Par Cancer Rose, 11 décembre 2022
En septembre 2022, la Commission Européenne émettait des recommandations pour une nouvelle approche en matière de dépistages.
Nous en parlions ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/22/une-nouvelle-approche-de-lue-en-matiere-de-depistage-du-cancer/
La Commission européenne proposait alors une extension et/ou une reprise de certains dépistages, et une implantation de nouveaux venus, pour certains inexistants (le dépistage du cancer de l’estomac)…
L’objectif étant qu’à l’horizon 2025, 90% de la population de l’UE participe aux dépistages du cancer du sein, de la prostate, du col de l’utérus et du cancer colo-rectal.
S’y rajouteraient les dépistages du cancer du poumon et celui de l’estomac, alors que pour ce dernier aucune étude probante n’existe.
On constate avec soulagement que le Conseil de l’Union Européenne n’a pas suivi ces recommandations, et a été prudent. En ce mois de décembre est publié ce qui a été finalement adopté, et ce que nous allons analyser.
Comparaison des communiqués de presse
Comparaison des recommandations entre projet initial et recos adoptées
Résumé des recommandations pour le dépistage cancer du sein
Rappel de la controverse sur le cancer du poumon
Rappel de la controverse sur le cancer de la prostate
Conclusion
Réactions
Réaction de la WONCA
Publication au Journal Officiel
Comparaison des communiqués de presse
Voici le projet initial de septembre 2022 et celui émis en ce mois de décembre 2022, contenant ce qui a été retenu comme recommandations finales.
En surligné vous pouvez constater les différences entre le projet et ce qui a été retenu :
- Pour le cancer cervical et colorectal, des termes plus modérés sont employés sur l’utilisation des tests, qualifiés d’outil « privilégié » pour le dépistage du cancer du col, ou de « dépistage préféré » concernant les tests immunochimiques pour le dépistage du cancer colo-rectal.
- Pour les trois nouveaux dépistages (poumon, estomac, prostate), le Conseil de l’UE invite à faire des recherches au préalable pour étudier la faisabilité et l’efficacité de ces dépistages, et se garde donc de les introduire comme préconisé initialement.
- Pour le cancer du sein la recommandation persiste entre 50 et 69, et le dépistage est uniquement suggéré entre 45-74 ( non « recommandé » comme voulu initialement par la Commission Européenne).
A noter que le dépistage à 45 ans-50 ans était déjà initialement seulement « suggéré ».
Comparaison des recommandations, entre le projet initial et l’adoption des recommandations finales par les états membres
Attention : modification du lien encart de droite-Proposition de recommandation (RC) du Conseil sur le renforcement de la prévention par la détection précoce: une nouvelle approche du dépistage du cancer remplaçant la CR 2003/878/CE
https://health.ec.europa.eu/publications/proposal-council-recommendation-cr-strengthening-prevention-through-early-detection-new-approach_en
Voici les principales améliorations notables dans le texte final, et les précautions retenues par les décisionnaires :
- Les principes de Junger et Wilson* sont rappelés, principes qu’on doit appliquer ainsi que d’autres critères déterminés par l’OMS permettant d’évaluer la faisabilité du dépistage avant son implémentation
- Les risques de surdiagnostic (avec la définition claire) et du surtraitement ont été rajoutés et la nécessité d’informer.
- On évoque les aides à la décision, en tous cas la nécessité d’exposer les données de façon parfaitement compréhensible. **
- La notion « d’efficacité de dépistage » est enfin définie en mentionnant qu’elle est définie par la diminution de la mortalité spécifique et la diminution de l’incidence des cancers invasifs.
- On rappelle que pour le dépistage du cancer du poumon et de la prostate les preuves sont limitées
- Est souligné le fait qu’on doit tenir compte des aspects de la capacité du système de santé à supporter les dépistage et de prendre en considération les ressources nécessaires.
- Le « dépistage doit être offert quand il est prouvé que le dépistage améliore la mortalité spécifique » est remplacé par un « dépistage qui doit être offert quand les bénéfices et les risques sont bien connus et les bénéfices sont plus importants que les risques »
- Pour l’efficacité par rapport au cout, celle ci doit être considérée au niveau national
- Est rappelé que les tests de dépistage (pour les 3 dépistages actuels (colo-rectal, sein, col de l’utérus), et pour 3 nouveaux dépistages (poumon, prostate et estomac) à étudier), doivent être offerts seulement s’il est prouvé que les critères de Junger and Wilson repris par l’OMS sont satisfaits, et que information est fiable sur les bénéfices et les risques.
- L’accent est mis sur la prise en compte des capacités et des priorités au niveau national lors de l’implémentation de nouveaux programmes de dépistage.
- Le critère des 90% de la population européenne qui est censée se voir proposer les 3 dépistages (sein, colorectal et cervical) en 2025 est supprimé du texte (taux probablement irréaliste).
- Dans l’information des populations, les bénéfices et les risques, incluant le surdiagnostic et le surtraitements doivent être présentés, potentiellement via un échange entre le patient et le professionnel de santé, pour une décision éclairée du patient.
- Pour de nouveaux tests de dépistage, il convient d’envisager l’implémentation seulement après des tests randomisés avec des preuves scientifiques sur l’efficacité.
- Il convient aussi de travailler et de coopérer sur les tests prédictifs, sur des algorithmes pour réduire le surdiagnostic et le surtraitement.
- On rappelle le besoin de disposer de preuves scientifiques (evidences based), et on rajoute le terme « risques » à coté de « bénéfices » dans l’évaluation des programmes de dépistages,
- Est rajouté enfin le support technique accordé aux pays, si demandé, pour des activités d’information des populations et des parties prenantes, sur les bénéfices et les risques, comme les aides à la décision tenant compte de la littératie en santé des populations.
*Principes de Junger et Wilson pour instaurer un dépistage:
Quels sont ces critères déterminant le bien-fondé d’un dépistage retenus par l’OMS ?Les 10 critères retenus par L’OMS sont :
- La maladie étudiée doit présenter un problème majeur de santé publique
- L’histoire naturelle de la maladie doit être connue
- Une technique diagnostique doit permettre de visualiser le stade précoce de la maladie
- Les résultats du traitement à un stade précoce de la maladie doivent être supérieurs à ceux obtenus à un stade avancé
- La sensibilité et la spécificité du test de dépistage doivent être optimales
- Le test de dépistage doit être acceptable pour la population
- Les moyens pour le diagnostic et le traitement des anomalies découvertes dans le cadre du dépistage doivent être acceptables
- Le test de dépistage doit pouvoir être répété à intervalle régulier si nécessaire
- Les nuisances physiques et psychologiques engendrées par le dépistage doivent être inférieures aux bénéfices attendus
- Le coût économique d’un programme de dépistage doit être compensé par les bénéfices attendus
**Voici les chapitres consacrés à la litératie (compréhension de la population des données en santé)
Résumé concernant les recommandations sur le dépistage du cancer du sein
- 1) Directives européennes actuelles pour les 45-50 ans et 70-74 ans
Les directives actuelles, publiées sur le site de l’Europe, ne recommandent pas un dépistage pour les femmes de 45-50 ans et 70-74 ans, mais seulement le « suggère ».
Ces directives qui datent de 2019, sont publiées dans la revue :
https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/m19-2125
Dans le supplément figure le tableau avec les recommandations actuelles qui « suggèrent », mais ne recommandent pas le dépistage entre 45-50 ans et 70-74 ans.
https://www.acpjournals.org/doi/suppl/10.7326/M19-2125/suppl_file/M19-2125_Supplement.pdf
- 2) Proposition de la Commisssion Europenne pour une extension du dépistage à la tranche d’âge de 50-69 ans à 45-74 ans
En septembre 2022, La Commission Européenne a tenté une extension des bornes, avec une proposition de changement des directives
PROPOSITION :
Texte, page 1 : https://health.ec.europa.eu/publications/proposal-council-recommendation-cr-strengthening-prevention-through-early-detection-new-approach_en
“Extending breast cancer screening from women aged 50 to 69 to include women between 45 and 74 years of age and to consider specific diagnostic measures for women with particularly dense breasts;
Etendre le dépistage du cancer du sein proposé aux femmes âgées de 50 à 69 ans afin d’y inclure les femmes âgées de 45 à 74 ans et envisager des mesures de diagnostic spécifiques pour les femmes dont la poitrine est particulièrement dense; »
Annexe page 1
« Breast cancer:
Breast cancer: Breast cancer screening for women starting aged 45 to 74 with digital mammography or digital breast tomosynthesis 1 , and for women with particularly dense breasts consider magnetic resonance imaging (MRI), where medically appropriate.
Cancer du sein
Test de dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 45 à 74 ans par mammographie numérique ou tomosynthèse numérique1; chez les femmes ayant des poitrines particulièrement denses, envisager l’imagerie par résonance magnétique (IRM), lorsque cela est approprié sur le plan médical »
- 3) Contre-proposition du conseil de l’Union Européenne : pas de changement des directives actuelles, pas d’extension pour inclure les 45-74 ans, dépistage non pas recommandé mais seulement suggéré pour les 45-50 ans et 70-74 ans
En réponse à cette proposition, le Conseil de l’Union Européenne, dans le texte publié le 9 décembre 2022, n’a pas adopté cette extension.
Les directives pour la tranche d’âge 45-50 ans et 70-74 ans sont restées les mêmes (identiques aux directives actuelles)
Annexe, page 21
https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14770-2022-INIT/en/pdf
“Breast cancer:
Considering the evidence presented in the European guidelines9, breast cancer screening for women aged 50 to 69 with mammography is recommended. A lower age limit of 45 years and an upper age limit of 74 years is suggested. The use of either digital breast tomosynthesis or digital mammography is suggested. The use of magnetic resonance imaging (MRI) should be considered when medically appropriate
Cancer du sein :
Compte tenu des données présentées dans les lignes directrices européennes 9, le dépistage du cancer du sein par mammographie est recommandé pour les femmes âgées de 50 à 69 ans. Une limite d’âge inférieure de 45 ans et une limite d’âge supérieure de 74 ans sont suggérées. L’utilisation de la tomosynthèse mammaire numérique ou de la mammographie numérique est suggérée. L’utilisation de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) devrait être envisagée lorsque cela est médicalement approprié.”
Rappel de la controverse sur le dépistage du cancer du poumon
Nous avons relaté la controverse sur le dépistage du cancer du poumon et les réactions et publications qui s’en sont suivies ici, actualisées jusqu’à mars 2022 : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/
Rappel de la controverse sur le dépistage du cancer de la prostate
Voici le rappel sur le dépistage du cancer prostatique, et pourquoi la Haute Autorité de Santé ne le préconise pas :
https://cancer-rose.fr/2017/01/05/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/
https://www.has-sante.fr/jcms/c_1238318/fr/cancer-de-la-prostate-identification-des-facteurs-de-risque-et-pertinence-d-un-depistage-par-dosage-de-l-antigene-specifique-de-la-prostate-psa-de-populations-d-hommes-a-haut-risque
« A ce jour, il n’y a pas de démonstration robuste du bénéfice d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) en population générale, que ce soit en termes de diminution de la mortalité ou d’amélioration de la qualité de vie. Ainsi, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate n’est recommandé en population générale, en France comme aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni. »
Conclusion
Le Conseil souligne qu’il est nécessaire d’obtenir des preuves supplémentaires de l’efficacité, du rapport coût-efficacité et de la faisabilité de certaines stratégies de dépistage en situation réelle.
Les États membres sont invités à envisager la mise en œuvre des dépistages des cancers cités, sur la base de preuves scientifiques concluantes, tout en évaluant et en prenant des décisions au niveau national ou régional en fonction de la charge de la maladie et des ressources disponibles en matière de soins de santé, en fonction aussi de l’équilibre entre les avantages et les inconvénients et du rapport coût-efficacité du dépistage du cancer, ainsi que de l’expérience tirée des essais scientifiques et des projets pilotes.
Pour le Cancer du sein : une limité basse de 45 ans et haute de 74 ans sont suggérées (et non pas recommandées comme dans la proposition initiale).
On supprime la mention sur les seins denses.(L’inclusion de l’IRM pour les femmes à seins denses est très débattue ; voir https://cancer-rose.fr/2022/04/26/grosse-deconvenue-pour-lirm-mammaire/)
Pour les trois nouveaux dépistages (poumon, prostate, estomac), le Conseil adopte une position modérée, on invite à poursuivre les recherches pour évaluer la faisabilité et on inclut aussi la notion d’efficacité.
Pour le cancer du poumon, le programme doit inclure aussi des stratégie de prévention primaire (lutte contre le tabagisme) et secondaire.
Pour le cancer gastrique la proposition d’une implémentation immédiate est supprimée, des tests de faisabilité sont demandés.
Réactions
Réaction de la commissaire européenne à l’origine du projet de nouvelles recommandations :
« L’adoption aujourd’hui par le Conseil de nouvelles recommandations de l’UE en matière de dépistage du cancer constitue une étape importante pour les soins contre le cancer, tant au niveau national qu’au niveau européen. 20 ans se sont écoulés depuis l’adoption des recommandations actuelles et la médecine a fait des progrès incroyables. Il est grand temps que de nouvelles recommandations actualisées soient mises en œuvre dans l’ensemble de l’UE et qu’il soit remédié aux disparités inacceptables en matière d’accès. Même si une approche encore plus ambitieuse aurait été souhaitable, cette journée n’en représente pas moins un moment charnière pour les citoyens de l’UE et une réalisation essentielle du plan européen pour vaincre le cancer. » Stella Kyriakides, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire – 09/12/2022
La lettre de protestation de l’ European Cancer Organisation (regroupant urologues, radiologues, gastro, oncologues etc…)
https://www.europeancancer.org/screening
Des interventions tardives pour insérer une prudence excessive et une ambition réduite
……, à la suite d’une réunion à huis clos des représentants des États membres le lundi 24 octobre, nous comprenons qu’une réécriture significative de la proposition de la Commission a eu lieu pour :
-Saper et contredire les conseils fournis par le groupe des conseillers scientifiques principaux de l’UE, notamment en ce qui concerne l’ajout de nouveaux programmes de dépistage du cancer et les domaines à mettre à jour en ce qui concerne les types de tumeurs actuellement couverts par les recommandations du Conseil de l’UE de 2003 ;
-Supprimer du texte les objectifs du plan « vaincre le cancer » en matière de participation au dépistage ;
-Insérer des sections entièrement nouvelles indiquant tous les risques potentiels et historiques cités du dépistage du cancer ;Imposer des critères spécifiques que chaque État membre de l’UE devrait utiliser pour prendre des décisions sur le dépistage du cancer,
-Insister de manière exagérée sur les prérogatives nationales permettant aux pays de s’exempter des recommandations ;
-Diluer des conseils relatifs à la satisfaction des besoins psychologiques des personnes chez qui un cancer a été diagnostiqué à la suite d’un dépistage ; et,
-Affaiblir des sections relatives à la nécessité de disposer de systèmes adaptés pour l’enregistrement et la publication d’informations sur les résultats du dépistage.
Members – European Cancer Organisation
Réaction de la WONCA
Déclaration d’EUROPREV sur l’annonce d’une nouvelle approche européenne de la détection du cancer par la Commission européenne
https://europrev.eu/2022/11/27/statement-about-a-new-eu-approach-on-cancer-detection/
27 novembre 2022
EUROPREV – c’est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale. EUROPREV est l’un des cinq réseaux de WONCA Europe.
WONCA Europe :
La branche régionale européenne, WONCA Europe, est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.
Le Collège de la Médecine Générale est le représentant de la France auprès des instances internationales œuvrant pour la promotion de la médecine générale. Il peut être consulté sur des questions professionnelles et politiques liées à la spécialité tant au plan national qu’international. Il est membre de l’Organisation mondiale des médecins généralistes, médecins de famille (Wonca Europe et Wonca Monde) et de l’Union Européenne des Médecins Omnipraticiens (UEMO) dont il assure une vice-présidence depuis 2017.
WONCA Monde :
WONCA est un acronyme comprenant les cinq premières initiales de l’Organisation mondiale des collèges nationaux, académies et associations académiques de médecins généralistes/médecins de famille. Le nom court est l’Organisation mondiale des médecins de famille. WONCA a été créée par 18 membres en 1972. Elle compte actuellement 122 organisations membres dans 102 pays, avec un total de 500 000 médecins de famille. WONCA représente et défend les intérêts de ses membres au niveau international, où elle interagit avec des organismes mondiaux tels que l’Organisation mondiale de la santé (OMS). WONCA couvre sept régions : Afrique, Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe, Asie du Sud, Iberoamericana-CIMF et WONCA East Mediterranean Region.
En matière de dépistage de cancer, souvent « moins, c’est PLUS! »
À la Commission européenne – Santé et sécurité alimentaire
A la Direction Générale Santé et Sécurité Alimentaire
Aux autorités sanitaires de l’Union européenne
Aux professionnels européens de la médecine familiale et de la santé publique
Le 20 septembre dernier, la Commission européenne a annoncé : « Une nouvelle approche de l’UE en matière de détection du cancer – dépister plus et dépister mieux ».(1)
Les nouvelles recommandations comprennent, entre autres, les points suivants
– L’extension du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 45 à 74 ans (contre la tranche d’âge actuelle de 50 à 69 ans) ;
– Le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans.
– Dépistage du cancer de la prostate chez les hommes jusqu’à 70 ans sur la base d’un test d’antigène spécifique de la prostate, et d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le suivi.
Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :
Dépistage du cancer du sein
– Pour 2000 femmes dépistées par mammographie annuelle pendant dix ans, un décès par cancer du sein sera évité. Mais, en même temps, 200 femmes souffriront des conséquences de longue durée d’un résultat faux positif, et dix femmes seront surdiagnostiquées et surtraitées, avec tous les préjudices que cela comporte, allant de l’étiquette de malade du cancer aux effets secondaires et tardifs du traitement contre le cancer. Par conséquent, l’équilibre entre les bénéfices et les risques est incertain, et chaque femme devrait recevoir cette information.(2)
– L’extension du groupe ciblé augmentera proportionnellement les risques et diminuera les bénéfices associés à ce dépistage. Augmentation des risques : les femmes plus jeunes ont un tissu mammaire plus dense, ce qui augmente le taux de faux positifs, et les femmes âgées ont un risque concomitant plus élevé de mourir d’une autre cause que le cancer du sein, ce qui augmente le risque de surdiagnostic. Diminution des bénéfices : l’incidence du cancer du sein est beaucoup plus faible chez les femmes âgées de 45 à 49 ans et, par conséquent, la réduction de la mortalité est beaucoup plus faible en chiffres absolus ; chez les femmes âgées, le bénéfice attendu d’une diminution de la mortalité est beaucoup moins probable en raison de leur espérance de vie plus courte.
Dépistage du cancer de la prostate
– Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l’USPSTF, alors il existe des preuves solides de l’absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves (« cherry picking »), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3)
– Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c’est pourquoi, jusqu’à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n’a été mis en œuvre en Europe.
Dépistage du cancer du poumon, de l’estomac et d’autres cancers
– Les données disponibles sur les bénéfices et les risques de ces dépistages sont encore rares. Ces programmes de dépistage suscitent également des inquiétudes quant aux faux positifs et au surdiagnostic. Aucun programme de dépistage de cancer dans une population ne devrait être mis en œuvre sans que des essais contrôlés randomisés correctement conçus sur des populations européennes n’évaluent l’équilibre entre les bénéfices et les risques liés à chaque dépistage.(4)
Le mythe du diagnostic précoce
Selon la Commission européenne, ces nouvelles recommandations visent à « augmenter le nombre de dépistages, en couvrant plus de groupes cibles et plus de cancers ».
Bien que bien intentionné, cela se traduira, dans la pratique, par un plus grand nombre de personnes en bonne santé inutilement transformées en patients du fait du surdiagnostic.
En outre, et toujours malgré les bonnes intentions, cela se traduira, dans la pratique, par davantage de souffrances, de cancers et de coûts pour des systèmes de santé déjà surchargés et aux ressources limitées.
Enfin, et encore une fois, même si les intentions sont bonnes, dans la perspective de la crise climatique, les émissions de carbone des interventions de soins à faible valeur ajoutée, comme les programmes de dépistage proposés, ne sont pas durables. De plus, ces programmes vont accroître les inégalités sociales en matière de santé et promouvoir la loi inverse des soins.
La proposition de la Commission européenne repose sur un mythe médical. Selon la déclaration de la Commission européenne, « Plus le cancer est détecté tôt, plus cela peut faire une réelle différence en augmentant les options de traitement et en sauvant des vies ». En matière de dépistage, il s’agit d’un mythe. Nous disposons aujourd’hui de données issues de programmes de dépistage en population qui montrent que le facteur essentiel de réduction de la mortalité par cancer n’est pas lié à un diagnostic précoce, mais à un bon accès aux soins de santé et aux nouveaux traitements du cancer.(5-7)
Dans le cas du cancer, très souvent, un diagnostic précoce ne signifie qu’un fardeau plus lourd pour la maladie, avec plus de souffrance.
NOTRE RECOMMANDATION
La proposition actuelle de la Commission européenne doit être révisée.
Si nous voulons vraiment améliorer la façon dont le cancer est traité en Europe, nous devons nous concentrer sur les points suivants :
– La prévention primaire : au niveau de la population, améliorer l’alimentation, augmenter l’activité physique, diminuer le tabagisme et la consommation d’alcool. L’efficacité des interventions sociétales structurelles a été démontrée par des preuves solides et de haute qualité, tandis que les interventions de prévention primaire au niveau individuel se sont avérées sans effet, ou seulement à court terme.
– Un bon accès aux soins de santé primaires. Chaque citoyen européen devrait avoir le droit d’avoir son médecin de famille, ce qui signifie avoir le droit d’être soigné par des médecins spécialisés en médecine de famille dans une relation de confiance et de continuité et où le médecin généraliste est formé à la médecine fondée sur les preuves.
– Prévention tertiaire : en cas de diagnostic de cancer, un accès rapide et de qualité aux centres oncologiques spécialisés (ou à d’autres spécialistes compétents) est essentiel pour améliorer les résultats. Cela inclut également un bon accès aux nouvelles thérapies anticancéreuses fondées sur des données probantes.
-Prévention quaternaire : de nouveaux programmes de dépistage devraient être mis en œuvre uniquement lorsque les bénéfices sont plus importants que les risques.
References
1. European Health Union: cancer screening [Internet]. European Commission – European Commission. [cited 2022 Nov 8]. Available from: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_5562
2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 4;(6):CD001877.
3. Harding Center for Risk Literacy. Early detection of prostate cancer with PSA testing [Internet]. Available from: https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of- cancer/early-detection-of-prostate-cancer-with-psa-testing
4. Heleno B, Thomsen MF, Rodrigues DS, Jorgensen KJ, Brodersen J. Quantification of harms in cancer screening trials: literature review. BMJ. 2013 Sep 16;347(sep16 1):f5334–f5334.
5. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014 Feb 11;348:g366.
6. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
7. Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.
Publication au journal officiel
Et c’est ici : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32022H1213(01)
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