Réduction de mortalité imputable au dépistage ? On en reparle

Publication JAMA

Synthèse par Cancer Rose, 18/01/2024

Question

Quelles sont les associations entre dépistage du cancer du sein, traitement du cancer du sein de stade I à III et traitement du cancer du sein métastatique avec l’amélioration de la mortalité par cancer du sein aux États-Unis entre 1975 et 2019?

Résultats

Les améliorations du traitement et du dépistage après 1975 ont été associées à une réduction de 58 % de la mortalité par cancer du sein en 2019, passant d’environ 64 décès sans intervention à 27 pour 100 000 femmes (ajusté en fonction de l’âge). Environ 29 % de cette réduction était associée au traitement du cancer du sein métastatique, 25 % au dépistage et 47 % au traitement du cancer du sein de stade I à III.

Signification et conclusion

Sur la base de 4 modèles de simulation, le dépistage du cancer du sein, le traitement du cancer du sein de stade I à III et le traitement du cancer du sein métastatique ont été associés à une réduction de la mortalité par cancer du sein entre 1975 et 2019 aux États-Unis.

Limites et critiques

Selon les auteurs :

Cette étude comporte plusieurs limites.
Premièrement, l’exactitude du modèle dépend des hypothèses formulées, pour lesquelles les données exactes n’étaient pas toujours disponibles.
Deuxièmement, les modèles ne tenaient pas compte des disparités potentielles, par exemple, selon l’âge, la race et l’origine ethnique, dans la diffusion ou l’efficacité du dépistage et des traitements. Les disparités dans le dépistage du cancer du sein, ainsi que la rapidité et la qualité du traitement, peuvent contribuer aux taux différentiels de mortalité par cancer du sein.
Troisièmement, les coûts du traitement et leurs liens avec les résultats n’ont pas été inclus dans les modèles.

Critique Cancer Rose, par Dr V.Robert, statisticien

Il y a surtout au moins un problème majeur : l'estimation des réductions de mortalité est faite par rapport à la  mortalité sans intervention (en l'absence de dépistage et de chimiothérapie) estimée par les modèles .
Pour obtenir cette mortalité sans intervention en 2019, on applique la létalité de 1975 (avant dépistage et chimiothérapie, donc sans intervention) aux cancers de 2019 (le processus est un peu plus complexe mais ça revient à ça).
Comme l'incidence des cancers a augmenté, du fait du dépistage, cela conduit à une mortalité théorique en augmentation, passant de 48 décès / 100 000 (mortalité réelle sans
intervention) en 1975 à 65 décès / 100 000 (mortalité sans intervention estimée par le modèle) en 2019.
Le problème c'est que l'augmentation de l'incidence des cancers est essentiellement due au dépistage, donc pour une large part à des surdiagnostics dont la létalité est nulle. La
létalité modélisée de 1975 n'a donc aucun sens pour les cancers de 2019 qui comportent des surdiagnostics.

Une meta-analyse récemment publiée faisait état d'aucun gain en durée de vie par dépistages, ce qui posait des questions plus perturbantes sur la pertinence du maintien et surtout de la promotion des dépistages sans information auprès des populations-
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/10/17/pas-de-prolongement-de-la-duree-de-vie-grace-aux-depistages/

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Innovation ne rime pas avec progrès

8 décembre 2023, à propos d'un article publié dans le BMJ, traduction, synthèse et commentaires par Cancer Rose.

L'industrie du "Big Gene" au sein du NHS* - cela représente-t-il une bonne valeur ?

BMJ 2023; 383 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.p1921 (Published 01 December 2023)

Margaret McCartney, GP-https://www.bmj.com/content/383/bmj.p1921
Margaret Mary McCartney est médecin généraliste, rédactrice indépendante à Glasgow,( Écosse). Elle défend l'EBM, la médecine fondée sur les preuves, et elle est chroniqueuse au British Medical Journal.

*Le NHS est le National Health Service est le système de santé du Royaume-Uni ; il fournit l'essentiel des soins et c'est un système universel basé sur la résidence, financé par les impôts et d'accès gratuit pour tous les résidents légaux du Royaume-Uni.

Selon l'auteure, "la décennie écoulée a été principalement remplie d'idées qui semblent géniales, mais qui ne sont pas étayées par beaucoup de preuves."
Elle mentionne pour exemple le déploiement en médecine pour le triage des patients (lire ici), et "la mise en service du Programme national pour l'informatique (démantelé en 2011 après avoir coûté des milliards)" au pays.

l'ère du "Big Gene", le projet "Our Future Health" (OFH)

L'auteure écrit :

"Il se veut "le plus grand programme de recherche en santé jamais réalisé au Royaume-Uni", "conçu pour aider les gens à vivre plus longtemps en bonne santé grâce à la découverte et à l'expérimentation d'approches plus efficaces en matière de prévention, de détection plus précoce et de traitement des maladies".
Il est principalement financé par l'industrie des sciences de la vie, mais aussi par le gouvernement et les organisations caritatives. Le projet prévoit de recruter environ cinq millions de patients en soins primaires, qui subiront une prise de sang et un prélèvement d'ADN. Leur score de risque polygénique sera calculé et ils seront ensuite invités à participer à d'autres études. Celles-ci seront principalement menées par l'industrie, qui pourra faire accréditer ses propres systèmes pour stocker les données dépersonnalisées des participants."

Des interrogations de fond

"Nous avons besoin d'essais cliniques de haute qualité en médecine, mais nous devons également investir dans les projets de manière judicieuse. Peut-on raisonnablement s'attendre à ce que les scores de risque polygénique répondent aux objectifs du projet ? Il s'agit d'un dépistage, c'est-à-dire d'une intervention complexe dans laquelle un test n'est qu'une petite partie d'un processus plus large. Les scores de risque polygénique classent les personnes selon un risque plus ou moins élevé, mais il faut se rappeler les statistiques de base sur les valeurs prédictives."

Que sont les scores polygéniques ? Vous trouverez toutes les explications détaillées dans notre article ; les scores polygéniques examinent des milliers de variantes génétiques dans le génome d'une personne pour estimer son risque de développer une maladie spécifique.
C'est une analyse effectuée habituellement sur un prélèvement salivaire.
Chaque variant génétique a un effet sur le risque de développer une maladie pour un individu, mais en examinant toutes les variantes ensemble on espère et on pense pouvoir dire quelque chose de significatif sur le risque global, pour le porteur, de développer une maladie.
Mais ces scores auront toujours des limites pour prédire avec exactitude et ils soulèvent beaucoup de déceptions et de doutes dans la communauté scientifique qui appelle à ce que cliniciens et le public soient conscients de ces limites.

Dr MacCartney résume ici de façon on ne peut plus synthétique ces fameuses "statistiques de base sur les valeurs prédictives":
"plus on essaie de ne pas rater des personnes atteintes d'une maladie grave, plus il faut dépister de personnes ; plus il y a de personnes dépistées, plus il y a de faux positifs. En limitant le test aux personnes à haut risque, le nombre de faux positifs diminuera, mais comme les maladies se déclarent généralement dans le groupe plus large des personnes à faible risque, vous les manquerez également en grande partie. C'est pourquoi un dépistage efficace des maladies est exceptionnel : il fonctionne rarement assez bien pour faire plus de bien que de mal."

Une réflexion de fond sur les dépistages, sur les conséquences des tests multi-cancers et sur la nécessité de conduire des essais de grande envergure est conduite par Gilbert Welsch, oncologue américain, ici : "le dépistage sauve-t-il des vies? "
L'auteur y détaille les raisons biologiques qui font que les dépistages peuvent augmenter d'autres causes de décès, notamment par les surdétections qu'il engendre.
G.Welsch écrit : "Le dépistage a des effets négatifs sur beaucoup plus de personnes (plus de tests et de procédures, plus de fausses alertes et de surdiagnostics, et plus de chances de subir les effets toxiques financiers des paiements directs ou de l'augmentation des primes d'assurance maladie) qu'il ne pourrait en avoir de positifs.
La question cruciale est donc de savoir si les bénéfices pour quelques-uns sont suffisamment importants pour justifier les inconvénients qui en découlent pour le plus grand nombre."

Toujours plus de médecine, pour quels résultats ?

Les inconvénients sont les cascades d'examens qui vont découler des résultats de ces tests, il faudra orienter les patients "suspects" d'être porteurs de maladies vers toujours plus d'investigations, avec un effet anxiogène certain et pour des résultats souvent non-concluants. C'est ce que soulève Dr MacCartney :

"Il y a ensuite l'essai Galleri, dans lequel on analyse le sang des participants pour détecter une méthylation anormale de l'ADN, dans ce qui est décrit comme un "test de détection précoce multicancéreux". Toutefois, la suite donnée à ces informations est similaire : il s'agit à nouveau de stratifier le risque, les participants étant orientés vers des examens d'imagerie ou d'autres investigations pour détecter des "signaux de cancer".

Lorsque les faux positifs sont si fréquents, il ne s'agit pas seulement de l'argent dépensé pour le contrat ou des fausses promesses potentielles de projets surestimés, mais aussi du temps nécessaire pour gérer les retombées au sein du NHS.
La réalisation des scanners et les discussions sur les résultats des tests prendront énormément de temps au personnel, qui sera en concurrence avec des personnes présentant des symptômes et se morfondant sur des listes d'attente.

Bien que ces projets soient financés en grande partie par l'industrie, c'est le NHS qui devra ramasser les morceaux - est-ce que cela représente vraiment une bonne valeur pour le NHS ?"

En conclusion

Une grande majorité des dépistages aboutit à un échec en matière de réduction de mortalité globale et réduction des formes les plus graves des cancers.
De plus en plus de scientifiques, face à l'enthousiasme des laboratoires et d'une certaine presse alertent sur les risques auxquels trop d'innovation sans suffisamment d'essais cliniques nous exposent.
Nous aboutissons dans nos sociétés modernes à deux sortes de maladies : les maladies réelles vécues par le patient, avec symptômes précis et identifiées par le clinicien.
Et des maladies non vécues, mais détectées par un dépistage et définies comme maladies.

Mais dans ce deuxième cas on ne sait plus définir ce qu'est être 'malade'. Quand est-on malade ? Quand l'anatomo-pathologiste a trouvé sous son microscope une cellule cancéreuse ?  Un amas cellulaire cancéreux qui ne se manifestera peut-être jamais?

Le paradoxe est qu'avec un dépistage de masse de plus en plus de personnes sont déclarées "malades" sans l'être, et surtout traitées et "guéries" avant de n'avoir jamais été malade cliniquement. Et même d'une maladie qu'elles n'auraient jamais connue sans dépistage. Est-ce réellement le progrès ?

D'une part les traitements eux, peuvent rendre bel et bien malades, et d'autre part, la connaissance de leur "cancer" expose les personnes à un taux de suicide cinq fois plus élevé. L'annonce multiplie par 12 le risque de décès par accident cardio-vasculaire.
Avons-nous vraiment envie d'un futur où tout le monde sera "malade", de vivre dans un niveau d'angoisse jamais égalé, en raison de testings de plus en plus fréquents mais peu fiables qui ne fonctionnent pas aussi bien qu'annoncé ?

Même si les tests multi-cancers sont efficaces à trouver davantage de cancers ou de risques de cancers, le sont-ils suffisamment pour que cela en vaille la peine ?
Il faut toujours garder à l'esprit que les dépistages s'adressent à des personnes saines, qui ne se plaignent de rien.
Et garder à l'esprit aussi que dans le contexte actuel d'effondrement du système de santé, la surmédicalisation à outrance des populations entraîne de facto une sous-médicalisation ou au moins un plus difficile accès aux soins pour des personnes réellement malades.

Article connexe : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/

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Instantané d’oncologie, interview de Steven Woloshin

Oncoinfo - Instantanés d'oncologie : http://oncoinfo.it

L'auteur

Steven Woloshin est codirecteur du Center for Medicine and Media du Dartmouth Institute (New Hampshire) et interniste.
Lui et sa partenaire de recherche, Lisa Schwartz, ont travaillé pour améliorer la communication des preuves médicales auprès des médecins, des journalistes, des décideurs politiques et du public afin d'aboutir à une communication médicale plus honnête et neutre.
Grâce à lui le terme 'surdiagnostic' a été inclus dans le "MeSH" , un thésaurus de références dans le domaine biomédical.utilisé pour indexer, cataloguer et rechercher des articles de revues, des livres et d'autres informations biomédicales liées à la santé.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/12/13/le-surdiagnostic-cest-officiel/

Steven Woloshin a été interviewé lors de la réunion Medicine & the Media à Florence, à l'instar de K.J.Jorgensen, sur la décision du groupe américain sur les services préventifs d'abaisser l'âge du dépistage à 40 ans

Transcription

Oncoinfo : Le groupe de travail américain sur les services préventifs (U.S. Preventive Services Task Force) a récemment modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie, le faisant passer de 50 à 40 ans. Pourquoi cette décision n'est-elle pas aussi bonne qu'elle le paraît ? Nous avons posé la question à Steven Woloshin (Center for Medicine and Media - The Dartmouth Institute) lors de la conférence Medicine & the Media à Florence.

"Récemment, le groupe de travail sur les services préventifs américain a modifié la recommandation concernant le début du dépistage par mammographie pour les femmes. Auparavant, il était recommandé de commencer à l'âge de 50 ans. Désormais la recommandation est de débuter à l'âge de 40 ans. Beaucoup d'entre nous ont été surpris lorsque le groupe de travail a fait cette recommandation. Nous nous sommes demandé quelle en était la raison, existe-t-il des preuves que la mortalité due au cancer du sein augmente chez les femmes de 40 ans ?
Existe-t-il des preuves que le dépistage mammographie est devenu plus efficace pour ces femmes ?
Nous nous sommes également demandé si l'un des arguments du groupe de travail était que la mise en œuvre de ce changement permettrait également de remédier aux disparités raciales aux États-Unis ? Car malheureusement, on sait que les femmes noires ont un taux de mortalité par cancer du sein plus élevé. Le fait est qu'en examinant chacune de ces questions, la réponse était non pour chacune d'entre elles."

Des preuves pour justifier l'abaissement de l'âge du dépistage ?

"Nous avons donc écrit un article dans le New England Journal pour exprimer nos inquiétudes et tenter de nous opposer à cette recommandation qui, selon nous, n'était pas justifiée. ("A dissenting view")

La première question
que nous nous sommes posée était de savoir s'il existait des preuves d'une augmentation de la mortalité par cancer du sein dans cette population.. En fait, c'est tout le contraire, la mortalité par cancer du sein a baissé de façon spectaculaire chez les femmes dans la quarantaine, en fait ceci est aussi le cas pour les femmes dans la cinquantaine et plus.
Mais la baisse était encore plus importante surtout chez les femmes de 40 ans. Et si l'on considère des pays ayant des stratégies de dépistage différentes, on constate que la baisse est la même.
Il est donc difficile d'affirmer que la baisse de la mortalité est liée au dépistage. Ainsi, aux États-Unis, où le dépistage est très répandu chez les femmes de 40 ans, il est difficile de dire que la baisse de la mortalité est liée au dépistage par rapport à la Suisse, par exemple, où il n'y a presque pas de dépistage.
La baisse de la mortalité est presque la même, et c'est donc un argument qui nous avait fait penser qu'il n'était pas exact.

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La deuxième question était de savoir s'il existait des preuves que le dépistage par mammographie protégeait mieux les femmes de ce groupe d'âge.
Et il n'y a pas de nouvelles preuves par rapport aux essais qui ont été réalisés. Il n'y a pas de nouveaux essais randomisés.
Et pour ceux qui ont inclus des femmes dans la quarantaine, une méta-analyse réalisée par mon collègue Karsten Jorgenson et al. sur l'effet de la mammographie montre qu'il n'y a vraiment pas d'effet sur la mortalité par cancer du sein dans cette tranche d'âge.

Enfin, en ce qui concerne les  disparités raciales et sur la question de savoir si ce changement les améliorerait, nous pensons qu'en réalité, c'est le contraire qui se produirait. La raison en est qu'aux  États-Unis, environ 60 % des femmes dans la quarantaine se font dépister pour le cancer du sein, qu'elles soient noires ou blanches. Il n'y a donc pas de disparité dans le dépistage. La disparité se situe au niveau des suites. Cela ne peut donc pas être dû à une différence de dépistage, puisque les taux (de dépistage NDLR) sont les mêmes, cela doit être dû à d'autres facteurs.
Eh bien, malheureusement, il y a de nombreuses preuves montrant qu'il existe d'autres facteurs limitants, tels que l'accès limité aux meilleurs traitements disponibles, ou l'accès à un traitement en temps utile, aux thérapies avancées que nous connaissons, aux meilleures nouvelles options thérapeutiques personnalisées".

Les problèmes de l'extension du dépistage

"Le problème, c'est que par l'extension du dépistage, nous allons détourner des ressources  vers un dépistage qui n'aidera pas, au détriment de mesures qui aideraient.
À mon avis, l'investissement dans le dépistage devrait plutôt être utilisé à améliorer l'accès aux meilleurs soins disponibles. Le seul élément nouveau proposé par le groupe de travail était un nouveau modèle.
Et ce nouveau modèle contenait beaucoup d'hypothèses qui, selon nous, ne sont pas justifiées.
En particulier, on a supposé que le dépistage réduisait le risque relatif de mortalité par cancer du sein de 25 %. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que celui observé dans les essais et surtout dans la méta-analyse.  

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Ceci dit, dans notre tableau (voir ci-dessous) nous avons essayé de donner le meilleur scénario pour la mammographie, afin que les femmes puissent décider, en sachant que le bénéfice de la mammographie est probablement moindre.
Et dans ce cas, la différence sur 10 ans en termes de risque de décès avec la mammographie passe d'environ 3 pour mille à environ 2 pour mille.

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On peut donc argumenter qu'il s'agit d'un grand nombre, ou d'un petit nombre, mais de cette façon, en fournissant des chiffres aux femmes, elles peuvent prendre une décision en connaissance de cause.

Le tableau met également en évidence les inconvénients de la mammographie, car vous savez qu'il y a toujours des inconvénients dues aux interventions et aux traitements.
Dans ce cas les fausses alertes sont parmi les plus fréquents : environ un tiers des femmes qui subissent une mammographie tous les deux ans sur une période de 10 ans finissent par avoir au moins une fausse alerte. Environ 7 % d'entre elles auront une fausse alerte nécessitant une biopsie, ce qui est important car il s'agit d'un examen très difficile et anxiogène.
Il y a quelques années, nous avons réalisé une étude, une enquête sur les femmes américaines en leur demandant comment cela se passait pour celles qui avaient eu une fausse alerte nécessitant une biopsie. Et la plupart de ces femmes ont déclaré que c'était l'une des choses les plus effrayantes qu'elles aient jamais vécues jusqu'à ce que la biopsie soit négative.
Il s'agit donc vraiment d’un aspect  important.

Enfin, la dernière question concerne les surdiagnostics, c'est-à-dire le diagnostic de cancers ou de ce qui ressemble à des cancers au microscope, mais qui n'auraient jamais été destinés à causer des préjudices s'ils n'avaient pas été découverts ou traités.
Les fourchettes des estimations concernant le surdiagnostic sont très larges, le groupe de travail a utilisé des chiffres qui sont très conformistes.
Nous pensons qu'ils sont sous-estimés, mais même ainsi il y aurait environ deux surdiagnostics pour mille femmes, ce qui est plus élevé que l'estimation des bénéfices de la mammographie."

En conclusion

NDLR
L'extension de l'âge du dépistage ne peut pas résoudre les différences dans la biologie du cancer : l'incidence des cancers de stade avancé reste stable malgré le dépistage en raison-même de leur biologie qui en fait des cancers d'emblée véloces et agressifs et qui échappent au dépistage ; l'incidence du cancer du sein triple négatif chez les femmes noires est deux fois plus élevée que chez les femmes blanches, selon l'Institut national du cancer américain. Ce sous-type est le plus agressif, son traitement est le moins efficace et il est le plus sujet à être non détecté par le dépistage.

Un dépistage plus précoce dans les tranches d'âge plus jeunes ne permettrait pas non plus de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les femmes pauvres, souvent les femmes noires aux Etats Unis, problèmes tels qu'un accès moindre aux services de santé, des retards de traitement et un plus faible recours aux thérapies adjuvantes.
En fait, l'abaissement de l'âge du dépistage pourrait exacerber les problèmes contribuant à la disparité, en détournant les ressources vers un dépistage élargi au lieu d'une amélioration de l'accès pour ces femmes plus défavorisées.

Pour finir les deux scientifiques (Woloshin et Jorgensen) sont préoccupés par l'exposition des femmes de façon majorée aux fausses alertes et aux surdiagnostics, les effets indésirables majeurs de ce dépistage.

Articles connexes

Abaisser l'âge du dépistage, mais à quel prix ?

Abaisser l'âge du dépistage, une boîte de Pandore

Interview de K.J.Jorgensen, co-auteur de l'article "a dissenting view"

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Les mythes du dépistage

29 novembre 2023
Synthèse Cancer Rose https://www.cfp.ca/content/69/11/e216

Réfutation des mythes entourant le dépistage

Le dépistage est fréquemment présenté au public de façon très positive et comme un dispositif salvateur, cette idée est portée par des campagnes promotionnelles massives d'octobre et par des personnalités en vue qui en assurent le marketing. 

Cet article d'auteurs canadiens *(voir en fin d'article) décortique 4 mythes principaux qui sous-tendent les dépistages, mythes mis à mal dans la vraie vie, confrontés à la réalité, ce dont il faudrait informer le public afin de lui éviter des déconvenues impactant la santé des personnes.

"Nous avons présumé", disent les auteurs, "que nous pourrions nous attaquer aux maladies chroniques de la même manière que nous avons lutté contre les maladies infectieuses; cependant, non seulement la prise en charge des maladies chroniques n’est pas aussi simple, mais les résultats des tests diagnostiques pour ces maladies sont rarement certains. Cette incertitude est davantage amplifiée dans les résultats des tests de dépistage."
Cette incertitude malheureusement est très peu est insuffisamment relayée au public, ce qui constitue en soi une problématique de santé publique.

"Auparavant, on ne se rendait chez le médecin que pour des symptômes gênants : douleur, fièvre, toux, indigestion, etc. Les médecins établissaient alors un diagnostic sur la base de ces symptômes, ainsi que des signes associés et des tests diagnostiques disponibles."

La médecine moderne a ensuite fait émerger l'idée d'anticiper les problèmes et d'intervenir avant l'apparition des symptômes.

"Cependant, le passage d'une médecine axée sur les symptômes à une médecine d'anticipation a eu un effet secondaire inattendu pour les patients : la possibilité d'avoir un diagnostic qui n'est pas destiné à provoquer des symptômes. La différence énorme entre une maladie diagnostiquée en raison de symptômes et la même maladie détectée en l'absence de symptômes est apparue très clairement dans le cas du cancer."

En effet, les auteurs rappellent que pour qu'on puisse déclarer un dépistage comme efficace, il doit y avoir, en face des préjudices engendrés par ce dépistage, des bénéfices compensatoires, comme : aboutir à une moindre mortalité, une diminution des cas graves et une réduction des traitements lourds, tout ceci rendant les inconvénients des dépistages (fausses alertes, diagnostics inutiles) comme "acceptables".

4 grands mythes sont ainsi décortiqués.

Mythe 1 : le dépistage ne cause pas de préjudices

Les auteurs rappellent les préjudices du dépistage dont nous parlons souvent sur le site, fausses alertes et surdétections inutiles, et demandent à ce qu'ils soient discutés avec le patient, avant que celui-ci ne s'engage dans ces dispositifs de santé.

"Le surdiagnostic est une conséquence inhérente à toute forme de dépistage. Son occurrence, de même que d’autres préjudices potentiels comme les résultats faux positifs, devraient être estimés et discutés avec le patient au même titre que les bienfaits possibles pour déterminer si on procède ou non au dépistage. La compréhension par le patient et sa contribution à la prise de décision sont des composantes essentielles."

Il existe d'autres effets adverses du dépistage, comme l'anxiété liée à l'examen lui-même, ou encore à l'attente des résultats en cas de fausses alertes.
Il y a des effets adverses générés par le surdiagnostic aussi, que vous trouverez listés dans des documents téléchargeables de notre article sur le surdiagnostic.

Mythe 2 : la détection précoce se traduit par de meilleures issues cliniques

"L’une des croyances les plus courantes est qu’une détection précoce de la maladie produit toujours de meilleures issues cliniques chez les patients. Une détection précoce est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante pour que le dépistage soit bénéfique."

En effet, une lésion petite est plus facile à traiter qu'une lésion de gros volume.
Cependant une première question est : le dépistage est-il apte à détecter les cancers les plus graves alors qu'ils sont encore petits ?
Une autre faille est que la taille des lésions n'est pas automatiquement corrélée au temps et n'est pas automatiquement corrélée non plus à la gravité de la lésion. Petit n'est pas "précoce", et surtout n'est pas toujours "à temps".

L'histoire naturelle du cancer nous apprend que les cancers n'ont pas tous la même vélocité, certains, agressifs, peuvent être d'emblée très rapides et ainsi ratés par le dépistage parce qu'ils se développent entre deux mammographies, en quelques semaines.
Et certains cancers même petits peuvent être d'emblée agressifs et métastatiques.

Les auteurs ajoutent l'exemple du mélanome
"Bell et Nijsten ont expliqué dans un commentaire comment le dépistage des mélanomes avait augmenté la détection précoce du problème sans avoir de répercussion sur le nombre de maladies à un stade plus avancé.
De même, l’histoire du dépistage des neuroblastomes au Japon (à partir de 1985) constitue une mise en garde. Ce cancer a un meilleur pronostic s’il est diagnostiqué avant l’âge de 1 an, et le programme avait pour but de détecter plus tôt les neuroblastomes, lorsque le pronostic est plus favorable. Le dépistage a fait croître l’incidence des neuroblastomes, mais n’a pas changé le nombre d’enfants diagnostiqués plus tard (après 1 an), et la mortalité est demeurée semblable"

Un autre exemple cité est celui du dépistage du cancer de la thyroïde où on a une même problématique de surdétection de cancers inoffensifs et lentement évolutifs sans menace pour les patients, en raison d'une multiplication de l'imagerie, échographique essentiellement :
".....des hausses remarquables de l’utilisation de l’imagerie durant les années 1990 et le début des années 2000, surtout chez les femmes d’âge moyen, ont été observées, une fois de plus sans qu’il y ait de changement dans la mortalité."

Le dépistage peut 'rattraper' des cancers qui ne se seraient jamais développés créant un surdiagnotic important et 'rater' des véritables cancers qui menacent la vie et la santé de la personne, parce que ces derniers se développent très vite, entre deux dépistages, comme les schémas reproduits dans cet article l'expliquent, ou la figure 1 issu de l'article canadien.

Comme on le voit dans le graphique ci-dessus, les cancers rapides se développent si vite que le dépistage les rate. Les cancers plus lents sont détectés par un dépistage, mais cette détection ne sert à rien car ces cancers n'auraient jamais nui, et leur détection alimente le surdiagnostic.

Figure 1 de l'article canadien (cliquez pour agrandir)

Lire à ce propos : https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

Mythe 3 : les nouvelles technologies procurent plus de bienfaits

L'exemple pris est celui de la tomosynthèse en complément de la mammographie numérique dans le dépistage du cancer du sein.
Il s'agit d'une sorte de 'scanner' du sein, davantage irradiante, et sujette à controverse. D'abord non validée pour être intégrée dans le dépistage, la HAS l'admet finalement en 2023, sans que soient réglées les questions soulevées par cette technologie, notamment pourvoyeuse de davantage de surdiagnostics.

"Dans le dépistage, la mammographie numérique, combinée à la tomosynthèse mammaire, peut détecter plus de cancers du sein que la mammographie seule, mais cela ne devrait pas être considéré comme la garantie de meilleures issues cliniques pour les patientes. Cette nouvelle technologie pourrait être bénéfique, mais des renseignements sur la magnitude des bienfaits et des préjudices potentiels sont nécessaires pour informer nos patientes."

Les auteurs ont listé sous forme de tableau les approches qui sont utilisées pour augmenter les possiblités de détection précoce des maladies, avec les réserves qui s'imposent dans la colonne de droite.(Cliquez sur l'image pour agrandir)

Mythe 4 : le dépistage sauve des vies

 « le dépistage du cancer du sein sauve des vies », alors que le message entier devrait être que, pour chaque tranche de 1000 femmes dépistées à répétition, « le dépistage du cancer du sein peut réduire le nombre de décès dus au cancer du sein ». Le nombre varie selon l’âge, mais il se situe à environ 1 femme sur 1000 femmes dépistées durant leur cinquantaine ou leur soixantaine."

Il faut faire attention à la présentation des choses, 20% de réduction de mortalité comme souvent avancé cela ne signifie pas que 20 femmes sur 100 en moins mourront de cancer du sein. Ces 20% sont une réduction relative du risque lorsqu'on compare deux populations de femmes.
Comme l'affiche ci-dessous le montre, passer de 5 décès chez les femmes non dépistées à 4 décès chez les dépistées correspond bien à 20% de réduction du risque (5-4/5=0,2), mais dans la vraie vie, il ne s'agit que d'une vie "sauvée" à la condition d'avoir dépisté une grande cohorte de femmes et sur un long laps de temps (10 années) . Durant le même temps, surdiagnostics et fausses alertes s'accumulent aussi.

Plusieurs études et notamment une étude d'impact ont déjà montré le rôle prépondérant des avancées thérapeutiques pour réduire la mortalité par cancer du sein depuis les années 90, bien indépendamment du dépistage.

En effet depuis les années 90 la mortalité par cancer du sein décroit, avant même l'instauration des campagnes (seulement en 2004 en France) et cette réduction n'a pas vu d'amplification lors des déclenchement des campagnes de dépistage nationales.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/06/14/risque-de-deces-par-cancer-du-sein-en-baisse-depistage-ou-pas/

De plus on ne constate aucun impact sur la mortalité toutes causes confondues. Ce critère serait plus fiable pour révéler une efficacité d'un dépistage car il intègre les décès par la maladie, les décès pour autres causes survenues chez les porteurs de cancers et aussi les décès consécutifs aux traitements et à leurs conséquences. Il est donc un meilleur marqueur de l'impact du dépistage sur la mortalité dans la population.
Toutefois l'estimation de la réduction globale de mortalité est difficile à obtenir, comme l'expliquent les auteurs.

"La démonstration d’une réduction dans la mortalité toutes causes confondues est un défi global, mais en particulier pour les tests de dépistage pour lesquels la plupart des patients sont à risque très bas de décès. Il faudrait que les essais randomisés contrôlés soient très larges ou que la taille des effets soit considérable. Comme stratégie, nous pouvons combiner des essais multiples pour augmenter la puissance statistique.
Ce faisant, le seul test de dépistage du cancer pour lequel il a été démontré qu’il réduisait la mortalité toutes causes confondues de manière statistiquement significative est la sigmoïdoscopie flexible pour le cancer colorectal (risque relatif=0,97; IC à 95 % de 0,959 à 0,992, p=,004) avec une réduction du risque absolu de 3,0 décès par 1000 dépistages (IC à 95 % de 1,0 à 4,0) sur 11,5 ans de suivi. Puisque le dépistage du cancer du col réduit l’incidence de la maladie, il est probable que son dépistage réduise aussi la mortalité."

A ce propos lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/10/17/pas-de-prolongement-de-la-duree-de-vie-grace-aux-depistages/

En conclusion :

"Avec les connaissances que nous avons acquises depuis, nous nous rendons compte que ce que nous pensions être relativement simple est bien plus compliqué." Ecrivent les auteurs à propos des dépistages.

Ceci nous amène à l'importance de communiquer ces incertitudes sur la réelle balance entre les bénéfices et les nuisances des dépistages au public.
Les principe du choix éclairé, de l'autonomie dans la décision de la personne à participer aux dépistages est simple et peu coûteuse à mettre en place, notamment par le biais de pictogrammes, d'outils d'aides à la décision et de visuels simples, comme nous vous en proposons en page d'accueil du site.
Celui de Cancer Rose
Les outils internationaux

Malgré quelques efforts consentis dans la communication, l'Institut national français du cancer enfreint l'éthique, rechignant à fournir une information sur le surdiagnostic et ses conséquences, sur le bénéfice très douteux et relatif du dépistage du cancer du sein, contrebalancé par des risques maintenant bien connus, en tordant les données, et ce malgré les demandes publiques comme celles de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein de 2016.

Il est plus que temps d'accorder aux personnes cette information loyale avant qu'elles ne s'exposent aux dépistages qui leur sont recommandés sans transparence sur la balance bénéfices/risques, ou parfois qui leur sont même imposés.

*Les auteurs

Guylène Thériault, Directrice du volet Rôle du médecin et directrice du Centre de pédagogie au Campus Outaouais de la Faculté de médecine de l’Université McGill à Montréal (Québec).

Donna L. Reynolds, Professeure adjointe au Département de médecine familiale et communautaire et à l’École Dalla Lana de santé publique de l’Université de Toronto (Ontario).

Roland Grad, Professeur agrégé au Département de médecine familiale de l’Université McGill.

James A. Dickinson, Professeur au Département de médecine familiale et au Département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Calgary (Alberta).

Harminder Singh, Professeur agrégé au Département de médecine interne et au Département des sciences de la santé communautaire de l’Université du Manitoba à Winnipeg, et au Département d’oncologie et d’hématologie médicale à Action Cancer Manitoba.

Olga Szafran, Directrice adjointe de recherche au Département de médecine familiale de l’Université de l’Alberta à Edmonton.

Viola Antao, Professeure agrégée au Département de médecine familiale et communautaire de l’Université de Toronto. 

Neil R. Bell, Professeur au Département de médecine familiale de l’Université de l’Alberta.

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Ces évènements roses qui nous font vraiment….

Par C.Bour, 4 novembre 2023

...au propre comme au figuré.

On apprend qu'un trek au Maroc, le "Trek rose trip", a viré au cauchemar, et pas bien rose  celui-là.
" Entre 800 et 900 femmes se sont lancées dans un trek "d'orientation et solidaire" à travers les dunes du désert le 26 octobre. Cinq jours de marche proposés par l'opérateur français Désertours pour la bonne cause: la sensibilisation au cancer du sein."

Malheureusement, une gastro-entérite aigüe s'est déclenchée parmi les participantes, atteignant 200 d'entre elles avec une quinzaine d'hospitalisations. Les coureuses fustigent les conditions d'hygiène déplorables, et la description est plutôt apocalyptique notamment sur la page facebook de l'évènement où des participantes témoignent de l'insuffisance des toilettes, au nombre de 16 pour 800 participantes, et surtout de 200 malades transformant les lieux en un bourbier indescriptible.

L'organisateur, Désertours, dans un grand esprit caritatif et selon le mari d'une marcheuse, a déjà pris ses précautions pour ne pas voir sa responsabilité engagée :
"Désertours a essayé d'échapper à tout. ...Là, ils vont essayer de faire quelque chose pour leur communication, mais il n'y a plus rien à faire. Ils ont fait signer des décharges. Ils ont abandonné des gens. Non assistance à personnes en danger."

La "bonne cause"

Déjà, envoyer 800 personnes en avion au Maroc pour courir en rose pose quand-même question, à une époque où on interpelle la société sur la pertinence des voyages, l'empreinte carbone et les répercussions sur la planète etc etc…. 

Nous nous sommes maintes fois émus de l'instrumentalisation et de la glamourisation de la "cause rose", aux dépens des femmes, utilisant leur maladie pour alimenter tout un pink washing et un rose business sur le dos des malades, utilisant leur bonne volonté, les sponsors bénéficiant de cette manne et de cette main-d'oeuvre gratuite de femmes bénévoles lors des évènements, leur permettant d'engranger beaucoup de dons et de frais d'inscriptions, dont on ne sait guère ce qu'il en advient.
https://cancer-rose.fr/2016/11/13/les-courses-roses-charite-bien-ordonnee/

Voir aussi :l'arnaque du pink washing  

Beaucoup de sponsors labellisant des évènements et des produits roses se greffent sur ce mouvement saisonnier, leur permettant une publicité à bon compte, une relance de leurs ventes avec un minimum de reversement à "la cause", et une image de philanthropes.
Nous avions déjà demandé à ce qu'une charte éthique leur soit imposée, dans un article datant de 2016, preuve que les choses n'ont pas changé.

Lire ici : https://cancer-rose.fr/2016/11/13/les-enseignes-roles-et-obligations/

1-Quel pourcentage des dons engrangés est reversé, et quel est le montant maximal donné à la cause ? (certaines enseignes l’affichent)

2-Quel est le budget marketing ? Quelle est sa proportion par rapport à la somme « reversée » à la cause ? Est-ce que ce budget ‘marketing et fonctionnement’ est égal, inférieur ou supérieur à la partie reversée ?

3-Quels sont les destinataires, et surtout quels types de programmes sont financés par ces sommes engrangées ? Cela est parfois affiché, mais les libellés sont …mystérieux voire hermétiques pour le lecteur lambda.

4-Qu’advient-il des résultats de la recherche ? Quelle "recherche" ? Sont-ils publiés ? A qui l’information scientifique est-elle donnée, quelle est la retombée exacte en matière d’avancée sur le cancer du sein ?

Etc....

Comment les femmes perçoivent-elles cela ?

Les courses roses, c'est fait pour les bien portantes. Et pour certaines femmes, c'est le mois le plus cruel. C'est un rappel de leur maladie dans une glamourisation indécente, une instrumentalisation de leur douleur.

Celles qui participent et souvent veulent persuader les autres sont doublement victimes, d'abord dans leur chair, et ensuite en participant à un business dont elles n'ont aucune idée de l'ampleur.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/11/15/octobre-le-mois-le-plus-cruel/

Et les médias dans tout cela  ?

Sur la page facebook de l'évènement Trek Rose Trip une journaliste de BFM se précipite pour couvrir ce bourbier.

Si les médias se précipitaient un peu plus sur les arcanes de ces courses roses, aidaient à l’information des femmes, déficiente sur le sujet du cancer du sein et de son dépistage, enquêtaient pour éviter à ces femmes premières victimes du rose-business de s'exposer à ce genre de catastrophe, enquêtaient plus globalement sur tout ce business délétère et malsain, au lieu de se vautrer dans de l’information de caniveau, ce serait tellement plus pertinent.

Les médias ont une responsabilité colossale, en désinformant, 'pipolisant', glamourisant un sujet qui mérite plus d'attention que les avis de Carla Bruni laquelle, prétendant aider les femmes, donne des informations fausses (on ne fait pas de mammos annuelles), et se permet des conseils sur un sujet qu'elle ne maîtrise pas.

Malheureusement elle est loin d'être la seule...
Lire : https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

Conclusion

De la communication partout, de l'information nulle part.

La bonne cause ? Ce serait bien d'informer les femmes sur le cancer du sein et son dépistage, déjà sur le plan simplement médical, mais aussi de les prémunir de ces pièges et arnaques dont elles sont trop souvent les dociles victimes, au prix de leur santé comme on le voit dans ce consternant épisode trek-rose, plutôt que de les envoyer vomir (et si ce n'était que ça) dans un pays lointain, sous la coupe d'organisateurs qui n'en ont cure, ni de leur "cause", ni de leur souffrance, se dégageant lâchement de toute responsabilité.

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Dépistage, détection fortuite et surdiagnostic du cancer, un travail de synthèse

Traduction, restitution par Cancer Rose, 29/10/2023

H Gilbert Welch, Regan Bergmark, Cancer Screening, Incidental Detection, and Overdiagnosis, Clinical Chemistry, 2023;, hvad127, https://doi.org/10.1093/clinchem/hvad127
G.Welsch est médecin universitaire américain et chercheur sur le cancer.

Résumé

Autrefois, le diagnostic de cancer n'était posé que lorsque les patients présentaient des symptômes. Aujourd'hui, grâce au dépistage et à la découverte fortuite, certains patients se voient diagnostiquer un cancer alors qu'ils sont asymptomatiques. Bien que cette évolution soit généralement considérée comme souhaitable, elle a eu un effet secondaire regrettable : il est désormais possible de se voir diagnostiqué d'un cancer qui n'est pas destiné à causer des symptômes ou conduire au décès - un phénomène appelé surdiagnostic. (NDLR, surdiagnostic)

Le surdiagnostic est une conséquence non intentionnelle du souhait de détecter le cancer à un stade précoce.
Étant donné les progrès réalisés dans la compréhension du fait que la biologie de la tumeur et la réponse de l'hôte sont plus pertinentes pour le pronostic que le moment du diagnostic, il est temps de remettre en question l'affirmation selon laquelle le diagnostic précoce est toujours la meilleure approche pour guérir le cancer.
(NDLR, biologie des tumeurs et valeur pronostique)

Introduction

Au milieu du 20e siècle, l'apparition d'une voie diagnostique alternative a entraîné de profonds changements dans la médecine.

 Auparavant, on ne se rendait chez le médecin que pour des symptômes gênants : douleur, fièvre, toux, indigestion, etc. Les médecins établissaient alors un diagnostic sur la base de ces symptômes, ainsi que des signes associés et des tests diagnostiques disponibles. Avec la reconnaissance de l'importance de l'hypertension, une autre voie de diagnostic a été établie : des diagnostics pouvaient être posés en l'absence de symptômes, sur la base d'anomalies détectées.1 L'idée était d'anticiper les problèmes et d'intervenir avant l'apparition des symptômes.

Cependant, le passage d'une médecine axée sur les symptômes à une médecine d'anticipation a eu un effet secondaire inattendu pour les patients : la possibilité d'avoir un diagnostic qui n'est pas destiné à provoquer des symptômes. La différence énorme entre une maladie diagnostiquée en raison de symptômes et la même maladie détectée en l'absence de symptômes est apparue très clairement dans le cas du cancer. À l'époque où les patients étaient diagnostiqués avec un cancer en raison de symptômes, la définition traditionnelle du cancer dans le dictionnaire était en grande partie correcte : "une maladie néoplasique dont l'évolution naturelle est fatale".2 Aujourd'hui, alors que le cancer est de plus en plus diagnostiqué sur la base de résultats subtils d'imagerie et/ou de résultats moléculaires, il est clair que l'histoire naturelle du cancer est beaucoup plus complexe. Certains se développent extrêmement rapidement, d'autres plus lentement, d'autres encore cessent complètement de se développer et certains même régressent. En 2021, la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis a mis en évidence un nouveau terme de rubrique médicale (le MeSH, Medical Subject Headings est un thésaurus de références médicales) : le surdiagnostic 3 :
(NDLR : surdiagnostic, c'est officiel)
""L'étiquetage d'une personne avec une maladie ou un état anormal qui n'aurait pas causé de préjudice à la personne s'il n'avait pas été découvert, la création de nouveaux diagnostics en médicalisant des expériences de vie ordinaires, ou l'extension de diagnostics existants en abaissant les seuils ou en élargissant les critères sans preuve d'une amélioration des résultats. Les personnes ne tirent aucun bénéfice clinique du surdiagnostic, alors qu'elles peuvent subir des préjudices physiques, psychologiques ou financiers".4

La définition du MeSH est claire : le phénomène du surdiagnostic englobe un large éventail de conditions : de l'étiquetage des jeunes enfants comme hyperactifs5 à l'annonce aux hommes âgés que leur testostérone est faible6.
Cette étude se concentre toutefois sur le surdiagnostic en rapport avec le cancer, en s'inspirant largement d'un travail antérieur7 .

Qu'est-ce que le surdiagnostic du cancer ?

Le surdiagnostic du cancer fait référence à la détection d'anomalies qui répondent aux critères pathologiques du cancer, mais qui ne sont pas destinées à évoluer vers des symptômes ou la mort. Ainsi, par définition, le surdiagnostic ne peut pas se produire chez un patient présentant des symptômes de son cancer.
Le surdiagnostic est plutôt un effet secondaire des efforts déployés pour détecter le cancer à un stade précoce, avant l'apparition des symptômes.

Deux mécanismes en sont principalement responsables : le dépistage du cancer et la découverte fortuite.

Le dépistage du cancer est l'effort délibéré pour détecter le cancer chez les personnes asymptomatiques.
L'objectif du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer et il y a deux conditions fondamentales pour atteindre cet objectif. Premièrement, le dépistage doit permettre de détecter plus tôt les cancers destinés à conduire au décès. Deuxièmement, le traitement mis en œuvre plus tôt chez les patients atteints de ces cancers doit être plus efficace qu'un traitement mis en œuvre plus tard. Cependant, même un test de dépistage qui remplit ces deux conditions préalables peut aussi détecter par inadvertance des cancers qui ne sont pas destinés à provoquer des symptômes ou le décès.

La détection fortuite fait référence à un résultat inattendu d'une évaluation diagnostique, un résultat qui n'est pas lié au problème évalué.
La détection fortuite est le plus souvent associée à l'imagerie diagnostique ; par exemple, un scanner thoracique réalisé pour évaluer l'essoufflement (afin de déterminer si une embolie pulmonaire est responsable), identifie également une masse dans le rein.
La masse rénale n'a rien à voir avec l'essoufflement, mais fait néanmoins l'objet d'un examen plus approfondi car il pourrait s'agir d'un cancer précoce.

Il est important de souligner que le surdiagnostic n'est pas intentionnel, mais qu'il s'agit plutôt d'un effet secondaire non intentionnel de notre souhait de détecter le cancer à un stade précoce.

Le surdiagnostic est une énigme pour les cliniciens : nous ne savons pas qui est surdiagnostiqué au moment du diagnostic du cancer. Comme les cliniciens ne savent pas quels patients appartiennent à quel groupe, nous avons tendance à les traiter tous.

Bien qu'ils soient souvent confondus, les faux positifs et le surdiagnostic sont des phénomènes bien distincts. Les patients qui obtiennent un faux positif à un test de dépistage sont alarmés à tort, mais après des tests supplémentaires, on leur annonce finalement qu'ils n'ont pas de cancer. Les patients surdiagnostiqués apprennent qu'ils ont un cancer et sont généralement traités pour cette maladie.

Ces patients ne peuvent pas bénéficier d'un traitement inutile - puisqu'il n'y a rien à "réparer" - mais ils peuvent subir des préjudices.
Le surdiagnostic du cancer est mal connu de nombreux patients, prestataires de soins et décideurs politiques. Pour le comprendre pleinement, il faut d'abord comprendre le paradigme évolutif de la progression du cancer.

Progression du cancer : Paradigmes historiques et actuels

Le concept de surdiagnostic remet en question des hypothèses de longue date sur l'histoire naturelle du cancer, c'est-à-dire l'évolution naturelle de la maladie en l'absence de traitement. Alors que le diagnostic du cancer est généralement basé sur une observation statique (c'est-à-dire l'évaluation par un pathologiste de l'apparence des cellules individuelles et de leur architecture microscopique dans un échantillon de tissu), les déductions sur l'histoire naturelle nécessitent des observations sur un processus dynamique : la façon dont les cancers évoluent.
(NDLR : l'histoire naturelle du cancer)

Le paradigme historique de la progression du cancer était simple : tous les cancers suivaient une progression ordonnée du site primaire aux ganglions lymphatiques, puis aux sites métastatiques éloignés, pour finalement provoquer la mort (figure 1, panneau de gauche). Ce paradigme familier d'une progression inexorable était tout à fait exact à l'époque où les cancers étaient diagnostiqués sur la base de symptômes et que les pathologistes faisaient des observations histopathologiques sur les grosses tumeurs prélevées lors chirurgie. Selon ce paradigme, un cancer détecté à un stade précoce était toujours destiné à entraîner la mort s'il n'était pas traité.

L'avènement de la détection précoce du cancer - et les diagnostics basés sur des collections de cellules de petite taille, voire microscopiques - ont clairement montré que le paradigme historique était une simplification excessive.
Au début des années 1990, la généralisation du dépistage du cancer de la prostate aux États-Unis a démontré que certains cancers de la prostate localisés se développaient si lentement qu'ils n'étaient pas destinés à provoquer des symptômes avant que les patients, en particulier les hommes plus âgés, décèdent d’autres causes.8,9

Par ailleurs, certaines lésions répondant aux critères pathologiques du cancer peuvent ne pas évoluer du tout. Les mêmes phénomènes sont rapidement apparus dans les essais randomisés de dépistage du cancer du poumon par radiographie thoracique 10.
Les observations ultérieures suggérant que certains cancers précoces du sein11, de la thyroïde12 et du rein13 en fait régressent, sont venues ajouter à la complexité de la situation. Dans l'ensemble, la détection de ces cancers à croissance très lente, non progressifs et les cancers régressifs représente le surdiagnostic.

Le paradigme actuel de la progression du cancer englobe la grande hétérogénéité des trajectoires de progression dans le cancer (figure 1, panneau de droite). À une extrémité, certains cancers détectés précocement représentent un surdiagnostic ; à l'autre extrémité, certains cancers sont déjà systémiques et présentent des métastases distantes occultes au moment où ils sont détectables. Bien qu'ils ne soient pas pertinents pour le surdiagnostic, les cancers qui se propagent si rapidement qu'ils ne peuvent être détectés à un stade précoce limitent nécessairement l'efficacité du dépistage. (Cliquez sur l'image)

Le problème est mis en évidence dans le cas du cancer du sein : malgré des décennies de dépistage par mammographie, le taux de femmes présentant un cancer du sein métastatique n'a pas changé.14

Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas d'un problème lié à la mammographie, mais d'un problème lié à certains cancers : ils sont nés pour être néfastes.
Il existe donc un large éventail d'histoires naturelles associées au diagnostic de cancer -mettant en évidence les limites de l'étalon-or pathologique. Alors que les pathologistes utilisent de plus en plus de marqueurs moléculaires pour mieux comprendre la biologie et le pronostic des tumeurs, l'approche sous-jacente présente des limites inhérentes.
En bref, il est difficile de faire des déductions fiables sur un processus dynamique - ce cancer est-il destiné à progresser ? - sur la base d'observations statiques.

Preuves que la détection précoce a conduit au surdiagnostic

Le surdiagnostic n'est confirmé chez un individu que si un patient atteint d'un cancer détecté par dépistage ou de manière fortuite n'est jamais traité, ne développe ensuite aucun symptôme de son cancer et meurt d'une autre cause. Il n'est pas surprenant que le surdiagnostic soit rarement observé directement de cette manière. Au contraire, son existence doit être indirectement déduite sur la base d'observations provenant de plusieurs individus. Le surdiagnostic peut être facilement confirmé soit par un suivi à long terme d'un essai de dépistage randomisé, soit par des signatures épidémiologiques basées d’une population.

1-SUIVI À LONG TERME D'UN ESSAI RANDOMISÉ DE DÉPISTAGE

Le suivi à long terme d'un essai de dépistage randomisé constitue sans doute la preuve la plus solide de l'existence d'un surdiagnostic. Cependant, il peut être difficile de comprendre les mécanismes de ces preuves. La vertu de la randomisation est simple : c'est le meilleur mécanisme pour produire des groupes fondamentalement identiques, de sorte que toute différence observée à la fin de l'essai puisse être attribuée en toute confiance à des différences d'exposition.

Un essai randomisé sur le dépistage du cancer, par exemple, repose sur l'hypothèse que le risque de développer un cancer est le même pour les deux groupes. S'il n'y a pas de surdiagnostic (c'est-à-dire que tous les cancers détectés lors du dépistage sont destinés à évoluer vers une maladie clinique), le même nombre de cancers devrait finalement apparaître dans les deux groupes.

Mais comme le dépistage vise à avancer les diagnostics dans le temps - c'est-à-dire à détecter les cancers à un stade précoce - on s'attend à ce qu'il y ait plus de cancers dans le groupe dépisté à la fin de l'essai (c'est-à-dire à la fin de la période d'intervention au cours de laquelle un groupe est dépisté et l'autre non).

Toutefois, au cours du temps suivant l'essai (au cours duquel les deux groupes sont traités de la même manière), le nombre de cancers dans le groupe de contrôle (ou témoin NDLR) devrait "rattraper" les cancers qui auraient été détectés par le dépistage et qui se manifestent cliniquement par des signes et des symptômes.

L'absence de "rattrapage" complet - c'est-à-dire un excès persistant de cancers dans le groupe dépisté - suggère que le dépistage a détecté certains cancers qui n'étaient pas destinés à se manifester cliniquement, et donc qu'il y a un surdiagnostic.

NDLR, nous proposons une explication imagée à ce qui est dit au-dessus, pour une meilleure compréhension :
À quoi s’attendait-on exactement en généralisant la mammo ?
Au début, il paraît logique qu’il y ait une envolée des taux de cancers, puisque le dépistage sert à débusquer des cancers avant que ceux-ci ne se manifestent et ne deviennent symptomatiques. Dans un premier temps donc, après l’instauration d’un dépistage dans la population, il fallait s’attendre à une augmentation des cas de cancers (les cancers existants plus les dépistés).
C’est ce qui apparaît sur la partie A de la courbe présentée ci-dessous.

Issu du livre "mammo ou pas mammo?" , page 29/30, de C.Bour aux éditions T.Souccar

Mais par la suite, cet excédent de cancers dans le groupe des femmes dépistées devrait s’amenuiser progressivement. En effet, la mammographie étant censée dépister des cancers précoces non symptomatiques et les traiter dès leur détection, l’incidence totale des cancers devrait logiquement diminuer – notamment celle des cancers les plus graves – et/ou se stabiliser au fil du temps à des valeurs inférieures à celles d’avant dépistage. La courbe représentant le taux des cancers devrait s’infléchir (voir figure 2, partie B). Ne resteraient théoriquement que des cancers non dépistés.

Ainsi, selon cette logique, l’efficacité du dépistage doit se traduire par sa capacité à réduire le taux des cancers avancés dans la population,...
Or, il n’en est rien. L’incidence des cancers du sein augmente inexorablement, de façon continue et ininterrompue, avec l’intensité du dépistage par mammographie, comme l’illustre le tracé en pointillé de la Figure 2 ..., et cela sans que l’on n’observe dans le même temps de diminution des formes les plus graves....

La première preuve irréfutable de surdiagnostic a été apportée par un cancer généralement considéré comme agressif et mortel : le cancer du poumon.

 Le suivi à long terme de la Mayo Lung Study, un essai randomisé de dépistage par radiographie pulmonaire chez les gros fumeurs,...... il convient de noter que les cancers du poumon apparaissent cliniquement dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage. En d'autres termes, malgré un dépistage régulier, certains cancers du poumon sont diagnostiqués à la suite de symptômes survenus entre deux examens de dépistage. Ces cancers dits d'intervalle sont les cancers les plus rapidement progressifs (nés pour être mauvais) et ont le pronostic le plus sombre. 15 Ce qui est révélateur du surdiagnostic, c'est l'excès persistant de cancers du poumon dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage.
À la fin de la période d'intervention de 6 ans (radiographies pulmonaires de dépistage tous les 4 mois), 56 cancers du poumon supplémentaires ont été détectés dans le groupe dépisté (143 contre 87).

.................
Deux des neuf essais randomisés sur le dépistage par mammographie ont fourni des données de suivi à long terme sur le nombre de cancers du sein détectés.

 Le premier était l'essai de dépistage mammographique de Malmö (figure 2...)19 . Encore une fois, il convient de noter que, malgré le dépistage, certains cancers du sein apparaissent cliniquement pendant l'intervalle entre les examens de mammographie. Là encore, un excès persistant de cancers du sein apparait dans le groupe dépisté. A la fin de la période d'intervention de 10 ans, 150 cancers du sein supplémentaires ont été détectés dans le groupe dépisté (741 vs 591). Au cours des 15 années de suivi ultérieures, 35 cancers de rattrapage sont apparus dans le groupe de contrôle. Ainsi, l'excès persistant de 115 cancers représente des surdiagnostics.
NDLR : nombre de cancers dans le groupe de contrôle (ou témoin) qui auraient été détectés par le dépistage et qui se manifestent cliniquement par des signes et des symptômes.

......
Le carcinome canalaire in situ représente aujourd'hui 17 % à 34 % de tous les cancers du sein détectés par dépistage22 ; son inclusion (dans le calcul du surdiagnostic, NDLR) tendrait à augmenter l'estimation du surdiagnostic.
(NDLR : tout sur le carcinome in situ du sein)

2-PREMIÈRE SIGNATURE DE LA POPULATION POUR LE SURDIAGNOSTIC : INCIDENCE CROISSANTE/MORTALITÉ STABLE

La juxtaposition des tendances de l'incidence et de la mortalité d'un cancer peut facilement révéler un surdiagnostic.

L'incidence et la mortalité sont toutes les deux des taux basés sur la population : le nombre annuel de nouveaux cas de cancer pour 100 000 personnes et le nombre annuel de décès par cancer pour 100 000 personnes.  L'augmentation de l'incidence, associée à une stabilité de la mortalité, est très révélatrice d'un surdiagnostic.

Le phénomène du surdiagnostic amène à reconsidérer le mot "incidence".
Bien que l'incidence déclarée soit conventionnellement définie en termes d'occurrence de la maladie, il s'agit en fait du taux de diagnostic de la maladie dans une population définie. Les diagnostics de cancer sont une combinaison de 1) cancers cliniquement significatifs et 2) cancers surdiagnostiqués. Si l'augmentation de l'incidence correspondait à une augmentation des cancers cliniquement significatifs, on s'attendrait également à une augmentation de la mortalité. L'absence de changement dans la mortalité suggère que si le nombre de diagnostics augmente, il n'y a pas de changement dans la proportion sous-jacente de cancers destinés à évoluer pour provoquer des symptômes et la mort. Au lieu de cela, il doit y avoir un surdiagnostic.

Trois cancers illustrant la première signature de population pour le surdiagnostic sont présentés dans la figure 3. (Cliquez sur l'image)

..........

À notre connaissance, personne ne recommande le dépistage du cancer du rein dans la population générale.
l s'agit plutôt d'un cancer qui est régulièrement détecté de manière fortuite lors d'examens d'imagerie transversale (p. ex. tomodensitométrie/IRM).
Les masses rénales sont détectées de manière fortuite non seulement sur les images de l'abdomen, mais aussi sur celles du thorax - en raison de la courbure du diaphragme, une série complète d'images transversales du thorax inclut généralement les reins.23

Au cours des quatre dernières décennies, l'imagerie transversale est devenue plus courante et les découvertes fortuites se sont multipliées.
Les zones géographiques présentant des taux élevés d'imagerie thoraco-abdominale ont également des taux élevés de néphrectomie, reflétant probablement la détection fortuite de masses rénales.24
La croissance de l'incidence a ralenti ces dernières années, probablement en réponse à des directives plus conservatrices pour la prise en charge et à l'adoption plus large de la surveillance active pour les petites masses rénales (≤ 4 cm).25
Néanmoins, les preuves du surdiagnostic sont évidentes : l'incidence du cancer du rein a plus que doublé depuis 1975, alors que la mortalité due au cancer du rein est restée pratiquement inchangée.

L'augmentation rapide de l'incidence du mélanome est le résultat du dépistage. Depuis 1985, l'Académie américaine de dermatologie encourage les dermatologues à proposer des dépistages gratuits du cancer de la peau.26
La promotion du "Mois de la sensibilisation au mélanome" et des "Lundis du mélanome" ne fait qu'encourager les praticiens de soins primaires à effectuer également des examens cutanés de routine, même si la United States Preventive Services Task Force ne recommande pas cette pratique.27 L'effet net de ce dépistage a été l'augmentation la plus rapide de l'incidence de tous les cancers aux États-Unis : une multiplication par six depuis 1975. Comme il n'y a pas eu d'évolution concomitante de la mortalité, il doit y avoir un surdiagnostic massif.28
L'augmentation de l'incidence du cancer de la thyroïde reflète une combinaison de dépistage et de détection fortuite. La fondation Light of Life a fait la promotion du dépistage en encourageant les gens à demander à leur médecin "de vérifier leur cou"29,30 .

Mais le cancer de la thyroïde est également détecté de manière fortuite, à la fois par l'utilisation accrue de la tomodensitométrie thoracique et cervicale et de l'échographie carotidienne. Le dépistage et la détection fortuite ont entraîné une multiplication par 3 de l'incidence du cancer de la thyroïde, une augmentation qui touche de manière disproportionnée les femmes.31
(NDLR, dépistage thyroïde)

Pourtant, la mortalité due au cancer de la thyroïde est équivalente chez les deux sexes, extrêmement faible et (de tous les cancers américains) la plus stable dans le temps. Pour ces trois cancers, le tableau d'ensemble est le même : une augmentation substantielle de l'incidence, alors que la mortalité reste essentiellement inchangée.
Bien que cela suggère fortement un surdiagnostic, il est important d'envisager une autre possibilité : qu'il y ait une véritable augmentation des cancers cliniquement significatifs ET que l'amélioration des traitements ait coïncidé (et précisément) avec l'augmentation attendue du nombre de décès par cancer. Il convient de noter que le taux annuel d'amélioration des traitements devrait correspondre exactement à l'augmentation annuelle de l'incidence du cancer (pas trop rapide, sinon la mortalité diminuerait, pas trop lent, sinon la mortalité augmenterait).
Bien que possible, ce contrepoids parfait de forces opposées serait une coïncidence remarquable.

3-DEUXIÈME SIGNATURE DE LA POPULATION POUR LE SURDIAGNOSTIC : AUGMENTATION DE L'INCIDENCE DES STADES PRÉCOCES / STABILITÉ DE L'INCIDENCE DES STADES TARDIFS

Si l'objectif ultime du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer, son objectif immédiat est souvent mal perçu. On croit généralement que l'objectif immédiat est simplement de détecter un plus grand nombre de personnes atteintes d'un cancer à un stade précoce. Or, il est plus important que le nombre de personnes atteintes d'un cancer avancé diminue. Ces deux objectifs ne sont pas identiques.

Un programme de dépistage efficace devrait non seulement augmenter l'incidence au stade précoce, mais aussi diminuer l'incidence au stade tardif, ce qui prouve que les cancers précoces détectés par le dépistage étaient autrement destinés à se manifester sous forme de cancers avancés. L'absence de diminution de l'incidence à un stade avancé suggère que les cancers précoces supplémentaires découverts ne sont pas ceux destinés à évoluer vers une présentation clinique à un stade avancé - et qu'il s'agit plutôt de surdiagnostic.

Deux cancers illustrant cette deuxième signature de population sont présentés dans la figure 4. Suite à l'introduction de la mammographie de dépistage aux États-Unis dans les années 1980,  l'incidence du cancer du sein au stade précoce a doublé chez les femmes en âge d'être dépistées (40 ans et plus). (Cliquez sur l'image)

Pourtant, l'avènement de la mammographie de dépistage n'a réduit que marginalement la proportion de ces femmes qui présentent un cancer du sein à un stade tardif.

Cette combinaison - une augmentation substantielle des cancers au stade précoce et peu de changements dans les cancers au stade tardif - suggère que le dépistage a mis en évidence un nouveau type de cancer du sein indolents et non progressifs.

Les critiques ont fait valoir que cette tendance pouvait s'expliquer par une augmentation de l'incidence sous-jacente des cancers du sein cliniquement significatifs et que la mammographie fonctionnait parce que l'incidence à un stade avancé était restée stable.33 Cependant, le taux stable auquel les femmes présentent initialement un cancer du sein métastatique plaide contre tout changement important dans l'incidence sous-jacente des cancers du sein cliniquement significatifs.14,34

La deuxième signature de la population a également été observée à la suite de la promotion du dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie thoracique dans les populations non fumeuses.
La figure 4 montre l'expérience des femmes taïwanaises, dont la majorité n'a jamais fumé. Le dépistage par tomodensitométrie a multiplié par 6 le nombre de cas de cancer du poumon au stade précoce. L'incidence du cancer du poumon à un stade précoce a été multipliée par 6, tandis que l'incidence du cancer du poumon à un stade avancé est restée stable.35 Des données remarquablement similaires ont été rapportées par la suite en Chine et en Corée.36,37
(NDLR, le projet de ce dépistage entraîne une grande controverse dans notre pays)

Là encore, il semble que le dépistage ait mis au jour un nouveau sous-ensemble de cancers du poumon indolents et non progressifs.
La figure 4 montre également que la mesure couramment utilisée de la distribution par stade peut être trompeuse.
La distribution par stade est une simple proportion, dans laquelle le dénominateur est le nombre de cancers diagnostiqués.
Avant le dépistage par mammographie, 45 % de tous les cancers du sein étaient diagnostiqués à un stade tardif, alors qu'après le dépistage, 25 % étaient diagnostiqués à un stade avancé.
Avant le dépistage par tomodensitométrie, 90 % des cancers du poumon étaient diagnostiqués à un stade tardif alors qu'après le dépistage, 58 % des cancers étaient diagnostiqués à un stade tardif.

Dans les deux cas, il est tentant de conclure que moins de femmes présentent un cancer avancé. Mais la stabilité de l'incidence des stades tardifs dément cette conclusion et démontre que la proportion de cancers à un stade avancé diminue simplement  parce que le nombre de cancers à un stade précoce augmente, et non pas parce que le nombre de cancers à un stade avancé diminue.

NDLR, il faut toujours utiliser les chiffres bruts ; les pourcentages indiquent des proportions ; la proportion des cancers graves sur le total cancers semble diminuer par le dépistage parce que la quantité de cancers de stades moins graves augmentent avec le dépistage, il y a donc un effet de dilution.

Issu de la page 124 du livre "mammo ou pas mammo", de C.Bour, aux éditions T.Souccar

Retour d'information trompeur suite à un surdiagnostic

L'exemple précédent de la distribution des stades n'est qu'une des façons dont le surdiagnostic produit un retour d'information trompeur - un retour d'information qui renforce apparemment la valeur de la détection précoce, encourage le dépistage et la détection accidentelle et, ironiquement, favorise le surdiagnostic.

 Mais un retour d'information trompeur encore plus puissant est fourni par le temps de survie, particulièrement de la survie à 5 ans.38,39 La survie à 5 ans est également une proportion simple, dans laquelle le dénominateur est le nombre de patients chez qui un cancer a été diagnostiqué et le numérateur est le nombre de patients qui sont encore en vie 5 ans plus tard.

NDLR, pour tout comprendre du critère "survie" et comment il est utilisé comme indicateur fallacieux d'efficacité du dépistage)

Le surdiagnostic augmente à la fois le dénominateur (nombre de personnes diagnostiquées) et le numérateur (nombre de personnes en vie 5 ans plus tard), ce qui entraîne une augmentation de la survie à 5 ans même si le nombre de décès reste inchangé.

La rétroaction trompeuse de la survie à 5 ans est mieux comprise en considérant une simple expérience de raisonnement.
Imaginons qu'avant le dépistage, un cancer du poumon soit diagnostiqué chez 100 femmes, et que 20 d'entre elles soient encore en vie cinq ans plus tard. La survie à 5 ans est donc de 20 % (= 20/100).
Après le dépistage, l'incidence du cancer du poumon passe à 125 femmes et supposons que les 25 femmes supplémentaires soient toutes surdiagnostiquées. Ces 25 femmes s'ajoutent à la fois au numérateur et au dénominateur de la statistique de survie. Ainsi, sans aucun changement dans l'efficacité du traitement, la survie à 5 ans est désormais de 36 % (= 45/125). Il convient de noter que le nombre de personnes décédées 5 ans après le diagnostic n'a pas changé : il est de 80 dans les deux statistiques (= 100-20 et = 125-45). Ces données ne sont pas hypothétiques Il s'agit d'approximations simplifiées de ce qui a été observé à Taïwan.35

L’augmentation de l'incidence (il y a plus de cancers !), répartition plus favorable des stades (une plus grande proportion de cancers sont désormais diagnostiqués à un stade précoce) et l'augmentation de la survie à 5 ans (les patients atteints de cancer vivent plus longtemps !) sont des preuves numériques manifestes pour les médecins et les décideurs politiques.

 Elles sont interprétées comme démontrant la valeur des efforts de détection précoce.
Pourtant, ces trois chiffres sont fortement impactés par le surdiagnostic.

Le retour d'information trompeur sur le surdiagnostic n'émane pas seulement des chiffres, mais aussi des récits des patients. Plus il y a de personnes dépistées, plus il y en a qui sont atteintes d'un cancer, plus sont surdiagnostiquées, plus de personnes sont traitées et plus de personnes "survivent". Ces survivants croient, et on peut comprendre, qu'ils doivent leur vie au dépistage et en deviennent les plus fervents défenseurs. Les survivants peuvent influencer les perceptions du grand public - car ils deviennent les témoignages de patients que les journalistes sont enseignés à intégrer dans les reportages médicaux, en particulier s'il s'agit de célébrités.40

Les survivants sont donc responsables de ce que l'on appelle le "paradoxe de la popularité" : plus le dépistage donne lieu à des surdiagnostics, plus les gens croient qu'ils doivent leur vie au dépistage et plus celui-ci devient populaire41.

NDLR, ce paradoxe est représenté ci-dessous, issu de la page 78 du livre "mammo ou pas mammo?" de C.Bour, éditions T.Souccar

Ces boucles de rétroaction quantitatives et qualitatives sont résumées dans la figure 5. Bien que ces boucles de rétroaction sont plus connues dans le contexte du dépistage du cancer, elles tendent également à renforcer la signification de la découverte fortuite. (Cliquez sur l'image)

Déterminants du surdiagnostic

Le surdiagnostic n'est pas apparent pour tous les cancers : malgré le dépistage généralisé du cancer du col de l'utérus et du cancer colorectal, par exemple, il y a peu de preuves de surdiagnostic. Cela peut refléter de la biologie de ces sites cancéreux particuliers ou des normes de la nomenclature pathologique qui leur est appliquée.  Si le cancer du col de l'utérus ou le cancer colorectal fait l'objet d'un surdiagnostic, c'est qu'il s'agit moins d'un surdiagnostic du cancer que d'un surdiagnostic de ses lésions précurseurs : dysplasie cervicale ou polypes adénomateux. 42

Le surdiagnostic n'est pas seulement déterminé par la biologie du site cancéreux, il l'est aussi par le degré d'examen diagnostique appliqué à ce site : en d'autres termes, l'intensité avec laquelle les médecins recherchent ce cancer en particulier.
Un examen diagnostique plus approfondi - en testant plus de personnes et/ou l'utilisation d'une technologie de test plus sensible - tend à augmenter le nombre de surdiagnostics.

Le dépistage du cancer du poumon est un exemple instructif. Alors que les radiographies du thorax ne détectent que les nodules de grande taille (> 1 cm de diamètre), le scanner thoracique, plus sensible, permet de détecter des nodules dix fois plus petits (> 1 mm de diamètre). Par conséquent, les préoccupations concernant le surdiagnostic du cancer du poumon sont devenues plus importantes avec l'avènement du dépistage par tomodensitométrie thoracique, en particulier après que des chercheurs japonais ont rapporté des taux similaires de détection du cancer du poumon chez les fumeurs et les non-fumeurs43.
Le dépistage opportuniste par radiographie thoracique des fumeurs à haut risque au cours des années 1970 n'a pas produit de signaux de surdiagnostic dans la population, contrairement au dépistage généralisé par tomodensitométrie des non-fumeurs à faible risque au cours de ce siècle. Le cancer du poumon peut donc être transformé par un examen diagnostique plus approfondi : d'un cancer autrefois considéré comme uniformément mortel à un cancer où l'on observe un surdiagnostic important.

Une transformation similaire est possible pour d'autres cancers actuellement considérés comme uniformément mortels, tels que le cancer du pancréas et du foie.

Les stratégies visant à limiter le surdiagnostic sont également illustrées par le dépistage du cancer du poumon. Les chercheurs qui ont conçu les principaux essais randomisés sur le dépistage par tomodensitométrie ont fait des efforts spécifiques pour réduire le surdiagnostic. Ils se sont concentrés sur la population la plus à risque (les gros fumeurs) ; ils n'ont pas dépisté les populations à faible risque.
Ils ont conçu des protocoles d'évaluation de la croissance afin d'utiliser la valeur diagnostique du temps. Au lieu de biopsier immédiatement tous les nodules pulmonaires, les petits nodules ont été observés au fil du temps et seuls ceux qui grossissaient ont été biopsiés.44. En bref, ils n'ont pas considéré que le meilleur test - ou la meilleure stratégie de test - était celui qui permettait de détecter le plus grand nombre de cancers.

Pour conclure

Résumé

Le surdiagnostic du cancer est un effet secondaire non intentionnel de l'effort de détection du cancer avant l'apparition des symptômes.

 Le surdiagnostic doit être considéré dans le contexte de l'arc de la découverte scientifique : le souhait bien intentionné de détecter le cancer à un stade précoce, suivi par les efforts visant à trouver davantage de petits cancers et la reconnaissance ultérieure du fait que le surdiagnostic est un sous-produit. En bref, il a fallu du temps pour reconnaître le problème. Et il faudra toujours du temps pour savoir dans quelle mesure un nouveau test (ou une nouvelle stratégie de test) peut entraîner un surdiagnostic.

Ces observations sont pertinentes pour les tests de détection multicancéreux discuté ailleurs dans ce numéro spécial de Clinical Chemistry.  Les partisans de ces tests ont peut-être raison de suggérer que l'ADN tumoral circulant (ADNct)  n'entraînera que peu de surdiagnostics, car les cancers de petite taille, inoffensifs et non évolutifs ne sont pas susceptibles de rejeter de l'ADNtc 45,46.
Mais si les résultats positifs à l'ADNc déclenchent un suivi par PET-CT, un certain surdiagnostic est susceptible de résulter d'une détection fortuite. En outre, si la faible sensibilité rapportée pour les cancers de stade I (dont beaucoup peuvent représenter un surdiagnostic) pousse les investigateurs à abaisser le seuil de détection de l'ADNct comme positif, le surdiagnostic est plus probable.

L'avenir nous le dira.
NDLR, nous avons consacré tout un dossier sur le sujet des biopsies liquides.

.........
Pour justifier ces inconvénients (du dépistage, NDLR), il faut démontrer que les personnes dépistées bénéficient d'un avantage substantiel. Cela nécessite une évaluation rigoureuse, et non la simple affirmation que "le diagnostic précoce sauve des vies". .....

Étant donné que l'on comprend de plus en plus que la biologie de la tumeur et la réponse de l'hôte sont plus pertinentes pour le pronostic que le moment du diagnostic, il est temps de remettre en question cette affirmation.

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Instantané d’oncologie, interview de Karsten Juhl Jorgensen

Oncoinfo - Instantanés d'oncologie : http://oncoinfo.it

L'auteur

Avons-nous un problème de surdiagnostic dans les programmes de dépistage par mammographie pour la détection précoce du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques ?
La question est plus urgente que jamais depuis que le U.S. Preventive Services Task Force a modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie, qui est passé de 50 à 40 ans.

Karsten Juhl Jørgensen (Département de recherche clinique - Københavns Universitet, Cochrane Danemark) a été interviewé lors de la réunion Medicine & the Media à Florence.

TRANSCRIPTION

Le surdiagnostic

"Avons-nous un problème de surdiagnostic dans les programmes de dépistage par mammographie pour la détection précoce du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques ?
(NDLR, lire ici : surdiagnostic)

Oui, le surdiagnostic est vraiment un problème inévitable dans pratiquement tous les types de dépistage. Et il est lié au fait que les gens meurent de toutes sortes de causes autres que la maladie pour laquelle on fait le dépistage.
Et donc si vous détectez cette maladie à un stade précoce, il y a un risque que les gens meurent d’une autre cause avant que la maladie que vous cherchez à dépister ne progresse vers quelque chose de grave.

Une autre raison est que lorsqu’on procède au dépistage d'une maladie, on détecte souvent un autre type de maladie. Ceci est différent du cas où on détecte des symptômes chez des patients et ensuite on pose le diagnostic.

Ainsi nous savons que de nombreuses maladies, dont le cancer du sein, ne constituent pas une entité unique. Nous avons affaire à des maladies qui s'étendent sur un spectre de différents degrés de gravité.
(NDLR, lire ici : l'histoire naturelle du cancer)
Et si nous procédons à un dépistage, du fait que les cancers les moins agressifs sont ceux qui mettent le plus de temps à se développer, ce sont principalement ceux-là que nous allons trouver par le dépistage.
Cela s'explique simplement par le fait qu'on a plus de temps pour les détecter.

Alors que toutes les tumeurs agressives, celles qui tuent le plus souvent, se développent rapidement. Ces cancers passent donc à travers les mailles de notre filet et ne sont pas détectés par le dépistage, mais apparaissent entre les cycles de dépistage.

Voilà donc quelques-unes des limites bien connues du dépistage du cancer. C'est ce qu'on appelle le biais de longueur de temps. Plus vous avez de temps pour détecter le cancer, plus vous en détecterez.
Et cela contribue au surdiagnostic, car les cancers les plus lents et les moins agressifs sont principalement ceux qui sont surdiagnostiqués, mais ce sont toujours des cancers."

Effets néfastes du dépistage et implications

"Ils (les cancers lents) sont donc toujours traités et les gens deviennent des patients cancéreux avec toutes les implications que cela a sur leur bien-être.

Nous savons donc que le dépistage du cancer du sein et de nombreux autres types de dépistage présentent des inconvénients, tout comme n'importe quelle autre intervention médicale. C'est vraiment la seule chose dont nous pouvons être sûrs pour toute intervention. Tout traitement a toujours des effets néfastes.

La question est donc de savoir si ces effets néfastes sont contrebalancés par les bénéfices. Et c'est justement la question à se poser quand les patients s'adressent à nous les médecins, en quête de traitement, d'aide au problème qu'ils ressentent.

Ils cherchent de l'aide pour le problème qu'ils  pensent avoir. Nous avons donc la responsabilité de faire de notre mieux, même si nous n'avons pas une compréhension complète, une connaissance complète des effets des interventions que nous pourrions utiliser."

Une obligation morale

"Mais si en tant que société, nous choisissons d'offrir un programme de dépistage à une population en bonne santé, nous avons une obligation complètement différente qui repose sur nous de savoir avec certitude ce que nous faisons.

Nous nous sommes donc inquiétés des nouvelles recommandations visant à étendre le dépistage du cancer du sein à des groupes d'âge où les preuves sont vraiment incertaines.
Il y a des incertitudes sur le dépistage du cancer du sein pour tous les groupes d'âge, mais elles sont particulièrement importantes pour les femmes dans leur quarantaine et pour les femmes de plus de 70 ans.
C'est pour cela que nous n'avons pas procédé au dépistage pour ces groupes d'âge depuis des décennies dans de nombreux pays."

Dépistage des quadragénaires

"Mais récemment, le US Preventive Services Task Force a publié de nouvelles recommandations préconisant le dépistage du cancer du sein chez les femmes dans leur quarantaine, ce qui nous inquiète car les fondements de cette recommandation sont différents de ce que nous avons l'habitude de voir de la part de l'US Preventive Services Task Force (USPSTF)."
(NDLR, lire ici : abaisser l'âge du dépistage ?)

ll (l'USPSTF) était habituellement le porte-drapeau des méthodes de médecine fondée sur les preuves et une organisation de confiance, mais dans ce cas particulier, au lieu de faire confiance plutôt aux preuves que nous avons à partir des essais randomisés et que nous connaissons depuis des années,  il a choisi de faire des calculs à partir des modèles et de baser les recommandations sur la base de ces modèles.

Et cela s'écarte vraiment de certains des principes fondamentaux de la médecine basée sur les preuves. Nous trouvons cela inquiétant car si vous fondez vos recommandations sur des modèles, il est plus probable que vous fassiez des erreurs.

Tous les modèles sont basés sur des hypothèses et pas sur des connaissances -  comme les prévisions météorologiques - et on ne peut pas toujours faire confiance aux modèles.
C'est donc une inquiétude, une inquiétude à la fois parce que nous pourrions prendre une mauvaise décision et nuire à des personnes par le biais du dépistage, mais aussi parce qu'on détourne les ressources aux dépens de choses dont on sait qu'elles fonctionnent.

Si l'on considère la mortalité par cancer du sein chez les femmes de plus de 40 ans, on constate une évolution très positive : le risque de mourir d'un cancer du sein pour une femme de 40 ans a été réduit de moitié au cours des 30 dernières années en absence de dépistage.
(NDLR, lire ici : risque de décès en baisse)
Nous sommes donc devenus bien meilleurs pour traiter les femmes, les jeunes femmes atteintes d'un cancer du sein, ce qui est bien sûr une incroyable réussite dont nous devrions être fiers en tant que profession.
Et nous devrions féliciter les oncologues en tant que responsables de cette évolution très positive.

Mais en même temps, cela signifie aussi qu'il n'y a jamais eu la moindre raison de commencer à dépister les femmes de 40 ans. Car nous faisons déjà beaucoup mieux que nous ne l'avons jamais fait dans l'histoire, contre cette maladie. Il n'y a donc pas de crise du cancer du sein chez les femmes de 40 ans, nous nous en sortons très bien."

Conclusion

"À mon avis, nous devons nous assurer qu’on ne fasse pas plus de mal que de bien en faisant davantage et en invitant ces femmes au dépistage."

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Pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages

17/10/2023

En ce mois d'octobre où le mythe salvateur du dépistage nous est ressassé à l'envi, nous re-publions cette étude qui aurait dû conduire autorités sanitaires et décideurs politiques à appuyer ce que la concertation citoyenne sur le dépistage avait demandé, à savoir une information modérée, en tous cas neutre et honnête sur ce dépistage extrêmement décevant, et qui n'a tenu aucune des promesses attendues.
Et ce au lieu de poursuivre une incitation aveugle des femmes par le truchement de la campagne rose promotrice de ce dispositif de santé avec autant de risques maintenant avérés.
Pas de diminution des formes graves de cancers, pas de gain de survie, pas d'allègement des traitements (au contraire), davantage de surdiagnostics délétères à la santé des femmes, dont elle ne sont pas informées.

Un schéma résume ici la situation :

L' ETUDE SUR LE 'GAIN DE DUREE DE VIE'

Estimation de la durée de vie "gagnée" grâce aux dépistages des cancers

28/08/2023, traduction et synthèse par Cancer Rose

Une méta-analyse des essais cliniques randomisés
https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2808648?guestAccessKey=c7d91084-054d-49f3-97be-9b302f883c9c&utm_source=twitter&utm_medium=social_jamaim&utm_term=11181634494&utm_campaign=article_alert&linkId=232083149

Michael Bretthauer, MD, PhD; Paulina Wieszczy, MSc, PhD; Magnus Løberg, MD, PhDet alMichal F. Kaminski, MD, PhD; Tarjei Fiskergård Werner, MSc; Lise M. Helsingen, MD, PhD; Yuichi Mori, MD, PhD; Øyvind Holme, MD, PhD; Hans-Olov Adami, MD, PhD; Mette Kalager, MD, PhD
Author Affiliations Article Information
JAMA Intern Med. Published online August 28, 2023. doi:10.1001/jamainternmed.2023.3798

Il s'agit d'une revue systématique et méta-analyse publiée par des auteurs de l'Institute of Health and Society de l'University d'Oslo (Norvège), examinant 18 essais cliniques randomisés à long terme, cherchant à estimer la durée de vie 'gagnée' grâce au dépistage du cancer.
Plusieurs tests de dépistage sont analysés : dépistage par mammographie du cancer du sein; coloscopie, sigmoïdoscopie, recherche de sang fécal pour le cancer colorectal; dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs; test d’antigène spécifique de la prostate (PSA) pour le cancer de la prostate.

L'étude implique  2,1 millions de personnes, plus exactement 721 718 hommes pour le dépistage par PSA, 614 431 hommes et femmes pour le dépistage par sigmoïdoscopie, 598 934 hommes et femmes pour la recherche de sang fécal tous les deux ans, 84 585 hommes et femmes pour le dépistage par coloscopie et 73 634 femmes pour le dépistage par mammographie ; un plus petit échantillon pour le dépistage annuel par recherche de sang fécal (30 964 hommes et femmes) et pour le dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon (20 505 hommes et femmes).

La revue porte sur des essais avec plus de 9 ans de suivi ( 10 à 15 de suivi en moyenne) rapportant la mortalité toutes causes confondues et l’espérance de vie acquise estimée pour 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés, en comparant 'dépistage' avec 'absence de dépistage'.

Le critère de jugement était la durée de vie dans les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage' selon les données déclarées de la mortalité toutes causes confondues mais aussi de la mortalité spécifique par cancer.
Autrement dit les années de vie "gagnées" par le dépistage ont été calculées comme étant la différence de durée de vie observée (en années/personnes) parmi les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage'.
L’analyse a porté sur la population générale.
MEDLINE et les bases de données de la bibliothèque Cochrane ont constitué les bases de cette recherche.
Il n'y a pas eu d'inclusion d'études observationnelles ni d'études de modélisation en raison des multiples biais possibles.

Points clés et résultats principaux :

Question : Les tests de dépistage du cancer sont promus pour sauver des vies, mais dans quelle mesure la vie est-elle réellement prolongée grâce aux tests de dépistage du cancer couramment utilisés?

Réponse : Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie peut prolonger la vie d’environ 3 mois ; le gain de durée de vie pour les autres tests de dépistage semble peu probable ou incertain.

Figure 1

Dans cette figure 1, les flèches horizontales illustrent quatre personnes qui ont subi un dépistage.
Flèches pointant vers la droite : 2 personnes qui ont bénéficié du dépistage vivent plus longtemps grâce à la détection précoce du cancer et à la guérison.
Flèches pointant vers la gauche : 2 personnes qui ont subi un préjudice lié au dépistage et qui sont décédées plus tôt que celles qui n’ont pas subi de dépistage.
Le cercle bleu indique l’effet du dépistage sur la longévité de la population, qui a été calculée comme étant la résultante de l'ensemble des bénéfices individuels moins l'ensemble des préjudices individuels.
On voit que globalement il n'y a pas d'effet net de gain en durée de vie, ce que les dépistages promettaient lors de l'instauration des campagnes nationales.

Le gain de durée de vie

Les auteurs écrivent :

"Selon les risques relatifs observés pour la mortalité toutes causes confondues et le temps de suivi déclaré dans les essais, le seul test de dépistage qui a considérablement augmenté la longévité était la sigmoïdoscopie, de 110 jours (IC à 95 %, 0 à 274 jours) (tableau 2..)

Nous n’avons trouvé aucun résultat statistiquement significatif pour la longévité avec le dépistage par mammographie (0 jour; IC à 95 %, 190 à 237 jours) et le dépistage par recherche de sang fécal avec dépistage annuel ou bisannuel (0 jour; IC à 95 %, 70,7 à 70,7 jours).
Le dépistage par coloscopie (37 jours de gain; IC à 95 %, 146 à 146 jours) et le dépistage par PSA (prostate) (37 jours; IC à 95 %, 37 à 73 jours) peuvent être associés à une longévité d’environ 5 semaines et le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs ou les anciens fumeurs à environ 3 mois (107 jours; IC à 95 %, 286 à 430 jours), mais ces estimations sont incertaines)."

Figure 2

A droite la durée de vie "gagnée" ; à gauche la durée de vie "perdue"

Figure 2 résume ces résultats- Les points en diamants indiquent des estimations ponctuelles des jours de vie gagnés ou perdus pour chaque test de dépistage. Les flèches gauche et droite indiquent l'intervalle de confiance de 95 %.
CT signifie tomodensitométrie pour la recherche du cancer du poumon, FOBT (faecal occult blood test) correspond à la recherche de sang dans les selles, et le PSA est l'antigène prostatique spécifique.

Discussion

Les auteurs développent leurs constatations.

"Notre étude quantifie si l’utilisation de 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés est associée à la durée de vie. Un test (sigmoïdoscopie) a considérablement prolongé la vie et la longévité de 110 jours, bien que la limite inférieure de l’IC à 95 % s’étende à 0. Les tests fécaux et le dépistage par mammographie n’ont pas semblé prolonger la vie dans les essais, tandis que les estimations pour le dépistage du cancer de la prostate et du cancer du poumon sont incertaines.

Au cours des dernières décennies, des programmes organisés de dépistage du cancer ont été mis en place en Europe, au Canada, dans les îles du Pacifique et dans de nombreux pays d’Asie. Aux États-Unis, le dépistage du cancer est offert par de nombreux établissements et encouragé et remboursé par la plupart des payeurs de soins de santé. Plusieurs études se sont penchées sur l’association entre le dépistage et la mortalité toutes causes (6,28).Peu ont traduit leurs résultats en estimations pratiques et faciles à comprendre pour les professionnels de la santé et les particuliers sur la mesure dans laquelle le dépistage du cancer peut augmenter l’espérance de vie. Notre étude fournit ces estimations.

Même si nous n’avons pas observé de vie plus longue en général avec 5 des 6 tests de dépistage, certaines personnes prolongent leur vie en raison de ces tests de dépistage. Le cancer est prévenu ou détecté à un stade précoce, et les personnes survivent au dépistage et au traitement subséquent sans dommages ni complications. Sans dépistage, ces patients peuvent être morts du cancer parce qu’il aurait été détecté à un stade plus tardif et incurable. Ainsi, ces patients connaissent un gain dans la vie.

Cependant, d’autres personnes subissent une perte à vie en raison du dépistage.(35,36) Cette perte est causée par des préjudices associés au dépistage ou au traitement des cancers détectés par le dépistage, par exemple, en raison d’une perforation du côlon au cours d’une coloscopie ou d’un infarctus du myocarde après une prostatectomie radicale.(37,38)

Pour 5 des 6 tests de dépistage étudiés ici, les résultats suggèrent que la plupart des individus n’auront aucun gain de longévité.
Pour ceux dont la longévité a été altérée à cause du dépistage, la perte cumulative pour ceux qui sont lésés doit être compensée en durée par le gain cumulatif pour ceux qui en ont bénéficié, et montrer une durée de vie inchangée chez les personnes qui subissent le dépistage par rapport à ceux qui ne le font pas.
........
........
Notre étude pourrait fournir des estimations faciles à comprendre concernant la prolongation de la vie attribuable au dépistage, estimations qui pourraient être utilisées dans la prise de décision partagée avec les personnes qui envisagent de passer un test de dépistage.
Nos estimations peuvent également servir à prioriser les initiatives de santé publique par rapport à d’autres mesures préventives, comme le traitement de l’obésité ou la prévention des maladies cardiovasculaires.(28)

Le manque de longévité accrue par dépistage peut également se produire en raison de causes concurrentes de décès. Bon nombre des cancers que nous dépistons partagent des facteurs de risque avec des causes de décès plus répandues, comme les maladies cardiovasculaires et métaboliques. L’absence d’une augmentation significative de la longévité par dépistage du cancer peut donc être due à la mort par causes concurrentes en même temps qu’un patient qui serait mort du cancer sans dépistage. Un déplacement de la mortalité du cancer vers d’autres causes de décès sans allongement de la durée de vie est donc plausible.

En raison de la stigmatisation et du fardeau psychologique, un diagnostic de cancer peut également causer des décès non spécifiques au cancer, dus au suicide, aux maladies cardiovasculaires et aux accidents.(41,42) De plus, une surveillance accrue après le dépistage du cancer peut augmenter le risque d’autres maladies accidentelles, qui n’auraient pas été détectés sans dépistage.(43)

L’adhésion à plus d’un seul test de dépistage peut potentiellement augmenter la longévité. La seule étude disponible ne suggère pas qu’il y ait un effet additif du dépistage de plus d’un cancer.
...."

Une autre préoccupation abordée par les auteurs est celle de la qualité de vie après cancer.

" En plus de la durée de vie acquise ou perdue avec le dépistage, la qualité de vie est importante. Les années de vie ajustées en fonction de la qualité (Quality-adjusted life-years ou QALYs)  sont difficiles à mesurer et à interpréter, mais des analyses récentes des QALYs pour les estimations du dépistage par mammographie en Norvège suggèrent que le QALY net dans le dépistage par mammographie moderne en Norvège pourrait être négatif.(29)"

Conclusions et pertinence de l'étude :

Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que les données actuelles ne corroborent pas l’affirmation selon laquelle les tests de dépistage du cancer sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, sauf peut-être pour le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie.

Tableau 2

Détail des essais randomisés inclus, comparaison 'dépistage/sans dépistage' des décès par le cancer spécifique et des décès toutes causes confondues, résultat illustré dans la figure 2-Cliquez sur l'image

Références de l'étude

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Carcinomes non progressifs et régression cancéreuse

Traduction et synthèse de deux publications, par Cancer Rose, 25/09/2023

Il est très rare qu'on observe directement des régressions cancéreuses, non pas parce qu’elles sont rares, mais parce que leur observation est difficile, car dès qu’on décèle un cancer, il est traité.

Et de fait, on ne peut pas parier sur la régression d'un cancer lorsqu'on en voit un. Une fois détecté, on ne prend aucun risque et on traite la lésion cancéreuse.
La régression cancéreuse a pu être observée chez des femmes sur le point d’être opérées de leur cancer du sein, mais dont l’intervention chirurgicale a dû être différée en raison de la survenue d’une autre maladie grave (une hémopathie évolutive p.ex.) plus urgente à traiter. Ces cas de régression existent bel et bien, et pas seulement pour le cancer du sein d’ailleurs.[1]

Carcinomes mammaires non progressifs détectés lors du dépistage par mammographie : une étude de population

Heggland, T., Vatten, L.J., Opdahl, S. et al. Non-progressive breast carcinomas detected at mammography screening: a population study. Breast Cancer Res 25, 80 (2023). https://doi.org/10.1186/s13058-023-01682-9

L'étude ici présentée rassemble des données norvégiennes et, à l'aide d'un modèle âge-période-cohorte, les auteurs évaluent la proportion de cancers non évolutifs parmi les cancers détectés.

Certains carcinomes mammaires détectés lors du dépistage, en particulier le carcinome canalaire in situ, pourraient ne jamais évoluer vers une maladie symptomatique.
Il y a toujours plus de cancers détectés chez les femmes dépistées par rapport aux non-dépistées, cet excédent correspond au surdiagnostic (diagnostics non utiles), car si toutes les tumeurs avaient pour vocation d'évoluer vers des "vrais "cancers et s'exprimer en tant que tels, il y en aurait autant dans le groupe des non dépistées que des dépistées.
Le fait qu'il y en ait davantage chez les dépistées sans différence de longévité ou des taux de mortalité entre les deux groupes montre qu'il y a un excédent de détection de cancers chez les dépistées, cancers dont bon nombre ne sont pas évolutifs, mais qui, détectés, seront néanmoins traités.
La difficulté réside dans l'évaluation de la quantité des carcinomes invasifs non évolutifs et des carcinomes in situ, de plus en plus nombreux depuis l'instauration des dépistages mais dont la très grande majorité sont des lésions à très bon pronostic et non évolutives, à tel point que dans certains pays des programmes de simple surveillance active sont proposés.

Résultats de l'étude

Heggland et coll. veulent examiner si tous les carcinomes mammaires détectés lors d'un dépistage entre 50 et 69 ans évoluent vers des symptômes cliniques à 85 ans.
Ils ont estimé la fréquence des tumeurs non progressives (ou non évolutives) parmi les cas détectés par le dépistage, sur la base du programme BreastScreen Norway de la population norvégienne avec 24 ans de suivi, en calculant la différence du taux cumulé de carcinomes mammaires entre les scénarios avec et sans dépistage à l'âge de 85 ans.

Les résultats suggèrent que près d'un carcinome mammaire sur six détectés lors du dépistage peut être non progressif. Les auteurs écrivent : "Nous avons constaté que les carcinomes mammaires qui n'évoluent pas vers des cancers cliniques à l'âge de 85 ans pourraient représenter une proportion substantielle des cas détectés lors du dépistage. Une meilleure connaissance de la progression tumorale est nécessaire pour optimiser le traitement des carcinomes mammaires détectés par dépistage."

Ils ajoutent que leur estimation plus faible des carcinomes mammaires non progressifs par rapport à d'autres études peut être attribuée à la modélisation utilisée ; en effet diverses méta-analyses et un travail de synthèse de grande envergure du Pr.P.Autier suggèrent qu'un tiers des cancers détectés pourraient être des cancers non évolutifs et de détection inutile.

Une vérification de ce modèle suggère une régression de 50 % des cancers du sein invasifs surdiagnostiqués.

Réaction du chercheur et épidémiologiste norvégien Per-Henrik Zahl

https://breast-cancer-research.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13058-023-01708-2

Les modèles sont souvent spéculatifs...Et il y a peut-être un autre phénomène en dehors du caractère non évolutif des cancers, à savoir celui de la régression cancéreuse.

Dans le modèle, constate H.Zahl, à l'âge de 69 ans, le taux d'incidence excédentaire estimé est de 1 614 pour 100 000 femmes.
Si les femmes de cette cohorte n'ont pas participé au dépistage pendant 20 ans, ces tumeurs devraient s'accumuler en l'absence de dépistage et on devrait les détecter à 69 ans. Or, en supposant un taux de participation de 80%, on obtient un taux de détection spécifique à l'âge de 746 cancers du sein invasifs pour 100 000 femmes dépistées, plus environ 160 in situ détectés. Cela donne un taux de détection d'environ 900 pour 100 000 femmes dépistées.
Par rapport aux 1614 attendues dans le modèle, il nous manque presque la moitié des cancers, et rien ne justifie de considérer que 45 % des tumeurs ne se développent pas avant l'âge de 69 ans, qu'on ne les détecte pas lors des dépistages successifs jusqu'à 69 ans, et puis qu'elles commenceraient à se développer après l'âge de 69 ans et deviendraient cliniques plus tard.
Pour H.Zahl il s'agit bien de tumeurs, non seulement qui n'ont pas progressé mais qui ont même régressé et qu'il faut considérer dans le surdiagnostic.  
Il faut, dit-il, dans les discussions sur le surdiagnostic et lorsqu'un modèle d'évaluation des ne correspond pas aux données, prendre en compte le phénomène de régression cancéreuse.
Il convient de noter que la régression du cancer a également été indirectement signalée dans un essai de dépistage randomisé par mammographie[2]- environ 50 % des tumeurs détectées par IRM ont très probablement régressé dans cette étude.

Voir ceci : https://cancer-rose.fr/2020/06/25/regression-cancereuse/

Zahl écrit : " Il existe des preuves biologiques très solides indiquant que les petites tumeurs peuvent régresser spontanément. Certains cancers existent en équilibre avec le système immunitaire. Le vaccin Bacillus Calmette-Guérin (BCG) contre la tuberculose est utilisé depuis plus de 50 ans pour traiter les tumeurs à haut risque de la vessie ainsi que le mélanome malin. En effet, la thérapie immunitaire moderne est basée sur l'interaction avec le système immunitaire. Plus récemment, le pembrolizumab (anticorps monoclonal) a été approuvé par la FDA pour le traitement du cancer du sein triple négatif à haut risque, qu'il soit non avancé ou avancé. "

En conclusion :

L'histoire naturelle du cancer est encore mal connue.
Elle est certainement beaucoup plus complexe qu'imaginée, et très probablement sous l'influence du système immunitaire individuel.
La régression cancéreuse existe, et est vraisemblablement sous-estimée.


[1] Etudes sur la régression cancéreuse

  • Okunaga E, Okano S, Nakashima Y, Yamashita N, Tanaka K, Akiyoshi S, et al. Spontaneous regression of breast cancer with axillary lymph node metastasis: a case report and review of literature. Int J Clin Exp Pathol. 2014; 7(7): 4371-80.
  • Onuigbo WIB. Spontaneous regression of breast carcinoma: review of English publications from 1753 to 1897. Oncol Rev. Oct 2012; 6 (2): e22.
  •  Ricci SB, Cerchiari U. Spontaneous regression of malignant tumors: Importance of the immune system and other factors (Review). Oncol Lett. Nov 2010; 1(6): 941-5.

[2] Welch HG, Zahl P-H. Cancer dynamics in the DENSE trial. N Engl J Med. 2020;382:1283–4.

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Abaisser l’âge du dépistage ? Une boîte de Pandore

Traduction, restitution et commentaires par Cancer Rose, 17/09/2023

Les nouvelles recommandations de l'USPSTF sur la mammographie - Un point de vue divergent

  • Steven Woloshin, M.D., 
  • Karsten Juhl Jørgensen, M.D., D.Med.Sci., 
  • Shelley Hwang, M.D., M.P.H., 
  • and H. Gilbert Welch, M.D., M.P.H.

De : Dartmouth Institute and Dartmouth Cancer Center, Lebanon, NH (S.W.); the Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, VT (S.W., K.J.J., S.H., H.G.W.); Cochrane Denmark and the Center for Evidence-Based Medicine Odense, Department of Clinical Research, University of Southern Denmark, Odense (K.J.J.); the Department of Surgery, Duke University, Durham, NC (S.H.); and the Center for Surgery and Public Health, Department of Surgery, Brigham and Women’s Hospital, Boston (H.G.W.).

https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2307229

September 16, 2023

Le groupe de travail américain (USPSTF) émettant les recommandations sur les dispositifs de santé publique a émis de nouvelles recommandations pour le dépistage mammographique au mois de mai 2023, préconisant le début des mammographies de routine à 40 ans.
Il s'agit d'un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint.
La décision a été motivée sur la base de deux arguments :
-augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et
-augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires.
Nous avons synthétisé cette annonce ainsi que les réactions qu'elles ont suscité ici : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/

Cette modification des recommandations d'âge a soulevé beaucoup de contestations, notamment sur l'argumentation avancée d'une meilleure 'égalité' de traitement pour les classes sociales les plus pauvres.
Cette recommandation n'est pas anodine du tout et le tribut à payer pour les femmes risque d'être très lourd, c'est ce qui motive la mise en garde des auteurs, publiée hier.

Pourquoi cela doit nous concerner ?

Premièrement, plusieurs études toutes récentes, de cette années, mettent en cause de façon flagrante l'efficacité-même du dépistage mammographique.
Non, il ne permet pas de 'sauver des vies', ce mythe a fait long feu, il n'y a pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages en général.
Non, ce n'est pas le dépistage mammographique qui est responsable d'une baisse de mortalité par cancer du sein ; le risque de décès par cancer du sein est en baisse, dépistage ou pas. Les traitements du cancer du sein s’améliorent de façon spectaculaire, ainsi la valeur de la détection primaire diminue, ce qui, à l’avenir, devrait le dépistage obsolète.
Non, le dépistage mammographique n'est pas anodin, les risques surpassent le bénéfice qu'on pourrait en attendre et le surdiagnostic est pire dans les évaluations actuelles.

Deuxièmement les recommandations américaines, très favorables aux fournisseurs du secteur de l'imagerie de la femme, risquent de servir d'exemple et d'ouvrir une boîte de Pandore qu'il sera impossible ensuite de refermer ; déjà des voix s'élèvent ici ou là pour demander un dépistage mammographique même annuel...
Il n'y a rien de 'complotiste' dans cet argument, en effet la prise en charge du cancer du sein est, il faut pouvoir le dire publiquement, une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l'égard de cette maladie." Ce business du cancer est ce que le journaliste John Horgan explique longuement dans cet article.

Troisièmement, un essai européen, appelée MyPEBS, vient d'achever l'intégration des femmes réparties dans les différents groupes d'étude. Or cette étude, censée évaluer un dépistage individualisé basé sur le risque de chaque femme de faire un cancer est de toute évidence calibrée pour inciter à dépister plus et plus jeune, car elle recrute des femmes dès 40 ans, et elle comporte des biais flagrants que nous avons dénoncés dans une lettre ouverte en compagnie d'autres groupes de vigilance sanitaire.
Les femmes n'auront pas à choisir entre dépistage ou pas dépistage, mais entre dépistage standard et ... davantage de dépistage si elles sont désignées 'à risque'.
Cependant le sous-groupe de femmes dit 'à faible risque' comprendra très peu de femmes, et toutes les autres seront réparties dans des sous-groupes à plus haut risque très rapidement puisque le logiciel, non validé scientifiquement, admet des critères de risques très généreux et les femmes se verront davantage examinées par mammographies.
Par exemple, le fait d'avoir eu une biopsie du sein pour lésion même bénigne représente un facteur de risque, or le nombre d'actes biopsiques chez des femmes jeunes pour des lésions bénignes telles que des fibro-adénomes a très considérablement augmenté ces dernières années, ce qui va rendre de facto beaucoup de femmes abusivement "à risque".

En bref, alors que le dépistage mammographique peine de plus en plus à démontrer une quelconque pertinence et que les preuves de sa nocivité s'accumulent, on s'achemine Outre-Atlantique comme en Europe vers plus de dépistages, chez plus de jeunes, au mépris des risques auxquels on expose la population, et bien sûr sans l'en informer.
Il ne faudrait pas que ça se sache....

Le point de vue divergent

Nous restituons in extenso ci-dessous la publication du NEJM-

Récemment, la U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie de 50 à 40 ans.1 Précédemment, la Task Force considérait que le dépistage chez les femmes de 40 à 50 ans relevait d'un choix personnel. Les recommandations de l'USPSTF étant très influentes, le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans deviendra probablement une norme de performance des services de santé ; si c'est le cas, il s'agira d'un impératif de santé publique auquel les praticiens de soins primaires devront se conformer. Un tel changement affectera plus de 20 millions de femmes américaines et soulève des questions importantes.

Premièrement, existe-t-il de nouvelles preuves de l'augmentation de la mortalité due au cancer du sein ? Au contraire, la mortalité due au cancer du sein n'a cessé de diminuer aux États-Unis, ce qui constitue une réussite majeure de la médecine moderne. La réduction a été la plus prononcée chez les femmes de moins de 50 ans, dont la mortalité par cancer du sein a été réduite de moitié au cours des 30 dernières années, selon le système national des statistiques de l'état civil. Des tendances similaires sont observées dans d'autres pays à revenu élevé, y compris ceux où le dépistage chez les femmes de 40 ans est très rare (Danemark et Royaume-Uni) et ceux où le dépistage est rare dans tous les groupes d'âge (Suisse) - ce qui suggère que le déclin résulte en grande partie de l'amélioration des traitements, et non du dépistage (voir les graphiques).

Deuxièmement, existe-t-il de nouvelles preuves que les bénéfices de la mammographie augmentent ? Depuis la précédente recommandation de l'USPSTF, il n'y a pas eu de nouveaux essais randomisés sur le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans.
Huit essais randomisés portant sur cette tranche d'âge, dont le plus récent (l'essai britannique sur l'âge), n'ont révélé aucun effet significatif.2 Ce résultat reflète à la fois la rareté des décès liés au cancer du sein chez les femmes de 40 ans et le fait que le dépistage réduit moins la mortalité qu'on ne l'espérait - probablement parce que la maladie est plus agressive dans cette tranche d'âge. Les cancers à croissance rapide sont plus susceptibles de ne pas être détectés par le dépistage, car ils apparaissent souvent dans l'intervalle entre deux examens.

Sans nouvelles données issues d'essais cliniques, la nouvelle recommandation se fonde sur des modèles statistiques qui estiment ce qui pourrait se passer si l'âge de début du dépistage était abaissé. Les modèles partent du principe que le dépistage par mammographie réduit la mortalité par cancer du sein d'environ 25 % et concluent que le dépistage de 1 000 femmes âgées de 40 à 74 ans, au lieu de 50 à 74 ans, permettrait de réduire d’un à deux le nombre de décès par cancer du sein au cours de la vie.

Le recours croissant de l'USPSTF à des modèles statistiques complexes est problématique. Les effets estimés peuvent être extrêmement sensibles aux hypothèses de modélisation, qui reflètent souvent la perception générale du moment.
Un modèle important, réalisé avant l'étude Women's Health Initiative, prévoyait que presque toutes les femmes ménopausées verraient leur espérance de vie augmenter grâce à un traitement hormonal substitutif. Les modèles peuvent paraître attrayants en raison de leur précision quantitative apparente, mais ils ne sont fiables que si les données d’entrée et les hypothèses utilisées le sont également. Comme d'autres l'ont souligné, les décideurs politiques ne devraient utiliser les modèles que s'ils comprennent les paramètres et les hypothèses sur lesquels ils reposent3.

Dans le cas présent, il est particulièrement problématique que la réduction modélisée de 25 % du risque relatif de mortalité par cancer du sein grâce au dépistage mammographique dépasse celle observée dans les méta-analyses des essais randomisés : une réduction de 16 % du risque relatif pour les huit essais combinés (intervalle de confiance [IC] de 95 %, 27 % à 4 % de réduction) et une réduction de 13 % du risque relatif dans les trois essais présentant un faible risque de biais (IC de 95 %, 27 % de réduction à 3 % d'augmentation).2

Ainsi, la balance des bénéfices et préjudices justifie-t-elle un nouvel impératif de santé publique ? Les réductions du risque relatif peuvent être trompeuses car elles ne contiennent aucune information sur le risque absolu, qui est déjà faible et en constante diminution pour ce groupe d'âge. Pour clarifier les effets potentiels de la recommandation actualisée en termes absolus, le tableau (ci-dessous) résume les bénéfices et préjudices.
Pour les femmes américaines à la quarantaine, le risque de décès, quelle qu'en soit la cause, au cours des dix prochaines années est d'environ 3 %, indépendamment du dépistage. Le bénéfice modélisé de la mammographie représente une réduction du risque de décès par cancer du sein sur 10 ans d'environ 0,3 % à environ 0,2 %, soit une différence de 0,1 point de pourcentage (un décès par cancer du sein pour 1 000 femmes dépistées pendant 10 ans). En d'autres termes, grâce au dépistage, la probabilité de ne pas mourir d'un cancer du sein au cours des dix prochaines années passe de 99,7 % à 99,8 %.

Cet effet est faible, surtout si l'on tient compte des préjudices potentiels et de ce qui semble être des hypothèses trop optimistes en matière de bénéfices. Les fausses alertes sont manifestement les conséquences les plus fréquentes : le modèle de l'USPSTF estime que 36 % des femmes âgées de 40 à 49 ans en subiront au moins une dans le cadre d'un dépistage bisannuel sur 10 ans. Toutes devront subir des examens supplémentaires pour confirmer qu'elles n'ont pas de cancer ; certaines subiront des examens multiples et devront payer des frais substantiels. Et certaines éprouveront de la peur : environ un tiers des femmes décrivent l'expérience comme "très effrayante" ou "la période la plus effrayante de leur vie "4.

Environ 6,6 % des femmes dépistées auront une fausse alerte nécessitant une biopsie. En outre, le modèle de l'USPSTF estime que 0,2 % des femmes seront surdiagnostiquées et traitées pour un cancer qui n'est pas destiné à causer des préjudices. Ces préjudices peuvent être plus fréquents dans la pratique, étant donné que les données du modèle provenant du Consortium de surveillance du cancer du sein ne reflètent probablement que les taux des pratiques les plus performantes. Les préjudices seront plus fréquents si le dépistage a lieu tous les ans plutôt que tous les deux ans, comme c'est le cas actuellement pour la plupart des femmes américaines.

Le tableau illustre le compromis critique pour les femmes d'une quarantaine d'années : les bénéfices, qui profiteront à peu de femmes, l'emportent-ils sur les risques qui affecteront beaucoup plus de femmes ? La solution est un choix de valeur que les femmes devraient pouvoir faire elles-mêmes, plutôt que de se voir imposer un impératif de santé publique par des médecins recevant des incitations pour atteindre un niveau de "qualité". Compte tenu de la baisse constante de la mortalité au cours des 30 dernières années, attribuable à l'amélioration des traitements, il est probable que de moins en moins de femmes bénéficieront du dépistage au fil du temps, tandis qu'un dépistage plus poussé augmentera les risques.

La Task Force affirme également que la nouvelle recommandation constitue une première étape importante dans la réduction de la disparité entre les femmes noires et les femmes blanches en matière de mortalité due au cancer du sein. Bien que la mortalité chez les femmes dans la quarantaine ait diminué de moitié dans les deux groupes depuis 1990 (voir l'annexe supplémentaire, disponible sur le site NEJM.org), la disparité est inquiétante et persistante : Selon le système national des statistiques de l'état civil, les femmes noires sont beaucoup plus susceptibles de mourir d'un cancer du sein que les femmes blanches (23 contre 13 décès pour 100 000 femmes). Mais il est difficile d'imaginer comment le fait de recommander la même intervention aux deux groupes pourrait réduire la disparité, d'autant plus que les taux de dépistage sont déjà aussi élevés pour les femmes noires et blanches dans la quarantaine (environ 60 %, selon le National Center for Health Statistics).

L'augmentation du dépistage ne peut pas résoudre les différences sous-jacentes dans la biologie du cancer : l'incidence du cancer du sein triple négatif (qui n'exprime pas le récepteur des œstrogènes, le récepteur de la progestérone et le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain) chez les femmes noires est deux fois plus élevée que chez les femmes blanches, selon l'Institut national du cancer. Ce sous-type est le plus agressif, son traitement est le moins efficace et il est le plus à risque de ne pas être détecté par le dépistage.5

Un dépistage précoce ne permettrait pas non plus de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les femmes pauvres, souvent les femmes noires dans une mesure disproportionnée, problèmes tels que la moindre qualité des services médicaux disponibles, le suivi tardif des scanners anormaux, les retards de traitement et le plus faible recours aux thérapies adjuvantes. En fait, l'abaissement de l'âge du dépistage pourrait exacerber les problèmes contribuant à la disparité, en détournant les ressources vers un dépistage élargi. Nous devons faire davantage ce qui fonctionne vraiment : veiller à ce que les femmes pauvres atteintes d'un cancer du sein aient plus facilement accès à un traitement de haute qualité.

Une modification des recommandations relatives à la mammographie serait justifiée s'il était prouvé que les conséquences du cancer du sein s'aggravent ou s'il existait de nouvelles preuves que le dépistage chez les femmes plus jeunes présente des bénéfices clairs. En fait, aucune de ces deux conditions n'est remplie.

Nous espérons que les décideurs politiques reconsidéreront la décision d'abaisser l'âge de début du dépistage par mammographie. Les modèles de la Task Force sont insuffisants pour soutenir un nouvel impératif de santé publique, étant donné les bénéfices limités et les risques courants et importants pour les femmes en bonne santé.
Il serait préférable de permettre aux femmes de prendre leurs propres décisions sur la base de leur propre évaluation des données et de leurs valeurs - et de réorienter les ressources pour garantir que toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein reçoivent le meilleur et le plus équitable des traitements possibles.

Références

  1. Preventive Services Task Force. Draft recommendation statement — breast cancer: screening. May 9, 2023 (https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/draft-recommendation/breast-cancer-screening-adults. opens in new tab).

2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013;2013(6):CD001877-CD001877.

3. Kramer BS, Elmore JG. Projecting the benefits and harms of mammography using statistical models: proof or proofiness? J Natl Cancer Inst 2015;107(7):djv145-djv145.

4. Schwartz LM, Woloshin S, Fowler FJ Jr, Welch HG. Enthusiasm for cancer screening in the United States. JAMA 2004;291:71-78.

5. Hayse B, Hooley RJ, Killelea BK, Horowitz NR, Chagpar AB, Lannin DR. Breast cancer biology varies by method of detection and may contribute to overdiagnosis. Surgery 2016;160:454-462.

Articles et vidéos connexes

Point de vue de K.J.Jorgensen

Point de vue de S.Woloshin

Point de vue de Russell P. Harris, MD, MPH
du Centre Cecil G. Sheps pour la recherche sur les services de santé, Université de Caroline du Nord, Chapel Hill, Caroline du Nord (R.P.H.). https://doi.org/10.7326/M23-2908
Publication du 6 février 2024

L'auteur explique l'évolution des recommandations émises au fil des années par l'USPSTF, et revient sur la confusion que ces nouvelles directives engendrent :

La nouvelle proposition de recommandation de la U.S. Preventive Services Task Force sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine : Le message doit-il changer ?

En mai 2023, l'U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a publié un nouveau projet de recommandation pour le dépistage du cancer du sein, recommandant le dépistage par mammographie pour les femmes âgées de 40 à 74 ans (recommandation B) (voir ci-dessous les grades des recommandations, NDLR).
Il s'agit de la dernière d'une série de recommandations de l'USPSTF sur ce sujet, qui remonte à 1989. Bien que la recommandation concernant le dépistage des femmes âgées de 50 à 74 ans soit restée relativement constante au cours de ces années, la recommandation concernant les femmes âgées de 40 à 49 ans a été source de confusion pour de nombreuses personnes. Cette dernière recommandation peut contribuer à cette confusion. Comme j'ai participé à la fois à l'examen des données probantes (pendant 20 ans) et aux travaux de l'USPSTF (pendant 5 ans), je me propose de replacer la nouvelle recommandation dans son contexte en passant brièvement en revue l'évolution des données probantes et des recommandations.

A = forte recommandation, bénéfice substantiel ; B = recommandation, bénéfice net modéré ; C = recommandation sélective à discuter entre professionnel et patiente, bénéfice net faible ; D = non recommandation, bénéfice incertain et risques prédominants ;

.....la première recommandation de l'USPSTF (1989) sur le dépistage du cancer du sein faisait état de 3 essais contrôlés randomisés (ECR) fournissant des preuves de l'efficacité du dépistage du cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine, puis de 6 essais lors de la deuxième recommandation en 1996 ; tous incluaient presque exclusivement des femmes blanches et comportaient de 2 à 5 cycles de dépistage. Une méta-analyse de 1995, citée en référence par l'USPSTF, de ces essais cliniques randomisés et de 4 études cas-témoins basées sur la population a révélé une réduction statistiquement significative du risque de décès par cancer du sein grâce au dépistage par mammographie chez les femmes âgées de 50 à 74 ans (rapport de risque, 0,74 [IC à 95 %, 0,66 à 0,83]) avec un suivi de 7 à 9 ans, mais aucune réduction statistiquement significative chez les femmes âgées de 40 à 49 ans (rapport de risque, 0,93 [IC, 0,76 à 1,13]). Ainsi, en 1989 et 1996, l'USPSTF n'était pas certain de l'efficacité du dépistage chez les femmes de 40 ans et n'a pas formulé de recommandation pour ce groupe, tout en recommandant la mammographie pour les femmes âgées de 50 à 69 ans.

Avec un suivi plus long des 6 essais, une méta-analyse de l'USPSTF de 2002 a constaté une légère réduction de la mortalité par cancer du sein chez les femmes de 40 ans et une réduction plus importante chez les femmes plus âgées : 1 décès par cancer du sein évité sur 14 ans de suivi pour 1792 femmes dépistées dans la quarantaine, mais seulement 838 femmes dépistées entre 50 et 69 ans.

L'USPSTF a également constaté les inconvénients du dépistage. Environ 1 femme sur 4 âgée de 50 à 69 ans et jusqu'à 1 femme sur 2 dans la quarantaine auraient au moins un résultat de mammographie faussement positif sur 10 ans de dépistage. Certaines de ces femmes subiraient des biopsies inutiles et la plupart d'entre elles souffriraient d'une anxiété au moins temporaire. Le risque de surdiagnostic et de surtraitement des cas de cancer du sein qui n'ont pas évolué - plus probable lorsque le dépistage commence plus tôt - constitue un autre préjudice. Bien que l'ampleur exacte de ce risque soit incertaine, même les estimations les plus prudentes indiquent qu'environ deux fois plus de femmes seraient surdiagnostiquées que celles qui éviteraient un décès dû au cancer du sein. Ainsi, le bénéfice était plus élevé pour les femmes plus âgées, mais les inconvénients étaient plus importants pour les femmes plus jeunes. Pour de nombreuses personnes, le bénéfice chez les femmes âgées de 50 à 69 ans semblait plus important que les inconvénients, ce qui était plus discutable pour les femmes dans la quarantaine.

Estimant que le bénéfice net (bénéfices moins inconvénients) du dépistage par mammographie augmentait probablement de manière progressive avec l'âge plutôt que d'augmenter soudainement à l'âge de 50 ans, l'USPSTF de 2002 a émis une recommandation positive qualifiée (B) pour le dépistage des femmes âgées de 40 ans ou plus. Le groupe a nuancé sa recommandation en écrivant que "[l]'âge précis auquel les avantages du dépistage par mammographie justifient les inconvénients potentiels est un jugement subjectif qui doit tenir compte des préférences des patientes").

Dans sa mise à jour de 2009, l'USPSTF a examiné les six RCT précédents et un nouvel RCT. Une méta-analyse a révélé que l'ampleur des avantages et des inconvénients était similaire à celle constatée en 2002. L'USPSTF de 2009 a estimé que le message qu'elle avait tenté de faire passer en 2002 - à savoir que la décision de commencer le dépistage devait être individualisée plutôt qu'universelle - n'avait pas été entendu. Au contraire, de nombreuses organisations influentes faisaient passer le message selon lequel tout le monde devait commencer le dépistage à l'âge de 40 ans. Essayant à nouveau de faire passer le message qu'il souhaitait, l'USPSTF a décidé de donner aux femmes âgées de 40 à 49 ans une recommandation de dépistage de type C, indiquant la nécessité de discussions individuelles. Utilisant des termes presque identiques à ceux de 2002, le groupe a écrit que "la décision de commencer [...] la mammographie de dépistage avant l'âge de 50 ans doit être individuelle". N'ayant trouvé aucun nouvel essai contrôlé randomisé, l'USPSTF de 2016 a utilisé la même formulation pour formuler la même recommandation en faveur de décisions individualisées (recommandation C).

Le projet de revue systématique 2023 n'a pas trouvé de nouveaux RCTs pertinents pour la décision de commencer le dépistage, pourtant le projet de recommandation 2023 était que toutes les femmes âgées de 40 à 74 ans subissent un dépistage (recommandation B). Le raisonnement qui sous-tend cette recommandation émane d'un désir louable de réduire la disparité de la mortalité par cancer du sein, plus élevée chez les femmes noires que chez les femmes blanches ; il s'appuie fortement sur des modèles d'analyse de décision.

Les modèles, qui reposent sur plusieurs hypothèses discutables, ont révélé que le dépistage à partir de l'âge de 40 ans permettrait d'éviter davantage de décès chez les femmes noires que chez les femmes blanches (1,8 contre 1,3 pour 1 000 femmes dépistées, sur toute la durée de la vie). La question de savoir si l'efficacité de la mammographie diffère selon l'ethnie n'a toutefois jamais été testée dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé. En outre, aucune explication n'a été donnée sur la manière dont un dépistage supplémentaire réduirait la disparité, car les taux de dépistage actuels sont plus élevés chez les femmes noires que chez les femmes blanches.
Le projet de recommandation ne dit rien sur l'individualisation de la décision de commencer le dépistage, comme l'avaient fait les recommandations de 2002, 2009 et 2016.

La confusion concernant les recommandations de l'USPSTF pour le dépistage des femmes dans la quarantaine sera peut-être réduite si l'on comprend la cohérence sous-jacente des recommandations de 2002 à 2016, et si l'on comprend la différence entre les preuves pour ces femmes et celles âgées de 50 à 69 ans.
Mais en ne reconnaissant pas la nécessité pour les femmes de prendre une décision personnelle, la nouvelle recommandation de 2023 risque d'aggraver la confusion.

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