Dépistage du cancer du sein : pas de réduction des stades les plus avancés

Par Cancer Rose, 11 avril 2025

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/40167619/

https://link.springer.com/article/10.1007/s00508-025-02508-8

Comparaison de l’incidence du cancer du sein et des stades du cancer avant et après l’introduction du programme national autrichien de dépistage du cancer du sein dans l’État fédéral de Salzbourg

Contexte : 

En janvier 2014, un programme national de dépistage du cancer du sein, garantissant la qualité, a été mis en place en Autriche. Afin de déterminer si ce programme réduisait l’incidence des stades avancés du cancer du sein, les données du registre des tumeurs de Salzbourg, qui recense tous les cas de cancer diagnostiqués dans l’État fédéral de Salzbourg, en Autriche, ont été évalués.
Les femmes âgées de 45 à 69 ans sont invitées tous les deux ans à passer une mammographie, et parmi les femmes invitées dans le Land de Salzbourg, un taux constant de 45 % a participé au programme de dépistage entre 2014 et 2021.

Sur environ 95 000 femmes âgées de 45 à 69 ans vivant à Salzbourg entre 2010 et 2022, 2 793 cas de cancer du sein, dont 292 cas de CCIS (stade 0), ont été enregistrés dans le registre des tumeurs de Salzbourg. 

Les auteurs de l’étude rappellent les faits suivants :

« Une revue systématique de 2021, menée pour le compte de l’Initiative de la Commission européenne sur le cancer du sein, a évalué 10 essais contrôlés randomisés menés dans les années 1960 à 1990 et incluant plus de 600 000 femmes âgées de 38 à 75 ans[1]Cette revue a constaté une réduction du risque relatif de 20 à 23 % et une réduction du risque absolu de 0,05 à 0,2 % de la mortalité par cancer du sein sur 10 ans, similaire à la revue Cochrane de 2013[2]; cependant, pour plusieurs études incluses dans cette revue, le risque de biais a été jugé élevé. Lorsque ces études potentiellement biaisées ont été exclues, aucune réduction statistiquement significative du cancer du sein et de la mortalité toutes causes confondues n’a pu être détectée. De plus, le dépistage est associé à un risque substantiel de surdiagnostic et de résultats faussement positifs, entraînant de l’anxiété et des interventions inutiles. »
 » De plus, plusieurs études basées sur la population ont montré que le dépistage par mammographie ne réduisait pas l’incidence des stades tumoraux avancés ou seulement dans une faible mesure [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] et n’avait aucun effet détectable sur la mortalité par cancer du sein. [15] [16] [17] [18] « 

En effet, le dépistage mammographique avait été mis en place, dans plusieurs pays européens, dans l’espoir que la détection précoce et anticipée de petites tumeurs de bas grades empêcherait l’avenue de tumeurs plus agressives et plus évolutives.

L’étude cherche à vérifier si les plus hauts grades de cancers du sein, avec le plus grand potentiel de malignité, ont pu être réduits, comme le promettaient les campagnes de dépistage nationales.

Résultats

Dans cette étude, quatre périodes différentes ont été définies :

  1. 2010–2013 : dépistage par mammographie opportuniste uniquement (période de base) ;
  2. 2014–2015 : mise en place du dépistage national du cancer du sein ;
  3. 2016–2019 : mise en place d’un dépistage national du cancer du sein (période de référence) ;
  4. 2020–2022 : influence potentielle de la pandémie de COVID-19.

Pour tous les objectifs de cette étude, seules la période de base et la période de référence ont été comparées.

Après l’introduction du programme de dépistage, la répartition des stades 0 à III était très semblable. La proportion de cancer du sein au stade IV a diminué de 9,4 % à 4,5 %; mais ces différences n’étaient pas d’une ampleur qui pourrait être clairement distinguée du bruit dans l’analyse statistique utilisée.

Conclusion de l’étude : 

Les résultats de l’étude ne soutiennent pas l’hypothèse selon laquelle l’introduction du programme autrichien de dépistage du cancer du sein a réduit de manière significative le cancer du sein à un stade avancé dans l’État fédéral de Salzbourg par rapport au dépistage opportuniste établi auparavant.
Ni l’âge ni la résidence urbaine/rurale n’ont eu d’influence substantielle sur le stade tumoral. 

Commentaires

Un programme de dépistage efficace devrait non seulement réduire la mortalité par cancer du sein, mais aussi l’incidence des cancers du sein à un stade avancé. 
Comme dit plus haut dans la partie contexte, de nombreuses études antérieures montrent la faillite du dépistage en la matière.

Pourquoi ?

Tout tient au modèle de progression cancéreux théorique qui est faux, sur lequel on a pourtant basé l’instauration des campagnes de dépistage. On pensait qu’un cancer débutant prendrait un chemin de progression mécanique et inéluctable, allant de petite tumeur à tumeur métastasée si on ne la détectait pas à temps.

Or il n’en est rien, le schéma de progression cancéreuse est beaucoup plus complexe, et surtout beaucoup plus imprévisible qu’on ne le pensait, faisant que certains cancers restent inactifs, d’autres progressent lentement et d’autres sont tellement véloces qu’ils sont d’emblée, et intrinsèquement déjà agressifs. Ils sont de haut grade histologique (sous le microscope après biopsie) de malignité dès leur genèse, et volumineux au moment du diagnostic parce qu’à caractéristiques moléculaires intrinsèquement péjoratives.
Ces grades 3 histologiques ou plus sont les échecs du dépistages, qui ne parvient pas à les détecter suffisamment tôt, et même si par hasard le dépistage tombe sur une de ces formes, ils sont souvent de stade avancé et déjà métastasés avant même qu’on puisse détecter ces essaimages dans les ganglions lymphatiques ou les organes à distance.

Le fait donc de détecter des grades histologiques 1 ou 2 ne règle pas le problème de ces cancers de haut grade de malignité qui vont atteindre des stades métastatiques, car ces cancers ne découlent pas des plus bas grades, ils proviennent de souches cellulaires à caractéristiques biologiques telles que le cancer qui en découle sera agressif dès le départ, et évolutif quoi qu’on fasse. C’est pour cela qu’aucune campagne de dépistage du cancer du sein n’a pu démontrer, où que ce soit, une baisse des cancers les plus avancés, ni de baisse significative de mortalité (celle-ci baisse bien depuis les années 90, ce qui est imputable aux avancées thérapeutiques et non au dépistage, ce qui est maintenant bien établi depuis plusieurs études récentes. [19] [20] )

C’est ce que montre l’étude de Lannin (https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/)

Pour mieux comprendre, lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/comment-se-developpe-un-cancer/

Ici : https://cancer-rose.fr/2023/06/26/quest-ce-que-lhistoire-naturelle-du-cancer/

Voir cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=pbGZdyUCITc

Références


[1] Canelo-Aybar C, Ferreira DS, Ballesteros M, Posso M, Montero N, Solà I, et al. Avantages et inconvénients du dépistage mammographique du cancer du sein chez les femmes présentant un risque moyen de cancer du sein : une revue systématique pour l’initiative de la Commission européenne sur le cancer du sein. J Med Screen. 2021 ; 28(4) : 389–404.

[2] Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Dépistage du cancer du sein par mammographie. Système de base de données Cochrane Rév. 2013 ; https://doi.org/10.1002/14651858.cd001877.pub5 

[3] Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch HG, Abebe R, Wilson R. Breast cancer screening, incidence, and mortality across US counties. JAMA Intern Med. 2015;175(9):1483–9.
(Lire ici : https://cancer-rose.fr/2015/07/06/analyse-etude-jama/)

[4] Welch HG, Prorok PC, O’Malley AJ, Kramer BS. Breast-cancer tumor size, overdiagnosis, and mammography screening effectiveness. N Engl J Med. 2016;375(15):1438–47.
(lire ici : https://cancer-rose.fr/2017/01/10/etude-nejm/)

[5] Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012;367(21):1998–2005

[6] Autier P, Boniol M, Koechlin A, Pizot C, Boniol M. Effectiveness of and overdiagnosis from mammography screening in the Netherlands: population based study. BMJ. 2017;359:j5224.
(Lire ici : https://cancer-rose.fr/2017/12/06/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/)

[7] Autier P, Boniol M, Middleton R, Doré JF, Héry C, Zheng T, et al. Advanced breast cancer incidence following population-based mammographic screening. Ann Oncol. 2011;22(8):1726–35.

[8] Autier P, Boniol M. The incidence of advanced breast cancer in the West Midlands, United Kingdom. Eur J Cancer Prev. 2012;21(3):217–21.

[9] Nederend J, Duijm LE, Voogd AC, Groenewoud JH, Jansen FH, Louwman MW. Trends in incidence and detection of advanced breast cancer at biennial screening mammography in The Netherlands: a population based study. Breast Cancer Res. 2012;14(1):R10.

[10] Lousdal ML, Kristiansen IS, Møller B, Støvring H. Trends in breast cancer stage distribution before, during and after introduction of a screening programme in Norway. Eur J Public Health. 2014;24(6):1017–22.

[11] Jørgensen KJ, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl PH. Breast cancer screening in Denmark: a cohort study of tumor size and overdiagnosis. Ann Intern Med. 2017;166(5):313–23.
(Lire ici : https://cancer-rose.fr/2017/01/16/etude-de-cohorte-au-danemark-basee-sur-la-taille-tumorale/)

[12] Di Meglio A, Freedman RA, Lin NU, Barry WT, Metzger-Filho O, Keating NL, et al. Time trends in incidence rates and survival of newly diagnosed stage IV breast cancer by tumor histology: a population-based analysis. Breast Cancer Res Treat. 2016;157(3):587–96.

[13] Jørgensen KJ, Zahl PH, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study. BMJ. 2010;340:c1241.

[14] Lousdal ML, Kristiansen IS, Møller B, Støvring H. Effect of organised mammography screening on stage-specific incidence in Norway: population study. Br J Cancer. 2016;114(5):590–6.

[15] Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011;343:d4411.
(Lire ici : https://cancer-rose.fr/2019/10/27/etude-des-trois-paires-de-pays-compares/)

[16] Broeders MJ, Peer PG, Straatman H, Beex LV, Hendriks JH, Holland R, et al. Diverging breast cancer mortality rates in relation to screening? A comparison of Nijmegen to Arnhem and the Netherlands, 1969–1997. Int J Cancer. 2001;92(2):303–8.

[17] Autier P, Koechlin A, Smans M, Vatten L, Boniol M. Mammography screening and breast cancer mortality in Sweden. J Natl Cancer Inst. 2012;104(14):1080–93.

[18] Bleyer A, Baines C, Miller AB. Impact of screening mammography on breast cancer mortality. Int J Cancer. 2016;138(8):2003–12.

(Lire ici : https://cancer-rose.fr/2016/11/01/etude-dimpact-du-depistage-par-bleyermiller-2015/)

[19] https://cancer-rose.fr/2023/06/14/risque-de-deces-par-cancer-du-sein-en-baisse-depistage-ou-pas/

[20] https://cancer-rose.fr/2023/09/08/pas-de-prolongement-de-la-duree-de-vie-grace-aux-depistages/


🛈 Nous sommes un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Nous agissons et fonctionnons sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.
🛈 We are an French non-profit organization of health care professionals. We act our activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.
Retour en haut