Explication de l’outil d’aide à la décision Cancer Rose

L'OAD décrit le nombre de cancers, le nombre de décès par cancer et le nombre de fausses alertes auxquels on peut s'attendre dans 2 cohortes de 2.000 femmes âgées au départ de 50 ans :

  • une cohorte participe au dépistage organisé jusqu'à l'âge de 59 ans et passe 5 mammographies de dépistage (à 50 ans, 52 ans, 54 ans, 56 ans et 58 ans)
  • l'autre cohorte n'y participe pas (0 mammographie de dépistage).

Les calculs sont basés sur :

  • les données épidémiologiques françaises disponibles (en octobre 2021) sur le site de Santé publique France 1,2
  • une hypothèse de 65% des femmes concernées se faisant dépister (50% dans le cadre du dépistage organisé + 15% dans le cadre d'un dépistage sur initiative individuelle). Cette hypothèse est conforme aux chiffres annoncés par l'INCa 3
  • une hypothèse de surdiagnostics représentant 20% des cancers détectés dans une population de femmes dépistées. Cette hypothèse se situe au milieu de la plage des valeurs publiées et elle est compatible avec la fourchette des valeurs admises par l'INCa (1 à 20%) 4
  • une hypothèse de réduction de la mortalité par le dépistage de 15%. Cette hypothèse se situe au milieu de la plage des valeurs publiées et elle est compatible avec la fourchette des valeurs admises par l'INCa (15 à 21%) 4

1-Estimation du nombre de cancers

Les données épidémiologiques utilisées sont présentées dans le tableau ci-dessous extrait de la référence 1.

Les incidences ci-dessus sont exprimées en nombre de cancers du sein pour 100.000 femmes.

Pour 2.000 femmes on a :

  • pour les femmes de 50-54 ans : 285,1*2000/100000 = 5,702 cancers / 2.000 femmes
  • pour les femmes de 55-59 ans : 273,1*2000/100000 = 5,462 cancers / 2.000 femmes

Dans une cohorte de 2.000 femmes, on devrait observer :

5,702 cancers lorsque la cohorte est âgée de 50 ans

5,702 cancers lorsque la cohorte est âgée de 51 ans

5,702 cancers lorsque la cohorte est âgée de 52 ans

5,702 cancers lorsque la cohorte est âgée de 53 ans

5,702 cancers lorsque la cohorte est âgée de 54 ans

5,462 cancers lorsque la cohorte est âgée de 55 ans

5,462 cancers lorsque la cohorte est âgée de 56 ans

5,462 cancers lorsque la cohorte est âgée de 57 ans

5,462 cancers lorsque la cohorte est âgée de 58 ans

5,462 cancers lorsque la cohorte est âgée de 59 ans

Soit un total de 55,82 cancers (arrondi à 56)

Cette incidence, cumulée sur 10 ans, de 56 cancers pour 2.000 femmes correspond à une cohorte représentative de la population française. Cette population est composée de femmes qui se font dépister et de femmes qui ne se font pas dépister. Autrement dit, les 56 cancers sont la somme des cancers chez les femmes qui se font dépister + les cancers chez les femmes qui ne se font pas dépister.

Ceci peut s'écrire : 56 = PD*CD + PN*CN

où   CD = incidence cumulée des cancers chez les femmes qui se font dépister

       C= incidence cumulée des cancers chez les femmes qui ne se font pas dépister

       PD = proportion de femmes  qui se font dépister

       PN =  proportion de femmes qui ne se font pas dépister

Avec notre hypothèse de 65% de femmes se faisant dépister : PD = 0,65 et P= 0,35.

On a donc : 56 = 0,65*C+ 0,35*CN   (équation1)

Avec notre hypothèse de 20% de surdiagnostics parmi les cancers chez les femmes qui se font dépister, on a : surdiagnostics = CD - C= 0,2*C       d'où   CN = 0,8*CD    (équation 2)

En combinant les équations 2 et 1, on obtient : 56 = 0,65*CD + 0,35*0,8*CD   soit : 56 = 0,65*CD + 0,28*CD  

d'où : 56 = 0,93*CD      d'où :  CD = 56/0,93 = 60,22     et : CN = 0,8*CD = 0,8*60,22 = 48,18

En résumé :

- le nombre de cancers attendus dans la cohorte participant au dépistage peut être estimé à 60

- le nombre de cancers attendus dans la cohorte ne se faisant pas dépister peut être estimé à 48

- le nombre de surdiagnostics dans la cohorte participant au dépistage peut être estimé à 12.

2- Estimation du nombre de décès

Les données épidémiologiques utilisées sont présentées dans le tableau ci-dessous extrait de la référence 2.


Les données pour les femmes de 50 et 60 ans permettent de tracer le Graphe 1 ci-dessous.

Ce graphe suggère qu'avec le temps, la survie tend à se stabiliser aux environs de 70%. La létalité associée aux cancers du sein peut donc être estimée aux environs de 30% (par létalité on entend la proportion de femmes atteintes d'un cancer du sein qui vont en décéder).

Pour avoir au moins 20 ans de recul en 2018, les données proviennent de cancers diagnostiqués avant 1998, donc à une époque antérieure au dépistage organisé. On peut donc considérer que ces 30% de létalité concernent des femmes non dépistées.

Le nombre de décès dans la cohorte de femmes ne se faisant pas dépister peut être estimé en appliquant ce taux de 30% de létalité aux 48 cancers du sein attendus dans cette cohorte.
Soit : nombre de décès chez les femmes ne se faisant pas dépister = 48*0,3 = 14,4  (arrondi à 14)

Sous l'hypothèse d'une réduction de mortalité de 15% dans la cohorte se faisant dépister, le nombre de décès dans cette cohorte est égal à 85% du nombre de décès dans la cohorte ne se faisant pas dépister.
Soit : nombre de décès  dans la cohorte de femmes se faisant dépister = 14,4*0,85 = 12,24  (arrondi à 12)

En résumé :

- le nombre de décès par cancer du sein attendus dans la cohorte ne se faisant pas dépister peut être estimé à 14

- le nombre de décès par cancer du sein attendus dans la cohorte se faisant dépister peut être estimé à 12

- le nombre de décès par cancer du sein évités grâce au dépistage peut être estimé à 2.

3- Analyse de sensibilité

L'hypothèse de 65% de femmes se faisant dépister est sujette à caution. Une analyse de sensibilité, en refaisant le calcul avec une proportion de femmes se faisant dépister variant de 50% à 90%, par pas de 10%, donne les résultats ci-dessous.

Proportion de femmes se faisant dépisterCancers dans la cohorte  dépistéeCancers dans la cohorte  non dépistéeSurdiagnosticsDécès dans la cohorte non dépistéeDécès dans la cohorte dépistéeDécès évités
50%62,2249,7812,4414,9312,692,24
60%60,8748,7012,1714,6112,422,19
70%59,5747,6611,9114,3012,152,14
80%58,3346,6711,6714,0011,902,10
90%57,1445,7111,4313,7111,662,06

On voit que les résultats varient peu, en particulier l'estimation des surdiagnostics et des décès évités.

L'hypothèse d'une létalité de 30% chez les femmes ne se faisant pas dépister est également sujette à caution. Une analyse de sensibilité, en refaisant le calcul avec une létalité variant de 10% à 50%, par pas de 5%, donne les résultats ci-dessous.

LétalitéDécès dans la cohorte dépistéeDécès dans la cohorte non dépistéeDécès évités par le dépistage
10%451
15%671
20%8102
25%10122
30%12142
35%14173
40%16193
45%18224
50%20244

L'estimation des décès est sensible à la valeur retenue pour la létalité. En particulier, avec le problème des arrondis, une sous-estimation de la létalité, même modeste (30% plutôt que 35%), pourrait conduire à sous-estimer l'estimation des décès évités.

Cette  sous-estimation est toutefois peu probable car les données épidémiologiques utilisées correspondent à des cancers diagnostiqués il y a plus de 20 ans et les progrès thérapeutiques, réalisés depuis, incitent à penser que notre estimation de 30% est plus vraisemblablement surestimée que sous-estimée.

4-Deux autres OAD

Les hypothèses retenues pour la fréquence des surdiagnostics (20%) et la réduction de mortalité(15%) correspondent à des hypothèses médianes et compatibles avec les plages admises par l'INCa. Il est cependant intéressant de regarder ce que devient l'OAD en partant d'autres hypothèses.

OAD avec des hypothèses favorables au dépistage : surdiagnostics = 10% - réduction de la mortalité = 25%

 Cohorte dépistéeCohorte non dépistée
Nombre de cancers5852
Surdiagnostics6 
Nombre de décès1216
Décès évités4 
Ratio surdiagnostics par décès évité1 à 2 surdiagnostics par décès évité

OAD avec des hypothèses défavorables au dépistage : surdiagnostics = 40% - réduction de la mortalité = 5%

 Cohorte dépistéeCohorte non dépistée
Nombre de cancers6442
Surdiagnostics22 
Nombre de décès12 à 1311 à 12
Décès évités1 
Ratio surdiagnostics par décès évité22 surdiagnostics par décès évité

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Références

  1. Defossez G, Le Guyader‑Peyrou S, Uhry Z, Grosclaude P, Colonna M, Dantony E, et al. Estimations
    nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Volume 1 – Tumeurs solides
    . Saint‑Maurice (Fra) : Santé publique France, 2019. 372p.
    https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-sein/documents/enquetes-etudes/survie-des-personnes-atteintes-de-cancer-en-france-metropolitaine-1989-2018-sein
  2. Molinié F, Trétarre B, Arveux P, Woronoff A-S, Lecoffre C, Lafay L et al. Survie des personnes atteintes de cancer en France métropolitaine 1989-2018 – Sein. Boulogne-Billancourt : Institut national du cancer, septembre 2020, 12 p.
    https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-sein/documents/enquetes-etudes/survie-des-personnes-atteintes-de-cancer-en-france-metropolitaine-1989-2018-sein
  3. https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-sein/Le-programme-de-depistage-organise
  4. https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Depistage-et-detection-precoce/Depistage-du-cancer-du-sein/Les-reponses-a-vos-questions

5-Nombre de dépistages positifs

Source : "Indicateurs nationaux de performance du programme de dépistage du cancer du sein sur la période 2017-2018" Mis à jour le 12 juillet 2021. En accès libre sur le site de Santé Publique France - https://psite.santepubliquefrance.fr/ Dernier accès le 17 septembre 2021.

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-sein/articles/indicateurs-nationaux-de-performance-du-programme-de-depistage-du-cancer-du-sein-sur-la-periode-2017-2018

Au cours de la période 2017-2018 :

- chez les femmes âgées de 50 à 54 ans, 1 131 008  dépistages ont été réalisés (N01)

- chez les femmes âgées de 55 à 59 ans, 1 043 554 dépistages ont été réalisés (N01)

On calcule ce qui se passe chez 2000 femmes âgées de 50 ans qui commencent le dépistage en n'ayant jamais eu de mammographies auparavant et qui continuent pendant 10 ans, soit 5 cycles de dépistage

Nombre de nombre de dépistages positifs (N05)

Cohorte de 2.000 femmes âgées de 50 ans et exposées au dépistage pendant 10 ans :

"nombre de dépistages positifs en L1 ou L2 avant bilan"

(N05) / nombre de femmes dépistées (N01) x 2 000


50 ans dépistage initial tranche 50-54

23 310 / 150 107 x 2000 =                 311 dépistages positifs

Restent 2000 - 311 = 1689 femmes sans dépistage positif

52 ans dépistage subséquent tranche 50-54

42 351 / 526 619 x 1689 =                136  dépistages positifs

Restent 1689 - 136 = 1553 femmes sans dépistage positif


54 ans dépistage subséquent tranche 50-54

42 351 / 526 619 x 1553 =                125  dépistages positifs

Restent 1553 - 125 = 1428 femmes sans dépistage positif


56 ans dépistage subséquent tranche 55-59

68 566 / 943 696 x 1428 =                104  dépistages positifs

Restent 1428 - 104 = 1324 femmes sans dépistage positif


58 ans dépistage subséquent tranche 55-59

68 566 / 943 696 x 1324 =                96  dépistages positifs

Restent 1324 - 96 = 1228 femmes sans dépistage positif


Nombre de femmes ayant eu au moins un dépistage positif au bout de 5 cycles (10 ans) : 2000 - 1228 =  772

Ce chiffre a été arrondi à 770 pour ne pas donner une fausse impression d'exactitude et de précision.

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6-Nombre de cancers de l'intervalle

Source : Exbrayat C. et coll. "Sensibilité et spécificité du programme de dépistage organisé du cancer du sein à partir des données de cinq départements français, 2002-2006" BEH 2012 ; (35-36-37) : 404-406.

À notre connaissance, en novembre 2011, il n'existe pas de données françaises plus exhaustives ni plus récentes.
Dans cette étude sur 5 départements français de 2002 à 2006, il y a eu :

414 432 mammographies aboutissant à 3082 cancers dépistés plus 638 cancers de l'intervalle.

Le pourcentage de cancers de l'intervalle parmi la totalité des cancers du sein est donc :

638 / (3082 + 638) = 638 / 3720 = 17,15 %

Sur 60 cancers on a donc 60 x 17,5/100 = 10,29 cancers de l'intervalle, arrondis à 10.

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7-Nombre de vrais positifs

Puisqu'il y a 60 cancers du sein dont 10 cancers de l'intervalle, le nombre de cancers vrais positifs détectés par mammographie est de 60 - 10 = 50.

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8-Nombre de cancers non surdiagnostic dépistés

Puisqu'il y a 12 cancers surdiagnostiqués (20% de 60), le nombre de cancers vrais positifs non surdiagnostiqués détectés par mammographie est de 50 - 12 = 38.

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9-Nombre de faux positifs

Puisqu'il y a 770 dépistages positifs dont 50 cancers vrai positifs, il y a 770 - 50 = 720 faux positifs. 

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10-Nombre de femmes ayant eu au moins une biopsie

Source :

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-sein/articles/indicateurs-nationaux-de-performance-du-programme-de-depistage-du-cancer-du-sein-sur-la-periode-2017-2018

Fichier : "tableaux de l'ensemble des indicateurs nationaux pour les années 2017 et 2018 cumulées, déclinés par rang"

publié le 12 juillet 2021. Dernier accès le 27 novembre 2021.

"Nombre de biopsies chirurgicales ou exérèses de la tumeur effectuées" (N10)

+ "Nombre de micro ou macro-biopsies effectuées" (N11)

(N10+N11) / nombre de femmes dépistées (N01) x 2 000


50 ans dépistage initial tranche 50-54

N10 + N11 = 1863 + 3711 = 5574

5574 / 150 107 x 2000 =           74  biopsies

Restent 2000 - 74 = 1926 femmes sans biopsie

52 ans dépistage subséquent tranche 50-54

N10 + N11 = 3335 + 6330 = 9665

9665 / 526 619 x 1926 =          35  biopsies

Restent 1926 - 35 = 1891 femmes sans  biopsie


54 ans dépistage subséquent tranche 50-54

N10 + N11 = 3335 + 6330 = 9665

9665 / 526 619 x 1891 =          35  biopsies

Restent 1891 - 35 = 1856 femmes sans  biopsie


56 ans dépistage subséquent tranche 55-59

N10 + N11 = 6438 + 10659 = 17097

17097 / 943 696 x 1856 =                 34  biopsies

Restent 1856 - 34 = 1822 femmes sans biopsie


58 ans dépistage subséquent tranche 55-59

N10 + N11 = 6438 + 10659 = 17097

17097 / 943 696 x 1822 =                 33  biopsies

Restent 1822 - 33 = 1789 femmes sans biopsie


Nombre de femmes ayant eu au moins une biopsie au bout de 5 cycles (10 ans) :

2000 - 1789 =  211 arrondi à 210. Sur ces 210 biopsies, 50 ont abouti à des diagnostics de cancer et par conséquent il y a 210 - 50 = 160 biopsies chez des femmes ayant eu un faux positif.


Estimation des décès imputables aux surdiagnostics- Dr V.Robert

Les surdiagnostics sont traités au même titre que les cancers du sein évolutifs. Ils génèrent donc des traitements inutiles (= les surtraitements). Comme tous les traitements, les surtraitements donnent lieu à  des effets secondaires, dont certains peuvent être mortels. C'est en particulier le cas des radiothérapies qui peuvent être à l'origine de cancers des poumons ou de complications cardiaques.

Il est donc indiscutable que les surdiagnostics et leurs traitements provoquent des décès. En revanche, faute de données épidémiologiques fiables, il est impossible de quantifier précisément ces décès.

Tous les essais cliniques concluent à l'absence de différence significative entre la mortalité globale (toutes causes confondues)  chez les femmes se faisant dépister et chez les femmes ne se faisant pas dépister.

Ce constat peut donner lieu à 3 interprétations :

  • soit, il n'y a pas de différence de mortalité globale. Dans ce cas, il faut que les décès par cancer du sein évités par le dépistage soient compensés par un excès équivalent de décès d'autre cause. Appliqué à notre cohorte des 2.000 femmes dépistées, cela signifie que les 2 décès par cancer du sein évités sont compensés par un excédent de 2 décès d'autre cause, dus aux 12 surdiagnostics.
  • soit, il y a une diminution de la mortalité globale chez les femmes dépistées, qui n'apparaît pas statistiquement significative en raison d'un manque de puissance des essais cliniques. Au maximum,  cette diminution de la mortalité globale pourrait être égale à la diminution de la mortalité par cancer du sein. Ceci suppose qu'il n'y a aucun décès excédentaire d'autre cause. Appliqué à notre cohorte des 2.000 femmes dépistées, cela signifie qu'il y a 2 décès par cancer du sein évités et 0 décès dus aux surdiagnostics.
  • soit, il y a une augmentation de la mortalité globale chez les femmes dépistées, qui n'apparaît pas statistiquement significative en raison d'un manque de puissance des essais cliniques. Dans ce cas, il faut que les décès dus aux surdiagnostics soient plus nombreux que les décès par cancer du sein évités par le dépistage. Appliqué à notre cohorte des 2.000 femmes dépistées, cela signifie que les 12 surdiagnostics devraient être à l'origine de plus de 2 décès. Plus de 2 décès pour 12 surdiagnostics, cela signifie qu'un surdiagnostic provoquerait un décès dans plus de 17% des cas. Une létalité aussi importante, uniquement due à des effets secondaires, semble peu vraisemblable. Nous ne retenons pas cette hypothèse.

En résumé : il n'est pas possible de quantifier précisément les décès dus aux 12 surdiagnostics mais il est vraisemblable que ces décès sont compris entre 0 et 2.

Nombre de morts dus au dépistage et aux surdiagnostics - Dr J.Doubovetzky

Les essais comparatifs randomisés n'ont pas mis en évidence de diminution statistiquement significative du nombre de morts lié au dépistage. Les études épidémiologiques (comparaisons historiques ou géographiques) non plus.

Depuis la mise en place du dépistage, il y a eu une diminution globale de la mortalité par cancer du sein, mais elle est essentiellement attribuée à l’amélioration des traitements et à la réduction de certains risques (par exemple les traitements hormonaux « préventifs » des troubles de la ménopause).

Tant que la démonstration n’est pas faite que le dépistage diminue la mortalité, il est normal d'inclure l’absence de diminution de la mortalité dans les possibilités. 

Cette position de principe est renforcée par l'existence d'hypothèses explicatives vraisemblables.

Il existe une multitudes d'effets indésirables potentiellement mortels des mammographies de dépistage et du surdiagnostic. Malheureusement, ces effets indésirables n'ont jamais été évalués en profondeur, de sorte que leur mortalité n'est actuellement pas chiffrable.

Ces effets indésirables potentiellement mortels comprennent :

- les effets directs des rayonnements ionisants des mammographies. On s’appuie pour les estimer sur des données indirectes comme les données d’Hiroshima ou les effets des antiques radioscopies de suivi des tuberculeux, ou encore des traitements historiques des affections dermatologiques par radiations. Et on utilise des modèles mathématiques linéaires dont on sait qu'ils sont faux.

- les suicides, morts cardiovasculaires et accidents de la voie publique consécutifs à l’annonce du diagnostic de cancer. Leur existence est démontrée pour les 2 premiers, mais pas chiffrés. Elle est probable pour le 3e. De ce qu’on sait, ce risque est d’autant plus élevé que le cancer en question est perçu comme grave (ce à quoi contribuent  les campagnes pro-dépistage). Mais on n’a pas de chiffre précis.

- les complications anesthésiques et infectieuses des biopsies et traitements chirurgicaux (connus, mal chiffrés).

- les complications cardiaques et cancéreuses des traitements radiothérapiques en surtraitement.

- Les effets indésirables des traitements. Par exemple, les effets indésirables des traitements des insuffisances cardiaques dues aux radiothérapie des surdiagnostics. Ou encore les effets indésirables des traitements psychiatriques liés aux anxiétés et dépressions secondaires aux surdiagnostics (par exemple troubles du rythme secondaires aux antidépresseurs par allongement de l’intervalle QT, ou bien chutes ou accidents liés aux benzodiazépines, recoupant partiellement l’item précédent). Ces effets sont démontrés mais pas chiffrés. Ils dépendent en outre des habitudes de prescription, qui varient selon les pays… 

Certes, chacun de ces chiffres semble a priori faible, mais personne n’est en mesure d’évaluer l’impact total de ces effets indésirables. Toute évaluation du type « je trouve que ça fait beaucoup » ou « je trouve que ça fait pas beaucoup » relève de la pure subjectivité. La seule expression réelle de ce risque c’est « entre zéro et autant que le bénéfice ». Voire plus. Certains auteurs ont fait des calculs et des projections selon lesquels la mortalité due aux effet indésirables du dépistage et des surtraitements serait supérieure au gain de mortalité rendu possible par les mammographies.

Par exemple, M. Baum a estimé que chaque fois que le dépistage permet d'économiser une vie, entre 1 et 3 vies seraient raccourcies par les effets indésirables liés au surdiagnostic ([1]).

La fourchette que nous avons retenue (0 à 2 morts dus aux effets indésirables du dépistage et du surdiagnostic) est donc raisonnable. 


[1]Baum M "Harms from breast cancer screening outweigh benefit if death caused by treatment is included" Br Med J 2013 ; 346 : f385. Doi: 10.1136/bmj.f385



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