synthèse Cancer Rose 15/10/2024
https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)01745-8/fulltext
L’étude présentée ici étudie le taux de récidive de cancer du sein chez les femmes atteintes d’un cancer peu avancé et à récepteurs hormonaux positifs.
Les points clés sont les suivants :
- On note une réduction de la récidive chez les femmes atteintes d’un cancer du sein précoce entrant dans les essais cliniques entre 1990 et 2009 :
- Après ajustement, les femmes diagnostiquées depuis 2000 ont un taux de récidive à distance environ cinq fois inférieur à celui des années 1990. Les résultats des essais se sont améliorés au fil du temps dans les cancers à récepteurs hormonaux positifs, mais également à récepteurs négatifs (HR+ et HR-).
- La majeure partie (80–90 %) de cette amélioration peut s’expliquer par une combinaison de deux facteurs : un plus grand recrutement de femmes à faible risque dans les essais cliniques modernes ; et de meilleures thérapies adjuvantes que sont hormonothérapie, chimiothérapie, immunothérapie, thérapie ciblée également appelée thérapie biologique, utilisant le système immunitaire ou le système hormonal de l’organisme pour combattre les cellules cancéreuses du sein.
OBJECTIF DE L’ETUDE
Il s’agit d’étudier la récidive à distance d’un cancer du sein chez les femmes atteintes d’un cancer du sein précoce.
Les auteurs ont utilisé la base de données du Early Breast Cancer Trialists’ Collaborative Group (EBCTCG), et ont étudié les taux de récidive à distance du cancer du sein dans les tumeurs à récepteurs d’œstrogènes positifs et négatifs, et les tendances des résultats au fil du temps.
Cette base intègre 650 000 femmes qui ont participé à des essais cliniques sur des traitement du cancer du sein au stade précoce.
Les femmes étaient éligibles si elles avaient été recrutées entre 1990 et 2009 et,
- si elles venaient de recevoir un diagnostic de cancer du sein à récepteurs d’œstrogènes positifs et qu’il était prévu qu’elles suivent un traitement endocrinien pendant au moins cinq ans,
- ou si elles avaient un cancer à récepteurs d’œstrogènes négatifs, âgées de moins de 75 ans au moment du diagnostic, si le diamètre de la tumeur était inférieur ou égal à 50 mm, et si elles avaient moins de dix ganglions lymphatiques axillaires positifs et qu’il n’y avait pas de signes de métastases à distance au moment de l’inclusion.
RESULTATS
Après ajustement, le taux de récidive à distance des femmes diagnostiquées depuis 2000 est environ cinq fois inférieur à celui des années 1990.
En effet pour les femmes atteintes d’un cancer du sein au stade précoce et participant à des essais cliniques randomisés on observe des réductions substantielles des risques de récidive tumorale à distance sur 10 ans chez les femmes diagnostiquées après 2000 par rapport à celles diagnostiquées entre 1990 et 1999. Et ceci est valable tant pour les tumeurs à récepteurs d’œstrogènes positifs pour lesquelles on applique un traitement endocrinien d’au moins 5 ans (hormonothérapie), que pour les tumeurs à récepteurs d’œstrogènes négatifs.
Plus précisément le risque de récidive à distance persiste, mais il est moindre que pour les femmes diagnostiquées dans les années 90.
Pour les femmes atteintes d’une maladie à récepteurs d’œstrogènes négatifs, la majorité des récidives se sont produites au cours des 5 premières années suivant le diagnostic.
CAUSES DE LA REDUCTION du taux de récidives depuis les années 2000
Selon les auteurs, les résultats des essais se sont améliorés au fil du temps dans les cancers à récepteurs hormonaux positifs et négatifs.
Les cancers du sein avec récepteurs hormonaux positifs présentent, sur les parois des cellules cancéreuses, des récepteurs à oestrogène ou à progestérone. Ces cancers ont un pronostic plus favorable car la tumeur est encore sensible à l’action des oestrogènes et ces tumeurs sont accessibles aux traitements par hormonothérapie. Ces traitements, comme le Tamoxifène par exemple, agit en bloquant les récepteurs hormonaux de la cellule cancéreuse, l’empêchant de croître sous l’effet des oestrogènes sécrétés par les ovaires, ou par les surrénales après la ménopause.
La majeure partie (80–90 %) de cette amélioration des taux de récidives peut s’expliquer par une combinaison de deux facteurs : un plus grand recrutement de femmes à faible risque dans les essais modernes ; et de meilleures thérapies adjuvantes.
« La proportion de femmes atteintes d’une maladie sans envahissement ganglionnaire participant aux essais a augmenté au fil du temps, ce qui représente entre un tiers et la moitié de l’amélioration des résultats », expliquent les auteurs. « Ce changement a coïncidé avec la généralisation du dépistage mammographique et la sensibilisation accrue au cancer du sein. Un diagnostic et une thérapie plus précoces pourraient permettre d’obtenir des résultats thérapeutiques supérieurs, mais pourraient également entraîner un biais de délai et de surdiagnostic« .
En effet, nous savons qu’un dépistage massif augmente la proportion de cancers certes précoces et de très bons pronostic, mais dont la détection pourrait être inutile car ils n’auraient, non détectés, de toute façon pas mis en danger les femmes.
Il se peut donc que ces bons résultats soient amplifiés par des traitements de cancers de très faible malignité qui auraient pu ne jamais être découverts ni traités, augmentant artificiellement ces bons résultats, puisque de toute façon ces tumeurs n’auraient ni récidivé ni nui.
Une autre explication possible est une « stadification plus précise des tumeurs résultant de l’amélioration de la précision du diagnostic. »
(La stadification est une façon de classer un cancer selon l’étendue de la maladie dans le corps. Le stade se base souvent sur la taille de la tumeur, l’atteinte ganglionnaire et la propagation du cancer à partir de son emplacement d’origine vers d’autres parties du corps (métastases)).
Il s’agit de l’effet bien connu dit de Will Rogers-
En améliorant la détection d’un cancer on fait « migrer » des personnes bien portantes vers le groupe des personnes dites malades. La durée moyenne de vie (ici la durée sans récidive) du groupe bien portant est logiquement améliorée par le retrait de ces personnes « intermédiaires ». Mais ces mêmes personnes, dont on a changé le stade, viennent aussi améliorer le niveau de santé du groupe malade, car elles le sont moins qu’eux.
Ainsi pour le cancer du sein, si le système de détection permet du dépistage de stades de cancers de plus en plus bas, certaines femmes passeront ainsi du groupe des sujets en bonne santé vers le groupe des sujets malades, puisque on diminue le seuil à partir duquel on est considéré comme « malade », même avec une lésion très petite et/ou de très bas stade de malignité dont on sait qu’elle aurait très peu de chance d’évoluer, ou de récidiver.
À travers ce changement, la moyenne de la durée de vie augmentera paradoxalement dans les deux groupes (le non-malade, puisqu’on a retiré des femmes porteuses de lésions de très bas grades, et le groupe malade, puisqu’on y a inclus des sujets avec des stades de maladie très bas), et cela quel que soit le traitement que l’on fera. On aura ainsi tendance à conclure à l’efficacité du traitement, alors que c’est un problème d’un critère d’inclusion dans les groupes qui a changé.
Le système de stadification du cancer du sein a subi un changement substantiel en 2009 disent les auteurs. « Il est également possible que les changements dans les méthodes d’évaluation de l’atteinte des ganglions lymphatiques au fil du temps (dissection, échantillonnage et biopsie du ganglion sentinelle) aient pu modifier les estimations du pronostic entre les différentes catégories de statut ganglionnaire axillaire. Les méthodes d’analyse des tests de biomarqueurs tumoraux, y compris le récepteur des œstrogènes et HER2, ont également évolué au cours des quatre dernières décennies. » De plus la conception de certains essais a pu elle aussi changer.
« Cependant », dit l’étude, »la détection des tumeurs à un stade plus précoce ne peut pas être le seul facteur, car les améliorations ont persisté même après ajustement en fonction de la taille de la tumeur et de l’atteinte ganglionnaire. »
Ce qui attesterait en grande partie de l’efficacité thérapeutique.
RESULTATS ENCOURAGEANTS ET UNE BONNE NOUVELLE pour les femmes
La conclusion des auteurs est la suivante :
« Dans l’ensemble, ces mises en garde soulignent la nécessité de faire preuve de prudence en s’appuyant sur les rapports d’essais cliniques pour explorer les tendances en matière de résultats pour les patients. Toutefois, une étude récente portant sur des données réelles a fait état de résultats remarquablement similaires aux nôtres, avec une amélioration de la survie globale au fil du temps pour les patientes atteintes d’un cancer du sein nouvellement diagnostiqué en Angleterre. »
Nous avions parlé de cette étude ici, mettant en évidence que le risque de décès par cancer du sein est en baisse pour toutes les femmes, dépistées ou non.
Les auteurs affirment :
« Pour éviter les facteurs de confusion, nous avons étudié l’influence d’autres raisons possibles de l’amélioration du pronostic dans cet ensemble de données. Outre les changements dans les caractéristiques des patients et des tumeurs, entre un tiers et la moitié de l’amélioration peut être expliquée par des changements dans la thérapie. »
A l’avenir, les améliorations apportées aux thérapies contre le cancer et la prise en charge des patientes atteintes que l’on constate aujourd’hui et au cours des 30 dernières années ont bel et bien réduit la mortalité. Plus les traitements contribuent à réduire la mortalité d’une maladie, plus l’intérêt de son dépistage, surtout s’il comporte autant d’inconvénients que celui du cancer du sein, devient marginal. On assiste à une érosion de la balance bénéfices-inconvénients du dépistage par mammographie et à une réduction du rapport bénéfice-risque du dépistage.
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