Abaisser l’âge du début du dépistage, mais à quel prix ?

Synthèse Cancer Rose, 15 mai 2023

En fin d’article : réaction de la NBCC

Comme l’annonçait, en ce début mai 2023, le journal Globe and Mail ainsi que beaucoup d’autres médias nord-américains, il serait dorénavant recommandé pour les femmes à risque moyen de cancer du sein de passer des mammographies de dépistage tous les deux ans à partir de 40 ans, et cela en vertu d’une proposition de mise à jour des lignes directrices de l’USPSTF, le groupe de travail américain sur les services préventifs.
La nouvelle a fait grand bruit car il s’agit d’un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités de dépistage antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint.
C’est donc un changement conséquent.

Selon la présidente sortante de l’USPSTF, le Dr Carol Mangione, « les choses ont changé » : les taux de cancer du sein chez les jeunes femmes ont augmenté, les progrès de la mammographie numérique ont amélioré leur précision de détection et de meilleurs traitements se traduisent par une amélioration de la survie.

Déjà à ce stade nous relevons deux affirmations qui devraient faire poser la question de la pertinence d’un dépistage :

Comme on pouvait s’y attendre  » L’American Cancer Society (ACS) applaudit le retour des recommandations de l’USPSTF de commencer le dépistage à 40 ans » dans un communiqué.
Les fournisseurs du secteur de l’imagerie de la femme, tels que Hologic et iCAD, ont vu le cours de leurs actions grimper en flèche à la suite de cette annonce, car les volumes de mammographies de dépistage vont significativement augmenter. 

Et puis allez, pourquoi ne pas recommander que les femmes effectuent un dépistage par mammographie à partir de l’âge de 40 ans ET annuel, et même toute leur vie durant sans l’arrêt préconisé à 74 ans, donc sans limite supérieure ?
Voilà un pas allègrement franchi par l’Américan Cancer Society « car l’âge ne devrait pas être un facteur déterminant pour l’arrêt du dépistage, mais plutôt l’état de santé général … », comme l’a déclaré Stamatia V. Destounis, MD, présidente de la Commission du sein de l’ACR (American College of Radiology)et membre du Réseau des conseillers en information publique de la société nord-américaine de radiologie.
(Pour les conflits d’intérêts de Mme Destounis avec iCAD, industriel de l’imagerie, voir ici : https://www.rsna.org/-/media/Files/RSNA/Annual%20meeting/2022-AMPPC-Planners-Disclosure)

JUSTIFICATION ET CONSEQUENCES DE CE CHANGEMENT

Judith Garber, journaliste scientifique et analyste politique du Lown Institute dans un article ainsi que John Horgan, également rédacteur scientifique dans un autre article essaient tous deux d’analyser les raisons invoquées par l’agence américaine, qui sont essentiellement de l’ordre de deux :
-augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et
-augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires.

Judith Garber relève avec justesse que « la modification des lignes directrices de l’USPSTF a surpris de nombreux experts de la santé, car il n’y a pas eu de nouveaux essais cliniques sur le dépistage du cancer du sein qui justifieraient un ajustement des lignes directrices. »

A-le dépistage pourrait raccourcir plus de vies qu’il n’en « sauve »

« Le groupe de travail », explique Horgan, »justifie sa décision en citant l’augmentation récente du nombre de cancers du sein chez les femmes de 40 ans et les taux de mortalité plus élevés que la moyenne chez les femmes noires. Cette justification n’a aucun sens, car les mammographies n’aident pas les femmes à vivre plus longtemps – selon le groupe de travail lui-même ! En fait, il est prouvé que la mammographie raccourcit plus de vies qu’elle n’en sauve.* » selon ce travail de synthèse citée par Horgan, paru en 2021.
De toute façon, expliquent aussi bien Garber que Horgan, même en ajustant les modèles prédictifs pour tenir compte des taux plus élevés de cancers chez les jeunes femmes, la balance bénéfice/risque n’est toujours pas très différente des résultats précédents de l’USPSTF de 2016, avec toujours une prépondérance des inconvénients par rapport au bénéfice escompté.
* « L’examen de la tendance de la mortalité toutes causes confondues révèle que le compromis entre les inconvénients et les avantages de la mammographie s’est déplacé vers les inconvénients au fil du temps. » 

« Le changement se produit toujours au fil du temps, évidemment, au fur et à mesure que les preuves évoluent » déclare Ruth Etzioni, biostatisticienne travaillant au Fred Hutchinson Cancer Center, dans le media STAT.
« En même temps, il doit y avoir une raison convaincante et dans les documents ici, je ne vois pas encore de raison convaincante. Lorsque je me suis penchée sur les études de modélisation de 2016, l’analyse des bénéfices et des risques était très similaire. »

B-L’excès de cancers agressifs chez les femmes noires

« L’USPSTF a également voulu souligner que les femmes noires sont diagnostiquées avec un cancer du sein à un stade plus avancé et qu’elles sont confrontées à un taux de mortalité par cancer du sein plus élevé que les autres groupes raciaux », reprend J.Garber ; « par conséquent, une date de début de dépistage plus précoce pour ces patientes pourrait sauver des vies et réduire les disparités raciales dans les résultats du cancer du sein. Cependant, bien que l’USPSTF ait utilisé de nouveaux modèles explorant les bénéfices et les risques du dépistage chez les femmes noires, elle s’est abstenue de recommander un dépistage plus précoce pour les femmes noires en particulier. »
Pour Mme Garber :
-l’abaissement de l’âge ne résoudra pas le problème de l’accès aux soins pour certaines populations.
– pour réduire les disparités raciales, il ne suffit pas d’abaisser l’âge du dépistage. Les disparités dans la mortalité par cancer du sein sont la résultante, aux Etats Unis, souvent de disparité de nature structurelles, sociales et économiques, avec de moindres chances pour l’accès aux soins pour les populations noires.

C-bénéfice sur la mortalité, mais quelle contrepartie ?


L’agence étatsunienne de son côté affirme que les avantages de la mammographie, qui permet idéalement de détecter le cancer à un stade précoce où il est plus facile à traiter, l’emportent sur les inconvénients ( que sont les faux positifs et les surdiagnostics). Mais ces prétendus avantages du dépistage, très hypothétiques et de plus en plus remis en question, n’apparaissent que dans les études qui mesurent la mortalité due au cancer du sein, et ils ne tiennent pas compte des préjudices liés au surdiagnostic. Ils ne tiennent pas compte des cancers secondaires radio-induits, suite à la radiothérapie (cancers bronchiques secondaires, leucémies), des cardiopathies ayant significativement augmenté chez les survivantes du cancer, des suicides, des syndromes anxio-dépressifs, etc..

« Pour ces raisons, » écrit Horgan, » les chercheurs privilégient de plus en plus la « mortalité toutes causes confondues », c’est-à-dire le décès quelle qu’en soit la cause, comme mesure de l’efficacité du dépistage. La mort, point final, est un critère strict, qui ne laisse aucune marge de manœuvre subjective. Diverses études ont montré que la mammographie ne prolonge pas la vie lorsque la mortalité toutes causes confondues est mesurée. C’est pourquoi certains experts préconisent l’abandon du dépistage par mammographie. »

J.Horgan cite Amanda Kowalski, économiste spécialisée dans les soins de santé, qui présente ces données dans « Mammograms and Mortality : How Has the Evidence Evolved ? », publié dans le Journal of Economic Perspectives en 2021.
« Sur une période de vingt ans, les femmes ayant bénéficié d’un dépistage sont décédées à un rythme nettement plus rapide que les femmes du groupe témoin. Kowalski note que les femmes dépistées avaient un risque élevé de mourir d’un cancer du poumon ou de l’œsophage ; elle cite des preuves que la radiothérapie pour le cancer du sein augmente les risques de cancer mortel du poumon et de l’œsophage pour les patientes. »
Voici la mise en garde de J.Horgan : « les mammographies pourraient être bénéfiques aux femmes présentant un risque de cancer du sein supérieur à la moyenne, telles que celles dont des membres de la famille ont succombé à la maladie. Mais les conclusions du professeur Kowalski ont une conséquence dévastatrice : le dépistage des femmes en bonne santé et asymptomatiques finit par tuer plus de femmes qu’il n’en sauve. » Ceci corrobore les conclusions de M.Baum, selon lesquelles, dans une publication du BMJ en 2013, les effets néfastes du dépistage du cancer du sein l’emportent sur ses bénéfices si les décès dus au traitement sont pris en compte.

DES SCENARIOS

Le rapport de modélisation de l’USPSTF pour ses nouvelles recommandations présente une multitude de scénarios qui estiment les taux auxquels le dépistage du cancer du sein entraînerait certains avantages et inconvénients, selon différents âges de début, de durée et selon différents rythmes de dépistage.

Mais à chaque fois, une personne sans sur-risque particulier, qui se fait dépister, a plus de chances d’être traitée pour un cancer qui ne lui aurait jamais fait de mal que d’éviter de mourir d’un cancer du sein. Elle a plus de deux fois plus de chances de mourir de toute façon d’un cancer du sein, dit J.Garber, que de se voir détecter et traiter avec succès un cancer agressif. Et les femmes dépistées sont bien plus susceptibles de subir une biopsie inutilement ou de recevoir un résultat faussement positif que d’éviter de mourir d’un cancer du sein.

Tout est une question de compromis, en intensifiant le dépistage, en le débutant plus tôt, en le poursuivant plus tard, on évite peut-être des décès, mais au prix de combien de faux positifs en contrepartie, de surdiagnostics et de surtraitements qui eux-même compromettent la santé et la survie ?
Quels sont les compromis que nous acceptons ? Est-ce que tout individu est prêt à accepter le même compromis que son voisin ?
Une décision prise dans l’intérêt de la santé de la population peut ne pas être acceptable pour tout individu.
Quel est le prix que chaque femme est prête à payer pour qu’un décès par cancer du sein soit évité, sachant que dans le même temps d’autres femmes (dont elle-même) peuvent expérimenter la détection d’un cancer qui ne leur aurait pas été fatal, qui les expose à un surtraitement, à un possible cancer secondaire dû à la radiothérapie pour un cancer qu’on pouvait ignorer ?

Avec l’abaissement de l’âge de début du dépistage de 50 à 40 ans, l’USPSTF affirme concrètement que pour éviter un décès supplémentaire par cancer du sein sur 1 000 femmes dépistées, les femmes doivent accepter 519 faux positifs supplémentaires, 62 biopsies inutiles de plus et deux cas supplémentaires de surdiagnostic » par rapport aux faux positifs, biopsies inutiles et surdiagnostics déjà existants pour un dépistage débutant à 50 ans.
Voilà exactement ce que signifie l’abaissement d’une décennie de l’âge de début du dépistage.

CONCLUSION, un retour en arrière

Selon Horgan, ces changements des recommandations de l’USPSTF ne sont pas justifiés, pour lui « l’appât du gain ne peut être écarté. La prise en charge du cancer du sein est une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l’égard de cette maladie. » Ce business du cancer est ce qu’il explique longuement dans cet article.

La modélisation utilisée pour apprécier concrètement ce qu’un dépistage va produire « ne tient toujours pas compte des implications négatives à long terme du dépistage du cancer (par exemple, le surdiagnostic) ou du fait que les tumeurs se développent parfois de façon inattendue, ou du fait que les tumeurs se développent et régressent parfois à des rythmes différents. » comme l’explique V.Prasad, professeur d’ oncologie et hématologie américain dans sa video de 2021″.

D’autres réactions notent le caractère très rémunérateur de cette nouvelle recommandation :
https://radiologybusiness.com/topics/medical-imaging/womens-imaging/uspstf-recommends-women-begin-breast-cancer-screening-40-boosting-stocks-mammo-related-firms
Dans Radiology business on peut ainsi lire :  » Le groupe de travail américain sur les services préventifs a publié mardi de nouvelles recommandations sur le dépistage du cancer du sein, invitant désormais toutes les femmes à se soumettre à un dépistage tous les deux ans à partir de l’âge de 40 ans.
Ce projet de lignes directrices marque un changement par rapport aux normes précédentes de l’USPSTF, qui préconisait le dépistage à partir de 50 ans. Les fournisseurs du secteur de l’imagerie pour femmes, tels que Hologic et iCAD, ont vu le cours de leurs actions grimper en flèche mardi matin à la suite de cette nouvelle, car les volumes de dépistage devraient augmenter. 
L’influente USPSTF avait précédemment encouragé les femmes à « prendre une décision individuelle » quant au moment de commencer le dépistage avant 50 ans, mais elle fait maintenant marche arrière et s’aligne sur les lignes directrices énoncées par les sociétés médicales. »

Onco’Zine titre : « La mise à jour des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein devrait stimuler la vente d’équipements de mammographie ».
Selon ce média, la projection de croissance à escompter est faramineuse : « Évalué à 1,9 milliard de dollars américains en 2021, le marché mondial des équipements de mammographie devrait atteindre un montant stupéfiant de 4,3 milliards de dollars américains en 2030. Cette projection est basée sur une prévision de GlobalData, une importante société de données et d’analyse. »

On peut considérer cette mesure, qui, nous pouvons parier, sera sûrement adoptée dans d’autres pays occidentaux, comme une réelle régression, à une époque où la médecine moderne préconise plutôt une réflexion mesurée et pondérée, conjointe avec le patient, où on commençait à se poser plutôt la question de la désescalade des procédures de routine préjudiciables.

L’information des femmes est une fois de plus fortement mise en danger, le message donné étant que davantage de dépistages équivaut à sauver des vies, cela sans preuve aucune, alors qu’à la fois le Conseil de l’Europe appelle à la prudence et que même l’Institut du Cancer Américain encourage les concepteurs de lignes directrices à approfondir leurs recherches avant de mettre à jour leurs lignes directrices, afin de s’assurer que les meilleures données possibles sur les effets néfastes du dépistage sont utilisées pour formuler leurs recommandations.

On en est bien loin….

REACTION DE LA NBCC (National breast cancer coalition, USA)

Il n’y a pas de nouvelles preuves à l’appui des changements proposés par l’USPSTF pour les lignes directrices relatives au dépistage par mammographie

14 juin 2023

National Breast Cancer Coalition demande des stratégies fondées sur des données probantes pour répondre aux questions difficiles et sauver des vies.

« Fondée en 1991, la National Breast Cancer Coalition (NBCC) est une collaboration d’activistes, de survivantes, de chercheurs, de décideurs politiques, de groupes locaux et d’organisations nationales qui se sont rassemblés pour innover de manière radicale en vue d’un changement social. Nous mettons en relation des centaines d’organisations et des dizaines de milliers d’individus de tout le pays au sein d’une coalition dynamique et diversifiée qui donne au cancer du sein une voix significative à Washington, D.C., et dans les capitales des États, dans les laboratoires et les institutions de soins de santé, et dans les communautés locales partout présentes ».

« Notre activisme a généré plus de 4 milliards de dollars supplémentaires pour la recherche sur le cancer du sein. Nos initiatives de recherche et notre plaidoyer ont contribué à l’émergence de nouveaux modèles de recherche ».

Missions :
– Poser les questions difficiles.
– Interpeller les scientifiques.
– Dire la vérité.
– Faire campagne pour le financement de la recherche et l’accès aux soins.
– Faire avancer la cause pour sauver des vies.

Le dépistage par mammographie est, par définition, destiné aux femmes qui ne présentent aucun symptôme ou signe de cancer du sein. Lors du dépistage du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques, les bénéfices doivent être clairs et les préjudices inexistants. Malheureusement, le projet de recommandations de l’United States Preventive Services Task Force (USPSTF) concernant le dépistage du cancer du sein chez les femmes présentant un risque moyen ne répond pas à ces critères.

Les dépistages devraient en fin de compte permettre de réduire le nombre de décès. Mais la question de savoir si le dépistage par mammographie réduit le nombre de décès, en particulier chez les jeunes femmes, est débattue depuis des décennies. Les chercheurs ont mené au moins sept essais cliniques prospectifs randomisés – l’étalon-or des preuves – et aucun n’a résolu la question. 

Aujourd’hui, des méthodes de preuve moins robustes et moins claires, connues sous le nom de modélisation statistique, sont utilisées pour trouver un avantage au dépistage précoce. Ces méthodes sont complexes et nécessitent de nombreuses hypothèses. Pourtant, l’USPSTF utilise les résultats de ces modèles pour recommander des dépistages bisannuels pour toutes les femmes de 40 ans et plus, plutôt que de laisser les femmes décider elles-mêmes. 

Lire notre déclaration officielle sur le projet de lignes directrices.

Position du NBCC sur le dépistage par mammographie
Le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes présentant un risque moyen et ne présentant aucun symptôme est un sujet extrêmement complexe et controversé. Parce qu’il a lieu dans une population en bonne santé, la National Breast Cancer Coalition (NBCC) estime depuis longtemps que les bénéfices du dépistage doivent être nettement supérieurs aux risques. 

Dans ses recommandations antérieures, que la NBCC a soutenues avec réticence, l’USPSTF préconisait un dépistage mammographique bisannuel pour les femmes âgées de 50 à 74 ans, avec l’option d’un dépistage bisannuel pour les femmes âgées de 40 à 49 ans à la suite d’une conversation avec leur médecin sur les risques et les bénéfices. Les femmes pouvaient choisir. Ces lignes directrices reconnaissaient les préjudices connus du dépistage et le fait que les données des essais contrôlés randomisés ont montré des bénéfices limités pour toutes les femmes, en particulier dans ce groupe d’âge.

Les preuves n’ont pas changé
Aucune nouvelle donnée expérimentale n’est apparue concernant les bénéfices et les risques du dépistage par mammographie. Qu’est-ce qui a motivé ces nouvelles recommandations ?

La situation est complexe et les données scientifiques sont denses. L’USPSTF a fondé ses recommandations sur une analyse de modélisation collaborative utilisant les six modèles de cancer du sein du réseau CISNET (Cancer Intervention and Surveillance Modeling Network). 
Ces six modèles statistiques ont été utilisés pour estimer indépendamment les résultats du cancer du sein dans un groupe hypothétique de 1 000 femmes de 40 ans à risque moyen, avec ou sans dépistage du cancer du sein (soit par mammographie numérique, soit par tomosynthèse mammaire numérique). L’USPSTF a examiné les résultats pour les femmes de toutes races et les femmes noires, respectivement.
Les modèles ne concordent pas. Chaque approche de modélisation a donné lieu à des estimations différentes pour chaque résultat et préjudice. La valeur médiane de tous les modèles a été utilisée pour fournir les meilleures estimations des bénéfices et des dommages dans chaque scénario.

Un examen plus approfondi des chiffres

En 2016, en utilisant la même approche de modélisation statistique et les six mêmes modèles CISNET, l’USPSTF a donné au dépistage des personnes âgées de 40 à 49 ans une recommandation de niveau « C », laissant la décision aux femmes.  
En 2023, l’analyse du modèle collaboratif a fait passer la force de la recommandation de « C » (nécessitant une décision éclairée) à « B » (une pratique que le prestataire devrait fortement encourager et sur laquelle il sera noté). Quelle était la différence ? Ils ont constaté que 0,3 décès supplémentaire par cancer du sein était évité pour 1 000 femmes dépistées au cours de leur vie.

Quels sont les risques du dépistage ?

Les estimations du modèle de l’USPSTF comprennent
– Une augmentation d’environ 60 % des résultats faux positifs (de 873 à 1 376).
– Une augmentation d’environ 6 % des biopsies bénignes (environ 148 à 210).  
– Deux cas supplémentaires de surdiagnostic (de 12 à 14), bien qu’il y ait eu une grande variation entre les modèles, de seulement 4 à 37 cas.

Le surdiagnostic – et par conséquent le surtraitement – est l’un des principaux préjudices du dépistage. La détection, l’ablation et le traitement de cancers du sein qui, autrement, n’auraient jamais porté préjudice aux femmes ne sauvent pas des vies. En revanche, il soumet les femmes à des traitements toxiques qui pourraient entraîner des problèmes de santé importants tout au long de la vie, y compris d’autres cancers. 

Tant que les chercheurs ne pourront pas déterminer quels cancers du sein finiront par se propager, par réduire la qualité de vie ou par entraîner la mort, le surdiagnostic restera une conséquence des technologies de dépistage actuelles.

L’approche par modélisation ne reflète pas la réalité 

L’une des principales limites de l’approche par modélisation est que tous les modèles supposent une adhésion totale au dépistage, une évaluation rapide des résultats de dépistage anormaux et un accès approprié et rapide au traitement. Malheureusement, ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans le monde réel, si bien que les bénéfices potentiels représentent une hypothèse optimiste et peu probable.

L’USPSTF a cité des données épidémiologiques qui montrent que le taux d’incidence (le nombre de nouveaux cas) du cancer du sein invasif chez les femmes âgées de 40 à 49 ans a augmenté de 2,0 % par an entre 2015 et 2019. Mais cette augmentation est probablement due, en grande partie, au dépistage intensif qui est déjà pratiqué chez les femmes de ce groupe d’âge. 

Selon les Centers for Disease Control and Prevention, entre 2008 et 2018, plus de 60 % de toutes les femmes âgées de 40 à 49 ans aux États-Unis ont subi une mammographie au cours des deux dernières années. Cela augmenterait bien sûr le nombre de cas diagnostiqués.

L’abaissement de l’âge du dépistage ne résoudra pas les disparités raciales

Il apparaît que l’USPSTF a modifié sa recommandation principalement pour combler l’écart de mortalité entre les femmes blanches et les femmes noires. Bien que l’objectif ne soit évidemment pas que les femmes noires décèdent au même rythme que les femmes blanches, mais que la mortalité par cancer du sein soit éliminée pour tous, nous devons nous pencher sur cet écart.  

Bien que l’incidence du cancer du sein soit comparable, le taux de mortalité par cancer du sein est 40 % plus élevé chez les femmes noires. Cependant, il n’est pas clair comment le fait de commencer le dépistage du cancer du sein à 40 ans aura un effet sur l’écart de mortalité, d’autant plus que, comme indiqué ci-dessus, environ 60 % des femmes de toutes les races dans cette tranche d’âge sont déjà soumises à un dépistage. L’écart persiste même si les femmes noires et blanches de cette tranche d’âge sont dépistées au même rythme. 

Le dépistage par mammographie n’éliminera pas les disparités de longue date en matière de cancer du sein, quel que soit l’âge de début et de fin du dépistage. Ces disparités sont le résultat d’un racisme structurel et des politiques de santé qui créent un accès inéquitable à des soins appropriés, opportuns et de qualité.

Que faudra-t-il vraiment pour mettre fin au cancer du sein et sauver des vies ?

Dépenser des milliards de dollars supplémentaires chaque année pour des interventions inefficaces – ou, au mieux, faiblement efficaces – détourne les ressources des questions difficiles, concernant par exemple sur la façon de prévenir le cancer du sein ou de l’empêcher de se métastaser et sur la façon de créer un système de soins de santé équitable. 

Le dépistage par mammographie n’est pas la solution pour mettre fin au cancer du sein et sauver des vies, et il est malvenu de continuer à le considérer comme une stratégie primordiale.


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