Vue d’ensemble des directives et recommandations sur le dépistage du cancer du sein: Pourquoi les recommandations diffèrent-elles d’un pays à l’autre ?

Overview of guidelines on breast screening: Why recommendations differ and what to do about it

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960977616301382

Karsten Juhl Jørgensen a, *, Mette Kalager b, c, d, Alexandra Barratt e, Cornelia Baines f, Per-Henrik Zahl g, John Brodersen h, Russell P. Harris i
a The Nordic Cochrane Centre, Rigshospitalet Department 7811, Blegdamsvej 9, DK-2100 Copenhagen, Denmark
b University of Oslo, Institute of Health and Society, Department of Health Management and Health Economics, P.O. Box 1089, Blindern, 0318 Oslo, Norway c Department of Transplantation Medicine and KG Jebsen Center for Colorectal Cancer Research, Oslo University Hospital, Oslo, Norway
d Department of Epidemiology, Harvard School of Public Health, 677 Huntington Avenue, Boston, MA 02115, USA
e School of Public Health, University of Sydney, NSW 2006, Australia
f Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto, Toronto, ON, Canada
g Norwegian Institute of Public Health, P.O. Box 4404, Nydalen, N-0403 Oslo, Norway
h Research Unit for General Practice and Section of General Practice, Department of Public Health, University of Copenhagen, Copenhagen & Primary Health Care Research Unit, Zealand Region, Denmark
i University of North Carolina, Chapel Hill, NC, USA

Les auteurs font une analyse comparative de plusieurs directives sur le dépistage émises par différentes organisations majeures d’évaluation des statégies sanitaires de prévention, que voici :

Canadian Task Force on Preventive Health Care

Independent UK Panel

Swiss Medical Board

Norwegian Research Council

International Agency on the Research of Cancer

United States Preventive Services Task Force

American Cancer Society

Les recommandations et directives émises sur le dépistage par ces différentes structures, qui se prononcent sur l’intervalle, l’âge auquel le dépistage devrait être débuté mais aussi sur la pertinence même du dépistage, sont ici analysées, en fonction de leurs points forts et de leurs faiblesses.

La Suisse est le seul pays où la ligne directrice sur le dépistage du cancer du sein est sa non-mise en oeuvre, et c'est le seul pays qui se prononce contre ce dispositif pour toutes les tranches d'âge.

La variation entre les différentes recommandations reflète les différences substantielles des évaluations de chacun de ces organismes sur le bénéfice essentiel (qui est la réduction de mortalité de cancer du sein), et sur le risque majeur (qui est le surdiagnostic). Ces variations d'évaluation dépendent des études et essais sur lesquels on se base, chacun de ces études et essais, qu’ils soient randomisés ou observationnels non randomisés, comportant des biais ou des faiblesses méthodologiques. Certains de ces essais sont notoirement obsolètes, de faible niveau de preuve statistique, très controversés quant à leur fiabilité.

Quoi qu’il en soit, et même pour les recommandations basées sur des études incluant des essais médiocres, les auteurs énoncent :

Cette analyse de 7 directives récentes aux USA, en Europe, au Royaume-Uni et au Canada indique qu'avec le temps, nous devenons de moins en moins certains des bénéfices des programmes de dépistage contemporains. En revanche nous sommes de plus en plus certains de l'existence et l'ampleur de surdiagnostic.

Cela signifie que l'avantage principal du dépistage du cancer du sein concernant la réduction relative du risque de mortalité est probablement surestimé dans des directives actuelles, et que ce risque (relatif toujours) est plus proche d'une réduction de 10 % de la mortalité de cancer du sein qu'une réduction de 20 % .

Quand bien même les directives aient inclus des données d’essais randomisés, plus ou moins fiables, ou des données d’observation, toutes les directives qui ont quantifié le surdiagnostic ont constaté qu’il y avait plus de cas surdiagnostiqués que de morts par cancer du sein évités, avec un ratio bénéfice/risque estimé de 1/2 (pour l’USPSTF) à 1/5 (pour l’orgnisme norvégien ), et 1/3-14 (Swiss Medical Board) .
Ces ratios deviendraient considérablement moins favorables encore si les évaluations du bénéfice étaient basées sur des essais les plus fiables, ou des études d’observation plus contemporaines. (cliquez ci-contre sur l’image)

Depuis la réalisation de ces essais, les améliorations thérapeutiques pour lutter contre le cancer dès les années 90 font que les femmes en dessous de 50 ans, dans 30 pays européens, ont vu leur risque de mourir du cancer du sein réduit d’au moins 37%, tandis que les femmes de la tranche d’âge dépistée (en France les 50 à 74 ans) bénéficient d’une réduction moyenne de ce risque de 21% . Ces deux taux de réduction du risque de mortalité ont été observés déjà avant l’introduction du dépistage (en France généralisation en 2004) alors que parallèlement le nombre de nouveaux cas (l'incidence) explose.

De plus, des études d’impact montrent que l’amélioration des stratégies anti-cancéreuses expliquent tout à fait ces réductions de mortalité observées dans la population depuis les années 90 (voir cette étude : https://www.cancer-rose.fr/etude-dimpact-du-depistage-par-bleyermiller-2015/).

Voir tableau de mortalité entre régions dépistées et non dépistées au Danemark et tableau d'incidence Royaume Uni et Danemark. Cliquez sur images.

En conclusion :

Les directives et recommandations optent toutes généralement pour une approche plus que prudente, parce que le dépistage mammographique ne peut réduire la mortalité par cancer du sein à un degré suffisamment important sans amener en parallèle des inconvénients substantiels, et en générant des coûts pour la santé publique.

Selon les auteurs, plutôt que de continuer à poursuivre un objectif de réduction de mortalité par cancer du sein en exerçant un dépistage, les sociétés devraient appuyer la recherche vers de nouveaux progrès thérapeutiques, et s’assurer que toutes les femmes aient un accès égal à des traitements optimaux et opportuns.

(NDLR : il serait également opportun de renforcer la recherche fondamentale pour une meilleure appréhension de l’histoire naturelle du cancer, comprendre quelles tumeurs seront susceptibles d’être agressives et lesquelles resteront sans danger pour la vie et la santé des personnes).

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Étude américaine du surdiagnostic, sur taille et stade tumoraux

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?af=R&rss=currentIssue

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?query=TOC

 

 

Il s’agit d’une nouvelle étude, rétrospective celle-ci, démontrant elle aussi que la réduction de mortalité serait plus attribuable aux traitements qu’au dépistage. (voir biblio au bas de l'article, autres études d'impact)

Les auteurs, Archie Bleyer de l'université de Portland (Oregon) et Gilbert Welch de l'université de Houston (Texas), avaient déjà publié une étude dans le NEJM il y a 4 ans (New England Journal of Medicine, 22 novembre, vol.367, n°21, p1998-2005) en partant du principe qu'un dépistage utile doit conduire à une diminution du taux de nouveaux cas de cancers de stade tardif.
Selon les données américaines sur plus de 3 décades, l'introduction du dépistage par mammographie a fait que le taux de nouveaux cas  de cancers du sein de stade précoce est passé de 112 cas pour 100.000 femmes à 234/100.000, ce qui fait 122 cas supplémentaires de cancers détectés au stade précoce.
Dans le même temps, le taux de cancers du sein découverts à un stade tardif n'a diminué que de 8 cas pour 100.000 ( de 102 à 94 cas/100.000).
Ce qui voudrait dire que seuls ces 8 cas de moins des 122 cas/100.000 de plus dépistés au stade précoce, auraient progressé vers une maladie à un stade avancé. Tout le reste est surdiagnostic.

Les auteurs estiment après calculs ce surdiagnostic à 30%.
Ils remarquent aussi que la baisse de détection de cancers avancés ne concerne que des cancers à extension régionale, qui ont une survie améliorée grâce aux traitementx dont nous disposons actuellement, alors qu'il n'y a pas de baisse de détection des cancers au stade métastatique, ceux qui répondent mal au traitement et sont létaux. La moindre mortalité de nos jours par cancer de stade avancé est majoritairement attribuable aux traitements plutôt qu'au dépistage, selon les auteurs.

Il est certes pertinent de s’intéresser au stade tumoral (qui prend en compte à la fois taille tumorale et envahissement ganglionnaire), mais depuis plusieurs années la détection de ganglions envahis s’est beaucoup améliorée pouvant fausser l’évaluation du dépistage (technique des ganglions sentinelles).

Donc dans cette nouvelle étude parue en 2016 (référence en haut de page), les mêmes auteurs se sont intéressés plutôt à la taille tumorale seule, qui est en relation avec la gravité du cancer, de façon moins directe que le stade tumoral certes, mais permettant de juger de façon moins biaisée l’efficacité du dépistage. Les auteurs ont mis en comparaison deux périodes : une avant les années 80, donc avant l’implantation du dépistage aux Etats Unis, l’autre période au début des années 2000, donc après l’implantation du dépistage.

Une fois de plus, il convient de s’intéresser aux valeurs absolues. Et à l’ampleur des variations.

Ainsi la baisse des tumeurs de grande taille est de 30 cas pour 100 000 femmes dépistées.

Et de l’autre côté il y a une augmentation de 162 cas de tumeurs de petite taille sur 100 000 femmes dépistées, entre les deux périodes comparées.

On arrive à la conclusion que 132 cas pour 100.000 sont des surdiagnostics.

Les auteurs concluent : "L'importance du déséquilibre indique que les femmes ont considérablement plus de chances d'avoir un surdiagnostic que d'avoir une détection plus précoce d'une tumeur destinée à grossir".

 

  • Etude trois paires de pays comparés, P.Autier, 2011

Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.

  • Etude de Jorgensen Danemark 2010

Jørgensen KJ, Zahl P-H, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study.BMJ. 2010 Mar 24;340:c1241..

  • Etude de Mette Kalager, Norvège 2010

 Kalager M, Adami HO et coll. Overdiagnosis of invasive breast cancer due to mammography screening: results from the norwegian screening program. Ann Intern Med. 2012 Apr 3;156(7):491-9.

  • Etude d’impact, début 2016, Bleyer et Miller

Int J Cancer 2016 15 avril; 138 (8): 2003-12. doi: 10.1002 / ijc.29925. Epub 2015 15 décembre

 

NDLR :

La détection de plus en plus petites lésions entraîne un "biais de sélection", c'est à dire que plus on dépiste, plus on 'récolte' des lésions petites et non agressives (voir étude Harding https://www.cancer-rose.fr/analyse-etude-jama/ : l'augmentation de 10% de l'activité du dépistage engendre une augmentation de 16% de la détection des petites lésions, statistiquement les moins dangereuses).

Donc, plus on améliorera la technologie de l'imagerie médicale, et plus on amplifiera cet effet pervers.

 

 

 

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En parallèle au dépistage du sein, celui de la prostate : du surdiagnostic, aussi !

Article

Outils d'aide à la décision, actualisés

Position de EuroPrev, 2023

Nouvelles études 2023

Premiers résultats d'un essai clinique sur le dépistage (essai ProScreen)

Prostate : attention à l’examen de trop !

A l'instar du dépistage du cancer du sein, un problème analogue est celui du dépistage du cancer de la prostate.
En ce qui concerne le dépistage du cancer de la prostate, les recommandations officielles en sont à ne PAS proposer de dépistage de masse aux hommes. Pourtant il est encore pratiqué.

Philippe Nicot explique dans The Conversation, dans un article publié le 15 novembre 2016, les tenants et les aboutissants. :https://theconversation.com/prostate-attention-a-lexamen-de-trop-68756

Nous le re-publions ici, en suivant les règles de republication émises par The Conversation.

Philippe Nicot, Université de Limoges

On apprend une nouvelle d’importance, dans la livraison ce 15 novembre de la publication scientifique hebdomadaire de Santé publique France. L’institution en charge de la surveillance des maladies dans notre pays glisse, l’air de rien, que les autorités sanitaires ont revu leurs consignes sur le dépistage du cancer de la prostate, le plus fréquent chez l’homme de plus de 50 ans. Et ce, sur la base d’informations scientifiquement fondées. Elles encouragent notamment les médecins à moins prescrire l’examen par prise de sang qui a servi longtemps de juge de paix dans la décision d’enlever, ou non, cette glande de l’appareil génital masculin. Une petite révolution.

Les autorités sanitaires ouvrent enfin les yeux sur une pratique inadéquate, connue et signalée par de nombreux experts depuis près de trois décennies. On dépiste habituellement le cancer de la prostate par le dosage d’une protéine produite par les cellules de cette glande, le PSA, ou antigène spécifique de la prostate (en anglais, prostate specific antigen), à partir d’une simple analyse de sang. Cette glycoprotéine de bas poids moléculaire est l’un des constituants du sperme, destiné à le fluidifier et à faciliter la mobilité des spermatozoïdes. Elle passe, pour partie, dans la circulation sanguine. Sa production est liée à l’activité de la prostate. Dans un bilan sanguin, une hausse du taux de PSA est interprétée comme un indice d’une éventuelle tumeur.

Dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) que Santé publique France (ex Institut de veille sanitaire) consacre au cancer de la prostate, les éditorialistes sont des invités de marque : le président de l’Institut national du cancer (Inca), Norbert Ifrah, associé au directeur général de Santé publique France, François Bourdillon. Ils notent que le dosage du PSA est, d’après les données de l’Assurance maladie, pratiqué très fréquemment. « En 2015, 48 % des hommes de 40 ans et plus avaient réalisé un dosage du PSA dans les trois années précédentes, cette fréquence atteignant 90 % pour les hommes âgés de 65 à 79 ans, » indiquent-ils.

Or cette analyse chez des hommes ne se plaignant d’aucun signe évoquant un cancer n’est recommandée en 2016 par « aucune agence ou autorité sanitaire dans le monde », écrivent-ils noir sur blanc, ni dans un programme de dépistage de ce cancer, ni à l’initiative individuelle du médecin. Autrement dit, c’est le grand écart entre les références officielles et la pratique.

Pas d’effet établi sur la mortalité

On a aujourd’hui le recul nécessaire pour répondre à la seule question qui vaille : la généralisation de cet examen a-t-elle diminué la mortalité liée à ce cancer ? Le bilan dressé par l’Institut national du cancer (Inca) en 2015 affirme que non. « Les deux essais randomisés menés aux États-Unis et en Europe qui avaient pour objectif d’évaluer l’impact d’un programme de dépistage du cancer de la prostate par le PSA sur la mortalité spécifique de ce cancer ont apporté des résultats contradictoires et discutables, écrit l’agence sanitaire ; leur méta-analyse ne met pas en évidence d’effet significatif en termes de réduction de la mortalité par cancer de la prostate, ce qui ne permet pas de conclure en faveur d’un bénéfice à un niveau populationnel ».

Le test comporte par ailleurs de nombreux inconvénients. Il détecte des cancers qui, pour certains, évoluent si lentement qu’une surveillance régulière serait préférable à une opération – seulement on ne sait pas encore les distinguer avec certitude. « Le test expose à un risque important de surdiagnostics et de surtraitements, précise l’Inca. Il détecte de nombreux cancers qui seraient restés asymptomatiques sans que l’on ne dispose actuellement d’outils pour identifier les cancers qui ne nécessiteraient pas de traitement ». Or la chirurgie peut avoir des conséquences graves, rendre l’homme impuissant ou incontinent. « Les traitements sont efficaces, mais leurs effets indésirables peuvent être importants, alors que le maintien d’une qualité de vie acceptable doit être pris en considération », ajoute l’Inca.

Partant de ce constat, l’Inca est passé à l’action – sans tambour ni trompette – auprès des médecins généralistes, les principaux prescripteurs de ce dosage du PSA. L’agence a élaboré avec le Collège de la médecine générale des documents pour permettre à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) d’échanger à ce sujet avec les généralistes. L’objectif : que cet examen, bientôt, ne soit plus automatique.

Le dépistage de masse non recommandé

Le dosage du PSA a suscité la controverse dès 1989 en France. Cette année là, une « conférence de consensus » est réalisée dans les règles de l’art. Organisée par trois urologues, les professeurs François Richard, Guy Vallancien et Yves Lanson, et l’économiste Laurent Alexandre, cette concertation d’experts conclut déjà que « l’organisation d’un dépistage de masse du cancer de la prostate n’est pas recommandée ». Une nouvelle conférence de consensus se tient en 1998 et la même année, une recommandation de pratique clinique statue encore plus clairement : « Le dépistage du cancer de la prostate (qu’il soit de masse, dirigé vers l’ensemble de la population intéressée, ou qu’il soit opportuniste, au cas par cas) n’étant pas recommandé dans l’état actuel des connaissances, il n’y a pas d’indication à proposer un dosage du PSA dans ce cadre. »

Visuel de la première Journée nationale de la prostate, en 2005.
Association française d’urologie

Mais un grain de sable se glisse alors dans le système. La majorité des sociétés savantes et des groupes professionnels à travers le monde statuent contre ce dépistage, sauf trois associations américaines (American Cancer Society, American Urological Society, American College of Radiology). Peu après, l’Association française d’urologie (AFU), regroupant les spécialistes de l’appareil reproducteur masculin, démarre à son tour ce qui peut être qualifié de campagne de promotion du dosage du PSA.

En 2009, deux grandes études, américaine et européenne, viennent pourtant clore le débat scientifique. La Haute autorité de santé (HAS) conclut : « Aucun élément scientifique nouveau n’est de nature à justifier la réévaluation de l’opportunité de la mise en place d’un programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA. » Fermez le ban.
(Actualisation en 2022 : "A ce jour, il n’y a pas de démonstration robuste du bénéfice d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) en population générale, que ce soit en termes de diminution de la mortalité ou d’amélioration de la qualité de vie. Ainsi, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate n’est recommandé en population générale, en France comme aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni.")

Le médecin américain qui avait mis au point ce dosage en 1970, Richard Albin, s’inquiète lui-même du « désastre de santé publique » provoqué par sa découverte. Dans une tribune publiée en 2010 dans le New York Times, il écrit : « Jamais je n’aurai pu imaginer, quatre décennies plus tôt, que ma découverte allait provoquer un tel désastre de santé publique, engendré par la recherche du profit. Il faut arrêter l’utilisation inappropriée de ce dosage. Cela permettrait d’économiser des milliards de dollars et de sauver des millions d’hommes de traitements inutiles et mutilants. »

Un risque d’impuissance

En 2011, une autorité américaine, l’US Preventive Service Task Force (USPSTF), recommande de cesser le dépistage du cancer de la prostate par le PSA en insistant sur ses effets secondaires. Pour 1000 personnes traitées, il y a 5 décès prématurés un mois après la chirurgie, entre 10 et 70 patients atteints de complications graves mais survivants. La radiothérapie et la chirurgie entraînent des effets à long terme, et 200 à 300 patients deviendront impuissant et/ou incontinent.

À cela s’ajoutent les décès suite à une biopsie de la prostate, un geste loin d’être anodin. Une étude française de 2010 conduite par Paul Perrin fait état d’un chiffre alarmant : 2 pour 1000.

Aujourd’hui, la France en a terminé, officiellement, avec le recours systématique au dosage du PSA. Et les autorités sanitaires ont décidé de s’en remettre aux médecins généralistes pour changer les mentalités, et les pratiques.

Comment expliquer que les généralistes n’aient pas pris les devants ? Parce qu’ils sont mal informés, sans doute. Parce que les patients leur réclament l’examen, aussi. L’Inca le suggère dans sa synthèse sur les bénéfices et les risques du dépistage. « Selon les enquêtes, un homme de plus de 60 ans sur cinq est à l’initiative de son dépistage du cancer de la prostate, écrit l’agence. L’analyse de la pratique des médecins généralistes montre que, partagés entre les recommandations contradictoires des institutions de santé et de plusieurs sociétés savantes et parfois confrontés à une demande appuyée de patients, les médecins généralistes sont plutôt enclins à proposer ou prescrire à leur patientèle masculine un dosage de PSA. »

Le temps compté, dans une consultation, joue certainement. Intervenant sur France Inter en 2011, le généraliste Dominique Dupagne avait résumé le problème dans une formule frappante : il faut 15 secondes au médecin pour expliquer qu’il faut faire ce dépistage, et 30 minutes pour expliquer qu’il ne faut pas faire celui-ci.

Quel rôle pour les urologues ?

S’il est légitime de mobiliser les généralistes pour qu’ils prescrivent le dosage du PSA à meilleur escient, qu’en est-il des urologues ? On peut s’étonner qu’ils ne soient pas intégrés dans la stratégie des autorités sanitaires. Pour le comprendre, il faut revenir sur l’affrontement que se livrent sur ce sujet depuis plus de vingt ans des urologues d’un côté, des épidémiologistes et des médecins généralistes de l’autre.

En 1994, déjà, la revue médicale indépendante Prescrire témoigne des échanges entre les généralistes membres de leur rédaction et l’urologue Bernard Debré. L’ancien ministre et député défend avec vigueur le dépistage et affirme : « Les références médicales vont arriver, elles vont décider que le PSA est un examen fondamental après 50 ans. » Pour le généraliste Jean-Pierre Noiry, « cette opinion est en complète contradiction avec les résultats des études disponibles et des recommandations consensuelles ».

Par la suite, le ton ne va pas cesser de monter. Des chercheurs spécialistes de l’épidémiologie et de la santé publique comme Catherine Hill, Alain Braillon et Bernard Junod, montent au créneau dans des face à face violents avec des urologues incitant à la prescription du dosage du PSA. Christophe Desportes, médecin généraliste dans le Finistère, dans son livre Prostate, le grand sacrifice (Editions Pascal) raconte comment il interpelle en 2005 un confrère professeur d’urologie, et se voit rétorquer : « On y va en attendant que la preuve de l’utilité arrive ». Un pari aussi osé que celui d’administrer un médicament avant de savoir à quoi il sert…

Visuel de la campagne Touche pas à ma prostate, lancée sur le site Atoute.org en 2008.
Formindep

Généraliste engagé et par ailleurs administrateur d’un site de communautés de patients, Dominique Dupagne décide alors de lancer publiquement un appel à un moratoire sur son site : « Touche pas à ma prostate ! » Le mot d’ordre circule parmi les généralistes et au-delà. Mais sur le terrain, le combat est loin d’être gagné. Des urologues ont répandu, par leur autorité, l’idée que ce dépistage devait être réalisé dès 50 ans. Les patients sont nombreux à y adhérer. Quant aux généralistes, la plupart suivent. Soit parce qu’ils se rangent à l’avis des spécialistes, soit par peur d’un procès intenté par un patient. Leur crainte est alimentée par le calvaire judiciaire subi par un confrère, Pierre Goubeau, poursuivi pour ne pas avoir prescrit un dosage du PSA. Ce généraliste installé près de Troyes sortira finalement victorieux d’une affaire qui traînera en longueur, de 2008 à 2015.

Pas de logo de l’Association d’urologie

Aujourd’hui, les urologues apparaissent comme les grands absents de l’action nationale qui s’annonce. L’Association française d’urologie (AFU) n’apparaîtra pas sur les documents qui seront diffusés aux généralistes par l’Assurance maladie. Selon l’Inca, « consultée, l’AFU n’a pas souhaité apposer son logo sur le document médecin, car trouvant que les retombées de ce document présentent le risque d’un défaut d’usage irrationnel du dosage du PSA, et d’une régression dans le stade de révélation des cancers de la prostate et de leurs taux de survie. »

On pourrait penser que les spécialistes de l’urologie ne souhaitent pas voir baisser une partie substantielle de leur activité. Ce serait cependant réducteur. Il ne faut pas oublier que ces confrères sont confrontés à l’image difficile de patients victimes de cancers dans des formes graves, notamment avec des métastases osseuses. Je pense, pour avoir discuté avec nombre d’entre eux, que cette proximité avec les malades les plus gravement atteints les rend hermétiques à des données scientifiques qui leur apparaissent éloignées de leur propre vécu. Si l’Assurance maladie veut voir son action aboutir, elle devra aussi dénouer tous les fils des représentations de cette maladie chez les urologues.

Trop souvent dans les débats de santé publique, on oublie un acteur loin de jouer un rôle marginal : les assureurs de crédits. Par une recherche rapide sur Internet, j’ai pu vérifier que nombre d’entre eux demandent ce test avant d’accepter la souscription chez les hommes de plus de 46 ans. S’il paraît légitime que l’assureur cherche à limiter le risque de défaillance chez son client, on ne peut tolérer qu’il l’expose ainsi inutilement à des effets secondaires importants.

L’action de santé publique prévoit de « délivrer aux hommes de 40 ans et plus une information équilibrée sur les avantages et les inconvénients du dépistage pour leur permettre de prendre une décision éclairée ». Si je peux me permettre une suggestion, au vu des conséquences possibles sur l’activité sexuelle et la vie de couple, je suggérerais que les conjoints ou les partenaires soient aussi associés à la décision.

The Conversation

Philippe Nicot, médecin généraliste enseignant, Université de Limoges

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Outils d'aide à la décision

Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs déconseille le dépistage du cancer de la prostate au moyen du dosage des PSA et expose la balance bénéfice-risques de ce dépistage :
https://canadiantaskforce.ca/tools-resources/cancer-de-la-prostate/?lang=fr

Trois liens d'information utiles aux patients, et outil d'aide à la décision :

  • Chez les hommes soumis au dépistage par dosage du PSA, le risque de mourir d’un cancer de la prostate est de 5 sur 1000 ; chez les hommes non soumis au dépistage par dosage du PSA le risque de mourir d’un cancer de la prostate est de 6 sur 1000.
  • Pour chaque tranche de 1000 hommes qui reçoivent un traitement pour le cancer de la prostate :
    - de 114 à 214 auront des complications à court terme telles qu’infections, chirurgies additionnelles et transfusions sanguines
    - de 127 à 442 souffriront de dysfonction érectile à long terme
    - jusqu’à 178 souffriront d’incontinence urinaire
    - 4 ou 5 mourront de complications du traitement du cancer de la prostate

Voici un autre outil d'aide à la décision du Harding Center for Literacy, avec sa traduction en français
https://www.hardingcenter.de/sites/default/files/2021-11/fact%20%20box_PSA_EN_new_design_20201123_final.pdf

Recommandations étatsuniennes de 2018, traduction en français

Position EuroPrev


EUROPREV est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale. EUROPREV est l'un des cinq réseaux de WONCA Europe.

WONCA Europe : La branche régionale européenne, WONCA Europe, est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.

Déclaration d'EUROPREV sur l'annonce d'une nouvelle approche européenne de la détection du cancer par la Commission européenne
https://europrev.eu/2022/11/27/statement-about-a-new-eu-approach-on-cancer-detection/

"En matière de dépistages, souvent le moins c'est le mieux"

"Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :

Dépistage du cancer de la prostate

- Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l'USPSTF, alors il existe des preuves solides de l'absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves ("cherry picking"), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3)
- Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c'est pourquoi, jusqu'à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n'a été mis en œuvre en Europe. "

PDF version complète

Video : John Brodersen & Carlos Martins
"PSA in prostate cancer screening: more harms than benefits"
"La PSA dans le dépistage du cancer de la prostate : plus de risques que de bénéfices"

Deux nouvelles études 2023

Une étude publiée le 11 mars 2023 dans le NEJM explique que les cancers localisés de la prostate ne sont plus opérés systématiquement ; un choix est laissé aux hommes d'une possible surveillance active (depuis 2011 à l'Institut Gustave Roussy en France).
Il s'agit d'une étude (essai Protect) sur 82000 Britanniques de 50 à 69 ans qui ont eu un PSA élevé et auxquels on propose surveillance IRM et dosages PSA réguliers. Ce groupe est comparé à deux autres groupes d'hommes, les uns traités par prostatectomie et les autres par radiothérapies.
Les auteurs concluent des résultats de l'essai qu'après 15 ans de suivi, la mortalité spécifique par cancer de la prostate était faible dans les trois groupes, donc quel que soit le traitement assigné. 
Ainsi, selon eux, le choix du traitement implique de peser les compromis entre les avantages et les inconvénients associés aux traitements du cancer localisé de la prostate. 

Une deuxième étude, publiée au même moment dans le NEJM, a été réalisée par l'équipe de Bristol pour évaluer l'impact du traitement du cancer de la prostate sur la qualité de vie, sur les mêmes cohortes que l'étude précédente (participants de l'essai ProtecT TRIAL).
Le retentissement fonctionnel sur l'érection et la continence urinaire était significativement plus élevé dans les groupes prosatectomie et radiothérapie. La surveillance active assure ainsi une bien meilleure qualité de vie et plus longtemps.
Parmi les patients "non graves", on peut ainsi proposer parmi les choix et même en première intention l'option de la surveillance active.

Premiers résultats d'un essai clinique sur le dépistage (essai ProScreen)

Des résultats de l' étude randomisée (ProScreen) sont disponibles. Cet essai clinique randomisé finlandais teste l'absence de dépistage versus la stratégie dosage de PSA. Si ce dosage est > 3 on ajoute le calcul du 4-kallikren score. Ce score comprend 4 dosages supplémentaires : PSA total, PSA libre, PSA intact et kalicréine 2. Si ce 4-Kscore est >7,5%, adjonction de l'IRM et plus ou moins de biopsies ciblées chez des patients qui ont l'âge de 50 à 63 ans lors de l'inclusion dans l'essai clinique. 

Dans l'essai 61 193 hommes âgés de 50 à 63 ans ont été invités à participer ou pas (randomisation) au dépistage du cancer de la prostate (âge moyen : 57,2 ans) ; 15000 patients ont été randomisés dans le bras intervention (dépistage) et 45000 dans le bras contrôle (pas de dépistage).

Parmi les patients du bras intervention (dépistage), la fréquence des dépistages a été la suivante :
- Si PSA < 1,5 : contrôle à 6 ans,
- Si PSA entre 1,5 et 3: contrôle à 4 ans,
- Si PSA > 3 et sans cancer retrouvé, contrôle à 2 ans.

Le but étant de pouvoir espacer le dosage PSA pour limiter le problème du surdiagnostic, en s'aidant, dans cette même optique, de l'adjonction du  4K score puis de l'IRM au besoin.

Conclusions des auteurs  : Après 3,5 ans de suivi, " 1 cancer de haut grade supplémentaire pour 196 hommes et 1 cancer de bas grade pour 909 hommes ont été détecté parmi les patients randomisés et invités à suivre une seule intervention de dépistage du cancer de la prostate, par rapport à ceux qui ne sont pas invités à suivre un dépistage.
Ces résultats préliminaires d’un seul cycle de dépistage doivent être interprétés avec prudence, en attendant les résultats du critère de mortalité primaire de l’étude."

En effet, certes l'algorithme permettrait de dépister davantage de cancers de haut grade que de bas grade, mais on ne dispose pour l'instant pas de données cliniques sur la mortalité, qui est le critère majeur et capital pour juger de l'efficience véritable d'un dépistage.

Tous les cancers de la prostates ne sont pas évolutifs, et on ne connaît pas la proportion de ces cancers dépistés qui seraient du surdiagnostic, y compris pour les cancers de haut grade, tous les patients porteurs même de ces cancers ne décèderont pas du cancer prostatique.

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Comment fait-on une lecture de mammographie ?

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par Dr Cécile Bour

 

Comprenons au préalable la façon dont on procède lors du dépistage du cancer du sein par mammographie. On vous parle d’une première lecture, suivie d’une deuxième lecture. Mais qu’est-ce en pratique ?

 

Vous avez reçu votre convocation et consultez au cabinet de radiologie pour l’examen des seins par mammographie et éventuellement échographie, ce qui correspond à ce qu’on appelle la première lecture effectuée par le radiologue du cabinet. Il y aura deux possibilités :

  1. Votre bilan radiologique est douteux et nécessite des clichés complémentaires qui seront réalisés d’emblée lors de cette consultation. Il sera alors :
  • Soit défavorable et vous serez intégrée dans un parcours de bilan diagnostique (avec IRM et/ou biopsie..) afin de pouvoir entériner la nature de la lésion.
  • Soit jugé dans les normes, ce qui vous permettra au terme de la consultation de rentrer chez vous. Votre dossier sera ensuite transmis à la structure départementale de gestion où il sera « relu » par un deuxième radiologue qui ne vous a pas vue et ne vous connaît pas . Cela s’effectue lors d’une séance d’une à deux heures et parmi une soixantaine d’autres dossiers tout aussi inconnus de lui, à l’aveugle en quelque sorte..

2-Votre bilan sera d’emblée jugé normal lors de cette première lecture et envoyé à la structure de gestion, où le deuxième       radiologue, le deuxième lecteur donc, les examinera lors d’une séance d’une à deux heures, comme décrit ci-dessus.

 

Ensuite lors de cette deuxième lecture, ce deuxième radiologue a deux possibilités :

 

  • Il jugera le dossier normal, qui vous sera alors renvoyé à votre domicile.
  • Ou bien il le jugera suspect et sera donc en désaccord par rapport au premier lecteur, et vous serez avisée de cette lecture défavorable afin de pouvoir revenir au cabinet du premier radiologue pour bénéficier du bilan diagnostique que le deuxième aura prescrit (autres investigations comme clichés complémentaires, échographie ciblée, biopsie ou IRM).

 

Voilà schématiquement comment se passe la procédure. Cela paraît très simple, bien codifié, quasi-bureaucratique et imparable.

 

Oui, mais c’est sans considérer deux écueils majeurs : la difficulté de « lire » la mammographie objectivement, et les états d’âme du « lecteur ».

Une mammographie ne se lit pas, c’est une image qui s’interprète. La texture du sein mammographié, désincarné, a l’apparence d’une sorte d’ouate que vous auriez distendue : elle sera composée de vides, de pleins, s’organisant de façon aléatoire selon la façon dont vous auriez étiré votre ouate. Cette structure filaire est plus ou moins dense, compacte ou au contraire aérée, elle change d’une femme à l’autre, d’un cycle menstruel à l’autre chez la même femme, d’une année à l’autre, elle réagit aux traitements hormonaux, aux modifications physiologiques hormonales, aux changements du poids. C’est comme une trame mouvante qui dissimulera ou au contraire simulera une lésion selon la compression, l’incidence réussie ou insuffisamment comprimée. Il s’agira de détecter dans cette texture capricieuse l’image qui reflète une lésion réelle et la plus petite possible. Mais plus une lésion est petite moins elle est caractéristique. Et moins elle est caractéristique plus on l’examine. Et puis plus on l’examine plus on s’interroge….Et plus on s’interroge plus on doute, plus on rechigne à classer un examen comme normal, plus on a tendance à se « couvrir » en classant en dossier suspect, pour ne pas avoir à se reprocher le fait d’avoir oublié une éventuelle lésion.

Outre la difficulté inhérente à cet examen compliqué, nécessitant expérience et formation, existe concomitamment le facteur humain.

 

L’humain aussi est capricieux, changeant, évoluant. Il existe grossièrement trois sortes de radiologues-lecteurs : le détendu-serein, le pragmatique-concentré, l’angoissé-stressé.

Evidemment au fil du temps, selon le propre vécu et les expériences qu’aura traversé le radiologue (cancers non vus, cancers supputés mais non confirmés, malades inquiétées inutilement) , il peut passer du stade détendu-serein à l’angoissé-stressé. Ou bien au contraire, prenant de l’âge et une débonnaire-attitude, l’humain radiographiste peut passer du stade pragmatique-concentré au détendu-serein.

Le détendu-serein aura tendance à ne pas « positiver » trop de dossiers, l’angoissé-stressé au contraire verra partout « le loup dans le bois ». La performance est donc inégale selon tempérament et état d’esprit du lecteur. Le mot « lecture » vous apparaît de toute évidence comme un mot inadapté, et il est vrai que cette « lecture » est en fait une interprétation.

Au terme de presque 20 années de deuxième lectrice du dépistage organisé me sont venus angoisses, doutes et interrogations.. Souvent toutefois je remarquais que certains lecteurs avec d’excellents taux de dépistage avaient en parallèle un taux impressionnant de bilans « positivés ». Le dossier positivé l’était d’ailleurs plus souvent pour des raisons de doute sur une image que pour une réelle conviction de lésion.

Pour parodier, je dirais que la situation est comparable à un pays imaginaire où l’on voudrait atteindre la criminalité zéro, le radiologue-lecteur étant la force de l’ordre et le cancer le criminel. Soit vous êtes un détendu-serein, vous faites confiance à la bonté de l’humanité, et vous n’interpellerez personne. Vos résultats en matière de réussite contre la criminalité ne seront pas très bons. Mais vous aurez donné la chance à un individu douteux de ne pas évoluer péjorativement et de prouver sa bienveillance. Ou manque de chance il sera passé à l’acte et vous aurez fait une erreur de jugement.

Soit vous faites partie des pragmatiques-concentrés, vous avez des critères dont vous ne dérogez jamais, vous suivez les signes, vous appliquez ce qu’on vous a appris dans les livres, et vous loupez l’atypique, le méchant qui n’aurait pas dû l’être selon des critères objectifs décrits dans les livres.

Ou bien vous êtes un incorrigible angoissé-stressé, et vous appliquez le délit de faciès. Vous allez guillotiner tous les vrais criminels que vous voyez, mais en plus les personnes qui présentent à vos yeux un délit de faciès! (Je répète, ceci est une métaphore ). Votre taux de criminalité pourra même tendre vers zéro et vous aurez débusqué tous les criminels. Mais vous aurez passé à l’échafaud d’authentiques innocents, qui auraient pu très bien vivre sans mettre en danger la vie d’autrui.

 

Il en est à peu près ainsi du cancer et du dépisteur, une image peut être affectée du délit de faciès sans être agressive, une lésion d’allure innocente au contraire peut être un redoutable adversaire par la suite, le radiologue peut être un détendu-serein confronté à un faux gentil, ou bien un angoissé-stressé face à un faux méchant. Voilà les aléas de la machinerie du dépistage qui m’ont conduite peu à peu à ne plus savoir diagnostiquer sereinement sans me poser toutes ces questions, en ayant le spectre d’une patiente inutilement inquiétée seulement parce que moi, radiologue, j’aurais eu un doute injustifié.

 

Nous avons par ailleurs des quotas à respecter, nous devons lire au moins 500 mammographies par an, ne pas dépasser 30% d’échographies complémentaires ; le taux souhaitable d’examens positifs en première lecture doit être inférieur à 10% et même inférieur à 7% lorsqu’on dispose d’un examen antérieur pour comparer. Le taux de mammographies positives doit être inférieur à 2% en deuxième lecture, le pourcentage de femmes re-convoquées par le deuxième lecteur pour cause de clichés à refaire car jugés « ratés » ne doit pas dépasser 1% des examens « lus »…

Mais pour la femme cela signifie à chaque situation du 100%. Cent pour cent d’inquiétude inutile, cent pour cent si elle est re-classée en dossier positif, cent pour cent si c’est un faux négatif, cent pour cent d’invasion de son sein si elle doit avoir une biopsie…

 

La deuxième lecture qui vous est présentée comme sécurité supplémentaire n’est pas un gage de fiabilité. La lecture, comme on vient de le voir, n’en est pas une, mais une interprétation ; on ajoute donc une deuxième interprétation subjective à une première. Lors d’un doute l’attitude du médecin est d’adopter l’option la plus défavorable et de « positiver » une lésion plutôt que de prendre le risque de l’infirmer à tort. Pour ces deux raisons il est difficile de prétendre que la double lecture ne contribuerait pas au problème du sur-diagnostic et du sur-traitement. Dans tous les cas elle participe certainement à la sur-investigation…

 

Lorsqu’on n’est plus convaincu de la justesse d’un engagement, on doit s’arrêter, et c’est ce que j’ai fait concernant la deuxième lecture. Parce que la mammographie pour un dépistage à grande échelle n’est pas un bon examen. Il n’en existe pas de meilleur pour l’instant en terme de facilité d’accès, mais l’organe n’est pas suffisamment statique et trop individuel pour y appliquer un dépistage à grande échelle.

 

 

 

 

 

 

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A qui proposer une mastectomie prophylactique ?

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Synthèse d'un article intitulé « à qui proposer une mastectomie prophylactique » publié dans la revue

Réalités en Gynécologie-Obstétrique- N°185_janvier 2017

Auteurs : A.Kane, CH. Dehghani, E.Vincens

du Service de chirurgie viscérale et gynécologique, Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, Paris

 

Les auteurs témoignent des différentes situations auxquelles les cliniciens sont confrontés, et proposent dans cet article une conduite à tenir à propos de la mastectomie prophylactique (de prévention) pour les femmes à haut risque et pour les femmes sans mutation, en se basant sur une revue de la littérature et sur plusieurs études prospectives et de cohortes, mais aussi sur les recommandations officielles, notamment celles de la haute Autrité de Santé.

Les conclusions sont :

  • Pour les patientes porteuses de la mutation génétique (mutation BRCA1 et 2 mais surtout BCRA1), indemnes, surtout pour les jeunes et celles avec histoire familiale chargée, la mastectomie préventive correspond au meilleur moyen de prévention, et doit être discutée avec elles.
  • Pour les patientes porteuses de mutation ou à histoire familiale chargée et qui ont eu un cancer du sein, la mastectomie bilatérale préventive ou controlatérale en cas d’ablation du sein lors du premier cancer semble présenter un intérêt en terme de survie et de diminution de survenue d’un deuxième cancer du sein. Elle est d’ailleurs recommandée par la HAS.
  • Pour les patientes ayant eu un cancer du sein, mais sans risque génétique ni histoire familiale, le bénéfice est très incertain et certainement fortement surévalué. Les auteurs en invoquent les nombreux risques. Elle n’est PAS recommandée.

 

Trois cas de figure sont étudiés :

  1. Demande de mastectomie préventive de patientes avec mutation ou à haut risque.
  2. Demande de mastectomie préventive controlatérale chez ces patientes mutées ou à haut risque familial, ayant eu un premier cancer du sein.
  3. Demande de mastectomie préventive chez des patientes ayant eu un cancer du sein, sans contexte génétique.

 

1-La mastectomie prophylactique (préventive) vraie.

Les gènes incriminés sont BCRA1 et BCRA2. Ils sont responsables de 2 à 5% des cancers du sein, avec un risque individuel allant jusqu’à 85%. Les BCRA1 sont plus agressifs et atteignent plus les femmes jeunes. Les BCRA2 induisent des cancers de meilleur pronostic et ressemblent à ceux de la population générale.

Les recommandations de surveillance sont une mammographie/échographie/examen IRM à un rythme annuel.

Mais il faut savoir qu’il y a toujours 10% de cancers d’intervalle et que la mortalité reste élevée dans ce groupe muté. Il faut considérer aussi l’argument de la toxicité des rayons X sur ce terrain sensible aux facteurs de risque, sur un organe particulièrement radio-sensible, et que l’on va répéter... (NDLR)

Néanmoins la mastectomie préventive est décrite comme la plus efficace chez une femme porteuse de mutation et indemne de cancer, surtout pour celles porteuses du gène BCRA1 et avec une histoire familiale lourde.

Attention, une histoire familiale chargée correspond à des critères précis, il ne s’agit pas d’un seul antécédent lointain ou incertain. On se base en général sur le score d’Eisinger, ci-dessous.(NDLR, cliquez sur image)

Analyse de l arbre généalogique selon le score d Eisinger : Additionner les scores pour chaque branche de la famille. Score > 3. Consultation d oncogénétique. Score < 3. Examen clinique annuel à partir de 25 ans. Dépistage à partir de 50 ans.

 

2-La mastectomie controlatérale chez des femmes mutées et ayant eu un cancer du sein

 Ici le risque de développer un deuxième cancer sur le sein controlatéral est de 10 à 31% à cinq ans en cas de mutation.

Les études citées par les auteurs concluent toutes en faveur d’un intérêt, chez les femmes mutées ou à antécédents familiaux chargés ayant eu un cancer du sein, de la mastectomie controlatérale sur la survie et sur la diminution de survenue de cancer sur l’autre sein, (lequel survient en général dans un délai de 5 ans après le premier épisode).

Il n’y a donc pas de caractère urgent pour ce faire.

 

3-La mastectomie controlatérale dans un cas sporadique, donc sans mutation et sans histoire familiale.

La demande émane la plupart du temps de la patiente, et n’est pas une proposition d’origine médicale. Il y a dans cette démarche un contexte émotionnel particulier et un effet « Angelina Joli » à la suite de la médiatisation de son histoire personnelle.

En tous cas cette déclaration publique a amené à ce que les patientes demandent plus souvent une recherche génétique.

Non seulement il n’y a aucune certitude concernant la réduction du risque de développer un cancer controlatéral mais en plus il y a des risques à y recourir.

Les principaux facteurs de risque d’un cancer controlatéral sont :

  • le jeune âge lors du premier diagnostic,
  • l’histoire familiale chargée,
  • des récepteurs négatifs sur l’examen histologique du premier cancer,
  • l’obésité en serait un,
  • la consommation habituelle d’alcool,
  • le premier cancer de type lobulaire.

Les risques de morbidité, c’est-à-dire les risques de s’exposer à une maladie ou une complication, sont importants et majorés en cas de mastectomie bilatérale (pour une patiente qui a subi une tumorectomie et qui demanderait l’ablation des deux seins), et ce concomitamment à l’absence de bénéfice en terme de survie.

On retrouve une augmentation des risques d’infection, de transfusion et de ré-intervention en cas de mise en place de prothèses.

La survenue de métastases est une préoccupation à prendre en compte. En effet cela dépend d’un équilibre entre le potentiel métastatique de la tumeur et la puissance défensive immunitaire du sujet. Or on sait que la chirurgie induit une immunosuppression, donc un amoindrissement des défenses immunitaires, comme le font aussi le stress, l’inflammation induite par l’agression chirurgicale, la douleur, l’anesthésie.

 

Les auteurs concluent qu’il faut écouter l’anxiété des patientes, leur histoire, appréhender l’impact psychologique, discuter des indications avec elles, opter pour une décision partagée et éventuellement multi-disciplinaire, ou d’un conseil onco-géntique.

 

Bref, avant tout et surtout, ne pas se précipiter…

 

voir aussi :

https://www.cancer-rose.fr/observations-femmes-a-risques/

https://www.cancer-rose.fr/depistage-et-risque-familial-eleve-de-cancer-du-sein/

 

 

 

 

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La perception et la réalité

Comment les femmes perçoivent les données du dépistage, orientées par les slogans et présentations optimistes, versus la réalité :

Lorsque les auteurs du rapport du Swiss Medical Board (une commission médicale suisse indépendante des instances gouvernementales) ont évalué la pertinence du programme de dépistage mammographique du cancer du sein (voir l'article), (Article PDF) ils se sont penchés sur une donnée qui avait été étudiée dans plusieurs pays4, à savoir comment les femmes perçoivent les avantages du dépistage selon ce qui a été véhiculé à son sujet et les informations qu’elles ont reçues, et qui ont forgé leurs convictions sur le sujet.

Les auteurs ont dressé un tableau comparatif, avec , dans la partie A, les données tirées de l’enquête sur la perception des femmes américaines, et dans la partie B, les données réelles, objectives issues des scénarios les plus probables, constatées à partir d’ études les plus probantes et parmi les plus fiables. 1-3)

Les auteurs étaient sidérés par la divergence importante entre les croyances des femmes sur les avantages du dépistage par rapport à la réalité.

Cliquez sur image

Le nombre attendu de femmes quinquagénaires survivantes, victimes du cancer du sein et victimes d’autres causes de décès lorsqu’elles se faisaient dépister régulièrement sur 10 ans a été comparé au nombre attendu de femmes survivantes, victimes de cancer du sein ou décédées d’autres causes lorsqu’elles ne s’y soumettaient pas.

71,5% de ces femmes américaines interrogées ont estimé que la mammographie de dépistage réduisait de moitié le risque de décéder d’un cancer du sein, et 72, 1% pensait qu’au moins 80 décès seraient évités pour 1000 femmes invitées au dépistage.

La présentation en pourcentage de la réduction du risque de mortalité enjolive les données.

20% de réduction de mortalité (chiffre que l’on trouve sur les sites d’institution publiques, sur les sites de comités féminins et dans les brochures d’information distribuées aux femmes) ne signifient pas que 20 femmes sur 100 en moins mourront du cancer du sein, mais que seulement une femme en moins en mourra dans le meilleur des cas (et sans considérer les autres femmes dépistées, plus nombreuses, qui subiront dans le même temps surdiagnotic et fausses alertes).

La réduction du risque relatif de 20% correspond à une comparaison entre le groupe dépisté et le groupe non dépisté. Si par exemple sur 1000 femmes non dépistées 5 femmes décèdent et sur 1000 femmes dépistées 4 décèdent du cancer du sein, la réduction du risque relatif qui résulte de la comparaison de ces deux groupes correspond à ces 20% ((5-4)/5=0.2 ), mais en valeur absolue il ne s’agit bel et bien que d’une seule femme épargnée. Les données que les auteurs ont isolées pour la population suisse montrent aussi et de façon analogue ces espérances optimistes.

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

Les auteurs posent légitimement la question comment les femmes pourraient –elles prendre une décision éclairée si on leur présente de façon surestimée les avantages du dispositif ?

Nous nous sommes posé la même question..Et avons tenté d’y remédier (cf brochure en page d’accueil)

Références

Gotzsche PC, Jorgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013;6:CD001877-CD001877
Medline

Independent UK Panel on Breast Cancer ScreeningThe benefits and harms of breast cancer screening: an independent review. Lancet 2012;380:1778-1786
CrossRef | Web of Science | Medline

Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ 2014;348:g366-g366
CrossRef | Web of Science | Medline

Domenighetti G, D'Avanzo B, Egger M, et al. Women's perception of the benefits of mammography screening: population-based survey in four countries. Int J Epidemiol2003;32:816-821
CrossRef | Web of Science | Medline

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Etude populationnelle de grande envergure de P.Autier

Une ultime preuve de l’efficacité plus que douteuse du dépistage est la dernière publication, ce mois-ci, d’une étude populationnelle présentée lors d’un symposium à San Antonio, par les auteurs suivants : Professeur Autier, Boniol, Pizot, Boyle *
Voilà les résultats de cette étude mondiale :
1° Dans tous les pays comparables entre eux, la réduction de mortalité par cancer du sein entre 1989 et 2012 est la même, que le pays ait engagé un dépistage généralisé depuis 1990 ou seulement depuis 2005. En France d’ailleurs, la réduction de mortalité spécifique par cancer du sein, (attribuable aux traitements selon les études d’impact), est moindre que celle en Espagne, par exemple.
2° La plus forte baisse de mortalité est constatée dans les tranches d’âge des moins de 50 ans (sauf Nouvelle Zélande et Hong Kong).
3° La baisse de mortalité par cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans est la même que le pays ait une politique de dépistage dans cette tranche d’âge (USA par exemple) ou non.
Conclusion de la publication : "There seems to be no discernible influence of screening on mortality trends." Ce qui signifie qu’il ne semble pas y avoir d’influence du dépistage organisé sur la tendance à la baisse de la mortalité, laquelle est certainement plus imputable aux avancées thérapeutiques depuis les années 90 qu’au dépistage.

https://app.core-apps.com/sabcs2016/abstract/d65d1d601c44a12e649faed52440f92e

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mensonges et tromperies

Dire que :

  • 9 cancers sur 10 guérissent

Oui, mais même non dépistées.

Voir l'étude Miller, étude réalisée d'après des essais canadiens, étude comparative randomisée, deux groupes de femmes sont comparés, un groupe non dépisté, un groupe dépisté, étude avec résultats donnés à 5, 10 puis à 25 ans de suivi :

http://www.bmj.com/content/348/bmj.g366

Réf : Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five years follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. The BMJ. 2014 Feb 11;348:g366

Quelles sont ses conclusions ?

1°-pas de différence de mortalité entre les deux groupes.

2° les taux de survie sont identiques, quel que soit le stade de la tumeur (survie = temps de vie après diagnostic de cancer)

3° 22% de surdiagnostics

4° pas de différence entre les deux groupes du taux des cancers fatals.

  • une femme sur 8 sera atteinte de cancer du sein

Dire qu’une femme sur huit sera confrontée au cancer du sein est une présentation trompeuse, ce risque étant un risque cumulé tous âges confondus, calculé sur une population fictive en fonction des risques observés en 2012. Or il convient de considérer ce risque selon la tranche d’âge. Avec un suivi de 20 années, pour une femme de 40 ans ce risque est de 4%, pour une femme de 60 ans il est de 6%.

A savoir aussi que sur 100 décès de femmes, 4 sont attribuables au cancer du sein, 20 à d'autres cancers, 30 à des maladies cardio-vasculaires. (réf. : Hill C. Dépistage du cancer du sein. Presse med. 2014 mai;43(5):501–9.)

Voir aussi dossier Que Choisir d'octobre 2017 : Que Choisir

Selon Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif (94), il s’agit d’une surestimation basée sur un calcul portant sur une population fictive suivie de la naissance à cent ans et plus. « Ce qui est pertinent, c’est le calcul pour une femme d’un âge donné suivie sur une durée donnée. Ainsi, le risque de diagnostiquer un cancer du sein dans les dix années suivantes est de 1,9 % pour une femme de 40 ans, de 2,1 % pour une femme de 50 ans, de 3,2 % pour une femme de 60 ans.»

Si ce cancer tue plus que les autres, c’est parce qu’il est le plus fréquent. Mais cela ne veut pas dire que si l’on en est atteint, on a un risque important d’en mourir. 

Par rapport au slogan « Cette femme a montré ses seins, elle a sauvé sa vie. », toujours selon Mme Catherine Hill : 
"Le cas est rare, car le cancer du sein n’est pas une cause fréquente de décès. En 2013, 4,2 % des femmes en sont mortesà titre de comparaison, 27 % ont succombé à une maladie cardio-vasculaire. Si on estime que le dépistage organisé permet une baisse de 20 % de la mortalité par cancer du sein, cest à peine une femme sur cent quil pourrait sauver (20 % de 4,2 %)."

  • La majorité des cancers est détectée à stade précoce sans envahissement ganglionnaire 

Les auteurs d'une étude récente, parue dans le NEJM *, ont mis en comparaison deux périodes : une avant les années 80, donc avant l’implantation du dépistage aux Etats Unis, l’autre période au début des années 2000, donc après l’implantation du dépistage.

Une fois  de plus, il convient de s’intéresser aux valeurs absolues. Et à l’ampleur des variations.
Ainsi la baisse des tumeurs de grande taille est de 30 cas pour 100 000 femmes dépistées. Et de l’autre côté il y a une augmentation de 162 cas de tumeurs de petite taille sur 100 000 femmes dépistées, entre les deux périodes comparées.
On arrive à la conclusion que 132 cas pour 100.000 sont des surdiagnostics.

A noter aussi que la chute de mortalité est moindre dans les formes graves.

Les auteurs concluent : "L'importance du déséquilibre indique que les femmes ont considérablement plus de chances d'avoir un surdiagnostic que d'avoir une détection plus précoce d'une tumeur destinée à grossir".

*http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1600249?af=R&rss=currentIssue

  • il y a une diminution de mortalité de 20%

Il s'agit de la réduction relative du risque.

La baisse du risque de mortalité depuis l'instauration du dépistage organisé est admise par tous les auteurs et experts. Elle varie, selon les études (observationnelles et randomisées), de 14 % à 48 % de diminution du risque de mortalité liée à ce cancer ; ce risque est environ de 5 % à l'âge de 50 ans; une diminution de 20 % fait donc passer ce risque à 4 %.

De fait, la synthèse de la Revue Prescrire, la synthèse de la Collaboration Cochante (groupe de chercheurs nordiques indépendants), la synthèse étasunienne (US TASK Force) donnent un aperçu en valeurs absolues.

Si sur 1 000 femmes dépistées 4 meurent d'un cancer du sein, et que sur un groupe de femmes non dépistées 5 meurent d'un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en chiffres absolus cela ne fait qu'une différence d'une seule femme... C'est pour cela qu'il convient de toujours exiger une présentation en données réelles, et non en pourcentage ce qui enjolive la situation.

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

  • Evolution de la mortalité par cancer favorable ces dernières décades : Oui, mais c'est un phénomène connu, attribuable aux traitements, à l'arrêt de la prescription systématique des traitements hormonaux substitutifs, à une meilleure vigilance des femmes qui consultent lors de l'apparition d'un signe d'appel, et on récolte peut-être enfin les fruits des campagnes relatives aux facteurs de risques. Plusieurs études d'impacts notent que :
  1. la diminution de mortalité, partout où elle est constatée, est plus forte chez femmes de tranches d'âges jeunes,
  2. elle existe autant chez les femmes non dépistées (étude Miller)
  3. elle est moindre que pour d'autres formes de cancers, alors que des moyens colossaux sont mis en oeuvre pour le dépistage du cancer du sein.
  4. d’autres formes de cancers sont aussi concernées dans cette baisse de mortalité, alors que ces cancers ne sont pas intégrés dans des campagnes de dépistage.
  5. les études d’impact démontrent que la réduction de mortalité est imputable aux thérapeutiques anti-cancéreuses, en développement depuis les années 90.
  6. La décroissance de mortalité n'est pas corrélée avec le temps d’instauration du DO, on la perçoit dès les années 90, alors qu’aux US et en Suède le dépistage intervient dans les années 80, en France seulement en 2004.

Références Biblio :

Int J Cancer. 2016 Apr 15;138(8):2003-12. doi: 10.1002/ijc.29925. Epub 2015 Dec 15.
Impact of screening mammography on breast cancer mortality.
Bleyer A1, Baines C2, Miller AB2. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26562826/

Autier P, Boniol m, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with di erent levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BmJ. 2011 Jul 28;343:d4411./

Jørgensen KJ, Zahl P-H, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study. BmJ. 2010 mar 24;340:c1241./

Junod B, Zahl P-H, Kaplan Rm, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BmC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401.

  • Mortalité spécifique par cancer du sein qui diminue : Le problème est la fiabilité lors de la rédaction des certificats de décès ; en effet on peut savoir combien de personnes décédées étaient porteuses d'un cancer du sein, mais la cause du décès n'est pas toujours bien attribuée. Par exemple la personne décédée, porteuse d'un cancer du sein,  a pu ne pas décéder directement de ce cancer, mais de tout autre chose, ou pire encore, d'une cause reliable aux effets adverses des traitements, ce qui ne sera pas forcément mentionné dans le certificat de décès. Cette donnée permet aux scientifiques de voir si les prises en charge sont efficaces, mais elle est un mauvais indicateur du dépistage. Elle n'a aucun intérêt tant qu’on ne peut pas savoir si le gain de mortalité n’est pas contrebalancé par autres causes de décès chez les porteurs de cancer. Décès dû au cancer ? Autre cause ? Ou carrément à cause du traitement ?

LE PLUS JUSTE SERAIT DE CONSIDERER LA MORTALITE TOUS CANCERS CONFONDUS OU MIEUX, LA MORTALITE TOTALE DES 50 à 74 ANS.

  • Longévité et survie

La survie à 5 ans n’est pas la même chose que l'espérance de vie ou durée de vie. Admettons une espérance de vie chez une femme de 73 ans ; si elle a un diagnostic de cancer à 67 ans elle rentrera dans les statistiques de survie à 5 ans, mais pas si ce diagnostic est fait plus tard, vers 70 ans par exemple, la femme ne sera pas incluse dans les statistiques de survie à 5 ans.

La « survie » mesure plutôt la durée de vie du cancer 

C'est une illusion d'optique : par l'anticipation de la date de survenue du cancer, on a l'impression d'un allongement de la vie alors que l'espérance n'a en rien changé. L'allongement de la survie est le résultat de deux phénomènes : l'efficacité des traitements qui rallongent la durée de vie du patient avec son cancer et le dépistage qui anticipe la date de naissance du cancer indépendamment de l’issue de la maladie.

La survie est majorée quand l'incidence est la plus forte et le surdiagnostic d'autant plus fort. En effet, par définition, tous les surdiagnostics guérissent ! On a donc une illusion de succès.

Un bon contre-exemple est le cancer du col de l'utérus : sa survie à 5 ans est très mauvaise, mais la mortalité par ce cancer a baissé spectaculairement.

La survie est donc un marqueur de l'efficacité des traitements, mais pas de l'efficacité du dépistage.

  • La létalité,

C'est le nombre de décès rapporté au nombre de cas diagnostiqués. Ici il y a un biais de recrutement. Prenons un panier d'oeufs, si nous n'avons que 4 oeufs dans un panier et que nous en cassons deux, nous parlerons de 50% de mortalité. Si à présent, en raison d'un sur diagnostic massif nous avons 20 oeufs dans ce panier, et nous en cassons toujours 2, nous aurons l'illusion d'un succès car le pourcentage de mortalité ne sera plus que de 10%, alors que c'est simplement dû à un "ramassage" plus intensif de cancers, par un surdiagnosic massif, c'est à dire des diagnostics inutiles pour la femme de petites lésions qui n'auraient pas mis en danger leur vie. (voir explication dans notre brochure, et texte de Dr Duperray dans la rubrique "surdiagnosic" https://www.cancer-rose.fr/surdiagnostic-par-b-duperray/)

De fait, lorsqu'on considère les relevés INSEE depuis 1996, on constate qu'il y a invariablement, et malgré la poussée du dépistage organisé, toujours 11000 à 12000 décès par cancer du sein tous les ans...

  • Il s'agirait une épidémie de cancers.

Si l’accroissement continu des nouveaux diagnostics annuels correspondait à une épidémie de cancers à évolution mortelle, il faudrait alors que la réduction de mortalité grâce au dépistage soit considérable.

On aurait un cancer guéri pour un décès en 1980 et trois cancers guéris pour un décès en 2000. Or ni les résultats les plus optimistes des essais contrôlés concernant la réduction de mortalité ni les progrès thérapeutiques durant cette période ne peuvent soutenir cette hypothèse. (B.Duperray, DIU de sénologie).

Deux arguments contredisent totalement cette hypothèse :

  1. Il existe une ascension massive de l'incidence (nombre de nouveaux cas) dès lors qu'on dépiste. Une épidémie entraînerait une progression exponentielle du nombre de cas, mais pas un pic avec une telle brutalité comme on le constate dès l'instauration des campagnes.
  2. Les études d'autopsie : bon nombre de sujets autopsiés, décédés d'autres causes, sont porteurs de lésions cancéreuses non manifestes, p.ex. de prostate chez l'homme et du sein chez la femme. Une "épidémie" aurait entraîné une maladie chez toutes ces personnes.

ALORS STOP AU BANANAGE DES FEMMES !

Les deux seuls critères d'efficacité d'un dépistage sont :

  • une diminution de la mortalité par cancer, significative,
  • une chute du taux des cancers graves.

_____________________

Qui sont les perdantes et les gagnantes du dépistage

LES PERDANTES                                                                                                                                          LES GAGNANTES

  • femmes surdiagnostiquées                                                                                          * la malade dont le traitement sera plus léger
  • cancéreuse, diagnostiquée

plus tôt grâce mais qui perd sa qualité de vie                                                                     * le décès évité

  • la cancéreuse qui décède

à qui le dépistage n’a pas sauvé la vie

(cancer d' intervalle, ou mortel )

  • la femme avec un carcinome in situ,

traitée de façon multiple ou mastectomisée

(actuellement étude de protocoles de simple

surveillance active de ces lésions analogues à

des "précancers", dont le traitement n'empêche ni

la récidive, ni n'a permis de diminuer la mortalité

par cancer.)

  • la fausse alerte
  • femme non malade qui reste

angoissée à cause de l'examen

  • le cas du cancer radio-induit
  • patiente âgée,

susceptible de décéder d’autre chose,

et pour laquelle le traitement

sera plus dangereux que l’ignorance

de son cancer.

Visuellement comme ça, on n'a pas l'impression que ça balance du côté des gagnantes.

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Associations et ramifications

L’association « le Cancer du sein parlons-en » (dont le rôle est d’être : ‘aux côtés des femmes en France, pour informer sur le cancer du sein et participer à la sensibilisation au dépistage précoce’) existe depuis 1994. Elle a été fondée par le groupe Estée Lauder France et le magazine Marie-Claire et est soutenue par Marionnaud, Cora, Fitness (de Nestlé), Bobby Brown, et j’en passe car la liste est interminable ; elle l’est aussi par Lilly, le laboratoire pharmaceutique. L’institut Lilly co-organise « la Strasbourgeoise », parce que outre de profiter de la bonne volonté et l’empathie des femmes, il faut aussi les faire courir (10 euros l’inscription). Lilly commercialise le Prozac et le Gemzar, médicament anticancéreux. D’autres laboratoires sont très impliqués dans la lutte contre le cancer du sein et la fabrication de molécules anti-cancéreuses, comme Novartis, Pfizer, Sanofi, Roche.

Mais si ces laboratoires se livrent une concurrence redoutable on leur trouve un dénominateur commun dans la générosité et la philanthropie, et ce dénominateur commun s’appelle Europa Donna. Ce magnifique nom évoquant la divinité évanescente, celle que l’on voit dans le logo d’Europa Corps au cinéma, mâtinée du mot Donna dérivé de madonna mais surtout contenant la racine « don », c’est une coalition européenne oeuvrant pour la femme, et dont les partenaires, outre industriels, sont aussi les laboratoires pharmaceutiques sus-cités. Europa Donna, recevant des subventions de l’UE, est un soutien actif de la campagne rose de l’INCA (Institut National du Cancer) comme ceci est indiqué sur le site-même.

organigrammes synthétiques des ramifications, cliquez sur images

Revenons à Roche en particulier, dont le médicament phare en cancérologie du sein est l’Herceptin utilisé dans les formes métastatiques du cancer du sein. Le laboratoire est soutien institutionnel de la société française d’angiogénèse, les médicaments d’anti-angiogénèse s’inscrivent dans ce qu’on appelle la thérapie ciblée, et cette mini-révolution thérapeutique commence en 2004 avec la commercialisation par Roche de l’Avastin. En gros ces molécules empêchent les vaisseaux nourrissant la tumeur de proliférer et « affament » ainsi la tumeur, c’est un marché prometteur pour Roche avec l’arrivée d’autres molécules analogues en vue, et le laboratoire soutient logiquement la Société Française d’Angiogénèse lors de ses congrès .

Nous constatons que certains noms d’experts scientifiques se retrouvent comme par magie avec une récurrence déconcertante dans les différents conseils scientifiques de ces différentes structures : l’INCA, Europa Donna et le laboratoire Roche. Ainsi le Pr Marty, cancérologue ayant dirigé pendant 19 ans le service d’oncologie médicale de l’Hôpital Saint-Louis, directeur de recherche thérapeutique à l’IGR (Institut Gustave Roussy) est également président du groupe onco-hématologie de l’AFSSAPS en 2007 (ex-agence française du médicament), mais aussi présent dans le conseil scientifique de l’Agence Européenne du Médicament.

Nous le retrouvons actuellement dans le conseil scientifique d’Europa Donna, dans le conseil scientifique du comité Val d’Oise de la Ligue, comme président du conseil d’administration de la Société Française du Cancer, et dans le conseil scientifique de l’INCA. Le Pr Marty est également orateur pour Roche, co-investigateur pour des essais multi-centriques pour Roche en 2014, et consultant chez Pfizer.

Il se trouve que la Société Française de Cancérologie qu’il préside (jusqu’en 2015) est subventionnée par l’EACR (European Association for Cancer Research), lequel organisme subventionne , pardon , est « soutien institutionnel » de la société française d’angiogénèse. La société française d’angiogénèse est donc soutenue par Roche (très impliqué comme on l’a vu dans la recherche sur les ‘anti-angiogénèses’) , par Pfizer, par Sanofi, par la Société Française du Cancer (elle-même partenaire avec l’INCA), par l’EACR et par la Ligue.

Au total, le Pr Marty est donc partie prenante à l’INCA (conseil scientifique), dans la Société Française du Cancer (qu’il préside), dans Europa Donna (conseil scientifique) soutenue par Roche, dans la Ligue (comité scientifique), en même temps qu’auprès des laboratoires Roche et Pfizer, et indirectement dans la société française d’angiogénèse, puisque la Société Française du Cancer présidée par Pr Marty en est partenaire, le tout subventionné par l’EACR (subventions à la fois versus SFC et société d’angiogénèse)…

Mais comme dans la fameuse publicité, ce n’est pas tout. Car le bout des ramifications que nous avons suivies, depuis l’association de levée de fonds jusqu’aux laboratoires pharmaceutiques, c’est la femme, la fin et l’épicentre à la fois de cette matrice bienveillante tissée comme une toile d’araignée autour de ses seins. Et elle est où ? Eh bien justement, elle est là, petit moucheron au milieu, prisonnière d’intérêts pas tous philanthropiques, s’agitant pour exister, courant dans des courses, marchant dans des marches, achetant surtout et remplissant ainsi son rôle de bonne petite acheteuse si prisée du peuple marchand, naïve et innocente victime de goodies roses qui vont alimenter le système dont elle est piégée et de puissants lobbys pharmaceutiques qui ne veulent que son bien.

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Nouvelles du front, première manche et rapport final de la concertation

NOUVELLES DU FRONT, première manche

(rapport du comité d'orientation )

Mme la Ministre de la Santé a initié au courant de l'année 2015 une concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein, avec mise en place d’un site permettant à tout un chacun de s’exprimer sur le dépistage, objet d’une controverse scientifique partout dans le monde.

Dr Cécile Bour y a participé pour le collectif Cancer Rose dans deux tables rondes, l'une avec les citoyennes, l'autre avec les professionnels de santé, sous forme de 20 minutes de présentation suivie d'une demi-heure de débat.

Le comité d’orientation a publié ses conclusions en ce mois d'octobre 2016

Vous les trouverez dès la page 128

(Rôle de Cancer Rose, page 72)

Nous reprenons certains des commentaires avant de détailler les conclusions.

  • Page 5 

le comité soulève d’ores et déjà les dysfonctionnements de l’organisation du dépistage : confusion prévention primaire, dépistage et diagnostic précoce, absence d’information sur les risques et incertitudes dans la lettre envoyée aux femmes, marketing et promotion trompeuse et outrancière.

  • Page 38

Nous notons, que le comité soulève le paradoxe que représente la rémunération à la performance des médecins sur objectifs de santé avec comme objectif que 80% des patientes de 50 à 74 ans passent au dépistage, alors qu’il s’agit d’un acte sans caractère obligatoire. Mais nous observons que ce problème posé par le ROSP n’est pas repris ensuite dans les conclusions.

  • Page 41 à 47

Le comité reprend les caractéristiques de mise en place d’un dispositif de dépistage.

Le faible coût : si pour l’individu le coût est faible, il ne l’est pas pour la collectivité. Ceci est développé page 46/47, 180 millions en 2008.

La faible variabilité entre les lecteurs de mammographies (les radiologues) : faible ou non, dès lors qu’elle existe, elle impacte de façon capitale l’avenir de la patiente.

La reproductibilité de la lecture n’est pas garantie.

En ce qui concerne les sensibilité et spécificité, la mammographie ne possède ni l’une ni l’autre.

Pour ce qui est de l’efficacité : le bénéfice doit être identifiable, c’est là où réside la controverse.

  • Page 76 

Analyse de la situation par le comité :

  1. Il faut se repencher sur l’histoire naturelle du cancer pour différencier les types de cancers et leur évolution possible.
  2. Eviter la confusion prévention et dépistage
  3. Dire qu’une femme sur huit sera confronté au cancer du sein est une présentation trompeuse, ce risque étant un risque cumulé tous âges confondus, calculé sur une population fictive en fonction des risques observés en 2012. Or il convient de considérer ce risque selon la tranche d’âge. Avec un suivi de 20 années, pour une femme de 40 ans ce risque est de 4%, pour une femme de 60 ans il est de 6%.
  • Page 79 

Demande à ce que soit présentée la réduction absolue du risque de décéder d’un cancer du sein, et non pas en données relatives.

Même les organismes favorables au dépistage organisé reconnaissent que la diminution de mortalité n’est pas reliable uniquement au dépistage.

  • Page 81/82/83 

Les études randomisées ne sont pas réalisées en France ni les études observationnelles.

Le rapport bénéfice/risque n’est pas celui espéré. Les risques sont plus saillants chez les femmes sans facteur de risque ni symptômes.

La campagne rose, incitative, est en décalage avec le doute scientifique voire avec la pertinence du DO.

Il faut donc renforcer les possibilités de choix des femmes avec une information plus équilibrée. Pour l’instant l’information est jugée insuffisante.

Sur le site de l’INCA l’information est fractionnée, difficilement repérable, parfois contradictoire, le surdiagnostic abordé de manière peu claire.

Une critique de l’information du site de l’assurance maladie est faite aussi, sans concession, cette information est jugée trop incitative car mettant en avant les « avantages » du DO.

  • Page 108 

Le comité demande de l’information, non pas du marketing. Les femmes sont trompées par Octobre Rose en contradiction totale avec une exigence d’information loyale. Il faut éviter les confusions dépistage et prévention.

  • Page 109/110 /111-115

Il faut informer de la balance bénéfice risques et faire figurer la notion d’incertitude, parler des cancers d’intervalle et du surdiagnostic.

Le comité souhaite aussi que soit donnée une information sur les effets secondaires ainsi que soit corrigée l’illusion de la mammographie comme moyen idéal de détection d’un cancer.

L’invitation ne doit pas s’assimiler à une convocation, et doit comporter les informations sur bénéfices et risques.

L’information et la formation doivent être proposées aux professionnels de santé, et l’information ne doit pas être incitation.

  • Page 121

La tomosynthèse : son rapport bénéfice-risques reste à confirmer et il faut développer des protocoles de recherche pour évaluer son utilisation dans le dépistage.

Il faut mettre en place des outils d’évaluation en temps réel du dispositif.

  • Page 123 

Le comité revient et insiste sur l’urgence et le caractère indispensable de promouvoir des études sur surdiagnostic et surtraitement.

  • Le constat en page 125 

Un rapport bénéfices /risques controversé et une communication inadaptée.

  • Page 132
  1. Consultation dédiée à la quarantaine.
  2. Stratégie hiérarchisée en fonction du niveau de risque, déterminer les femmes à haut risque qui bénéficieront d’un suivi particulier et adapté, et les femmes à « sous- risque » qui pourraient en être dispensées.

Les conclusions

  • Prise en considération de la controverse dans l’information fournie aux femmes et dans l’information et la formation des professionnels.
  • mise en place de projets de recherche pour mieux étudier l’histoire naturelle du cancer (certains cancers sont peu agressifs ou régressent, participant au surdiagnostic), et afin de pouvoir identifier les facteurs biologiques ou d’imagerie permettant de définir les tumeurs ne nécessitant qu’une surveillance. (proposition de l’ARC)
  • évaluation permanente du dispositif, afin d’avoir des données épidémiologiques et économiques relatives au dépistage EN France
  • intégration du médecin traitant
  • maintien de la double lecture (Cancer Rose attire l’attention sur le fait que la double lecture majore certainement les fausses alertes)
  • évaluation de la pratique de l’échographie, à l’origine de faux positifs dont l’augmentation est supérieure au nombre de cancers effectivement détectés.
  • L’arrêt des dépistages précoces chez les moins de 50 ans sans facteurs de risque particulier.

Cancer Rose rappelle que les recommandations officielles de l’HAS pour la participation au dépistage sont à partir de 50 ans, et pas avant.

  • adapter la stratégie de dépistage et du suivi en fonction du niveau de risque.

Deux scénarios :

Scénario1 : arrêt du programme de dépistage organisé, la pertinence d’une mammographie étant appréciée dans le cadre d’une relation médicale individualisée.

Scénario 2 : Arrêt du dépistage organisé tel qu’il existe aujourd’hui et mise en place d’un nouveau dépistage organisé, profondément modifié.

Ne vous laissez pas déconcerter par la longueur du texte, il y a un déroulé de l'historique du dépistage depuis son instauration, passionnant à lire.

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