une étude norvégienne confirme : le dépistage par la mammographie systématique ne réduit pas la mortalité par cancer du sein

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ijc.31832

publication du 25/08/2018

le dépistage par la mammographie systématique ne réduit pas la mortalité

Effet du dépistage organisé par mammographie sur la mortalité par cancer du sein: une étude de cohorte basée sur la population en Norvège

Auteurs : Mette H. Møller , Mette Lise Lousdal , Ivar S. Kristiansen , Henrik Støvring

 

L'auteur principal, Henrik Stoving, biostatisticien, explique : "Le fait est que plus les méthodes de traitement s'améliorent, moins le dépistage est bénéfique"

Méthode :

Les chercheurs ont suivi des femmes norvégiennes de 30 à 89 ans (cohortes de naissance 1896‐1982 réparties en trois groupes d'âges, les femmes éligibles au dépistage, les femmes d'âge au-delà, les femmes plus jeunes), et ils ont identifié celles qui ont développé un cancer mammaire sur la période 1987-2010, permettant de comparer les nombres de décès dans les périodes avant l'instauration du dépistage systématique et après. (NDLR : la campagne nationale de dépistage a été instaurée en 1996 en Norvège).

Résultat :

Le résultat était le suivant : Les trois groupes d'âge ont connu une réduction de la mortalité, mais la diminution chez les femmes éligibles était à peu près la même chez les femmes non éligibles.

Autrement dit : Le dépistage par mammographie n'était pas associé à une réduction plus importante de la mortalité par cancer du sein chez les femmes éligibles au dépistage par rapport aux femmes non éligibles.

Les auteurs expliquent encore : "Les femmes qui se font dépister vivent plus longtemps parce que toutes les patientes atteintes d'un cancer du sein vivent plus longtemps. Nous avons maintenant de meilleurs médicaments et une chimiothérapie plus efficace. Le système de santé réagit plus rapidement qu'il y a une décennie. Il ne semble pas qu'il y ait moins de femmes qui meurent d'un cancer du sein à la suite d'un dépistage par mammographie".

En clair, plus les traitements sont efficaces, plus un dépistage perd en utilité, d'autant que les effets adverses priment sur le bénéfice.

NDLR:

Encore une fois nous soulignons l'importance de ne pas confondre survie et espérance de vie ; contrairement à une croyance générale et diffusée par les médias et les campagnes roses, avec le dépistage systématique on détecte plus tôt des cancers qui se seraient manifestés par des symptômes plus tard, sans qu'il y ait de perte de chance pour la patiente, ils seront guéris en temps et en heure ; de ce fait, on a une illusion d'optique, on anticipe la date de naissance du cancer, la personne vivra plus longtemps avec la connaissance d'être une patiente, mais ne vivra pas globalement plus longtemps.

Le coût :

Lorsqu'on considère que le coût du dépistage en France, selon les chiffres de la Haute Autorité de Santé, s’élève à 250 millions d’euros par an, qu'il y a un surdiagnostic massif et des effets adverses cumulés ( surdiagnostic, fausses alertes, cancers radio-induits) surpassant le bénéfice, et que les citoyennes lors de la concertation ont demandé une évaluation du dispositif, il nous semble qu'il est plus que temps que les autorités sanitaires prennent des dispositions pour en informer loyalement les femmes et qu'on se penche sur autre chose que cette gabegie afin d' appréhender plus efficacement le cancer du sein et l'accès aux thérapeutiques pour toutes les femmes..

Le retentissement sur les mastectomies :

Autre chose insuffisamment évoqué, le retentissement sur les ablations de seins ; dans tous les pays où le dépistage a été instauré on enlève toujours plus de seins.

Nous renvoyons à notre propre étude conduite en France :

étude mastectomies en France

analyse étude CR

 

 

 

 

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Dépistage, traitements anti-cancéreux et réduction de mortalité chez les femmes américaines

https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/2668347?resultClick=1&redirect=true

Auteurs :

Sylvia K. Plevritis, PhD  ; Diego Munoz, MS, PhD  ;  et al

Départements de radiologie et de science des données biomédicales, École de médecine, Stanford University, Stanford, Californie

 

Objectif de l'étude : la réduction de mortalité par cancer du sein chez les femmes américaines est-elle reliable aux effets thérapeutiques ou au dépistage ?

Dans cette étude, sur 6 modèles de simulation de mortalité par cancer du sein chez les femmes âgées de 30 à 79 ans, les avancées thérapeutiques, telles que l'utilisation de thérapies adjuvantes plus récentes, ont été comparées aux progrès du dépistage, de 2000 à 2012.

Résultat :

La modélisation a estimé que les progrès dans les traitements étaient associés à des diminutions plus importantes des taux de mortalité par cancer du sein que ceux attribuables au dépistage, bien qu'il y ait quelques variations selon le sous-type moléculaire du cancer.

Dans cette étude de simulation qui a projeté les tendances des taux de mortalité du cancer du sein chez les femmes américaines, les diminutions de la mortalité globale du cancer du sein entre 2000 et 2012 étaient associées de façon nettement majoritaire aux traitements par rapport au dépistage. (Contribution relative des traitements à la réduction de la mortalité estimée à 83%).

Le traitement par Herceptine contribuerait quant à lui, selon les auteurs, à une réduction de la mortalité entre 40 et 57% selon le sous-groupe de la tumeur.

Conclusion

Les auteurs avancent que les résultats de leur étude attestent d'un changement dans l'attribution de l'effet réducteur de la mortalité par cancer du sein chez les femmes américaines, effet qui reviendrait majoritairement aux thérapeutiques (chimios et hormono-thérapies) plutôt qu'au dépistage.

(Les auteurs concèdent 17% de réduction de mortalité seulement au dépistage, sans mettre ce pourcentage en balance avec le surdiagnostic inhérent au dispositif, chiffré actuellement, selon les études, à 30 à 50% ; NDLR).

 

Lire aussi : dépistage/enjeu majeur

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Fréquence des cancers latents, de découverte fortuite

Fréquence des cancers du sein fortuits et des lésions précancéreuses lors d'études d'autopsies : une revue systématique et méta-analyse.

https://bmccancer.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12885-017-3808-1

décembre 2017

Une autre étude que celle du Pr Autier récemment publiée dans le BMJ*(voir au bas de l'article) renforce la crainte que parmi les femmes traitées après découverte d’une lésion cancéreuse grâce au dépistage, et donc en l’absence de symptôme, un certain nombre (une sur deux dans l'étude Autier des Pays Bas) n’en aurait jamais souffert de son vivant ; on aurait pu éviter chez cette femme l’ablation d’un sein, une radiothérapie inutile ou une chimiothérapie fatigante.

Auteurs :

Elizabeth T. Thomas1 , Chris Del Mar 2 , Paul Glasziou 2 , Gordon Wright 1 , Alexandra Barratt 3 and Katy J. L. Bell 2,3

1 Faculty of Health Sciences and Medicine, Bond University, Robina, QLD 4229, Australia.

2 Centre for Research in Evidence-based Practice, Faculty of Health Sciences and Medicine, Bond University, Robina, QLD 4229, Australia.

3 Sydney School of Public Health, Sydney Medical School, Edward Ford Building (A27), University of Sydney, Fisher Road, Sydney, NSW 2006, Australia

Contexte

Les études d'autopsies ont démontré la fréquence de cancers occultes dans la population, mais les évaluations réalisées lors de ces études primaires portaient chaque fois sur un petit nombre de patients décédés.

Résultats

Les auteurs ont inclus 13 études  de 10 pays différents, sur 6 décades (de 1948 à 2010), incluant  2363 autopsies avec 99 cas de cancers dits "incidentalomes" (cancers de découverte fortuite), ou de lésions précancéreuses.
Lorsque l'examen histologique a été plus approfondi (sur plus de 20 coupes histologiques), il  a décelé davantage encore d'incidentalomes, des cancers in situ et des hyperplasies atypiques majoritairement, mais peu de cancers invasifs.

Ce qui signifie que plus on pousse la recherche histologique sur des personnes décédées, plus on trouve de cancers latents, avec une fréquence moyenne de ce cancer "accidentel" de l'ordre de 19,5% (0,85% cancer invasif + 8,9% de cancer in situ + 9,8% d'hyperplasie atypique).

Donc plus on cherche et plus on trouve, ce qui pose question sur le développement de techniques d'investigations de plus en plus performantes qui vont découvrir abusivement de plus en plus de ces lésions.
Les conséquences des sur-traitements qui en découlent sont à prendre plus au sérieux encore chez les femmes âgées en raison de la susceptibilité accrue aux effets adverses des traitements de cette population.

Conclusion

La revue systématique dans dix pays pendant plus de six décennies constate que la découverte fortuite de cancers occultes, in situ ou de lésions précancéreuses est très commune chez des femmes, chez lesquelles une maladie du sein n'était pas connue durant leur vie.

Il apparaît que des lésions cancéreuses ou pré-cancéreuses sont découvertes fortuitement chez 2 femmes sur 10 au cours de ces autopsies, les auteurs estiment que 40 % des cancers invasifs détectés par mammographie systématique et 24 % de l’ensemble des cancers invasifs seraient des sur-diagnostics.

Cette grande fréquence de cancers non détectés, in situ et hyperplasies atypiques dans ces études d'autopsies suggère que les programmes de dépistage devraient être plus prudents dans la promotion de méthodes de détection ayant une sensibilité accrue, qui majorent donc ces diagnostics inutiles.

*https://www.cancer-rose.fr/efficacite-et-surdiagnostic-du-depistage-mamographique-aux-pays-bas-etude-populationnelle/

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Efficacité et surdiagnostic du dépistage mammographique aux Pays Bas, étude populationnelle

BMJ 2017;359:j5224 http://dx.doi.org/10.1136/bmj.j5224

http://www.bmj.com/content/359/bmj.j5224

7 décembre 2017

Auteurs :

Philippe Autier,

University of Strathclyde Institute of Global Public Health at iPRI, Allée Claude Debussy, 69130 Ecully, Lyon, France

Magali Boniol

International Prevention Research Institute, Lyon, France

Alice Koechlin,

Cécile Pizot

Mathieu Boniol

Objectif

 

L'objectif de l'étude est d'analyser l'incidence spécifique des cancers selon leur gravité auprès des femmes aux Pays Bas, invitées tous les deux ans au dépistage mammographique depuis 1989 (sur la base du registre du cancer du pays).

On souhaite vérifier si le dépistage mammographique permet la réduction des formes les plus avancées (stades 2 à 4), ce qui définirait l'efficacité d'un dépistage mammographique.

L'étude évalue les variations de mortalité et tente de quantifier le surdiagnostic.

Méthodes

Le nombre supplémentaire de cancers in situ (CIS) et de tumeurs du sein de stade 1 dû au dépistage est estimé en comparant les taux de CIS et de tumeurs de bas stade (stade 1) dans le groupe de femmes de 50 à 74 ans dépistées, avec les taux parmi les femmes de mêmes tranches d'âges mais non dépistées.

En effet on estime que le réservoir le plus important du surdiagnostic sont les CIS et les tumeurs de stade peu élevé de malignité, dont le taux s'envole dès lors qu'on dépiste. Les auteurs ont considéré les stades 2 à 4 comme des stades 'avancés', expliquant que cette distinction est conventionnelle et utilisée ainsi dans les essais d'évaluation des programmes de dépistage.

Le surdiagnostic a été évalué après soustraction des cancers d'intervalle.

La réduction de mortalité entre 2010 et 2012 a été chiffrée sans et avec considération de l'effet de cohortes (en effet on considère que les cohortes n'ont pas toutes des caractéristiques uniformes, mais que la pyramide des âges ou les périodes de naissance peuvent induire des effets sur les cohortes étudiées.)

Résultats :

L'incidence des cancers des stades 2 à 4 parmi les femmes des tranches d'âge au-delà de 50 ans était de 168 pour 100 000 femmes en 1998, et de 166 pour 100 000 en 2012.

Ceci tendrait à démontrer qu'il n'y a pas de "rattrapage" des tumeurs des stades les plus élevés par le dépistage.

mortalité :

La mortalité par cancer du sein a décliné de 38% entre 1989 et 2013.

En ne tenant pas compte de l'effet de cohorte le dépistage serait associé à une réduction de mortalité de 5%, et à aucune réduction de mortalité si on tient compte de l'effet de cohorte (c.àd. de l'influence de la pyramide des âges et des périodes de naissance des populations).

Dans les deux cas les améliorations thérapeutiques seraient responsables de 28% de la réduction de la mortalité.

surdiagnostic :

L'étude soutient une manifeste augmentation du surdiagnostic avec l'extension du dépistage notamment aux femmes plus âgées, (entre 70 et 75 ans), favorisée par la mammographie numérique qui détecte de plus en plus petites lésions, la plupart sans importance clinique.

Parmi les cancers détectés avec le dépistage, on évalue le surdiagnostic en soustrayant les cancers d'intervalle et les cancers des stades 2 à 4.

Le programme avec la mammographie numérique a généré, selon les auteurs, 16 surdiagnostics pour une vie "sauvée", cela de façon d'autant plus flagrante chez les femmes de la tranche d'âge 70-75 ans.

Les auteurs évoquent un surdiagnostic aux alentours de 50% parmi les cancers détectés au dépistage.

La procédure du ganglion sentinelle :

 

Dès 2002 elle contribue à une "migration du stade", c'est à dire à un "upgrading" du stade des tumeurs, essentiellement du stade 2 au stade 3 dès 2002. Les tendances observées entre 1989 et 2012 montrent une augmentation considérable de l'incidence des tumeurs in situ et des cancers de stade 1, tandis que les tendances des cancers de stade 2 à 4 sont restées relativement stables.

Conclusion :

  • Absence de réduction significative des taux des cancers avancés.
  • Un effet marginal sur la réduction de la mortalité. (Entre 0% et 5%, donc bien plus faible que les 20% à 30% affirmés depuis des années.)
  • Environ la moitié des cancers dépistés constitue du surdiagnostic.
  • Dans les deux scénarios, en considérant ou alors sans considérer l'effet de cohortes, la réduction de mortalité imputable au dépistage est marginale, alors que celle attribuable aux traitements est de l'ordre de 28%

 

 

 

 

 

 

Que disent ces courbes ?

  • Les cancers de stade avancé ne régressent pas et tendent même à rejoindre des taux d'avant l'instauration du dépistage.
  • En revanche, l’incidence des cancers in situ et de stade 1 a fortement augmenté. La comparaison de l'incidence entre les groupes d'âge montre des différences notables dans les tendances dans le temps qui sont corrélées à l'invitation au dépistage et au remplacement de la mammographie sur film par une mammographie numérique

Commentaires/parallèle avec la situation et les études faites en France

L'étude d'efficacité du dépistage mammographique aux Pays-Bas, par l'équipe de l'IPRI, BMJ 7/12/2017

L'étude réalisée par le Pr Autier et son équipe s'est donnée pour objectif de vérifier si le dépistage mammographique permettait réellement la réduction des formes les plus avancées (stades 2 à 4) du cancer du sein, l'efficacité d'un dépistage étant définie à la fois par la réduction de la mortalité due à la maladie et par la diminution significative des formes les plus graves.

En France règne la conviction que les indicateurs de mortalité sont insuffisants en raison d'une participation trop faible (50%) de la population féminine.

A ce titre les constats décevants de l'étude de Autier et col. prennent d'autant plus de poids que la participation aux Pays-Bas, elle, est de 80% ; ces constats sont :

  • effet marginal du dépistage sur la mortalité,
  • absence de recul des formes les plus avancées du cancer du sein.

Un surdiagnostic massif

Mais c'est l'évaluation du surdiagnostic qui interpelle dans de cette étude, puisque chiffrée jusqu'alors aux alentours de 20 à 30%, jamais au-delà de 50%.

Les auteurs de l' évaluation néerlandaise publiée ici soutiennent une manifeste augmentation du surdiagnostic, favorisée par la mammographie numérique. Ils évoquent un taux de surdiagnostic aux alentours de 50% (pouvant atteindre 52%) des cancers détectés, ce qui rejoint l'estimation de B.Junod, réalisée sur trois cohortes de femmes en France et publiée en 2011 dans British Medical Journal. [1]

Junod et Zahl avançaient à l'époque un taux de 60% de surdiagnostics chez les femmes dépistées.

Surtraitement, l'étude française de "vraie vie"

 

Les auteurs de l'IPRI joignent deux graphiques dans les annexes de leur étude, il s'agit des tendances des incidences spécifiques des tumeurs selon leur stade, et qui illustrent la constante augmentation des tumeurs de bas stade de gravité ainsi que des CIS, qui seront traitées avec la même agressivité que les autres formes de cancers, ce que corrobore l'étude française menée par notre collectif, récente, publiée par la Revue Médecine en octobre 2017, "le dépistage permet-il d'alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?". [2]

Dans notre étude basée sur les données publiques d'une base de facturation des actes hospitaliers (Scansanté), on constate les faits suivants :

  • Une augmentation significative des actes de mastectomies totales et des actes de mastectomies toute chirurgie confondue, depuis 2000.
  • L'examen des ratios mastectomies totales/incidence des cancers invasifs et total actes/incidences des cancers invasifs montre une stabilité des ratios pour les mastectomies totales, et une augmentation des ratios concernant les mastectomies tous actes confondus.
  • Il y a bien une diminution, statistiquement significative, de la part des mastectomies totales. Mais elle n’est pas synonyme d’allègement des traitements chirurgicaux, car n’est pas due à une diminution des mastectomies totales mais bien à une augmentation des mastectomies partielles plus importante que celle des mastectomies totales.

lire aussi : https://www.cancer-rose.fr/explication-de-letude-sur-les-mastectomies-en-france/

Conclusion :

On réalise donc de plus en plus d'actes chirurgicaux, y compris radicaux, depuis le dépistage systématisé, et non pas uniquement pour les seuls cancers invasifs.

Le surtraitement que notre étude française dénonce, est la résultante d'un surdiagnostic plus important qu'on l'estimait auparavant, massif à l'instar de ce que pressentait l'étude Junod/Zahl, ce que semble confirmer aujourd'hui l'étude de Philippe Autier et de ses collaborateurs.

 

 

[1] Junod B, Zahl P-H, Kaplan RM, Olsen J, Greenland S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BMC Cancer. 2011 Sep 21;11(1):401.

[2] http://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/le_depistage_organise_permet_il_reellement_dalleger_le_traitement_chirurgical_des_cancers_du_sein__310529/article.phtml

Autres lectures et analyses en lien avec l'étude

Communiqué de presse : Communiqué de presse

Mette Kalager, professeure et chercheuse (Université d'Oslo) pose la question "si on était mieux sans mammographie?"

A lire ici : http://www.bmj.com/content/359/bmj.j5625

L'analyse de Dr Grange, ici : http://docteurdu16.blogspot.fr/2017/12/

Et la synthèse sur le dépistage Autier/Boniol : https://www.cancer-rose.fr/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/

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Surmortalité reliée au dépistage, une étude brésilienne troublante

11 novembre 2017

Mortalité par cancer du sein et facteurs associés dans l'Etat de São Paulo, Brésil: une analyse écologique

http://bmjopen.bmj.com/content/7/8/e016395

Auteurs :

  • Carmen Simone Grilo Diniz
  • Alessandra Cristina Guedes Pellini,
  • Adeylson Guimarães Ribeiro,
  • Marcello Vannucci Tedardi,
  • Marina Jorge de Miranda,
  • Michelle Mosna Touso,
  • Oswaldo Santos Baquero,
  • Patrícia Carlos dos Santos,
  • Francisco Chiaravalloti-Neto

Objectif de l'étude

L'objectif de l'étude est d'identifier les facteurs associés aux taux de mortalité par cancer du sein standardisés selon l'âge dans les municipalités de l'Etat de São Paulo, Brésil, entre 2006 et 2012.

Dans cette étude, le risque accru de mortalité par cancer du sein était associé, au niveau municipal (12.4 millions d’habitants à Sao Paulo), aux facteurs suivants: taux de mammographie, proportion de femmes en âge de procréer nullipares, et proportion de femmes ayant accès à des soins privés.

Le système d'information sur la mortalité utilisé pour obtenir les données de mortalité par cancer du sein repose sur un recensement quasi-complet des décès au niveau national, avec des données exhaustives pour l'État de São Paulo et avec seulement une faible proportion de décès sans cause définie.

L'étude permet d'examiner des effets invisibles sur le plan individuel, les effets du surdiagnostic et du surtraitement sont en général mieux étudiés en population.

Résultats de l'étude

Les femmes qui ont eu leur première grossesse avant l'âge de 18 ans ont seulement le tiers du risque de cancer du sein comparativement aux primigestes de plus de 30 ans et aux nullipares.

L'association directe entre la mortalité par cancer du sein plus élevée et la proportion de femmes qui utilisent le secteur privé de la santé concorde avec les études sur le sujet publiées au Brésil. Cette conclusion contre-intuitive d'un meilleur accès aux soins de santé entraînant une augmentation de la mortalité peut s'expliquer par un «surdiagnostic», mais les auteurs soulignent aussi le fait que les femmes les plus riches sont plus exposées aux carcinogènes potentiels.

Enfin selon les auteurs, le dépistage par mammographie n'a pas eu d'effet positif : il a plutôt été associé à une augmentation de la mortalité par cancer du sein.

Cette étude, ainsi que plusieurs autres études récentes citées par les auteurs (voir la bibliographie article BMJ) ont montré des taux élevés de faux positifs, d'examens invasifs supplémentaires et de diagnostic de cancers inoffensifs (surdiagnostic) entraînent des traitements inutiles et des préjudices associés (surtraitement) ; tout cela entraînant un équilibre négatif entre les inconvénients et les avantages du dépistage.

Le traitement du cancer du sein a de nombreux effets indésirables dont peuvent résulter des complications chirurgicales, de la radiothérapie, de la chimiothérapie et des traitement anti-œstrogéniques.

Les auteurs mentionnent que l'absence de réduction de la mortalité, toutes causes confondues, entre les populations dépistées et non dépistées, a été attribuée aux risques supplémentaires de traitements, plus fréquents chez les femmes dépistées.

Les risques accrus de maladies cardiovasculaires dues à la toxicité cardiaque du traitement par l'anthracycline et le trastuzumab et à la radiothérapie sont bien documentés, et les auteurs citent aussi le cancer radio-induit imputable au rayonnement de la mammographie et aussi à celui de la radiothérapie.

Pour conclure

Les constatations faites selon lesquelles le taux de mammographie était associé, au niveau municipal, à une mortalité accrue, sont une preuve supplémentaire pour les auteurs d'une surestimation probable des avantages du dépistage et de la sous-estimation de ses risques associés.  Pour les auteurs cela indique la nécessité d'appuyer le choix informé des patients et d'accentuer les actions de prévention primaire.

Selon eux, des études supplémentaires devraient être menées pour explorer les lien de causalité potentiels dans ces associations.

Mais dans tous les cas, cela indique la nécessité d'élargir les actions de prévention primaire et de dépistage individualisé, de solliciter la vigilance des femmes par rapport à leurs seins, d'améliorer l'accès à l'information des femmes en leur "traduisant" cette information de manière conviviale (connue sous le nom de «alphabétisation au risque»).

Les auteurs soulignent aussi la nécessité d'approches novatrices pour contrôler les résultats positifs et négatifs des programmes de santé publique.

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Rapport de l’IRDES sur les disparités de prise en charge chirurgicales en France

 

Très intéressante publication de l'Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé, sur les différences territoriales de la chirurgie pour cancer du sein.

Voir les cartes, déroutantes... Certains territoires où on réalisait davantage d'actes partiels en 2005 en ont moins ensuite en 2012.

Voir aussi page 2Entre 2005 et 2012, le nombre de séjours de chirurgie pour cancer du sein a augmenté de 13 % avec une plus forte hausse des chirurgies conservatrices (+16 %) et une hausse plus modérée des mastectomies (+6 %).  

L'étude que l'IRDES présente est réalisée comme  celle que nous avons réalisée sur les mastectomies en France , sur une plus courte période (2005-2012), sur la même source que la nôtre (le PMSI), et donne des résultats en terme de taux convergents aux nôtres.

Encore une fois, la PART des mastectomies totales par rapport aux partielles diminue parce que les mastectomies partielles augmentent davantage que les totales, mais de fait TOUTE la chirurgie du sein a significativement augmenté, ce qui est logique, puisqu'on opère avec la même agressivité des lésions comme les cancers in situ, important réservoir de surdiagnostics.

 

 

A télécharger ci-dessous, merci à l'IRDES de nous avoir envoyé cette publication.

rapport IRDES

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Notre étude : Le dépistage organisé permet-il réellement d’alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?

Etude, 2017

Actualisation 2023

Etude

Le dépistage organisé permet-il réellement d’alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?

Revue Medecine , Volume 13, numéro 8, Octobre 2017

https://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/le_depistage_organise_permet_il_reellement_dalleger_le_traitement_chirurgical_des_cancers_du_sein__310529/article.phtml

PDF : Etude mastectomies en France -

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Le dépistage organisé des cancers du sein est toujours l’objet de controverses. Un des arguments mis en avant par ses partisans serait une diminution des traitements lourds, rendue possible par des diagnostics plus précoces. Ce postulat n'a pas été évalué en France.

Avec le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), on dispose d'un recensement exhaustif des actes chirurgicaux réalisés en France. Toute évolution du nombre de mastectomies pour cancer du sein devrait donc s'y retrouver.

Nous avons interrogé les bases de données du PMSI et constaté qu'aucune diminution des mastectomies, totales ou partielles, ne pouvait être mise en évidence après la généralisation du dépistage organisé.

Le dépistage organisé permet-il réellement d'alléger le traitement chirurgical des cancers du sein ?

Robert Vincent 1, Jean Doubovetzky 2, Annette Lexa 3, Philippe Nicot 4, Cécile Bour 5

1 Hôpitaux Robert Schuman, Département d'information médicale (DIM)- Luxembourg

2 Médecin généraliste, rédacteur senior à la Revue Prescrire, Albi

 3 Docteur en toxicologie (Eurotox), Metz

4 Médecin généraliste, expert à la HAS, Panazol

5 Radiologue libéral, présidente de l’Association Cancer Rose, Talange 

Abstract: Does organized screening really reduce the surgical treatments of breast cancers?

The organized screening of breast cancers is still controversial. According to its supporters, it should enable a decrease of treatments, due to earlier diagnoses. This assumption has never been tested in France. The "Programme de médicalisation des systèmes d'information" (PMSI), is an exhaustive census of the surgical treatments achieved in France. The PMSI should show any change of the number of mastectomies for breast cancer.

We searched the PMSI databases and found no decrease of the number of mastectomies, radical or partial, after the generalization of the organized screening.

Keywords: breast cancer; mass screening; mastectomy

Introduction

Le dépistage organisé des cancers du sein a été généralisé en France en 2004. Pourtant, il est toujours l’objet de controverses.

En particulier, le postulat selon lequel le dépistage organisé permet un diagnostic plus précoce et détecte des tumeurs de plus petites dimensions, aboutissant à des traitements moins agressifs, n'a pas été évalué en France.

Si tel était réellement le cas, parallèlement à la généralisation du dépistage, on devrait constater un recul des traitements les plus lourds, et notamment des mastectomies totales. Depuis 1997, toutes les interventions chirurgicales, réalisées en France au cours d'une hospitalisation, sont enregistrées dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI)[1].

L'objectif de notre travail est de vérifier si, en France, la généralisation du dépistage organisé des cancers du sein s'est accompagnée d'une diminution des interventions les plus mutilantes, en étudiant l'évolution annuelle du nombre de mastectomies pour cancer recensées dans le cadre du PMSI.

Matériel et méthodes

Le nombre de mastectomies a été estimé à partir de données extraites de la plate-forme ScanSanté de restitution des données PMSI [2]. Les recherches ont concerné la France entière et tous les types d'établissements, publics et privés.

Les requêtes sur ScanSanté ont porté :

- d'une part sur les « Mastectomies totales pour tumeur maligne » (racine de GHM 09C04) ;

- d'autre part sur les « Mastectomies subtotales pour tumeur maligne » (racine de GHM 09C05) [1] [3].

Le nombre des mastectomies totales a été diminué du nombre des « ablations prophylactiques de sein ». C’est à dire que les séjours avec un diagnostic principal Z40.00 ont été soustraits des séjours classés dans la racine 09C04).

Le PMSI n'est généralement considéré comme exhaustif qu'à partir de l'année 2000. Les données antérieures à l'année 2000 sont donc susceptibles d'être sous-estimées et n'ont pas été prises en compte.

Les données brutes sur le nombre de mastectomies ont été complétées par une estimation des ratios [nombre annuel de mastectomies / incidence annuelle des cancers du sein]. Ces ratios n'ont pu être calculés que pour les 4 années, 2000, 2005, 2010 et 2012, pour lesquelles l'incidence des cancers du sein en France est disponible [2].

Le nombre de mastectomies totales effectuées au cours des 4 dernières années précédant le dépistage organisé (période 2000 à 2003) a été comparé avec celui des 4 dernières années avec dépistage organisé (période 2013 à 2016).

L’évolution du nombre annuel de mastectomies a été recherchée par une méthode graphique, avec courbe de tendance linéaire, complétée par un test de corrélation des rangs de Spearman. Pour les comparaisons entre 2 périodes, les intervalles de confiance ont été déterminés par rééchantillonnage bootstrap avec 105 répétitions.

Le seuil de significativité retenu est le seuil habituel de 0,05.

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel R version 3.0.2.

Résultats

Comme le montrent le tableau 1 et le graphique 1, le nombre annuel de mastectomies totales pour cancer tend à augmenter sur la période 2000 à 2016.

Cette tendance à la hausse est statistiquement significative (p < 0,0002 au test de corrélation des rangs de Spearman).

La comparaison des 4 dernières années sans dépistage organisé (période 2000 à 2003) avec les 4 dernières années avec dépistage organisé (période 2013 à 2016]) montre que durant la période 2013 à 2016, en moyenne, 1 615 mastectomies totales de plus ont été réalisées chaque année par rapport à la période 2000 à 2003 (IC 95% : 1010-2280).

Année 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Totales 17 403 18 333 18 526 19 142 18 368 18 778 19 063 18 982 19 755 18 869 18 722 18 830 19 669 19 700 20 137 20 029 19 997
Partielles 36 473 39 318 42 111 44 993 46 170 46 767 45 755 44 539 44 202 45 293 46 149 47 508 52 247 51 485 52 078 52 769 53 658
Tot + Part 53 876 57 651 60 637 64 135 64 538 65 545 64 818 63 521 63 957 64 162 64 871 66 338 71 916 71 185 72 215 72 798 73 655

(Tableau 1 :  nombres annuels de mastectomies totales, partielles, totales et partielles)

(Graphique 1)

Le tableau 1 et le graphique 2 montrent que le nombre de mastectomies tout type confondu (totales + partielles) est lui aussi en forte augmentation sur la période 2000 à 2016.

Cette tendance à la hausse est statistiquement significative (p < 10-7 au test de corrélation des rangs de Spearman).

(Graphique 2)

La comparaison des 4 dernières années sans dépistage organisé (période 2000 à 2003) avec les 4 dernières années avec dépistage organisé (période 2013 à 2016) montre que durant la période 2013 à 2016, en moyenne, 13 389 mastectomies (tous types confondus) de plus ont été réalisées chaque année par rapport à la période 2000 à 2003 (IC 95% : 9 610-17 160).

Le tableau 2 présente les ratios [nombre de mastectomies / incidence des cancers du sein]. Ces ratios sont stables, entre 0,38 et 0,41, dans le cas des mastectomies totales. Ils montrent une tendance à augmenter entre 2000 et 2012 dans le cas des mastectomies partielles et des mastectomies tout type confondu.

Année 2000 2005 2010 2012
Incidence des cancers du sein 42 696 49 087 48 980 48 763
Ratio [nombre de mastectomies totales / incidence des cancers du sein] 0,408 0,383 0,382 0,403
Ratio [nombre de mastectomies partielles / incidence des cancers du sein] 0,854 0,953 0,942 1,071
Ratio [nombre de mastectomies tout type confondu / incidence des cancers du sein] 1,262 1,335 1,324 1,475

(Tableau 2 : Ratios [nombre annuel de mastectomies / incidence annuelle des cancers du sein])

Discussion

Le PMSI constitue la seule source d'information exhaustive sur l'activité chirurgicale en France. Il est essentiellement utilisé pour la facturation des séjours hospitaliers. Cependant des études précédentes ont montré qu'il pouvait être exploité pour des analyses épidémiologiques, notamment en ce qui concerne les cancers du sein [3,4].

Si le dépistage organisé s’était accompagné d’une diminution du nombre de mastectomies pour cancer réalisées en France, cette diminution devrait se traduire par une diminution équivalente des mastectomies codées dans les bases de données du PMSI. Cela ne correspond pas aux résultats observés. Au contraire, on constate une augmentation statistiquement significative des mastectomies totales ainsi que de l'ensemble des mastectomies tous types confondus.

La stabilité dans le temps des ratios mastectomies totales / incidence des cancers du sein montre que l'augmentation du nombre de mastectomies totales est parallèle à l'augmentation du nombre de cancers du sein invasifs diagnostiqués. Ainsi, en 2012, 8 années après la généralisation du dépistage organisé, on avait toujours 4 mastectomies totales pour 10 nouveaux cancers du sein invasifs, exactement comme en 2000, avant la généralisation du dépistage organisé.

La tendance à l'augmentation dans le temps des ratios mastectomies partielles / incidence des cancers du sein et ensemble des mastectomies tout type confondu / incidence des cancers du sein suggère que l'augmentation des interventions comportant des mastectomies partielles pour cancer est plus rapide que la progression de l'incidence des cancers du sein invasif. Ainsi, en 2012, on avait près de 15 interventions comportant une mastectomie pour 10 nouveaux cancers du sein invasifs, alors qu'en 2000, moins de 13 interventions étaient pratiquées pour 10 nouveaux cancers.

Une des explications possibles pourrait être les surtraitements associés aux surdiagnostics. En effet, le dépistage conduit dans 30% à 52% selon les auteurs à la découverte de lésions cancéreuses de petites tailles ou peu évolutives, qui seraient restées asymptomatiques durant toute la vie de la patiente. Par précaution, toutes les lésions sont traitées et leur découverte aboutit à leur ablation chirurgicale, le plus souvent par mastectomie partielle [5,6].

Il est également possible que les mastectomies partielles secondairement suivies de mastectomies totales soient plus nombreuses ; autrement dit, il est possible qu’un certain nombre de femmes qui étaient autrefois directement traitées par mastectomie totale subissent à présent une mastectomie partielle avant de subir secondairement une mastectomie totale. Ce mécanisme ne pourrait cependant jouer que pour une part très faible, puisque selon la Caisse nationale d’Assurance maladie, en 2012, seulement 3% des tumorectomies ont été suivies d’une mastectomie [7].

Les services d’hospitalisation sont mieux rémunérés pour des mastectomies totales (racine 09C04) que pour des mastectomies partielles (racine 09C05). On pourrait donc supposer un biais de surcodage des mastectomies totales, lié à une motivation financière. Cette interprétation est peu probable, pour au moins deux raisons :

-  d’une part, s’il y avait une augmentation abusive des codages en « mastectomie totale » (09C04), elle se ferait au détriment des codages en « mastectomie partielle » (09C05), qui devraient donc être en diminution. Or les données disponibles sur ScanSanté montrent que les mastectomies partielles sont au contraire en augmentation, et même plus rapide que les mastectomies totales.

- d'autre part, le surcodage modifierait l'équilibre entre le nombre de mastectomies totales enregistrées dans le PMSI et le nombre de cancers du sein. Il en résulterait une augmentation des ratios nombre de mastectomies totales / incidence des cancers du sein, parallèle à l'augmentation des mastectomies totales. Nos résultats montrent au contraire une stabilité de ces ratios.

Nos résultats sont cohérents avec les résultats trouvés dans d’autres pays :

- aux Etats-Unis, dans une étude de 2015 portant sur 16 millions de femmes, une augmentation de 10% de l'activité du dépistage a été associée à une augmentation de presque 25% des tumorectomies et mastectomies partielles (RR 1,24 ; CI 1,15-1,34), sans diminution des mastectomies totales [8].

- au Royaume-Uni, selon le rapport dit Marmot de 2013 sur le dépistage des cancers du sein, la fréquence des mastectomies est augmentée d’environ 20% dans la population dépistée, par comparaison avec la population non dépistée [9].

- pour l’ensemble des essais comparatifs randomisés effectués dans le monde ayant examiné cette question, en 2013, la Collaboration Cochrane évalue que le nombre de mastectomies est augmenté de 20% (RR 1,20 ; CI 95% 1,08–1,32) et le nombre d’interventions chirurgicales (mastectomies et tumorectomies) est augmenté de 30% (RR 1,31 ; CI 95% 1,22–1,42) [10].

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec le contenu de cet article.

Références.

  1. Manuel des Groupes Homogènes de Malades - Version 2016 de la classification. Bulletin officiel No 2016/5 bis Fascicule spécial.

2- Binder-Foucard F, Belot A, Delafosse P, Remontet L, Woronoff AS, Bossard N. Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 – Tumeurs solides. Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, 2013. 122 p. (Page 55 du document)

  1. Trombert Paviot B, Gomez F, Olive F, Polazzi S, Remontet L, Bossard N et al. Identifying Prevalent Cases of Breast Cancer in the French Case-mix Databases. Med. 2011;50(2):124-30. doi : https://doi.org/10.3414/ME09-01-0064
  2. Quantin C, Benzenine E, Hägi M, Auverlot B, Abrahamowicz M, Cottenet J et al. Evaluation de l’intérêt de l’utilisation des données du PMSI pour l’estimation de l’incidence du cancer du sein dans deux départements français. Rev Epidemiol Sante Publique 2010 ; 58 (Suppl. 1) : S14.
  3. Jørgensen KJ, Gøtzsche PC. Overdiagnosis in publicly organised mammography screening programmes: systematic review of incidence trends. BmJ. 2009 Jul 9;339:b2587.
  4. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med 2012;367:1998-2005.
  5. Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : proposition de l’Assurance Maladie pour 2015. Rapport au Ministre chargé de la sécurité Sociale et au Parlement sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance maladie au titre de 2015 (loi du 13 août 2014) ; page 62.
  6. Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch HG, Abebe R, Wilson R. Breast Cancer Screening, Incidence, and Mortality Across US Counties. JAMA Intern Med. 2015 Sep;175(9):1483–9.

9- Baum M. Harms from breast cancer screening outweigh benefits if death caused by treatment is included. BMJ 2013 ; 346 : f385. doi : https://doi.org/10.1136/bmj.f385

10- Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013 ; 4;(6) : CD001877. doi: https://doi.org/10.1002/14651858.CD001877.pub5

[1] Développé progressivement à partir de 1982, le PMSI vise à décrire les hospitalisations en les classant dans des groupes aux caractéristiques voisines, les Groupes homogènes de malades (GHM). Depuis 1995, obligation est faite aux établissements publics de transmettre leurs données. En 1997, le PMSI a été étendu aux établissements privés. On estime généralement que les données sont devenues quasiment exhaustives à partir de l’année 2000.

[2] Les données du PMSI sont mises à disposition de tous, acteurs de santé et grand public, sur une plate-forme nationale en accès libre, gérée par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH). Cette plate-forme se nomme ScanSanté et peut être consultée à l'adresse : http://www.scansante.fr

[3] À l'issue de l’hospitalisation d'un patient, le motif d'admission, les comorbidités et les actes réalisés durant le séjour, sont codés pour permettre leur traitement informatique. Chaque séjour est ensuite classé dans une racine de GHM, sur base de son motif d'admission et des éventuels actes chirurgicaux réalisés. Ainsi, la racine de GHM 09C04 correspond, par construction, aux séjours ayant un motif d'admission en lien avec un cancer du sein et comportant un acte chirurgical de mastectomie totale. De même, la racine de GHM 09C05 correspond, par construction, aux séjours ayant un motif d'admission en lien avec un cancer du sein et comportant un acte chirurgical de mastectomie partielle.

_________________________________________________________________________________

Pour conclure

Globalement, on opère autant en 2016 qu'en 2000Dans les recommandations officielles, il doit y avoir une tendance croissante à privilégier chaque fois que possible la chirurgie conservatrice.Ce qui est sûr, c'est que, malgré cette volonté affichée de privilégier la chirurgie conservatrice, le nombre annuel de mastectomies totales ne diminue pas. Ce que nous avons également montré, c'est que le nombre de mastectomies totales rapporté à l'incidence des cancers invasifs n'a pas non plus diminué.

Deux explications sont possibles :

  • soit la chirurgie n'est pas plus conservatrice en 2016 qu'en 2000 (i.e. les recommandations privilégiant la chirurgie conservatrice chaque fois que possible ne sont pas suivies ; ce qui annule le bénéfice espéré du dépistage),
  • soit des mastectomies totales sont réalisées pour des tumeurs non invasives (surtraitement associé au surdiagnostic) et ces mastectomies totales supplémentaires font perdre le bénéfice d'une tendance générale à une chirurgie plus conservatrice.
 

Explication détaillée

 
explication détaillée de l'étude

Etude présentée au congrès de la  Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire en 2017,

cliquez sur l'image pour voir le diaporama:

CONGRES DE LA SFSPM / 8 au 10 novembre 2017

 

Actualisation 2023

Par Dr V.Robert

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Les petits cancers du sein sont-ils bons parce qu’ils sont petits ou petits parce qu’ils sont bons ?

10 juin 2017

Résumé Dr Cécile Bour

The new england journal of medicine Are Small Breast Cancers Good because They Are Small or Small because They Are Good? Donald R. Lannin, M.D., and Shiyi Wang, M.D., Ph.D.

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsr1613680

                          ______________________________________

Présentation, objectifs et conclusions de l'étude

Sous ce titre un peu provocateur, les auteurs de cette étude, Drs Donald Lannin et Shiyi Wang du centre anticancer de Yale (New Haven, Connecticut) se fondent sur une base de données américaine du SEER (pour Surveillance, Epidemiology, and End Results) pour évaluer le dépistage.

L'étude est originale en ce sens que pour la première fois sont utilisées des données biologiques pour une évaluation épidémiologique, en particulier du surdiagnostic.

L'étude met en relation les facteurs biologiques des tumeurs, leurs tailles, et à la fois l'espérance de vie ainsi que le délai de latence des cancers pour évaluer le surdiagnostic, et étayer la thèse de Welch selon laquelle les cancers du sein les plus petits, comme souvent détectés lors du dépistage, ont de façon disproportionnée des caractéristiques biologiques favorables, une latence très longue, et ne compromettraient ni la santé ni la vie des femmes si ils n'étaient pas détectés.

Welch quantifiait le surdiagnostic aux alentours de 22%.

Les auteurs aboutissent à cette conclusion : beaucoup des petites tumeurs détectées de façon excessive par le dépistage ont un très bon pronostic en raison d'une croissance intrinsèquement lente, qui fait qu'elles n'ont pas vocation à devenir de grosses tumeurs et qu'elles sont de par nature favorables. Ce sont elles qui constituent un surdiagnostic résultant directement de l'activité de dépistage. Elles ne se développeront pas assez pour être dangereuses.

A l'inverse, les tumeurs de grande taille, responsables des décès et le plus souvent à pronostic défavorable le sont aussi d'emblée, elles échappent malheureusement à la détection mammographique en raison d'une cinétique de croissance trop rapide.

Cette théorie, que l'épidémiologie initialement et depuis longtemps faisait émerger, qui explique pourquoi le dépistage n'améliore pas le pronostic des femmes atteintes de cancer du sein, est ici corroborée.

Procédés, méthodes, données à comprendre 

L'étude concerne uniquement les cancers invasifs.

Les lésions sont réparties en trois groupes de pronostic selon les facteurs biologiques suivants : leur grade, la présence de récepteurs aux oestrogènes et de récepteurs à la progestérone (sachant que les tumeurs présentant ces récepteurs hormonaux sont de meilleur pronostic).

Douze combinaisons sont possibles à partir de ces trois variables, chacun de ces 12 groupes présentant une valeur pronostique distincte.

Quatre groupes de cancers à mauvais pronostic :

  • grade 2, récepteurs négatifs
  • grade 3, récepteurs négatifs
  • grade 3, récepteurs oestrogènes positifs et à progestérone négatifs
  • grade 3, récepteurs oestrogènes négatifs et à progestérone positifs

Trois groupes de cancers de bon pronostic :

  • grade 1, récepteurs positifs
  • grade 1, récepteurs à oestrogènes positifs et à progestérone négatifs
  • grade 1, récepteurs à oestrogènes négatifs et à progestérone positifs

Les cinq autres groupes sont des groupes à pronostic intermédiaire.

Les auteurs examinent l'association taille tumorale et caractéristiques biologiques des tumeurs, par rapport au taux de survie spécifique au cancer. On parlera de tumeur "favorable" lorsque les caractéristiques biologiques présument d'un bon pronostic et de tumeur "défavorable" dans le cas contraire.

Le "délai de latence" permettant de quantifier le surdiagnostic correspond au laps de temps entre le moment où le cancer pourrait être détecté si on faisait une mammographie et le moment d'apparition des signes cliniques si on ne fait pas de détection précoce par mammographie. (Ajustement à l'âge effectué).

La fraction de femmes présentant une espérance de vie plus courte à ce laps de temps constitue le pourcentage du surdiagnostic.

(C'est à dire que ces femmes décèderont d'autre cause que leur cancer du sein, qui aura été détecté inutilement puisque ne les ayant pas mises en danger).

 

                                               Résultats de l'étude                                                                 

I-Caractéristiques biologiques des tumeurs en fonction de leur taille :

On examine quel sont les pourcentages de tumeurs favorables, intermédiaires, ou défavorables pour chaque taille tumorale, pour les femmes de plus de 40 ans et pour les femmes de moins de 40 ans.

pour les femmes de 40 ans et plus :

Parmi les tumeurs de 1cm et moins : 38,2% sont des tumeurs "favorables".
Parmi les lésions de 1cm et moins seulement 14,1% sont des tumeurs "défavorables"
En revanche parmi les tumeurs de plus de 5cm, on trouve 35,8% de tumeurs "défavorables".

Résultats pour les femmes de moins de 40 ans :

La proportion des lésions favorables est moitié moindre et celle des défavorables plus importante pour chacune des tailles tumorales examinées.

II-Etude de la survie spécifique en fonction à la fois des caractéristiques biologiques et de la taille tumorale

Classement en petites tumeurs pour celles comprises entre 0,1 et 2cm = T1 ; et en volumineuses tumeurs pour celles entre 2,1 et 5cm=T2

Le schéma ci-dessous montre qu'à la fois taille tumorale et facteurs biologiques influencent le pronostic, mais que des tumeurs volumineuses avec un statut biologique favorable ont un meilleur pronostic que des petites tumeurs avec un statut biologique défavorable.

Ce qui signifie que la différence de survie dépend moins de la taille que des facteurs biologiques, en revanche la grande taille sera plus déterminante lorsque les facteurs biologiques sont déjà défavorables.

III-Evaluation du surdiagnostic en fonction du délai de latence

L' approche retrouve un lien proche entre le taux de surdiagnostic et le délai de latence, en identifiant le délai moyen le plus en accord avec une fréquence de surdiagnostic donnée.

Rappelons que le délai de latence est le laps de temps entre le moment où le cancer pourrait être détecté si on effectuait une mammographie et le moment où apparaissent les signes cliniques lorsqu'on n'effectue pas de mammographie.

Lorsqu'on connaît l'espérance de vie (estimée selon plusieurs facteurs dont l'âge), et lorsqu'on connaît l'une des deux données, taux de surdiagnostic ou bien le délai de latence, il est possible d'estimer celle de ces deux données qui est inconnue, et ceci pour chacun des 12 groupes biologiques énumérés ci-dessus.

Le délai de latence, selon tous les modèles, est plus long pour les tumeurs à facteurs favorables que défavorables.

Ainsi le pourcentage de surdiagnostic a pu être évalué à 53% pour les tumeurs favorables, 44% pour les intermédiaires, 3% pour les défavorables ; en fait il n'y a pas de preuve que des tumeurs de mauvais pronostics ne progesseraient pas, le petit surdiagnostic observé dans ce groupe défavorable est dû à des décès intervenus chez ces patientes par autre cause avant le délai de latence, lequel est court pour ces formes-là.

On retrouve le chiffre avancé par Welch de 22% de surdiagnostic tout confondu, ne concernant, encore une fois, que les formes invasives, (pas les cancers in situ).

IV-la taille de la tumeur peut être un indicateur indirect de caractéristiques biologiques bonnes ou mauvaises.

Si toutes les tumeurs progressaient nous nous attendrions à un état à l'équilibre dans lequel il y aurait une distribution similaire des caractéristiques biologiques des tumeurs à travers les catégories de taille.

Il y aurait des formes favorables et défavorables dans des taux analogues dans chaque catégorie de tailles.

Au lieu de cela, ces données fournissent des preuves assez directes que de nombreuses petites tumeurs présentant des caractéristiques biologiques favorables ne progressent pas en tumeurs volumineuses au cours de la vie du patient.

En outre, les données impliquent que les grosses tumeurs ne proviennent pas de manière égale de toutes les petites tumeurs mais se développent préférentiellement d'une sous-population distincte de petites tumeurs présentant des caractéristiques biologiques défavorables.

La figure ci-contre montre la répartition des tumeurs des trois différentes valeurs pronostiques selon les tailles tumorales ; en abscisse le nombre de patientes, en ordonnée la taille tumorale. Les couleurs correspondent à une valeur pronostique.

La partie supérieure concerne les femmes de moins de 40 ans, et la partie inférieure les femmes de plus de 40 ans.

Il y a généralement davantage de tumeurs de bon pronostic dans la catégorie des tumeurs de taille petite et inversement.

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Rappel des conclusions, en détail :

  • Les deux données : taille tumorale et caractéristiques biologiques ont une influence sur le pronostic, mais une tumeur de grande taille et à caractéristiques biologiques favorables est susceptible d'avoir un meilleur pronostic qu'une petite lésion à caractéristiques défavorables. De plus la taille tumorale est plus déterminante en matière de pronostic dans la catégorie des tumeurs à caractéristiques biologiques défavorables.
  • Beaucoup de petites lésions avec des facteurs biologiques favorables ne progressent pas vers une forme de grande taille durant la vie de la patiente. Les tumeurs de grande taille ne se développent pas à partir des petites, mais bien à partir d'une sous-population de petites lésions comportant des facteurs biologiques d'emblée péjoratifs.
    La plus grande incidence de tumeurs favorables chez les femmes de 40 ans et plus suggère que ces tumeurs sont justement et préférentiellement détectées par la mammographie systématique, et que c'est cela qui explique les taux de survie forcément très favorables pour cette tranche d'âge dépistée.
  • L'estimation du surdiagnostic par les auteurs, tous groupes biologiques confondus rejoint celle de Welch, 22%, et indique que le délai de latence pour les cancers les plus favorables est de 19 années (entre 10 et 20 ans), contre égal ou inférieur à 2 ans pour les cancers défavorables.
  • Le délai d'attente : en raison d'un délai d'attente très important dans le groupe des tumeurs favorables, la mammographie est forcément très opérante pour ces tumeurs de très bon pronostic, longtemps latentes, qui se retrouvent sur-représentées parmi les tumeurs de petite taille. Un nombre considérable de ces tumeurs ne se manifesteraient jamais du vivant des personnes. Et celles de ces tumeurs peu agressives susceptibles de grandir conservent cet excellent pronostic. Ainsi leur détection par la mammographie est de faible intérêt mais entraîne une perception d'efficacité et de survie exagérée.
    Dans le groupe le plus favorable qui contient certainement la plus large proportion de cancers surdiagnostiqués (grade 1, récepteurs positifs et taille<2cm), on a une survie à 10 ans de 97%. On peut estimer la proportion de surdiagnostic à au moins 50%. (En fait plus la tumeur est petite dans ce groupe et plus est importante la probabilité d'avoir un surdiagnostic. Il n'est donc pas étonnant de voir ces chiffres très bons de survie, mis en avant dans la communication sur le dépistage NDLR.)
  • Toujours dans ce groupe très favorable le surdiagnostic prévaut chez les femmes âgées par rapport aux jeunes. En effet, en raison de ce très long délai d'attente de 15 à 20 ans, beaucoup de ces cancers auraient pu n'être diagnostiqués que vers l'âge de 70ans, mais sont détectés à présent vers 50 à 60 ans à cause du dépistage. Et une large proportion de ces lésions non agressives et indolentes détectées par dépistage chez ces septuagénaires auraient pu ne jamais être détectées du vivant de la personne en l'absence de mammographie.
  • Pour les tumeurs à caractéristiques biologiques défavorables, le pronostic est considérablement meilleur si la détection est précoce (inférieure à 2cm), malheureusement cela est très rarement le cas en raison de leur délai de latence court, elles sont donc diagnostiquées souvent tardivement et on trouve peu de ces tumeurs défavorables dans le groupe des tumeurs de petite taille, car à développement véloce.

 la détection précoce n'est pas un bénéfice universel

En somme

====>>>> Les tumeurs de bas grade de malignité et les tumeurs de haut grade résultent de différents mécanismes moléculaires ; une tumeur de bas grade ne se dédifférencie quasi jamais en tumeur de haut grade. Il semble pouvoir être affirmé que les caractéristiques biologiques d'une tumeur représentent un facteur naturel constant.

=====>>>> Le plus gros problème qui résulte du surdiagnostic des lésions petites et favorables, sur-représentées dans les tumeurs détectées par le dépistage est le surtraitement ainsi que l'anxiété que ces diagnostics inutiles engendrent.

Il faut éduquer médecins, patients, le public en général que certains cancers sont indolents.

NDLR : Les indicateurs partiels que sont la survie à cinq ans et l’augmentation de la proportion des cancers découverts à un stade « précoce » ne sont pas des critères pertinents pour juger de l’efficacité de nos pratiques diagnostiques et thérapeutiques. Encore une fois, seule la mortalité est un indicateur pertinent.

 

N.B. :

Sparano, J.A, Gray R et al. Prospective Validation of a 21-Gene Expression Assay in Breast Cancer. The New England Journal of Medicine. 2015;373(21):2005-14. https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1510764

La majorité des cancers sont diagnostiqués à un stade précoce.

Or diagnostiquer des cancers de plus en plus petits ne s’est accompagné d’aucune baisse de la mortalité par cancer du sein jusqu’aux années 1990. Le pronostic d’un cancer varie plus en fonction de ses caractéristiques moléculaires que de sa taille, et ce qu’elle soit supérieure ou inférieure à 2 cm.

Extrait de l'étude :

Dans l'analyse à multiples variables incluant l'âge ...., la taille de la tumeur (2,1 à 5,0 cm vs ≤ 2 cm dans la plus grande dimension), le grade histologique (élevé vs intermédiaire vs faible) et le type d’opération ..., seul le grade histologique  a montré une association significative avec le taux de récidive.

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Adhésion des médecins aux recommandations sur le dépistage du cancer du sein

7 juin 2017

Résumé par Dr Cécile Bour

 

Publications du Journal American of the Medical Association

 

Le 10 avril 2017 dans le JAMA était publiée une enquête étatsunienne conduite par Dr Archana Radhakrishnan, du département de médecine interne de l'université Johns Hopkins de Baltimore sur le suivi des recommandations émises en matière de dépistage du cancer du sein par les médecins.(1)

Toujours dans cette même revue médicale Mme Deborah Grady, professeure de biostatistiques et d'épidémiologie au Centre Medical de San Francisco (Califormie) commente et analyse cette enquête.(2)

D'après cette auteure, le résultat de l'enquête est jugé "désespérant"... En effet il y aurait une grande proportion de médecins de premier recours qui recommanderaient la mammographie de dépistage pour des femmes plus susceptibles d'en subir les inconvénients que les bénéfices.

Ni l'American Cancer Society (ACS), ni l'USPSTF ne recommandent le dépistage dans les tranches de 40 à 44 ans, et malgré tout, 81% des médecins de premiers recours prescrivent l'examen dans cette tranche d'âge.

Rappelons qu'aux Etats Unis l'ACS recommande le dépistage dès 45 ans. (3)

Mais, du point de vue de l'auteure il convient de se fier aux recommandations de l'USPSTF (United States Preventive Task Force) dont la transparence, les méthodes de travail strictes basées sur les preuves scientifiques et l'absence de conflits d'intérêts garantissent l'indépendance.

(Ce groupe de travail est un panel de médecins et d'épidémiologistes financé, pourvu en personnel et nommé par le Ministère de la Santé et des Services à la Personne américain. L'USPSTF a émis des recommandations avec une proposition de dépistage de grade B (=bénéfice modéré à incertain) dans la tranche d'âge entre 50 et 74 ans tous les deux ans. (4) Nous verrons ultérieurement ce à quoi correspondent les différents grades de ses recommandations.(NDLR))

Dans le détail, ce que montre l'enquête est que 88% des médecins aux Etas Unis prescrivent ce dépistage aux femmes de la tranche d'âge de 45 ans à 50 ans et 67% aux femmes de 75 ans et plus, accordant leur crédit à d'autres recommandations moins reconnues et allant même au-delà.

Ainsi on estime à 50% des femmes dépistées subissant une fausse alerte, conduisant à de l'anxiété inutile et à un déferlement d'examens complémentaires dont la biopsie.

 

Les médecins abusent-ils ou mésusent-ils de la mammographie ?

 

A l'origine de cet excès de prescriptions on retrouve le système de rémunération des praticiens aux États-Unis qui récompense davantage les tests et les procédures au détriment de la prise de temps pour l'information des patientes sur risques et avantages de ces tests. La peur de procédures judiciaires est souvent mentionnée par les praticiens s'ils ne prescrivent pas et que survient une pathologie chez la patiente, ainsi que l'influence de décennies de battage médiatique dans la presse généraliste et médicale. D'autres causes de la sur-prescription sont la conviction que le traitement précoce est bienfaiteur, que le savoir de sa maladie est préférable au non-savoir, que le faire est préférable au rien-faire et que que le patient est généralement favorable aux différents dépistages.

Pourtant selon Pr.Grady, nous échouons à reconnaître que lorsque le praticien dit au patient quoi faire, la conduite de ce dernier s'accorde à ce que le praticien lui présente comme bénéfique pour lui. Ainsi si on annonçait aux femmes de 50 ans et moins que la mammographie n'est pas dénuée de risques, beaucoup y renonceraient.

Il a été évalué que la moitié des femmes ne recourraient pas à la mammographie de dépistage s'il s'avérait que le dispositif aboutissait à plus d'un surtraitement pour un décès par cancer évité. (5)

Lors d'une autre enquête nationale il s'avérait que moins de 50% des Américaines avaient pu avoir une discussion avec leur praticien sur les avantages et inconvénients du dépistage.

L'auteure rappelle que le British National Health Service, lui, informe les patientes qu'elles ont trois fois plus de probabilité d'un surdiagnostic en cas de dépistage par rapport à une chance d'éviction de décès par cancer.

 

Question majeure : que peut-on faire contre l'abus des mammographies ?

 

Professeur Grady pointe le fait que l'information partagée et le recours à des aides à la décision changent le comportement du patient.

Elle propose de nous appuyer sur le système de gradation des recommandation de l'USPSTF, dont nous parlions plus haut.

(6) (Le grade A de recommandation correspond à une haute certitude de bénéfice, le grade B à un bénéfice modéré ou incertain (ce grade est attribué par l'USPSTF au dépistage pour les 50-74 ans). Le grade I signifie qu'il y a insuffisance de preuves pour déterminer la balance bénéfice/risques, (ce grade est attribué par l'USPSTF au dépistage pour la tranche d'âge 40 ans et plus, et aux 75 ans et plus). NDLR)

Limiter la couverture d'un dépistage potentiellement risqué serait une meilleure attitude "gagnant-gagnant" pour patient et système de santé car on réduirait l'irradiation, les effets adverses, le surdiagnostic, l'anxiété, les examens surajoutés, les biopsies et les procédures conduisant à des fausses alertes.

Du point de vue économique l'avantage serait tout autant du côté du patient que du système de santé, et au final du côté du contribuable, car 30% du budget de la santé étatsunien sont dépensés dans des tests et des procédures abusives.

Il y a 5 ans, le gaspillage en santé, d'après Pr Grady, était estimé à 75 à 150 billions annuels, estimation qui ne peut qu'être qu'amplifiée en 2017 en comptant les innombrables victimes invalidées ou dont la vie est raccourcie par les effets indésirables.

 

Conclusion :

 

Il apparaît comme certain que les décisions basées sur l'information aideront à une décroissance des procédures inutiles. Mais pour ce faire il convient de réduire certains facteurs et causes qui conduisent à perpétuer ces conduites.

En fin de compte, un système alternatif de récompense basé sur la valoristaion de la preuve scientifique et centré sur le patient améliorerait les soins, les choix et la satisfaction en diminuant la gabegie et le gaspillage en santé.

________________

 

Commentaire (NDLR) :

 

Alors il est bien dommage que chez nous en France la précédente ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, n'ait pas compris les femmes lors de la concertation citoyenne, ou n'ait pas voulu les comprendre, elles qui demandaient la sortie du dépistage de la ROSP, c’est à dire de la rémunération aux objectifs de santé. (7)

Voilà ce que Mme la ministre leur a répondu dans son plan pour la refonte du dépistage : « afin d’inciter les médecins à proposer la bonne modalité de dépistage à leurs patientes, les mammographies réalisées à ce titre seront mieux valorisées dans la cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) » ; « Le suivi de la patientèle de femmes à partir de 50 ans, adapté en fonction du niveau de risque, donnera lieu à une valorisation de la ROSP. »

En France donc, on continue à dépister sans informer, on continue à inciter les médecins à ...inciter les femmes, on continue à courir en rose, on continue à renoncer aux études et aux preuves scientifiques, on continue à refuser des évaluations épidémiologiques, on perpétue un système de dépistage ruineux sans en évaluer les coûts réels que la collectivité doit supporter.

 

Biblio/Réf. :

(1) http://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2617276

(2) http://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2617273?amp%3butm_source=JAMA+Intern+MedLatestIssue&utm_campaign=05-06-2017

(3) https://www.cancer.org/latest-news/special-coverage/american-cancer-society-breast-cancer-screening-guidelines.html

(4) https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/breast-cancer-screening

(5) December 9/23, 2013
Overdiagnosis and Overtreatment
Evaluation of What Physicians Tell Their Patients About Screening Harms
Odette Wegwarth, PhD1; Gerd Gigerenzer, PhD1 http://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/1754987

(6) https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Name/grade-definitions

(7) https://www.cancer-rose.fr/plan-daction-pour-la-refonte-du-depistage/

 

 

 

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Procédures inutiles et coûts excessifs

4 juin 2017

https://healthmanagement.org/c/imaging/news/early-stage-breast-cancer-patients-receive-inappropriate-testing

 

l'Institut Fred Hutchinson pour la Recherche sur le Cancer (Seattle, état de Washington) présentera les résultats de son étude lors des rencontres de la Société Américaine d'Oncologie Clinique annuelle à Chicago.

Il s'agit d'une observation régionale portant sur des femmes asymptomatiques ayant été traitées pour un cancer du sein au stade précoce, dont le suivi a comporté de façon routinière des tests sanguins (recherche de marqueurs tumoraux) et de l'imagerie lourde (imagerie par scanographie).

Plusieurs analyses ont démontré l'absence de bénéfice pour ces patientes de ces procédures finalement inutiles, qui amènent au contraire une exposition excessive aux radiations, à des faux positifs, et à un surtraitement.

Parmi 2193 patientes atteintes de cancer du sein au stade précoce, chez 37% ont été réalisées des recherches de marqueurs tumoraux pendant la période de surveillance après traitement, atteignant en moyenne 2,8 tests par patiente, et 17 % de ces patientes ont reçu de l'imagerie lourde complémentaire.

L'étude relie les cas enregistrés de cancers de la zone Washington ouest aux demandes de remboursement des assureurs Premera et Regence : les coûts pour ces patientes subissant ces procédures étaient considérablement plus hauts que la moyenne. Après traitement, dans le cadre de la surveillance immédiate, les patientes ont atteint une moyenne de 13,3 visites médicales auprès d'oncologistes essentiellement, et de fournisseurs de soins médicaux.

 

Dr Gary Lyman, directeur de l'étude, cancérologue, économiste de la santé et co-directeur de l'Institut Fred Huchinson, pointe le fardeau en particulier financier que cela représente, en l'absence de tout bénéfice.

 

 

 

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