Les seigneurs de la peur

Dr C.Bour, 4 juin 2020

Les vieux réflexes de s'appuyer sur la peur du cancer pour inciter à recourir aux dépistages ont la vie dure.

Après l'angoisse partagée par la population en raison d'une épidémie meurtrière, non anticipée, qui a dépassé les capacités des structures hospitalières et plonge à présent les peuples dans une angoisse de l'avenir, voici nos Cassandre nationales à l'oeuvre, nous servant le spectre d' une surmortalité à craindre en raison des deux mois de suspension des dépistages. https://www.bfmtv.com/sante/coronavirus-les-medecins-redoutent-une-surmortalite-en-raison-des-depistages-tardifs-des-cancers-1926274.html

Cela commence par le titre " les médecins redoutent une surmortalité en raison des dépistages tardifs des cancers"

L'article dit :

"Nous craignons 5.000 à 10.000 morts supplémentaires du cancer", indique "le professeur Jean-Yves Blay, directeur du centre d'oncologie Léon Bérard à Lyon et président de la fondation Unicancer. "

"Ceux qui nous inquiètent sont donc les nouveaux patients, explique le directeur du centre d'oncologie Léon Bérard à Lyon. Par exemple, les femmes qui, en mars, ont senti une petite boule dans le sein et se sont dit qu'il valait mieux attendre la fin de l'épidémie pour consulter." En moyenne, 30.000 cancers sont dépistés chaque mois en France."

Plus loin nous lisons  : "Au Royaume-Uni, le centre de recherche sur le cancer estime qu'environ 2,1 millions de personnes auraient dû passer un dépistage de routine et que 23.000 cas de cancers auraient pu être diagnostiqués pendant la période du confinement. "

Et en fin d'article : "....un retard dans le diagnostic d'un cancer du sein ou des ovaires implique des risques plus importants de rechute ou de mortalité." "Le retard peut conduire à une perte de chances", confirme sur RTL Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer."

Déjà l'INCa, dans un élan d'obsession toute technocratique lançait, à peine le confinement terminé, un grand plan de "rattrapage" des dépistages comme si nos vies en dépendaient. https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2020/05/2020-05-05-REPRISE-CRCDC-COVID.pdf

Décryptage d'une manipulation

La présentation dans l'article est manipulatoire, sous-entendant qu'avoir un cancer résulte du fait de ne pas recourir au dépistage.

Une assimilation est faite entre les femmes "qui sentent une boule dans le sein" , donc AVEC symptômes, et celles en attente d'un dépistage. Pour les premières, c'est à dire porteuses d'un cancer qui "parle", ne pas avoir accès à des soins peut devenir un problème. En revanche il est certain que différer son dépistage n'est pas une perte de chance, contrairement à ce qu'avance le Pr A.Kahn, président de la Ligue contre le cancer, à la fin de l'article. Par définition une femme en attente d'un dépistage est une femme sans symptôme qui doit passer une mammographie parce qu'elle y est convoquée de façon routinière, mais qui ne se plaint de rien. L'examen n'est pas vital.

Juxtaposer les cas de femmes qui ont un signe d'appel avec les 30 000 cas de cancers/mois trouvés par dépistages est une ruse, une méchante ruse pour faire peur,  insinuant que la femme qui a palpé une boule dans son sein est dans cette situation parce que non dépistée. Le problème principal de l'article est là, dans cet amalgame.

Il faut surtout revenir à la réalité des choses, celle qui est soigneusement et de façon coupable celée aux femmes.

Les taux de cancers du sein augmentent d'année en année à cause du dépistage. Parallèlement, il n'y a aucune diminution de la mortalité globale grâce aux dépistages, il n'y a pas non plus de diminution de la mortalité par cancer du sein qui serait attribuable au dépistage des cancers du sein.

On constate bien une diminution de la mortalité par cancer du sein mais déjà bien avant la mise en place de la campagne de dépistage, et qui n'y est pas liée. De plus, les programmes de dépistages des cancers du sein, s'ils étaient efficaces, auraient dû accentuer cette décrue de mortalité. Or ce n'est pas ce qu'on constate. Dans le même temps, la diminution de mortalité par cancer du sein est contrebalancée par une augmentation de mortalité d'autres causes, et dans ces autres causes il y a les effets indésirables du dépistage[1].

Au maximum, sur la base de l'estimation Cochrane, si 2000 femmes se font dépister par mammographie pendant 10 ans, on aurait 4 décès par cancer du sein au lieu de 5. Alors avant d'arriver à 5 000 ou 10 000 morts supplémentaires en deux mois de confinement, et cela à cause d'une absence de dépistage, il y a une bonne marge !

Le problème est dans l'amalgame trompeur des cancers "parlants", où le non-accès aux soins en raison d'un confinement peut porter préjudice aux patients, et les cancers trouvés lors d'un dépistage, chez des patients sans symptôme, non en danger de mort, et dont une grande partie ne devrait pas être détectée car de découverte inutile (les surdiagnostics). Ces surdiagnostics, écueils majeurs des dépistages, alimentent le chiffre des 30 000 cas de cancers dépistés/mois, et n'est même pas évoqué dans l'article.

Au contraire, une possible réduction de mortalité à attendre

D'autres chercheurs en revanche, et non des moindres, estiment au contraire que cette suspension des dépistages pourrait être tout à fait bénéfique.

En effet, on élimine une bonne partie des cancers surdiagnostiqués, et on élimine ainsi le surtraitement qui plonge tant d'individus dans le drame d'une "maladie" qu'il n'auraient pas connue sans lui, et qui aboutit parfois au décès en raison des complications des traitements lourds.

Le dépistage ne réduit pas la mortalité globale, n'a pas de retentissement démontré ou très peu sur la mortalité spécifique, n'a pas fait reculer les formes graves, est responsable de fausses alertes, surdiagnostics, surtraitements, irradiations inutiles, mastectomies débridées.

Autant pour le dépistage du cancer de la prostate que pour le dépistage du cancer du sein, la balance bénéfice/risques n'est pas bonne, les risques contrebalançant négativement le bénéfice attendu.

Il est donc tout à fait légitime d'escompter au contraire une possible baisse de mortalité, concomitante à la moindre consommation médicale, comme plusieurs chercheurs et scientifiques internationaux l'évoquent.[2] [3] [4]

L'arrogance des modéliseurs

Souvenons-nous ...

En 2018 au Royaume Uni, une erreur d'un "algorithme informatique" privait 450.000 femmes âgées de 68 à 71 ans de leur invitation au dépistage, entre 2009 et 2018.

Le ministre de la santé de l'époque, Jeremy Hunt, affirmait que cela aurait coûté la vie à 135 à 270 femmes.

https://www.bfmtv.com/international/gb-une-erreur-de-depistage-du-cancer-du-sein-aurait-ecourte-la-vie-de-270-femmes-1435317.html

La présidente de HealthWatch, Susan Bewley, professeure en santé des femmes au King's College de Londres, rédigeait alors une lettre au Times exhortant les femmes à réfléchir à deux fois avant d'accepter les invitations de dépistage de "rattrapage".

https://www.healthwatch-uk.org/news/150-times-letter-sparks-media-frenzy-screening.html
Car les chiffres de surmortalité avancés, basés sur une modélisation statistique, avaient été contestés par de nombreux membres de la communauté de médecins et d'épidémiologistes, et la lettre de S. Bewley avait rapidement rassemblé de nombreux signataires, y compris Michael Baum, professeur émérite de chirurgie à l'University College de Londres : "Le dépistage du cancer du sein cause surtout plus de mal involontairement que de bien", écrivaient les auteurs.

Dans notre cas ici, comment a été réalisée cette estimation de 5-à 10 000 cas de surmortalité avancée ? Avec quelle modélisation ? Quels calculs utilisés ? Sur quelles bases de données, quels registres ?

Le privilège des leaders d'opinion et de certains  médias est de pouvoir avancer des prévisions, des estimations, des prédictions, sans les nuancer,  surtout sans éprouver le besoin de les  justifier ou de les étayer. La contestation ne sera pas relayée et n'intéresse pas les médias. C'est tellement plus vendeur d'instiller et de répandre encore un peu plus d'inquiétudes.  

Combien de cancers surdiagnostiqués parmi les 30 000 cancers dépistés, la question n'est pas abordée. Le dépistage du cancer de la prostate n'est plus préconisé en raison de son surdiagnostic entraînant une catastrophe sanitaire sur les hommes qui y sont soumis, mais il est néanmoins encore réalisé. Parmi ces 30 000 cancers dépistés, un cancer du sein sur trois détectés voire un cancer du sein sur deux détectés pourrait être un surdiagnostic [5].

  

En réalité

En réalité, comme l'expliquent Prasad et Welsch (référence 2) le délai de suspension des dépistages pendant le covid est vraisemblablement trop court pour qu’on puisse en examiner l'impact de façon fiable, il faudrait pour cela que cette interruption dure deux ou trois ans, voire plus.

Les tumeurs disparaissant d’elles-mêmes (c'est à dire les surdiagnostiquées des dépistages) ont quand-même besoin d’au moins plusieurs mois, sinon d'années pour disparaître. Si nous observons une réduction minime de l’incidence des cancers pendant la suspension, l'éventuelle hausse compensatoire du taux des cancers ensuite en raison des "rattrapages", ou au contraire l’absence de hausse compensatoire sera très difficile à détecter de façon fiable.

L'estimation d'une surmortalité due au cancer, faite dans l'article, est tout à fait hypothétique et nous ne connaissons pas la procédure utilisée pour aboutir à ce chiffre. L'article est muet sur le possible gain en mortalité par la diminution des surdiagnostics et par la diminution de la surmédicalisation. Un amalgame est fait entre les cancers symptomatiques et les cancers qui ne le sont pas, qui n'évolueraient pas. De toute façon ces cancers seront quand-même diagnostiqués, simplement quelques mois plus tard et sans aucune conséquence, par le "rattrapage" imposé par INCa et ARS.

Un retard de consultation en cas de présence d'un cancer du sein actif est préjudiciable, un "retard" de diagnostic d'un cancer du sein non symptomatique n'est pas une perte de chance.

Un cancer détecté par mammographie est soit un cancer d'évolution lente qui se manifesterait sans dépistage par un symptôme bien avant son essaimage, et sans impact sur la survie (survies identiques chez les femmes dépistées et non dépistées[6]). Soit c'est un cancer qui ne se serait jamais manifesté. Soit c'est un cancer agressif et le dépistage n'y changera rien.[7]

Dans les 5 à 10 000 décès par cancers supplémentaires estimés, et si ce chiffre repose sur une quelconque réalité, combien seront imputables à des surtraitements suite à des dépistages inutiles ?

Pendant l'épidémie Covid-19 on a vu fleurir dès le mois de mars des estimations de mortalité , estimations répandues dans toute la presse. Les chiffres réels, déjà tristement suffisants, sont heureusement largement en-dessous de ces morbides prédictions modélisées, dont on voit les limites.

Les populations, déjà épuisées des conséquences de l'épidémie Covid-10, physiquement, moralement, économiquement, méritent-elles d'être harcelées, à peine sorties du danger imminent, de menaces d'autres morts et de maladies qu'elles n'auront pour la plupart jamais ?

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

[2] https://cancer-rose.fr/2020/05/28/un-effet-secondaire-inattendu-de-lepidemie-covid-19/

[3] https://cancer-rose.fr/2020/05/12/reduction-du-nombre-des-depistages-des-cancers-lors-de-la-periode-covid-19-quelles-consequences-a-attendre/

[4] https://cancer-rose.fr/2020/04/15/pont-de-vue-de-susan-bewley-apres-lepidemie-covid19-les-choses-ne-devraient-plus-jamais-etre-les-memes-dans-le-monde-du-depistage/

[5] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/

[6] https://cancer-rose.fr/2016/11/20/etude-miller/

[7] https://cancer-rose.fr/2016/12/03/le-sur-diagnostic-un-graphique-pour-expliquer/

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Un effet secondaire inattendu de l’épidémie covid-19

28/05/2020

Voici une opinion de deux chercheurs sur l'apport, à long terme, de la suspension des dépistages dans la connaissance du cancer.

Gilbert Welch (Centre de chirurgie et de santé publique du Brigham and Women's Hospital et auteur de «Less Medicine, More Health»

 Et Vinay Prasad (oncologue, professeur agrégé de médecine à l'Oregon Health and Science University et auteur de "Malignant: How Bad Policy and Bad Medicine Harm People With Cancer")

https://edition.cnn.com/2020/05/27/opinions/unexpected-side-effect-less-medical-care-covid-19-welch-prasad/index.html

Synthèse Dr C.Bour

Nous avions déjà rapporté récemment le point de vue de Judith Garber, scientifique en sciences politiques et politique de la santé au Lown Institute.

Et aussi celui de Susan Bewley , professeure émérite d'obstétrique et de santé des femmes au King's College de Londres et présidente de Healthwatch.

 

Selon les auteurs, le fait que les systèmes de soins médicaux furent submergés par l'épidémie, certains patients ont certainement connu des dommages en santé.

En revanche pour d'autres, toujours selon les deux auteurs, cette suspension a pu être bénéfique.

Outre l'effet de la diminution des interventions chirurgicales, des admissions aux urgences, des demandes d'examens complémentaires biologiques et radiologiques, de l'augmentation de la télé-médecine, les deux chercheurs passent en revue l'impact de la suspension des dépistages.

Des recherches antérieures sur les effets mondiaux des grèves des médecins suggéraient une baisse de mortalité concomitante à la moindre consommation médicale. Il parait donc pertinent d'étudier attentivement les tendances de la mortalité en 2020 et de démêler les décès liés au Covid des autres causes de décès. Il serait tout aussi important de se pencher sur les inégalités selon le milieu socio-économique : l'interruption des soins médicaux diminue peut-être la mortalité chez les riches surmédicalisés, mais il est fort à redouter le phénomène inverse chez les plus pauvres.

 

Le volet dépistage

 

La suspension du dépistage du cancer est un des domaines à étudier selon Welsch et Prasad. Pour eux, il ne fait aucun doute que le déclin de la mammographie entraînera une diminution du nombre de cancers du sein diagnostiqués. Mais est-ce une mauvaise ou une bonne chose?

L'occasion est belle d'étudier ce qui se passera dans les statistiques américaines du cancer lorsque le dépistage reprendra, de l'avis de ces auteurs.

Ils s'attendent à l'une de ces deux observations :

  • Les taux des cancers du sein pourraient alors "rattraper" le retard de leur diagnostic, ce qui signifie que le déficit des diagnostics des cancers pendant la pandémie serait compensé par un excédent de cancers au cours des années suivantes. En d'autres termes, tous les cancers non détectés chez les patients pendant la pandémie seraient finalement découverts ensuite.
  • L'alternative serait que les diagnostics de cancer du sein ne se rattrapent jamais...

Pourquoi ?

Il y a des années, les chercheurs ont observé ce phénomène en Norvège. Welsch et Prasad se réfèrent là à la fameuse étude de l'Institut d'Oslo de 2008 : dans un groupe des femmes âgées de 50 à 64 ans avaient subi trois mammographies en six ans, et au bout des six ans il s'avérait qu'elles avaient davantage de cancers du sein invasifs détectés que les femmes du groupe comparateur, lesquelles n'avaient eu qu'une seule mammographie au bout de six ans. Or, si tous les cancers du sein avaient pour vocation de devenir symptomatiques, il y en aurait eu autant dans les deux groupes. Aucune raison qu'il y en ait moins dans le groupe non dépisté régulièrement, sinon que des tumeurs du sein ne s'exprimant jamais et même régressant spontanément ont été détectées en excès dans le groupe davantage mammographié. Cette étude fut à l'origine de la démonstration et de la quantification du surdiagnostic. cf notre brochure.

Une procédure mammographique faite plus tardivement et moins fréquemment conduit donc bien à moins de diagnostics de cancer du sein. On pourrait arguer que ce déficit finit par se manifester par des tumeurs non détectées apparaissant dans des délais plus longs, vers 5, 10 ou 25 ans. Or il n'en est rien, ce déficit n'est jamais rattrapé même au bout de 25 ans de suivi comme le montre l'étude de Miller.

Les résultats de l'étude d'Oslo de 2008 suggèrent que certains petits cancers régressent d'eux-mêmes. Question : cela pourrait-il se produire en ce moment pendant la pandémie de Covid-19? Et pourrait-on le mettre en évidence ?

 

Dans l'article les auteurs se penchent également sur le déclin des crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux observé durant cette période. Soit ces maladies ont été sous-diagnostiquées, soit il y en a réellement eu moins...

Qui a bénéficé de cette période de moindre médicalisation, et qui a perdu ?

 

Conclusion des auteurs

 

Nous ne trouverons les avantages que si nous les recherchons, disent Prasad et Welsch. Nous avons besoin de médecins chercheurs prêts à poser des questions difficiles sur les services qu'ils fournissent - des questions qui peuvent menacer leurs propres intérêts professionnels / financiers.

Covid-19 offre une occasion unique d'étudier ce qui se passe lorsque la machine bien huilée des soins médicaux passe d'un volume élevé à un volume faible afin de se concentrer sur des patients gravement malades. Il sera opportun pour les médecins -chercheurs d'étudier ce qui a été perdu. Il sera courageux pour eux d'étudier ce qui a été gagné.

 

Notre avis

 

Les deux chercheurs s'attellent ici à reposer la question du surdiagnostic et de sa mise en évidence, et à en évoquer les causes (régression spontanée d'une tumeur à croissance lente/nulle), davantage qu'à tenter sa quantification.

En effet, le délai de suspension est vraisemblablement trop court pour qu’on puisse en examiner l'impact de façon fiable, il faudrait pour cela que cette interruption dure deux ou trois ans, voire plus (comme le groupe de comparaison de l'étude d'Oslo, où le délai de non-examen mammographique du groupe comparateur était de 6 années), et que cette interruption concerne les personnes qui auraient été admissibles dans ce laps de temps-là, conformément au calendrier initial, et aussi qu'il n'y ait aucune tentative de rattraper l’arriéré.

Dans notre situation, quelques mois de cancers surdiagnostiqués seulement disparaîtront.

Déjà dans notre pays l'INCa a fait parvenir dare dare, alors que l'épidémie n'est encore pas totalement derrière nous, une note aux ARS pour établir un plan de rattrapage des dépistages non effectués ! (Page 2)

"Un plan de rattrapage des dépistages non effectués sera établi par chaque CRCDC(centres régionaux de coordination des dépistages des cancers), en fonction du nombre estimé de dépistages non effectués et de la situation épidémiologique dans les territoires, de ses ressources propres et des modalités de reprise d'activité."

On remarquera la préoccupation obsessionnelle toute technocratique concernant les indicateurs d'activité des centres de dépistage, il n'est en aucune façon question de réfléchir sur la possibilité d'une étude en fonction des données qu'on aurait récoltées pendant la période de suspension, non, il s'agit de rattraper un retard d'indicateurs qui ne seraient plus au beau fixe pendant ces trois derniers mois.

Un confrère danois nous confirme qu'au Danemark également la reprise a bien eu lieu, ça ne traîne pas....

Une autre réflexion est que si nous n'observerons qu’une réduction minime de l’incidence en raison du court délai de suspension, l'éventuelle hausse compensatoire dont parlent les auteurs, ou au contraire l’absence de hausse compensatoire, sera très difficile à détecter de façon fiable, sans compter que les tumeurs disparaissant d’elles-mêmes (les surdiagnostiquées) ont quand-même besoin d’au moins plusieurs mois, sinon d'années pour disparaître.

 

Mais foin de conjectures, le dépistage reprenant très vite grâce au zèle de nos technocrates moins soucieux de diminution de cancers que de relance d'une machinerie bien huilée, les tumeurs seront hélas détectées avant d’avoir eu une seule petite chance de régresser toute seules. Quelques mois de cancers en surdiagnostic seulement disparaîtront, passant inaperçus.

Nous verrons par la suite si dans d'autres pays comme aux Etats Unis des études spécifiques sur cette période, en terme d'incidence des cancers mais aussi de mortalité spécifique par maladie seront initiées.

 

 

 

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Le défi de la mise en œuvre de Less is More-Medicine: une perspective européenne

26 mai 2020

 

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S095362052030128X

Auteurs : Omar Kherad Nathan Peiffer-Smadja Lina Karlafti Margus Lember Nathalie Van Aerde Orvar Gunnarsson Cristian Baicus Miguel Bigotte Vieira António Vaz-Carneiro Antonio Brucato Ivica Lazurova Wiktoria Leśniak Thomas Hanslik Stephen Hewitt Eleni Papanicolaou Olga Boeva Dror Dicker Biljana Ivanovska Nicola Montano

Synthèse de l'article Dr C.Bour

 

Le concept de médecine Less is More[1] est apparu en Amérique du Nord en 2010. C'est une invitation à pratiquer la médecine en ayant conscience des dangers potentiels de la surmédicalisation, en contestant le principe selon lequel davantage de médecine serait gage de meilleurs soins.

En réponse, plusieurs sociétés médicales du monde entier ont lancé des campagnes axées sur le choix et la pertinence des soins(Choosing wisely, «Choisir judicieusement»[2] ) et demandent à ce que soit discutée avec les patients l'utilité de tests, traitements et procédures médicaux.

 

Dans cet article, il s'agit d'analyser les conditions et les freins pour pouvoir lancer un programme analogue européen, visant à réduire la sur-utilisation de procédures médicales actuellement identifiées comme inutiles et même préjudiciables dans la pratique quotidienne. De ce fait un tel programme peut aboutir à réduire les coûts en santé, bien que les auteurs soulignent dans leur conclusion que cela n'est pas le but premier, mais un effet bénéfique corollaire.

Les auteurs de l'article identifient aussi les obstacles et les défis à relever pour la mise en œuvre de Less is More dans plusieurs pays européens, où la surmédicalisation est enracinée dans la culture et exigée par une société qui demande de la certitude en santé à presque n'importe quel prix.

Les attentes élevées des patients, le comportement du médecin, le manque de suivis et les incitations financières pernicieuses ont toutes des conséquences négatives plus ou moins directes sur la surmédicalisation.

De multiples interventions et des efforts d'évaluation de qualité de ce nouveau processus sont nécessaires pour mettre en œuvre à grande échelle les recommandations Less is More.

Ces recommandations consistent en une liste d'actions selon 5 axes :

  1. Une nouvelle approche culturelle à partir des cours de fin d'études médicales,
  2. L'éducation des patients et de la société,
  3. Le changement de comportement des médecins avec retour de données,
  4. La formation à la communication
  5. Les interventions des décideurs politiques.

Contrairement à la maximisation actuelle des soins, l'optimisation ou la pertinence des soins est promue dans le concept de la médecine Less is More afin d'arriver à une médecine 'durable'.

 

Ce projet doit faire partie du futur agenda de la Fédération européenne de médecine interne.

 

 

L'ENJEU

 

L'accès quasi universel à des soins de santé de qualité est l'une des caractéristiques du "modèle européen", mais comment garantir la pérennité des systèmes de santé européens à l'ère du vieillissement de la population et des restrictions budgétaires?

L'enjeu financier est à prendre en compte car en évitant les pratiques inutiles on garantit à long terme la qualité et l'accès aux soins pour tous, autant dans les pays riches que pauvres !

Une préoccupation majeure en santé est de ne pas rater une maladie, d'éviter le sous-diagnostic et le sous-traitement. La croissance technologique soutenue et puissante pour atteindre ce but fait que nous sommes à présent de l'autre côté de la barrière. Cela engendre : trop de médicaments,  trop de tests, trop de dépistages, devenant finalement une menace avec des preuves s'accumulant d'un surdiagnostic lui même aboutissant à des dommages du fait de traitements inutiles.

Et c'est donc dans cette double perspective de garantir la santé humaine et de réduire les coûts de procédures inutiles qu'est apparu ce concept du Less is More.

 

CE QUI EXISTE

 

Plusieurs sociétés médicales à travers le monde ont lancé des campagnes anti-gaspillage axées sur la qualité telles que Choosing Wisely aux États-Unis, Smartermedicine en Suisse , Slow Medicine en Italie, SMART Medicine en Israël et Choosing Wisely au Royaume-Uni, en France, en Belgique, au Portugal, en Roumanie, en Russie et en Pologne.

Ces sociétés ont émis une liste de 5 pratiques thérapeutiques inutiles à éviter.[3]

Mais le concept du Choosing Wisely est applicable aux dépistages. L'article évoque l'aspect du Less is More dans ce domaine.

 

CONCERNANT  EN PARTICULIER LES DEPISTAGES

 

Le mécanisme clé du changement réside dans la création d'un processus décisionnel partagé entre les médecins et les patients lors des consultations de routine. Les médecins hésitent souvent à parler du surdiagnostic. La plupart des participants à une enquête en ligne transversale aux États-Unis et qui avaient subi un dépistage systématique de cancer ont déclaré que leurs médecins ne leur avaient pas parlé de surdiagnostic ni de surtraitement [4]. Les quelques personnes qui ont reçu ces informations avaient une perception très éloignée de la réalité quant à l'ampleur du risque de leur maladie. Nous en avons parlé ici : perception et réalité.

Les avantages et les inconvénients de l'action ou de la non-action en santé doivent être discutés afin d'aider à prendre de meilleures décisions. Les cliniciens et les patients doivent partager la responsabilité de la décision finale, car les deux parties subissent les conséquences potentielles.

Un article [5] de 2015 décrit le niveau de surdétection que les personnes jugeraient acceptable dans le dépistage du cancer du sein, de la prostate et de l'intestin, et tente de voir si l'acceptation des dépistages est influencée par l'ampleur des risques. Cette enquête montre le niveau variable d'acceptation en fonction du niveau d'information des gens et suggère que des informations claires soient incluses aux lettres d'invitation aux dépistages.

 

Toute la campagne Choisir avec soin est axée sur le patient et prône la prise de décision partagée. Cela signifie d'utiliser des évaluations personnalisées de la perception de la balance bénéfice/risque par le patient, mais aussi de respecter les préférences des patients sous réserve qu'ils soient bien informés des différents choix possibles. L'interaction entre patients et médecins, renforcée car une bonne relation peut entraîner une perception plus réaliste de la balance bénéfice/risques de la part des patients et  réduire ainsi la surconsommation médicale. La campagne Choisir avec soin cherche à "éduquer" (dans le sens d'une éducation pour la compréhension des données en santé) les patients et à leur faire comprendre pourquoi un test inutile peut être nocif , sur la base d'entretiens constructifs lors des consultations.

Dans le monde anglo-saxon, la dimension des coûts en santé est davantage abordée qu'en France[6], de façon pertinente puisqu'une économie de soins médicaux inutiles peut être mise à profit dans d'autres domaines (NDLR).

 

 

LES OBSTACLES

 

 

  1. Les attentes des patients

Pendant des décennies, on a vendu aux patients l'idée que la recherche de soins médicaux est la clé du maintien du bien-être et que plus de médecine est préférable à moins.

Il existe un enthousiasme pour le diagnostic précoce dans le cadre de la stratégie de prévention, car cela permet aux patients de se sentir entendus et rassurés. Cependant, les conséquences négatives des tests de diagnostic faussement positifs sont sous-estimées.

De plus, les patients attendent beaucoup de leur système de soins de santé coûteux et se crispent souvent lors de recommandations qui semblent limiter leur choix : toute tentative de limiter l'accès à la médecine pourrait être interprétée en fonction de sa dimension économique, ce qui fait craindre une accusation de «rationnement».

De plus, le principe  Less is More  est aussi souvent contre-intuitif (tant pour les médecins que pour les patients) et, pour cette raison, il est psychologiquement difficile à accepter.

 

  1. Les pratiques médicales

Certains tests sont commandés par crainte de manquer un diagnostic. Les biais cognitifs, tels que la crainte anticipée de manquer un diagnostic et la tendance à l'action plutôt qu'à l'inaction, conduisent à effectuer plus de tests. La peur d'être poursuivi pour faute professionnelle revêt une importance majeure, en particulier aux États-Unis, où les trois quarts des médecins déclarent pratiquer la médecine "défensive", bien que la médecine défensive soit également populaire en Europe. Un exemple est donné[7] avec la prescription du PSA, malgré les non recommandations actuelles du dépistage systématique du cancer prostatique chez l'homme. En cas d'erreur médicale, un médecin qui a été exhaustif dans les soins aux patients est moins susceptible d'être poursuivi.

Cela soulève la question de savoir comment les médecins peuvent équilibrer la satisfaction des patients avec la tendance à la médecine factuelle.

Certains médecins connaissent les lignes directrices et recommandations officielles mais sont en désaccord. Il est vrai, certaines recommandations peuvent s'appuyer sur des études biaisées ou sur des avis d'experts bien loin d'être «factuels»...[8]

Nous avions abordé ce sujet également.[9] [10]

 

3. D'autres facteurs faisant obstacle à la lutte contre la surmédicalisation sont détaillés dans l'article, comme :

 

  • Les preuves parfois insuffisantes dans certaines controverses médicales,
  • Le manque de recherche et manque de moyens pour la recherche,
  • Fragmentation des soins (p.ex. le passage d’un cadre de soins à un autre comme d’un hôpital à un établissement de soins spécialisés, ou simplement d'un médecin à un autre augmente les risques d’erreurs de soins. De nouveaux médicaments peuvent être prescrits en double ou interagir négativement avec d'autres traitements),
  • Mesures de l'impact de la pratique less is more difficiles,
  • Incitations financières (le système de rémunération à l'acte comme en France, en Suisse ou en Belgique)
  • Manque d'éducation des étudiants

 

 

En conclusion

 

Il y a une sur-utilisation substantielle de certaines procédures courantes en santé qui ne démontrent aucun avantage et présentent un préjudice potentiel dans la pratique quotidienne, disent les auteurs de cet article.

Afin de réduire la surmédicalisation et de maintenir l'engagement des médecins et la confiance du public, il est nécessaire de ne pas utiliser le coût comme facteur de motivation, et de se concentrer plutôt sur les tests inutiles qui peuvent être nocifs.

 

L'EFIM (European Federation of Internal Medicine) a lancé il y a deux ans un projet «Choisir judicieusement» impliquant vingt-six sociétés nationales de médecine interne. L'objectif de ce projet est de stimuler la compréhension sur l'existence de soins de valeur inégale et de lancer des programmes éducatifs pour les médecins et les étudiants à l'aide de cours et de publications pratiques, et aussi de concevoir des outils de recherche pour évaluer les effets de Less is More.

Notre avis :

 

La démarche décrite dans l'article concerne essentiellement les pratiques de prescriptions médicamenteuses ; nous espérons que dans le programme européen pour réduire la surmédicalisation la réflexion sur les dépistages abusifs soit également largement incluse.

Malheureusement actuellement, la problématique des dépistages, notamment de celui du cancer du sein est bien moins scientifique que portée sur le plan culturel, sociétal et politique. Ce dépistage est  grevé d'enjeux financiers et idéologiques. Le processus du choosing wisely en matière de ces procédures dites abusivement 'préventives' risque d'être très long, et passer par une patiente éducation du public, malheureusement régulièrement contrée par un populisme médical de plus en plus présent, à l'instar de celui, déplorable et horriblement délétère pour l'image-même de la science, auquel nous avons assisté pendant l'épidémie Covid-19.

 

 

Références

 

[1] https://www.revmed.ch/RMS/2013/RMS-381/Less-is-more

[2] http://www.lessismoremedicine.com/blog/tag/choosing+wisely

[3] https://link.springer.com/article/10.1007/s11606-019-05050-2

[4] https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/1754987

[5] https://www.bmj.com/content/350/bmj.h980.full

[6] https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/0003-4819-156-2-201201170-00011?doi=10.7326%2F0003-4819-156-2-201201170-00011&

[7] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1365-2753.2008.01024.x

[8] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1939859/

[9] https://cancer-rose.fr/2017/06/07/adhesion-des-medecins-aux-recommandations-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein/

[10] https://cancer-rose.fr/2017/01/15/vue-densemble-des-directives-et-recommandations-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-pourquoi-les-recommandations-different/

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Nouvelle chaîne Youtube Cancer Rose !

 

5 mai 2020

Notre collectif a le plaisir de vous annoncer sa toute nouvelle chaîne Youtube cancer Rose.

 

Vous y trouverez notre vidéo d'information "mammo de dépistage oui ou non" publiée ici en 2015 et qui avait été reprise par plusieurs médias :

Le HuffPost, le site du Paris Match, ainsi que le média belge Axelle ainsi que divers blogs.

 

La vidéo sous-titrée

 

A présent le visionnage de cette vidéo sur la chaîne dédiée Cancer Rose permet l'accès à un sous-titrage en 8 langues (sous-titrages non automatiques, réalisés par nos contributeurs étrangers ; cliquez sur l'icône "paramètres" au bas de la vidéo pour sélectionner la langue), à savoir anglais, allemand, arabe, italien, espagnol, portugais et aussi un sous-titrage français avec transcription adaptée aux malentendants.

Pour le sous-titrage en japonais veuillez vous reporter ici, et cliquer en haut à droite de la vidéo sur l'icône "réglages" . Pour le sous-titrage en grec c'est ici.

 

Accès depuis le site

 

Les compteurs sont donc remis à zéro, et vous pouvez accéder à la chaîne directement depuis le site Cancer Rose en cliquant sur l'icône en haut et tout à droite de la barre du 'menu' du site.

 

La vidéo courte

 

A côté de cette première vidéo vous trouverez également un deuxième mini-film plus court, 'le dépistage, ça fait quoi ?' qui se veut parodique, publié à la suite d'une campagne officielle de 2019 assez portée sur les fruits mais privilégiant une information incitative et non équilibrée sauf du point de vue nutritif éventuellement, éludant les risques du dépistage.

Avec nos bien plus modestes moyens nous vous les présentons, et le visuel à points apparaissant au début du visionnage (0:16) et résumant les effets adverses du dépistage vous est accessible et téléchargeable depuis la page d'accueil du site, en format A3 pour affichage en salle d'attente ou encore en format A4.

 

Projets

 

Très bientôt, au courant de l'été nous publierons une nouvelle vidéo actuellement en préparation, ayant pour sujet les modèles d'évolution des cancers du sein. Le tournage a été retardé en raison de l'évènement Covid-19 et du confinement.

Ensuite la chaîne sera alimentée régulièrement par des mini-vidéos pédagogiques courtes qui seront annoncées sur le site.

 

Nous contacter

 

Par l'intermédiaire du formulaire contact du site, nous vous invitons à faire des suggestions de sujets qui vous intéresseraient et auxquels nous pouvons répondre par ce genre de médias visuels pédagogiques.

 

Excellente visite à tous !

 

 

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Mythes en médecine, leur réfutation permet-elle pour autant d’installer les faits durablement ?

Dr C.Bour, 24 mai 2020

 

 

Lors de la pandémie Covid-19 que nous venons de connaître, la science basée sur les faits s'est rudement fait maltraiter... La panique générale, la médiocrité médiatique alliées à l'assurance incroyable d'un seul chercheur ont sonné le glas de la recherche sereine des faits, ont proclamé comme miraculeux un traitement sans en avoir la preuve, ont foulé aux pieds le principe du primum non nocere, (d'abord ne pas nuire), qui est le socle même de notre pratique médicale.

Lire à ce propos l'article

Indépendamment des questions de fond, qui ne sont pas notre sujet, ce qu'on constate est que l'urgence d'une situation sanitaire facilite les dérives, les études bâclées mais aussi les prises de positions de personnalités qui ne sont pas au fait des contraintes scientifiques, mais qui veulent imposer leurs convictions.

 

La question intéressante est : même de solides preuves permettant d'enterrer doutes et polémiques ont-elles le pouvoir de mettre un terme à des mythes et des croyances solidement ancrées en médecine ? Et surtout, seront-elles tolérées dans un contexte de maladies graves où le public demande de l'espérance et où la communauté scientifique et les pouvoirs publics préfèrent persister dans une idéologie bienveillante, même si fallacieuse ?

 

 

Parallèle de la situation épidémique avec les mythes véhiculés lors des campagnes de dépistages

 

En tant que collectif tourné vers les problématiques de l'information médicale du public et des interférences d'intervenants non médicaux dans les controverses scientifiques, comme nous les vivons régulièrement lors des campagnes pro-dépistages des cancers, nous pouvons tirer des parallèles avec l'histoire du dépistage du cancer du sein, où les enjeux économiques ainsi que les croyances l'ont emporté sur le raisonnement.

Le public n'aime pas les incertitudes et l'envie incommensurable de venir à bout des grandes menaces en santé permet l'émergence et l'expression immodérée de prometteurs de salut et de guérison.

Comment a-t- on pu imposer ce mantra selon lequel le dépistage est un acte préventif, et que subir des mammographies régulièrement permet de diminuer drastiquement le risque de décéder de cette maladie ?

 

Pour comprendre, un peu d'histoire.

 

Au tout début de l'histoire du dépistage, entre les années 1970 et 1980 et dans diverses villes, comtés, pays ( Norvège, Danemark, Canada, New York, comtés suédois, Malmö en Suède,) des femmes ont été incluses dans ce qu'on appelle des essais, c'est à dire des études qui consistaient à comparer tout simplement le devenir de femmes dépistées contre celui de femmes non dépistées. A l'époque cela pouvait se réaliser, les femmes jusqu'à présent n'ayant jamais été radiographiées au niveau des seins ; on disposait de ce qu'on peut appeler des "cohortes pures". Et ces premières études comparatives alléguaient une formidable diminution de mortalité grâce au dépistage, on invoquait jusqu'à 30% de réduction du risque de décéder d'un cancer du sein. Présenté ainsi, cette performance apparaissait très plaisante. Au vu de ces résultats, il paraissait intuitivement évident que le dépistage du cancer du sein permettrait un diagnostic plus précoce, des traitements plus tôt et de ce fait une baisse drastique de la mortalité par l’éradication des formes les plus graves.

Mais la science est parfois un colosse aux pieds d'argile et tandis que certains érigeaient de commodes convictions, d'autres chercheurs, plus scrupuleux et suspicieux, enfonçaient les aiguillons du doute dans ce socle de certitudes.

Car en effet il fut vite clair, (cela n'est plus contesté par la communauté scientifique), que ces premiers essais comportaient de bien nombreux biais, c'est à dire des irrégularités dans la méthode, dans la répartition des femmes entre les deux groupes et dans les analyses statistiques. La méthodologie des essais n’obéissait pas aux critères de qualité actuels. Par exemple, certaines femmes dites "dépistées" par mammographie avaient des tumeurs déjà cliniquement palpables ! Même, les résultats publiés de l'essai dit des deux comtés suédois étaient incompatibles avec les données du fichier national suédois. Les résultats les meilleurs avaient été obtenus avec les moins bonnes mammographies, aucun des appareils utilisés alors n'obtiendrait l'agrément pour être utilisé de nos jours.

Tandis que de 1992 à 2000 les publications victorieuses se multiplient avec un relai médiatique et social important, à la fois sur les femmes les médecins et les gouvernements, Gotsche et Olsen, deux chercheurs indépendants nordiques procèdent, en 2000-2001, à une méta-analyse selon la méthodologie du collectif Cochrane indépendant auquel ils appartiennent. Et là, c’est le choc.

(La méta-analyse est une méthode scientifique qui permet de combiner les résultats d'une série d'études sur un problème posé et selon un protocole reproductible, ici : est-ce que le dépistage réduit la mortalité par la maladie. Elle permet une analyse plus précise des données par l'augmentation des cas étudiés afin de tirer une conclusion générale. En regroupant les essais précédents réalisés, on obtenait ainsi des données sur 800 000 femmes.)

Gotsche et Olsen se rendent vite compte qu'aucun des essais réalisés n'est de haute qualité et qu'ils comportent tous des biais, parfois importants. En combinant les meilleurs essais (celui dit Malmö 1, et ceux dits Canada 1 et 2), il apparaît qu'il n'existe aucune différence statistiquement significative de mortalité entre les femmes dépistées et non dépistées. Evidemment, ceci constitue un revirement colossal alors que l’enthousiasme pour ce procédé de santé publique, qui devait régler définitivement son compte au cancer, battait son plein.

Malheureusement pour les chercheurs, ils n'eurent pas l'autorisation de publier leurs résultats parmi les revues Cochrane, et le puissant "breast cancer group" de la Cochrane les contraint d'inclure même les essais biaisés afin d’améliorer les résultats ;  à la suite de longues négociations, et avec inclusion des plus médiocres essais, les auteurs ne retrouvent malgré tout qu'un très maigre et hypothétique bénéfice. Ils ajoutent à la fin de leur publication que les meilleurs essais ne montrent aucune diminution de mortalité, et que l'indicateur "mortalité par cancer du sein" n'est pas fiable. Au sujet de ces tractations qui eurent lieu, lire ici : Du rififi dans le monde de l'évidence

Mais la presse au final préféra retenir la belle histoire d’un dépistage salvateur, comme les sociétés savantes, les femmes largement influencées par une presse dithyrambique, les médecins, les autorités sanitaires….[1]

Pourtant d'autres méta-analyses, l'américaine de l'USPTTF* en 2000 et celle de la revue indépendante française Prescrire en 2006 corroborent ces résultats tout aussi décevants, même avec des tranches d'âge étudiées différentes, des laps de temps d'observation différents et des cohortes différentes.

*groupe de travail des services de prévention des États-Unis composé d'experts en soins primaires et en prévention, qui examinent les preuves d'efficacité pour élaborer des recommandations dans le domaine de la prévention.

Les conflits d'intérêts qui gangrénèrent tout l'historique du dépistage du cancer du sein sont très bien relatés sur le site du Formindep[2] [3], et restitués dans le très complet rapport de la concertation citoyenne (à partir de la page 63).

 

Pour conclure

 

 

La science applique une méthode du doute aux croyances et aux superstitions, et à elle-même aussi, dans les études bien faites.

L'incertitude face à des dangers sanitaires favorise les croyances, les espoirs rassurants d'autant plus que cette incertitude est forte, d'une part sur l'ampleur de la menace elle-même, mais aussi sur les moyens de la contrer. Le premier porteur de bonne nouvelle devient un héros, un sauveur. Tout contestataire raisonnable qui applique sa méthode du doute devient un ennemi public.

Avec l'histoire du dépistage on voit comment les mythes, les idées intuitives, simples à comprendre mais fausses, une fois installés ont la vie dure.

Voilà trois décennies que le mythe d'un dépistage "préventif", "salvateur pour les femmes" perdure après avoir été solidement ancré dans les esprits, régulièrement promu par les pouvoirs publics, l'Institut National du cancer et les autorités sanitaires, valorisé par des personnages publics qui s'engagent pour sa promotion. Les preuves de son inefficacité et pire, de ses effets délétères, sont peu médiatisées, n'ont pas droit de cité ; ceux qui veulent les évoquer et mettre en garde les femmes sont traités de complotistes, d'incompétents, de malfaisants pour la cause des femmes et sont inaudibles pendant les campagnes d'octobre rose.

La crise Covid-19 actuelle aura mis en lumière la fragilité de la science par rapport à la croyance, et a mis en exergue toutes les dérives possibles dès qu'on s'éloigne de la recherche des faits, qu'on agit dans la précipitation, qu'on adhère à des convictions justifiées uniquement par leur caractère réconfortant.

 

Références

 

[1] Tout ceci est relaté d'une part dans le rapport de la concertation citoyenne et scientifique sur le dépistage de 2016 dès page 51 , voir https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

Ainsi que dans le livre de Bernard Duperray "dépistage du cancer du sein, la grande illusion" édition Th Souccar, à partir de la page 26

[2] https://formindep.fr/les-cinquiemes-rencontres-du-formindep/

[3] https://formindep.fr/?s=Tabar%2C+Lancet

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Perte de rigueur et galvaudage scientifiques, recherche médicale de mauvaise qualité

Dr C.Bour, 14 mai 2020

A l'époque de la médecine EBM (evidence based medicine ; médecine fondée sur les preuves ou sur les faits), l'actualité de ces dernières semaines pendant la pandémie Covid 19 a mis en lumière les dérives qui sapent cette approche de la médecine moderne.

N'incriminons pas uniquement le contexte récent ; depuis la dernière décennie et peut-être davantage s'exposent trois maux principaux de la médecine actuelle que dénoncent dans 'Issues' Jeanne Lenzer, journaliste d'investigation médicale et Shannon Brownlee, vice présidente du Lown Institute, groupe étatsunien "non partisan sur les politiques de la santé".

Ces trois dérives fragilisent gravement la médecine factuelle et mettent en péril les bienfaits dus aux patients, elles sont à présent exacerbées en cette période de crise.

Trois dérives principales de la médecine d'aujourd'hui

  • La principale pharmacie de la ville où j'exerce arbore en bandeau au-dessus des comptoirs la devise "primum non nocere". Mais, selon Lenzer et Brownlee, les médecins sont insuffisamment formés à discerner la bonne science des études médiocres, et préfèrent utiliser les molécules qu'ils connaissent et dont l'effet apparaît biologiquement plausible. Peur et précipitation ont sonné le glas de la maxime hippocratienne, pilier de la médecine, on a privilégié les croyances et une foi sans preuve en des médications connues pour d'autres indications, mais dont on ne s'est soucié ni de leur réelle utilité contre un virus émergent et inconnu, ni de leur possible nocivité.
  • Le deuxième écueil identifié par les auteures réside dans le rôle prééminent, de nos jours, des médias. D'une part, les convictions et opinions de non -médecins ont pris le pas, préférentiellement de people et de politiciens, auxquels la parole est largement et généreusement octroyée. D'autre part bien des médias qui s'en font l'écho sont ignorants et incompétents en méthode scientifique ou en recherche de preuves, et ont aussi un intérêt commercial à faire un battage médiatique autour de ces crieurs publics, connus et populaires, mais nuls.

Nous ne pouvons qu'approuver ce constat, ayant été nous-mêmes confrontés à un épisode bien désagréable d'attaques de la part d'un animateur télé, lequel médiatise son vécu du cancer de la prostate à l'envi pour convaincre des gens qui ne lui ont rien demandé de se faire dépister, en dépit de toutes les non-recommandations de ce dépistage.[1] Les foules crédules qui "suivent" ces personnages, fan-clubs en général très fournis sur les réseaux sociaux, ne facilitent pas l'expression de médecins prudents ou de collectifs indépendants comme le nôtre, forcément rabat-joie dans l'espérance générale. La parole des Cassandre n'est guère média-compatible...

  • La troisième calamité dénoncée par Lenzer et Brownlee, ce sont les études de piètre qualité et qui se passent de ce qu'on appelle un "bras témoin", c'est à dire l'inclusion dans l'étude d'un groupe de comparaison auquel on n'a pas administré le médicament testé. Le bras témoin est la pierre angulaire d'un essai randomisé comparatif solide. Il vise à établir formellement l'efficacité réelle d'un produit, mettant en évidence d'éventuels biais dans le protocole testé. Ainsi un médicament peut apparaître comme efficace sur la réduction du risque d'une maladie donnée, alors que la population auquel il a été administré est déjà naturellement moins sujette à ce risque, parce que plus jeune, en meilleure santé ou avec un accès aisé aux soins médicaux. Un bras témoin comportant des sujets très variés peut montrer l'inefficacité du médicament testé dans certains groupes de la population et ainsi pointer du doigt des erreurs de raisonnement ou des biais dont on ne serait pas aperçu. Dans les études construites à la va-vite au contraire, d'éventuels méfaits peuvent ainsi être sous-estimés.

Mais même en dehors de périodes sanitaires critiques, comme dans le domaine du cancer par exemple, la proclamation de médicaments "miracles" ont été légion ces dernières années, avec des études contestables, vendant de l'espoir de chimiothérapies dites "révolutionnaires" . A ce propos lire le billet d'Annette Lexa, notre toxicologue.

Nous rajoutons à ce dernier point sur la mauvaise qualité de la recherche médicale un type particulier d'étude qui se répand actuellement, c'est l'essai de "non-infériorité", d'autant plus frauduleux et perfide que personne n'y comprend goutte. La méthodologie est retorse, l'information des participants et du public est mensongère.

Doshi et col. [2]ont étudié des formulaires de consentement éclairé provenant d’études de non-infériorité sur les antibiotiques. Mais leurs constats sont généralisables, car les applications de ce type d'études sont multiples, en diabétologie, cardiologie, infectiologie, cancérologie. Doshi et col ont constaté que, souvent, ni les experts en méthodologie ni les membres des comités de protection des personnes ne parvenaient à définir le véritable objectif de l’étude à partir des formulaires d'information donnés. Pour les méthodologistes, seulement 1 essai sur 50 restituait selon eux l'objectif de l'étude correctement ; pour les patients, 7 études sur 50 y parvenaient. Ces résultats soulèvent la question de savoir si le consentement est vraiment éclairé et de ce fait, si l'essai est même éthique.

Mais de quoi parle-t-on ?

Les essais de non-infériorité

 

Nous en avons donné une explication résumée au sujet de l'étude MyPEBS pour le dépistage individualisée du cancer du sein qui concerne la thématique de notre site, étude que nous avons longuement analysée ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/

Dans l'essai de non infériorité il s'agit de comparer deux choses (deux dispositifs médicaux ou deux procédés, ou deux médicaments) pour vérifier si le dispositif ou procédé ou traitement testé ne serait pas moins bon que ce qui est déjà en cours d'utilisation, en acceptant une certaine perte d'efficacité dans une certaine marge tolérée, qu'on appelle le seuil de non-infériorité.

Attention il ne s'agit en aucun cas de vérifier si le dispositif, le procédé ou le médicament testé serait supérieur à l'ancien. C'est souvent ainsi que la presse le relate et que les médecins et le public le comprennent, mais il n'en est rien !

Par exemple pour le dépistage du cancer du sein, le but recherché normalement est la diminution des formes graves des cancers. Dans l'étude de non-infériorité MyPEBS, si le nouveau dépistage individualisé testé ne semble pas favoriser un taux de cancers graves supplémentaires au-delà de 25% (seuil arbitrairement fixé), l'essai sera décrété un succès. Vous avez bien lu. Aucun groupe témoin là non plus n'est prévu pour tester ce qui se passerait sans dépistage, ce qui serait légitime pourtant puisque les études récentes sur ce dépistage ne parviennent plus à démontrer une balance bénéfices/risques positive.

Il est vrai que dans les essais de non-infériorité en cancérologie le bras témoin est rarement prévu, on juge que cela n'est pas éthique vu la gravité de la maladie, et qu'on ne peut priver le malade de tout soin. Mais ici, dans l'étude MyPEBS, ce sont bien des femmes saines et sans plainte qui sont testées, ne l'oublions pas.

Ce qu'il faut donc bien comprendre, en résumé, c'est qu'il est possible, avec les essais de non-infériorité, qu'une nouvelle procédure de santé puisse être acceptée comme efficace, même si son effet thérapeutique ou bénéfique est légèrement inférieur à la norme actuelle. Dans un essai de non-infériorité, la nouvelle procédure ou le nouveau médicament ne sont pas supposés rendre le participant mieux loti en santé qu'il ne l'aurait été en dehors de l'essai, puisque la supériorité du procédé ou du médicament n'est pas recherchée.

Les seules hypothèses sont :

- Les participants randomisés dans le groupe testé de l'étude pourraient s'en tirer, dans la meilleure configuration, aussi bien que s'ils n'avaient pas participé à l'essai,

-ou alors potentiellement moins bien dans une marge arbitrairement acceptée, ceci dans le mauvais scénario.

Et tout le monde est content. Le public parce que mal informé et croyant que ce qui a été testé sur lui est 'supérieur', les journalistes qui n'ont pas saisi les subtilités de la méthodologie et rédigent des articles laudatifs, et surtout les concepteurs de l'étude. Pourquoi ? Mais parce qu'avec ce montage l'étude est subtilement biaisée vers le résultat souhaité par le promoteur, qui est d'obtenir ou de sauvegarder une part de marché bien plus que de répondre à une question scientifique dont l'enjeu est le bien-être du patient. Pour MyPEBS, il s'agit bien d'asseoir le dépistage du cancer du sein, puisque les femmes n'auront un choix qu'entre deux options : dépistage ancien ou dépistage individualisé, mais dépistage dans tous les cas.

Pour caricaturer, le patient ou la population ira plus mal ou pas moins bien, mais la bonne nouvelle est que l'étude est un succès...

Deux articles intéressants pour aider le praticien dans l'analyse critique des études qui paraissent

 

Vinay Prasad, dans un éditorial du JGIM[3] (Journal of General Internal Medicine) où il cite d'ailleurs les résultats de Doshi et col., se réfère à la publication d’Aberegg, Hersh et Samore qui ont analysé 183 comparaisons de non-infériorité de 163 essais cliniques publiés dans les cinq revues médicales d' impact majeur.

Aberegg et ses collègues constatent que seulement 70% des études de non-infériorité ont explicitement indiqué pourquoi la nouvelle thérapie aurait un avantage, et que dans 11% des cas, aucun avantage n’a pu être déduit. Cela suggère à ces auteurs que bon nombre de ces études n’auraient pas dû être réalisées.

A quoi le praticien doit-il prendre garde et à quels essais de non-infériorité peut-il faire confiance ? Selon V.Prasad, il convient de :

  • Se demander si la nouvelle thérapie est moins coûteuse, plus pratique, moins invasive ou moins toxique que l’ancienne. Si la réponse est non, cessez la lecture dit-il ! Il doit exister pour le patient une compensation positive de la perte d'efficacité de la nouvelle procédure ou du nouveau médicament testé. Si ce n'est pas le cas, aucun intérêt de prendre connaissance de la "nouveauté".
  • Se demander quelle ampleur de perte d'efficacité de la procédure nouvelle ou du nouveau traitement vous seriez prêt à accepter pour y adhérer. 5% de perte d'effet, ou 10% ? Plus ou moins ?
  • Se préoccuper de la marge d'infériorité acceptée. P.ex. pour MyPEBS le seuil de non-infériorité est très généreux. Ceci signifie que si, à l'issue du nouveau dépistage on trouve 25% de cancers graves en plus, l'étude est "réussie". Il faudrait que cette marge soit justifiée, et que cette justification apparaisse au minimum dans le protocole de l'étude, ce qui n'est pas le cas.
  • Se demander, pour finir, si la nouvelle intervention n'était pas en réalité 'inférieure', et non pas 'non-inférieure'.

La Revue indépendante française Prescrire[4] s'était penchée sur la problématique de ces essais particuliers en 2006. Leurs conseils rejoignent ceux sus-cités. Pour la revue, il faut être critique sur le seuil de non-infériorité qui est choisi a priori, de façon arbitraire par les concepteurs de l'essai. Ce seuil équivaut à la perte, pour le patient, qui est consentie par rapport au traitement ou au dispositif de référence. Il faut donc être sûr que le résultat n'est pas en réalité une véritable infériorité.

Pour Prescrire, en somme, ces essais visent à exclure simplement qu'un traitement ou un procédé soit massivement moins bon que ce qui existe déjà. Lorsque le traitement ou le procédé sont un peu moins efficaces, et dans une certaine marge acceptée, le nouveau traitement ou le nouveau procédé n'a d'intérêt pour le patient que s'il apporte d'autres avantages en compensation.

Et c'est là où le bât peut blesser, comme dans l'étude que nous critiquons régulièrement, et pas seulement nous.

Pour conclure :

L'urgence et la volonté d'obtenir rapidement des résultats justifient de se passer d'études contrôlées correctement conduites, et nous expose, à cause d'études sabordées et mal exécutées, à des biais de jugements en médecine et à des conclusions erronées. Une communication impropre, parfois à outrance, par des profanes ou des médias ignorants aggrave la médiatisation de médicaments ou de procédures dont on ne sait finalement pas ce qu'ils ou elles provoquent réellement, dont on ne sait pas s'ils ou si elles font plus de mal que de bien.

Ces problèmes pré-existaient au contexte de la pandémie Covid19 qui n'a fait que mieux les mettre en lumière.

La recherche en science est importante, encore faut-il qu'elle réponde à des standards de qualité, soit faite par des scientifiques soucieux de respecter des méthodologies éprouvées et répondant à des normes, et cela dans un environnement médiatique serein.

Ce n'est actuellement pas le cas, les dégâts et les inconvénients physiques sur la santé des populations sont aggravés de ceux de la désinformation et de la pollution du débat scientifique par des querelles d'opinions.

Si nous voulons faire de la bonne science qui soit utile aux personnes, il nous faut développer un esprit critique, vérifier constamment les résultats d'études promues comme révolutionnaires par les médias, voir par quels procédés on a abouti aux conclusions.

La boucle est bouclée, si nous voulons faire de la bonne médecine nous reviendrons toujours à ce qui proclamé au fronton des pharmacies, principe-socle qui doit soutenir notre pratique médicale : "primum non nocere".

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

[2] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5710221/

[3] EDITORIAL
Non-Inferiority Trials in Medicine: Practice Changing or a Self-Fulfilling Prophecy?

Vinay Prasad, MD, MPH

Division of Hematology and Medical Oncology, Knight Cancer Institute, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA; Department of Preventive Medicine and Public Health, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA; Center for Health Care Ethics, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA.

J Gen Intern Med 33(1):3–5
DOI: 10.1007/s11606-017-4191-y
© Society of General Internal Medicine 2017

[4] La Revue Prescrire avril 2006/Tome 26 N°271, page 249

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Réduction du nombre des dépistages des cancers lors de la période Covid-19, quelles conséquences à attendre ?

Article de Judith Garber, 9 mai 2020

https://lowninstitute.org/reduced-cancer-screenings-in-covid-19/

Résumé DrC.Bour

Judith Garber est une scientifique en sciences politiques et politique de la santé au Lown Institute. (Le Lown Institute (USA Massachussetts) est une organisation à but non lucratif, un "groupe de réflexion non partisan qui préconise des idées novatrices pour un système juste et bienveillant en santé".)

Les procédures de dépistages et les visites médicales de routine ont diminué depuis la pandémie de Covid-19. Selon l'auteure, cette tendance n'est pas forcément délétère, car il y aura probablement une baisse des soins inutiles et nocifs.

Une analyse récente réalisée par le réseau EPIC* Health Research a exploité les données des dossier de santé électroniques de 2,7 millions de patients aux États-Unis et a comparé les taux des dépistage des cancers du col de l'utérus, du sein et du colon dans la période pré-Covid avec la période actuelle Covid. On y constate que les rendez-vous pour dépistage de mars 2020 ont diminué de 86 à 94% par rapport au nombre moyen de rendez-vous pour dépistage qu'on recensait chaque mois, du 1er janvier 2017 au 19 janvier 2020.

*EPIC : La communauté Epic est une communauté mondiale d'organisations de soins de santé

Quel effet cette baisse spectaculaire du dépistage aura-t-elle sur la santé des patients? Les auteurs du rapport EPIC avancent que cela sera désastreux....

Mais cette sombre prédiction est-elle probable ? Selon J.Garber, plusieurs points sont à considérer.

Mortalité par maladie vs mortalité toutes causes confondues

Bien qu'il ait été démontré dans certains cas que le dépistage du cancer pouvait réduire la mortalité spécifique, c'est à dire la mortalité par tel ou tel cancer, il y a beaucoup moins de preuves du bénéfice sur la mortalité toutes causes confondues (le risque de mourir en général).

NDLR : Dans l'étude du lien ci-dessus,  l'effet du dépistage sur la mortalité par cancer colorectal avec recherche de sang dans les selles persiste après 30 ans de suivi, mais n'influe pas sur la mortalité toutes causes confondues.

(Rappelons que l'intérêt de la mortalité toutes causes confondues est d'englober aussi bien la mortalité par la maladie que celle imputable aux traitements de cette maladie.

S'il y a retentissement avec baisse de la mortalité toutes causes, c'est que le dépistage (et les traitements) sont efficaces. La mortalité globale sert ainsi de signal d'alarme ; p.ex. si on constate un décalage anormal entre la mortalité globale et la mortalité spécifique par la maladie, cela doit amener à s'interroger si un effet indésirable du dépistage a pu être insuffisamment pris en compte. La mortalité globale n'est pas utilisée généralement comme critère de jugement ce qui est dommage car on perd ainsi des éléments d'information. NDLR)

Dans 12 essais randomisés de dépistages, examinés par le Dr Vinay Prasad et ses collègues dans un article paru dans le BMJ , sept d'entre eux ne sont pas parvenus à démontrer de baisse de la mortalité globale, en dépit de taux de mortalité spécifique à la maladie pourtant moindres. Dans certains cas, la mortalité globale dans le groupe de dépistage était donc plus élevée que dans le groupe non dépisté. A quoi cela est-il dû ?

L' explication probable est que les effets négatifs du dépistage, dans ces cas, contrebalancent les bénéfices. Alors que le dépistage du cancer réduit la mortalité pour certains cancers, il conduit pour d'autres à beaucoup plus de faux positifs avec biopsies inutiles, ainsi qu'à des cas de surdiagnostic et de sur-traitement. Ainsi les chirurgies inutiles et les complications des tests et des procédures diagnostiques et thérapeutiques ont un effet négatif sur la santé dans les groupes dépistés. Voir aussi [1]

Les auteurs du rapport EPIC auraient donc dû inclure, dans leur conclusion inquiétante, non seulement les décès potentiels par cancer dus au manque de dépistages, mais également les faux positifs potentiels et les événements en cascade évités(les surdiagnostics suivis de surtraitements), et auraient dû aussi tenir compte du manque de preuves concernant les bénéfices globaux du dépistage sur la mortalité globale.

Tout le monde ne retire pas de bénéfice d'un dépistage

Tout le monde n'est pas également susceptible de bénéficier du dépistage du cancer explique J.Garber. La probabilité qu'un jeune adulte soit atteint d'un cancer est très faible, ce qui fait qu'il sera plus probablement exposé aux dommages du dépistage que réellement aidé.

Parallèlement, à un âge très avancé, le dépistage du cancer devient également moins bénéfique parce que les personnes âgées ne disposent plus de l'espérance de vie nécessaire pour retirer des bénéfices du dépistage, mais en revanche sont plus sensibles aux complications néfastes des dépistages et des traitements qui découlent des détections. Par exemple, le US Preventive Services Task Force (organisme étatsunien indépendant qui examine les dispositifs de santé) recommande le dépistage du cancer du colon uniquement entre 50 et 75 ans .

Pourtant, de nombreuses personnes subissent un dépistage du cancer en dehors des âges recommandés, même s'il est peu probable qu'elles en bénéficient, explique l'auteure.

Dans cette étude de 2014, parmi les patientes âgées présentant un risque de décès très élevé publiée dans le JAMA, 37,5% ont été dépistées pour le cancer du sein, 30% ont été dépistées pour le cancer du col utérin et 40% ont été dépistées pour le cancer colorectal. Parmi les femmes qui avaient déjà bénéficié d'une hystérectomie pour cause bénigne, encore 34% à 56% des femmes ont subi un dépistage du cancer du col utérin au cours des trois dernières années.

Bien que le dépistage du cancer du col de l'utérus ne soit pas recommandé pour les jeunes femmes de 15 à 20 ans, on estime que 1,6 million de tests Pap (frottis) sont effectués inutilement sur des femmes de ce groupe d'âge chaque année.

Dans l'analyse du réseau EPIC sus-citée, ces éléments ne sont pas considérés. Or si la plupart des personnes qui se sont soustraites aux dépistages en mars 2020 étaient celles qui présentaient le plus faible risque, alors une réduction de participation aux dépistages pourrait ne pas être une si mauvaise chose dans l'ensemble - surtout si c'est justement le nombre de dépistages manifestement inappropriés qui diminuait.

Cependant, avec les informations dont nous disposons, nous ne savons pas quels patients ont évité le dépistage, ce qui rend impossible d'estimer le nombre réel de vies perdues ni celui des dommages réduits dans cette 'pause Covid' des dépistages.

Une opportunité pour la recherche

Les auteurs du rapport EPIC expliquent les enjeux qui leur apparaissent clairement, à savoir les 'vies perdues' en raison d'une réduction des dépistages. Cependant, il est très probable que ce nombre soit surestimé, compte tenu des taux élevés de dépistages inappropriés dans le monde réel, ainsi que des effets négatifs potentiels et non pris en compte des dépistages sur la mortalité globale.

Bien que le véritable impact de l'arrêt soudain des dépistages dû à Covid-19 reste inconnu, selon J.Garber nous avons là une possibilité de le découvrir.

Un changement aussi radical dans le dépistage est inhabituel, nous devons donc profiter de cet évènement unique et suivre les résultats de cette expérience historique pour mieux comprendre les effets réels sur la santé - à la fois bénéfiques et nocifs - du dépistage des cancers.

NDLR

Quelques réserves : ce suivi des données va dépendre de l'évolution de l'épidémie et de la reprise ou non des dépistages.

Deux mois d'interruption, comme c'est le cas en France, risquent d'être insuffisants pour tirer ces conclusions ou pour discerner les réelles variations d'incidences des cancers et celles de leurs taux de mortalité. Ceci peut être rendu encore plus difficile et les conclusions être encore plus hasardeuses si la reprise des dépistages ne se fait pas de façon superposable et homogène dans toutes les régions de France, selon la persistance ici et là de clusters Covid refrénant les velléités du public de se rendre aux divers dépistages.

Seulement si l'interruption du dépistage se poursuivait encore quelques mois, soit par persistance ou reprise de l'épidémie, soit par des freins de la part du public (peur de fréquenter les cabinets médicaux ou de devoir subir une coloscopie dans le contexte épidémique), là la situation serait tout autre et des résultats pourraient se faire jour.

Référence :

[1] https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

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Pandémie Covid-19 et dépistage des cancers

Cancer Rose vous offre une tribune citoyenne. Vous aussi, vous pouvez témoigner.

28 avril 2020

Dr C.Bour, analyse d'un commentaire de Benjamin Mazer, médecin pathologiste à l'hôpital de Yale-New Haven (Connecticut), exprimé ici : https://www.medscape.com/viewarticle/929089

Les restrictions pendant l'épidémie de coronavirus conduiront-elles à des cancers plus avancés ?

 

L'auteur explique que le laboratoire où il travaille, d'ordinaire submergé de demandes d'analyses de frottis, de polypes de colons et de fragments de biopsies, demandes largement alimentées par les programmes de dépistages en tous genres, se retrouve inhabituellement déserté. À l’heure actuelle, même l’American Cancer Society recommande que personne ne se rende dans un établissement de soins de santé pour subir un dépistage systématique du cancer.

Concernant les tumeurs malignes et agressives, elles continuent de croître et de se propager aussi dans cette période où les soins médicaux sont en suspens. le risque de retarder des traitements pour les patients atteints d’un cancer symptomatique ou avancé et mettant en jeu leur vie est évident.

Mais une autre question, selon l'auteur, émerge, bien plus inconfortable : que représente un délai par la suspension des dépistages pour les personnes atteintes de carcinome canalaire in situ non symptomatique, ou de petits cancers du sein? Quel est l'effet à long terme de tous ces naevi dysplasiques et mélanomes précoces laissés sans investigation par les dermatologues ? Qu’en est-il de l'évolution du cancer du rein latent et de découverte fortuite lors un scanner ?

La question est légitime face au constat de surdiagnostic croissant de lésions qui, non découvertes, n'auraient pas mis en danger la vie des patients ni la santé des personnes si elles étaient restées non diagnostiquées.

 

Covid-19 : une expérience "naturelle"

 

Depuis de nombreuses années en effet, on s'interroge sur 'l'envers de la médaille' du dépistage : le surdiagnostic et le traitement de cancers qui ne nuiraient probablement jamais au patient. Le surdiagnostic est en hausse depuis des décennies en raison du dépistage organisé, comme celui de la prostate par le dosage PSA ou celui du cancer du sein par la mammographie, ou encore la surdétection d'incidentalomes par l’utilisation de plus en plus intensive de l’imagerie médicale. Mais tout cela a été perturbé par la pandémie.

Étant donné que la corrélation entre l'interventionnisme médical et le surdiagnostic des cancers est claire, l'auteur affirme que nous pouvons supposer sans risque de nous tromper que le surdiagnostic diminuera pendant la pandémie. Mais quel sera l’effet réel ? A quel prix de surdiagnostics le dépistage sauve des vies et dans quelle proportion, cela était un débat permanent et insoluble, jusqu'à présent....

(NDLR : il eut été vraisemblablement possible d'apporter une réponse sur l'ampleur du surdiagnostic des cancers du sein avec l'étude MyPEBS sur le dépistage mammographique personnalisé, mais nous en serons privés, le bras comparateur témoin étant inexistant sous prétexte de prétendus freins "éthiques"; lire :  l'étude dont on rêvait )

L’épidémie de coronavirus sera, selon Dr Mazer, une expérience naturelle comme aucune autre. Il explique que les économistes et les épidémiologistes adorent étudier les "expériences naturelles", ces chocs systémiques qui mettent en lumière un phénomène complexe.

Pour lui, le retard inattendu du dépistage à l’échelle nationale (et même internationale, NDLR) éclairera sans aucun doute le débat sur le surdiagnostic. Et nous pourrons vérifier si un dépistage moins intensif mène à des cancers plus avancés ou pas. Comme, à terme, le dépistage sera repris probablement dans le cadre habituel et à différents moments d’un bout à l’autre du pays, nous pouvons presque simuler un essai randomisé. L'auteur pose ici cette  question : le recueil de ces données modificatrices aura-t-il ensuite un effet positif sur la conduite des dépistages dans cette période difficile?

 

La pression à nous battre

 

La pandémie a également soulevé une question au sujet du dépistage du cancer qui va au-delà des données : pourquoi l’épidémie bruyante de coronavirus a-t-elle si largement rendu celle du cancer silencieuse ? Pour Mazer, l’urgence nécessaire de notre réponse au coronavirus contraste nettement avec les messages de santé publique bien trop agressifs utilisés généralement pour le dépistage des cancers.

Les outils utilisés pour lutter contre l’épidémie de coronavirus ont été puissants . Nous nous lavons les mains avec diligence et nous restons confinés. Nous faisons des sacrifices dans notre travail et notre vie personnelle pour arrêter la propagation du virus.

Le dépistage du cancer a lui aussi été présenté comme un dogme - une intervention de santé publique urgente que seul un imbécile refuserait. Des organisations bien intentionnées dirigent des campagnes de dépistage du cancer qui poussent les gens à s’engager à « se faire dépister tout de suite ». L'auteur relate que des patients et des membres de leur famille lui confient leur culpabilité à ne pas se soumettre à tous les tests de dépistage recommandés. Que quelqu’un se sente responsable de son propre cancer lui apparaît consternant.

Cette pression à intervenir s’étend jusque dans la pratique clinique puisque des médecins de premier recours sont évalués en fonction du nombre de patients qui « se conforment » aux recommandations de dépistage. Il semble y avoir une volonté implacable d’atteindre 100% de pénétration de dépistage. Ces tactiques vont à l’encontre de la prise de décision partagée et du consentement éclairé que nous devons pourtant valoriser en médecine.

La difficulté du dépistage du cancer réside dans le fait que la plupart des gens ne développeront jamais le cancer pour lequel on leur fait un dépistage d'une part, et que d'autre part nous savons que la plupart des gens ne seront pas aidés par le fait de se faire dépister. Nous savons certes que certains individus bénéficient de ce que nous détectons au niveau populationnel. Mais le surdiagnostic survient de la même manière comme un phénomène populationnel et non visible au niveau de individu. On a considéré le cancer comme une "maladie sociétale" demandant à ce qu'il y ait une réponse sociétale uniforme, à savoir que  100% de la population se conforme au dépistage.

 

Métaphores de guerre

 

Ces visions s’écroulent maintenant que nous faisons face à une véritable maladie sociétale, une épidémie par maladie infectieuse qui concerne réellement tout le monde. Le coronavirus nous a fait réfléchir sur les actions que les individus devraient prendre pour protéger les autres. Alors que le cancer lui n’est pas une contagion.

Lorsque nous décidons si et comment nous faire dépister, nous prenons des décisions intimes qui touchent principalement nous-mêmes et notre famille - et non la société en général, contrairement aux décisions que nous prenons contre la propagation virale qui servent à nous protéger nous ET la société.

D’innombrables articles ont été écrits sur l’utilisation de la métaphore guerrière dans le cancer, peut-être les plus célèbres sont ceux de l’essayiste concernée par une maladie cancéreuse Susan Sontag que cite l'auteur. Sontag et d’autres ont critiqué l’utilisation endémique de métaphores de guerre dans la communauté du cancer. L'auteur confie ici que ces semaines de pandémie l’ont terrifié et l’ont aussi épuisé. D'où son constat : nous ne pouvons pas être éternellement "en guerre".

Quand la "guerre" actuelle prendra fin, la "guerre contre le cancer" reprendra-t-elle ?

Le dépistage recommencera sans doute, mais il faut espérer qu’il sera amélioré par les données de l’expérience naturelle subie du coronavirus. Allons-nous alors re-tolérer ce même genre de messages de santé publique, guerrier et incitatif, après avoir vécu une éclosion de maladie infectieuse où nos actions en tant qu’individus ont réellement un véritable impact sur la santé des autres ?

En conclusion

 

Après s’être sentis impuissants, assiégés et même culpabilisés pendant la pandémie, Mazer pense que beaucoup de gens apprécieraient de reprendre eux-mêmes le contrôle sur d’autres aspects de leur santé. Le dépistage de cancers peut sauver des vies, mais c’est un choix que nous devrions faire nous-mêmes en fonction de notre compréhension des compromis (des balances bénéfices-risques), et de nos propres préférences. Lorsque le dépistage reprendra, il est à espérer que son dogme paternaliste sera remplacé par des pratiques plus nuancées, plus autonomisantes pour le patient et plus appropriées en temps de paix retrouvée.

 

 

 

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Effet d’une aide à la décision au dépistage mammographique pour les femmes de 75 ans et plus

23 avril 2020

Essai clinique randomisé par "grappe" (cluster)

https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2764100

 Auteurs : Mara A. Schonberg, MD, MPH ; Christine E. Kistler, MD, MASc  ; Adlin Pinheiro, MA et al

 

Un essai clinique randomisé par grappes (cluster randomization trial) est un essai dans lequel on randomise les sujets non pas individuellement mais par unité de randomisation ou groupes de sujets, qu’on appelle des « grappes » (clusters).

Ici 546 femmes âgées de 75 à 89 ans, ayant reçu une aide à la décision sur le dépistage mammographique avant une visite de santé avec leur praticien, constituent l'unité de randomisation.

 

Objectif de l'étude :

Vérifier comment l'utilisation d'une aide à la décision de dépistage pour les femmes de 75 ans et plus affecte leur décision de participer au dépistage mammographique.

Résultats de l'étude

Le fait de fournir à ces femmes une aide à la décision au dépistage mammographique avant leur visite médicale les aide à prendre des décisions éclairées, et conduit à ce que moins de femmes s'y soumettent.

Conclusion de l'étude

Par conséquent un outil d'aide à la décision peut aider à réduire le sur-dépistage.

 

 

__________

Notre analyse

Dr C.Bour

 

Une telle étude pourrait être intéressante sur les tranches d'âge plus jeunes, encore qu'une évaluation sur ce que perçoivent les femmes concernées et sur l'impact de l'absence d'information équilibrée ait déjà été réalisée.[1]

Comment les femmes perçoivent les bénéfices du dépistage selon ce qui a été véhiculé à son sujet, et selon les informations qu’elles en ont reçues, et qui ont forgé leurs convictions sur le sujet ? Telle est la question posée dans cette étude de Domenighetti et al., d'après laquelle le tableau ci-dessous a été élaboré par Nikola Biller-Andorno, chercheuse en bio-éthique ayant collaboré au travail du Swiss Medical Board. [2] [3]

Dans ce tableau comparatif vous avez, dans la partie A, les données tirées de l’enquête sur la perception des femmes américaines de Domineghetti, et dans la partie B, les données réelles issues des scénarios les plus probables, constatées à partir d’ études les plus probantes et parmi les plus fiables. [4]1-3)

Les auteurs (Biller-Andorno et col.) étaient sidérés par la divergence importante entre les croyances des femmes sur les avantages du dépistage par rapport à la réalité, et posaient légitimement la question : comment les femmes pourraient–elles prendre une décision éclairée si on leur présente de façon surestimée les avantages du dispositif ?

Voir notre article avec les résultats détaillés de ce travail ici : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/la-perception-et-la-realite/

 

Pour l'instant, l'outil d'aide à la décision pour les femmes demandé par la concertation citoyenne est complètement absent en France, depuis 2016 où la concertation a eu lieu.

Il est bien question d'en établir un "à la française", ce qui ne sera guère possible compte tenu des données épidémiologiques déficientes dans notre pays.[5]

 

Récemment dans le JAMA a été publié un point de vue portant sur les recommandations pour une prise de décision partagée avec le patient.[6]

Malheureusement pour l'instant il semble bien que la décision partagée soit plus un "fantasme" médical qu'une réalité.

En effet, les recommandations de société savantes ont encore toujours davantage de poids que les valeurs et le vécu du patient, et sont parfois imposées dans les médias et aux patientes avec une grande virulence et un grand autoritarisme, comme nous l'avons vu en 2019 avec la campagne abusive du CNGOF[7], prônant l'extension du dépistage au grand âge, en dehors de toute recommandation nationale ou internationale. Ceci sans que le Conseil de l'Ordre que nous avions alerté ne se manifeste[8], lequel rappelle pourtant régulièrement à l'ordre les contrevenants à la communication de notions médicales vérifiées, comme actuellement dans le contexte Covid19 .

 

Pour conclure

 

Il y a encore un énorme chemin à parcourir pour que les valeurs et la réalité de la vie de chaque patiente, comprenant son âge, puisse guider la pratique de chaque médecin. Et un énorme chemin aussi pour que les médecins aient les moyens pratiques de contribuer à la décision partagée, pour que les femmes, des tranches d'âge élevées comme les plus jeunes aient enfin accès à de vrais outils faits sur des bases scientifiques correctes et indépendantes.

L'élaboration de ce genre d'outils implique d'admettre l'éventualité du refus des femmes à participer au dépistage, le rendement du dépistage mammographique s'avérant au fil des décennies et au fil des études modernes de plus en plus décevant.

Le vrai problème est que ni les autorités sanitaires ni les politiques ne sont prêts à accepter cette éventualité de refus du dépistage de la part des femmes, pour des raisons politiques et idéologiques, les privant ainsi jusqu'à présent d'une vraie autonomie en santé.

 

Références

 

[1] Domenighetti G, D'Avanzo B, Egger M, et al. Women's perception of the benefits of mammography screening: population-based survey in four countries. Int J Epidemiol2003;32:816-821 CrossRef | Web of Science | Medline

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14559757

[2] https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMp1401875

[3] https://boris.unibe.ch/51602/7/Biller-Andorno%20NEnglJMed%202014.pdf

[4] 1. Gotzsche PC, Jorgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013;6:CD001877-CD001877 Medline/

  1. Independent UK Panel on Breast Cancer ScreeningThe benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Lancet 2012;380:1778-1786 CrossRef | Web of Science | Medline/
  2. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ 2014;348:g366-g366 CrossRef | Web of Science | Medline/

 

[5] https://cancer-rose.fr/2020/01/22/faisabilite-dun-outil-daide-a-la-decision-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-a-la-francaise-selon-les-criteres-ipdas/

 

[6] https://cancer-rose.fr/2020/03/14/recommandations-pour-une-prise-de-decision-partagee-avec-le-patient/

 

[7] https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

 

[8] https://cancer-rose.fr/2019/05/02/lettre-au-conseil-national-de-lordre-des-medecins-concernant-la-campagne-du-cngof/

 

 

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La nouvelle ROSP, quel changement pour le médecin concernant le dépistage du cancer du sein ?

Dr C.Bour

20 avril 2020

En 2016 était remis à la ministre de la Santé de l'époque, Mme Touraine, le rapport final de la concertation citoyenne qui eu lieu sur le dépistage du cancer du sein[1].

Outre les problèmes de l'information des femmes, dénoncée comme trop orientée et insuffisante par les panels des scientifiques et des citoyennes, le rapport évoquait aussi l'intégration du dépistage dans la ROSP, ou 'rémunération sur les objectifs de santé publique'. Ce système existant depuis 2011 octroie une rétribution à tout médecin généraliste ayant fait intégrer une patiente ou un patient dans certaines procédures de santé publique, comme le dépistage du cancer du sein. L'objectif est celui d'une participation de 80% des patientes de 50 à 74 ans à la mammographie de dépistage tous les deux ans, les médecins signataires du contrat à la performance seraient ainsi financièrement motivés à le respecter.

La position de la concertation citoyenne de 2016 sur la ROSP

En page 38 de ce rapport final de la concertation citoyenne, les rédacteurs soulèvent le paradoxe suivant :

"Il peut sembler paradoxal de conditionner la rémunération des médecins à la réalisation quasi- systématisée d’un acte sans caractère obligatoire."

En page 47 le coût du dépistage est évoqué, et nous pouvons lire :

"Pour l’année 2008, la HAS a évalué à 180 millions d’euros le coût du dépistage organisé, soit un coût annuel de 79 euros par femme participante et 11 293 euros par cancer dépisté. Auquel il faut ajouter le coût fixe des structures de gestion estimé à 35 millions d’euros.

Le taux de participation de la patientèle éligible au DO du cancer du sein étant pris en compte dans le calcul de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) pour les médecins généralistes, il faudrait ajouter une partie de la ROSP aux coûts du DO. C’est ce qu’a tenté de réaliser la revue UFC-Que Choisir, qui évalue autour de 300 millions d’euros le coût annuel du dépistage organisé (130 euros par personne dépistée et par an)"[2].

Pour finir, page 115 du rapport, il est suggéré :

" Parallèlement, il conviendrait de repenser les termes dans lesquels sont définis les objectifs de santé publique de la ROSP, puisque, en toute rigueur, pour fonder la rémunération sur objectifs de santé publique, il serait plus approprié de prendre en compte le temps que le médecin passe à informer le mieux possible les femmes que celui qu’il passe à les persuader d’y participer."

Nous voyons ainsi que la concertation soulève le coût du système de la ROSP, pose la problématique de la pertinence de l'intégration du dépistage dans le système de la ROSP, et remet en question les objectifs de la ROSP. Ceux-ci devraient moins tendre à convaincre les femmes (pour atteindre l'objectif de 80% de participation) qu'à donner le temps et les moyens aux médecins d'informer loyalement les femmes.

La ROSP, un soutien à la mammographie de dépistage

Le plan d'action en 12 points[3]  de la ministre Touraine, consécutif à la concertation, fut bien décevant.[4]

Les espoirs des citoyennes furent douchés, l'arrêt du dépistage tel quel et sa refonte complète demandés n'ayant jamais été entrepris ni même envisagés par les autorités sanitaires aux commandes ; nous sommes en 2020 et rien n'a changé, les outils d'information sont inexistants, les médecins spoliés de la place centrale qui devait leur être dévolue. En effet, page 129, voici ce que demandait le comité de pilotage de la concertation :

"L’intégration du médecin traitant dans la démarche de dépistage. En effet, dans le cadre de la concertation, les professionnel-le-s ont demandé que le médecin traitant (généraliste ou gynécologue) soit intégré dans le parcours de dépistage organisé du cancer du sein, et les citoyennes ont également demandé à bénéficier des conseils de leur médecin traitant afin de vérifier si une surveillance adaptée (en dépistage individuel) pouvait ou non être préconisée en fonction de leur situation propre. Force est de constater que les médecins traitants n’ont aujourd’hui qu’une place très limitée dans le dépistage organisé (leur intervention pouvant se limiter à la réception du résultat de la mammographie, si la femme a mentionné son nom avant l’examen). Le comité souhaite donc, qu’{ l’instar du dépistage du cancer colorectal, le médecin traitant soit un des acteurs du dépistage du cancer du sein et puisse, à la demande de la femme, être { même de l’informer, de lui proposer de l’inclure ou non dans une démarche de dépistage, en fonction des risques qui lui sont propres. Le comité s’interroge également sur la place à reconnaître éventuellement aux sages-femmes dans ce dispositif. "

Pire encore, concernant la ROSP, avec le plan d'action de la Ministre M.Touraine, on persiste et signe.

Voilà ce qu'on peut lire dans le plan d'action : "afin d’inciter les médecins à proposer la bonne modalité de dépistage à leurs patientes, les mammographies réalisées à ce titre seront mieux valorisées dans la cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP)" ; "Le suivi de la patientèle de femmes à partir de 50 ans, adapté en fonction du niveau de risque, donnera lieu à une valorisation de la ROSP."

Donc non seulement la ROSP sur le dépistage fut maintenue mais en plus valorisée dans le plan d'action qui a suivi la concertation citoyenne, aux antipodes de ce que celle-ci demandait.

La rémunération prévue pour le médecin afin d'obtempérer aux objectifs de santé à atteindre incite clairement le médecin...à inciter la femme à participer.

L'arrivée de la nouvelle ROSP de 2020

Voici le courriel adressé aux médecins traitants de la part d'un syndicat professionnel concernant les nouvelles modalités de la ROSP en ce mois d'avril 2020.

Comme on peut le constater ci-dessus, et malgré des efforts louables du Collège de Médecine Générale usant d'arguments scientifiques, le dépistage est maintenu dans le système, vraisemblablement pour des raisons idéologiques et politiques.

Les arguments scientifiques, nous le supposons, ont dû être ceux de l'absence de toute preuve d'efficacité du dépistage du cancer du sein sur la mortalité des femmes et sur la baisse des cancers graves, ne justifiant en aucun cas qu'on incite les femmes à y participer, surtout sans information adaptée, et avec le doute persistant que, en intégrant les effets adverses des surtraitements, une surmortalité est même suggérée dans certaines études.[5]

Les citoyennes avaient demandé, dans les recommandations exprimées page 132 du rapport de la concertation citoyenne, que le médecin traitant soit mis au centre du dispositif afin d'apporter l'information dont elles sont désireuses.

Pour conclure

Comme le courriel l'affirme à la fin, il y a en effet encore du chemin à parcourir pour parfaire la ROSP.

Le lobby prodépistage semble très puissant au sein des institutions de santé et soutenu par les autorités, puisqu'on constate avec quelle impunité et facilité des émissions de racolage pro-dépistage ont pu voir en février dernier le jour sur une chaîne grand public[6], sans intervention du CSA pourtant alerté, ni même du CNOM, pourtant si prompt à s'insurger actuellement lorsque des médecins et des non-médecins s'expriment dans le contexte de l'épidémie covid actuelle.

Pourtant les messages véhiculés dans ces émissions, dans les slogans imbéciles d'octobre rose, fanfaronnant sur un dépistage sauveur de vies, sont vraiment très loin de "données confirmées" et d'un quelconque "souci des répercussions auprès du public" .

Tant que le dépistage mammographique, inclus dans le système de la ROSP, sera maintenu d'une main de fer par les instituts, le Ministère de la Santé, la Cnam, maintien justifié par des considérations idéologiques et des motivations politiques, les citoyennes se verront continuellement confisquer tout espoir d'accès à une information plus équilibrée et honnête, et les médecins tout espoir d'être considérés à leur juste valeur de personnes centrales, ayant le pouvoir de délivrer une information satisfaisante pour aboutir à une décision libre et éclairée de leur patiente.

Références

[1]               https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

[2]               UFC-Que Choisir. Information sur le dépistage du cancer du sein. Les épines d’Octobre rose. Septembre 2012.

[3]               https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-actions-renov-cancer-sein-2.pdf

[4]               https://cancer-rose.fr/2017/04/06/plan-daction-pour-la-refonte-du-depistage/

[5]               https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

[6]               https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

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