Par Cancer Rose, 10 octobre 2022
Diagnostic délicat : éviter les préjudices en cas de diagnostic difficile, contesté ou souhaité.
7 octobre 2022
Un point de vue publié par :
Margaret McCartney est Honorary Senior Lecturer at the School of Medicine, University of St Andrews.
Natalie Armstrong est Professor of Healthcare Improvement Research au Department of Health Sciences, University of Leicester.
Graham Martin est Director of Research at The Healthcare Improvement Studies Institute, University of Cambridge.
David Nunan est Senior Research Fellow at the Nuffield Department of Primary Care Health Sciences, University of Oxford.
Owen Richards est Chair of the Patient and Carer Partnership Group, Royal College of General Practitioners.
Frank Sullivan est Professor of Primary Care Medicine at the School of Medicine, University of St Andrews.
« Diagnostics délicats » – Les auteurs présentent ici un cadre qui peut être utile lors de l’examen d’un diagnostic « difficile, contesté et souhaité ». Ils suggèrent une nouvelle approche à ce problème complexe auquel est souvent confronté le médecin dans sa pratique clinique – la tolérance à l’incertitude est la clé –
Les points majeurs sont :
– Certains diagnostics sont particulièrement sujets à l’ambiguïté, au surdiagnostic, au surtraitement et aux préjudices associés.
– Les facteurs systématiques comprennent la partialité, les conflits d’intérêts et la variabilité de la qualité de l’information pour les patients et les cliniciens.
– Le fait de considérer certains diagnostics comme « délicats » permet d’identifier ces caractéristiques et éventuellement de les limiter.
– La tolérance à l’égard de l’incertitude et la volonté d’adopter des diagnostics provisoires peuvent constituer un moyen approprié pour contrebalancer les risques.
Voici les passages principaux du texte, traduits.
« Les diagnostics médicaux peuvent être confrontés à l’ambiguïté, au doute, à la subjectivité et à l’incertitude inhérente. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des soins primaires, où de nombreux symptômes observés ne permettent pas toujours d’établir un diagnostic clair. Les seuils de normalité sont souvent peu évidents.
Les symptômes sont généralement vécus et décrits comme un « iceberg ». Plus d’un tiers des personnes par ailleurs en bonne santé et ne souffrant pas d’une maladie chronique, se sont senties fatiguées ou épuisées, ou ont eu mal à la tête pendant les deux dernières semaines, et plus d’un quart ont eu mal au dos ou aux articulations.1 Distinguer les maladies qui bénéficieraient d’un diagnostic et d’une intervention plus précoce de celles qui sont temporaires, résolutives et sujettes à une médicalisation néfaste, reste un défi. »
L’article insiste sur la différenciation à faire entre un surdiagnostic, qui est un vrai diagnostic mais excessif, et un diagnostic contestable, et contesté.
« Alors que le surdiagnostic est le diagnostic d’une maladie qui, si elle n’était pas détectée, ne causerait pas de symptômes ou de préjudices, les diagnostics contestés correspondent à des symptômes auxquels on a attribué un diagnostic, mais pour lesquels le diagnostic, qui les explique, est controversé.
Les opposants considèrent que les diagnostics contestés sont « erronés », non pas en raison d’une erreur dans l’anamnèse, l’examen clinique ou l’interprétation des résultats d’un test (qui risquerait de conduire à un mauvais diagnostic), mais parce que le diagnostic lui-même, par exemple la maladie de Lyme chronique ou la polysensibilité chimique, n’est pas valide2,3.
Les diagnostics contestés sont entourés de « pseudo-sciences », par exemple la fatigue surrénalienne, le syndrome de l’intestin irritable ou la candidose chronique, qui tentent d’expliquer les symptômes à l’aide d’une « science » qui est de toute évidence inexacte (encadré 1)4 . »
Comme on peut le voir dans ce tableau, les auteurs ont cité le surdiagnostic du cancer de la tyhyroïde ainsi que le carcinome canalaire in situ, qui alimente en effet le surdiagnostic du cancer du sein mais ne le résume pas. D’authentiques cancers invasifs du sein peuvent être des surdiagnostic, car à croissance tellement lente qu’ils n’auraient jamais impacté la vie des patientes.
Ce surdiagnostic est un fardeau dans la vie des femmes que nous avons illustré ici : voir l’image « comment le surdiagnostic gâche des années de vie ».
« De nombreux diagnostics contestés concernent des symptômes qui ne sont pas clairement définis, ce qui signifie que certaines personnes reçoivent un diagnostic qui ne leur confère aucun avantage. D’autres restent surtout des » toujours inexpliqués ». Par exemple, le syndrome de la guerre du Golfe a été traité comme une maladie contestée, mais il est maintenant reconnu comme causé par l’exposition au gaz sarin.6 D’autres conditions reconnues sont sujettes à une variété d’influences telles que les risques de diagnostics conduisant à des préjudices, à travers un ensemble varié de mauvais diagnostics, de surdiagnostics, de pseudo-sciences ou de surtraitements.
Un dispositif permettant de considérer certaines affections comme des « diagnostics délicats » pourrait contribuer à reconnaître et à réduire les méfaits de la médecine dans ces circonstances. »
Diagnostic délicat
Les auteurs examinent les facteurs influençant ces diagnostics délicats et comment il peuvent execer une pression pour les faire admettre.
» Différents modèles ont été utilisés pour décrire et expliquer comment les médecins parviennent à un diagnostic. »
« Les médecins généralistes travaillent principalement sur la base de » schémas mentaux « ,7 » des directives tacites, internalisées et renforcées collectivement… informés par de brèves lectures, mais surtout par leurs interactions entre eux et avec les leaders d’opinion, les patients et les représentants pharmaceutiques « .
Les mêmes démarches et procédures peuvent s’appliquer de façon analogue aux patients.
Il en résulte un risque de biais et les inconvénients qui en découlent : soins de mauvaise qualité, surdiagnostic et surtraitement.
« Il est souvent difficile de trouver des informations de bonne qualité. Par exemple, si l’on cherche « Ai-je un TADH ? » sur Google, on obtient, dans les premiers résultats, un site de quiz avec un questionnaire non validé, un questionnaire hébergé par un site sponsorisé par un fabricant de médicaments pour le TADH, et seulement ensuite, des informations du NHS (système de soins britannique).
Les premiers résultats pour des informations sur « l’allergie aux protéines du lait de vache » incluent des fabricants de lait pour bébé et des organisations de patients parrainées par ces derniers.
Les campagnes concernant le cancer de la prostate ont été menées par des organisations d’hommes et des consultants en pratique libérale. »
« Au Royaume-Uni, les médecins généralistes ne sont pas non plus en mesure d’aborder certains diagnostics de manière neutre. Ils ont déjà reçu des incitations financières dans le cadre de leur contrat pour chercher à poser des diagnostics « précoces » qu’ils n’auraient autrement pas considérés comme cliniquement utiles.8 Bien que la continuité des soins soit souhaitée par les patients,9 elle est en déclin.10 Par facilité, les patients recherchent des conseils sur Internet 11 mais les médecins pour leurs compétences professionnelles – or celles-ci ne sont pas toujours à portée de main, dans un contexte de tension dans les soins primaires. »
Certains diagnostics, expliquent les auteurs, et les circonstances dans lesquelles ils sont susceptibles de se présenter, peuvent être considérés comme « délicats » et mériter une attention particulière.
Les caractéristiques suggérant un « diagnostic délicat »(encadré 2), se recoupent et incluent des critères tels que : marges floues, une science non établie et des différences culturelles, ainsi que la subjectivité des symptômes et les risques d’éléments transactionnels (par exemple, le paiement pour accéder aux investigations d’une maladie et des séquelles associées)
Des exemples de maladies ou de syndromes sont donnés dans ce tableau avec les critères auxquels ils peuvent être assujettis et qui créent ainsi une fragilité, qui font de ces maladies ou syndromes un « diagnostic délicat », sujet à caution, à interprétation excessive, à surdiagnostic.
Ce tableau liste les pressions exercées qui vont en faire des diagnostics sujets à contestation.
Ces caractéristiques – non exhaustives et non définitives – sont importantes lorsque l’on envisage un diagnostic en dehors de ce qui a été expérimenté ou vérifié, ou lorsqu’il y a un risque que les schémas mentaux soient sujets à des biais systématiques ou basés sur des informations de mauvaise qualité.
A la fois les attentes et de la difficulté d’atteindre la certitude en médecine rend ces diagnostics particulièrement susceptibles d’être influencés, notamment par la recherche d’un diagnostic, et du seuil adopté sur lequel ce diagnostic est posé.
Une compréhension partagée entre les professionnels du diagnostic, les citoyens et les patients
Les auteurs suggèrent qu’il nous faut, aussi bien patients que corps médical, admettre en médecine un certain degré d’incertitude. Ceci permettrait d’alléger le fardeau d’un diagnostic qui repose sur les épaules du patient.
Ils écrivent :
« Il n’est peut-être pas possible, ni souhaitable, de rendre les diagnostics « délicats » plus robustes. Au contraire, une tolérance à l’égard de l’incertitude et une volonté d’adopter un diagnostic douteux, hésitant ou provisoire peuvent être appropriées. Cela doit être mis en balance avec le risque de préjudice potentiel lorsque le diagnostic et le traitement qui en découle peuvent être pertinents. Cependant, une intervention urgente dans ces cas est rarement nécessaire, et un diagnostic rapide doit être mis en balance avec les inconvénients de l’occultation du diagnostic, de la médecine de faible valeur et préjudiciable, et du fardeau de la « patientalité ».
Lorsque l’environnement dominant reflète un parti pris, des efforts peuvent être nécessaires pour atteindre et maintenir un équilibre plus neutre (encadré 3).
Les systèmes de codage informatique peuvent restituer un diagnostic potentiel ou incertain, et peuvent nécessiter une adaptation pour refléter l’incertitude. Il ne faut pas non plus sous-estimer la valeur du diagnostic : la capacité de nommer un trouble permet d’élaborer des définitions robustes, de procéder à des tests équitables et de développer des interventions efficaces. »
Le partenariat patient-corps médical doit être ici fortement encouragé et prend toute sa valeur.
« Le défi pour les cliniciens et les patients est de trouver des avantages tout en évitant les inconvénients. Cela peut ne pas être facile pour l’une ou l’autre des parties, surtout si l’on considère le caractère attractif de la certitude et des privilèges associés à un diagnostic particulier. Pour minimiser les inconvénients et maximiser les avantages, il est nécessaire d’établir un partenariat entre le médecin et le patient, en particulier dans un environnement où les intérêts particuliers sont légion. »
Conclusion
Les auteurs concluent :
« Alors que la médecine évolue à l’ère du COVID-19, de nouveaux défis sont susceptibles d’avoir un impact sur la façon dont les médecins et les patients cherchent à obtenir un diagnostic et sur la manière dont ils le font. La continuité et la relation avec le patient sont appréciées mais deviennent moins courantes.
Une multitude de pressions environnementales, dont certaines sont visibles et d’autres non, sont omniprésentes.
Les informations nouvelles et émergentes peuvent être difficiles à évaluer et à utiliser de manière critique, souvent en raison de biais et de désinformation.
Un cadre permettant de considérer certains diagnostics comme « délicats » permet d’identifier et d’analyser systématiquement les influences qui les entourent. Cela pourrait permettre de concevoir des mesures appropriées pour atténuer les biais, aider les patients et les médecins à éviter les préjudices et informer la recherche et les politiques. »
Références
1. McAteer A, Elliott AM, Hannaford PC. Ascertaining the size of the symptom iceberg in a UK-wide community-based survey. Br J Gen Pract 2011; DOI: https://doi.org/10.3399/bjgp11X548910.
2. Lantos PM, Wormser GP. Chronic coinfections in patients diagnosed with chronic lyme disease: a systematic review. Am J Med 2014; 127(11): 1105–1110.
3. Das-Munshi J, Rubin GJ, Wessely S. Multiple chemical sensitivities: a systematic review of provocation studies. J Allergy Clin Immunol 2006; 118(6): 1257–1264.
4. Shapiro ED, Baker PJ, Wormser GP. False and misleading information about Lyme disease. Am J Med 2017; 130(7): 771–772.
5. Rebman AW, Aucott JN, Weinstein ER, et al. Living in limbo: contested narratives of patients with chronic symptoms following Lyme disease. Qual Health Res 2017; 27(4): 534–546.
6. Haley RW, Kramer G, Xiao J, et al. Evaluation of a gene–environment interaction of PON1 and low-level nerve agent exposure with Gulf War illness: a prevalence case–control study drawn from the U.S. Military Health Survey’s national population sample. Environ Health Perspect 2022; 130(5): 57001.
7. Gabbay J, le May A. Evidence based guidelines or collectively constructed “mindlines?” Ethnographic study of knowledge management in primary care. BMJ 2004; 329(7473): 1013.
8. Brunet MD, McCartney M, Heath I, et al. There is no evidence base for proposed dementia screening. BMJ 2012; 345: e8588.
9. Aboulghate A, Abel G, Elliott MN, et al. Do English patients want continuity of care, and do they receive it? Br J Gen Pract 2012; DOI: https://doi.org/10.3399/bjgp12X653624.
10. Tammes P, Morris RW, Murphy M, Salisbury C. Is continuity of primary care declining in England? Practice-level longitudinal study from 2012 to 2017. Br J Gen Pract 2021; DOI: https://doi.org/10.3399/BJGP.2020.0935.
11. Clarke MA, Moore JL, Steege LM, et al. Health information needs, sources, and barriers of primary care patients to achieve patient-centered care: a literature review. Health Informatics J 2016; 22(4): 992–1016.
12. House of Commons Health Committee. The influence of the pharmaceutical industry. Fourth report of session 2004–05. Volume 1. 2005. https://publications.parliament.uk/pa/cm200405/cmselect/cmhealth/42/42.pdf (accessed 22 Sep 2022).
13. Department of Health. Innovation, health and wealth: accelerating adoption and diffusion in the NHS. 2011. https://webarchive.nationalarchives.gov.uk/ukgwa/20130107013731/http://www.dh.gov.uk/en/Publicationsandstatistics/Publications/PublicationsPolicyAndGuidance/DH_131299 (accessed 21 Sep 2022).
14. UK National Screening Committee. Adult screening programme: atrial fibrillation. 2019. https://view-health-screening-recommendations.service.gov.uk/atrial-fibrillation (accessed 21 Sep 2022).
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