Qu’est-ce que le cancer ?

Un cancer c'est une multiplication anarchique et incontrôlée de cellules, échappant alors aux mécanismes de régulation de l'organisme qui en assurent l'organisation et le développement harmonieux.

  • Cancer et cancer

Dans l’esprit du public, un cancer et des cellules cancéreuses c’est la même chose. Eh bien non. Des cellules cancéreuses nous en fabriquons tous les jours, des centaines, et heureusement notre immunité en vient à bout. Parfois, nos défense sont dépassées, et là il se peut qu’un cancer se développe.

  • De la cellule au nodule

Parfois ces cellules s’amassent en petits nodules ou tumeurs (petites boules) cancéreuses. Ces tumeurs peuvent croître, ou rester latentes du vivant de la personne, et même disparaître. Dans des situations plus rares, ces cellules échappent à tout contrôle, se multiplier, envahir l’organisme et conduire au décès du patient.

  • Des cellules, chez tout le monde !

Dans le cas de la prostate par exemple, chez l'homme, des cellules c’est d’une très grande banalité. La moitié des hommes de plus de 60 ans, et presque tous les hommes de plus de 90 ans ont des cellules cancéreuses dans leur prostate. 80% des hommes de plus de 80 ans ont un cancer muet.

Dans le cas du cancer du sein, une étude sur des autopsies de femmes décédées d’autre chose montre que 37% des femmes sont porteuses de cancers inexprimés entre 40 et 54 ans, 39% entre 40 et 49 ans. Sur 686 femmes autopsiées, décédées d’autre cause que le cancer : le taux de tumeurs trouvées dans les seins est de 4X celui de la population vivante, dans le même temps de l’étude. Ces tumeurs sont restées « silencieuses »

Il faut remettre les choses en perspective :

Sur 100 décès de femmes, il y en a 4 par cancer du sein, 20 par autre cause de cancer, 30 par maladie cardio-vasculaire. (réf. : Hill C. Dépistage du cancer du sein. Presse med. 2014 mai;43(5):501–9.)

Les deux seuls critères pour évaluer l'efficacité d'un dépistage d'un cancer sont :

  • une diminution significative de la mortalité par ce cancer,
  • une chute du taux des cancers avancés.

Voir la présentation :

Les facteurs de risque

Pour certains cancers, les facteurs de risque sont facilement identifiables : l'amiante pour le mésothéliome (un cancer de la plèvre), le tabac, pour le cancer broncho-pulmonaire.

Dans le cadre du cancer du sein les choses sont plus complexes. Il y a les facteurs de risque connus, ceux probables, et les facteurs dits 'protecteurs'.

Les facteurs de risque reconnus comme tels :

✹  l’âge (cancer statistiquement plus fréquent au-delà de 50 ans) ;
✹  le sexe (cancer très nettement plus fréquent chez la femme) ;
✹  les personnes ayant une prédisposition génétique (altération du gène BRCA1 ou BRCA2, dont la fonction est de réparer des lésions de l’ADN que la cellule du sein a pu subir) ;
✹  des examens irradiants répétés de la zone thoracique (radios, scanners).

Les facteurs de risque possibles seraient pour certains sans certitude absolue :

✹ l’obésité ;
✹ l’activité physique insu sante ;
✹ la prise de contraceptifs œstroprogestatifs (la pilule)
✹ un environnement industriel ou agricole nocif ;
✹ le travail en horaires décalés et le travail de nuit ;
✹ le tabagisme, actif ou passif
✹ la consommation d’alcool ;
✹ une puberté précoce ;
✹ une première grossesse tardive ;
✹ le choix de l’allaitement artificiel
✹ une ménopause tardive ;
✹ la prise d’un traitement hormonal de la ménopause

Les facteurs de protection sont :

✹ des premières règles tardives ;
✹ un premier enfant avant l’âge de 20 ans ;
✹ l’allaitement maternel ;
✹ l’activité physique régulière.
✹ La supplémentation en Vit D réduirait également le risque de cancer du sein

Extrait du livre "Mammo ou pas mammo?", Ed. T.Souccar, pages 20/21

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Qu’est-ce que « l’histoire naturelle du cancer » ?

Le terme histoire naturelle du cancer désigne l'évolution de la maladie du début jusqu'au bout si on n'intervient pas et qu'on ne fait rien.

Un premier modèle théorique

Pour le cancer du sein, on a longtemps adhéré à une théorie de progression linéaire et mécaniciste du cancer, comme le schéma ci-dessous le montre.

On appelle cela le schéma halstédien, du nom d'un chirurgien nord-américain, William Halsted (1852-1922) qui théorise cette vision, intuitive et confortable.
Mais les connaissances évoluent.

Ce n'est pas si simple

Et en fait, les cancers présentent un large spectre de comportement clinique ; à une extrémité du spectre se trouvent les tumeurs agressives, à progression rapide, et à l'autre extrémité les tumeurs indolentes, à progression lente ou pas de progression du tout.
Les premières (par exemple, le carcinome thyroïdien anaplasique et l'adénocarcinome pancréatique, les formes de tumeurs du sein agressives) sont souvent non résécables ou métastatiques d'emblée au moment de la détection et s'avèrent souvent de mauvais pronostic.
En revanche, les tumeurs indolentes (par exemple, certaines petites tumeurs papillaires de la thyroïde ou de la prostate, et beaucoup de tumeurs du sein de bas stade et de petite taille détectées lors de la mammographie systématique) peuvent rester asymptomatiques et ne pas évoluer au cours de la vie du patient. Ces tumeurs indolentes, si elles n'étaient jamais diagnostiquées, n'évolueraient pas au point de provoquer des symptômes ou la mort ; elles composent ce qu'on appelle le "surdiagnostic".
Le surdiagnostic a été documenté pour les petites tumeurs de la prostate, de la thyroïde, du sein et de plusieurs autres organes.
Comme les tumeurs surdiagnostiquées ne présentent aucun risque, leur traitement est inutile, exposant les patients aux risques et à la toxicité d'interventions sans bénéfice.

Il n'existe malheureusement pas de techniques fiables pour différencier le sous-ensemble qui reste indolent des tumeurs qui peuvent progresser ; par conséquent, tous les cas de tumeurs détectées sont définitivement traités avec une résection chirurgicale et/ou une radiothérapie.
Les mécanismes qui sous-tendent le comportement indolent des tumeurs et qui sont probablement en grande partie d'ordre immunitaire sont actuellement inconnus. 

Un autre modèle

Le modèle traditionnel est donc dépassé. Il est beaucoup trop simple pour représenter correctement la multitude de maladies actuellement désignées sous le nom de "cancer".

Dans les années 1960 et 1970, le chirurgien américain Bernard Fisher et l’oncologue italien Umberto Veronesi ont remis en question le point de vue de Halsted sur la progression ordonnée du cancer.
Il ont émis l'hypothèse que le cancer du sein pouvait être une maladie systémique dès le départ : les cellules tumorales pouvaient être disséminées dans tout l'organisme au moment de la détection.
Des recherches récentes en génomique du cancer suggèrent que l'hypothèse de Fisher et de Veronesi s'étend au-delà du cancer du sein. Dans une analyse de 118 biopsies provenant de 23 patients atteints de cancer colorectal et présentant des métastases à distance, il a été estimé que la dissémination se produisait bien avant que la tumeur primaire ne soit suffisamment importante pour être cliniquement détectable.
Hu Z, Ding J, Ma Z, Sun R, Seoane JA, Scott Shaffer J, et al. Quantitative evidence for early metastatic seeding in colorectal cancer. Nat Genet. 2019;51:1113–22.

Ces cancers agressifs, "nés pour être mauvais", échapperaient à tout effort de détection précoce réalisable, et pourtant ce sont ceux qui sont les plus susceptibles de causer la mort.

Les cancers situés à l'autre extrémité du spectre de croissance sont devenus de détection massive avec l'avènement du dépistage généralisé du cancer de la prostate aux États-Unis dans les années 1990. Certains cancers localisés de la prostate se développent si lentement qu'ils ne sont pas destinés à provoquer des symptômes avant que le patient ne meure en raison de risques de décès concurrents, en particulier chez les hommes plus âgés.
Welch HG, Albertsen PC, Nease RF, Bubolz TA, Wasson JH. Estimating treatment benefits for the elderly: the effect of competing risks. Ann Intern Med. 1996;124:577–84.

Par ailleurs, certaines lésions, cancéreuses sous le microscope, peuvent ne pas évoluer du tout. Le même phénomène est apparu dans les essais randomisés de dépistage du cancer du poumon par radiographie pulmonaire.
Black WC. Overdiagnosis: an underrecognized cause of confusion and harm in cancer screening. J Natl Cancer Inst. 2000;92:1280–2.
Des observations ultérieures suggérant que certains cancers du sein, de la thyroïde et du rein régressent ont ajouté à la complexité de la situation.

En d'autres termes, certains cancers du sein, du côlon et du poumon sont déjà systémiques lorsqu'ils sont détectables, tandis que d'autres ne sont pas destinés à former des métastases.

Les observations, les recherches, les études, les constatations en pratique clinique et les connaissances de la cancérologie moderne nous proposent un autre schéma, un modèle contemporain de progression du cancer plus complexe et plus hétérogène.

Il s'agit plutôt d'un buisson de possibilités, avec des cancers qui progressent très vite et sont d'emblée métastatiques et mortels, d'autres très lents et qui ne progressent pas, voire régressent, et d'autres qui évoluent tranquillement, donnant lieu un jour à la patiente un symptôme clinique qui l'amènera à consulter.  

Dans la FAQ https://cancer-rose.fr/2021/10/23/comment-se-developpe-un-cancer/, nous vous expliquons comment le dépistage intervient sur chaque différente forme de cancer.

Pour les cancers régressifs : Il est rare que l’on observe des régressions, non pas parce qu’elles sont rares, mais parce que leur observation est difficile, car dès qu’on décèle un cancer, très logiquement on le traite. Il y a donc peu d’occasions de réellement constater le phénomène.
Par exemple, il a pu être observé chez des femmes sur le point d’être opérées de leur cancer, mais dont l’intervention chirurgicale a été différée en raison de la survenue d’une autre maladie plus urgente à traiter. Ces cas de régression existent bel et bien, et pas seulement pour le cancer du sein d’ailleurs.
* Tokunaga E, Okano S, Nakashima Y, Yamashita N, Tanaka K, Akiyoshi S, et al. Spontaneous regression of breast cancer with axillary lymph node metastasis: a case report and review of literature. Int J Clin Exp Pathol. 2014; 7(7): 4371-80.
* Onuigbo WIB. Spontaneous regression of breast carcinoma: review of English publications from 1753 to 1897. Oncol Rev. Oct 2012; 6 (2): e22.
* Ricci SB, Cerchiari U. Spontaneous regression of malignant tumors: Importance of the immune system and other factors (Review). Oncol Lett. Nov 2010; 1(6): 941-5.

L'histoire naturelle du cancer est donc extrêmement complexe et imprévisible, et ne peut être résumée dans des slogans fallacieux des campagnes roses comme "plus petit c'est mieux c'est". Cet adage a fait long feu et est complètement erroné.

Quelques images :

En résumé

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Références :

Pandey A, Linxweiler M, Kuo F, Marti JL, Roman B, Ehdaie B, Vos JL, Morris LGT. Patterns of immune equilibrium and escape in indolent and progressing tumors. Cancer Cell. 2023 Aug 14;41(8):1389-1391. doi: 10.1016/j.ccell.2023.06.003. Epub 2023 Jul 6. PMID: 37419120.

Livre "dépistage du cancer du sein, la grande illusion", de B.Duperray, Ed.T.Souccar

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Comment se développe un cancer ?

Le cancer ne se développe pas toujours comme on l'imagine, de manière linéaire et inéluctable d'une cellule vers la généralisation puis le décès.

Le modèle longtemps enseigné était celui d'une cellule qui devient hors contrôle, se multiplie de façon incontrôlée, devient une tumeur d'organe, s'étend de façon loco-régionale, puis générale pour entraîner fatalement la mort de l'organisme si on n'intervient pas.

Comment se développe le cancer du sein ?

Les données modernes de la sciences, les études épidémiologiques et les études d'autopsies permettent de concevoir d'autre modèles de croissance des cancers du sein.

On sait maintenant que le cancer du sein ne se développe pas de façon linéaire, mais qu'il existe un buisson de possibilités, avec des cancers lents, stagnants même, qui, s'ils sont méconnus, n'impacteront pas la vie ou la santé de la personne ; certains peuvent même régresser, au contraire d'autres peuvent évoluer très rapidement, et sont intrinsèquement, de par leurs caractéristiques moléculaires d'emblée agressifs, ce sont eux qui conduisent à une véritable cancer-maladie.

Les schémas ci-dessous expliquent pourquoi le dépistage a failli, avec plusieurs types de développements cancéreux.

  • Le cancer à croissance rapide, intrinsèquement agressif a une grande vélocité et un temps de séjour court dans l'organe, il sera manqué par le dépistage.  Les métastases sont souvent présentes, même si non encore visibles, dans les noeuds lymphatiques ou les organes à distance. Il est souvent gros au moment du diagnostic car rapide, gros ne signifie donc pas diagnostic tardif.
  • Le cancer très lent, stagnant, ou régressif, qui n'aurait pas impacté la vie de la patiente, a un temps de séjour très long dans l'organe et sera de ce fait préférentiellement détecté par des dépistages répétés. Son diagnostic est inutile pour la patiente, il sera pourtant traité avec la même agressivité. Il est petit au moment du diagnostic car lent ; petit ne signifie donc pas obligatoirement "précoce".
  • Le cancer qui croît progressivement sera un jour symptomatique et détecté par la patiente par l'apparition d'un signe clinique, ce cancer pourra être traité en temps et en heure, car l'évolution vers le stade de généralisation se fait dans un laps de temps très long (10, 20 à 30 années).

Avoir une tumeur cancéreuse, cela ne conduit pas automatiquement à un cancer-maladie. C'est pourtant ce qu'on fait croire aux femmes en les convaincant de les avoir guéries grâce au dépistage d'une tumeur qui ne les aurait jamais tuées. En revanche, le taux de cancers graves lui, ne faiblit toujours pas depuis qu'on dépiste.

Voir la vidéo explicative sur la mécanique du cancer :

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2019/09/09/halsted-avait-tort/

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Qu’est-ce qu’un surdiagnostic de cancer ?

Un surdiagnostic se définit comme le diagnostic histologique (c'est à dire sous le microscope) d'une "maladie" qui, si elle était restée méconnue, n'aurait jamais entraîné d'inconvénient sur la santé de la patiente durant sa vie, ni n'aurait mis en danger sa vie.

Ce n'est pas une erreur de diagnostic ni une fausse alerte. C'est réellement un cancer au vu de sa définition actuelle, qui repose uniquement sur le diagnostic d'un prélèvement d'organe (le sein) sous le microscope.

Le diagnostic est juste mais sans utilité pour la patiente. C'est la médecine qui fabrique cet excédent de "maladies". En effet, être porteur de cellules cancéreuses ne fait pas de l'individu un cancéreux- malade. Mais plus on fait de la détection, et plus on trouve.

Sa réalité est absolument irréfutable de nos jours, sa démonstration se base sur des études épidémiologiques de haut niveau de preuve, c'est une réalité comptable, partout où le dépistage existe ; le surdiagnostic n'est pas identifiable à l'échelle de l'individu, car pour l'individu concerné, ou pour le médecin qui constate la présence de cellules cancéreuses, il s'agit d'un diagnostic. Le surdiagnostic est mis en évidence par la comparaison de populations soumises à des intensités de dépistage différentes.

Quelles sont les preuves du surdiagnostic en matière de cancer du sein ?

Tout d'abord plusieurs études comparatives, dont une fondamentale qui est celle de l'Institut d'Oslo en 2008 (Zahl P-H, Maehlen J, Welch HG. The natural history of invasive breast cancers detected by screening mammography. Arch Intern Med. 2008 Nov 24;168(21):2311–6.)

Deux groupes de femmes ont été comparés, l’un dépisté tous les deux ans, l’autre examiné une seule fois au bout de six ans. Résultat : 22% de cancers en excès dans le groupe dépisté. Or, si toutes les tumeurs évoluaient en cancers perceptibles, on aurait dû trouver autant de cancers dans ces deux groupes de femmes au profil identique. Si on en trouve davantage dans le groupe dépisté tous les deux ans, cela signifie qu’il y a excès de diagnostics.

Les études d'autopsies corroborent encore ce résultat. Presque la moitié des femmes (les pourcentages varient selon les tranches d'âge), décédées d'autres causes que le cancer du sein, sont porteuses de lésions mammaires inexprimées. On trouve ce même phénomène aussi chez les hommes dans leur prostate, raison pour laquelle le dépistage systématique du cancer de la prostate n'est plus recommandé par la Haute Autorité de Santé.

Le problème du surdiagnostic est qu'il s'accompagne de surtraitement, tout cela sans aucun gain de survie pour les femmes, il n'y a aucune différence dans les chiffres de mortalité entre les groupes de femmes dépistées et non dépistés.

Mais la présence de toujours davantage de diagnostics de cancers du sein qui ne se seraient jamais manifestés, permet de justifier aux yeux des promoteurs du dépistage et des autorités de santé les résultats apparemment positifs de ce dispositif de santé.

En détectant des cancers « inoffensifs », le dépistage donne l’illusion de contribuer à des guérisons. Avec le surdiagnostic généré, le dépistage fait croire à son efficacité aux patientes présentant un cancer prouvé par l'examen au microscope certes, mais qui n'impactera pas leur santé (ces cancers surdiagnostiqués restent quiescents, n'évoluent pas ou très peu ou régressent). Ainsi, en sélectionnant des femmes non-malades, le dépistage justifie un traitement et donne l'illusion à ces femmes de les guérir d'une maladie qu'elles n'auraient jamais eue sans lui.

C'est le dépistage massif qui engendre ainsi du surdiagnostic et se nourrit de lui pour convaincre le corps médical et l’opinion publique d’une efficacité qu’il ne possède pas.

Le surdiagnostic est une source de préjudice considérable pour les femmes qui se soumettent à une mammographie de dépistage. La considération du concept de surdiagnostic du cancer par la communauté médicale a été lent, mais en 2019 il n’est plus acceptable de minimiser le poids de celui-ci, ni ses conséquences, et de continuer à ne pas en informer les principales intéressées.

Probablement dans 10 ans, si on continue de la sorte, une femme sur six sera diagnostiquée porteuse d’un cancer du sein au cours de sa vie, peut-être même plus puisqu'une femme taxée de "cancéreuse" constitue elle-même un facteur de risque familial pour sa descendance, laquelle sera encore plus incitée à se faire dépister. Avec la certitude que le dommage global induit par le dépistage ne fera qu’augmenter...

Quelles sont les conséquences du surdiagnostic?

Les conséquences sont celles du surtraitement. Toutes les lésions, surdiagnostiquées ou pas, seront traitées.

Les femmes subiront les conséquences des effets secondaires des traitements. Les mastectomies n'ont fait qu'augmenter, dans tous les pays où on dépiste (voir le chapitre dédié).
La radiothérapie présente un risque d'induction de cancers secondaires radio-induits, et augmente le risque coronarien lors de l'irradiation du sein gauche.

La chimiothérapie présente des effets secondaires connus, sur les lignées sanguines, peut entraîner des nausées, vomissements, perte des cheveux, ménopause induite etc...

L'hormonothérapie prescrite ensuite sur 4 à 5 ans en vue de diminuer le risque de récidive, dans le cas de  cancers à récepteurs hormonaux positifs, peut être bien tolérée, mais aussi entraîner fatigue, arthralgies, complications thrombo-emboliques et augmenter, pour le Tamoxifène, le risque de cancer de l'endomètre (muqueuse utérine).

Tous ces effets ont un retentissement non négligeable sur la vie affective, sociale, professionnelle, économique de la femme, sur sa santé physique et psychique.

Résumé des conséquences du surdiagnostic

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Résumé avec chiffrages et références dans le PDF :

Pour plus de détails sur les conséquences du surtraitement, lire : https://cancer-rose.fr/2021/12/05/notice-detaillee-pour-les-femmes/

Voir également l'excellent travail de synthèse sur le surdiagnostic de Dr G.Welsch, oncologue américain. : https://cancer-rose.fr/2023/10/29/depistage-detection-fortuite-et-surdiagnostic-du-cancer-un-travail-de-synthese/

Lire aussi, la définition du surdiagnostic officialisée https://cancer-rose.fr/2021/12/13/le-surdiagnostic-cest-officiel/

Le phantasme et la réalité du dépistage

Video sur le surdiagnostic

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Quelle est la différence entre fausse alerte et surdiagnostic de cancer?



La confusion entre les deux est très souvent faite, il faut bien avouer que la différence n'est pas intuitive et que la notion de surdiagnostic est relativement récente.

Revenons donc aux définitions.

LA FAUSSE ALERTE (ou faux positif)

C'est la suspicion d'un cancer, sur une image mammographique, mais qui ne se confirmera pas, mais cela seulement après d'autres examens complémentaires.
C'est donc un non-cancer, ce que l'on sait après avoir réalisé d'autres examens que la mammographie.
Ces examens supplémentaires qu'il faut rajouter pour infirmer cette suspicion peuvent être lourds, et se soldent parfois même par des biopsies dont le nombre s’est largement accru depuis qu'on dépiste, cette situation étant favorisée par la double lecture effectuée dans le cadre du dépistage (un deuxième radiologue examine les clichés réalisés dans un premier cabinet).
Connaître une fausse alerte est souvent très stressant, car la femme doit attendre parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant la confirmation de l’absence de maladie, notamment pour les résultats des biopsies, où selon les régions le délai est entre une semaine et un mois.
Son chiffrage :
Pour 1000 femmes au-dessus de 50 ans participant au dépistage pendant 20 ans, il y aurait en France environ 1000 fausses alertes conduisant à 150 à 200 biopsies inutiles.
(Revue Prescrire, février 2015/Tome 35 N°376)
Mais d'autres évaluations existent, donnant des chiffres plus élevés. Voici par exemple une évaluation australienne 1 . Elle donne un résultat sur 25 ans, période correspondant à la durée globale de dépistage dans la vie d’une femme si elle suit le dépistage de 50 à 74 ans.

Cliquez sur l'image pour agrandir

Extrait du livre "mammo ou pas mammo?" ed.Thierry Souccar

Lire aussi, les conséquences psychologiques à long termes des faux positifs.

LE SURDIAGNOSTIC

Le surdiagnostic est un vrai diagnostic de cancer, sous le microscope il y a bien des cellules cancéreuses, mais son diagnostic est inutile à la femme car ce cancer n'aurait jamais impacté sa vie ni sa santé. Ce n'est pas une erreur de diagnostic, mais une lésion inutile à détecter.

Comment le reconnait-on? A l'échelle individuelle, devant une patiente, on ne peut le savoir. Pour le médecin traitant, l'anatomo-pathologiste, le radiologue, le chirurgien, il n'y a qu'un "diagnostic". C'est pour cela que tout ce qui sera détecté chez une femme donnée sera traité.

Mais à l'échelle d'une population, et ceci est valable pour tous les dépistages, les épidémiologistes constatent qu'il y a toujours plus de diagnostics de cancers dans les populations dépistées que dans celles non dépistées2 . Et qu'il y a d'autant plus de diagnostics que la pression du dépistage dans une population est forte3.
Dans l'étude citée en référence 2 les chercheurs d'Oslo ont comparé deux groupes de femmes de même âge, l'un dépisté tous les deux ans, l'autre non dépisté et examiné au bout de 6 ans. On trouvait 22% de diagnostics de cancers en plus dans le groupe dépisté (sans compter les carcinomes in situ, voir la question qui y est consacrée). Et de plus, avec un taux de mortalité identique dans les deux groupes…
Que peut-on en déduire ? Si toutes les cellules cancéreuses, toutes les lésions cancéreuses avaient pour vocation de devenir un "cancer-maladie", on aurait les mêmes taux de femmes atteintes de cancer dans les deux groupes, dépistés et non dépistés, puisque les deux groupes étaient composés de femmes au profil identique. Et on aurait dû avoir une différence significative en terme de mortalité.
Or, ce n'est pas ce qu'on constate. Il y a donc bien, lorsqu'on ne les cherche pas, des cancers qui n'évoluent pas, ou très lentement sans impacter la vie des personnes, que l'immunité de la personne parvient à contenir de telle sorte qu'il n'y a pas d'évolution vers la maladie cancéreuse. En effet, avoir un cancer n'est pas synonyme de malade du cancer.

On dispose également d'études d'autopsies. Lors des autopsies de personnes décédées d'autres causes que de leur cancer, on voit que de nombreuses personnes portent des lésions cancéreuses en elles, inexprimées, qui sont quiescentes4.
Mais quel est le problème du surdiagnostic dans le cancer du sein, ou dans d'autres formes de cancer ? Tant mieux après tout qu'on détecte un maximum de lésions, pourriez-vous objecter…

Le premier problème est que le surdiagnostic, donc un diagnostic inutile établi chez une personne saine et qui ne se plaint de rien, sera suivi immanquablement d'un surtraitement, un traitement inutile par définition. On décrète le début d'une "maladie" dès lors que la présence de cellules cancéreuses est confirmée sous le microscope.
Mais les traitements subis pour un cancer ne sont pas anodins. Ils comportent tous des risques, dont certains mortels5 . L'argument, plutôt cynique, que la femme bénéficiera d'un traitement "allégé" parce qu'on a trouvé une lésion petite n'est pas recevable. Il ne s'agit pas de délivrer à une femme un traitement léger (dont la "légèreté", pour celles passées par là, est toute relative), mais de ne rien faire du tout si cette femme n'en avait pas besoin.
L'allègement en matière de chirurgie reste d'ailleurs à prouver, partout où on dépiste, les mastectomies ne font qu'augmenter, on ne peut en aucun cas prétendre aux femmes d'avoir moins de chirurgie grâce au dépistage6.

Notre mini-vidéo sur le surdiagnostic ici: https://www.youtube.com/watch?v=Mr995i_Hetg&feature=emb_imp_woyt

Le deuxième problème est que si on accepte d'un dispositif médical un surdiagnostic avec un effet potentiellement délétère, il faut avoir pour la population un effet bénéfique compensateur, par exemple une réduction drastique de la mortalité, un effet sur la mortalité globale de la population, une réduction drastique aussi des cancers les plus graves, les plus mortels, et comme nous l'avons vu plus haut une réduction très significative des interventions lourdes de type chirurgie et radiothérapie.
Aucun de ces effets bénéfiques attendus du dépistage n'a été atteint…. Les cancers graves échappent au dépistage car disséminés souvent d'emblée, dès leur découverte, ils possèdent des caractéristiques biologiques 7 intrinsèquement péjoratives, ils sont rapides et volumineux au moment du diagnostic car ils ont une vélocité de croissance importante8.

Nous vous convions à vous reporter ici pour une explication plus détaillée.

Le chiffrage du surdiagnostic est variable selon estimations et études.
L'évaluation la plus connue et jusqu'à présent non contestée est celle de la Collaboration indépendante Cochrane que vous trouverez reproduite sur notre affiche ici.

Cliquez sur l'image pour agrandir

Il s'agit du résultat d'une méta-analyse, c'est à dire d'une analyse faite sur les résultats saisis de plusieurs études (des essais) réalisés à une époque où on disposait de cohortes de femmes non dépistées, afin de les comparer à des cohortes de femmes dépistées (dans les années 70/80).
Sur une population de 2000 femmes dépistées sur 10 années, on peut espérer une vie prolongée grâce au dépistage, mais dans le même temps 10 femmes sont surdiagnostiquées.
Il faut donc dépister beaucoup de femmes et pendant longtemps pour parvenir à voir un cas de vie "sauvée", mais dans le même temps surviennent davantage de cas de surdiagnostics. Cela représente des femmes qui paient un lourd tribut en matière de surtraitement, dont certaines meurent. Certains chercheurs avancent également que les effets mortels des accidents dus au surtraitement contrebalancent ce maigre bénéfice évoqué9. Selon le Professeur Baum auteur de l'étude citée en référence, pour une vie sauvée, une vie serait détruite en raison d'un effet mortel d'un surtraitement.

Signalons encore que cette méta-analyse des auteurs nordiques indépendants s'appuie sur des essais cliniques canadiens, qui ont fait l'objet d'un audit lequel a confirmé l'absence de biais.10

Troisièmement, sur le plan éthique on ne peut pas accepter, sous prétexte que le dépistage sauverait une femme sur 2 000 en 10 ans, de faire porter en contrepartie un préjudice à 200 à 400 autres femmes (les fausses alertes), et à encore 10 autres femmes (les surdiagnostics). Cela est éthiquement indéfendable.
Peu importe de quel ordre de grandeur est le surdiagnostic. Il existe. Et les batailles de pourcentage qu'on peut lire dans la presse d'une source à l'autre n'ont que peu d'intérêt lorsqu'une femme est concernée, car pour elle ce sera toujours 100%.
Et au minimum il faut en avertir les femmes avec une information loyale.

La balance bénéfices-risques du dépistage n'est donc pas, lorsqu'on fait la somme des effets adverses (surdiagnostic, fausses alertes, irradiation) en faveur d'un bénéfice prédominant, car la réduction de mortalité n'est pas significative et n'est pas imputable au dépistage (on observe une diminution de mortalité par cancer dès les années 90, avec l'amélioration des thérapeutiques, donc avant l'instauration des dépistages, et ce aussi pour d'autres cancers non dépistés, selon des études d'impact.)
Devenant un réel enjeu de santé publique avec la multiplication des examens de routine réalisés sur des populations saines, le terme du surdiagnostic a été inscrit officiellement au thésaurus de références du domaine biomédical.

Illustration en vidéo, résumé animé de ces deux notions :
https://www.youtube.com/watch?v=UK9KFFYAs2g

Liens connexes

Ces notions figurent dans notre outil d'aide à la décision que vous pouvez consulter.

Voir aussi, comment se développe un cancer ?

Références

[1] Jolyn Hersch. Aide à la décision pour le dépistage du cancer du sein pour les femmes à partir de 50 ans. C’est votre choix. (Brochure australienne). Page 7. [En ligne : https://ses.library.usyd. edu.au/bitstream/handle/2123/16658/2017%20updated%20breast%20screening%20DA%20 (Hersch%20et%20al).pdf;jsessionid=F0396C69AD95F6431008EA16CB3B9195?sequence=1]. Consulté le 30 juin 2021.

[2] Zahl P-H, mæhlen J, Welch HG. The natural history of invasive breast cancers detected by screening mammography. Arch Intern med. 2008 Nov 24;168(21):2311–6.

[3] https://cancer-rose.fr/2015/07/06/analyse-etude-jama/
Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch HG, Abebe R, Wilson R. Breast Cancer Screening, Incidence, and Mortality Across US Counties. JAMA Intern Med. 2015 Sep;175(9):1483–9.

[4] https://cancer-rose.fr/2017/12/14/frequence-des-cancers-latents-de-decouverte-fortuite/
Thomas, E.T., Del Mar, C., Glasziou, P. et al. Prevalence of incidental breast cancer and precursor lesions in autopsy studies: a systematic review and meta-analysis. BMC Cancer 17, 808 (2017). https://doi.org/10.1186/s12885-017-3808-1

[5] Articles divers sur cardiopathies et leucémies après traitements https://cancer-rose.fr/?s=chez+les+survivantes+de+cancer

6] Notre étude sur les mastectomies en France publiée dans la revue Medecine

Nos résultats sont cohérents avec les résultats trouvés dans d’autres pays :

- aux Etats-Unis, dans une étude de 2015 portant sur 16 millions de femmes, une augmentation de 10% de l'activité du dépistage a été associée à une augmentation de presque 25% des tumorectomies et mastectomies partielles (RR 1,24 ; CI 1,15-1,34), sans diminution des mastectomies totales [8].

- au Royaume-Uni, selon le rapport dit Marmot de 2013 sur le dépistage des cancers du sein, la fréquence des mastectomies est augmentée d’environ 20% dans la population dépistée, par comparaison avec la population non dépistée [9].

- pour l’ensemble des essais comparatifs randomisés effectués dans le monde ayant examiné cette question, en 2013, la Collaboration Cochrane évalue que le nombre de mastectomies est augmenté de 20% (RR 1,20 ; CI 95% 1,08–1,32) et le nombre d’interventions chirurgicales (mastectomies et tumorectomies) est augmenté de 30% (RR 1,31 ; CI 95% 1,22–1,42) [10].

[7] https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

8] https://www.youtube.com/watch?v=pbGZdyUCITc

[9] Baum M. Harms from breast cancer screening outweigh benefits if death caused by treatment is included. BMJ 2013 ; 346 : f385. doi : https://doi.org/10.1136/bmj.f385

[10] Bailar J. C, MacMahon B. Randomization in the Canadian National Breast Screening Study: a review for evidence of subversion. Canadian Medical Association Journal. Jan 15, 1997;156(2):193-199.

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Qu’est-ce que la survie ?

Que signifie le critère "survie", et tout d'abord, qu'est-ce qu'il ne signifie pas ?

  • Être en vie 5 ans après le diagnostic ne veut pas dire être guéri.
  • La survie n'a aucun impact sur la longévité ou l'espérance de vie, qui n'est en rien modifiée par l'amélioration de la survie.

    Prenons pour exemple une femme qui aurait une longévité de 65 ans.

  • Une survie de 90% à 5 ans signifie que 9 femmes sur 10 seront en vie à 5 ans. Mais ceci uniquement pour des cancers détectables à un stade précoce, lorsque peu agressifs.
    Les cancers à potentiel agressif et rapidement évolutifs ne peuvent souvent pas être détectés à un stade précoce, ce qui améliorerait grandement leur prise en charge, les taux de survie sont en conséquence bien moins bons....

Un biais bien connu qui améliore artificiellement la survie

Il s'agit du biais dit de "devancement".

En effet, la survie mesure la durée de vie du patient en connaissance de son cancer. avec une détection par le dépistage, on anticipe la "date de naissance" du cancer qui se serait manifesté, sans dépistage, plus tard. La durée de vie du patient avec son cancer apparaît ainsi plus longue.

Voici un schéma pour comprendre [1] :

Pour prendre une analogie :

un train qui roule vers Paris déraille à Orléans à 15 heures emportant la vie de nombreux passagers. Si vous montez dans ce train à Bordeaux, alors vous vivrez encore trois heures et demie. Si vous montez dans ce même train à Tours, vous vivrez encore 30 minutes. Quoi qu’il en soit, votre train, lui, déraillera toujours à 15 heures.

La survie dépend surtout de deux paramètres qui l'amplifient

1°- L'efficacité thérapeutique
L'accumulation des données épidémiologiques apportent, surtout depuis 2015, la preuve accablante que les améliorations dans la prise en charge des patients ont joué un rôle prépondérant dans les réductions de mortalité par cancer du sein observées en Europe, en Océanie et en Amérique du Nord, alors que celui de la mammographie de dépistage est marginal. 
Autant la survie est un critère inadaptée pour juger de l'efficacité du dépistage, autant la survie reste le marqueur le plus utilisé, et probablement pertinent, pour mesurer l'efficacité d'un traitement.

2° - le surdiagnostic

Plus le surdiagnostic augmente, et plus la survie s'améliore automatiquement de façon fallacieuse; en effet, les lésions surdiagnostiquées par définition ne tuent pas, plus on détecte et on comptabilise des lésions qui de toute façon n'auraient jamais conduit au décès, et plus la survie tendra vers 100%.

Prenons là aussi une analogie : admettons que nous traitions tous les petits rhumes hivernaux par une trithérapie antibiotique, on pourra alors prétendre avoir sauvé tous les patients de graves pneumonies. Mais on sait que même sans aucun traitement antibiotique la très grande majorité des rhumes saisonniers guérit spontanément. On enjolive ainsi un effet de l'action humaine de façon trompeuse, en la présentant comme salutaire alors que la contrepartie sera l'induction de nombreuses résistances médicamenteuses.

D'où vient le chiffre de 99% de survie ?

Les chiffres sont issus de données américaines du programme américain SEER[2] ; mais cette survie n'est pas la même selon le stade du cancer :
- cancers du sein localisés : 99%  de survie à 5 ans
- cancers du sein avec extension régionale : 86% de survie à 5 ans
- cancers du sein avec métastases à distance : 29% de survie à 5 ans.

Dire que le taux de survie du cancer du sein est de 99% à 5 ans tend à faire croire qu'avec le dépistage 99% des cancers vont guérir. Mais comme on le voit ci-dessus, la survie est meilleure dans les formes peu évoluées que dans les formes avancées ; ces formes avancées gagneraient à être détectées très tôt, mais la véritable question est : le dépistage est-il capable d'éviter les formes avancées ?
Les formes graves le sont souvent d'emblée, elles sont à évolution très rapide parce qu'intrinsèquement agressives, de telle sorte que le dépistage les rate[3]. Le dépistage est davantage apte à trouver trop de petits cancers peu évolutifs et les moins menaçants, dont une bonne partie est de détection inutile. Cette aptitude à trouver des cancers essentiellement non évolutifs augmente le surdiagnostic avec une illusion de guérisons de lésions qui de toute façon n'auraient pas tué, et de ce fait les taux de survie sont artificiellement améliorés.

Une survie qui augmente, sans bénéfice pour les femmes

Les deux schémas ci-dessous (reproduits avec l'aimable autorisation de l'auteur[4]) montrent comment la survie est améliorée avec l'augmentation du surdiagnostic, et cela sans aucun bénéfice en termes de mortalité pour les femmes.

Attention, ceci est une démonstration poussée à l'extrême pour illustrer comment, selon l'ampleur du surdiagnostic, un taux de survie est susceptible de présenter des variations importantes, il s'agit d'un scénario hypothétique. Mais il figure à quel point les deux paramètres sont étroitement liés, plus on accentue le surdiagnostic, d'autant plus on "améliore" fallacieusement un taux de survie.

Voyons ce que cela donne dans le cas du dépistage du cancer du sein.
Graphique de dr Vincent Robert. Cliquez sur l'image pour accéder à l'article complet.

Les surdiagnostics sont comptabilisés avec tous les autres cancers. Comme, par définition, ils ne provoquent aucun décès, ils créent une illusion d'amélioration de la survie qui serait imputable au dépistage. C'est ce qu'illustre le graphique ci-dessous, qui montre comment 20% de surdiagnostics font passer la survie de 90 à 92% alors que le pronostic des cancers évolutifs n'a pas changé.

Une vidéo explicative et pédagogique pour bien comprendre :

N'hésitez pas à mettre les sous-titres en français, traduction d'Alain Le Roux

Si la survie n'est pas un bon critère d'efficacité du dépistage, quels sont les bons critères alors ?

Les trois critères principaux de l'efficacité d'un dépistage sont :

  • la diminution significative de la mortalité spécifique
  • la diminution des formes avancées de la maladie
  • la diminution des traitements les plus lourds.

_______________________

En conclusion

1. La survie des cancers localisés est exagérément optimiste du fait des 
surdiagnostics qui augmentent, avec l'illusion de guérison qui les accompagne.
2. La survie serait en effet meilleure dans les formes évoluées mais le dépistage est inapte à les détecter à temps.
3. La survie n'est pas un bon marqueur de l'efficacité des dépistages, mais de l'efficacité des traitements.

Références


[1] https://apps.who.int/iris/handle/10665/330852

[2] Le programme Surveillance, Epidemiology, and End Results ( SEER ) du National Cancer Institute (NCI) est une source d' information épidémiologique sur l'incidence et les taux de survie du cancer aux USA.

[3] https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

[4] https://www.armchairmedical.tv/media/The+Lisa+Schwartz+Lecture+Steve+Woloshin/0_1y9lo5q5

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Qu’est-ce qu’une mammographie de dépistage ?

Il y a une différence entre une mammographie de dépistage et une mammographie de diagnostic.

  • La mammographie de dépistage, c'est celle, routinière, qu'on vous demande de réaliser entre vos 50 et 74 ans, tous les deux ans, même en l'absence de tout symptôme, sur convocation.
  • La mammographie de diagnostic, c'est celle qui est motivée par l'apparition d'un signe, d'un symptôme dans le sein. Ce symptôme nécessite une exploration par mammographie, parmi d'autres techniques d'imagerie, pour identifier, diagnostiquer le problème du sein.

Quels sont les signes majeurs qui doivent vous amener à consulter ?

  • Modification de l'arrondi, de la forme générale du sein (irrégularités, déformations...)
  • Rétraction du mamelon
  • Bosse ou tuméfaction d’apparition récente, surtout si elle est peu mobile à la palpation
  • Méplat, c'est-à-dire zone plus plane du sein, qui en rompt l'arrondi 
  • Écoulement sanglant
  • Rougeur inexpliquée
  • Grosseur dans l'aisselle, persistante ou dont le volume augmente
  • "Peau d'orange" avec apparition dans la zone concernée de  « capitons », de petites boursouflures perceptibles entre deux doigts
  • Plaie sur la peau, due à un cancer ulcérant 
  • Gonflement et durcissement du sein entier
  • Masse palpable en profondeur, survenue sans déformation extérieure visible

Attention, tous ces signes ne sont pas typiques de cancer ; ils peuvent également évoquer des maladies bénignes du sein ! Ils doivent néanmoins motiver à consulter.

La mammographie de dépistage n'est pas une méthode de prévention.

Prévenir une maladie, c’est faire en sorte qu’elle ne survienne pas. Par exemple, éviter le tabagisme est une bonne attitude de prévention par rapport au cancer du poumon.

Dépister, c'est rechercher une maladie chez une personne qui n’a aucun symptôme, et qui ne se plaint absolument de rien.

Répéter des mammographie, cela ne peut en aucun cas empêcher la survenue d'un cancer du sein. L'immage mammographique restitue ce qui est déjà présent dans l'organe.

Comment se passe un dépistage mammographique ?

En pratique la femme convoquée prend rendez-vous au cabinet de radiologie de son choix. On lui effectuera l'examen mammographique suivi d'un examen échographique selon le besoin (seins denses ou anomalie radiologique à préciser).

Ces images seront interprétées par le radiologue du cabinet qui est le "premier lecteur" de l'examen. Il fera un compte rendu et proposera une classification de l'examen (voir plus loin).

Ce dossier (clichés plus compte rendu du premier lecteur) est envoyé à la structure départementale de pilotage du dépistage selon le lieu d'habitation de la patiente.

Les images y seront revues par un radiologue, le "deuxième lecteur" venant d'un autre cabinet de radiologie ou d'une autre structure d'imagerie médicale, et qui ne connaît pas la patiente. Il établira son verdict sans l'avoir vue ni l'avoir interrogée, uniquement sur les images disponibles. Il 'notera' son verdict sous forme d'une classification, en concordance avec celle du premier lecteur ou au contraire en discordance, ce qui impliquera un rappel de la patiente pour qu'elle refasse des explorations supplémentaires.

La classification de la mammographie est une classification radiologique, selon la certitude plus ou moins forte que l'imagerie plaide en faveur d'une lésion cancéreuse. Ce n'est en aucun cas une classification de pronostic.

C'est en 1990 qu'a été mise au point la classification ACR (American College of Radiology). Nous y trouvons 5 stades.

ACR 1 : normal, le sein est "rien à signaler".

ACR 2 : images qui ne sont que des anomalies bénignes, comme des petits ganglions axillaires, des microkystes, des calcifications bénignes, des images dont on ne sait pas toujours ce qu'elles sont mais qui sont inchangées depuis des lustres, des fibro-adénomes amorphes, ou des kystes bien connus déjà.

ACR 3 : image non inquiétante mais dont on voudrait vérifier le devenir, qui n'était pas connue avant, ou connue mais s'étant légèrement modifiée par rapport à d'anciens bilans. La conduite proposée est une seule surveillance à 4 ou à 6 mois, selon qu'il s'agisse de masses ou de calcifications, puis à un an éventuellement.

ACR 4 Classer en ACR 4 veut dire qu'il y a une anomalie suspecte, qu’il faut vérifier, et prélever. ACR4 implique donc d'office une biopsie, sous échographie (micro-biopsie) ou sous contrôle radiographique, par une procédure par mammotome (macro-biopsie), ou encore directement par biopsie-exérèse.

ACR 5 : l'anomalie est très fortement suspecte de malignité et les critères sémiologiques sont tout à fait évocateurs et typiques de malignité.

ACR 0 désigne un examen incomplet auquel il faudra adjoindre d'autres examens d'imagerie.

Pour plus d'explications et de détails lire ici : https://cancer-rose.fr/2018/11/11/de-la-classification-acr-mammographique/

Voici ci-dessous un schéma qui vous montre les situations possibles lors d'un dépistage mammographique.

Vous y voyez figurée la situation dite de "fausse alerte". C'est la suspicion d'un cancer, sur une image mammographique, mais qui ne se confirmera pas, cela après d'autres examens complémentaires.

Ces examens supplémentaires sont parfois lourds, et se soldent parfois même par des biopsies dont le nombre s’est largement accru depuis qu'on dépiste, cette situation étant favorisée par la double lecture.

Connaître une fausse alerte est souvent très stressant, car la femme doit attendre parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant la confirmation de l’absence de maladie. Pour 1000 femmes au-dessus de 50 ans participant au dépistage pendant 20 ans, il y aurait en France environ 1000 fausses alertes conduisant à 150 à 200 biopsies inutiles.(Revue Prescrire, février 2015/Tome 35 N°376)

C'est, avec le surdiagnostic et la radiotoxicité le troisième effet néfaste du dépistage mammographique.

Il ne faut pas confondre les deux, surdiagnostic et fausse alerte.

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Qu’est-ce qu’un dépistage efficace ?

Un dépistage efficace implique deux critères :

  • diminution drastique de la mortalité
  • réduction de l’incidence des cancers avancés

Exemple d'un dépistage qui répond à ces critères, le dépistage du col utérin, images provenant d'une présentation de Pr P.Autier

Qu'en est-il pour le cancer du sein ? Le dépistage du cancer du sein est-il un dépistage efficace ?

1°Critère, la mortalité

Depuis 1996, on constate environ 11 000 à 12 000 décès par cancer du sein par année. On n'assiste donc pas cette réduction massive et drastique qu'on constate en médecine lorsque des procédés marchent vraiment. (La découverte de l'antibiothérapie anti-tuberculeuse a entraîné la fermeture des sanatorium dans les deux ans, la stérilisation des ciseaux servant à couper les cordons ombilicaux a fait quasiment disparaître la mortalité par infections néonatales.)

De plus, il est trompeur d’avancer des chiffres de la mortalité spécifique (mortalité par la maladie, ici le cancer du sein) sans donner les chiffres de la mortalité globale (mortalité toutes causes confondues).

Dans la mortalité par cancer du sein ne sont pas comptabilisés les décès induits les conséquences de la découverte d'un cancer du sein, et qui sont conséquemment dus à des accidents chirurgicaux ou anesthésiques, aux complications de la chimiothérapie et de la radiothérapie comme par exemple les atteintes cardio-vasculaires et les cancers radio-induits.

A ce jour, il n’existe aucun signe clair de réduction de la mortalité globale grâce au dépistage par mammographie.

Concernant la mortalité spécifique par cancer du sein, on constate bien qu'elle diminue depuis 1993. Mais cette diminution intervient avant la généralisation  du dépistage en France (en 2004) et ne peut lui être attribuée.

Au Royaume-Uni, entre 1985 et 1993, on chiffre cette baisse de la mortalité par cancer du sein à 11%, alors que le dépistage n’a été opérationnel qu’en 1988.

Dans une étude d'impact, une comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontre pas de corrélation entre la pénétration du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de la réduction de mortalité par cancer du sein. L'approche comparative dans cette étude avec 14 autres types de cancers fait ressortir un déclin similaire des taux de mortalité desdits cancers, alors même que ces autres cancers ne font pas l’objet de campagnes de dépistage. L’amorce de la diminution de mortalité par cancer du sein coïncide d'ailleurs avec une désescalade thérapeutique, à un moment où on possède une meilleure maîtrise des traitements administrés aux femmes et de leurs effets adverse.

La baisse de mortalité par cancer du sein existe, d'une part elle n'est pas corrélée à l'existence du dépistage, et d'autre part, de l'aveu même des données officielles, chaque année 12 000 femmes continuent de mourir d’un cancer du sein sans compter celles qui meurent des complications à distance de leur traitement. (12 146 en 2018).

Un autre élément est que les taux de mortalité et la survie sont les mêmes dans les groupes de femmes dépistées et dans les groupes des non dépistées, au même stade du cancer lors de sa découverte, comme le montrent plusieurs études, dont celle de Miller en particulier avec un suivi long des groupes de femmes, sur 25 ans.

 2°Critère, les taux des cancers graves

L’accumulation des données épidémiologiques montre que dans les populations où le dépistage par mammographie est largement répandu depuis longtemps, l’incidence des cancers avancés n’a connu que peu ou pas de diminution. De nombreuses études attestent de ce fait.[1]

Une étude conséquente et récente de 2015 sur 16 millions de femmes aux Etats Unis corrobore ce constat décevant [2]:

  • Pas de réduction significative de mortalité (ligne rouge dans le graphique de gauche)
  • Pas de réduction des cancers graves (ligne rouge dans le graphique de droite)

La survie à 5 ans

Cette donnée très souvent mise avantageusement en avant par l'INCa et les promoteurs du dépistage est un indicateur de la durée de vie du cancer, et non pas de l'efficacité du dépistage.

Détecter des cancers avec un temps d'avance donne l'illusion d'une survie plus longue. 

C'est une illusion d'optique : par l'anticipation de la date de survenue du cancer, on a l'impression d'un allongement de la vie alors que l'espérance de vie n'a en rien changé. L'allongement de la survie est le résultat de deux phénomènes : l'efficacité des traitements qui rallongent la durée de vie du patient avec son cancer et le dépistage qui anticipe la date de naissance du cancer indépendamment de l’issue de la maladie.

La survie est majorée d'autant plus que le surdiagnostic est plus fort. En effet, par définition, tous les surdiagnostics guérissent !

Un bon contre-exemple est le cancer du col de l'utérus : sa survie à 5 ans est très mauvaise, mais la mortalité par ce cancer a baissé spectaculairement.

Comparaison de 6 dépistages différents

Lorsque l'incidence augmente sans retentissement sur les cancers graves ni diminution significative de la mortalité en lien avec le dépistage, cette augmentation est alors l'effet direct de l'intervention de la médecine qui sur-détecte des lésions sans utilité pour la santé des personnes.

Nous voyons pour un cancer que le contrat est rempli, c'est le cancer du col de l'utérus. Le fait d'anticiper des lésions précancéreuses fait que l'incidence de ce cancer, le taux des formes graves et sa mortalité diminuent de façon perceptible et relativement bien corrélée à l'introduction du dépistage.

En revanche pour le sein, la prostate et la thyroide, le constat est bien plus décevant, avec un problème non résolu : des surdiagnostics allant croissant, sans réduction satisfaisante des cancers graves ni allègement des traitements.

Pour le cancer du colon, actuellement il est préconisé de réserver ce dépistage pour les sujets à risques voir https://cancer-rose.fr/2017/03/14/un-autre-depistage-celui-du-cancer-colo-rectal/.

Bibliographie

[1]

  • Autier, M. Boniol, A. Koechlin, C. Pizot, M. Boniol Efficacité et surdiagnostic du dépistage mammographique aux Pays-Bas: étude de population BMJ, 359 (2017), p. j5224
  • Autier, M. Boniol, R. Middleton, JF Dore, C. Héry, T. Zheng et al. Incidence avancée du cancer du sein après un dépistage mammographique en population Ann Oncol, 22 (8) (2011), p. 1726-1735
  • Bleyer, HG Welch Effet de trois décennies de mammographie de dépistage sur l’incidence du cancer du sein N Engl J Med, 367 (21) (2012), pp. 1998-2005
  • NA de Glas, AJ de Craen, E. Bastiaannet, EG Op ‘t Land, M. Kiderlen, W. van de Water, et al. Effet de la mise en œuvre du programme de dépistage de masse du cancer du sein chez les femmes âgées aux Pays-Bas: étude de population
  • Autier, M. Boniol L’incidence du cancer du sein avancé dans les West Midlands, Royaume-Uni Eur J Cancer Prev, 21 (3) (2012), pp. 217-221
  • Nederend, LE Duijm, AC Voogd, JH Groenewoud, FH Jansen, MW Louwman Tendances de l’incidence et de la détection du cancer du sein avancé à la mammographie de dépistage bisannuelle aux Pays-Bas: une étude de population Breast Cancer Res, 14 (1) (2012), p. R10
  • ML Lousdal, IS Kristiansen, B. Moller, H. Stovring Tendances de la distribution du stade du cancer du sein avant, pendant et après l’introduction d’un programme de dépistage en Norvège Eur J Public Health, 24 (6) (2014), pp. 1017-1022
  • RH Johnson, FL Chien, A. Bleyer Incidence du cancer du sein chez les femmes aux États-Unis, 1976 à 2009 JAm Med Assoc, 309 (8) (2013), pp. 800-805
  • Esserman, Y. Shieh, I. Thompson Repenser le dépistage du cancer du sein et du cancer de la prostate Jama, 302 (15) (2009), pp. 1685-1692
  • Jorgensen, PC Gøtzsche, M. Kalager, P. Zahl Le dépistage du cancer du sein au Danemark: une étude de cohorte sur la taille tumorale et le surdiagnostic Ann Intern Med, 166 (5) (7 mars 2017), pp. 313-323
  • HG Welch, DH Gorski, PC Albertsen Tendances dans le cancer du sein et de la prostate métastatique N. Engl JMed, 373 (18) (2015), pp. 1685-1687
  • Di Meglio, RA Freedman, NU Lin, WT Barry, O. Metzger-Filho, NL Keating, et al. Tendances temporelles des taux d’incidence et de la survie du cancer du sein de stade IV nouvellement diagnostiqué par histologie tumorale: une analyse basée sur la population Breast Cancer Res Treat, 157 (3) (2016), p. 587-596

[2] « Breast Cancer Screening, Incidencee, and Mortalily Across US Countrie. »
Auteurs : Harding C, Pompei F., Burmistrov D., et al.
JAMA Intern Med. Published online July 06, 2015. doi:10.1001/jamainternmed.2015.3043

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Qu’est-ce qu’un carcinome in situ ?

Le carcinome in situ (CIS) du sein est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein.

Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS (carcinome canalaire in situ) présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes si elles ne sont pas détectées, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt comme un facteur de risque de cancer du sein.

Les CIS alimentent largement les surdiagnostics. Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent. Ils ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d'incidence (taux des nouveaux cas) donnés par l'Institut National du Cancer, car considérés à part, et non en tant que cancers "vrais".

En plus on manque d’un réel consensus parmi les anatomo-pathologistes pour le classement de ces lésions lors de l'analyse des biopsies qu'ils reçoivent, avec une tendance à les surclasser dans des catégories de pronostic plus défavorables, de peur de sous-estimer une "maladie".

la plupart des CIS sont considérés comme des lésions- précurseurs non obligatoires du cancer invasif ; paradoxalement l’augmentation spectaculaire de leur détection suivie de leur ablation chirurgicale n’a pas été suivie de baisses proportionnelles de l’incidence des cancers invasifs.

Le problème majeur est que ces entités particulières des cancers du sein sont traitées avec la même lourdeur qu'un cancer du sein.

En novembre 2016, une étude de l'université de Toronto arrive aux résultats suivants :

  • Leur traitement ne fait pas de différence sur la survie des femmes.
  • Les femmes atteintes de CIS sont lourdement traitées (parfois par mastectomie bilatérale) et ont la même probabilité de décéder d’un cancer du sein par rapport aux femmes dans la population générale.
  • La prévention des récidives par radiothérapie ou mastectomie ne réduirait pas non plus le risque de mortalité par cancer du sein.

De même, notre étude sur les mastectomies en France objectivait une augmentation régulière des actes chirurgicaux, notre hypothèse première étant le surtraitement de lésions qui ne sont pas des cancers invasifs, mais des lésions dites pré-cancéreuses et les CIS.[1] [2]

Les conséquences à long terme du surtraitement peuvent mettre la vie des femmes en danger. Par exemple, la radiothérapie faite sur ces lésions semble incapable de réduire le risque de décès par cancer du sein, mais elle est associée à une augmentation dose-dépendante (de 10 à 100% sur 20 ans) du taux d’événements coronariens majeurs.[3]

D'ailleurs dans plusieurs pays sont entrepris des essais cliniques visant à tester une simple surveillance active notamment pour le CIS de bas grade plutôt qu'un traitement agressif :

Pour Philippe Autier[4], de l'International Prevention Research Institute (IPRI) le problème est indubitablement inhérent à la mammographie routinière, en particulier la mammographie numérique qui est trop performante concernant la détection des petites calcifications ; celles-ci sont le signe radiologique le plus fréquent de ces formes, et la mammogaphie présente une excellente sensibilité pour la détection de ces microcalcifications.

Le problème du dépistage, pour résumer, est que dans les populations dépistées, l'incidence du carcinome in situ augmente de 1 à 20 % sans aucune baisse concomitante des cancers invasifs. Et comme le carcinome 'in situ' est souvent multifocal, les femmes se retrouvent avec avec un verdict thérapeutique de mastectomie.
Lire : https://cancer-rose.fr/2020/10/22/carcinome-in-situ-le-probleme-de-son-surdiagnostic-lors-des-mammographies-de-depistage/

*Pour l'essai Lord https://www.dcisprecision.org/clinical-trials/lord/, voici quelques précisions :

-Depuis février 2019 sont acceptés aussi les CIS grade II, en plus du grade I
-Depuis juillet 2020 l'essai randomisé a été transformé en essai de préférence du patient :  les femmes ont le choix du bras d'essai (soit surveillance soit traitement classique)
-Un test des récepteurs oestrogenes et HER2 a été rajouté avant l'inclusion des patientes dans l'essai pour éliminer les cas de lésions de haut grade, afin de rendre les essais encore plus sécurisants
-Il y a à présent 28 sites ouverts aux Pays Bas,  6 en Belgique et 15 sites vont ouvrir dans d'autres pays dont la France, à venir !

En France :

En France il n’est pas recommandé de proposer aux patientes une simple surveillance active comme alternative au traitement local, qui consiste en l’exérèse chirurgicale, Plus ou moins radiothérapie. Les recommandations françaises de 2015 ne retiennent aucune indication pour une abstention d’exérèse chirurgicale dans la prise en charge d’un CCIS.

En 2015, l’Institut National du Cancer (INCa) a publié de nouvelles recommandations pour la prise en charge des CCIS qui préconise l’exérèse chirurgicale des lésions, par une tumorectomie ou par une mastectomie en cas de lésions étendues, mastectomie qui sera préconisée aussi dès lors que les lésions sont multiples ou que le CIS est trouvé dans le sein concomitamment avec une autre lésion atypique ou une "lésion-frontière". La radiothérapie est fréquemment recommandée après traitement chirurgical conservateur pour diminuer les récidives.

Mais ces attitudes proposées sont standardisées et ne tiennent pas compte de la multitude et de l’hétérogénéité des lésions histologiques, et des situations cliniques. Or, la littérature scientifique s’est enrichie ces dernières années de données permettant de discuter le bénéfice, dans certaines situations, d’une désescalade thérapeutique. Il faudra à l'avenir individualiser davantage les pratiques.

Pour en savoir plus lire : https://www.gyneco-online.com/cancerologie/prise-en-charge-des-carcinomes-canalaires-situ-une-desescalade-therapeutique-est-elle

Pour quelles patientes peut-on envisager une désescalade thérapeutique ?

Perspectives d’évolution dans la prise en charge des carcinomes canalaires in situ (CCIS).

Cliquez sur l'image pour agrandir

RO : Récepteur aux œstrogènes
RP : Récepteur à la progestérone

Un blog pour les femmes avec CIS : https://dcis411.com/author/dp4peace/

Une étude : https://cancer-rose.fr/2016/11/20/cis-bernard-pabion/

Références :

[1] https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/09/Etude-mastectomies-en-France-.pdf

[2] https://cancer-rose.fr/2019/08/09/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/

[3] SC Darby, M. Ewertz, P. McGale, AM Bennet, U. Blom-Goldman, D. Bronnum, et al.

Risque de cardiopathie ischémique chez les femmes après radiothérapie pour cancer du sein

N Engl J Med, 368 (11) (2013), p. 987-998

[4] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/

Des cas cliniques :

Carcinome in situ

Carcinome canalaire in situ suivi d'un carcinome invasif

Carcinome canalaire in situ dormant

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Comprendre votre compte-rendu de mammographie

Le compte rendu de votre mammographie est moins une lecture qu'une interprétation du radiologue.

Le sein est composé de pleins et de vides qui constituent la trame glandulaire.
Il y a, sur les clichés mammographiques, des zones "blanches" du sein qui correspondent à de la glande et des zones "noires" qui correspondent à de la graisse.
Il s'agira de distinguer dans cette trame divers signes qui peuvent attirer l'oeil du radiologue et lui faire suspecter un cancer.
La tumeur n’a rien de spécifique en imagerie. Le médecin suspecte la malignité d’une tumeur sur un faisceau de signes indirects : un halo clair, une désorganisation localisée de l’architecture du sein, une masse, des calcifications, une rigidité localisée etc...
Ces signes ne sont pas eux-mêmes spécifiques de malignité. Ils n’ont qu’une valeur d’orientation plus ou moins forte.

De ce fait le compte rendu est très descriptif, il est aussi subjectif, et une autre médecin pourra faire une analyse des images différentes.

Quoi qu'il en soit, le compte rendu se termine toujours par une conclusion contenant une classification des images, de bénignes à plus ou moins malignes. Cette classification est importante car elle déterminera si la patiente nécessite une surveillance ou pas, ou s'il y a lieu de réaliser des examens complémentaires en cas de doute diagnostique.

Vous trouverez les différents stades de la classification ACR (American College of Radiology) expliqués et détaillés ici : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/cancer-du-sein-acr3-acr4-acr5/

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