On reparle des faux positifs

Synthèse et traduction par Cancer Rose 04/09/2024

les faux positifs décourageraient les femmes à se faire dépister

Les faux positifs ou fausses alertes

La définition de la fausse alerte est la suspicion d’un cancer, sur une image mammographique, mais qui ne se confirmera pas, mais cela seulement après d’autres examens complémentaires.
C’est donc un non-cancer, ce que l’on sait après avoir réalisé d’autres examens que la mammographie.
Ces examens supplémentaires qu’il faut rajouter pour infirmer cette suspicion peuvent être lourds, et se soldent parfois même par des biopsies dont le nombre s’est largement accru depuis qu’on dépiste, cette situation étant favorisée par la double lecture effectuée dans le cadre du dépistage (un deuxième radiologue examine les clichés réalisés dans un premier cabinet).
Connaître une fausse alerte est souvent très stressant, car la femme doit attendre parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant la confirmation de l’absence de maladie, notamment pour les résultats des biopsies, où selon les régions le délai est entre une semaine et un mois.

Ces faux positifs sont plus nombreux encore chez des femmes plus jeunes, qui sont envoyées au dépistage avant 50 ans, comme beaucoup de gynécologues en France le préconisent pour leurs patientes, en dépit des non-recommandations à ces âges.

Nous en parlons longuement dans un article de notre foire aux questions, où nous expliquons la différence avec la notion du surdiagnostic car l’amalgame est parfois fait. Vous trouverez aussi une vidéo explicative, il est important de bien différencier ces deux notions.

Une étude sur l’effet des fausses alertes sur les femmes

Une grande étude de cohorte publiée dans Annals of Internal Medicine le 3 septembre 2024 met en évidence ceci : les femmes ayant reçu un résultat faussement positif avec pour conséquence une imagerie ou une biopsie supplémentaires sont moins susceptibles de se re-soumettre une seconde fois au dépistage mammographique. Ce constat a été établi grâce à l’analyse des données par le BCSC* de plus de 3,5 millions de mammographies de dépistage réalisées à l’échelle nationale aux Etats Unis entre 2005 et 2017 sur plus d’un million de patientes âgés de 40 à 73 ans.
*Le Breast Cancer Surveillance Consortium (BCSC) est un réseau collaboratif de registres de mammographie parrainé par le National Cancer Institute américain, qui a des liens avec les registres de tumeurs et les données de pathologies.

L’étude objective que 77 % des femmes ayant obtenu un résultat négatif à la mammographie initiale (donc pas d’image pathologique détectée) revenaient lors de la re-convocation à un dépistage ultérieur. Un chiffre qui chutait à 61 % après un résultat faussement positif nécessitant une nouvelle mammographie de suivi dans six mois. En effet, lorsqu’une suspicion de cancer existe, on préconise des imageries complémentaires comme une échographie, une IRM, une biopsie, parfois un re-contrôle de l’image douteuse à 6 mois afin de vérifier son évolutivité ou pas. L’étude met en évidence un impact pire encore pour les femmes qui avaient reçu des résultats faussement positifs sur deux mammographies consécutives, et chez lesquelles était recommandé un suivi à plus court terme ; le taux de participation des femmes chutait alors à 56 % pour leur mammographie de dépistage suivante.

Inquiétudes ? Et si on informait ?

L’auteure principale, Diana Miglioretti, chercheuse au centre de cancérologie et chef de la division de biostatistique à l’Université de Californie à Davis a exprimé d’une façon assez sibylline son inquiétude. Elle insiste sur l’importance de continuer un dépistage annuel ou biennal même en cas de résultat faussement positif : « Il est important de comprendre que la plupart des femmes rappelées pour des examens complémentaires en raison d’un résultat de mammographie de dépistage n’ont pas de cancer du sein », a-t-elle déclaré -« Elles doivent essayer de ne pas s’inquiéter si elles sont rappelées pour un examen complémentaire. Il s’agit d’une étape normale et courante du processus de dépistage ».

Les femmes victimes de ces situations stressantes peuvent en effet toujours essayer, toutefois une voie plus honnête, éthique, et profitable pour les femmes serait de les informer EN AMONT des désagréments et risques du dépistage, et de leur laisser le soin de choisir si elles sont d’accord de connaître ce désagrément, cette fausse alerte, qui peut survenir parfois à plusieurs reprises chez la même patiente au cours de sa vie de dépistée.
Suggérer « d’essayer de ne pas s’inquiéter », c’est vraiment méconnaître l’impact durable et profond que des situations de fausses alertes présentent pour les concernées, la sensation de menace vitale que les femmes ressentent, après qu’on les a durablement et efficacement affolées pendant des décennies à propos du cancer du sein, à grand renfort de campagnes roses et de slogans alarmants.
Alors qu’on pourrait diminuer ce niveau d’angoisse et illustrer facilement ce que le dépistage mammographique représente exactement, par exemple à l’aide d’outils d’aide à la décision AVANT de soumettre les femmes à ce dispositif présenté comme ‘anodin’, option que l’article n’évoque jamais.

Selon Mme Miglioretti, il est également important que les médecins expliquent soigneusement les résultats faussement positifs à leurs patientes afin de les rassurer sur le fait que le résultat était finalement négatif et de souligner l’importance de poursuivre le dépistage.

Non, l’important est d’expliquer aux femmes les enjeux du dépistage (fausses alertes, surdiagnostic et radiotoxicité) AVANT tout début de dépistage, non pas de leur expliquer l’importance d’un dépistage qui a de plus en plus de mal à démontrer son efficacité, mais de les laisser décider elles-mêmes, après une information neutre sur ce dispositif de santé ; c’est ce qui s’appelle la décision médicale partagée.


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