] sur le dépistage du cancer du sein à propos de son précédent site sont malheureusement toujours d’actualité. La concertation citoyenne demandait qu’une information claire, précise, complète, loyale et neutre sur le dépistage soit fournie aux femmes, leur permettant  de décider ou non d’y participer. Or la communication publicitaire de l’Inca exagère les bénéfices du dépistage, et minimise voire passe sous silence ses inconvénients. En outre, le site ne mentionne aucune source ni référence à l’appui de ses affirmations.

Voici les informations qui devraient être données aux femmes selon l’état actuel des connaissances médicales.

Sur 1000 femmes de 50 ans dépistées pendant 10 ans, 4 décéderont d’un cancer du sein.
Sur 1000 femmes de 50 ans non dépistées pendant 10 ans, 5 décèderont d’un cancer du sein.

Il est maintenant établi que pour 1 à 6 décès par cancer du sein évités, 19 [3] femmes seront diagnostiquées avec un cancer qui n'aurait jamais menacé leur vie (surdiagnostic). Ces femmes subiront donc inutilement l'annonce d'un cancer, ses conséquences et ses traitements.

Environ 200 femmes seront faussement alertées, avec un impact physique et psychique important.

En terme de mortalité globale, le bénéfice du dépistage n’est pas démontré . En effet, les décès consécutifs aux traitements et aux cancers radio-induits par les mammographies répétés pourraient contrebalancer le faible effet positif du dépistage.

Le Royaume Uni a précédé la France dans l'exercice de concertation citoyenne et a pris des mesures pour améliorer l'information des femmes notamment sur le surdiagnostic[4].

Le contraste avec la communication obsolète de l'INCa français est frappant.

Comme le rappelle l’OMS [5], l’objectif de l’information doit être de permettre aux femmes de prendre une décision personnelle éclairée, et non de remplir des quotas de participation:

« La recherche d’un fort taux de participation à un programme organisé de dépistage ne devrait jamais prendre le pas sur des décisions éclairées, fondées sur les données de la science et les valeurs et préférences de la personne »

Nous déplorons que l’INCa persiste à mésinformer les femmes, au risque de leur santé et au mépris de leurs droits les plus élémentaires. Nous demandons donc la révision du site et du livret d’information de l’INCa, présentant tous deux les mêmes insuffisances.

 

Pour en savoir plus

 

  • Analyse critique du site de l'Inca : https://www.cancer-rose.fr/2175-2/
  • Bleyer A, Welch HG. Effect of Three Decades of Screening Mammography on Breast-Cancer Incidence. New England Journal of Medicine. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
  • Dépistage des cancers du sein par mammographie Deuxième partie Comparaisons non randomisées : résultats voisins de ceux des essais randomisés. Rev Prescrire. 2014 Nov;34(373):842–6.
  • http://www.bmj.com/content/359/bmj.j5224 Effectiveness of and overdiagnosis from mammography screening in the Netherlands: population based studyAutier,M.Boniol et col.

[1] https://cancersdusein.e-cancer.fr/

[2] depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016

[3] http://www.prescrire.org/Fr/3/31/52229/0/NewsDetails.aspx

[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3693450/

[5] WHO position paper on mammography screening, 2014 http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/137339/1/9789241507936_eng.pdf

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Communiqué presse

dépêche apm

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retours presse :

Formindep  UFC QC   La Dépêche   Pourquoi Docteur        Marie Claire

Hospimedia    Psychomedia . SNJMG   Infoglitz 

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Réponse du directeur de l'Institut National du Cancer

.INCa page 1   INCa page 2

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Analyse critique du site de l’Inca sur la « prévention et le dépistage du cancer du sein ».

11 février 2018

Par Dr Bour Cécile,

Dr Doubovetzky Jean,

Dr Nicot Philippe

INTRODUCTION

L'objectif est de livrer ici un examen du nouveau site de l'Inca dédié spécialement au dépistage du cancer du sein [1], en nous basant sur les mêmes critères d'analyse que nous avons utilisés pour l'analyse du livret de l'Inca[2].

En effet il existe une carence dans l'information délivrée aux femmes sur le dépistage du cancer du sein, pas seulement en France, cette carence a été relevée lors de la concertation citoyenne française[3].

Deux études parues dans le British Medical Journal (l’une australienne, l’autre de chercheurs de la Collaboration nordique Cochrane [4] [5] [6]) ont énuméré 17 points clé que devraient aborder les brochures sur les cancers du sein et leur dépistage, pour une information scientifique et objective.

Le livret créé par l'Inca en septembre 2017, après la concertation citoyenne, restait très en-deçà des attentes.

L'enjeu actuel est d'informer de manière équilibrée sur les risques du dépistage, au moins autant que sur ces bénéfices. En effet depuis 20 ans, les études internationales font de moins en moins pencher la balance du côté du bénéfice du dépistage mais au contraire relèvent des risques non négligeables pour les femmes qui y adhèrent régulièrement.

Nous allons à présent utiliser ces points clés pour établir si l'Institut National du Cancer, avec son site dédié au dépistage du cancer du sein par mammographie, s'est astreint à améliorer la qualité de son information par rapport au livret, mais surtout par rapport aux attentes des citoyennes formulées dans le rapport final de la concertation.

METHODES

Nous comparons les données publiées sur le site de l'Inca avec le référentiel des études disponibles à présent depuis 20 ans.

Les 17 critères retenus dans les deux études sus-citées, pour une information de qualité sur le dépistage du cancer du sein sont :

  1. Risque de développer un cancer du sein au cours de la vie.
  2. Risque de décéder d’un cancer du sein au cours de la vie.
  3. Survie après un cancer du sein.
  4. Réduction du risque relatif.
  5. Réduction du risque absolu.
  6. Nombre nécessaire à dépister pour éviter un décès par cancer du sein.
  7. Proportion des femmes qui seront rappelées.
  8. Proportion de cancer du sein dépisté (sensibilité ).
  9. Proportion des femmes sans cancer du sein qui ont un dépistage positif ( manque de spécificité/faux positifs).
  10. Proportion des femmes avec un test positif qui ont un cancer (valeur prédictive positive )
  11. Réduction du risque relatif de mortalité totale.
  12. Carcinome in situ.
  13. Surdiagnostic.
  14. Surtraitement.
  15. Effet du dépistage sur le nombre de mastectomies.
  16. Risque relatif de la radiothérapie, la détresse psychologique en rapport avec les faux positifs.
  17. Douleur au cours de la mammographie.

RESULTATS

Note finale 7 à 7,5/20

Cliquez sur image pour agrandir

DISCUSSION

A. les critères

  1. Risque de développer un cancer du sein au cours de la vie.

Oui, ce point est développé ici, accessible sur la page d'accueil ; (voir aussi la cartouche : "connaître son niveau de risque" : https://cancersdusein.e-cancer.fr/infos/connaitre-son-niveau-de-risque/

2. Risque de décéder d’un cancer du sein au cours de la vie.

Non,  en page d'accueil est affiché le nombre de décès par an, mais pas le risque de décès selon la tranche d'âge [7].

3.La survie après un cancer du sein.

La survie est bien évoquée, et pour cause, le taux avancé est outrancier : 99% de survie. Ce chiffre, contestable, est élevé en raison même du surdiagnostic.

Comme nous l'avons déjà expliqué plusieurs fois sur ce site, la survie est un mauvais indicateur d'efficacité du dépistage. La « survie » mesure la durée de vie après diagnostic du cancer et donne une illusion d’optique : si on diagnostique le cancer plus tôt (par exemple lors d'un dépistage), la survie après diagnostic est augmentée, même lorsque la durée de la vie de la personne n’est en rien changée. L'espérance de vie des femmes en France ne s'est en rien modifiée depuis le dépistage. La survie après diagnostic est augmentée par le surdiagnostic. En effet, on traite des personnes qui n’auraient jamais souffert de cancer et seraient mortes d’une autre raison. Plus on dépiste, et plus on majore ce phénomène.

Le taux de survie, de plus, dépend de l'âge, ce qui n'est pas indiqué.

De surcroît, il ne correspond pas aux données de l'agence nationale de santé publique française [8] :

  • Sur la période 2005-2010, la survie1 à 5 ans est maximale (92-93 %) chez les femmes âgées de 45 à 74 ans, légèrement inférieure (91 %) chez les femmes entre 15 et 44 ans et beaucoup plus faible (75 %) chez les femmes les plus âgées.
  • La survie1 à 5 ans s’est améliorée au cours du temps, passant de 80 % pour les femmes diagnostiquées en 1989-1993 à 87 % pour celles diagnostiquées en 2005-2010. Cette amélioration est liée d’une part, à une plus grande précocité des diagnostics (en lien avec le développement des pratiques de dépistage, mais également avec l'amélioration des pratiques et techniques diagnostiques) et, d’autre part, aux progrès thérapeutiques de ces dernières années.

    4.Réduction du risque relatif.
    5-Réduction du risque absolu.

 Oui, il est bien fait mention de la notion de risque de mortalité réduit, mais il s'agit seulement du risque relatif. On y accède par l'encart en page d'accueil :

Le site de l’INCa indique que le dépistage permet une diminution de 15 à 21 % des morts par cancer du sein.

Il s'agit là de l'indication uniquement du risque relatif. Les rédacteurs font fi de la revendication des citoyennes de ne plus être bernées par des chiffres qui ne signifient pas ce qu'ils semblent dire. Les 20% de décès en moins ne signifient en aucun cas que sur 100 femmes qui se font dépister, 20 femmes en moins sur 100 mourront de cancer du sein. Ces 20% ne correspondent qu'à une réduction de risque relatif entre deux groupes comparés de femmes.

Selon une projection faite par le Collectif Cochrane [9]  basée sur l’ensemble des études de bonne qualité disponibles, sur 2 000 femmes dépistées pendant 10 ans, 4 meurent d’un cancer du sein ; sur un groupe de femmes non dépistées dans le même laps de temps 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en valeur absolue un seul décès de femme sera évité (risque absolu de 0.1% ou 0.05% )

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/


En réalité, au bout de 10 à 25 années de dépistage, selon les estimations retenues (américaines, revue Prescrire, US TaskForce), une mort par cancer du sein sera évitée pour 1000 à 2000 femmes qui se font dépister. [10]

C’est pour cela que les citoyennes avaient exigé lors de la concertation une présentation en données réelles, et non en pourcentages qui enjolivent la situation. Le même travers déjà relevé dans le livret est répété ici.

6. Le nombre nécessaire à dépister pour éviter un décès par cancer du sein.

Non, ce point n'est pas abordé. Toujours selon la synthèse Cochrane, il faut dépister environ 2000 femmes sur 10 ans pour éviter un décès par cancer du sein (mais pas forcément pour éviter une mort, car les effets indésirables parfois mortels du dépistage ne sont pas pris en compte dans ces études).

7. Proportion des femmes qui seront rappelées.

Non, ce point n'est pas chiffré.

Une des causes de rappel des femmes est l'examen jugé "techniquement insuffisant" par le deuxième lecteur qui reçoit les clichés validés par le premier lecteur. Ceci occasionne des angoisses supplémentaires pour les patientes, et bien évidemment, une irradiation supplémentaire, pour des questions d'incidences parfois bien formalistes.

La deuxième cause de rappel et non des moindres sont les faux positifs, c'est à dire un examen de dépistage positif pour une femme qui ne présente pas de lésion cancéreuse. Le faux positif est une notion expliquée sur le site, mais n'est pas quantifiée.

8. Proportion de cancer du sein dépisté (sensibilité ).

Encart ici

Partiellement, ce point est chiffré, en cliquant sur cet encart sur la page d'accueil , vous accédez à https://cancersdusein.e-cancer.fr/infos/la-fiabilite-et-qualite-du-depistage-organise/; ici on explique que 6% des cancers sont détectés lors de la deuxième lecture.

En passant par l'encart :

On aboutit ici : https://cancersdusein.e-cancer.fr/infos/examens-de-depistage-quels-sont-les-resultats-possibles/, où il est expliqué que dans 90% des cas le résultat sera normal, et que dans 910 cas sur 1000, les mammographies ne détecteront pas d’anomalie, ou seulement des anomalies bénignes

9. Proportion des femmes sans cancer du sein qui ont un dépistage positif

(manque de spécificité = faux positifs).

La notion de faux positif est mentionnée, en cliquant sur l'encart " les bénéfices et les limites du dépistage" en page d'accueil. Sur la page "les bénéfices et les limites du dépistage"  le faux positif est abordé sous l'évocation du surdiagnostic, mais sans en donner la proportion. Il est indiqué qu'il survient "rarement", ce qui ne constitue pas un chiffrage précis.

10. Proportion des femmes avec un test positif qui ont un cancer (valeur prédictive positive )

Critère non présent.

11. la réduction du risque relatif de mortalité totale.

Critère non présent.

12. le carcinome in situ.

Aucune mention n'est retrouvée sur ce point, pourtant important car constituant une grosse partie du surdiagnostic.

13. le surdiagnostic.

Oui.

Mais nous notons qu'il faut aller tout en bas du site pour tomber enfin sur ce renseignement, et c'est dans la rubrique "vos questions", alors que cet écueil majeur du dépistage devrait être bien en évidence, au même titre que les prétendus "risques à ne pas se faire dépister". Il y a donc déjà une hiérarchisation dans la présentation même, avec mise en avant des arguments positifs à se faire dépister.

Le chiffrage indiqué ici : https://cancersdusein.e-cancer.fr/questions/surdiagnostic-surtraitement-quest-ce-que-cest/ se situe dans la fourchette la plus basse, faisant fi des dernières études internationales passées complètement sous silence. [11] [12]

Une fois de plus il est trompeusement donné en pourcentage.

14. le surtraitement.

Non, ce point n'est absolument pas abordé correctement alors que mentionné dans le libellé de l'encart, le titre est tout à fait trompeur et on ne trouve aucune information sur le surtraitement et sur ses conséquences.

15. l’effet du dépistage sur le nombre de mastectomies.

Point non abordé. On parle à différents endroits du site de traitements moins lourds et de séquelles moindres, sans références, alors que dans les faits, le dépistage aboutit à augmenter le nombre de femmes qui subiront une mastectomie. [13] [14] [15] [16]

16. le risque relatif de la radiothérapie, la détresse psychologique en rapport avec les faux positifs.

Non, aucune mention n'en est faite.

17. la douleur au cours de la mammographie.

Oui, dans la vidéo du radiologue et au bas du site, sous "vos questions", il y a un encart spécial "pourquoi ça fait mal une mammographie ?". Notons au passage la curieuse tournure très enfantine de la question..

B.Commentaires

Généralement rien n'indique de quelle source proviennent les chiffres avancés. Certains d'entre eux sont carrément erronés (taux de survie).  Les affirmations dans les différents encarts ne sont pas plus référencées. Aucune étude scientifique étayant les propos n'est citée.

L'indicateur de survie, bien que faisant partie des 17 points clés, n'est pas un bon indicateur d'efficacité du dépistage du cancer du sein, il est majoré par le surdiagnostic, ce qui aurait dû être expliqué sur le site.

Les publications majeures et récentes, internationales, entre autres l'étude populationnelle de P.Autier aux Pays Bas (réf 11) ou l'étude de Zahl au Danemark (réf 12), qui donnent un chiffrage plus inquiétant sur le surdiagnostic, ne sont pas évoquées.

L'encart "les risques à ne pas réaliser un dépistage" est bien apparent en milieu de la page d'accueil, emplacement immédiatement accessible.

A l’inverse, les « risques à se faire dépister » ( "surdiagnostic, surtraitement") ne sont abordés que tout en bas du site, en dessous de "vos questions".

Et encore, il n'est pas fait mention des nombreuses études qui démontrent le caractère de plus en plus invasif des traitements depuis l'avènement des campagnes, avec absence de diminution, voire augmentation des mastectomies et explosion des chiffres de chimio-et radiothérapies. (réf 13 à 16)

Dans la vidéo le radiologue prétend que de moins en moins de doses de rayons sont délivrées par la mammographie. Nous déplorons à nouveau le manque de références et de sources à cette affirmation, comme généralement dans l'ensemble du site, où aucune étude n'est seulement citée.

Le problème est que plusieurs incidences supplémentaires peuvent être réalisées lors d'une mammographie de dépistage, augmentant l'impact du rayonnement, et que d'autre part le problème n'est pas la quantité de dose délivrée, mais sa répétition dans le temps, car le cumul de petites doses est plus délétère pour les tissus qu'une seule dose importante. [17]

Est occulté complètement le problème de la dose délivrée en cas de radiothérapie inutile, celle que la femme subit en cas de surdiagnostic ou de carcinomes in situ de bas grade traités avec la même agressivité qu'un véritable cancer invasif. Le carcinome in situ, grand pourvoyeur de surdiagnostic n'est absolument pas évoqué, nulle part sur tout le site.

La double lecture est présentée sur le site de l'Inca comme une sécurité supplémentaire, mais le problème du rappel majoré de femmes dépistées consécutif précisément à cette double lecture, qui augmente l'éventualité des faux positifs et du surdiagnostic, n'est pas expliqué.

Nous ne nous appesantirons pas sur l'encart en haut de la page d'accueil sur les "réelles chances de guérison", chances réelles aussi pour des cancers non dépistés, dès lors qu'il s'agit de cancers intrinsèquement peu agressifs, ce qui n'a rien à voir avec une détection "précoce". Nous savons maintenant que petit ne veut pas dire détecté tôt, que volumineux ne signifie pas trop tard, qu'un cancer petit peut déjà avoir métastasé, qu'un volumineux cancer peut être simplement local, et que plus petite est la lésion détectée, plus grande est la probabilité d'avoir à faire à un surdiagnostic. Il faut croire que ce sont là aussi des notions trop subtiles pour être détaillées aux femmes, ou pour y consacrer un chapitre.

Ce travers est retrouvé aussi dans l'animation : la détection avant apparition des symptômes, dit-on, augmente les chances de guérison, de traitements moins lourds, sans donner aucune référence ou source de ces affirmations parfaitement péremptoires et fallacieuses, ce qui est pire.

Pour finir, nous cherchons vainement les références vers des études scientifiques ou autres sources même dans la vidéo ou l'animation.

AU TOTAL

Nous avons cherché dans ce nouveau site de l'Inca sur le dépistage du cancer du sein une amélioration tangible dans l'information aux femmes.

Ce que nous avons trouvé est un site de propagande, très décevant, faisant semblant d'avoir entendu les demandes des citoyennes d'une information plus honnête, et pas seulement mieux présentée. L'information donnée ici est enfantine, simpliste, reléguant par le visuel les vrais problèmes du dépistage mammographique au second plan et mettant en avant et en évidence des résultats magnifiés, non référencés, certains même prétendus (allègement des traitements), reprenant des vieux poncifs maintenant obsolètes comme une réduction de mortalité de 15 à 21%, dont on sait qu'elle présente une situation artificiellement favorable et alors même que les citoyennes avaient expressément demandé à ce que soient évitées ces données en pourcentage, qui sont trompeuses et enjolivent la réalité. [18]

Rappelons que la note finale pour le livret de l'Inca était de 6/20, celle du communiqué de presse de l'Inca pour la campagne d'octobre rose de 2011, évaluée par Dr P.Nicot était de 0/20, aucun des critères, à l'époque, n'étant rempli.

NOTE FINALE

L'analyse du site de l'Inca permet de dégager six critères et un septième partiel sur 17 qui sont abordés, soit une note finale de 7,5/20 , un point et demi de mieux que pour le livret. Il reste encore bien du travail à faire...

REFERENCES


[1] https://cancersdusein.e-cancer.fr/

[2] https://www.cancer-rose.fr/analyse-critique-du-nouveau-livret-dinformation-de-linca/

[3] depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016

[4] Slaytor EK, Ward JE How risks of breast cancer and the benefits of screening are communicated to women: analysis of 58 pamphlets.http://www.bmj.com/content/bmj/317/7153/263.full.pdf

[5] Jørgensen KJ, Gøtzsche PC. Presentation on websites of possible benefits and harms from screening for breast cancer: cross sectional study. bmj.com 2004;328:148. Sur : http://www.bmj.com/content/328/7432/148.full.pdf+html

[6]  http://www.voixmedicales.fr/2011/11/14/depistage-organise-du-cancer-du-sein-information-ou-communication/

[7] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0755498214001328

[8] http://invs.santepubliquefrance.fr/fr../Dossiers-thematiques/Maladies-chroniques-et-traumatismes/Cancers/Donnees-par-localisation/Cancer-du-sein

en cliquant sur l'onglet "survie", en-dessous du tableau

[9] http://www.cochrane.org/fr/CD001877/depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie

[10] https://www.cancer-rose.fr/le-sur-diagnostic-un-graphique-pour-expliquer/

[11] http://www.bmj.com/content/359/bmj.j5224

Eficacité et surdiagnostic du dépistage mammographique aux Pays Bas par .Autier

[12] http://annals.org/aim/article-abstract/2596394/breast-cancer-screening-denmark-cohort-study-tumor-size-overdiagnosis

[13] http://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/le_depistage_organise_permet_il_reellement_dalleger_le_traitement_chirurgical_des_cancers_du_sein__310529/article.phtml

[14] https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2363025

[15] Junod B, Zahl P-H, Kaplan RM, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BMC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401.

[16] Dépistage des cancers du sein par mammographies Troisième partie Diagnostics par excès : effet indésirable insidieux du dépistage. Rev Prescrire. 35(376):111–8.

[17] https://www.cancer-rose.fr/mammographies-et-radiosensiblite/

[18] Page 79 du rapport de la concertation citoyenne depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016

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L’Allemagne prête à stopper le dépistage mammographique ? Peut-être que oui.

 

DIE ZEIT 11 janvier, hebdomadaire allemand ; article de Ulrich Bahnsen, traduction C.Bour

L'article pose l'extinction programmée du dépistage organisée comme un voeux pieux, les nouveaux tests sanguins à venir seraient capables de faire mieux dans la détection précoce que l'imagerie. L'évocation de l'arrêt du dépistage est en soi intéressante mais on constate comment un vide est remplacé par un autre, une illusion de détection précoce est remplacée par un autre mirage, celui d'une sorte de "biopsie liquide", de prélèvements sanguins, non encore au point, dont personne ne peut dire s'ils seront fiables, suffisamment spécifiques, et s'ils n'entraîneront pas des fausses alertes supplémentaires, un surdiagnostic encore plus massif et une détresse humaine encore pire en raison d'une angoisse permanente dès lors qu'on détectera la moindre cellule tumorale circulante dans l'organisme.

L'arrêt du dépistage en Allemagne n'est évidemment pas à l'ordre du jour comme le relativise le journaliste en fin d'article, expliquant que le dépistage perdurera aussi longtemps que les tests sanguins ne sont encore "au point" et utilisables sur une population en situation réelle.

Bonne lecture ! (NDLR)

 

Est-ce que cette goutte peut sauver du cancer ?

Le prochain gouvernement doit stopper le dépistage mammographique. Il a échoué, mais des tests sanguins nouveaux donnent espoir.

 

L'inverse du bien c'est, notoirement, la bonne intention. Ce théorème est valable très particulièrement pour les bonnes actions politiques en santé.

Il faudra inscrire dans le cahier des charges de la prochaine coalition une tâche impopulaire : la liquidation ordonnée du programme mammographique de dépistage précoce du cancer du sein.

 

Depuis 2002 le dépistage de masse est un projet phare de la politique de santé allemande. Mais les explorations à la chaîne ne remplissent pas leur mission. L'espoir d'un sauvetage multiple de vies par la mammographie organisée a explosé, non seulement en Allemagne. En même temps se dessine à l'horizon un tournant dans la détection précoce. Des tests biologiques d'un nouveau genre, qui pourraient détecter de façon fiable des gènes cancéreux dans des prélèvements sanguins, vont surpasser vraisemblablement dans les prochaines années les procédés d'imagerie, en pertinence et en précision. Dans le monde entier des instituts et des entreprises travaillent ardemment sur de telles techniques pour la détection précoce des différentes cancers les plus fréquents.

Le consortium EpiFemCare sollicité par l'Union Européenne présentait peu avant Noël les premiers tests sanguins praticables pour le cancer du sein et de l'ovaire. Probablement il y a là la relève du dépistage mammographique par une recherche nouvelle génétique dans le sang.

 

Dans l' auguste objectif de diminuer la mortalité féminine par cancer du sein, le cabinet rouge/vert de Gerhard Schröder avait décidé en 2002 de l'introduction de l'examen radiologique régulier pour toutes les femmes entre 50 et 69 ans. La logique derrière cette résolution mise en avant par la ministre de la santé de l'époque, Mme Ulla Schmidt (SPD) était la suivante : détectés tôt, davantage de cas de cancers de la femme, les plus fréquents, peuvent être guéris. Le nombre de décès par cancer du sein pourrait être réduit par la radiographie systématique d'environ 15%, selon une méta-analyse de 2011 de la Fondation Cochrane. Des experts de plusieurs pays européens n' y croyaient déjà pas à l'époque. Certaines études trouvaient un intérêt limité dans l'effet salvateur des dépistages systématiques, d'autres analyses contestaient cela avec véhémence. Bien entendu dans le cas particulier où la femme ressent des symptômes, la mammographie s'avère utile.

Mais sur le sens ou le non-sens du dépistage en population, la controverse enfle depuis des années.

 

Les doutes sont devenus pratiquement des certitudes.

Car précisément le programme de dépistage tant loué de nos voisins néerlandais s'est mué récemment en un avertissement. Il tient pour être le meilleur en Europe et est actif depuis presqu'un quart de siècle. Mais dans ce laps de temps il n'a produit pour ainsi dire rien. Des experts français ont déduit ce fait décevant après avoir épluché les données des collègues néerlandais.

En effet la mortalité des patientes atteintes de cancer du sein aurait décru de 28% depuis l'introduction du dépistage, mais cette évolution réjouissante est fondée selon les auteurs exclusivement sur l'existence de meilleures thérapeutiques.

Une diminution de la mortalité attribuable à la mammographie en revanche, ne serait pas visible, selon les chercheurs de l'équipe de Philippe Autier (dans le BMJ). S'il existait une telle réduction de mortalité, elle serait autour de 5%. *(voir étude Autier au bas de l'article)

A la place, le diagnostic radiologique aurait infligé des dommages aux femmes participantes : environ 30% seraient victimes de surdiagnostic et surtraitement, un résultat analogue a été trouvé déjà antérieurement lors de diverses études.

Ces femmes ont été traitées après la mammographie pour des tumeurs qui appartiennent à des formes à croissance lente et non mortelles. Elles ne leur auraient causé aucun dommage durant leur vie. Malgré cela les femmes concernées ont été traitées inutilement, la raison en est que sur la base d'une radiographie on ne peut guère évaluer si une tumeur est indolente ou bien doit être traitée agressivement. Les tumeurs essaimant précocement  et de ce fait mortelles passent souvent inaperçues à la mammographie.

Cette imprécision de la mammographie a des conséquences individuelles drastiques : ablation inutile de tissus, opérations superflues, radio-et chimiothérapies inutilement lourdes. Ce que la polémique pointe : souvent les femmes seraient non pas traitées de ce qui les met en danger, mais de ce que l'imagerie montre.

 

Même en Allemagne moins de femmes décèdent du cancer du sein. C'est la bonne nouvelle.

La mauvaise : il n'y a aucune raison de présumer que la mammographie contribuerait à cette évolution réjouissante en Allemagne plus qu'aux Pays Bas, pays qui se situe de façon incontestée au plus haut niveau (en terme de participation NDLR). Déjà mathématiquement un meilleur résultat en Allemagne n'est pas possible, une participation de 70% des femmes invitées, au moins, serait nécessaire pour que le programme puisse seulement avoir un effet sur la mortalité. Ce quota n'a jamais été atteint : à peine 60% des femmes de la tranche d'âge 50 à 69 ans apparaissent dans les centres de dépistage. Aux Pays Bas il s'agit de 80%, mais cela n'a pas eu non plus d'effet sur la mortalité.

 

Le groupement coopératif des mammographistes dénigre cette analyse du programme néerlandais, (il n'y aurait pas de conséquences pour le programme allemand). Et il s'appuie constamment sur le fait qu'avec le dépistage de plus petites tumeurs sont retrouvées, et qui peuvent être traitées ensuite avec succès. Cela sonne bien, mais c'est fallacieux. Car justement parmi ces découvertes se trouvent ces tumeurs qui n'auraient pas nécessité de traitement, on soigne des femmes qui ne sont pas malades.

 

Ce succès illusoire coûte beaucoup d'argent. D'après des expertises, lors des dix dernières années le dépistage a englouti plus de 3 milliards d'euros. Mais l'objectif central du dépistage, à savoir sauver plus de femmes, a été manqué. Ces milliards auraient mieux fait d'être employés à la recherche de traitements ou au soin des femmes malades.

 

Cela ne signifie pas qu'il n'y aurait aucun sens à diagnostiquer tôt un cancer, au contraire, le bénéfice serait important. Une femme sur huit en Allemagne reçoit un diagnostic de cancer du sein. Et presque 20% des malades ont moins de 50 ans. Le problème : ces dernières ne bénéficient pas d'un diagnostic fiable en raison de leur haute densité mammaire. La détection précoce devrait donc être conduite grâce à des méthodes très précises. Essentiellement les formes de cancers les plus dangereux (ceux dont la croissance est agressive et qui métastasent tôt) devraient être découvertes rapidement, afin qu'une guérison soit possible. Toutefois, et pas uniquement grâce à l'état des lieux du programme néerlandais, il est apparu clairement : la mammographie n'apporte pas cela.

 

Des molécules véhiculées dans le sang pourraient-elles permettre un diagnostic salvateur possible ? Déjà il y a plusieurs décennies des scientifiques avaient observé que dans le sang de malades du cancer surnageaient bien davantage de molécules de DNA que chez les personnes saines. Ces molécules morcelées - les scientifiques parlent de cfDNA, cell-free DNA- proviennent de cellules qui ont péri. Chez les malades du cancer la charge sanguine augmente, parce que dans le cas de tumeurs malignes beaucoup de cellules meurent (le cancer ne croît que parce que les autres cellules se divisent plus vite).

Depuis que ces techniques de décodage des débris d'ADN, extrêmement rapides et applicables en masse, sont disponibles, les scientifiques peuvent développer des tests qui reconnaissent les modifications génétiques typiques des cancers.

Dennis Lo, qui a fourni un travail de pionnier à l'université de Hongkong dans l'examen du cfDNA dans le cas du syndrome de Down, a développé un premier test pour un cancer des tissus mous de la tête et du cou, fréquent en Chine. A Baltimore l'équipe de chercheurs oncologues de Bert Vogelstein travaille sur des tests sanguins de détection de différentes tumeurs, comme le cancer du côlon ou du poumon.

La firme de technologie Illumina a créé en 2016 la filiale Grail. Elle devait concevoir un test sanguin pour la reconnaissance de plusieurs cancers à la fois. Bill Gates et le fondateur d'Amazon, Jeff Bezos, ont investi 100 millions de dollars dans ce projet.

En Europe sont présents deux tests sanguins depuis décembre, qui doivent prouver en pratique leur efficacité. Leur but est la détection précoce du cancer du sein et de l'ovaire. Le test pour le cancer du sein détecterait, selon les chercheurs (dans le journal spécialisé Genome Medicine), les carcinomes les plus dangereux, essaimant rapidement, et ce avant la mammographie. Et il pourrait être utilisé aussi pour des femmes plus jeunes, qui développent fréquemment ces tumeurs agressives. Mais la priorité est donnée au deuxième test, celui de la détection précoce du cancer de l'ovaire. Comme il n'existe pas de diagnostic pour ce type dangereux de cancer, il y a "un besoin massif de déceler ce cancer au stade précoce", dit Martin Widschwendter de University College London, qui mène le projet EpiFemCare. "Nous escomptons que notre stratégie détecte plus de 92% de tous les cancers de l'ovaire, dont 60% au stade précoce."

Mais tout d'abord les tests doivent confirmer les attentes dans les conditions naturelles.

La question de savoir si on sauve plus de personnes de décès par cancer attend toujours sa réponse. "Même détecté tôt, il peut être trop tard", se plait à prévenir l'épidémiologiste Nikolaus Becker du Centre Allemand de Recherche du Cancer à Heidelberg. De plus on peut s'attendre des tests sanguins d'ADN cancéreux aussi des fausses alertes de temps à autre. Et il reste un problème majeur : que fait-on lorsque le test sanguin indique de l'ADN cancéreux et qu'on ne trouve aucune tumeur ni par radiographie ni par IRM, et qu'elle ne peut en conséquence pas être ôtée ?

 

Les tests sanguins ne devraient donc bouleverser la détection précoce que dans quelques années au mieux.

Et cela prendra autant de temps pour en finir avec le dépistage organisé. Que le temps est venu du marchandage, à cela le BMJ ne laisse aucun doute : "la bonne nouvelle est que moins de femmes meurent du cancer du sein", écrit Mette Kalager de l'Université d'Oslo dans son éditorial pour l'évaluation du programme mammographique néerlandais. Ensuite elle écrit de façon plus explicite : "discutons à présent du comment nous allons mettre fin au dépistage mammographique".

 

*Etude équipe Autierétude Pays Bas

 

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Le mammobile, exemple d’un dépistage sans contrôle, mais rentable

25 janvier 2018

Résumé Dr C.Bour

Parution d'un article dans "Dis-Leur" le 15 janvier, écrit par Mr Olivier Schlama, journaliste :

https://dis-leur.fr/cancer-sein-depister-masse-50-ans-heresie/

A l'origine :

Une patiente héraultaise nous fait part du flyer qu'elle a reçu par courrier postal :

Les faits :

L'Association Montpellier-Hérault du Dépistage du Cancer du Sein (AMHDCS) va, par l'intermédiaire d'un "mammobile" à la rencontre des femmes pour les inciter au dépistage. Cette association reçoit des subventions de 200 communes pour la promotion du dépistage et le fonctionnement de son mammobile, ainsi que de la part du Conseil Général de l'Hérault, de mutuelles et de la Caisse d'Assurance Maladie.

Problème :

Le dépistage systématique doit être réservé à la tranche d’âge 50 ans-74 ans selon les recommandations expresses réactualisée en 2015 de la Haute Autorité de Santé ainsi que celles de l'Inca.

recos HAS

"Recommandations préliminaires

La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans."

recos Inca

En effet, un dépistage en-dessous de 50 ans n’est pas recommandé en raison d'une balance bénéfice/risques très nettement négative et du risque d'un surdiagnostic important, majoré d'une irradiation excessive et cumulative en raison de la densité mammaire importante avant la ménopause. Or le flyer envoyé aux femmes quadragénaires par les communes prétend un "dépistage 100% utile dès 40 ans". Aucune information sur les risques du dépistage en général ni en particulier pour les femmes en dessous de la tranche d'âge prévue n'est fournie à la récipiendaire. L'utilité est loin d'être démontrée, les inconvénients ne sont même pas évoqués.

Contacté par le journaliste de "Dis-Leur", Mr Olivier Schlama, l'Inca réitère ses recommandations.

Rentabiliser l'opération :

Le président de l'association départementale contacté par Mr Schlama, (le Dr J-P Jaurès) explique que le mammobile a été créé pour être complémentaire des cabinets de radiologie de la région et pour faciliter l'accès aux femmes. Renseignement pris auprès de confrères radiologues, il n'y a pas de difficulté criante dans les villes sillonnées par le mammobile d'accès aux cabinets de radiologie. Le médecin explique aussi que, s'agissant de la tranche d'âge des 40-50 ans les "institutions" étaient volontaires de financer ce dispositif à la place de l'Etat, avec accord de la Caisse primaire d'Assurance Maladie, et soutenu, selon lui, par l'Agence Régionale de Santé. Et de rajouter que le mammobile n'est rentable (sic) qu'à partir de 30 personnes dépistées par jour, ce chiffre n'étant atteint qu'en incluant les personnes de moins de 50 ans,

Voilà une démonstration parlante d'une rentabilité prenant le pas sur un objectif de santé publique et sur l'information loyale, neutre et objective que l'on doit à toute personne soumise à l'administration de tout médicament ou dispositif de santé.

Co-fondateur de l'initiative avec le Dr Lamarque, le Dr Pujol n'a pas souhaité répondre à Mr Schlama sur le sujet.

La suite :

Depuis l'article de Mr O.Schlama, l'âge affiché sur les camions a été modifié pour "utile dès 50 ans".

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Communiqué de presse/étude Autier Pays Bas 2017

Dépistage du cancer du sein aux Pays-bas : peu d’effet sur la mortalité pour beaucoup de surdiagnostic.

 

Depuis les années 2000, il existe dans le monde entier une controverse scientifique vigoureuse sur le dépistage du cancer du sein. Cette controverse porte autant sur l’efficacité réelle de ce dépistage, que sur les risques qu’il occasionne.

Les bénéfices espérés d'un dépistage sont :

  • Diminution de la mortalité par cancer du sein. Est-elle aussi importante qu'il est affirmé ?
  • Diminution des formes avancées. Cet objectif est-il atteint ?

 

En balance il faut considérer les risques de la mammographie systématique :

  • Le surdiagnostic, c'est à dire des cancers annoncés et traités comme tels, qui n’auraient pas causé de dommage aux femmes s’ils n’avaient pas été diagnostiqués, car non évolutifs et n'entraînant pas le décès. Quelle est son ampleur ?
  • Le surtraitement (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), dû au surdiagnostic, avec ses conséquences psychologiques, professionnelles, familiales, sociales et économiques sur la vie des femmes.

 

Une étude réalisée aux Pays-Bas, où les femmes participent massivement à 80% depuis 24 ans à ce dépistage, apporte des réponses importantes et inquiétantes. Le Prof. Philippe Autier et son équipe ont analysé le registre des cancers de ce pays. Leur analyse, publiée dans le BMJ du 6 décembre[1][2] conclut à :

  • L'absence de diminution des cancers du sein avancés.
  • Une baisse de mortalité par cancer du sein attribuable au dépistage de ce cancer se situant entre 0% et 5%, et donc bien plus faible que les 20% à 30% affirmés depuis des années.
  • Un surdiagnostic d’environ 50% parmi les cancers détectés par la mammographie, sans commune mesure avec les 10 à 20% généralement avancés.

 

La mammographie de dépistage diminuerait donc très peu la mortalité par cancer sein (beaucoup moins que les progrès des traitements, par exemple), mais induirait en revanche un grand nombre de diagnostics et de traitements inutiles. Cette information doit être connue des femmes participant à ce dépistage, mais également de leur entourage.

 

En France en 2016, afin de faire le bilan sur cette controverse et de déterminer l’attitude à adopter, une concertation scientifique et citoyenne avait été organisée à la demande du ministère de la santé. Celle-ci s’est catégoriquement prononcée pour que le dépistage soit purement et simplement arrêté, ou qu’il soit remplacé par un dispositif profondément transformé. [3]

 

L’étude menée par le Professeur Autier et ses collaborateurs confirme donc le verdict de cette concertation citoyenne.

 

[1] Autier P, Boniol M, Koechlin A, Pizot C, Boniol M. Effectiveness of and overdiagnosis from mammography screening in the Netherlands: population based study. BMJ 2017;359:j5224. http://dx.doi.org/10.1136/bmj.j5224

 

[2] Résumé en français : https://www.cancer-rose.fr/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/

 

[3] Cases C, Di Palma M, Drahi E, Fainzang S, Landais P, De Montgolfier S, Paccaud F, Rivière P, Thouvenin D. Ensemble, améliorons le dépistage du cancer du sein – Rapport du comité d’orientation. September 2016. http://www.concertation-depistage.fr

page 132 du rapport

 

 

 

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