article actualisé le 5 novembre 2022
Ce sont de petits dépôts calciques dans le sein dont la découverte est de plus en plus fréquente avec l’amélioration des technologies de mammographie.
Lorsqu’on les découvre, on étudie leur forme, leur nombre, mais aussi leur groupement, leur topographie (où dans le sein se trouvent-elles), leur taille, leur morphologie et la morphologie de leur regroupement.
Les calcifications peuvent être intra-galactophoriques (dans les canaux lactifères du sein), vasculaires (dans les vaisseaux du sein), se situer dans l’épithélium qui borde le canal lactifère du sein, ou encore dans le tissu de soutien du sein.
En pratique mammographique, on peut distinguer trois grands cas de figures : les calcifications typiquement bénignes, les calcifications typiquement malignes, et les situations intermédiaires.
Le contexte clinique bien entendu doit être pris en compte pour juger de la malignité ou de la bénignité des images. Par exemple, un nodule typiquement malin cliniquement et échographiquement, avec quelques calcifications non inquiétantes en bordure ne doit pas faire ignorer les autres arguments de lésion suspecte. Inversement aussi, s’il n’y a rien cliniquement, mais qu’il existe des calcifications très inquiétantes, elles doivent amener à poursuivre le bilan et à prélever, le cas échéant.
La classification ACR de votre bilan sénologique sera conditionnée par la présence des microcalcifications et de leur morphologie.
ACR 2 signifie des calcifications typiquement et avec grande certitude bénignes.
Les classifications ACR 4 et 5 demandent une biopsie car très probablement (pour ACR4) et assurément (pour ACR 5) malignes.
ACR 3 correspond à une situation non typiquement maligne mais nécessitant un suivi et d’être recontrôlée, par exemple un foyer de calcifications sans argument inquiétant mais qui n’était pas présent antérieurement, ou un foyer existant qui s’est un peu modifié.
Nous verrons par la suite les difficultés et les pièges de ces situations.
Les calcifications en mammographie systématique :
► Elles sont présentes dans 30 % des mammographies !
► elles sont à l’origine de la découverte de :
– 70 % des petits cancers infiltrants de moins de 5 mm
– 90 % des in situ
Nous reviendrons sur le problème des lésions in situ plus bas dans l’article, et ce que sa découverte sur une mammographie signifie pour une patiente.
Les ACR 2- bénignité quasi certaine
► Elles épousent la morphologie d’une structure anatomique identifiable :
► Micro-ou macrocalcifications : un adénofibrome, une paroi de kyste (calcifications cupuliformes ou arciformes, sédimentées au fond du kyste), une ectasie canalaire sécrétante, une mastite à plasmocytes, un vaisseau, une cicatrice de chirurgie.
► Macro ou microcalcifications arciformes sédimentées (souvent dans des microkystes).
► Microcalcifications cutanées.
Les ACR 5-malignité quasi certaine
Anomalie très suspecte, nécessitant une exérèse chirurgicale
► Microcalcifications vermiculaires, arborescentes, comme des branches…
► Opacité avec des microcalcifications en son sein
► Microcalcifications groupées ayant augmenté en nombre d’un contrôle à l’autre
► Groupement de calcifications qui suivent un trajet galactophorique, ou disposés en triangle comme suivant un secteur de canaux galactophoriques.
► Le dégradé de taille et de densité du centre vers la périphérie d’un amas de calcifications avec un aspect sale délavé des calcifications les plus distales, est un signe très évocateur de malignité.
Les ACR 4, probablement malignes
Il s’agit d’anomalie considérée comme indéterminée ou suspecte nécessitant une vérification histologique :
* Microcalcifications punctiformes régulières nombreuses et ou groupées en amas ni ronds ni ovales
* Microcalcifications poussiéreuses nombreuses et groupées
* Microcalcifications irrégulières, polymorphes, peu nombreuses
Classer en ACR 4 veut dire qu’il y a une anomalie suspecte, qu’il faut vérifier. C’est parfois un cancer, mais pas forcément. ACR4 implique donc d’office une biopsie, sous échographie (micro-biopsie) ; pour les microcalcifications, uniquement visibles en radiographie, ce sera sous contrôle radiographique, par une procédure appelée mammotome (macro-biopsie), ou parfois directement par biopsie-exérèse si le foyer est assez petit pour être retiré dans son ensemble sous mammotome.
On suspecte bien un cancer mais au final, on peut s’être trompé ; ou il peut s’agir d’un cancer faiblement évolutif, ou encore d’un cancer très agressif ; le type de l’image qui nous a amenés à classer en ACR4 ne dit rien sur l’agressivité ou non du cancer, si ce qu’on a biopsié en est bien un !
En raison d’ailleurs de ces incertitudes une sub-division de cette classification ACR4 a été effectuée, avec attribution d’une fourchette de probabilité de cancer à chacune des subdivisions.
ACR 4 | Anomalie suspecte, une biopsie doit être envisagée |
ACR 4A | Valeur prédictive positive faible (2-10%) |
ACR 4B | Valeur prédictive positive intermédiaire (10-50%) |
ACR 4C | Valeur prédictive positive forte (>50%) |
voir tableau ici : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/cancer-du-sein-acr3-acr4-acr5/
Mais en dehors des ACR 2 et des ACR 5, qu’en est-il des autres calcifications ?
C’est là où les choses se compliquent.
Aucun des caractères suivants :
-forme ronde ou ovalaire du foyer
– présence de foyers multiples à morphologie identique
– stabilité dans le temps
► ne sont suffisants pour assurer avec certitude absolue la bénignité.
Le caractère multifactoriel des informations à synthétiser empêche tout classement rigide.
Il existe des variétés infinies de transition pour chaque description. La forme, la taille, le nombre dépendent de la technique, du support de l’information et de la densité hydrique du sein.
Les tentatives de codifications ont abouti à un échec, et nous sommes à présent devant un très gros problème de conduite à tenir devant ces images intermédiaires, dont on ne sait pas toujours quoi faire avec certitude.
Dans ces situations, les lecteurs et relecteurs « experts » ne sont d’accord que dans la moitié des cas.
Il arrive alors souvent que des femmes se retrouvent dans un parcours de « surveillance » plus rapprochée, de clichés supplémentaires, de consultation démultipliées, et elles témoignant toutes du stress engendré, du désagrément généré par ces examens répétés nécessitant leur mise en disponibilité et leur organisation dans leurs activités professionnelles, contraignantes.
Avec l’élévation du niveau d’angoisse des multiples campagnes dites de « sensibilisation », avec les slogans médiatisés selon lesquels « chaque minute compte », on délaisse de plus en plus l’attitude attentiste qui consiste à suivre et à recontrôler les foyers de microcalcifications, (selon ce qui est généralement préconisé, une fois dans 6 mois puis une troisième fois à un an*).
Actuellement ce qu’on constate sur le terrain, c’est que la classification ACR 3, (de surveillance), disparaît progressivement au profit d’une sur-classification « au cas où »
vers l’ ACR 4, qui est maintenant un véritable fourre-tout, qui conditionnera et justifiera pour la patiente une vérification histologique, donc une biopsie, avec la mise en place d’un clip de repérage pour le chirurgien, au cas où une intervention s’ensuivrait.
En effet, devant l’inquiétude accrue à la fois du médecin, alarmé d’une possible judiciarisation si jamais il n’alerte pas très tôt, et celle de la patiente, persuadée que la moindre attente pourrait lui coûter la vie, l’examen est volontiers surclassé d’ACR3 en un ACR 4, et c’est ainsi que le nombre de prélèvements par biopsies percutanées a augmenté de façon exponentielle.
Parallèlement, on observe une baisse du rendement biopsique ( nombre de cancers diagnostiqués / nombre de biopsies pratiquées), il s’établit autour de 30%. Il était, il y a moins de 10 ans, à plus de 50%.
* le référentiel (page 21) est le suivant :
Lésions classées ACR 3 => Pas d’indication à des prélèvements systématiques mais à une surveillance rapprochée: Surveillance à 6 mois pour les calcifications et à 4 mois pour les masses – En cas de stabilité lors de ce premier suivi => nouveau bilan rapproché à 1 an, puis à 2 ans du 1er examen :
o Une stabilité lésionnelle sur 2 ans permet de reclasser la lésion en bénigne ACR2
o La constatation d’une évolutivité en taille (>10%) ou d’apparition de critères morphologiques péjoratifs durant ce suivi fait classer la lésion au minimum en ACR4
Même, la mammographie ayant une sensibilité accrue aux calcifications il peut s’agir d’une primo-découverte de ces calcifications lors de la toute première radiographie. On a lors tendance d’emblée à réaliser une biopsie pour se rassurer, mais cela alimente les examens inutiles, les fausses alertes et un stress important chez les patientes.
Autrement dit, on biopsie de plus en plus des lésions bénignes, alors qu’un simple suivi et recontrôle aurait suffi pour infirmer la suspicion d’un cancer.
Récapitulatif de la classification ACR des calcifications.
VPP = valeur prédictive positive, ou probabilité que le la femme dépistée soit réellement malade quand le test de dépistage est positif. Cela répond à la question « Docteur, avec cette anomalie trouvée, quel est le risque que j’aie vraiment un cancer du sein ? »
Le cas du carcinome in situ
Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS (carcinome canalaire in situ) présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes si elles ne sont pas détectées, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt comme un facteur de risque de cancer du sein.
Les CIS alimentent largement les surdiagnostics. En France ils sont traités comme les « vrais » cancers avec chirurgie et radiothérapie. (Référentiel page 55)
Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent.
Et l’IRM ?
En raison de sa faible spécificité ( probabilité que la mammographie de dépistage reste négative quand la femme dépistée n’est effectivement pas malade), l’IRM, notamment chez des femmes jeunes, peut être positive sur des foyers de calcifications alors que la patiente n’est pas porteuse de cancer.
Cet examen peut alors générer des faux positifs qui liés à des anomalies bénignes du sein (mastopathies diverses), ou au contraire des faux négatifs en dépit de la présence d’un carcinome in situ.
L’IRM n’est pas adapté dans le cas des microcalcifications.
Des images
Un cours
Pour les intéressées, pour les sages-femmes, médecins, étudiants, le cours de Dr Bernard Duperray, ancien chef du service d’imagerie de l’hôpital Saint Antoine, Paris : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/cours-calcifications-du-sein/
Et aussi : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/fausses-microcalcifications/
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