Point de vue de Susan Bewley : après l’épidémie covid19, les choses ne devraient plus jamais être les mêmes dans le monde du dépistage

15 avril 2020

Synthèse de l'article dans le blog BMJ de Pr.Susan Bewley

Dr C.Bour

Susan Bewley est professeure émérite d'obstétrique et de santé des femmes au King's College de Londres et présidente de Healthwatch (collectif pour la science et l'intégrité en médecine). Elle est très critique sur le dépistage du cancer du sein et a publié une analyse en plusieurs volets de l'essai sur l'extension du dépistage en cours au Royaume Uni.

Sur son blog BMJ, elle s'exprime sur la suspension du dépistage organisé du cancer du sein, en vigueur, durant l'épidémie covid19, dans plusieurs pays.

Pour Pr. Bewley, La suspension du dépistage systématique du cancer du sein pendant Covid-19 offre une occasion de prendre en compte les reproches qui sont faits à ces programmes de dépistage de masse, ces reproches et controverses existant depuis maintenant trois décennies, insuffisamment relayés en France notamment lors d'octobre rose, campagne nationale annihilant absolument toute contradiction dans l'espace public.

 

Priorité aux malades

 

Le NHS (National Health Service) a su donner par cette suspension, explique Susan Bewley, la priorité aux besoins des malades et des vulnérables. Au milieu de cette pandémie mondiale, écrit-elle, nous ne pouvons plus nous permettre le luxe politiquement populaire de faire inutilement souffrir le grand public dans l'anxiété et le surdiagnostic générés par la pratique du dépistage. Le dépistage systématique du cancer du sein par mammographie et l' essai clinique AgeX -  conçu pour une extension du dépistage aux femmes en dehors du groupe d'âge actuel de 50 à 70 ans - ont cessé. (NDLR : les liens sont ceux proposés dans le texte d'origine)

Bien que que ni sur les différents sites nationaux ni dans les médias il n'y eut de grand battage pour l'annoncer, les femmes ont été informées depuis mi-mars par lettres et appels téléphoniques de l'annulation des invitations au dépistage systématique. Les services ont depuis été suspendus dans certaines régions du Canada , l' Italie , l' Ecosse , et l' Australie . (NDLR, aussi en Belgique en plus des pays sus-cités, voir https://cancer-rose.fr/2020/03/31/suspension-des-depistages-angleterre-pays-de-galles-ecosse/).

Les mammobiles sont en stationnement et immobiles. Les équipes aident les femmes déjà passées dans le système avec un dépistage positif. Mais une fois cela effectué, le personnel sera redéployé pour la tâche herculéenne de contenir le coronavirus et de maintenir à flot le NHS dans ses autres branches.

 

Pas de mise en danger du public par l'arrêt du dépistage

 

Cette reconnaissance que le dépistage du cancer du sein n'a rien urgent doit être applaudie, et le grand public doit être rassuré.

Cela suggère que l' arrêt du dépistage présente peu de danger global pour les femmes. Toute personne présentant une tuméfaction, une déformation cutanée ou d'autres symptômes faisant suspecter la présence d'un cancer actif doit être encouragée à appeler son médecin généraliste comme d'habitude, car les recours d'urgence restent disponibles.

Au Royaume Uni, les services régionaux de dépistage du cancer du sein disent aux femmes que le dépistage est «suspendu». L'intention semble donc être de reprendre le dépistage à la fin de la pandémie de coronavirus. Et c'est là une occasion en or, selon l'auteure, pour le National Screening Committee (NSC) de faire une pause, de reconsidérer les critiques du programme de dépistage et d'évaluer s'il ne faudrait pas modifier ce programme sans répercussion sur la santé des femmes ni clinique , ni selon le critère coût-efficacité.

Susan Bewley explique que l'efficacité des traitements fut révolutionnaire dès 1987, date de l'introduction du dépistage, faisant ainsi se déplacer le point d'équilibre du dépistage entre utilité et inutilité.

Le dépistage peut tout d'abord être inutile, lorsqu'on découvre une maladie sans en avoir les traitements efficaces. Ensuite il peut s'avérer utile, lorsqu'il respecte les critères de Wilson et Jungner et repère tôt des patients qui s'en sortiront mieux avec le traitement disponible, mieux que s'ils avaient attendu l'apparition de symptômes.

Mais il devient à nouveau inutile lorsqu'on dispose, comme à présent, de bons traitements contre le cancer symptomatique, et que dans le même temps la balance bénéfice-risque du dépistage mammographique penche en faveur des risques et occasionne des dommages.

Autrement formulé : plus on dispose de thérapeutiques efficaces comme actuellement, plus le dépistage systématique devient inutile surtout s'il provoque davantage de désavantages qu'il n'apporte de bienfaits.

Cette bonne nouvelle, à savoir que le traitement du cancer du sein symptomatique est aujourd'hui excellent, a été étouffée par une soif de détections. Le sevrage de dépistage peut être une façon inattendue, mais bienvenue, de soustraire le public à sa dépendance à la recherche de maladies qui n'auraient jamais fait de mal à personne.

 

L'arrêt de certains dépistages déjà évoqué

 

Même avant l'épidémie du Covid-19, Mike Richards, l'inspecteur en chef des hôpitaux du gouvernement britannique à la Care Quality Commission, avait appelé à l' arrêt du dépistage du cancer de la prostate par l'APS (dosage du taux de PSA pour la détection du cancer de la prostate). (NDLR : ce dépistage n'apparaît pas dans les recommandations officielles en France )

Il faut s'emparer de ce moment, selon Pr.Bewley, pour aborder ces mythes populaires sur le dépistage. Il n'y a aucune preuve que les «bilans de santé» atteignent quoi que ce soit en termes de résultats à long terme , détournant les ressources du système de santé national dont auraient besoin des personnes réellement malades.

Réduire le tabagisme et l'alcool la consommation et la réduction de l'obésité feraient beaucoup plus pour la santé de la population.

Lire aussi : "il est temps d'arrêter le dépistage précoce du cancer".

Industrie du cancer et battage médiatique

Et : https://cancer-rose.fr/2019/01/23/de-la-pertinence-des-depistages-de-nos-jours-a-propos-de-deux-articles/

 

Conclusion de l'auteure

 

Susan Bewley conclut : si le dépistage par mammographie devait être ré-instauré après la pandémie, il devra être rétabli sans aucun message alarmiste, sans rappel ou avertissement, et sans objectif financier pour les médecins généralistes afin d'en encourager la participation.

Nous avons besoin de meilleurs processus et de brochures de consentement à l'instar de celle de la Cochrane , qui indique clairement que le dépistage est un choix et non une obligation, qui n'est pas nécessairement un mauvais choix de le refuser.

________________________________

NDLR

 

Nous ne pouvons qu'abonder dans toutes ces considérations émises par Pr Bewley pour le Royaume Uni et faire des demandes analogues pour la France. Le travail de synthèse de Pr Autier en 2018 appuyait déjà ce que Pr Susan Bewley énonce aujourd'hui à la faveur de la suspension du programme de dépistage du cancer du sein en Angleterre et autres pays.

  • Dans les populations où le dépistage est suivi, la mammographie de dépistage n’a eu aucune influence sur le cancer du sein avancé, et aucune influence sur les cancers du sein métastatiques chez les femmes.
  • Le surdiagnostic est une source de préjudice considérable pour les femmes qui se soumettent à une mammographie de dépistage. Il n’est plus acceptable de nos jours de minimiser le poids de celui-ci, ni ses conséquences, les surtraitements.
  • Si la mammographie de dépistage pouvait avoir initialement une influence sur la mortalité par cancer du sein, cette influence s’estompe avec les progrès de la prise en charge des patientes. Cela signifie que plus la prise en charge de la  patiente est efficace, mois est utile un dépistage surtout si celui-ci comporte plus de risques que de bénéfices.
  • Les décideurs qui mettent en œuvre des plans nationaux de lutte contre le cancer doivent être conscients des graves lacunes des données qui leur sont présentées comme indubitables, ils doivent prendre davantage en compte les données des études scientifiques internationales indépendantes mettant en cause le dépistage mammographique, et alertant sur le risque pour les femmes de connaître inutilement une maladie.
  • L'information donnée aux femmes sur les risques du dépistage est insuffisante, notion que la concertation citoyenne de 2016 sur le dépistage avait déjà pointée.

L'actualité Covid19 nous a montré le caractère indispensable de la réalisation de bon essais cliniques et de l'EBM, la médecine fondée sur les preuves. La bonne analyse des données est incontournable et les études contestant fortement les bienfaits du dépistage mammographique ne doivent plus être systématiquement et délibérément occultées, ignorées par les décideurs et celées aux femmes.

Nous demandons donc aux décideurs français de re-considérer la pertinence du programme de dépistage mammographique en France, de prendre en compte les demandes de la concertation citoyenne, d'oeuvrer pour la production d'outils d'information neutres et objectifs et d'aides à la décision pour les femmes, de suspendre les campagnes incitatives d'octobre rose, coûteuses, désinformantes et anxiogènes.

Il faut sortir ce programme du système de la ROSP (rémunération sur les objectifs de santé publique), suspendre le système de convocations programmées et de relances culpabilisantes pour les femmes lorsqu'elles ne se présentent pas aux rendez-vous.

Il faut présenter ce dépistage comme un choix, avec refus possible, et non pas comme une obligation de s'y soumettre.

Il faut que la femme soit en confiance, désangoissée, déculpabilisée, qu'elle considère le dépistage mammographique comme une option, facultative, sans qu'il y ait de préjudice démontré ou de perte de chance lorsqu'elle n'y adhère pas.

Nous en appelons au pouvoir en place afin que ce temps de mise en suspens soit mis à profit pour une remise à plat du dispositif, pour un arrêt du programme tel que les citoyennes le demandaient, et que soit entreprise une réflexion en profondeur avant toute remise en route.

 

 

 

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Suspension des dépistages Angleterre, Pays de Galles, Ecosse

31 mars 2020

L'Ecosse rejoint L'Angleterre et le Pays de Galles  stoppant les programmes de dépistages afin de mobiliser les ressources de ces pays dans la lutte contre le covid 19 , qui entraîne un drame sanitaire sans égal dans le monde entier.

https://www.express.co.uk/news/uk/1262288/Nicola-Sturgeon-news-SNP-latest-coronavirus-Scotland-cancer-screenings-cancelled-COVID19

Mêmes initiatives en Belgique, au Canada, en Italie, en Australie.

Nous demandons aux autorités françaises de suivre cet exemple, l'urgence étant de plus en plus aigüe de jour en jour, et gagnant du terrain.

Ces procédures inutiles dont les coûts financiers ont déjà été évalués nous privent de moyens suffisants pour lutter efficacement contre cette tragédie et peut-être d'autres épisodes analogues à venir, nous laissant démunis en matériel de base pour nous défendre. Se rajoute à présent, dans cette crise majeure,  le catastrophique coût en vies humaines..

Ces programmes devront être ré-évalués ensuite sur la pertinence à les maintenir, mais dans l'immédiat de toute évidence stoppés.

 

 

 

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Recommandations pour une prise de décision partagée avec le patient

https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2763186?utm_campaign=articlePDF%26utm_medium%3darticlePDFlink%26utm_source%3darticlePDF%26utm_content%3djama.2020.1525

Traduction, résumé et conclusion, rédaction Cancer Rose, 14 mars 2020

Un point de vue dans le JAMA

Doreen M. Rabi, MD, MSc
O’Brien Institute for Public Health, University of Calgary, Calgary, Alberta, Canada.

Marleen Kunneman, PhD
Department of Biomedical Data Sciences, Leiden University Medical Centre, Leiden, the Netherlands;
Knowledge and Evaluation Research Unit, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota.

Victor M. Montori, MD, MSc
Knowledge and Evaluation Research Unit, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota.

JAMA. Publié en ligne le 13 mars 2020. doi: 10.1001 / jama.2020.1525

 

Les cliniciens et les patients peuvent élaborer un programme de prise en charge à partir des lignes directrices de pratique clinique. Pour être dignes de confiance, les lignes directrices établies doivent résulter d'un processus rigoureux, inclusif et transparent, éclairé par les meilleures données de la recherche disponibles et protégé contre les biais et les conflits d'intérêts.

Leurs orientations doivent être claires, spécifiques, classées en fonction de la probabilité des bénéfices et des préjudices, et applicables. Les lignes directrices recommandent de plus en plus la prise de décision partagée, une approche dans laquelle les patients et les cliniciens travaillent ensemble pour développer une appréciation partagée de la situation du patient, et décider comment y répondre correctement.

Ce que l'article pose comme question est de savoir à quel point et dans quelle mesure les recommandations figurant dans les lignes directrices sont fiables, utiles et utilisables.[1]

 

Tout dépend de ce qu'on attend

 

Tout dépend de ce qu'attendent le praticien et le patient. Pour ceux qui recherchent des conseils clairs et directs - c'est-à-dire des recommandations fortes qui «disent simplement quoi faire» - une recommandation qui conseille une discussion plus approfondie entre les patients et les cliniciens pour une prise de décision partagée peut ne pas sembler particulièrement utile.

Une recommandation forte pour une action spécifique, souvent transformée en une mesure de qualité de soins ou en cible pour un système de rémunération au rendement (NDLR comme c'est le cas pour le dépistage organisé du cancer du sein, intégré dans le système de rémunération sur les objectifs de santé publique) , peut entraver une approche de soins centrée sur l'intérêt du patient.

Par conséquent, une recommandation pour décision partagée peut créer l'occasion pour les cliniciens de prendre en compte la situation d'un patient et d'y réagir. Elle met l'accent sur la nécessité pour les cliniciens de travailler en collaboration avec les patients, pour découvrir et comprendre quel aspect de leur problème clinique ou de leur situation spécifique nécessitera une action de leur part, pour pouvoir répondre à cette situation spécifique.

Danger d'un mauvais usage, exemple en cardiologie

 

Mais il se peut que des recommandations fortes peuvent être su-utilisées. Par exemple, les lignes directrices de l'American College of Cardiology / American Heart Association pour la prévention, la détection, l'évaluation et la gestion de l'hypertension artérielle de 2017 recommandent fortement que les adultes à haut risque soient traités, avec pour objectif d'obtenir une pression artérielle inférieure à 130 / 80 mm Hg. En pratique, cela nécessite que de nombreux patients prennent plus de deux médicaments anti-hypertenseurs, surveillent leur tension artérielle à la maison, effectuent des analyses sanguines fréquentes pour rechercher des anomalies hydro-électrolytiques ou de leur fonction rénale, et se rendent à des rendez-vous cliniques réguliers. Lorsque la population cible de cette recommandation est plus âgée et de plus en plus confrontée à des problèmes chroniques et multiples de santé, et à d'autres soucis comme par exemple des difficultés financières et de conditions de vie, on voit bien que ces recommandations fortes peuvent être mal adaptées. La complexité cumulée des différents facteurs et le fardeau écrasant du traitement lui-même qui affecteront les patients, vivant avec une morbidité chronique, rendent ces recommandations fortes et ces normes figées impraticables, voire même nocives.

Pourtant, les panels de directives (c'est à dire des comités de spécialistes qui émettent ces recommandations) insistent fréquemment sur la formulation de recommandations fortes de façon injustifiée, cela est peut-être motivé par la nécessité d'offrir des orientations définitives et intangibles, et de réduire ainsi la variabilité entre les pratiques médicales ; ou encore le but peut être celui de démontrer la valeur des organisations qui produisent ces directives, ou de garantir des résultats compte tenu des investissements dans les soins de santé.

Ces recommandations, cependant, peuvent paradoxalement échouer à améliorer réellement la qualité des soins, en réduisant le centrage sur l'individu, en augmentant le gaspillage (par l'impossibilité de respecter fidèlement la recommandation) et en favorisant les risques de la procédure  (par le biais d'interactions médicamenteuses p.ex.) . Une meilleure approche plus utile pour guider les cliniciens et les patients à pathologie complexe serait de développer une compréhension commune de la nature, de l'ampleur, et de la pertinence du risque cardiovasculaire de la personne,  et à travers la découverte conjointe d'un moyen de faire face à ce risque, compte tenu de la situation particulière de chaque patient.

Et à cette fin, les cliniciens peuvent trouver plus utile une recommandation régie par des conditions diverses, qui inviterait à l'utilisation de la décision partagée.

La recommandation "conditionnelle"

 

Une recommandation dite "conditionnelle" signifie que la meilleure action peut être différente d'un patient à l'autre (prenant en compte des circonstances, des valeurs, des préférences ou des objectifs de chaque patient), de sorte que d'autres approches peuvent être tout aussi raisonnables.

Une telle attitude demande aux patients et aux cliniciens de collaborer pour déterminer comment procéder dans ce qui est recommandé. Le problème est que dans les situations où les cliniciens et les patients n'ont pas la possibilité ou le temps, les compétences et l'expérience de procéder à cette coopération, les recommandations visant à intégrer la décision partagée dans l'élaboration du plan de soins peuvent ne pas se traduire par une décision partagée réussie en pratique (comme cela a été documenté pour le dépistage du cancer du poumon par la tomodensitométrie à faibles doses[2]).

L'élaboration d'une décision partagée n'est pas facile. Les patients et les cliniciens doivent parvenir à une compréhension claire et utile de la situation du patient et découvrir, par l'entretien, laquelle des options fondées sur des preuves a un sens intellectuel, pratique et émotionnel suffisant pour faire avancer cette situation. On pourrait aussi envisager aussi des résumés de preuves, et des outils d'aide à la décision...

Les panels élaborant des lignes directrices pourraient également soutenir la décision partagée en identifiant les options qui ne devraient pas être envisagées, là où le risque d'exposition à des effets indésirables dépasse tout bénéfice potentiel pour presque tous les patients. Cependant, les spécialistes dans les panels qui émettent les lignes directrices préfèrent éviter les conséquences de la recommandation à l'encontre un test ou à l'encontre d'une intervention pour une indication donnée, car cela pourrait entraîner le refus des organismes payeurs de couvrir des indications similaires non prévues dans la ligne directrice.

Les 'panélistes' peuvent également avoir un intérêt direct dans une approche diagnostique et thérapeutique particulière (liens d'intérêts). En outre, il peut être difficile pour des experts qui ont longtemps recommandé une marche à suivre d'inverser leur démarche, surtout lorsque de nouvelles preuves constatent que cette marche à suivre préconisée a conduit à un bénéfice plus mince que prévu, ou à un préjudice plus grand que prévu... Des 'panélistes' peuvent insister pour maintenir la recommandation sous forme d'une option négociable, afin de donner un "choix" aux patients et aux cliniciens. Ceci peut être une attitude pour des raisons légitimes (par exemple, des inquiétudes quant à la fiabilité des données probantes pour déterminer la balance bénéfice-risques, ou inquiétudes dans la détermination des risques potentiels selon les différentes options dans des sous-groupes particuliers de patients ; ou encore des inquiétudes par rapport aux coûts directs et annexes associés à des options différentes). Ou alors cette attitude peut être motivée pour défendre des positions professionnelles ou financières...

Des recommandations qui peuvent induire en erreur

 

Toutes ces raisons contribuent peut-être à l'élaboration dans certains cas de recommandations de décision partagée qui finalement ne guident pas les utilisateurs, les induisent en erreur, en incluant des options qui sont peu susceptibles de procurer des bénéfices aux patients. Les auteurs citent comme exemples les lignes directrices de décision partagée émises pour le dépistage du cancer du sein chez la femme à risque moyen en dessous de 50 ans[3], la revascularisation coronaire pour soulager l'angine de poitrine stable, le Lévothyrox pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d'hypothyroïdie infra-clinique, ou encore la préconisation d'une glycémie proche de la normale pour prévenir les complications chez les patients atteints de diabète de type 2.

Pour éviter d'être induit en erreur, l'utilisateur a besoin d'une présentation claire des preuves et d'une communication explicite des raisons pour lesquelles les membres du panel ont inclus des options de faible valeur. Ce qui peut être également instructif, c'est d'examiner les lignes directrices existantes antérieures (c'est-à-dire pour voir si la recommandation est passée de "favorable" à "pour une décision partagée"), ou encore d'examiner les lignes directrices produites par d'autres groupes d'experts, idéalement avec des intérêts différents ; mais peu d'utilisateurs auront le temps ou les compétences pour mener une telle évaluation critique.

En recommandant la décision partagée, les experts reconnaissent le rôle essentiel de facteurs autres que seules les données de recherche à intégrer dans l'élaboration du plan de prise en charge : à savoir l'expérience et l'expertise des patients, leurs priorités et les particularités de leur situation, telles les co-morbidités, le fardeau d'autres maladies présentes et de traitements existants, l'aide sociale, et la capacité personnelle de mettre en œuvre son plan de soins en toute sécurité.

La recommandation pour la décision partagée peut également signifier, avec une humilité rare, que des avis importants peuvent provenir des patients, et que l'équité dans le processus de prise de décision thérapeutique est importante.

Importance de la rigueur dans l'élaboration des recommandations pour décision partagée

 

La légitime recommandation d'une décision partagée toutefois coexistant avec un mauvais usage et avec des abus de décisions partagées appellent au développement de rigueurs méthodologiques dans l'élaboration des recommandations.

Une recommandation pour une décision partagée est une recommandation pour une méthode de création d'un plan d'action commun avec le patient. Par conséquent, une recommandation bien développée pour une décision partagée doit tenir compte des obstacles et des coûts de la mise en œuvre, tels que la disponibilité du temps de rencontre avec le patient, les compétences et les outils d'aide disponibles.

Une méthode pour aider les panels des lignes directrices à comprendre quand il est le plus pertinent et utile de recommander la décision partagée, devrait ensuite être appliquée de manière systématique, transparente et délibérée. Seulement insérer des recommandations de décision partagée dans des lignes directrices sape la crédibilité et l'utilité de ces recommandations et, dans une certaine mesure, réduit la valeur de la décision partagée dans les soins aux patients.

 

Pour conclure

 

A la lecture de cet article il semble bien que la décision partagée soit plus un "fantasme" médical qu'une réalité.
En effet, les valeurs de chaque patient ont peu de poids face aux recommandations de société savantes que le médecin se sent l'obligation de suivre car elles ont pour lui beaucoup de valeur.
Le médecin peut avoir tendance à "imposer" ces recommandations à ses patients et cela d'autant plus que l'autorité des sociétés savantes qui émettent ces recommandations a beaucoup de poids à ses yeux.
Les choix mais aussi les réalités de vie personnelles de chaque patient ne sont pas suffisamment pris en compte par rapport au poids de ces recommandations qui, bien évidemment sont générales et non personnalisées.
Il y a donc un énorme chemin à parcourir pour que les valeurs et la réalité de la vie de chaque patient puisse enfin guider la pratique de chaque médecin.

Références

 

[1] NDLR

Déjà en 2017 une vue d'ensemble des lignes directrices à travers les pays a fait l'objet d'une publication https://cancer-rose.fr/2017/01/15/vue-densemble-des-directives-et-recommandations-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-pourquoi-les-recommandations-different/

Il en ressortait, pour le dépistage du cancer du sein, que les directives et recommandations optaient toutes généralement pour une approche prudente, parce que le dépistage mammographique ne peut réduire la mortalité par cancer du sein à un degré suffisamment important sans amener en parallèle des inconvénients substantiels, et en générant des coûts pour la santé publique.

Selon les auteurs, plutôt que de continuer à poursuivre un objectif de réduction de mortalité par cancer du sein en exerçant un dépistage, les sociétés devraient appuyer la recherche vers de nouveaux progrès thérapeutiques, et s’assurer que toutes les femmes aient un accès égal à des traitements optimaux et opportuns.

 

[2] https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2696725

13 août 2018

Échec de la note pour la prise de décision partagée pour le dépistage du cancer du poumon

A présent que nous accumulons plus de données sur les avantages et les inconvénients du dépistage du cancer, il apparaît clair que les avantages ne dépassent pas toujours les inconvénients. Ce déséquilibre est particulièrement en cause dans le dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie à faible dose pour lequel 1 essai clinique randomisé a trouvé un bénéfice de mortalité chez les fumeurs et ex-fumeurs à haut risque,  mais où 3 autres essais cliniques randomisés n'ont trouvé aucun avantage. De plus, les données de l'enquête nationale sur les entretiens de santé montrent que la plupart des personnes soumises au dépistage du cancer du poumon ne faisaient pas partie des groupes où ce dépistage était recommandé, ce qui fait que les effets nocifs de la tomodensitométrie à faibles doses, y compris l'exposition aux radiations, dépasseront probablement les bénéfices.

 

[3] https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2679928

 

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Lettre ouverte de quatre collectifs européens

23 février 2020

 

Ici veuillez trouver une lettre ouverte commune, co-écrite par quatre collectifs européens engagés pour l'éthique en santé, et partageant les mêmes préoccupations sur l'étude MyPEBS pour un dépistage individualisé du cancer du sein. L'étude est détaillée dans le site dédié en cliquant sur ce lien précédent.

Vous trouverez plus bas également notre communiqué de presse, téléchargeable, expliquant les raisons de notre mobilisation.

Cet essai MyPEBS nous semble présenter à nous tous, groupes européens défendant l'information en santé, beaucoup de problèmes méthodologiques et éthiques.

Le rationnel de l'étude n'ayant toujours pas été publié et n'ayant pas été distribué à la presse selon nos informations, nous nous le sommes procuré et en avons fait l'analyse critique ici https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/12/01/le-rationnel-de-letude-2/

COMMUNIQUE DE PRESSE

RETOURS PRESSE

https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2020/10/Capture-décran-2020-03-07-à-16.43.49.png

Article JIM 29/02/2020

Article BMJ

ARTICLE BMJ EN FRANçAIS

article Quotidien de Médecin du 12 mars 2020

LETTRE COMMUNE EN FRANçAIS, cliquez  :

Une précision concernant notre dénonciation du surdiagnostic : nous avions au préalable une version non définitive de la brochure d'information ; dans l'actuelle le surdiagnostic y est bien mentionné, mais toujours sans faire le lien avec le surtraitement, et à sa fourchette la plus basse (10%), alors que même l'évaluation de l'INCa va jusqu'au taux de 20%.

LETTRE COMMUNE EN ANGLAIS, cliquez :

LETTRE COMMUNE EN ITALIEN, cliquez :

https://cancer-rose.fr/my-pebs/

 

SYNTHESE : lettre, prises de position médias de la coordinatrce principale, réponse Cancer Rose

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Lettre-réponse aux investigateurs, suite à la prise de position de la coordinatrice sur le site officiel de MyPEBS :

Réponse à Mme leDr Delaloge, sur l’étude MyPEBS

 

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L’industrie du cancer: battage médiatique versus réalité

https://blogs.scientificamerican.com/cross-check/the-cancer-industry-hype-vs-reality/

14 février 2020

Par John Horgan 12 février 2020

John Horgan est journaliste scientifique, il dirige le Centre de Rédaction Scientifique, du Stevens Institute of Technology. Nous allons essayer de résumer ici les points forts de son article. (Synthèse C.Bour)

La médecine contre le cancer génère des revenus énormes mais des bénéfices marginaux pour les patients

 

Selon l'auteur, il existe un énorme fossé entre la triste réalité de la médecine contre le cancer aux États-Unis et les affirmations optimistes formulées par l'industrie du cancer et par ses catalyseurs médiatiques.

Le cancer a engendré un immense complexe industriel impliquant des agences gouvernementales, des entreprises pharmaceutiques et biomédicales, des hôpitaux et des cliniques, des universités, des sociétés professionnelles, des fondations à but non lucratif et des médias.

Les promoteurs de l'industrie du cancer affirment que les investissements dans la recherche, les dépistages et les traitements ont conduit à «des progrès incroyables» et à des millions de «décès par cancer évités», comme allégué sur la  page d'accueil de l'American Cancer Society , une organisation à but non lucratif qui reçoit de l'argent d'entreprises biomédicales.

les experts en cancérologie et les médias décrivent souvent les nouveaux traitements avec des termes élogieux comme «percée médicale», «révolutionnaire», "miraculeux", ("innovant", souvent entendu chez nous NDLR).

les centres de cancérologie ont recours (comme en France la Ligue contre le cancer et les différents instituts de cancérologie) à des appels émotionnels qui jouent sur l'espoir et la peur, et qui en revanche sont très peu diserts sur les risques, la balance bénéfice/risques, les coûts ou les conditions de remboursement.

Ces succès thérapeutiques mis en avant concernent des formes particulières ou des cancers rares, exceptionnels au milieu d'une «litanie d'échecs» selon l'auteur.

 

Les taux de mortalité

 

La meilleure façon de mesurer les progrès contre le cancer est d'examiner les taux de mortalité, c'est à dire le nombre de personnes qui succombent au cancer en population et par année.

Au fur et à mesure que la durée de vie moyenne d'une population augmente (en raison des progrès médicaux contre les maladies cardio-vasculaires, respiratoires et infectieuses), le taux de mortalité par cancer augmente lui aussi. Par conséquent, pour avoir une idée des tendances de la mortalité les chercheurs doivent procéder à des ajustement au vieillissement de la population.

Il faut bien garder à l'esprit que cet ajustement présente les choses sous un jour favorable, et de ce fait après ajustement les taux de mortalité donnent une diminution de près de 30% depuis 1991 .

Cette tendance, selon les promoteurs de l'industrie du cancer, montrerait que les investissements dans recherche, dépistages et traitements ont porté leurs fruits. Mais ce que les promoteurs omettent souvent de mentionner, c'est que cette baisse récente de la mortalité par cancer a d'abord été précédée d'au moins 60 ans d'augmentation  de la mortalité par cancer. Le taux de mortalité actuel ajusté selon l'âge pour tous les cancers aux États-Unis, est tout juste inférieur à ce qu'il était en 1930 !

NDLR : voir l'explication plus détaillée sur ce mécanisme concernant le cancer du sein, dans le livre "dépistage du cancer du sein , la grande illusion " édition Thierry Souccar[1]

En réalité l'augmentation et la baisse des décès par cancer suivent l'augmentation et la baisse du tabagisme, avec un décalage de quelques décennies.  Le tabagisme augmente le risque pour de nombreux cancers mais surtout celui du cancer du poumon qui est de loin le plus grand tueur, responsable de davantage de décès que le cancer du colon, du sein et de la prostate réunis.

On estime que s'il n'y avait eu aucune réduction du tabagisme, il n'y aurait eu pratiquement aucune réduction de la mortalité globale par cancer, ni chez les hommes ni chez les femmes, depuis le début des années 1990.

 

Nouveaux traitements à faibles rendements, gros coûts

 

Les essais cliniques sur le cancer ont le taux d'échec le plus élevé par rapport à d'autres domaines thérapeutiques.

Les sociétés pharmaceutiques continuent de commercialiser de nouveaux médicaments. Mais  une étude a révélé [2]  que 72 nouveaux médicaments anticancéreux approuvés par la FDA (Food and drug administration[3]) entre 2004 et 2014 ont prolongé la survie pendant 2,1 mois en moyenne seulement... Selon les auteurs d'un rapport de 2017 analysant 5 années d'approbation de la FDA, la plupart des approbations de médicaments contre le cancer n'ont pas démontré d'amélioration d'objectifs cliniquement pertinents comme la survie ou la qualité de vie. Les auteurs de ce rapport disent craindre que «la FDA approuve de nombreux médicaments toxiques et coûteux qui n'améliorent pas la survie globale».

 

Les dépistages conduisent à un surdiagnostic et un surtraitement

 

L'industrie du cancer, aidée par des célébrités qui affirment que les dépistages leur ont sauvé la vie a convaincu le public que le dépistage du cancer est bénéfique. Plus tôt nous pouvons détecter des cellules cancéreuses, mieux ce serait. John Horgan explique ici l'une des découvertes les plus importantes de la dernière décennie, à savoir le surdiagnostic. De nombreuses personnes sont porteuses de cellules cancéreuses ou précancéreuses qui, si elles n'étaient pas découvertes et traitées, n'auraient jamais compromis leur santé. Des études d'autopsies [4]   montrent que de nombreuses personnes décédées de causes non cancéreuses sont porteuses de tissus cancéreux.

Les tests de dépistage ne peuvent pas faire de distinction entre les cancers nocifs et inoffensifs. Les dépistages généralisés ont conduit à un surdiagnostic généralisé, des détections inutiles de cellules cancéreuses non nocives. Ce surdiagnostic entraîne à son tour une chimiothérapie, une radiothérapie et une chirurgie inutiles, donc un surtraitement. Gilbert Welch a été un des premiers à mettre en évidence le surdiagnostic, qu'il a qualifié d'« effet secondaire malheureux de notre exubérance irrationnelle pour une détection précoce».

NDLR : En France, concernant le dépistage du cancer du sein, Bernard Junod [5], épidémiologiste, enseignant et chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes de Santé Publique de Rennes, fut un lanceur d'alerte sur le surdiagnostic en France, en compagnie de Dr Bernard Duperray.

Les mammographies et les tests d'antigène spécifique de la prostate (PSA) ont conduit à des taux particulièrement élevés de surdiagnostics et de traitements excessifs du cancer du sein et de la prostate.

En comptabilisant les effets nocifs et mortels des dépistages, tout avantage du dépistage "est compensé par les dommages mortels dus au surdiagnostic et aux faux positifs" selon Michael Baum[6], spécialiste du cancer du sein, co-fondateur au Royaume Uni du programme de dépistage ; il plaide actuellement pour l'abandon de ces programmes qui, selon lui,  pourraient écourter plus de vies qu'ils n'en prolongent .

Pour un homme dont la vie est prolongée, beaucoup d'autres subiront des résultats faussement positifs avec ensuite des examens supplémentaires, une éventuelle biopsie de la prostate, des surdiagnostics et des sur-traitements, des complications du traitement comme l'incontinence et la dysfonction érectile.

Le découvreur de l'antigène spécifique de la prostate, le pathologiste Richard Ablin, a qualifié le test PSA de « catastrophe de santé publique motivée par le profit ».

 

Mortalité spécifique , mortalité toutes causes et "torture des données "

 

Les études sur les dépistages d'un cancer spécifique examinent généralement la mortalité attribuée à ce cancer. Les mammographies sont donc jugées efficaces si les femmes qui subissent des mammographies meurent moins d'un cancer du sein que les femmes qui ne subissent pas de mammographies. Cette méthode surestime les bénéfices de ce dépistage car elle omet les décès résultant, directement ou indirectement, du diagnostic lui-même. En effet la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie ont des effets iatrogènes dévastateurs, notamment des maladies cardiaques, des infections opportunistes, d'autres formes de cancer et des suicides.

Il faut se référer plutôt aux études qui mesurent la mortalité «toutes causes confondues», car elles comptabilisent les effets délétères des traitements.  Une méta-analyse de 2015  [7] réalisée par l'épidémiologiste John Ioannidis et col. n'a trouvé aucune réduction de la mortalité toutes causes confondues pour les dépistages des cancer du sein, de la prostate, du côlon, du poumon, du col de l'utérus, de la bouche ou des ovaires pour patients asymptomatiques.

 

Dans  un récent éditorial  du  European Journal of Clinical Investigation , Ioannidis et ses quatre co-auteurs soutiennent que le dépistage du cancer (en particulier les mammographies et les tests de PSA) occasionne davantage de mal que de bien et doit être abandonné. [8]

La survie

 

Souvent est mise en avant l'amélioration de la survie,  qui correspond à la durée entre le diagnostic et le décès. Les taux de survie pour certains cancers ont en effet augmenté grâce à des détections plus tôt. Mais cela ne signifie pas que les personnes vivent plus longtemps grâce à une détection précoce, il ne s'agit pas d'allongement de l'espérance de vie. La survie signifie simplement que les personnes vivent plus longtemps avec un diagnostic de cancer, avec toutes ses conséquences émotionnelles, économiques et physiologiques néfastes.(Explication de la notion de survie à 5 ans ici [9])

L'utilisation des taux de survie pour promouvoir les tests de dépistage est un exemple de ce qu'on appelle la torture des données, et pour l'auteur de cet article cela s'apparente à un cas de faute professionnelle monstrueuse.

 

Corruption dans l'industrie du cancer

 

Aux USA, l'oncologue Vinay Prasad, (@VPrasadMDMPH ; très actif sur twitter, NDLR) dénonce le procédé de nombreux spécialistes du cancer qui acceptent les paiements d' entreprises pharmaceutiques dont ils prescrivent les médicaments. Cette pratique, selon Prasad, "nous amène à célébrer les médicaments marginaux comme s'ils changeaient la donne". Elle conduit les experts à ignorer ou à minimiser les défauts des essais cliniques sur le cancer.

Le désir des oncologues de produire des résultats motivés contre rétribution  compromet la qualité de leurs recherches. Un examen  de 2012 de 53 études «historiques» sur le cancer a révélé que six seulement pouvaient être reproduites.

 

La solution ? Une médecine plus douce contre le cancer?

 

L'auteur plaide en faveur d'une médecine basée sur l'acceptation de nouvelles thérapies «lorsque les avantages sont clairs et les preuves solides et impartiales».

Il plaide pour ce que certains appellent la médecine "conservatrice" qui se définit comme une médecine qui résiste à ce qui est communément et historiquement admis, qui sait dire "stop" dans une époque où personne n'est favorable à cette attitude, et à s'armer de beaucoup de patience vis à vis des demandeurs de davantage de médecine.

A savoir moins de tests, moins de traitements, moins d'alarmisme, moins de rhétorique, de battage médiatique de style militaire (comme "campagnes" pour "combattre le cancer").

Le médecin "conservateur" reconnaît avant tout les limites de la médecine et respecte le serment d'Hippocrate : avant tout, ne pas nuire.

Les consommateurs doivent aider ces médecins moins interventionnistes. Nous devons tous accepter les limites de la médecine et reconnaître les capacités de guérison de notre corps (cancers dormants, non évolutifs, spontanément régressifs).

Nous devons résister aux dépistages à tout va et à ces traitements flatteurs mais qui n'ont, au mieux, que des bénéfices marginaux.

Nous ne guérirons peut-être jamais le cancer, qui provient de la confrontation de notre biologie complexe avec la tendance naturelle de tous les systèmes à aboutir au désordre.

Mais si nous pouvons réduire notre peur d'un côté et notre cupidité de l'autre, nos soins contre le cancer s'amélioreront certainement.

 

Selon Horgan, le fait de reconnaître les propriétés curatives intrinsèques du corps humain et de reconnaître le peu d'effet que le clinicien a réellement sur les résultats chez son patient, ferait que les médecins se protégeraient de leur plus grand ennemi, l'orgueil.

 

 

Références

[1] Extrait du livre de Bernard Duperray

Les épidémiologistes ont le choix entre deux populations de référence, la population de l’Europe ou celle du monde. Or le choix du standard (« Europe » ou « Monde ») induit de larges variations de la mortalité.

Les taux « Monde » basés sur une population plus jeune sont généralement plus bas que les taux « Europe » reflétant une population plus âgée.

Selon le standard choisi, le taux pour une même population apparaît donc plus ou moins élevé.

En France, les taux retenus le plus souvent par l’InVs sont les taux « Monde » (courbe violette sur la figure). Le standard « Monde » tend à minimiser le taux de mortalité pour un pays comme la France car il ne correspond pas à la structure de la population française. En outre, selon Bernard Junod, la standardisation selon l’âge est sujette à caution pour décrire une variation de mortalité lorsque les variations pour une même tranche d’âge ne sont pas uniformes.

Pour apprécier l’évolution de la mortalité en France de la manière la plus juste possible, Bernard Junod avait choisi de prendre comme « standard » la distribution par âge de la population résidant en France en 1992 c’est-à-dire au milieu de la période étudiée (1980 à 2005). Il obtient ainsi un taux annuel standardisé de mortalité selon l’âge en France pour 100 000 femmes de 32,6 en 1980 et de 32,9 en 2005, donc stable sur cette période

En résumé, voici ce que l’on peut retenir de manière incontestable des figures 13 et 14 :

  • Entre 1950 et nos jours, le nombre annuel de décès et le taux brut de mortalité par cancer du sein n’ont pas diminué ;
  • les taux standardisés « Monde » (courbe violette fig 14) et « Europe » (courbe bleue fig 14) augmentent continuellement en France jusqu’en 1993 puis décroissent alors que le taux brut, lui, se stabilise.

À présent, attardons-nous à nouveau sur la figure 14. Un fait surprenant interpelle. Les taux de mortalité standardisés « Monde » et « Europe » d’aujourd’hui, même s’ils baissent, sont encore supérieurs à ceux des années 1950. D’aucuns objecteront que comparer les taux actuels avec ceux de 1950 est discutable du fait d’un manque de fiabilité des données à cette époque. C’est possible mais alors que dire du fait que les taux standardisés de 2006 étaient au même niveau que ceux de 1970 selon le registre des décès qui fait référence depuis 1968 (date de la création du CépiDc, le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès) ?

[2] https://jamanetwork.com/journals/jamaotolaryngology/article-abstract/1891387

[3] https://www.fda.gov/

[4] https://cancer-rose.fr/2017/12/14/frequence-des-cancers-latents-de-decouverte-fortuite/

[5] https://formindep.fr/apparence-et-protestation/

[6] https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

[7] https://www.researchgate.net/publication/271022752_Does_screening_for_disease_save_lives_in_asymptomatic_adults_Systematic_review_of_meta-analyses_and_randomized_trials

[8] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eci.13062

[9] https://cancer-rose.fr/2019/05/21/peurs-et-croyances-histoire-naturelle-de-la-maladie-survie/

voir partie "survie"

 

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Les maladies cardiaques sont le plus grand tueur parmi les survivantes du cancer du sein

Résumé C.Bour 12 janvier 2020

Causes of Death After Breast Cancer Diagnosis: A US Population-Based Analysis

article original revue Cancer

Medscape

Medscape français

Plus les femmes sont suivies à distance de leur diagnostic de cancer du sein, plus il y a de probabilité de trouver une cause de décès non liée au cancer initial. Il s'agit le plus souvent de maladies cardiaques, selon les auteurs de l'étude publiée en fin d'année 2019 dans la revue "Cancer".

L' étude est basée sur une population de plus de 750 000 femmes américaines diagnostiquées avec un cancer du sein au cours des 15 années écoulées depuis le début du siècle.

La proportion de décès imputables à des causes non cancéreuses est passée d'environ 28% au cours de la première année suivant le diagnostic à un peu plus de 60% chez les femmes qui ont vécu pendant plus de 10 ans après leur diagnostic de cancer du sein.

Ces femmes, ayant survécu à leur cancer plus longtemps, avaient un risque considérablement accru de maladie cardiaque et de maladie d'Alzheimer par rapport à la population générale.

Résultats selon le suivi

 

  • Pour les décès dans les 1 à 5 ans après diagnostic, le cancer du sein lui-même est le plus fréquemment responsable.
  • Chez les femmes décédées 5 à 10 ans après le diagnostic de cancer du sein, le cancer du sein était la cause de décès dans 38,2%, suivi par les autres cancers dans 13,4% , et les causes non cancéreuses dans 48,4%. Les maladies cardiaques étaient la cause de décès non cancéreuse la plus courante (15,7%), suivies des maladies cérébro-vasculaires (AVC) et de la BPCO (3,9%) ainsi que de la maladie d'Alzheimer (3,4%).
  • Dans un suivi plus éloigné encore, la cause cardio-vasculaire l'emporte.

Causes évoquées

 

Comme nous venons de le voir ci-dessus les décès attribuables à des maladies cardiaques et AVC viennent en premier plan comme causes de décès non liées au cancer,  au cours des périodes de suivi après diagnostic.

Mais parmi d’autres causes importantes de décès non liées au cancer du sein on compte également les maladies hépatiques chroniques, la septicémie, des maladies infectieuses et parasitaires. Le suicide doit être également considéré, c'est une cause de décès significativement plus élevée que dans la population générale chez toutes les femmes mais particulièrement parmi  les femmes jeunes.

Les taux élevés de décès par maladie cardiaque sont probablement liés à la toxicité de la chimiothérapie (notamment les anthracyclines) et de la radiothérapie (sein gauche notamment).

Hypothèses

 

Selon Dr Sonbol, co-auteur de l'article,

1°Certaines femmes pouvaient être guéries du cancer du sein puis être décédées d'autres causes intervenantes.

2°Pour d'autres femmes le cancer du sein, par exemple un cancer métastatique, peut avoir été transformé en une maladie chronique, " il peut être sous contrôle grâce à la thérapie systématique, c'est alors que d'autres causes contribuent au décès."

Conclusion

 

Selon les auteurs, ces constatations donnent un aperçu considérable de la façon dont les patientes traitées pour leur cancer du sein devraient recevoir des mises en garde sur les risques futurs pour leur santé ultérieure.

Les médecins hospitaliers qui assurent le suivi des femmes qui ont eu un cancer du sein doivent travailler en étroite collaboration avec les médecins généralistes, afin d'assurer un suivi au long terme qui soit optimal, et prévenir différentes pathologies qui pourraient survenir au décours de la vie de ces patientes après leurs traitements.

NDLR

 

Nous rajouterons que le surdiagnostic, dans ce contexte, doit devenir une préoccupation majeure, et d'autant plus pris en compte qu'il projette des femmes bien portantes dans une maladie qu'elles n'auraient pas dû connaître, et les expose à ces pathologies autres, potentiellement graves qui sont susceptibles elles aussi d'impacter gravement leur vie et les conduire au décès.

 

 

 

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Contributions de Dr B.Duperray sur le surdiagnostic dans le cancer du sein

17 décembre 2019

Bernard Duperray est médecin radiologue spécialiste du cancer du sein, retraité après quarante et un an de pratique à l’hôpital Saint-Antoine à Paris.

Il enseigne à l’université Paris-Descartes. Il a très longtemps travaillé avec un éminent épidémiologiste, Mr Bernard Junod. Le résultat de ses travaux sont à retrouver dans son livre publié cette année aux éditions Souccar : https://cancer-rose.fr/2019/08/29/communique-de-presse-livre-b-duperray-depistage-du-cancer-du-sein-la-grande-illusion/

Cette collaboration entre B.Duperray et B.Junod a donné lieu par ailleurs à une publication en 2006 dans la revue Médecine, et plus récemment à un diaporama présenté par Dr Duperray à Bruxelles en novembre à l'occasion d'une soirée organisée par l'association "Femmes et Santé":

Article dans Medecine 2006

diaporama présentation Bruxelles novembre 2019, "Dépistage, surdiagnostic, cancer, de quoi parle-t-on ? "

Présentation Bruxelles version anglaise : "Screening, overdiagnosis, cancer, what are we talking about ?"

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Dépistage par IRM supplémentaire pour les femmes ayant un tissu mammaire extrêmement dense

https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1903986

Synthèse Dr Bour 28 novembre 2019

Contexte

 

On estime qu'un tissu mammaire extrêmement dense est un facteur de risque de cancer du sein, ce facteur est surtout limitant pour la détection du cancer par mammographie.

On souhaite tester si l'utilisation de l'IRM permettrait de réduire pour ces femmes l'apparition de cancers d'intervalle, c'est à dire ces cancers apparaissant entre deux mammographies, la précédente mammographie ayant été jugée normale.

 

Méthode

 

Il s'agit d'un essai contrôlé randomisé (sujets de l'étude attribués au hasard dans l'un ou l'autre groupe) multicentrique (réalisé dans deux centres ou plus avec un même protocole et un coordinateur  chargé du traitement de toutes les données et de l’analyse des résultats.)

Il est réalisé par van Gils et ses collègues du groupe de l'essai "DENSE".

Les chercheurs ont réparti 40 373 femmes entre 50 et 75 ans, présentant un tissu mammaire extrêmement dense ainsi que des résultats négatifs lors de la mammographie de dépistage en deux groupes :  soit le groupe "IRM supplémentaire" ou le groupe  "dépistage par mammographie uniquement" ;  plus exactement 8061 femmes dans le groupe "invitation à l'IRM" et 32 ​​312 femmes dans le groupe " mammographie seule".

Une mammographie de contrôle a été ensuite effectuée au bout de deux ans pour les deux groupes afin de comparer les résultats du nombre de cancers trouvés.

Le résultat principal était la différence entre les groupes dans l'incidence des cancers d'intervalle au cours d'une période de dépistage de deux ans.

Les chercheurs ont déclaré que « ces patientes pourraient bénéficier d'une stratégie de dépistage du cancer du sein sur mesure, complétée par des méthodes d'imagerie plus sensibles. Les avantages de l'imagerie supplémentaire font l'objet d'un débat mondial. Aux États-Unis, une loi fédérale régit la notification de la densité mammaire , mais le dépistage supplémentaire n'est pas recommandé dans les directives américaines. Bien que l'imagerie complémentaire augmente le taux de détection du cancer chez les femmes ayant des seins denses, la question reste de savoir si cela améliore les résultats pour la santé ». Lire à ce propos : https://cancer-rose.fr/2019/05/12/la-densite-mammaire-un-point-de-vue-dans-le-jama/

 

Conclusion de l'étude

 

Le dépistage par IRM supplémentaire apparait associé à moins de cancer d' intervalles par rapport à la mammographie seule chez les femmes présentant un tissu mammaire extrêmement dense et des résultats normaux à la mammographie . Il semble que dans le cas de seins denses, le risque de cancers d' intervalle soit réduit de moitié chez les femmes avec mammographie négative et un dépistage IRM.

Plus exactement les chercheurs ont constaté que le taux de cancer par intervalle était de 2,5 pour 1 000 dépistages chez 4 783 femmes du groupe d'invitation à l'IRM, comparativement à 5 pour 1 324 femmes dans le groupe mammographie seule.

Dans l'ensemble, 59% des femmes du groupe d'IRM ont vraiment suivi ce dépistage supplémentaire. Sur les 20 cancers d'intervalle diagnostiqués dans le groupe d'invitation à l'IRM, 4 ont été diagnostiqués chez les femmes qui avaient subi une IRM, et  16 ont été diagnostiqués chez celles qui n'avaient pas réalisé l'IRM.

 

Limites de l'étude

 

  • Faux positifs : Les examens IRM complémentaires étaient associés à un taux de détection du cancer de 16,5 pour 1 000 dépistages et donnaient lieu à un taux de faux positifs de 8,0% (79,8 pour 1 000 dépistages). Parmi les femmes qui ont subi une biopsie du sein sur la base d'une indication IRM, 26,3% avaient un cancer du sein et 73,7% n'en avaient pas.
  • Echantillon pas assez important.  Pour examiner l'effet du dépistage par IRM sur la mortalité par cancer du sein ou sur la mortalité globale, il faudrait un échantillon plus vaste et un laps de temps d'observation plus long.

Le plus faible taux de cancers d'intervalle observé chez les participantes ayant eu une IRM pourrait bien avoir un effet sur la mortalité, mais il serait aussi nécessaire de constater une réduction du nombre des cancers avancés pour démontrer un bénéfice sur la mortalité, pour l'instant jamais démontré dans le cas du dépistage mammographique seul.

 

Des réserves émises

 

Dans un éditorial d'accompagnement Dan L. Longo, rédacteur en chef adjoint du New England Journal of Medicine, et professeur. de médecine à la Harvard Medical School, (Boston), a loué des données de haute qualité provenant de cet essai randomisé sans précédent : " Il semble montrer que chez les femmes ayant des seins denses, le risque de cancers en intervalle est réduit de moitié chez les femmes avec mammographie négative et un dépistage IRM."

Mais on revient toujours au problème du surdiagnostc et de l'utilité d'un dépistage supplémentaire chez des femmes asymptomatiques, chez lesquelles on détecte des lésions qui seront toutes traitées, et cela sans aucune donnée probante sur survie ou réduction de mortalité.

Dan Longo écrit :

"Une réduction des cancers de l'intervalle est-elle un substitut approprié pour améliorer la survie globale ? Il semble que la plupart des cancers détectés lors du dépistage supplémentaire par IRM aient été détectés à un stade précoce. Le carcinome canalaire in situ était 10 fois plus fréquent chez les patients subissant une IRM, et ces diagnostics sont susceptibles de conduire à des traitements. Reste à savoir si les tumeurs auraient pu ne jamais être détectées et si elles menaçaient la survie du patient. »

"Le test ultime de la valeur du dépistage par IRM chez les femmes ayant un tissu mammaire extrêmement dense consistera à déterminer si son utilisation améliore la survie — une réponse que nous n’aurons pas avant très longtemps. Entre-temps, nous avons maintenant un essai qui montre que le dépistage par IRM peut réduire le taux de cancers d'intervalle.

Le coût est que 74 % des biopsies qui seront effectuées par la suite ne donneront pas lieu à un diagnostic de cancer, et nous ne savons pas si les cancers qui ont été détectés devaient être trouvés et traités."

"Le dilemme demeure donc. Les femmes ayant des seins denses et une mammographie négative qui subissent une IRM ont un très faible risque d’avoir un cancer du sein (16,5 pour 1000 examens de dépistage dans le cadre de cet essai) et un risque accru d’un faux examen positif. Les résultats de cet essai sont susceptibles de renforcer l’idée que le dépistage par IRM est important chez les femmes ayant un tissu mammaire dense. Mais allons-nous exposer ces femmes à un risque accru de procédures sans contribuer à leur survie éventuelle?"

 

__________________

Par ailleurs, une autre étude :

 

La préoccupation concernant le dépistage par IRM supplémentaire est relayée dans une autre étude contrôlée sur l’IRM de dépistage pour le sein controlatéral des patientes atteintes du cancer du sein aux États-Unis.

(Wang SY, Long JB, Killelea BK, et al. Preoperative breast magnetic resonance imaging and contralateral breast cancer oc- currence among older women with breast cancer. J Clin Oncol 2016;34:321-8.)

Bien que l’incidence du cancer du sein invasif dans le sein controlatéral après la période de dépistage ait été plus faible avec le dépistage par IRM que sans dépistage, l’incidence globale du cancer du sein dans le groupe IRM était deux fois plus élevée que dans le groupe sans IRM, sans changement dans l’incidence du cancer au stade avancé pendant toute la période de suivi de cinq ans. Or c'est bien cette incidence qui rend compte de l'efficacité d'un dépistage ou pas.

Les chercheurs en ont conclu : «Une augmentation du taux de détection du cancer du sein controlatéral synchrone, attribuable à l'IRM, n'a pas été compensée par une diminution de la fréquence ultérieure du cancer du sein controlatéral chez les femmes âgées atteintes d'un cancer du sein à un stade précoce, ce qui suggère que l'IRM préopératoire chez les femmes atteintes d'un cancer du sein peut conduire à un surdiagnostic. "

 

 

 

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Contraste entre ce que nous apprennent les données épidémiologiques et les décisions politiques en santé

Dr C.Bour, 27 oct 2019

 

Deux publications dans deux revues médicales internationales ce mois d'octobre 2019 ont retenu notre attention.

Tout d'abord une parution dans le NEJM (The New England Journal of Medicine ; n engl j med 381;14 nejm.org October 3, 2019 )

Gilbert Welch, M.D., M.P.H., Barnett S. Kramer, M.D., M.P.H., and William C. Black, M.D.

Signatures épidémiologiques des cancers

 

Dans cet article, les auteurs utilisent 40 années de données pour examiner les modèles d’incidence et de mortalité pour divers cancers.

Les cancers analysés sont des hémopathies, le cancer pulmonaire, le cancer du sein et de la prostate.

La figure 4  reproduite dans l'article illustre les signatures épidémiologiques plus complexes du cancer du sein et de la prostate (limitées aux femmes et aux hommes, respectivement, âgés de 40 ans) qui présentent des effets mixtes : augmentation de l’incidence et baisse de la mortalité.

Coïncidant avec l’introduction d’une mammographie de dépistage à grande échelle, l’incidence du cancer du sein a augmenté rapidement et semble s’être stabilisée à un niveau de référence plus élevé. On pourrait évoquer une augmentation substantielle de la survenue des cancers (épidémie de cancers) ou d’un surdiagnostic associé à l’introduction d’un dépistage généralisé. L’incidence relativement stable de la maladie métastatique favorise toutefois cette dernière explication. La baisse de la mortalité observée à partir des années 90 refléterait une amélioration des traitements ou peut-être, selon les auteurs, un effet combiné de cette amélioration avec le dépistage.

Les changements rapides sont le reflet de la pratique médicale. Ainsi, le déclin rapide de la mortalité par LMC (leucémie myéloïde chronique) vers 2000 et l’augmentation rapide de l’incidence du cancer du sein dans les années 1980 reflètent deux changements spectaculaires dans la pratique médicale, attribuables à des forces motrices bien différentes  : pour la LMC (leucémie myéloide chronique) il s'agit d'une véritable percée dans le traitement qui en a diminué la mortalité et pour le cancer du sein, c'est  la diffusion généralisée du dépistage mammographique qui en explique l'augmentation brutale d'incidence (nombre de nouveaux cas)..

Les signatures épidémiologiques qui illustrent les tendances des données démographiques fournissent un aperçu de la survenue réelle du cancer, du diagnostic excessif et des progrès du traitement. Il s’agit d’indicateurs importants de la contribution potentielle des expositions environnementales, des interventions de prévention primaire sur les populations, des nouveaux traitements et de l’évolution des pratiques de diagnostic et de dépistage.

Une mortalité décroissante signifie qu’il y a eu de réels progrès dans la lutte contre le cancer au cours des 40 dernières années, ce qui reflète en grande partie l’amélioration du traitement et, selon les auteurs, le déclin d’un facteur de causalité particulièrement puissant : le tabagisme.

L’absence d’une baisse de l’incidence qui l’accompagne est un effet secondaire malheureux des efforts de détection précoce du cancer.

L'instauration du dépistage par mammographie à grande échelle au cours des années 1980 a entraîné une augmentation de 50 % de l'incidence du cancer du sein. Elle n'est jamais redescendue.

Lire aussi le résumé de cet article sur le site La Nutrition

La deuxième publication est une prise de position critique sur un rapport concernant les dépistages de l'adulte au Royaume Uni.

Margaret McCartney : une révision du dépistage du cancer réduit le choix (pour les patients) en connaissance de cause 

 

25 octobre 2019

Margaret McCartney est médecin généraliste à Glasgow, elle écrit pour divers médias principalement sur la médecine fondée sur des preuves et rédige régulièrement pour le British Medical Journal ,

L'auteure critique un rapport au Royaume Uni commandé par le gouvernement à Mike Richards, expert en cancérologie, paru en ce mois d'octobre 2019, sur les programmes de dépistage des adultes,.

Selon ce rapport le NHS (National Health Service) devrait fournir un accès plus aisé aux services de dépistage du cancer afin d’accroître le diagnostic précoce et d’améliorer les taux de survie.

Les femmes par exemple devraient avoir accès au dépistage du cancer du sein, du col de l’utérus et d’autres cancers dans les centres de santé ou dans des lieux proches de leur travail, et les services de dépistage locaux devraient prévoir des rendez-vous supplémentaires le soir et le week-end, indique le rédacteur.

Appelant à des incitations financières, à un accroissement des dépistages, à une réorganisation et à une restructuration, Richards écrit: "Chaque jour de retard est une occasion manquée pour une personne de rattraper son cancer ou sa maladie cancéreuse plus tôt, et potentiellement de lui sauver la vie. "

Margaret McCartney déplore que le rapport occulte l'avancée majeure de ce que la dernière décennie nous a appris en matière de dépistage, décennie marquée par la reconnaissance du surdiagnostic et par le besoin éthique de choix en matière de dépistage. Ce rapport laisse échapper cela et, selon l'auteure, il y a peu de chances que l'apprentissage et l'amélioration des connaissances sur les preuves scientifiques rencontrent les décisions politiques.

Il persiste l'idée qu'un délai de quelques jours pourrait tuer quelqu'un dans le processus de dépistage. Si l'on s'en tient à une conclusion logique, il faudrait contrôler chaque jour les personnes pour éviter des "retards" - une proposition absurde, selon Margaret McCartney et qui ferait un tort indescriptible.

Pour elle, si une femme a fait le choix éclairé de ne pas se soumettre au dépistage, il est déroutant et contraire à l'éthique que le système cherche à renverser son choix. Plutôt que de chercher à " mettre en œuvre des initiatives fondées sur des données probantes pour accroître la participation , nous devrions vouloir améliorer la qualité des décisions éclairées que prennent les gens, peu importe ce qu'ils sont."

Dr McCartney pose la question : "Avons-nous oublié l'autonomie ? Il semble que oui, car la recommandation (du rapport) est d'offrir des incitatifs financiers aux omnipraticiens afin d'accroître la participation, plutôt que d'améliorer la qualité du processus décisionnel." (NDLR : le dépistage du cancer du sein en France fait partie de la ROSP, la rémunération des médecins sur objectifs de santé publique)

Pour elle il s'agit d'une régression qui doit inconditionnellement être rejetée.

Conclusion

 

Nous sommes, en 2019, au-delà de la controverse scientifique, les évidences sont là, le dépistage du cancer du sein n'a pas rempli ses objectifs ; ce qu'on peut lui accorder, c'est de nous avoir fait découvrir une donnée inattendue, celle du surdiagnostic, invité surprise et imprévisible des procédures de dépistage.

La leçon à tirer est celle d'une nécessité de meilleure information des patients, afin qu'ils aient la possibilité d'un choix éclairé, d'une prise de décision sur la base d'une information en santé claire et loyale.

Force est de constater, en France comme au Royaume Uni, qu'il s'agit toujours pour les politiques de santé publique de se conformer à des plans quinquennaux, et de procéder à des incitations financières envers les médecins pour remplir des objectifs de participation obsolètes.  En France comme au Royaume Uni, les politiques n'ont pas entendu, n'ont pas compris cette nécessité d'information loyale et de choix partagé.

Cet aveuglement est d'autant plus coupable qu'en France la concertation citoyenne sur le dépistage en 2016 avait bien pointé ce problème (page 38 du rapport de concertation, voir https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/  )

 

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En parallèle dans l’actualité, l’incertitude entourant le dépistage du cancer colo-rectal

Résumé par Dr C.Bour, 14 octobre 2019

Le dépistage du cancer colo-rectal n'apporte visiblement pas non plus les résultats escomptés, avec le recul dont on dispose à présent.

Une méta-analyse a été publiée dans le BMJ cette année.[1]

 

Il s'agit d'une revue systématique et méta-analyse en réseau portant sur les 3 méthodes de dépistage actuellement proposées, l'analyse immunochimique des selles à la recherche de sang dans les fécès, la sigmoidoscopie et la coloscopie, en comparant avec l’absence de tout dépistage et sur un suivi de 5 ans.

Son objectif était d'évaluer l’efficacité, les méfaits et le fardeau pour les populations d'un dépistage effectué par les analyses de sang dans les selles, la sigmoïdoscopie et la  coloscopie sur une période de 15 ans.
Ses résultats :
Par rapport à l’absence de dépistage, il y a une grande probabilité que le dépistage par sigmoïdoscopie réduise légèrement l’incidence du cancer colorectal et la mortalité. Mais aucun test de dépistage n’a réduit la mortalité ou l’incidence de plus de 6 pour 1000 dépistés sur une période de 15 ans.

Malheureusement, on ne connait pas les effets à long terme sur l’incidence du cancer colorectal et sur la mortalité avec l'utilisation de l' analyse immunochimique des selles ou par la coloscopie.

Surtout aucune technique n'a permis une réduction de la mortalité toutes causes confondues. (Une procédure médicale efficace fait que le retentissement est tel qu'il se ressent sur la mortalité globale ; si la mortalité globale ne chute pas il est aussi envisageable que le dépistage entraîne une possible surmortalité imputable à la procédure elle-même ou aux traitements, ce qui contrebalance négativement l'effet du dépistage.)

Cette méta-analyse a appuyé l’élaboration d’un guide de pratique clinique fondé sur des données probantes, avec des lignes directrices, ce que rapporte la rédactrice en chef du British Medical Journal, Fiona Godlee. [2]

 

Un dépistage fondé sur le risque

 

L’évaluation par un panel international de 22 médecins, infirmières, représentants des patients, et des méthodologistes a abouti à la conclusion que, compte tenu des avantages, des méfaits et des questions sans réponse, les données probantes appuyant le dépistage du cancer colorectal demeurent fragiles et que des recommandations solides ne peuvent être émises pour le moment. La principale directive du comité émettant les recommandations était que toutes les personnes invitées au dépistage du cancer colorectal soient en mesure d’accepter ou de refuser l’invitation en fonction des avantages et des préjudices qu’elles pourraient s’attendre à recevoir du dépistage. Le groupe a également proposé que le dépistage soit recommandé pour les hommes et les femmes présentant un risque cumulatif de cancer colorectal de 3 % ou plus au cours des 15 prochaines années, et que le choix du test soit laissé à la préférence personnelle de l’individu. Le seuil de 3 % représente le risque cumulatif au-delà duquel l’équilibre des avantages et des inconvénients penche en faveur du dépistage.

Un changement radical

 

Cette approche personnalisée et axée sur le risque peut sembler évidente mais représente un changement radical, comme le détaille le Pr Philippe Autier[3], chercheur à l'IRPI (international research and prevention institute) , dans son éditorial lié. [4]

Ces nouvelles recommandations réduiront très probablement la participation au dépistage du cancer colo-rectal. Mais justement à l’avenir, les programmes de dépistage devront être jugés non pas sur l'adhésion de toute une population, mais sur la qualité de la prise de décisions éclairées.

Selon Pr Autier, les recommandations de dépistage qui encouragent les décisions éclairées individuellement contrastent nettement avec les formulations traditionnelles. Les recommandations sur le dépistage du cancer colorectal émises par la plupart des établissements de santé publique véhiculent le message implicite selon lequel, une fois qu’un sujet devient admissible, il devrait participer au dépistage. De plus, le fait de ne pas participer au dépistage mettrait en danger la santé. Dans cette logique, l’objectif primordial des politiques de santé publique est de persuader les gens d’assister au dépistage : ce qui compte, c’est l'adhésion et, pour maximiser cette adhésion, les messages ont tendance à surestimer les avantages du dépistage et à minimiser les conséquences indésirables.[5]
Toujours selon ce chercheur, la prise de décision personnalisée fondée sur le risque individuel présente plusieurs avantages par rapport à l’offre de dépistage à tous les groupes d’âge admissibles au dépistage en question.

  • Premièrement, les caractéristiques et les préférences d’une personne sont priorisées lorsqu’on pense aux avantages et aux inconvénients du dépistage.
  • Deuxièmement, les professionnels de la santé qui ont des contraintes de temps peuvent décider de se concentrer d’abord sur les personnes à risque élevé pour les informer lors de la consultation.
  • Troisièmement, on sait, grâce à des essais randomisés et à des études d’observation, que les personnes admissibles, qui seraient donc candidats de par leur risque pour un dépistage du cancer colo-rectal et qui ne participent pas aux programmes de dépistage, courent un plus grand risque de mourir d’un cancer colorectal.Une approche fondée sur le risque peut particulièrement bien fonctionner pour les personnes qui, autrement, resteraient réfractaires au dépistage.
  • Quatrièmement, le fait d’accorder la priorité aux personnes à risque élevé est susceptible d’optimiser l’efficacité du dépistage tout en réduisant le surdiagnostic chez les personnes à faible risque qui choisissent de ne pas participer.

En conclusion

 

En sachant qu’aucune des 3 méthodes de dépistage du cancer colo-rectal n’est associée à une réduction de la mortalité toutes causes confondues, que toutes les 3 seraient associées à une réduction de la mortalité spécifique par cancer colorectal, l'intention est de passer d’une logique de promotion du dépistage pour tous à celle d’un dépistage proposé aux patients plus à risque (risque de cancer colorectal à 15 ans ≥3%), avec une information loyale, en laissant le patient choisir la méthode de dépistage. La prise de décision éclairée étant essentielle car la priorité est de s’assurer que les adultes admissibles ont bien reçu des informations appropriées et équilibrées sur le dépistage.

En tous cas force est de constater que la plupart des dépistages se sont perdus dans l'arrogance de leurs ambitions... Trop de surdiagnostics, de procédures invasives et lourdes (coloscopies, biopsies etc..), et des résultats décevants. Les dépistages partent d'une bonne intention, sont basés sur des théories fausses et des schémas d'évolution des cancers ne correspondant pas à la réalité, puis se soldent par des échecs couteux, en dommages humains et en fardeaux financiers pour la collectivité.

 

Biblio

 

[1] Colorectal cancer screening with faecal testing, sigmoidoscopy or colonoscopy: a systematic review and network meta- analysis

Henriette C Jodal, Lise M Helsingen , Joseph C Anderson, Lyubov Lytvyn, Per Olav Vandvik, Louise Emilsson

Jodal HC, et al. BMJ Open 2019;9:e032773. doi:10.1136/bmjopen-2019-032773

[2] BMJ 2019;367:l5931 doi: 10.1136/bmj.l5931 (Published 10 October 2019)

 

[3] Philippe Autier, professeur d'épidémiologie à l'IPRI Lyon (International Prevention Research Institute (iPRI), 95 Cours Lafayette, 69006 Lyon, France; Strathclyde Institute for Global Public Health at iPRI)

 

[4] BMJ 2019;367:l5558 doi: 10.1136/bmj.l5558 (Published 2 October 2019)

 

[5] C'est exactement la situation à laquelle nous assistons pour le dépistage du cancer du sein.

Actualité de 2022

Une nouvelle étude est publiée dans le NEJM

Cet essai NordICC concerne environ 85 000 personnes en Pologne, en Norvège, en Suède et aux Pays-Bas qui ont été randomisées pour recevoir, les unes une invitation à subir une coloscopie, les autres à ne pas recevoir d'invitation. 
L'incidence du cancer, la mortalité par cancer du côlon et la mortalité toutes causes confondues ont été comparées après dix ans.

L'article conclut qu'il y aurait une diminution significative du risque de développer un cancer colorectal, mais note l'absence de bénéfice en termes de mortalité par cancer colorectal.

D'après les résultats on peut s'attendre à avoir entre 1 et 5 saignements graves pour 3 cancers évités.

Toutefois l'étude comporte un biais, analysé par notre statisticien, Dr V.Robert :
"Fixer 2 objectifs principaux pour une seule étude n'est pas très orthodoxe. Cela revient à se donner 2 chances de gagner (ou de se tromper), une première avec le risque de cancer et une 2ème avec le risque de décès. Le seuil de significativité n'est dès lors plus 0.05 (risque d'erreur accepté = 5 chances sur 100) mais 0.0975 (risque d'erreur accepté  = 9.75 chances sur 100).
C'est un peu comme si on jouait à pile ou face, avec pile je gagne, face je perds, mais en lançant 2 fois la pièce : on a 2 opportunités de gagner, une 1ère lors du 1er lancer et une 2ème lors du second lancer. La probabilité de gagner n'est donc plus d'1 chance sur 2 mais de 3 chances sur 4 (pile-pile = gagné, pile-face = gagné, face-pile = gagné, face-face = perdu). Ici, c'est pareil : diminution des cancers-diminution de la mortalité = gagné, diminution des cancers-pas de diminution de la mortalité = gagné, pas de diminution des cancers-diminution de la mortalité = gagné, pas de diminution des cancers-pas de diminution de la mortalité = perdu) ."

Un bon résumé est fait de l'étude et aussi de la controverse qui s'est emballée autour de cette publication sur le blog du Dr Grange ici : https://docteurdu16.blogspot.com/2022/10/bilan-medical-du-lundi-10-au-dimanche.html?m=1

Une autre analyse de l'essai est rédigée par le Lown Institute, ici : https://lowninstitute.org/colonoscopy-screening-invite-shows-disappointing-results-in-first-randomized-trial/

Cet article conclut :
"Les résultats soulèvent plusieurs questions que les responsables de la santé publique doivent prendre en compte :

  • Compte tenu du coût élevé de la coloscopie ( 2 000 $ en moyenne pour les assurés privés et jusqu'à 10 000 $ dans certains cas), combien devrions-nous investir dans la coloscopie par rapport aux autres méthodes ou interventions de dépistage du cancer du côlon ?
  • Existe-t-il des moyens de mieux cibler les personnes à risque plus élevé de cancer du côlon avec des types de dépistage qui ont des taux de participation plus élevés que la coloscopie ?
  • Combien dépensons-nous pour le dépistage par coloscopie chez les jeunes à faible risque que nous pourrions utiliser pour accroître la sensibilisation aux premiers symptômes du cancer du côlon ou pour traiter les causes profondes du cancer du côlon ? "

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