La nouvelle ROSP, quel changement pour le médecin concernant le dépistage du cancer du sein ?

Dr C.Bour

20 avril 2020

En 2016 était remis à la ministre de la Santé de l'époque, Mme Touraine, le rapport final de la concertation citoyenne qui eu lieu sur le dépistage du cancer du sein[1].

Outre les problèmes de l'information des femmes, dénoncée comme trop orientée et insuffisante par les panels des scientifiques et des citoyennes, le rapport évoquait aussi l'intégration du dépistage dans la ROSP, ou 'rémunération sur les objectifs de santé publique'. Ce système existant depuis 2011 octroie une rétribution à tout médecin généraliste ayant fait intégrer une patiente ou un patient dans certaines procédures de santé publique, comme le dépistage du cancer du sein. L'objectif est celui d'une participation de 80% des patientes de 50 à 74 ans à la mammographie de dépistage tous les deux ans, les médecins signataires du contrat à la performance seraient ainsi financièrement motivés à le respecter.

La position de la concertation citoyenne de 2016 sur la ROSP

En page 38 de ce rapport final de la concertation citoyenne, les rédacteurs soulèvent le paradoxe suivant :

"Il peut sembler paradoxal de conditionner la rémunération des médecins à la réalisation quasi- systématisée d’un acte sans caractère obligatoire."

En page 47 le coût du dépistage est évoqué, et nous pouvons lire :

"Pour l’année 2008, la HAS a évalué à 180 millions d’euros le coût du dépistage organisé, soit un coût annuel de 79 euros par femme participante et 11 293 euros par cancer dépisté. Auquel il faut ajouter le coût fixe des structures de gestion estimé à 35 millions d’euros.

Le taux de participation de la patientèle éligible au DO du cancer du sein étant pris en compte dans le calcul de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) pour les médecins généralistes, il faudrait ajouter une partie de la ROSP aux coûts du DO. C’est ce qu’a tenté de réaliser la revue UFC-Que Choisir, qui évalue autour de 300 millions d’euros le coût annuel du dépistage organisé (130 euros par personne dépistée et par an)"[2].

Pour finir, page 115 du rapport, il est suggéré :

" Parallèlement, il conviendrait de repenser les termes dans lesquels sont définis les objectifs de santé publique de la ROSP, puisque, en toute rigueur, pour fonder la rémunération sur objectifs de santé publique, il serait plus approprié de prendre en compte le temps que le médecin passe à informer le mieux possible les femmes que celui qu’il passe à les persuader d’y participer."

Nous voyons ainsi que la concertation soulève le coût du système de la ROSP, pose la problématique de la pertinence de l'intégration du dépistage dans le système de la ROSP, et remet en question les objectifs de la ROSP. Ceux-ci devraient moins tendre à convaincre les femmes (pour atteindre l'objectif de 80% de participation) qu'à donner le temps et les moyens aux médecins d'informer loyalement les femmes.

La ROSP, un soutien à la mammographie de dépistage

Le plan d'action en 12 points[3]  de la ministre Touraine, consécutif à la concertation, fut bien décevant.[4]

Les espoirs des citoyennes furent douchés, l'arrêt du dépistage tel quel et sa refonte complète demandés n'ayant jamais été entrepris ni même envisagés par les autorités sanitaires aux commandes ; nous sommes en 2020 et rien n'a changé, les outils d'information sont inexistants, les médecins spoliés de la place centrale qui devait leur être dévolue. En effet, page 129, voici ce que demandait le comité de pilotage de la concertation :

"L’intégration du médecin traitant dans la démarche de dépistage. En effet, dans le cadre de la concertation, les professionnel-le-s ont demandé que le médecin traitant (généraliste ou gynécologue) soit intégré dans le parcours de dépistage organisé du cancer du sein, et les citoyennes ont également demandé à bénéficier des conseils de leur médecin traitant afin de vérifier si une surveillance adaptée (en dépistage individuel) pouvait ou non être préconisée en fonction de leur situation propre. Force est de constater que les médecins traitants n’ont aujourd’hui qu’une place très limitée dans le dépistage organisé (leur intervention pouvant se limiter à la réception du résultat de la mammographie, si la femme a mentionné son nom avant l’examen). Le comité souhaite donc, qu’{ l’instar du dépistage du cancer colorectal, le médecin traitant soit un des acteurs du dépistage du cancer du sein et puisse, à la demande de la femme, être { même de l’informer, de lui proposer de l’inclure ou non dans une démarche de dépistage, en fonction des risques qui lui sont propres. Le comité s’interroge également sur la place à reconnaître éventuellement aux sages-femmes dans ce dispositif. "

Pire encore, concernant la ROSP, avec le plan d'action de la Ministre M.Touraine, on persiste et signe.

Voilà ce qu'on peut lire dans le plan d'action : "afin d’inciter les médecins à proposer la bonne modalité de dépistage à leurs patientes, les mammographies réalisées à ce titre seront mieux valorisées dans la cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP)" ; "Le suivi de la patientèle de femmes à partir de 50 ans, adapté en fonction du niveau de risque, donnera lieu à une valorisation de la ROSP."

Donc non seulement la ROSP sur le dépistage fut maintenue mais en plus valorisée dans le plan d'action qui a suivi la concertation citoyenne, aux antipodes de ce que celle-ci demandait.

La rémunération prévue pour le médecin afin d'obtempérer aux objectifs de santé à atteindre incite clairement le médecin...à inciter la femme à participer.

L'arrivée de la nouvelle ROSP de 2020

Voici le courriel adressé aux médecins traitants de la part d'un syndicat professionnel concernant les nouvelles modalités de la ROSP en ce mois d'avril 2020.

Comme on peut le constater ci-dessus, et malgré des efforts louables du Collège de Médecine Générale usant d'arguments scientifiques, le dépistage est maintenu dans le système, vraisemblablement pour des raisons idéologiques et politiques.

Les arguments scientifiques, nous le supposons, ont dû être ceux de l'absence de toute preuve d'efficacité du dépistage du cancer du sein sur la mortalité des femmes et sur la baisse des cancers graves, ne justifiant en aucun cas qu'on incite les femmes à y participer, surtout sans information adaptée, et avec le doute persistant que, en intégrant les effets adverses des surtraitements, une surmortalité est même suggérée dans certaines études.[5]

Les citoyennes avaient demandé, dans les recommandations exprimées page 132 du rapport de la concertation citoyenne, que le médecin traitant soit mis au centre du dispositif afin d'apporter l'information dont elles sont désireuses.

Pour conclure

Comme le courriel l'affirme à la fin, il y a en effet encore du chemin à parcourir pour parfaire la ROSP.

Le lobby prodépistage semble très puissant au sein des institutions de santé et soutenu par les autorités, puisqu'on constate avec quelle impunité et facilité des émissions de racolage pro-dépistage ont pu voir en février dernier le jour sur une chaîne grand public[6], sans intervention du CSA pourtant alerté, ni même du CNOM, pourtant si prompt à s'insurger actuellement lorsque des médecins et des non-médecins s'expriment dans le contexte de l'épidémie covid actuelle.

Pourtant les messages véhiculés dans ces émissions, dans les slogans imbéciles d'octobre rose, fanfaronnant sur un dépistage sauveur de vies, sont vraiment très loin de "données confirmées" et d'un quelconque "souci des répercussions auprès du public" .

Tant que le dépistage mammographique, inclus dans le système de la ROSP, sera maintenu d'une main de fer par les instituts, le Ministère de la Santé, la Cnam, maintien justifié par des considérations idéologiques et des motivations politiques, les citoyennes se verront continuellement confisquer tout espoir d'accès à une information plus équilibrée et honnête, et les médecins tout espoir d'être considérés à leur juste valeur de personnes centrales, ayant le pouvoir de délivrer une information satisfaisante pour aboutir à une décision libre et éclairée de leur patiente.

Références

[1]               https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

[2]               UFC-Que Choisir. Information sur le dépistage du cancer du sein. Les épines d’Octobre rose. Septembre 2012.

[3]               https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-actions-renov-cancer-sein-2.pdf

[4]               https://cancer-rose.fr/2017/04/06/plan-daction-pour-la-refonte-du-depistage/

[5]               https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

[6]               https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

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Point de vue de Susan Bewley : après l’épidémie covid19, les choses ne devraient plus jamais être les mêmes dans le monde du dépistage

15 avril 2020

Synthèse de l'article dans le blog BMJ de Pr.Susan Bewley

Dr C.Bour

Susan Bewley est professeure émérite d'obstétrique et de santé des femmes au King's College de Londres et présidente de Healthwatch (collectif pour la science et l'intégrité en médecine). Elle est très critique sur le dépistage du cancer du sein et a publié une analyse en plusieurs volets de l'essai sur l'extension du dépistage en cours au Royaume Uni.

Sur son blog BMJ, elle s'exprime sur la suspension du dépistage organisé du cancer du sein, en vigueur, durant l'épidémie covid19, dans plusieurs pays.

Pour Pr. Bewley, La suspension du dépistage systématique du cancer du sein pendant Covid-19 offre une occasion de prendre en compte les reproches qui sont faits à ces programmes de dépistage de masse, ces reproches et controverses existant depuis maintenant trois décennies, insuffisamment relayés en France notamment lors d'octobre rose, campagne nationale annihilant absolument toute contradiction dans l'espace public.

 

Priorité aux malades

 

Le NHS (National Health Service) a su donner par cette suspension, explique Susan Bewley, la priorité aux besoins des malades et des vulnérables. Au milieu de cette pandémie mondiale, écrit-elle, nous ne pouvons plus nous permettre le luxe politiquement populaire de faire inutilement souffrir le grand public dans l'anxiété et le surdiagnostic générés par la pratique du dépistage. Le dépistage systématique du cancer du sein par mammographie et l' essai clinique AgeX -  conçu pour une extension du dépistage aux femmes en dehors du groupe d'âge actuel de 50 à 70 ans - ont cessé. (NDLR : les liens sont ceux proposés dans le texte d'origine)

Bien que que ni sur les différents sites nationaux ni dans les médias il n'y eut de grand battage pour l'annoncer, les femmes ont été informées depuis mi-mars par lettres et appels téléphoniques de l'annulation des invitations au dépistage systématique. Les services ont depuis été suspendus dans certaines régions du Canada , l' Italie , l' Ecosse , et l' Australie . (NDLR, aussi en Belgique en plus des pays sus-cités, voir https://cancer-rose.fr/2020/03/31/suspension-des-depistages-angleterre-pays-de-galles-ecosse/).

Les mammobiles sont en stationnement et immobiles. Les équipes aident les femmes déjà passées dans le système avec un dépistage positif. Mais une fois cela effectué, le personnel sera redéployé pour la tâche herculéenne de contenir le coronavirus et de maintenir à flot le NHS dans ses autres branches.

 

Pas de mise en danger du public par l'arrêt du dépistage

 

Cette reconnaissance que le dépistage du cancer du sein n'a rien urgent doit être applaudie, et le grand public doit être rassuré.

Cela suggère que l' arrêt du dépistage présente peu de danger global pour les femmes. Toute personne présentant une tuméfaction, une déformation cutanée ou d'autres symptômes faisant suspecter la présence d'un cancer actif doit être encouragée à appeler son médecin généraliste comme d'habitude, car les recours d'urgence restent disponibles.

Au Royaume Uni, les services régionaux de dépistage du cancer du sein disent aux femmes que le dépistage est «suspendu». L'intention semble donc être de reprendre le dépistage à la fin de la pandémie de coronavirus. Et c'est là une occasion en or, selon l'auteure, pour le National Screening Committee (NSC) de faire une pause, de reconsidérer les critiques du programme de dépistage et d'évaluer s'il ne faudrait pas modifier ce programme sans répercussion sur la santé des femmes ni clinique , ni selon le critère coût-efficacité.

Susan Bewley explique que l'efficacité des traitements fut révolutionnaire dès 1987, date de l'introduction du dépistage, faisant ainsi se déplacer le point d'équilibre du dépistage entre utilité et inutilité.

Le dépistage peut tout d'abord être inutile, lorsqu'on découvre une maladie sans en avoir les traitements efficaces. Ensuite il peut s'avérer utile, lorsqu'il respecte les critères de Wilson et Jungner et repère tôt des patients qui s'en sortiront mieux avec le traitement disponible, mieux que s'ils avaient attendu l'apparition de symptômes.

Mais il devient à nouveau inutile lorsqu'on dispose, comme à présent, de bons traitements contre le cancer symptomatique, et que dans le même temps la balance bénéfice-risque du dépistage mammographique penche en faveur des risques et occasionne des dommages.

Autrement formulé : plus on dispose de thérapeutiques efficaces comme actuellement, plus le dépistage systématique devient inutile surtout s'il provoque davantage de désavantages qu'il n'apporte de bienfaits.

Cette bonne nouvelle, à savoir que le traitement du cancer du sein symptomatique est aujourd'hui excellent, a été étouffée par une soif de détections. Le sevrage de dépistage peut être une façon inattendue, mais bienvenue, de soustraire le public à sa dépendance à la recherche de maladies qui n'auraient jamais fait de mal à personne.

 

L'arrêt de certains dépistages déjà évoqué

 

Même avant l'épidémie du Covid-19, Mike Richards, l'inspecteur en chef des hôpitaux du gouvernement britannique à la Care Quality Commission, avait appelé à l' arrêt du dépistage du cancer de la prostate par l'APS (dosage du taux de PSA pour la détection du cancer de la prostate). (NDLR : ce dépistage n'apparaît pas dans les recommandations officielles en France )

Il faut s'emparer de ce moment, selon Pr.Bewley, pour aborder ces mythes populaires sur le dépistage. Il n'y a aucune preuve que les «bilans de santé» atteignent quoi que ce soit en termes de résultats à long terme , détournant les ressources du système de santé national dont auraient besoin des personnes réellement malades.

Réduire le tabagisme et l'alcool la consommation et la réduction de l'obésité feraient beaucoup plus pour la santé de la population.

Lire aussi : "il est temps d'arrêter le dépistage précoce du cancer".

Industrie du cancer et battage médiatique

Et : https://cancer-rose.fr/2019/01/23/de-la-pertinence-des-depistages-de-nos-jours-a-propos-de-deux-articles/

 

Conclusion de l'auteure

 

Susan Bewley conclut : si le dépistage par mammographie devait être ré-instauré après la pandémie, il devra être rétabli sans aucun message alarmiste, sans rappel ou avertissement, et sans objectif financier pour les médecins généralistes afin d'en encourager la participation.

Nous avons besoin de meilleurs processus et de brochures de consentement à l'instar de celle de la Cochrane , qui indique clairement que le dépistage est un choix et non une obligation, qui n'est pas nécessairement un mauvais choix de le refuser.

________________________________

NDLR

 

Nous ne pouvons qu'abonder dans toutes ces considérations émises par Pr Bewley pour le Royaume Uni et faire des demandes analogues pour la France. Le travail de synthèse de Pr Autier en 2018 appuyait déjà ce que Pr Susan Bewley énonce aujourd'hui à la faveur de la suspension du programme de dépistage du cancer du sein en Angleterre et autres pays.

  • Dans les populations où le dépistage est suivi, la mammographie de dépistage n’a eu aucune influence sur le cancer du sein avancé, et aucune influence sur les cancers du sein métastatiques chez les femmes.
  • Le surdiagnostic est une source de préjudice considérable pour les femmes qui se soumettent à une mammographie de dépistage. Il n’est plus acceptable de nos jours de minimiser le poids de celui-ci, ni ses conséquences, les surtraitements.
  • Si la mammographie de dépistage pouvait avoir initialement une influence sur la mortalité par cancer du sein, cette influence s’estompe avec les progrès de la prise en charge des patientes. Cela signifie que plus la prise en charge de la  patiente est efficace, mois est utile un dépistage surtout si celui-ci comporte plus de risques que de bénéfices.
  • Les décideurs qui mettent en œuvre des plans nationaux de lutte contre le cancer doivent être conscients des graves lacunes des données qui leur sont présentées comme indubitables, ils doivent prendre davantage en compte les données des études scientifiques internationales indépendantes mettant en cause le dépistage mammographique, et alertant sur le risque pour les femmes de connaître inutilement une maladie.
  • L'information donnée aux femmes sur les risques du dépistage est insuffisante, notion que la concertation citoyenne de 2016 sur le dépistage avait déjà pointée.

L'actualité Covid19 nous a montré le caractère indispensable de la réalisation de bon essais cliniques et de l'EBM, la médecine fondée sur les preuves. La bonne analyse des données est incontournable et les études contestant fortement les bienfaits du dépistage mammographique ne doivent plus être systématiquement et délibérément occultées, ignorées par les décideurs et celées aux femmes.

Nous demandons donc aux décideurs français de re-considérer la pertinence du programme de dépistage mammographique en France, de prendre en compte les demandes de la concertation citoyenne, d'oeuvrer pour la production d'outils d'information neutres et objectifs et d'aides à la décision pour les femmes, de suspendre les campagnes incitatives d'octobre rose, coûteuses, désinformantes et anxiogènes.

Il faut sortir ce programme du système de la ROSP (rémunération sur les objectifs de santé publique), suspendre le système de convocations programmées et de relances culpabilisantes pour les femmes lorsqu'elles ne se présentent pas aux rendez-vous.

Il faut présenter ce dépistage comme un choix, avec refus possible, et non pas comme une obligation de s'y soumettre.

Il faut que la femme soit en confiance, désangoissée, déculpabilisée, qu'elle considère le dépistage mammographique comme une option, facultative, sans qu'il y ait de préjudice démontré ou de perte de chance lorsqu'elle n'y adhère pas.

Nous en appelons au pouvoir en place afin que ce temps de mise en suspens soit mis à profit pour une remise à plat du dispositif, pour un arrêt du programme tel que les citoyennes le demandaient, et que soit entreprise une réflexion en profondeur avant toute remise en route.

 

 

 

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Suspension des dépistages Angleterre, Pays de Galles, Ecosse

31 mars 2020

L'Ecosse rejoint L'Angleterre et le Pays de Galles  stoppant les programmes de dépistages afin de mobiliser les ressources de ces pays dans la lutte contre le covid 19 , qui entraîne un drame sanitaire sans égal dans le monde entier.

https://www.express.co.uk/news/uk/1262288/Nicola-Sturgeon-news-SNP-latest-coronavirus-Scotland-cancer-screenings-cancelled-COVID19

Mêmes initiatives en Belgique, au Canada, en Italie, en Australie.

Nous demandons aux autorités françaises de suivre cet exemple, l'urgence étant de plus en plus aigüe de jour en jour, et gagnant du terrain.

Ces procédures inutiles dont les coûts financiers ont déjà été évalués nous privent de moyens suffisants pour lutter efficacement contre cette tragédie et peut-être d'autres épisodes analogues à venir, nous laissant démunis en matériel de base pour nous défendre. Se rajoute à présent, dans cette crise majeure,  le catastrophique coût en vies humaines..

Ces programmes devront être ré-évalués ensuite sur la pertinence à les maintenir, mais dans l'immédiat de toute évidence stoppés.

 

 

 

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Actualisation de l’arrêté du 29/09/06 sur le programme de dépistage du cancer du sein

Résumé Dr C.Bour, 11 mars 2020

L'arrêté du 29 septembre 2006 du Code de la Santé Publique, destiné à définir les programmes de dépistage des cancers comme programmes de santé intégrés dans le plan de mobilisation nationale contre le cancer, a été actualisé depuis notre critique de 2016.

Arrêté du 29 septembre2006_version consolidee au 27/02/2020

Pour le cancer du sein, l’examen de dépistage reconnu c'est la mammographie.

l’arrêté du 29 septembre 2006 relatif aux programmes de dépistage des cancers était conçu pour décrire l’organisation des lectures des mammographies et listait les indicateurs des dépistages des cancers du sein et du cancer colorectal.  ( JO, 21 déc. 2006, 19240, Texte n°49). Plus tard il a été complété par  l’arrêté du 24 janvier 2008 portant introduction de la mammographie numérique dans le programme de dépistage organisé du cancer du sein,( JO, 5 fév., 2008, 2211, texte n°25).

Alors que dans ses annexes était mis en exergue le principe fondamental qui régit l’information fournie dans le cadre d’un dépistage :  « doit être précise et aisée d’accès pour tous. Elle doit s’appuyer sur des données scientifiques, y compris celles relatives aux inconvénients potentiels des dépistages » , cet arrêté était fortement incitatif pour les femmes et les occurrences "informations" y étaient rares.

Une rapide recherche avec le mot clé « information » ne faisait ressortir que deux mentions sur "l'information" :

1/ Il s’agit de données relatives à la lettre d’invitation systématique que chaque femme reçoit dès 50 ans. On peut lire que « Ce document doit comporter une information sincère sur les avantages et les possibles inconvénients du dépistage, en cohérence avec les messages nationaux ». Lesquels messages se bornaient jusqu'en 2016 de  rassurer les femmes sur la possible douleur de l'examen.

2/ Lors de la description minutieuse de la « réalisation pratique du dépistage », il était précisé que « La femme est accueillie et informée (éventuellement avec l'aide de documents d'information conformes aux messages nationaux)». Lesdits messages nationaux étant eux-même des outils de persuasion, où les méfaits du dépistage, à l'époque, étaient au mieux minimisés quand ils n'étaient pas carrément ignorés sur les sites des autorités sanitaires, et également sur celui de la caisse nationale de l'assurance maladie, comme le rapport de la concertation citoyenne de 2016 le dénonce.[1]

L'arrêté initial

 

A chaque article, chaque ligne de cet arrêté, il s’agissait de tout mettre en œuvre pour sensibiliser et inciter le plus de femmes possible au dépistage : étaient sollicités les fonctionnaires des structures de gestion, les médecins du travail, les médecins libéraux, les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les infirmières, les travailleurs sociaux, les sages-femmes...

Nous avions alors rédigé cet article demandant l'abrogation de ce décret obsolète, et insuffisamment axé sur une information loyale et objective des femmes, prenant appui sur le principe de la connaissance inscrit dans la Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Mais nous avions aussi souligné, dans une lettre envoyée à plusieurs députés [2], l’impact important du surdiagnostic sur des femmes qui, jusqu’ici, n’étaient pas malades : « des milliers de femmes asymptomatiques, saines, sont projetées abusivement dans la maladie, le désarroi, le malheur, avec des retentissements physiques, psychologiques, professionnels, économiques, familiaux ».

Cette action fut mentionnée dans la page 73 du rapport de la concertation, laquelle intervint en 2016, et rendit dans son rapport un constat critique et sévère sur le niveau d'information délivré aux femmes..

Que disait le rapport de la concertation sur le niveau d'information et sur l'arrêté ?

 

Le rapport explique que l'arrêté était conçu pour présenter le cahier des charges des dépistages de ces deux cancers et qu'il confiait aux structures de gestion le recueil des indicateurs d’évaluation.

Or ces indicateurs sont fort nombreux : Indicateurs d’évaluation et de pilotage nationaux, taux de participation, indicateurs d’organisation, indicateurs de qualité du programme, Indicateurs d’efficacité du programme, dont « le nombre de cancers diagnostiqués à l’issue du processus de dépistage ». Le rapport souligne que tous ces indicateurs sont quantitatifs. Tous sont recueillis par le centre de gestion. Mais la satisfaction des femmes, leur projet de continuer le dépistage par exemple, sont absents, et d'ailleurs n'est pas intégrée la possibilité que les femmes puissent refuser le dispositif, cette possibilité de refus n'est toujours pas prévue dans les formulaires de convocation.

"Aujourd’hui", constate le rapport de concertation (page 123) :"avec la polémique sur ce dépistage et les conclusions de ce rapport, les nouvelles orientations devront faire l’objet d’une évaluation de processus et de résultats :

  • Information des femmes pour leur permettre une décision en connaissance de cause : outils et modalité de leur élaboration et de leur diffusion.
  • Information et formation des médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes à cette information et à la décision éclairée.
  • Décisions des femmes : dépistage accepté ou refusé « en connaissance de cause » devant faire l’objet d’études qualitatives.
  • Taux de dépistage individuel, en dehors des recommandations de ce rapport, qui doit être suivi par une nomenclature adaptée.
  • Identification des modalités de dépistage liées aux inégalités sociales et de santé.
  • Évaluation médico-économique des options retenues. "

Qu'en est-il de nos jours, depuis la concertation, examinons l'actualisation effectuée sur la rédaction de l'arrêté

 

Les occurrences sur l'information sont nettement plus nombreuses.

L'arrêté stipule que "Le centre régional de coordination des dépistages des cancers assure la mise en œuvre des programmes de dépistage dans la région conformément au cahier des charges ..... Il contribue, en conformité avec la communication nationale et en l’adaptant au contexte local si nécessaire, à délivrer une information loyale, claire et appropriée sur les programmes de dépistage organisé permettant une décision libre et éclairée des personnes sur le choix de participer ou non (enjeux, stratégies de dépistage en fonction des niveaux de risques, intervalles de dépistage, bénéfices, limites et risques, parcours de dépistage, prise en charge, données épidémiologiques, et le cas échéant sur les stratégies de prévention et de détection précoce recommandées ...).

Il participe, en lien avec les partenaires et acteurs locaux, notamment les médecins traitants, à l’information sur la prévention des risques et le dépistage des cancers, dans une approche intégrée de parcours de santé." Page 10 et 11 de l'arrêté.

En page 12, " Le message véhiculé par les actions de communication locales doit être homogène, sans ambiguïté, et conforme à la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. L’information fournie doit être précise et aisée d’accès pour tous et aborder les enjeux du dépistage, les bénéfices attendus, ainsi que les limites et les éventuels effets délétères. Elle doit s’appuyer sur des données scientifiques, y compris celles relatives aux inconvénients potentiels des dépistages. "

Page 13/14 : "Le centre régional de coordination des dépistages des cancers ..... participe, dans le respect des préconisations nationales, à l’information des professionnels de santé sur les programmes de dépistage organisé (stratégies de dépistage en fonction des niveaux de risques, intervalles de dépistage, bénéfices, limites et risques, données épidémiologiques, innovations techniques et scientifiques ...). "

Quelques bémols

 

Un petit bémol encore sur quelques velléités persistantes d'orienter les femmes vers le système de dépistage organisé :

Page 33 nous lisons : "Dès le démarrage et tout au long de la campagne, le centre régional de coordination des dépistages des cancers :
-invite les médecins à motiver et informer leurs patientes, à proposer la mammographie et à les adresser vers les radiologues du programme dont la liste leur est fournie."

Et juste au dessus :

"Invitation par les professionnels de santé :
Des modalités d’invitation impliquant les médecins généralistes et spécialistes concernés (gynécologues, radiologues) sont mises en œuvre de manière à toucher la population cible le plus largement possible pour l’entrée dans le dépistage. Les médecins du travail doivent également être sensibilisés afin d’inciter les personnes concernées ou leurs ayants droit à participer au dépistage. "

Nous voyons donc un certain effort bien réjouissant, dans le texte, de réduire la terminologie prépondérante de l'ancienne version (sensibiliser, inciter...), mais suggérant quand-même aux professionnels de santé de motiver les troupes...

L'absence persistante depuis les demandes de la concertations de 2016 des outils de décision est décevante, alors que recommandés dans cette nouvelle version de l'arrêté :

Page 33 " Dès le démarrage et tout au long de la campagne, le centre régional de coordination des dépistages des cancers :le centre régional de coordination des dépistages des cancers :
-délivre une information spécifique aux médecins (formation/ information des généralistes et gynécologues portant sur l’épidémiologie, l’intérêt et les limites du dépistage et l’organisation pratique) avec l’aide des outils élaborés au niveau national...."

Nous avions fait la critique du livret et du site de l'INCa [3] [4] pointant les insuffisances et défauts persistants de l'information pour les femmes.

Les convocations envoyées aux femmes ne comportent toujours pas de feuillet d'information que les citoyennes ont demandé d'y adjoindre[5] .

Concernant la possibilité de cocher l'option de refus du dépistage en cas de non-participation cela varie selon le lieu, en Moselle p.ex. la femme peut cocher "cela ne m'intéresse pas", sans avoir besoin de justifier son choix ; dans le département du Tarn (Occitanie) la femme doit encore indiquer à la structure de gestion le motif de son refus .[6]

Quant aux outils d'aide à la décision au niveau national, ils ne sont toujours pas élaborés par l'INCa, alors que l'arrêté le demande bien, page 39 :

"Les modèles nationaux, normés, des lettres d’invitation et de relance, des différents courriers d’information, de suivi et de résultats et les documents d’information d’accompagnement sont fournis par l’Institut national du cancer."

Nécessité d'outils d'aide à la décision

 

Sur la faisabilité d'un outil d'aide à la décision "à la française" pour les femmes selon les critères stricts IPDAS (International Patient Decision Aid Standards), nous nous sommes déjà exprimés ici : https://cancer-rose.fr/2020/01/22/faisabilite-dun-outil-daide-a-la-decision-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-a-la-francaise-selon-les-criteres-ipdas/

Un projet de création d'un tel outil est en cours (groupe DEDICACES formé de membres du Conseil National des Généralistes Enseignants en collaboration avec l'Institut National du Cancer). Il sera forcément imparfait en l'absence de registre national du cancer français, support indispensable de collecte de données exhaustives exploitables pour des études fines, afin de répondre aux critères IPDAS.

Néanmoins il devient urgent que la France, à la traîne par rapport à d'autres pays en matière d'information des femmes, se penche sur la confection d'un outil comportant des informations élaborées sur des données et études non triées, non choisies, indépendantes, réellement complètes et neutres, basées sur les dernières avancées de la science les plus récentes, alléguant aussi les chiffrages les plus pessimistes des effets adverses et risques du dépistage, notamment en matière de surdiagnostic et de surtraitement, et restituant des données objectives de mortalité totale, toutes causes confondues comprenant également les décès imputables aux traitements administrés aux femmes, et résultant de procédures de dépistage.

 

Références

 

[1] Page 95 du rapport de la concertation : citation prise (à l'époque) sur le site de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts)

"....la fiche documentaire, qui est à jour au 26 juin 2016, le présente (le dépistage NDLR) sous la forme d’un slogan, " Le dépistage du cancer du sein, c’est efficace, simple et gratuit » : efficace, car plus ce cancer est détecté tôt, plus il «se guérit facilement» "

[2] https://cancer-rose.fr/2016/05/28/resume-des-actions-2016/

[3] https://cancer-rose.fr/2017/09/17/analyse-critique-du-nouveau-livret-dinformation-de-linca/

[4] https://cancer-rose.fr/2018/02/11/2175-2/

[5] page 111 du rapport de la concertation 2.3. La lettre d'invitation

"L’analyse des documents disponibles pour les femmes et notamment des lettres d’invitation (cf. supra) révèle qu’ils expliquent la finalité du dépistage organisé et ses bénéfices (à savoir le fait que le diagnostic précoce du cancer du sein avant l’apparition de symptômes permet de mieux le soigner), mais tendent { occulter les risques qu’il comporte (douleurs, faux-positifs, surdiagnostics, effets secondaires, stress, etc.). Il est donc nécessaire que les lettres d’invitation présentent explicitement les incertitudes actuelles concernant le rapport bénéfices / risques associé au dépistage du cancer du sein, de telle façon que les femmes concernées puissent prendre, en toute connaissance de cause, leur décision d’y participer ou non."

[6] Page 112/113 du rapport :

"Une invitation et non une convocation
Ces informations doivent inclure en premier lieu une précision sur la nature même de la participation au dépistage. Une clarification s’impose sur l’invitation faite aux femmes de participer au dépistage organisé. Il doit être précisé qu’il ne s’agit pas d’une convocation mais bien d’une invitation, ce qui signifie que la femme peut décider de ne pas y prendre part, car ce dépistage n’a pas de caractère obligatoire. Bien qu’il s’agisse d’une invitation, celle-ci peut en effet être comprise comme étant une convocation, ce qui lui confère un caractère prescriptif de nature { introduire une confusion, peu propice à l’expression d’un libre choix.

La lettre d’invitation devrait également préciser les bénéfices et les risques de cette participation (faire part des arguments contradictoires), et faire état de la possibilité, pour les femmes, d’en discuter avec un professionnel de santé, en lui précisant lequel et comment."

 

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DrG – Un roman graphique pour analyser correctement et démystifier les données statistiques

Pour une compréhension des concepts statistiques

De nos jours, pour répondre aux questions de pratique clinique, les médecins ont besoin, plus que jamais, d’accéder aux rapports d’études originaux et à des publications scientifiques ; ils ne peuvent pas fonder leurs connaissances uniquement sur les résumés, sommaires, de méta-analyses ou guides de bonne pratiques qui se rapportent généralement à un nombre limité de pathologies.

Cela requiert des lecteurs une compréhension de la richesse des concepts statistiques de base qui permettent de critiquer la conception, la réalisation et l’analyse d’une étude et donc d’interpréter correctement les résultats.

Ce roman s'inspire de situations réelles et est créé par :

LUANA CASELLI et LUCA IABOLI

Sujet et scénario :
LUANA CASELLI, LUCA IABOLI e MARCO MADOGLIO

Dessins :
GRAZIA LOBACCARO

Projet graphique : L-INK

Les membres du Formindep, dont Cancer Rose, ont contribué à la traduction en français.

Dépistage mammographique, de page 34 à 38.

Pour télécharger gratuitement le PDF cliquez ci-dessous, puis une fois sur la page, sur "scarica" à droite

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David contre Goliath, qui informe mieux les femmes, Cancer-Rose ou l’INCa ?

2 janvier 2020

Dr M.Gourmelon, DrC.Bour

En 2016 la concertation citoyenne et scientifique sur le dépistage du cancer du sein demandait un arrêt du dépistage[1].

En outre, sur le site de l’INCa l’information était qualifiée de « fractionnée, difficilement repérable, parfois contradictoire, le surdiagnostic abordé de manière peu claire »

En avril 2018 notre collectif s'était déjà ému de l'insuffisance persistante de l'information dans les documents de l'INCa [2] [3], qui minimise encore et toujours le surdiagnostic et qui tait le sur-traitement.

Nous avions exprimé nos réserves dans une lettre réponse publiée dans le CMAJ (Canadian Medical Association Journal) sous le titre "Principes de dépistage: trop peu de préoccupations pour un consentement éclairé?" [4] [5]

Le principe du choix éclairé, de la promotion de l'autonomie et de la protection des droits des participants aux dépistages est simple à mettre en œuvre, à l'aide de pictogrammes [6] avec des nombres absolus. Ces pictogrammes utilisent un dénominateur cohérent, tel que bénéfices et inconvénients rapportés à 1000 dépistés, sur des données fondées sur des preuves.

La Belgique a mis cela en œuvre depuis 2013 pour le dépistage du cancer du sein.

En revanche, l'Institut national français du cancer (INCa), comme les autres agences de santé françaises, enfreint l'éthique, refusant de fournir une telle information malgré les demandes de la concertation en 2016 et même une plus récente demande sous forme d'une lettre ouverte soutenue par la principale organisation non gouvernementale française de consommateurs UFCQC .[7]

L' inclusion de l'acceptation du dépistage dans le système de la ROSP (Rémunération sur les Objectifs de Santé Publique) était dénoncée dans la concertation citoyenne de 2016 [8]

Avec la légalisation d'une information déséquilibrée comme la propose l’INCa, c’est proprement scandaleux.

Le médecin généraliste se trouve ainsi en conflit d'intérêt et il n'est toujours pas formé à la façon de fournir un consentement éclairé à la patiente lors de la consultation.

Une étude dans la revue d'épidémiologie et de santé publique

Aujourd’hui, une étude dans la revue d'épidémiologie et de santé publique[9], en décembre 2019, prend acte du fait que l'information due aux femmes et délivrée par L'INCa n'est toujours pas au niveau.

La politique de l'autruche des autorités françaises nourrit de lourdes suspicions de liens d’intérêt avec les lobbies "pro-dépistage".

La situation actuelle est pour les femmes et leur dignité en santé inacceptable.

Cette étude s’inscrit dans la perspective de la création d’un outil d’aide à la décision français dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein, en collaboration avec l’INCa

L'étude : Information autour du dépistage organisé du cancer du sein. L’INCa et Cancer Rose répondent-ils aux critères des outils d’aide à la décision ?

  1. Contexte

Les controverses autour du dépistage organisé du cancer du sein accentuent le besoin d’informations pour les femmes. En France, l’INCa est en charge de cette information, il a la mission de "favoriser l’appropriation des connaissances et des bonnes pratiques par les personnes malades, les usagers du système de santé , la population générale, les professionnels de santé et les chercheurs."

. Le site Cancer Rose (CR) produit une autre information, estimant celle de l’INCa incomplète.

L’objectif de cette étude était de déterminer si les sites de l’INCa et de CR répondaient aux critères IPDAS [10] [11] d’outils d’aide à la décision.

  1. Méthode

Il s'agit d'une comparaison des outils disponibles.

  • Pour l’INCa, la vidéo de la dernière campagne lancée du 23 septembre au 14 octobre 2018, le dossier de presse, la plateforme web, le livret d’information et le dépliant d’information ont été sélectionnés pour analyse.
  • Pour Cancer Rose, ce sont les différentes rubriques de la page d’accueil soit : les vidéos d’information, les brochures téléchargeables (version longue et courte), la présentation, la rubrique études et les affiches.

Le livret d’information et le dossier de presse pour l’INCa et la rubrique "études" du site CR étaient les documents répondants le plus aux critères IPDAS [12].

Le document répondant le moins à ces critères était la vidéo pour l’INCa et le dépliant d’informations pour Cancer Rose, (document de synthèse réalisé, après la brochure exhaustive, simplement comme document pouvant être délivrée à la patiente à la fin de la consultation d'information du médecin traitant.)

Les vidéos sont des outils plus accessibles pour les personnes avec un plus faible niveau de ce qu'on appelle "l'alphabétisation" (literacy)[13] en santé.

Les critères IPDAS ont été utilisés et une moyenne a été calculée à l'aide d'un logiciel.

  1. Résultats

Ils sont résumés en pourcentage dans le tableau 2 , cliquez sur l'image :

Vous constaterez que pour tous les critères Cancer Rose obtient de meilleurs scores que l’INCa, et cela très nettement.

Les données de ce tableau sont énumérées dans le texte, par exemple :

Pour l’INCa, les données validées sur lesquelles se fondaient les informations étaient absentes dans la vidéo et le dépliant. Le dossier de presse contenait des références dans le texte ou annotées en bas de page. Les deux documents abordant l’ensemble des risques inhérents au dépistage organisé étaient la plateforme web et le livret d’information. La vidéo de la campagne abordait le surdiagnostic et le surtraitement sans les citer : « Le dépistage : risque zéro ou pas ? Il arrive parfois que l’on diagnostique et que l’on traite un cancer qui n’aurait pas ou peu évolué, le risque zéro n’existe pas ». Le dépistage à un stade précoce était valorisé sans description de l’histoire naturelle de la maladie. Le temps d’avance au diagnostic, critère IPDAS, n’était pas expliqué. »

Ce constat est grave et présenté de façon factuelle.

Pour Cancer Rose les auteurs écrivent ceci :

« Pour Cancer Rose, à part la douleur, les risques inhérents au dépistage étaient tous décrits (faux positifs, surdiagnostics et surtraitements dans tous les documents ; cancers de l’intervalle, faux négatifs, cancers radio induits et angoisse dans les vidéos). Au moment de décrire les bénéfices, les documents décrivaient l’absence d’impact sur la mortalité globale. Les bénéfices d’une « femme qui évite la mort par cancer du sein et dont la vie sera peut-être un peu prolongée » étaient immédiatement dans le discours de la vidéo contre-balancés par « une femme qui succombera à un effet grave du traitement, un traitement dont elle n’aurait pas eu besoin en l’absence de dépistage ». L’histoire naturelle des différents types de cancers du sein était décrite. Les données sur lesquelles se fondent ces informations étaient référencées

Il y a donc un décalage plus que notable entre l'information délivrée par l'INCa et celle du collectif Cancer Rose

Voici l'illustration de ces résultats en diagrammes, avec l'aimable permission de reproduction de Jérémy Anso, auteur de ces tableaux et rédacteur du site "Dur à avaler", docteur en sciences ; voir son article sur le sujet.

  • Les critères présents, doivent être les plus nombreux

  • Les critères incomplets, doivent être les moins nombreux

  • Les critères absents, doivent être les moins nombreux également

  1. Discussion

4.1. Résultats principaux et comparaison

  • « Les documents répondant le plus aux critères IPDAS sont le livret d’information et le dossier de presse pour l’INCa et la rubrique études pour Cancer rose. »

Mais sans rappeler les chiffres désastreux de l’INCa par rapport aux scores supérieurs obtenus par Cancer Rose, ce déséquilibre flagrant aurait mérité d'être davantage souligné.

  • « La vidéo de l’INCa obtient un score de 6,3 % en termes de contenu versus 50 % pour celles de Cancer Rose. »

« la vidéo (de Cancer Rose, ndlr) est apparue orientée aux chercheurs mettant plus en avant les inconvénients/risques que les bénéfices/avantages. »

Ainsi, alors que la vidéo Cancer Rose obtient 50 % et celle de l’INCa 6,3 %, la seule critique émise est celle d'une vidéo engagée de la part de Cancer Rose mais il manque, pour être équitable, un commentaire sur celle, insuffisante, de l’INCa.

La discussion se borne à ce constat, puis présente un paragraphe louant les confrères canadiens et leur support vidéo[14].

4.2. Perspectives

Elles peuvent se résumer à la dernière phrase de l’étude  :

« Cette étude s’inscrit dans la perspective de la création d’un outil d’aide à la décision français dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein en collaboration avec l’INCa »

Résumé

Cette étude, de par les chiffres publiés montre, comme nous l’avons souligné par le passé, que l’INCa ne répond pas à sa fonction et sa mission d'information, comme en témoigne le commentaire de comparaison avec nos confrères canadiens.

« Le groupe canadien de santé publique sur les soins de santé préventifs (soutenu par l’agence de la santé publique du Canada) fournit aux femmes un document d’informations générales de trois pages et des documents d’une page en fonction de l’âge (50–59, 60–69, 69–74 ans). Une vidéo de 12 minutes est aussi consultable.

Tous ces outils incitent les femmes à discuter avec leur médecin de famille du dépistage. La vidéo est très éloignée de celle de l’INCa à la fois sur la forme et sur le fond. »

Cette étude montre même que l’INCa fait un travail « indigent » comme en témoigne les 6,3 % de score obtenu sur sa vidéo.

Les auteurs, bien que transparents et factuels dans leurs résultats, n’émettent quasiment pas la moindre critique contre l’INCa.

Ils saluent toutefois notre travail dans le paragraphe des résultats.

 Conclusion

Les documents d'information proposés par l’INCa requièrent, selon les auteurs, un niveau élevé de littératie (ou d'éducation, ou d'alphabétisation, voir réf 12) du public en santé. Les vidéos sont au contraire reconnues pour être des outils d’information plus adaptés à des personnes avec un niveau de littératie en santé faible.

A aucun moment l’INCa n’atteint la moyenne dans les critères qui devraient être présents, n’atteignant au mieux que 37,5 % ce qui est très insuffisant, là où le collectif Cancer Rose, atteint, lui, avec ses propres moyens qui sont ceux des auteurs et de quelques dons, 62,5 %.

Pour ce qui est des critères absents, là aussi l’INCa est imbattable avec un maximum de 56,3 % là où Cancer Rose n’atteint que 25 % de critères absents.

Enfin pour les critères incomplets, l’INCa nous devance encore largement et dans toutes les publications, atteignant même 50 % dans 2 cas.

Nous sommes très satisfaits qu'une revue d'épidémiologie relève enfin ce problème de désinformation institutionnelle persistant vis à vis des femmes et le signale enfin.

Nous regrettons qu'il ne soit fait mention de ce fait uniquement dans le texte du document.

Malheureusement beaucoup de lecteurs s’arrêtent souvent à la lecture de l’abstract.

Il est regrettable qu’il n’y ait pas de remise en question explicite du travail de l’INCa, alors que cette situation non éthique et scandaleuse persiste depuis déjà de nombreuses années.

L’Institut national du cancer (INCa) a la mission de « favoriser l’appropriation des connaissances et des bonnes pratiques par les personnes malades, les usagers du système de santé, la population générale, les professionnels de santé et les chercheurs ». Dans le cadre de cette mission, cette agence met à disposition des outils et réalise régulièrement des campagnes d’informations », cela avec un budget 2019 pour la prévention et le dépistage de 6,4 millions d’euros [15]

Nous aimerions que ce budget public serve à l’information objective des femmes et non de marketing pour le dépistage du cancer du sein par mammographie.

Rajoutons à cela que le fameux "livret d'information" téléchargeable sur le site de l'INCa, outre le fait d'être incomplet et partial, n'est pas envoyé à toutes femmes. Il est envoyé aux femmes invitées pour la première fois à 50 ans, selon ce qui est mentionné sur le site de l'INCa.
Donc toutes les autres femmes de plus de 50 ans, n'ont jamais eu, n'ont pas et n'auront aucune de ces informations, même partiales et parcellaires. La lettre" d'invitation" et les relances ne sont jamais oubliées, elles...

De notre côté, nous admettons bien sûr les critiques émises, dont nous avions déjà conscience. Les critères manquants et le caractère dispersé de notre information seront corrigés dans un MOOC (Massiv Online Open Course) qui est en voie de construction et devrait être mis en ligne courant de l'année 2020. Celui-ci, par son caractère pédagogique et interactif, palliera à ces imperfections et complétera les informations dont le médecin et la patiente ont besoin pour pouvoir prendre une décision éclairée dans un échange collaboratif.

Il est vrai que notre information, de façon assumée, dénonce davantage les risques que les bénéfices du dépistage, pour deux raisons :

  • Aucune autorité, institution, site d'information ne dénoncent ni n'informent les femmes sur le maléfice du dépistage.
  • Plus aucune étude récente, depuis les années 2000, ne parvient à prouver de bénéfice avéré du dépistage, tandis que les publications alertant sur les risques se multiplient, entre autres sur le surdiagnostic croissant, véritable enjeu en santé publique.

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

[2] https://cancer-rose.fr/2017/09/17/analyse-critique-du-nouveau-livret-dinformation-de-linca/

[3] https://cancer-rose.fr/2018/02/11/2175-2/

[4] https://cancer-rose.fr/2018/04/25/reponse-dans-le-cmaj-principes-de-depistage-trop-peu-de-preoccupations-pour-un-  consentement-eclaire/

[5] https://www.cmaj.ca/content/190/14/E422/tab-e-letters#principles-for-screeni

[6] https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf

[7] https://cancer-rose.fr/2018/03/30/lettre-ouverte-a-linstitut-national-du-cancer/

[8] https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

[9] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S039876201930522X?via%3Dihub

[10] http://ipdas.ohri.ca/

[11] https://decisionaid.ohri.ca/Azsumm.php?ID=1881 ; critères listés bas de page

[12] International Patient Decision Aid Standards : https://decisionaid.ohri.ca/francais/

[13] https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-litteratie-en-sante-un-concept-critique-pour-la-sante-publique

[14] Canadian Task Force on Preventive Health Care. Cancer du sein (mise à jour). Calgary (Alberta) Canada: Outil de dépistage auprès de 1000 personnes; 2018, . Disponible sur : https://canadiantaskforce.ca/tools-resources/cancer-du-sein- mise-a-jour/outil-de-depistage-aupres-de-1000-personnes/?lang=fr

[15] https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Qui-sommes-nous/Budget

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Etude MyPEBS, un scandale

Ou comment relancer le dépistage du cancer du sein pour des raisons peu avouables alors qu’il est en train de mourir

Par Dr Alain RAUSS, médecin biostatisticien pharmaco-épidémiologiste, 10 décembre 2019

Contexte

Une étude appelée MyPeBS (Personalising Breast Screening) sur 85 000 femmes volontaires âgées de 40 à 70 ans est lancée dans 5 pays pour tester la pertinence d'un dépistage basé sur le risque individuel de cancer du sein par rapport au dépistage actuel (30 000 en Italie, 20 000 en France, 15 000 en Israël, 10 000 en Belgique et 10 000 au Royaume-Uni).

L'étude pose d'énormes et multiples problèmes, à la fois éthiques, méthodologiques, et de biais statistiques.

Vous en trouverez la présentation sur le site dédié , en particulier ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/03/01/presentation-analyse-methodologique/

Pourquoi cette étude s'apparente-t-elle à un scandale en santé ? Dr Rauss nous éclaire.

Protocole complet MyPebs

Un titre comme celui-ci peut sembler fort et nécessite assurément une explication.

Aujourd'hui, quand on parle du dépistage du cancer du sein, il est impossible de nier des résultats qui se complètent chaque jour où il ressort que, finalement, ce dépistage, pour un résultat hypothétique ou au mieux très minime, présente en contrepartie des inconvénients importants qui ont progressivement amené la communauté scientifique à se détourner de cette pratique. Même s'il peut exister des discussions, on voit bien qu'il existe des raisons peu avouables, indépendantes de la santé des femmes, pour maintenir à tout prix le dépistage.

Le scandale, dans lequel des médecins ne sortiront pas grandis, se trouve dans le fait qu'il était possible d'éteindre presque définitivement les débats. En effet, en utilisant les fonds envisagés pour la réalisation de MyPEBS dans une étude randomisée, à grande échelle, comparant dans un bras le dépistage à un bras SANS dépistage le débat aurait été clos rapidement. Or les auteurs de l'étude, qui ont tout à perdre (économiquement il faut le dire) à montrer que le dépistage ne sert à rien et est même dangereux, ont décidé de réaliser une étude randomisée avec 2 bras dépistage ce qui ne permettra que de conclure sur la différence éventuelle entre 2 formes de dépistage. Dans le contexte actuel, il est simplissime de se rendre compte que le choix d'une telle étude n'est là QUE pour promouvoir le dépistage, sous une forme ou sous une autre mais bien promouvoir le dépistage ; c'est là que se trouve le scandale. En effet, en décidant de mettre en place une étude comparant le dépistage actuel avec un dépistage soit disant "sélectif" dans un essai de non infériorité on ne pourra que conclure, si la non infériorité est établie, que le dépistage sélectif n'est pas inférieur au dépistage actuel et que les deux approches de dépistage sont envisageables. Eventuellement tester la supériorité d'une des approches permettra alors de mettre en valeur une approche de DEPISTAGE par rapport à l'autre mais rien par rapport à une approche sans dépistage. Ainsi, alors qu'une très grosse partie de la communauté scientifique dit maintenant que le dépistage du cancer du sein n'a pas d'intérêt et est même délétère, vous avez bien lu, la conclusion de l'étude envisagée ne peut être qu'un message pour continuer le dépistage.

Financement européen

cliquez :

Le scandale va plus loin car la Commission Européenne est mise dans la "boucle des décideurs" par son association au protocole afin de s'assurer que devant les résultats de l'étude, ce soit même l'Europe qui préconise le dépistage (sous une forme ou une autre, peu importe); c'est très bien fait!

Il est possible d'aller un peu plus loin pour mieux comprendre l'ampleur du scandale de cette étude. Que la Commission Européenne ne soit pas informée des données discutées peut s'envisager (bien qu'avant de donner sa caution nous aimerions bien que cette Commission analyse correctement les données) ; mais que le docteur Delaloge de l'Institut Gustave Roussy (excusez du peu) et qu'UNICANCER ne soient pas complètement informés de ces données n'est pas envisageable et relève alors assurément d'un objectif autre (comme énoncé plus haut) que de la volonté de faire avancer la science en proposant un tel protocole. Ainsi, c'est sciemment que l'IGR et UNICANCER ont manipulé la Commission Européenne pour arriver à leur fin en sachant que la Commission Européenne devant de telles sommités n'allait pas se poser de question. Comme je l'ai dit plus haut, il suffit de regarder les moyens disponibles pour réaliser une étude randomisée avec 85 000 femmes dans 5 pays suivies pendant 4 ans avec une suite pendant 10 voir 15 ans, pour facilement se rendre compte qu'une étude randomisée comparant dépistage versus non dépistage était facilement réalisable et aurait eu assurément la puissance nécessaire pour conclure.

Le scandale ne s'arrête pas là et nous pouvons citer:

  • Un autre point majeur de ce scandale se trouve également dans le fait, qu'aujourd'hui, le dépistage n'existe pas chez les femmes de 40 à 49 ans dans 4 des 5 pays participant à l'étude. Proposer de faire du dépistage chez toutes les femmes à partir de 40 ans dans le cadre de l'étude va permettre d'étendre le dépistage à une population qui n'était jusque-là pas dépistée. En effet, si l'étude montre une non infériorité des 2 méthodes de dépistage la signification en est toute simple: "Le dépistage des femmes de 40 à 49 n'est pas inférieur à l'absence de dépistage chez ces femmes puisque dans un bras il n'y a pas de dépistage et dans l'autre il y en a un".
  • La présentation du chiffre de 20% de réduction de mortalité grâce au dépistage est aussi un scandale (on va dire cette fois par omission) car il n'est pas dit que ce 20% (chiffre juste) c'est 1 décès sur 5 décès parmi 2 000 femmes dépistées sur 10 ans AU PRIX de 10 surdiagnostics, donc de femmes traitées alors qu'elles n'en avaient pas besoin (vraie définition du surdiagnostic malicieusement non présentée dans le protocole [il est simplement dit que ce sont des cancers qui n'auraient pas été dignsotiqués sans le dépistage]), AU PRIX de 200 fausses alertes, AU PRIX de 1 vie raccourcie du fait des traitements et il faut le reconnaitre 1 vie qui aurait été allongé.[i]
  • Les auteurs du protocole le disent eux-mêmes (p16/119), le dépistage sélectif n'est autre qu'un moyen d'augmenter les mammographies de dépistage: "due to our anticipated increase in the average numbers of mammograms in the experimental arm" ("en raison de l’augmentation prévue du nombre moyen de mammographies dans le groupe expérimental" ) ; si ce n'est pas un objectif d'augmenter le dépistage...
  • Le score de risque utilisé pour classer les femmes dans le bras "dépistage suivant le score de risque" n'est pas formellement validé puisque les auteurs disent eux-mêmes: "Breast cancer risk levels will then be classified into 4 meaningful categories, which have been defined by the clinical trial steering committee" ("Les niveaux de risque de cancer du sein seront ensuite classés en quatre catégories significatives, qui ont été définies par le comité directeur des essais cliniques"). Ce n'est pas une étude de validation d'un score qui est à la base de la construction du score de risque mais des scores existants combinés avec d'autres éléments considérés par les auteurs comme importants mais n'ayant pas fait l'objet d'une validation formelle avant son utilisation
  • Si besoin était de s'interroger sur une éventuelle envie de renforcer le dépistage, les auteurs eux-mêmes nous le disent: "MyPeBS will de-escalate screening in part of the population but escalate it in a large other part" ("Mypebs va décroître le dépistage dans une partie de la population, mais l’intensifier dans une autre grande partie") (p38/119) (même pas besoin de faire les calculs, ils nous le disent)

Autres points

On pourra mentionner par ailleurs les éléments suivants:

  • Alors que les auteurs envisagent même de transformer leur étude de non infériorité en étude de supériorité, il est incompréhensible d'avoir retenu une borne de non infériorité de 25% [ii]
  • Au bout des 4 ans de l'étude, les femmes ayant participé retourneront au dépistage standard et seront suivies pendant 15 ans pour conclure quoi, du fait que l'on aura eu 2 séquences de dépistage successifs ?
  • Les auteurs du protocole nous disent (p21/119) qu'il y aura une réévaluation annuelle dans le bras "score de risque": en fonction de la littérature sans nous décrire l'algorithme envisagé pour modifier le planning du dépistage, ce qui veut dire qu'au final on ne sait pas ce que va être la comparaison finale.
  • Comment est-il possible de parler "d'information" des femmes dans le groupe "dépistage sélectif" alors que le score n'est pas un score validé et juste établi par le steering committee (comité de pilotage de l'étude) : "They will be informed on potential risk-reducing strategies associated with their individual breast cancer risk level and individual risk factors" ("Elles seront informés des stratégies potentielles de réduction des risques associées à leur niveau de risque individuel de cancer du sein et à leurs facteurs de risque individuels").
  • Le parallèle avec le système de risque dans le cardiovasculaire (p28/119) est "amusant" car on ne parle pas de score établi dans les mêmes conditions et pour des niveaux de risque comparables. En tentant de présenter la problématique des femmes a très haut risque et l'intérêt de dépister ces femmes pour justifier le dépistage, c'est un peu comme si on extrapolait le résultat obtenu pour l'hypercholestérolémie familiale homozygote pour justifier tout ce que l'on va faire à toutes les hypercholestérolémies.
  • Mettre en avant une concordance de 0,57 à 0,70, ce n'est pas très bon puisque l'on considère qu'il faut atteindre 0,8 pour parler de bonne concordance (p30/119) [iii]
  • Mettre en avant avec force une étude "in press" ne correspond pas aux standards scientifiques usuels (p30/119).[iv]
  • La méthode statistique utilisée pour passer d'une étude de non infériorité à une étude de supériorité avec les modifications du seuil du risque alpha, du fait de la multiplication des tests, n'est pas présentée, ce qui n'est pas correct.

Lire aussi :

Comme il y aurait encore beaucoup à dire, je renvoie le lecteur qui souhaite avoir des éléments plus détaillés et complémentaires au très beau site: https://cancer-rose.fr/my-pebs/ qui présente de très nombreux points sur la problématique de l'étude et plus généralement sur le problème du dépistage du cancer du sein. Dans ce cadre, j'invite le lecteur à vraiment consulter l'affiche d'information pour salle d'attente qui présente d'une manière très graphique et donc très parlante ce qui se passe sur 2000 femmes dépistées ou non https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf

Autre analyse du protocole : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/12/01/le-rationnel-de-letude-2/

Conclusion

Si le souci de mieux prendre en charge les femmes était le moteur de la mise en place de cette étude, nous aurions une autre étude [v]; il s'agit donc bien là d'un vrai scandale.

Références

[i] https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/

Qu'en est-il de la diminution de mortalité de 20%

Il s'agit de la réduction relative du risque.

La baisse du risque de mortalité depuis l'instauration du dépistage organisé est admise par tous les auteurs et experts. Elle varie, selon les études (observationnelles et randomisées), de 14 % à 48 % de diminution du risque de mortalité liée à ce cancer ; ce risque est environ de 5 % à l'âge de 50 ans; une diminution de 20 % fait donc passer ce risque à 4 %.

De fait, la synthèse de la Revue Prescrire, la synthèse de la Collaboration Cochante (groupe de chercheurs nordiques indépendants), la synthèse étasunienne (US TASK Force) donnent un aperçu en valeurs absolues.

Si sur 1 000 femmes dépistées 4 meurent d'un cancer du sein, et que sur un groupe de femmes non dépistées 5 meurent d'un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en chiffres absolus cela ne fait qu'une différence d'une seule femme... C'est pour cela qu'il convient de toujours exiger une présentation en données réelles, et non en pourcentage ce qui enjolive la situation.

[ii] https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/10/27/quest-ce-quun-seuil-de-non-inferiorite/

[iii] NDLR, dans le protocole page 30 il est dit ceci : "Le modèle Tyrer-Cuzick (ou IBIS) a été largement décrit dans la population générale ainsi que dans les cliniques familiales à haut risque ou les populations d’essais cliniques (IBIS1). Il est particulièrement pertinent pour les femmes ayant des antécédents familiaux : son exactitude est moyenne dans la population générale (c-statistiques entre 0,57 et 0,60), tandis qu’il est très élevé dans les populations à risque familial (c-statistiques jusqu’à 0,70)." Or en effet le taux à obtenir pour une bonne concordance est de 0,8

au sujet des scores d'évaluation des risques, voir la page : https://cancer-rose.fr/my-pebs/conflits-dinterets/

[iv] "in press" signifie que cette étude n'a encore jamais été publiée...

[v] https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/03/09/letude-dont-on-re%CC%82vait/

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Analyse du panorama de l’OCDE de 2019

OCDE 2019 A OCDE 2019 B OCDE 2019 C

NDLR : le document étant très lourd, nous n'avons pas pu le télécharger en totalité.

Pour obtenir le document panorama de l'OCDE 2019 complet (243 pages) veuillez nous adresser votre demande sur la page contact du site.

14 novembre 2017, synthèse C.Bour

La lecture de ce nouveau panorama 2019 nous fait retenir trois points principaux :

-L'étude de la survie à 5 ans

-Les proportions des cancers des différents stades

-Les actes chirurgicaux.

1° L'étude de la survie à 5 ans.

Encore une fois, nous le répétons ici, cette donnée n'est pas un bon indicateur d'efficacité des dépistages.

La survie à 5 ans n’est pas la même chose que l'espérance de vie ou durée de vie. Admettons une espérance de vie chez une femme de 73 ans ; si elle a un diagnostic de cancer à 67 ans elle rentrera dans les statistiques de survie à 5 ans, mais pas si ce diagnostic est fait plus tard, vers 70 ans par exemple, la femme ne sera pas incluse dans les statistiques de survie à 5 ans. La « survie » mesure plutôt la durée de vie du cancer. C'est une illusion d'optique : par l'anticipation de la date de survenue du cancer, on a l'impression d'un allongement de la vie alors que l'espérance n'a en rien changé.

L'allongement de la survie est le résultat de deux phénomènes : l'efficacité des traitements qui rallongent la durée de vie du patient avec son cancer, et le dépistage qui anticipe la date de naissance du cancer indépendamment de l’issue de la maladie.

La survie est majorée quand l'incidence est la plus forte et le surdiagnostic d'autant plus fort. En effet, par définition, tous les surdiagnostics guérissent. On a donc une illusion de succès. La survie est un marqueur de l'efficacité des traitements, mais pas de l'efficacité du dépistage.[1] [2]

 

Revenons au texte du panorama, en consultant la page 42 (numérotation du document), figure 2.2, on se rend compte que la plus haute survie parmi celles indiquées concerne les pays suivants : USA, Japon, Australie, Islande.

Le rapport avance comme raison, page 138 : Dans les pays où la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce est élevée, comme aux États-Unis et au Japon, la proportion de femmes diagnostiquées à un stade avancé est également faible.

Depuis les années 1980, la plupart des pays de l’OCDE ont adopté des programmes de dépistage du cancer du sein comme moyen efficace de détecter la maladie tôt (OCDE, 2013). Cela a contribué à augmenter la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce.

Dans la plupart des pays de l’OCDE, pour les femmes diagnostiquées à un stade précoce ou localisé, la probabilité cumulative de survivre à leur cancer pendant au moins cinq ans est de 90 % et la variation internationale est faible (figure 6.29)

Or les taux de participation au dépistage, très variables dans ces pays (55% Australie ; 71% pour USA, seulement 36.4% (en 2010 )pour le Japon , et de 60% pour Islande) contredisent cette affirmation.

Nous livrons ici l'analyse de Dr V.Robert, notre médecin statisticien :

La proportion de petits cancers est une explication possible de la survie à 5 ans (cf. graphique 1 ci-dessous qui montre une tendance significative à l'augmentation de la survie quand la proportion de petites tumeurs augmente ; coefficient de corrélation de Spearman = 0.55,  p < 0.004) Graphique 1

Mais ce n'est pas la seule explication possible : cf. graphique 2 ci-dessous qui montre une tendance significative à l'augmentation de la survie quand les dépenses de santé augmentent ( coefficient de corrélation de Spearman = 0.57, p < 0.003).

Il y a une forte corrélation entre dépenses de santé et proportion de petites tumeurs (cf. graphique 3 ; coefficient de corrélation de Spearman = 0.78, p < 0.000001).

Le problème est que de fortes dépenses de santé sont probablement associées à davantage de dépistage donc plus de petites tumeurs (réelles ou surdiagnostiquées) mais aussi à une meilleure prise en charge thérapeutique. De ce fait, il est malaisé de savoir quelle est la part de l'amélioration de la survie qui est liée à la proportion de petites tumeurs.

2° Les proportions des cancers à différents stades

Il est dit, toujours page 140 (numérotation du document PDF) : Depuis les années 1980, la plupart des pays de l’OCDE ont adopté des programmes de dépistage du cancer du sein comme moyen efficace de détecter la maladie tôt (OCDE, 2013[1]). Cela a contribué à augmenter la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce

Voir à ce propos le tableau 6.28 p.139 du document

Les auteurs ont calculé les pourcentages de tumeurs de stade peu avancé sur l'ensemble des tumeurs, y compris les "unknown" (les inconnus), donc en incluant la catégorie des tumeurs inconnues dont on ne sait ce qu'elle contient, et d'importance très variable selon les pays.

Les proportions eussent été différentes si on avait calculé les ratios entre les tumeurs de stade connu, entre celles de faible et celles de haut stade.

Revenons à la phrase page 138 du document :

"Dans les pays où la proportion de femmes diagnostiquées à un stade précoce est élevée, comme aux États-Unis et au Japon, la proportion de femmes diagnostiquées à un stade avancé est également faible",  cette affirmation paraît là d'un truisme confondant, car il est évident que sur 100% de cancers si la proportion des cancers précoces augmente celle des cancers avancés ne peut que diminuer.

Bien évidemment il eut été bien plus pertinent de connaître le nombre absolu de tumeurs pour chaque stade, ou un taux donné pour 100 000 femmes par exemple, qui montrerait si le nombre absolu de cancers avancés pour une population donnée baisse ou pas. Ceci, avec la baisse de mortalité, sont les vrais critères d'efficacité d'un dépistage. Or nous savons que le taux des cancers avancés ne chute pas depuis l'instauration des dépistages.[3] [4]

CLiquez

3° Les actes chirurgicaux

Page 55 (numérotation du PDF), sont données les hospitalisations pour les différents gestes chirurgicaux de 2017, avec les taux d'incidence de 2012, ce qui correspond (nous le supposons) à l'année la plus proche des taux consolidés pour tous les pays.

Pour la France, nous examinons la colonne des mastectomies totales, et nous trouvons 60 procédures chirurgicales radicales (mastectomies) pour 100 000 femmes.

L'incidence correspondante pour la France est de 90 nouveaux cas pour 100 000 femmes.

Pour 10 nouveaux cas de cancers, il y a 6,7 mastectomies totales (60/9). Il est vrai que la lecture sur graphique est imprécise mais même en corrigeant le décalage entre 2012 et 2017 pour tenir compte de l'augmentation de l'incidence en 2017, nous retrouvons aux alentours de 6 mastectomies totales pour 10 cancers.

Notre étude réalisé en 2017 et présentée au congrès de Lille retrouvait 4 actes de mastectomies pour 10 nouveaux cas en 2012 exactement comme en 2000, avant la généralisation du dépistage organisé.[5] [6]

Nous en avions conclu que le dépistage organisé ne peut se prévaloir d'avoir allégé les traitements infligés aux femmes ; avec le panorama de 2019, et le résultat trouvé de 6 mastectomies totales pour 10 nouveaux cas de cancers, ceci est largement confirmé.

Pour les mastectomies partielles (BCT, breast conserving therapy), nous avons 200 actes pour 100 000 femmes, ce qui correspond à 22 mastectomies partielles pour 10 nouveaux cas, nous trouvions 15 mastectomies partielles pour 10 nouveaux cancers en 2012, et moins de 13 en l’an 2000. [7]

Cliquez :

Conclusion :

Comme lors de l'analyse du panorama de l'OCDE de 2017 [8], et au regard du rapport récemment publié du CepiDC (page 7 du document joint), on ne peut prétendre que la mise en place des programmes de dépistages a fait baisser la mortalité par cancer du sein de façon significative...

CepiDC

La présentation des données dans le panorama de l'OCDE 2019 est faite de façon fallacieuse en omettant le surdiagnostic, lequel donne l'illusion d' une meilleure survie par simple anticipation du diagnostic de petites tumeurs non mortelles, massivement surdétectées par le dépistage.

Les fortes dépenses de santé dans certains pays sont probablement associées à davantage de dépistage mais aussi à une meilleure prise en charge thérapeutique, ce qui explique largement l'augmentation de la survie, raison pour laquelle cette donnée est inadaptée pour l'évaluation de l'efficacité d'un programme de dépistage.

Ce panorama corrobore pour la France la non-diminution des actes chirurgicaux les plus lourds, comme nous l'avions mis en évidence lors de notre étude sur les mastectomies en France.

 

BIBLIO

[1] lire aussi : https://cancer-rose.fr/2018/07/30/ce-que-les-statistiques-du-depistage-du-cancer-nous-disent-vraiment/

[2] https://cancer-rose.fr/2019/09/12/quest-ce-quun-depistage-efficace/

[3] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/#_ednref1

[4] https://cancer-rose.fr/2015/07/06/analyse-etude-jama/

[5] https://cancer-rose.fr/2017/09/06/etude-le-depistage-organise-permet-il-reellement-dalleger-le-traitement-chirurgical-des-cancers-du-sein/

[6] https://cancer-rose.fr/2019/08/09/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/

[7] https://cancer-rose.fr/2019/08/09/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/

[8] https://cancer-rose.fr/2017/12/04/analyse-du-nouveau-panorama-de-locde/

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Emission CQFD sur RTBF

Pour clôturer ce mois d'octobre, Cancer Rose a été invité à un débat contradictoire dans l'émission CQFD, 30 octobre 2019, de la chaîne RTBF Belgique.

 

Cliquez sur image :

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Contraste entre ce que nous apprennent les données épidémiologiques et les décisions politiques en santé

Dr C.Bour, 27 oct 2019

 

Deux publications dans deux revues médicales internationales ce mois d'octobre 2019 ont retenu notre attention.

Tout d'abord une parution dans le NEJM (The New England Journal of Medicine ; n engl j med 381;14 nejm.org October 3, 2019 )

Gilbert Welch, M.D., M.P.H., Barnett S. Kramer, M.D., M.P.H., and William C. Black, M.D.

Signatures épidémiologiques des cancers

 

Dans cet article, les auteurs utilisent 40 années de données pour examiner les modèles d’incidence et de mortalité pour divers cancers.

Les cancers analysés sont des hémopathies, le cancer pulmonaire, le cancer du sein et de la prostate.

La figure 4  reproduite dans l'article illustre les signatures épidémiologiques plus complexes du cancer du sein et de la prostate (limitées aux femmes et aux hommes, respectivement, âgés de 40 ans) qui présentent des effets mixtes : augmentation de l’incidence et baisse de la mortalité.

Coïncidant avec l’introduction d’une mammographie de dépistage à grande échelle, l’incidence du cancer du sein a augmenté rapidement et semble s’être stabilisée à un niveau de référence plus élevé. On pourrait évoquer une augmentation substantielle de la survenue des cancers (épidémie de cancers) ou d’un surdiagnostic associé à l’introduction d’un dépistage généralisé. L’incidence relativement stable de la maladie métastatique favorise toutefois cette dernière explication. La baisse de la mortalité observée à partir des années 90 refléterait une amélioration des traitements ou peut-être, selon les auteurs, un effet combiné de cette amélioration avec le dépistage.

Les changements rapides sont le reflet de la pratique médicale. Ainsi, le déclin rapide de la mortalité par LMC (leucémie myéloïde chronique) vers 2000 et l’augmentation rapide de l’incidence du cancer du sein dans les années 1980 reflètent deux changements spectaculaires dans la pratique médicale, attribuables à des forces motrices bien différentes  : pour la LMC (leucémie myéloide chronique) il s'agit d'une véritable percée dans le traitement qui en a diminué la mortalité et pour le cancer du sein, c'est  la diffusion généralisée du dépistage mammographique qui en explique l'augmentation brutale d'incidence (nombre de nouveaux cas)..

Les signatures épidémiologiques qui illustrent les tendances des données démographiques fournissent un aperçu de la survenue réelle du cancer, du diagnostic excessif et des progrès du traitement. Il s’agit d’indicateurs importants de la contribution potentielle des expositions environnementales, des interventions de prévention primaire sur les populations, des nouveaux traitements et de l’évolution des pratiques de diagnostic et de dépistage.

Une mortalité décroissante signifie qu’il y a eu de réels progrès dans la lutte contre le cancer au cours des 40 dernières années, ce qui reflète en grande partie l’amélioration du traitement et, selon les auteurs, le déclin d’un facteur de causalité particulièrement puissant : le tabagisme.

L’absence d’une baisse de l’incidence qui l’accompagne est un effet secondaire malheureux des efforts de détection précoce du cancer.

L'instauration du dépistage par mammographie à grande échelle au cours des années 1980 a entraîné une augmentation de 50 % de l'incidence du cancer du sein. Elle n'est jamais redescendue.

Lire aussi le résumé de cet article sur le site La Nutrition

La deuxième publication est une prise de position critique sur un rapport concernant les dépistages de l'adulte au Royaume Uni.

Margaret McCartney : une révision du dépistage du cancer réduit le choix (pour les patients) en connaissance de cause 

 

25 octobre 2019

Margaret McCartney est médecin généraliste à Glasgow, elle écrit pour divers médias principalement sur la médecine fondée sur des preuves et rédige régulièrement pour le British Medical Journal ,

L'auteure critique un rapport au Royaume Uni commandé par le gouvernement à Mike Richards, expert en cancérologie, paru en ce mois d'octobre 2019, sur les programmes de dépistage des adultes,.

Selon ce rapport le NHS (National Health Service) devrait fournir un accès plus aisé aux services de dépistage du cancer afin d’accroître le diagnostic précoce et d’améliorer les taux de survie.

Les femmes par exemple devraient avoir accès au dépistage du cancer du sein, du col de l’utérus et d’autres cancers dans les centres de santé ou dans des lieux proches de leur travail, et les services de dépistage locaux devraient prévoir des rendez-vous supplémentaires le soir et le week-end, indique le rédacteur.

Appelant à des incitations financières, à un accroissement des dépistages, à une réorganisation et à une restructuration, Richards écrit: "Chaque jour de retard est une occasion manquée pour une personne de rattraper son cancer ou sa maladie cancéreuse plus tôt, et potentiellement de lui sauver la vie. "

Margaret McCartney déplore que le rapport occulte l'avancée majeure de ce que la dernière décennie nous a appris en matière de dépistage, décennie marquée par la reconnaissance du surdiagnostic et par le besoin éthique de choix en matière de dépistage. Ce rapport laisse échapper cela et, selon l'auteure, il y a peu de chances que l'apprentissage et l'amélioration des connaissances sur les preuves scientifiques rencontrent les décisions politiques.

Il persiste l'idée qu'un délai de quelques jours pourrait tuer quelqu'un dans le processus de dépistage. Si l'on s'en tient à une conclusion logique, il faudrait contrôler chaque jour les personnes pour éviter des "retards" - une proposition absurde, selon Margaret McCartney et qui ferait un tort indescriptible.

Pour elle, si une femme a fait le choix éclairé de ne pas se soumettre au dépistage, il est déroutant et contraire à l'éthique que le système cherche à renverser son choix. Plutôt que de chercher à " mettre en œuvre des initiatives fondées sur des données probantes pour accroître la participation , nous devrions vouloir améliorer la qualité des décisions éclairées que prennent les gens, peu importe ce qu'ils sont."

Dr McCartney pose la question : "Avons-nous oublié l'autonomie ? Il semble que oui, car la recommandation (du rapport) est d'offrir des incitatifs financiers aux omnipraticiens afin d'accroître la participation, plutôt que d'améliorer la qualité du processus décisionnel." (NDLR : le dépistage du cancer du sein en France fait partie de la ROSP, la rémunération des médecins sur objectifs de santé publique)

Pour elle il s'agit d'une régression qui doit inconditionnellement être rejetée.

Conclusion

 

Nous sommes, en 2019, au-delà de la controverse scientifique, les évidences sont là, le dépistage du cancer du sein n'a pas rempli ses objectifs ; ce qu'on peut lui accorder, c'est de nous avoir fait découvrir une donnée inattendue, celle du surdiagnostic, invité surprise et imprévisible des procédures de dépistage.

La leçon à tirer est celle d'une nécessité de meilleure information des patients, afin qu'ils aient la possibilité d'un choix éclairé, d'une prise de décision sur la base d'une information en santé claire et loyale.

Force est de constater, en France comme au Royaume Uni, qu'il s'agit toujours pour les politiques de santé publique de se conformer à des plans quinquennaux, et de procéder à des incitations financières envers les médecins pour remplir des objectifs de participation obsolètes.  En France comme au Royaume Uni, les politiques n'ont pas entendu, n'ont pas compris cette nécessité d'information loyale et de choix partagé.

Cet aveuglement est d'autant plus coupable qu'en France la concertation citoyenne sur le dépistage en 2016 avait bien pointé ce problème (page 38 du rapport de concertation, voir https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/  )

 

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