Dépistage par mammographie : Faire entendre la voix de citoyens informés

https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0317263
Résumé par Cancer Rose 28/01/2025

CONTEXTE

Le dépistage par mammographie est très débattu. Inviter des femmes en bonne santé à participer dans le but de réduire la mortalité par cancer du sein peut causer un préjudice grave en termes de surdiagnostic, et un préjudice fréquent en termes de résultats faux positifs. Le surdiagnostic a un corollaire qui est le surtraitement, c’est à dire infliger des traitements inutiles à une personne qui n’en aurait jamais eu besoin sans la détection tout aussi inutile d’une lésion mammaire. Les fausses alertes ont un impact non négligeable, responsables de biopsies, d’examens complémentaires lourds et ont aussi un impact psychologique important.
Le principal argument dans les discussions médicales est la balance bénéfice/risques, c’est à dire de savoir si les avantages escomptés du programme de dépistage l’emportent sur les méfaits non intentionnels.

De nombreuses organisations médicales recommandent la poursuite du dépistage par mammographie, notamment le groupe américain sur les soins préventifs (l’USPSTF), l’Organisation mondiale de la santé (OMS)*, ainsi que la Commission européenne et l’Institut allemand pour la qualité et l’efficacité des soins de santé (IQWIG).

*Avec des mises en garde toutefois comme on peut lire :  » « Les programmes de dépistage doivent fournir des informations impartiales et faciles à comprendre, de sorte que les personnes puissent prendre des décisions éclairées sur leur participation au dépistage. Les profanes aussi bien que les médecins cliniciens tendent à surestimer les béné­fices du dépistage et à sous-estimer ses effets nocifs. Former le personnel à la communication sur les risques et à des outils tels que les infographies, les vidéos et les aides à la décision peut faciliter la compréhension et promouvoir le consentement éclairé de même que les pratiques fondées sur des bases factuelles (cf. Figure 15, p 38). »

En revanche l’Association médicale suisse (Swiss Medical Board), le groupe de travail des experts du cancer de Hong Kong et un groupe d’experts indépendants en France recommandent d’arrêter ou de désamorcer le dépistage par mammographie. (Lire les articles sur la concertation citoyenne).
La concertation citoyenne sur le dépistage mammographique en France fut un travail de deux années, les deux scénarios proposés ET par les experts consultés ET par les citoyennes étaient l’arrêt du dépistage tel qu’il est pratiqué actuellement. Cette concertation de 2016 a été très peu relayée médiatiquement et est passée quasi inaperçue dans notre pays.

Au Danemark, expliquent les auteurs dans Plos One, les citoyens danois participent à l’élaboration de la politique de santé dans leurs municipalités locales en tant que citoyens par le biais d’approches dites délibératives. Les patients et les consommateurs sont habitués à être continuellement impliqués dans les soins de santé par des enquêtes de satisfaction et des entretiens, pour donner leur point de vue sur différentes interventions.

Concernant le dépistage mammographique, l’information donnée au public est principalement partiale et favorable au dépistage [références 20 à 25 dans l’article]. Les études ont démontré que le public n’est pas suffisamment sensibilisé aux graves méfaits du surdiagnostic, et ne se le représente pas bien.

L’étude des auteurs danois a pour objectif de déterminer si un public informé recommanderait ou non la poursuite du programme danois de dépistage par mammographie, et si cette recommandation correspondait à ce que les participants considéraient comme des niveaux acceptables de réduction de la mortalité et de surdiagnostic.
Les deux méthodes utilisées pour se faire sont les suivantes : Un sondage délibératif sur le dépistage par mammographie a été organisé en ligne au Danemark et 89 citoyens y ont participé. Ces citoyens étaient représentatifs de la population générale sur les paramètres sociodémographiques et sur leurs connaissances et opinions à l’égard du dépistage par mammographie. Les participants ont étudié aussi une vidéo sur le programme de dépistage.

La vidéo fournissait des renseignements fondés sur des données probantes au sujet des avantages et des inconvénients du dépistage par mammographie et commençait par corriger certains malentendus courants, comme les raccourcis mentaux souvent inculqués au public : « tous les cancers progresseront et deviendront symptomatiques ». « Il est toujours important de trouver et de traiter le cancer plus tôt ». (Lire ici)
Les estimations de la réduction de la mortalité et du surdiagnostic émanaient de la revue Cochrane et Les données sur la mortalité et l’incidence ont été tirées de Statistics Denmark.
Les citoyens ont enfin participé à une réunion en ligne de citoyens où ils ont discuté avec leurs pairs et des experts dans le domaine du dépistage. Tous les participants ont répondu à un sondage à quatre temps clés : au moment du recrutement, après l’information vidéo, après la délibération en ligne et un mois après la réunion.

Un objectif secondaire était d’examiner comment ce processus d’information et de délibération affecterait les opinions liées au dépistage par mammographie.

RESULTATS PRINCIPAUX

De nombreux participants ont été affectés par le processus de sondage délibératif, puisque 47 %, 36 % et 29 % ont modifié leur recommandation entre les quatre dates d’enquête.
Moins de participants seraient favorables à la poursuite du dépistage par mammographie après information et délibération.
Les participants ayant de hautes connaissances (notamment sur le surdiagnostic) avaient presque cinq fois plus de chances de changer leur opinion pour une position plus sceptique sur le dépistage que les participants ayant de faibles connaissances.

CONCLUSION

Le processus de sondage délibératif a rendu les participants non professionnels moins favorables au programme de dépistage par mammographie : 72 % étaient au départ fortement en faveur du maintien du recrutement, tandis que seuls 55 % étaient encore en faveur après information, et 65 % après délibération.

Après les informations avec vidéo et la délibération, les participants étaient donc moins favorables au programme de dépistage par mammographie que ne l’étaient leurs recommandations immédiates en début du processus.

Les auteurs de cette étude danoise recommandent aux décideurs politiques d’être plus critiques dans leur évaluation du programme de dépistage par mammographie lorsqu’ils prennent en compte la recommandation d’un public profane, il faut privilégier une recommandation réfléchie et mûrie plutôt qu’une recommandation émise à chaud par des non professionnels.

Nous rapprochons ces résultats d’une autre étude française,  dont L’objectif était d’évaluer l’impact d’un dépliant d’aide à la décision sur la participation des femmes invitées à participer à un programme national de dépistage du cancer du sein. Il s’agissait d’un essai randomisé, multicentrique et contrôlé. 
Cette étude d’Aurélie Bourmaud démontrait clairement que les femmes du groupe ayant disposé de l’aide à la décision s’étaient moins soumises au dépistage que le groupe contrôle.

En d’autres termes, lorsqu’une information est délivrée aux femmes sur le dépistage, elles y ont moins recours. Cette conclusion est capitale.

C’est pour cela que notre collectif a mis en place un site dédié à des outils d’aide à la décision disponibles gratuitement pour toutes les femmes.


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