La survie au cancer du sein, un mauvais indicateur

28/11/2022

Nous avions déjà parlé maintes fois de l’indicateur statistique « survie », très souvent mis en avant par les promoteurs du dépistage et expliqué pourquoi cet indicateur n’étais pas un critère d’efficacité du dépistage, et était même fallacieux.
Les seuls indicateurs d’un dépistage efficace sont : la diminution drastique et perceptible de la mortalité, la baisse des formes graves de cancers, l’allègement des traitements.
Aucun de ces trois critères n’est obtenu dans le dépistage du cancer du sein.

Voici ici une explication simplifiée à l’aide de graphiques et vidéo : https://cancer-rose.fr/2021/10/18/quest-ce-que-la-survie/

L’étude que nous vous présentons ici démontre que cet indicateur n’est pas pertinent. Des biais impactent sa pertinence, comme le surdiagnostic très important dans le dépistage du cancer du sein (entre 20 et 50%) et le biais d’une population plus saine qui participe au dépistage.
1. La survie des cancers localisés est exagérément optimiste du fait des 
surdiagnostics qui augmentent, avec l’illusion de guérison qui les accompagne, alors que ce sont des lésions détectées mais qui de toute façon n’auraient jamais tué.
2. La survie est meilleure chez des personnes de niveau social plus avantagé et dont la santé de base est meilleure ( personnes correctement assurées et qui consomment davantage de soins).
2. La survie serait en effet meilleure dans les formes évoluées mais le dépistage est inapte à détecter ces formes agressives ‘à temps’ du fait de leur caractère agressif et de leur rapidité d’évolution.
3. La survie n’est pas un bon marqueur de l’efficacité des dépistages, mais de l’efficacité des traitements.

La survie

De quoi parle-t-on exactement ?

La survie globale à 5 ou à 10 ans correspond à la proportion de patients survivants 5 ou 10 ans après la date de diagnostic, quelle que soit la cause possible du décès (cancer ou autre cause).

La survie relative : elle sert à comparer le taux de survie d’un groupe de personnes atteintes d’une maladie au taux de survie attendu de personnes faisant partie de la population en général ne présentant pas la maladie, et qui ont les mêmes caractéristiques, comme l’âge et le sexe.
La survie relative permet d’exprimer la probabilité de survie au cancer pendant une période donnée, habituellement 5 ans. Un taux de survie relative de 80 % après 5 ans, par exemple, signifie que, en moyenne, les personnes atteintes de ce cancer en particulier ont 80 % de chances de vivre 5 ans ou plus après avoir reçu leur diagnostic, comparativement aux gens du même âge et du même sexe qui font partie de la population en général.
Il est possible qu’on obtienne des estimations de survie relative supérieures à 100 %. Cela signifie que la survie observée chez les personnes atteintes de cancer est meilleure que celle prévue chez la population générale.

Survie spécifique au cancer : il s’agit du pourcentage de patients atteints d’un type et d’un stade spécifique de cancer qui ne sont pas décédés de leur cancer pendant une certaine période après le diagnostic.
Cette période peut être de 1 an, 2 ans, 5 ans, etc., 5 ans étant la période la plus souvent utilisée. La survie spécifique au cancer est également appelée survie spécifique à la maladie. 

L’étude

L’étude de J.Marti* présente trois comparaisons portant sur des femmes subissant des mammographies de dépistage d’intensité variable, à des taux plus élevés ou plus faibles et en fonction de la période, de l’âge de la patiente et de son statut d’assurance. Les trois comparaisons montrent des associations cohérentes entre un recours accru au dépistage et des taux de survie relative supérieurs à 100 %.
Ces données indiquent que les femmes ayant subi un dépistage intensif et chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein à un stade précoce (cancer du sein invasif de stade I ou carcinome canalaire in situ) vivent plus longtemps que leurs homologues appariés selon l’âge, le sexe et l’ethnie.

Ces résultats montrent que les statistiques de survie sont de mauvais indicateurs de l’efficacité du dépistage du cancer.
L’effet de l’utilisateur en bonne santé produira des taux de survie relative plus élevés que la survie spécifique à la maladie. Si les taux de survie spécifiques à la maladie sont proches de 100 %, il en résultera des taux de survie relative qui pourront dépasser 100 %.
Ce phénomène est observé dans le cas de certains cancers détectés par dépistage, pour lesquels les taux de survie spécifiques à la maladie sont proches de 100 % en raison d’un biais lié au temps d’avance au diagnostic (le dépistage avance la date du diagnostic) et d’un biais de lenteur d’évolution (le dépistage détecte de préférence les cancers à évolution lente ou non évolutifs).
Il s’agit de caractéristiques des types de cancer qui sont sujets au surdiagnostic, c’est-à-dire à la détection de cancers à la biologie indolente qui ne causeront pas de symptômes, de décès ou d’autres dommages au cours de la vie de la personne.
Par conséquent, des taux de survie relative supérieurs à 100 % indiquent que la population étudiée est en meilleure santé que la population témoin non atteinte de cancer, et en plus que bon nombre des tumeurs détectées par le dépistage sont des tumeurs à très faible risque pour la personne détectée, et qui ont un comportement indolent, c’est à dire ne tueront pas la personne de toute façon, détectées ou pas.

  • Jennifer Marti travaille au Weill Cornell Breast Center, Department of Surgery, Weill Cornell Medicine, New York, NY, USA/ Le Dr Jennifer Marti est également le chercheur principal de l’essai COMET à Cornell, essai portant sur la pertinence d’une simple surveillance active dans le carcinome in situ du sein.

Implications de l’étude

Premièrement, ces données indiquent que les résultats favorables qui ont été observés dans les cancers du sein détectés par dépistage sont, en partie, attribuables à l’effet de l’utilisateur en bonne santé et au surdiagnostic de tumeurs biologiquement indolentes. Ces résultats de bonne survie au cancer du sein ne sont donc pas attribuables, comme l’avancent des promoteurs du dépistage, à un effet de ‘rattrapage’ de tumeurs agressives en récoltant davantage de tumeurs de bas stade, puisque le taux des cancers agressifs reste stable malgré les campagnes de dépistage instaurées.

Deuxièmement, ces connaissances, véhiculées auprès de la population féminine, aideraient à pallier une partie de l’anxiété à laquelle est confrontée une femme ayant reçu un nouveau diagnostic de cancer du sein.
La tendance qu’ont les patientes et les médecins à demander et à privilégier des traitements agressifs pour de petits cancers du sein à faible risque, détectés par le dépistage, pourrait être déforcée.

Troisièmement, ces données renforcent au contraire l’effort à placer sur des études de surveillance active du cancer du sein, car elles montrent que le diagnostic d’un cancer du sein à un stade précoce ne signifie pas que la survie d’une femme est compromise par rapport à la population générale.

Intégralité de l’étude, traduite en français

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