Actualisation des recommandations canadiennes sur le dépistage mammographique

Par Cancer Rose, le 29 mai 2024

Publication des recommandations canadiennes

Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs (Groupe d’étude canadien) a été créé par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour élaborer des lignes directrices pour la pratique clinique qui viennent soutenir les fournisseurs de soins de santé primaires dans la prestation de soins de santé préventifs.

Recommandations du groupe canadien sur le dépistage mammographique
Synthèse, selon les tranches d’âge :

  • Pour les femmes âgées de 40 à 49 ans, d’après les données actuelles (essais, études observationnelles, modélisation et un examen des valeurs et des préférences), nous suggérons de ne pas procéder à un dépistage systématique par mammographie. Étant donné que les valeurs et les préférences individuelles peuvent varier, les personnes qui souhaitent un dépistage après avoir été informées des bénéfices et des préjudices devraient se voir proposer un dépistage tous les deux ou trois ans (recommandation conditionnelle, données de très faible certitude).
  • Pour les femmes âgées de 50 à 74 ans, d’après les données actuelles (essais, études observationnelles, modélisation et un examen des valeurs et des préférences), nous suggérons un dépistage par mammographie tous les deux ou trois ans. Comme les valeurs et les préférences individuelles peuvent varier, il est important que les femmes âgées de 50 à 74 ans soient informées des bénéfices et des préjudices du dépistage pour prendre leur décision (recommandation conditionnelle, données de très faible certitude).
  • Pour les femmes âgées de 75 ans et plus, d’après les données actuelles (études observationnelles et modélisation; aucun essai disponible), nous suggérons de ne pas effectuer de dépistage par mammographie (recommandation conditionnelle, données de très faible certitude).

Outils de décision

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Pour les femmes de la tranche d’âge 50-59 ans

Pour les femmes de la tranche d’âge 60-69 ans


Les recommandations étatsuniennes précédentes avaient fait couler beaucoup d’encre et avaient suscité beaucoup de contestations, car elles préconisaient le début du dépistage dès 40 ans, non pas pour des raisons scientifiques mais pour des raisons d’équité raciale, les femmes noires étant exposées et souffrant davantage de cancers du sein. Pourtant aucune donnée ne vient appuyer la pertinence de débuter ce dépistage mammographique, potentiellement délétère, chez des femmes plus jeunes. La solution pour ces groupes de femmes malheureusement davantage exposées à la maladie ne se trouve pas dans un dépistage majoré.
Nous avions parlé de ces nouvelles préconisations aux USA et du débat qui les accompagne ici : https://cancer-rose.fr/2023/09/17/abaisser-lage-du-depistage-une-boite-de-pandore/
L’élaboration des lignes directrices canadiennes est basée sur une analyse systématique des preuves scientifiques. Elles sont plus prudentes et prônent avant tout un choix éclairé des femmes, après qu’elles ont été informées des risques, maintenant connus, du dépistage mammographique.

Des recommandations qui s’appuient sur le choix personnel

D’après un article de M.Larkin, synthèse et traduction Cancer Rose

Quelles ont été les méthodes ?

Selon les nouvelles lignes directrices du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs, les inconvénients et les avantages potentiels doivent être évalués avec soin avant que les femmes et leurs médecins ne décident d’un dépistage du cancer du sein.

Le projet de lignes directrices découle de l’examen de plus de 165 essais contrôlés randomisés récents, d’études d’observation, de modèles mathématiques et d’autres données.
Le groupe de travail sur les lignes directrices comprenait quatre experts du cancer du sein (un oncologue médical, un radio-oncologue, un chirurgien-oncologue et un radiologue), trois patientes partenaires, six médecins de famille, une infirmière praticienne, des équipes d’examen des données probantes et d’autres experts.
Pour éviter les conflits d’intérêts potentiels, les oncologues ont apporté leur contribution mais n’ont pas voté sur les recommandations finales, a déclaré à Medscape Medical News Guylène Thériault, médecin de famille et présidente du groupe d’étude et du groupe de travail sur le cancer du sein.

Les lignes directrices recommandent que, après avoir considéré les avantages et les inconvénients potentiels du dépistage et informé les femmes, la mammographie tous les deux ou trois ans reste accessible aux femmes âgées de 40 à 74 ans sans risque accru.

Les femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux importants de cancer du sein ou des mutations génétiques qui augmenteraient le risque de cancer du sein, celles qui présentent des symptômes, comme une grosseur, celles qui pensent être à haut risque et celles qui sont des femmes transgenres devraient consulter un prestataire de soins de santé sur les options appropriées, selon les lignes directrices mises à jour, qui ne s’appliquent pas à ces patientes.

Le projet de lignes directrices a été publié en ligne le 30 mai et est ouvert aux commentaires du public jusqu’au 30 août.

Trois grandes questions posées

Pour élaborer les lignes directrices, le groupe de travail s’est posé « trois grandes questions », a expliqué Guylène Thériault, médecin de famille et présidente du groupe d’étude et du groupe de travail sur le cancer du sein.

La première concernait l’efficacité du dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 40 ans et plus. Pour cette question, cette revue systématique, contrairement à la mise à jour des lignes directrices de 2018, incluait non seulement des essais randomisés mais aussi des données d’études observationnelles pour s’assurer que le groupe de travail prenait en compte toutes les données disponibles.

La deuxième question portait sur l’efficacité comparative, c’est à dire en examinant ce qui se passe si nous commencions à dépister les patientes à l’âge de 40 ans ? Ou à 50 ans ? Que se passe-t-il si nous arrêtons le dépistage à l’âge de 74 ans ? Ou si nous utilisons des tests différents, comme la mammographie 3D par rapport à la mammographie numérique?
Le groupe de travail s’est appuyé sur les preuves trouvées par l’USPSTF après les avoir classées selon ses propres critères. Les résultats sont similaires, tout comme les recommandations dans ce domaine. « Par exemple, nous ne recommandons pas de dépistage supplémentaire pour les femmes ayant des seins denses parce qu’il n’y a pas d’études permettant de déterminer les avantages pour les patientes. » Explique Dr Thériault-

La troisième question portait sur les valeurs et les préférences des femmes en matière de dépistage du cancer du sein, un aspect que les États-Unis n’ont pas examiné. « Nous avions examiné cette question en 2018, et cette fois-ci, même si nous avons élargi le type d’études, nous avons reçu le même message : Il y a des différences entre les femmes dans la quarantaine et celles qui ont 50 ans et plus. »
« La majorité des femmes dans la quarantaine pensent que les inconvénients l’emportent sur les avantages et ne sont pas intéressées par le dépistage », a déclaré Mme Thériault. « Mais quand je dis la majorité, il ne s’agit pas de toutes les femmes. Nous avons donc dû reconnaître qu’il existe une certaine variabilité. La majorité des femmes âgées de 50 à 74 ans, mais pas toutes, pensent que les avantages sont supérieurs aux inconvénients. C’est pourquoi nous disons dans notre recommandation qu’entre 40 et 74 ans, c’est un choix personnel ».

Les objections

Il n’est pas surprenant que le groupe de travail ait entendu des objections à son projet de lignes directrices. La première est que les femmes âgées de 40 à 49 ans se voient refuser des mammographies, a déclaré Michelle Nadler, médecin oncologue au Princess Margaret Cancer Centre à Toronto, Ontario, Canada. « Cette [objection] a été très médiatisée, ce qui est regrettable, car les personnes qui n’ont pas lu les lignes directrices peuvent croire que c’est vrai », a-t-elle déclaré. « Les lignes directrices indiquent clairement qu’une femme éligible et informée de ce groupe d’âge qui souhaite une mammographie de dépistage doit en bénéficier. »

La deuxième objection fréquemment entendue est que le groupe de travail surestime les inconvénients du dépistage, tels que l’anxiété et le surdiagnostic, a-t-elle déclaré. Mais le résultat « anxiété » n’a pas été pris en compte dans la ligne directrice. Le surdiagnostic a été calculé sur la base de la littérature, et les estimations ont été converties en un dénominateur commun afin de pouvoir être comparées, a déclaré Nadler. Il en va de même pour les bénéfices.

Une autre objection est que le dépistage pourrait réduire la nécessité d’une chimiothérapie ou d’un curage axillaire complet, a déclaré M. Nadler.
Mais la task force n’a pas trouvé d’études primaires évaluant ces résultats.

Les critiques ont également affirmé que les recommandations ne tenaient pas compte des variations raciales ou ethniques. Bien que des recherches supplémentaires soient probablement nécessaires dans ce domaine, « la task force affirme que les individus devraient être informés de tous leurs facteurs de risque de cancer du sein, y compris leur race/ethnie, et que cela devrait être pris en compte dans les décisions relatives au dépistage », a déclaré Mme Nadler.

« J’ai été très surpris que certaines parties accusent le groupe de travail de paternalisme », a ajouté René Wittmer, MD, professeur adjoint de médecine familiale à l’Université de Montréal et président de Choosing Wisely Quebec, Montréal, Québec, Canada.
« À mon avis, l’importance qu’ils accordent à la prise de décision partagée va à l’encontre du paternalisme médical et vise à permettre aux femmes de prendre une décision qui corresponde à leurs valeurs et à leurs préférences. »

Des aides à la décision, ou ‘outils d’aide à la décision

Une fois les lignes directrices finalisées, des aides à la décision seront mises à la disposition des patientes et des prestataires de soins afin d’orienter les discussions sur le dépistage, a déclaré Mme Nadler, oncologue à Ontario. « Les prestataires de soins primaires doivent connaître les facteurs de risque personnels de cancer du sein d’une personne pour savoir si elle présente un risque moyen, supérieur à la moyenne ou élevé de cancer du sein au cours de sa vie. Ces lignes directrices ne s’appliquent pas aux personnes dont le risque de cancer du sein au cours de la vie est supérieur à 20 %.
« Les normes de communication des risques sont des nombres absolus sur un dénominateur commun*« , a-t-elle fait remarquer. « C’est ainsi que les prestataires de soins primaires abordent d’autres sujets importants tels que le sevrage tabagique, les maladies cardiovasculaires (et les décisions concernant les médicaments à base de statines) et le risque d’ostéoporose. Ces mêmes normes devraient s’appliquer au dépistage du cancer du sein. »
*Cela signifie qu’on doit s’efforcer, pour une meilleure compréhension des résultats, donner ceux-ci sous forme de « vraies personnes » représentées, dans un visuel à points (chaque point étant une personne), au sein d’un groupe d’individus qui représentent le dénominateur. Ce groupe d’individus sur lequel est représenté chaque résultat doit avoir le même nombre pour les dépistées et les non dépistées, afin de faciliter la comparaison pour la patiente qui souhaite s’informer et comprendre. Par exemple : X fausses alertes sur 1000 personnes.

En outre elle ajoute : « les prestataires de soins doivent être conscients que les personnes issues de communautés marginalisées peuvent bénéficier de plusieurs entretiens jusqu’à ce qu’elles soient en mesure de prendre une décision sur le dépistage qui leur convienne. »

« Il existe des preuves solides montrant que la plupart des progrès que nous avons observés dans les résultats du cancer du sein (c’est-à-dire la réduction de la mortalité due au cancer du sein) sont probablement dus à des améliorations dans le traitement, et non au dépistage« , a déclaré René Wittmer. « En fait, les réductions de la mortalité sont observées même dans les groupes d’âge ou les pays où il n’y a pas de dépistage systématique. Cela signifie que les femmes bénéficient des progrès des traitements, qu’elles choisissent de se faire dépister ou non ».


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