Les générateurs à Rayons X (appareils de radio, mammographes…) produisent un rayonnement ionisant.
Qu’est-ce qu’un rayonnement ionisant ?
La principale propriété des rayons X est de traverser la matière en étant partiellement absorbés en fonction de la densité de cette matière et de l’énergie du rayonnement émis, ce qui permet d’avoir une information sur l’intérieur des objets qu’ils traversent.
Le rayonnement émis par le tube à rayons X émet des rayons d’énergie suffisante pour d’arracher des électrons et de céder de l’énergie au sein de la matière traversée. Ces rayons transforment ainsi les atomes de la matière qu’ils traversent en ions (= un atome qui a perdu ou gagné un ou plusieurs électrons). Cette matière devient par là plus instable, ce qui peut entraîner sur le tissu des effets plus ou moins indésirables selon l’effet biologique provoqué.
Les effets biologiques des rayonnements ionisants
Les effets déterministes sont prévisibles, apparaissant de façon certaine quand le seuil limite acceptable de rayonnement sur un tissu donné est dépassé, et en général peu de temps après l’irradiation, contrairement aux effets stochastiques ou aléatoires.
Caractéristiques des effets déterministes des rayonnements :
- N’apparaissent qu’au delà d’une dose seuil
- Se déclarent de quelques heures à quelques mois après l’exposition
- Sont généralement réversibles
- Dépendent de la répartition de l’exposition dans le temps
- Leur gravité augmente avec la dose reçue
Caractéristiques des effets stochastiques (ou aléatoires) des rayonnements :
- Il n’existe pas de dose seuil
- Apparition plusieurs années après l’exposition (20à 30 ans pour certains cancers)
- Sont probabilistes (fondés sur des probabilités)
- Sont difficiles à mettre en évidence
- Toute dose est potentiellement dangereuse
- L’effet et la gravité de l’effet dépendent de la sensibilité individuelle aux radiations de chaque individu, souvent inconnue
- La gravité est indépendante de la dose reçue
- La probabilité d’apparition augmente néanmoins avec la dose reçue
Risques pour le sein
L’un des risques des mammographies répétées c’est leur répétition, donc l’administration répétée d’un rayonnement ionisant sur un organe aussi radiosensible qu’est le sein. Cette pratique n’est pas anodine. Cessons de dire aux femmes que ce n’est « rien », ou « pas grand-chose ».
D’abord, « c’est ». Et ce qui « est » n’est pas rien ! Ensuite, le « pas grand-chose » en question est tout relatif puisque nul ne connaît à l’avance la radio-susceptibilité d’un individu[i] (cette susceptibilité individuelle est génétique).
Or, chez les femmes prédisposées génétiquement, une seule mammographie peut déjà induire un cancer.
La toxicité des rayons X n’est pas uniquement dose-dépendante.
Selon les travaux des radiobiologistes, les microdoses répétées présentent une radiotoxicité plus élevée sur les brins d’ADN (qui se cassent sous l’effet du rayonnement ionisant et qui n’ont le temps ni de se reformer ni de se réparer entre les différents clichés) qu’une dose équivalente délivrée en une seule fois. Avec des cassures mal réparées la cellule peut dégénérer en cellule cancéreuse.
Bien identifiée par le travail des radiobiologistes[ii], la radiotoxicité est d’autant plus forte que les premières mammographies ont lieu tôt dans la vie d’une femme, que les examens sont fréquents et que l’on multiplie le nombre de clichés par séance.
Le risque est plus important chez les femmes porteuses de mutations favorisant le cancer du sein (BRCA1 ou BRCA2), femmes davantage radiosensibles, et qui souvent débutent les mammographies très jeunes. Mais même chez les femmes n’ayant pas de mutation particulière il faut tout de même prendre en compte ce risque d’exposition aux faibles doses, surtout avant 50 ans où le sein est plus dense et nécessitera des doses d’irradiation plus importantes que chez la femme ménopausée.
Par ailleurs il faut prendre en compte le fait qu’une femme dans son existence subira probablement d’autres examens à rayons X, comme les scanners par exemple et dont les doses se cumulent avec les examens mammographiques.
Aujourd’hui il n’y a aucune traçabilité des doses d’irradiation d’examens de diagnostic pour un patient, et l’Académie de Médecine s’est déjà émue de la croissance du nombre d’examens irradiants dans la population.[iii]
Pour résumer : un examen mammographique isolé, réalisé en cas de nécessité lors de l’apparition d’un signe clinique du sein est indiqué car il présente un avantage médical, il ne présentera pas de risque majeur par rapport au bénéfice pour la patiente.
Le risque réside dans la répétition des examens et des clichés lors de chaque examen.[iv]
Quelques chiffres
L’unité d’exposition à une radiation ionisante est le Sievert, en abrégé : Sv
Cette unité exprime ce qu’on appelle la dose efficace reçue par les tissus, il s’agit d’une valeur de radioprotection mesurant l’impact sur les tissus biologiques d’une exposition ionisante.
Cette mesure tient compte de l’effet spécifique sur la matière qui a absorbé le rayonnement, une certaine dose n’ayant pas le même effet selon qu’elle traverse un cerveau ou une structure osseuse.
- Un Français reçoit au total une dose annuelle moyenne de l’ordre de 4,5 mSv, tout confondu (exposition naturelle et médicale, dont environ 60% à 80% de rayonnement naturel). [v]
- Entre 0,3 et 0,4 mSv (entre 2 et 3 clichés par sein) sont reçus en moyenne avec une mammographie numérique, technologie dont est dotée la très grande majorité des cabinets de radiologie en France. Cette dose correspond à déjà environ un mois d’irradiation annuelle.[vi] [vii]
- Les cancers radio-induits seraient responsables de 1 à 10 décès pour 100 000 femmes ayant une mammographie tous les deux ans à partir de 50 ans avec une irradiation standard[viii].
Cela posé, le rapport de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire précise bien la chose suivante [ix] : » …les faibles doses efficaces associées aux examens ne portant que sur une petite partie du corps, tels que les radiographies dentaires ou la mammographie par exemple, ne doivent pas masquer que l’exposition locale, aux glandes salivaires ou à la glande mammaire dans le cas des exemples précités, peut être relativement élevée. » Ce qui signifie qu’il faut tenir compte du fait que cette dose est concentrée sur l’organe irradié.
L’argument selon lequel votre mammographie ne dépasserait pas la dose « d’un voyage en avion » comme souvent les patientes l’entendent est sentencieux et déplacé dans la mesure où on occulte plusieurs éléments importants qui sont :
- Le cumul des doses avec d’autres examens (parfois des clichés agrandis ou localisés sont rajoutés à l’examen mammographique de base) et avec d’autres expositions non médicales.
- La radio-susceptibilité individuelle de chacune.
- Le fait qu’il n’y ait aucune logique à exposer de façon répétée une femme saine qui ne se plaint de rien et ne retire aucune utilité d’un examen réalisé « pour se rassurer ».
[i] Nicolas Foray radiobiologiste https://its.aviesan.fr/getlibrarypublicfile.php/cd704e89988a4e3bcf2e1217566876cf/inserm/_/collection_library/201800012/0001/J1-098ITS-2017.foray.lyon.ITMO.TS..21.nov.2017.pdf.pdf
[ii]
C.Colin : https://sfrp.asso.fr/wp-content/uploads/2021/11/09-CatherineCOLIN-1.pdf
[iii] https://www.academie-medecine.fr/de-lusage-des-rayons-x-en-radiologie-diagnostique-et-interventionnelle-a-lexclusion-de-la-radiotherapie-rapport-et-recommandations/
[iv] thèse de l’Université de Lyon, ManonBritel https://www.irsn.fr/fr/larecherche/formation_recherche/theses/theses-soutenues/psn-srds/documents/2020_britel_manon.pdf
[v] https://www.irsn.fr/FR/connaissances/faq/Pages/Quelle_est_la_dose_annuelle_moyenne_de_radioactivite_recue_en_France.aspx
[vi] Page 5 https://bccfp.bc.ca/wp-content/uploads/2020/10/OTTE-breast-cancer-screening-handouts.pdf
[vii] Tableau https://www.radiologyinfo.org/en/info/safety-xray
[viii] https://www.cancer-environnement.fr/506-Depistage-du-cancer-du-sein—point-de-vue-du-Groupe-de-Travail-du-CIRC.ce.aspx
« Le risque de décéder d’un cancer dû aux effets des rayonnements subis lors de chaque dépistage, pendant la vie de la femme, en tenant compte de l’âge, de la fréquence et de la durée du dépistage, est estimé de 1 à 10 pour 100 000 femmes….. »
« …les femmes à haut risque peuvent être plus sensibles aux rayonnements ionisants, et le dépistage à un âge plus précoce augmente le risque de cancer radio-induit. »
[ix] Page 15 https://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/Documents/radioprotection/IRSN_Rapport_Expri_2019.pdf
Pour aller plus loin :
Article de Dr A.Lexa, toxicologue : https://cancer-rose.fr/2019/07/18/radiotoxicite-et-depistage-de-cancer-du-sein-prudence-prudence-prudence/
Présentation du radiobiologiste Nicolas Foray (INSERM)
https://its.aviesan.fr/getlibrarypublicfile.php/cd704e89988a4e3bcf2e1217566876cf/inserm/_/collection_library/201800012/0001/J1-098ITS-2017.foray.lyon.ITMO.TS..21.nov.2017.pdf.pdf
https://cancer-rose.fr/2016/11/05/mammographies-et-radiosensiblite/
Présentations du Pr.Bourguignon
https://sfrp.asso.fr/wp-content/uploads/2021/11/BOURGUIGNON_M.pdf
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