Témoignage d’une dame anglaise

Nous avons reçu ce témoignage de Pauline A.

"Hello
Last March 2022 at 53 I was diagnosed with high grade DCIS and offered mastectomy with sentinel node biopsy . After realising the controversy around breast screening and DCIS after diagnosis and having a particularly bad time with health professionals I declined. This has been a particularly hard time and I cannot know for certain if it is the right decision. There was an easily missable link to information about the benefits and risks of screening on the letter of invitation that I did not notice and was never alerted to and as such I feel I did not give ‘informed consent, This completely avoidable event has been devastating and at times the pain is almost insurmountable . I do not know anyone who is living with the uncertainty of this, and would appreciate words of comfort or at least an appreciation of the dilemma I am faced with . How can it be ethical to diagnose someone with a disease where the natural history is unknown and pressure ( bully) them into treatment that they do not want . This needs to stop . If my experience can be helpful in that aim please let me know . . This process has left me feeling assaulted by the NHS .
Kind Regards
Pauline A."

"En mars 2022, à 53 ans, j’ai reçu un diagnostic de CIS (carcinome in situ) de haut grade et on m’a proposé une mastectomie avec biopsie du ganglion sentinelle. Après avoir pris conscience de la controverse entourant le dépistage du cancer du sein et le CIS, après le diagnostic et après avoir passé un moment particulièrement difficile avec les professionnels de la santé, j’ai refusé. Cela a été une période particulièrement difficile et je ne peux pas savoir avec certitude si c’est la bonne décision.
Dans la lettre d’invitation il y avait un lien qu'on pouvait facilement rater, vers des renseignements sur les bénéfices et les risques du dépistage, que je n’ai pas remarqué et dont je n’ai jamais été alertée.
J’ai donc l’impression de ne pas avoir donné un « consentement éclairé ». Cet événement tout à fait évitable a été dévastateur et, parfois, la douleur est presque insurmontable.
Je ne connais personne qui vive dans l’incertitude de cette situation et j'apprécierais des paroles de réconfort ou du moins une appréciation du dilemme auquel je suis confronté. Comment cela peut-il être éthique de diagnostiquer quelqu’un avec une maladie où l’histoire naturelle est inconnue et le forcer à subir un traitement dont il ne veut pas.
Si mon expérience peut être utile dans ce but, veuillez me le faire savoir [...]
Ce processus m’a laissée dans un sentiment d'être agressée par le NHS*."
*NHS : système de la santé publique du Royaume-Uni

La patiente britannique nous a fourni la lettre d'invitation envoyée aux patientes éligibles au dépistage du cancer du sein.

Download / Télécharger

Cette lettre d'invitation a une particularité que les documents de convocation français n'ont pas, à savoir elle utilise une méthode d'influence appelée 'opt-out', qui consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer. En France nous ne connaissons pas ce système de prise de rendez-vous imposé, en revanche le système de relance est largement utilisé si une patiente ne se présente pas au rendez-vous de mammographie de dépistage (relances par courriers et parfois sms).

Une étude universitaire a été consacrée aux méthodes d'influence utilisées sur les femmes et l'institut national du cancer français épinglé pour présentation trompeuse des statistiques et représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.

Lire aussi : La manipulation des femmes est une thématique scientifique à part entière, ici : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Concernant spécifiquement la thématique des carcinomes in situ, il y a un site dédié très instructif pour les femmes atteintes de CIS, tenu par Donna Pinto, accessible en français avec la traduction automatique.
https://dcis411.com/author/dp4peace/

 

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L’avenir des dépistages

Traduction et restitution par Cancer Rose, 31 août 2023

La distinction entre vraie prévention et détection précoce doit être faite pour que le public comprenne que la détection précoce ne diminue pas le risque de cancer mais au contraire l'augmente.
Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.
Les auteurs proposent que les conflits d'intérêts de toutes les parties prenantes soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.

Des auteurs suédois et norvégiens publient un article concernant l'avenir du dépistage des cancers en recommandant que ce futur soit guidé par l'absence de conflits d'intérêts des parties prenantes.

The Future of Cancer Screening—Guided Without Conflicts of Interest

Hans-Olov Adami, MD, PhD1,2; Mette Kalager, MD, PhD1; Michael Bretthauer, MD, PhD1

  • 1Clinical Effectiveness Research Group, Institute of Health and Society, University of Oslo, Oslo, Norway
  • 2Department of Medical Epidemiology and Biostatistics, Karolinska Institutet, Stockholm, Sweden

"Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.1 Presque tous les essais n'incluent pas la mortalité toutes causes confondues comme critère d'évaluation, et encore moins comme critère d'évaluation principal, ce qui empêche de tirer des conclusions sur l'allongement de l'espérance de vie.2,3 Après l'enthousiasme suscité par le dépistage du cancer entre les années 1970 et le début des années 2000, la prise de conscience de l'incertitude des bénéfices, l'inquiétude croissante concernant le surdiagnostic et la reconnaissance des préjudices causés par les tests de dépistage faussement positifs et le poids des procédures diagnostiques et thérapeutiques en aval ont fait du dépistage du cancer un domaine polarisé de la médecine contemporaine.4 Il est difficile, voire impossible, de supprimer progressivement les programmes de dépistage, même lorsque la recherche n'a pas permis de mettre en évidence des bénéfices significatifs. Nous pensons que les discussions transparentes et fondées sur des données probantes concernant les tests de dépistage du cancer, avec un équilibre délicat entre les avantages et les inconvénients, sont devenues une menace pour les parties prenantes les plus puissantes."

Dépistage du cancer : Concepts et effets

.....
"Le dépistage par détection précoce ne peut pas réduire le risque d'être atteint d'un cancer, ce qui est une idée fausse très répandue. Ces dernières années, nous avons appris que le dépistage précoce augmentait en fait le risque de cancer. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic. Les personnes surdiagnostiquées sont traitées sans bénéfice, mais sont affectées par tous les préjudices potentiels."

Prévention et détection précoce, pas la même chose

Il faut différencier deux concepts distincts : la détection précoce et la prévention du cancer. Les tests de détection précoce (comme la mammographie pour le cancer du sein ou le dosage de l'antigène prostatique spécifique [PSA] pour le cancer de la prostate) détectent le cancer à un stade précoce avec l'objectif de réduire le nombre de décès dus au cancer. Ils augmentent donc le nombre de nouveau cas de cancers (l'incidence), mais pas le risque d'être atteint d'un cancer, et notamment pas le risque d'un cancer grave.
Parmi ces nouveaux cas diagnostiqués grâce à une détection régulièrement renouvelée, on sur-détecte aussi des lésions inutiles à détecter, qui n'auraient jamais tué.
Dans l'augmentation des nouveaux cas détectés (dans les taux d'incidence donc) se cache une importante partie de cas de surdiagnostics. C'est pour cela qu'avec ces dépistage fonctionnant sur la détection précoce on assiste non pas à moins de cas mais au contraire à une inflation de lésions découvertes, dont une grande partie de lésions surdiagnostiquées, sans obtenir toutefois de drastique diminution de la mortalité qu'on espérait, en grande partie parce que les formes graves des cancers échappent au dépistage et ne sont pas trouvées suffisamment tôt du fait de leur vélocité et agressivité.

A l'inverse la prévention, c'est à dire le fait d'empêcher, en amont, la survenue de cancers, diminuera l'incidence ainsi que la mortalité. Par exemple ne pas fumer correspond à une véritable prévention du cancer du poumon, à un moindre risque de cancer broncho-pulmonaire, ce qui conduira à produire moins de cancers dans la population et à voir un taux de mortalité moindre.
Pour le dépistage du cancer du col de l'utérus, on est en face d'un vrai dépistage préventif qui réduit lui aussi à la fois l'incidence du cancer (les nouveaux cas) et la mortalité spécifique par cancer du col, en détectant et éliminant des lésions qui sont précurseurs de ce cancer.

Les auteurs écrivent :

"À l'instar de la prévention primaire par des changements de mode de vie, tels que l'arrêt du tabac et une alimentation saine, les tests de 'dépistage préventif' présentent un attrait évident par rapport aux tests de détection précoce ; la plupart des gens choisiraient probablement un test de dépistage qui prévient le cancer dès le départ plutôt qu'un test où ils auront quand même le cancer sans toutefois mourir de ce cancer.
De nombreuses parties prenantes font la promotion des deux concepts sans expliquer les différences et leurs implications. Cela a pu conduire à des malentendus et à des attentes irréalistes chez les patients et les décideurs."

Les parties prenantes

Le corps médical

"Les personnes qui sont invitées à participer à des programmes de dépistage ou qui en voient la publicité supposent probablement que ces programmes bénéficient du soutien de la profession médicale, sur la base d'une évaluation approfondie qui a démontré que les bénéfices l'emportent indubitablement sur les préjudices et les inconvénients, et qu'ils "sauvent des vies". Cependant, cette hypothèse est malheureusement erronée. Étonnamment, sur les deux principaux programmes de dépistage précoce disponibles, seule la mise en œuvre du dépistage par mammographie a été précédée d'essais randomisés de soutien portant sur la mortalité par cancer du sein.5 En revanche, à la fin des années 1980, les professionnels de la santé ont commencé à promouvoir le test du PSA, avant que les conditions préalables fondamentales à l'évaluation du dépistage du cancer (déjà établies en 19686) n'aient été remplies pour le dépistage du PSA ; la performance du test de dépistage, l'histoire naturelle des lésions détectées et les avantages d'un traitement radical étaient largement inconnus.

Quelques décennies plus tard, des essais randomisés ont montré que le test du PSA n'avait qu'un faible effet bénéfique sur la réduction du nombre de décès dus au cancer de la prostate et que le surdiagnostic et le surtraitement du cancer de la prostate étaient importants.7 Pourtant, dans de nombreux pays, les médecins continuent de prescrire le dépistage du PSA.

Nous avons récemment publié les résultats du premier essai clinique randomisé (à notre connaissance) sur le dépistage du cancer colorectal par coloscopie.8 L'essai a indiqué une réduction de l'incidence du cancer colorectal d'environ 20 %, mais le dépistage n'a pas réduit la mortalité par cancer colorectal dans les analyses en intention de traiter. Ces résultats ont été moins remarquables que ce qu'attendaient certains leaders d'opinion. Leurs commentaires étaient émotionnels, reflétant peut-être le fait que les gastro-entérologues font partie des spécialités médicales les mieux payées aux États-Unis, principalement en raison de la mise en œuvre du dépistage par coloscopie."

Représentants des patients

"Les représentants des patients sont des lobbyistes convaincants qui apportent leur contribution aux décideurs, aux organismes de réglementation, aux cliniciens, aux journalistes et aux chercheurs. Ils s'opposent avec passion à l'abandon du dépistage du cancer et promeuvent des plans visant à étendre le dépistage à des groupes d'âge plus jeunes ou plus âgés, ou à augmenter la fréquence des dépistages. Bien que ces activités partent d'une bonne intention, elles peuvent s'avérer malavisées. La théorie selon laquelle la détection précoce du cancer est bénéfique est compliquée et n'est pas facile à comprendre pour les profanes. Bien que tout le monde connaisse les avantages d'un diagnostic précoce du cancer, cette expérience ne nous apprend pas grand-chose sur les bénéfices - et encore moins sur les préjudices - des tests de dépistage, tels qu'ils sont décrits ci-dessus.

Les défenseurs des patients se composent généralement d'un groupe sélectionné de survivants du cancer relativement sains - avec probablement une surreprésentation de patients surdiagnostiqués avec une maladie non mortelle qui se considèrent comme sauvés alors qu'ils ont en fait été lésés par le dépistage, un concept appelé le paradoxe de la popularité."

NDLR : le paradoxe du dépistage issu du livre "mammo ou pas mammo?" aux ed.T.Souccar, page 78

"Aux États-Unis, des estimations récentes indiquent que 1,5 à 1,9 million d'hommes ont été surdiagnostiqués avec un cancer de la prostate précoce - des patients qui ne peuvent tirer aucun bénéfice du dépistage mais qui pensent avoir évité la mort à cause du cancer de la prostate."

Organisations de lutte contre le cancer

"Les organismes de lutte contre le cancer et les organisations caritatives dépendent des campagnes pour obtenir des dons. Pour réussir, elles doivent rester visibles et apparaître pertinentes, positives et engagées. Dans cette optique, les sociétés de lutte contre le cancer promeuvent souvent le dépistage du cancer. Les préjudices dus à la stigmatisation psychologique du diagnostic, au surdiagnostic ou aux effets indésirables du traitement sont moins susceptibles d'être évoqués. Nous n'avons pas connaissance d'initiatives de la part des organisations de lutte contre le cancer visant à promouvoir la réduction ou l'abandon des programmes de dépistage du cancer qui se sont avérés peu ou pas bénéfiques. Les organisations de lutte contre le cancer contribuent donc à la poursuite du dépistage du cancer."

Les hommes politiques

"Les hommes politiques, les décideurs et les experts qui les conseillent doivent agir au milieu d'une tempête de lobbyistes. Ils doivent établir des priorités entre les innombrables possibilités d'améliorer la santé publique et un système de soins de santé surchargé. Ils doivent comparer les bénéfices à court terme et à long terme : le dépistage du cancer sauverait-il plus de vies à court terme que, par exemple, l'application de mesures antitabac ou la promotion d'un mode de vie sain ? Il est difficile d'imaginer qu'un homme politique s'attirerait davantage de voix lors des prochaines élections en proposant d'abandonner les programmes de dépistage du cancer en cours, perçus comme des services bénéfiques pour leurs électeurs ; il est plus intéressant de proposer de nouveaux programmes de dépistage. C'est pourquoi nous n'avons jamais entendu parler d'une campagne politique contre un test de dépistage du cancer."

Le personnel

"Les programmes de dépistage en cours consomment d'énormes ressources, financières et humaines. Aux États-Unis, les dépenses liées au dépistage du cancer s'élèvent à 40 à 80 milliards de dollars par an, employant des dizaines de milliers de professionnels de la santé et d'associés. Nous supposons qu'ils ne choisiraient guère cet emploi sans être optimistes quant aux avantages qu'ils en tireront. La menace de les mettre au chômage en abandonnant le programme susciterait probablement des protestations, notamment de la part de ceux qui participent au diagnostic, au traitement, à la réadaptation et à la surveillance à long terme après le dépistage."

Les solutions

"Un paradoxe fondamental prévaut dans la médecine du 21e siècle. Les traitements pharmaceutiques, les vaccins ou les dispositifs médicaux invasifs doivent généralement faire l'objet d'une évaluation des bénéfices et des risques dans le cadre d'essais cliniques randomisés avant de faire l'objet de recommandations et d'une mise en œuvre systématique. Même des preuves provisoires de nocivité peuvent entraîner le retrait du marché.
En revanche, le dépistage du cancer - qui inclut désormais de nouveaux tests de détection précoce des cancers multiples - peut être mis en œuvre sous la forme d'expériences humaines à grande échelle avant que l'on dispose d'informations de base sur les performances des tests, leurs avantages, leurs inconvénients et leur rapport coût-efficacité.9 Tous les acteurs mentionnés ci-dessus ont des conflits d'intérêts financiers et autres qui plaident en faveur de la poursuite du dépistage du cancer, malgré le peu d'éléments permettant de déterminer si les bénéfices l'emportent sur les risques. Nous proposons que les conflits d'intérêts soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.

Pour éviter les dommages et augmenter les bénéfices, nous pensons que les représentants des soins de santé et les experts doivent être honnêtes, transparents et impartiaux sur les bénéfices et les risques du dépistage, exprimés d'une manière qui permette une réelle prise de décision partagée. Pour les décideurs et les payeurs qui décident si un test de dépistage doit être remboursé ou si un programme de dépistage doit être mis en place, les coûts marginaux comparés aux bénéfices et aux risques marginaux, en chiffres absolus, sont une condition préalable à une prise de décision éclairée.

Les lignes directrices relatives au dépistage du cancer sont souvent élaborées par des professionnels du dépistage, des organisations de dépistage et des représentants des patients, qui ont des intérêts particuliers. Nous proposons que les lignes directrices en matière de dépistage n'autorisent pas les personnes ou les organisations ayant des intérêts cliniques, financiers ou intellectuels à jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration des lignes directrices. Cela permettrait d'améliorer la qualité et la fiabilité des recommandations. Une récente ligne directrice sur le dépistage du cancer colorectal respectant ces normes a donné lieu à des recommandations moins enthousiastes en matière de dépistage, mais a été ignorée par de nombreux professionnels de la santé impliqués dans les programmes de dépistage et par les sociétés de dépistage.10

Les taux de participation au dépistage* ne doivent plus être utilisés comme un indicateur de qualité ou pour contrôler les performances des médecins ou des programmes. Les professionnels de la santé, les représentants des patients et les sociétés de lutte contre le cancer devraient suivre cette voie en plaidant pour une information transparente sur les bénéfices et les risques plutôt que pour une promotion non critique du dépistage. Les décisions de reconsidérer les programmes en cours ou d'en lancer de nouveaux doivent être prises sans l'influence de parties prenantes ayant des intérêts particuliers."

NDLR : en France les taux de participation sont un indicateur largement utilisé pour évaluer les programmes, et les incitations financières par l'intermédiaire de la ROSP sont toujours en vigueur.
Lire : https://cancer-rose.fr/2020/04/20/la-nouvelle-rosp-quel-changement-pour-le-medecin-concernant-le-depistage-du-cancer-du-sein/

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Références

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Bretthauer  M, Løberg  M, Wieszczy  P,  et al; NordICC Study Group.  Effect of colonoscopy screening on risks of colorectal cancer and related death.   N Engl J Med. 2022;387(17):1547-1556.PubMedGoogle ScholarCrossref

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Helsingen  LM, Vandvik  PO, Jodal  HC,  et al.  Colorectal cancer screening with faecal immunochemical testing, sigmoidoscopy or colonoscopy.  BMJ. 2019;367:l5515.PubMedGoogle Scholar

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Lutter contre le surdiagnostic

Lutter contre le surdiagnostic créera des soins de santé plus durables pour les populations et la planète

Il nous faut prendre conscience que l'usage de tests de diagnostics et de dépistages excessifs conduit à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies, ce qui peut nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire également à la planète.

Les auteurs* de ce billet publié dans le BMJ alertent pour une prise de conscience par le public et les législateurs pour la lutte contre le surdiagnostic.

De nombreux systèmes de soins de santé dans plusieurs pays font face à des crises de demandes abusives, à une augmentation constante des maladies chroniques, à des coûts croissants et sont confrontés à un déficit de main-d’œuvre médicale qui menacent leur fonctionnement.

Une partie de l’augmentation de la prévalence (c'est à dire une augmentation du nombre de nouveaux cas et de cas existants) de « maladie » est due au surdiagnostic.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/
Et : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/
On estime que 30 % des soins médicaux sont de faible valeur ou gaspillent des ressources de santé. On estime que le secteur de la santé est responsable de plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés, ce qui est une autre façon dont les soins de faible valeur menacent la santé.

La flambée des coûts des soins de santé et le fardeau des traitements déraisonnables pour les patients, liés à l ’épuisement professionnel du personnel de santé et les dommages pour la planète doivent nous conduire à plus de réflexion et de discussion sur les ressources financières, humaines, sociétales et planétaires limitées disponibles et sur une meilleure répartition des ressources existantes.

Les auteurs écrivent : "Les crises actuelles dans la prestation des soins de santé sont exacerbées par le vieillissement de la population et la multimorbidité associée. Les décideurs politiques, les politiciens et le public doivent comprendre comment même les efforts bien intentionnés pour fournir des soins de santé plus nombreux et de meilleure qualité amplifient et renforcent inévitablement ces crises par le surdiagnostic, la surmédicalisation et le surtraitement,"

L'enjeu d'une meilleure médecine se porte surtout sur la perinence des soins prodigués à la population.

Contrôle des soins de santé en excès

La réduction du surdiagnostic est une première étape essentielle pour contrôler l’excès de soins de santé.
Pour ce faire, disent les auteurs, la santé publique est la mieux placée pour revoir les programmes de dépistages dont plusieurs ne fonctionnent pas, ne sont plus recommandés ou deviennent obsolète de par le fait que les traitements contre la maladie sont plus efficaces que de dépister tout une population saine au risque de l'exposer à de la surmédicalisation.

De plus, ajoutent-ils, le concept de surdiagnostic devrait être enseigné dans le cadre de soins de santé fondés sur des données probantes dès les premiers stades de la formation médicale.
Des ressources éducatives sur le surdiagnostic, sur l'utilisation de données probantes et la pensée critique devraient également être offertes aux législateurs, aux décideurs politiques ainsi qu’aux patients et au public. Il faut communiquer plus largement sur l’ampleur du surdiagnostic, en illustrer le coût humain, par exemple, proposent les rédacteurs de cet article, en mettant des visages et des histoires individuels sur des concepts et des données abstraits.

Les programmes de dépistage établis devraient être réévalués à la suite du développement d'une prévention primaire efficace, et en raison, comme nous le disions plus haut, de la disponibilité de meilleurs traitements pour les maladies symptomatiques.

Par exemple, à mesure que la prévalence du tabagisme diminue, l’incidence du cancer du poumon diminue. Ceci a des répercussions sur la balance entre bénéfices et risques liés au programme de dépistage du cancer du poumon, dont la pertinence est à revoir, ou les populations ciblées.

En conclusion

"Notre culture médicale mondiale a conduit à des tests de diagnostic excessifs, à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies qui peuvent nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire à la planète.
Nous en appelons aux autorités locales, aux décideurs nationaux et internationaux pour prendre conscience de ces problèmes et prendre des mesures urgentes pour les résoudre. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer créer des soins de santé plus durables à l’avenir."

*Les auteurs

  1. Thomas Kühlein1,  
  2. Helen Macdonald2,  
  3. Barnett Kramer3,  
  4. Minna Johansson4,  
  5. Steven Woloshin45,  
  6. Kirsten McCaffery6,  
  7. John B. Brodersen7,  
  8. Tessa Copp8,  
  9. Karsten Juhl Jørgensen9,  
  10. Anne Møller10,  
  11. Martin Scherer11
  12. for the Scientific Committee of the Preventing Overdiagnosis Conference

  1.      1Institute of General Practice, Universitätsklinikum Erlangen, Germany
  2. 2The BMJ, London, United Kingdom
  3.     3The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine Norwich, VT/USA
  4.   4Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg, Sweden
  5. .     5Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Lebanon, NH/USA
  6. .     6Sydney Health Literacy Lab, Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
  7.     7Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand and Research Unit for General Practice, Department of Community Medicine, Faculty of Health Sciences, UiT The Arctic University of Norway, Tromsø Odense University Hospital Odense, Denmark and Cochrane Collaboration, Oxford, United Kingdom
  8. .     8Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
  9.     9Herrestads Healthcare Centre, Närhälsan, Denmark; Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg Denmark; University, FoUUI Fyrbodal, Cochrane Sweden
  10.    10Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand, Denmark
  11.   11Institut and Polyclinic of General Practice, Universitätsklinikum Hamburg Eppendorf, Hamburg, Germany
  12.    12Preventing Overdiagnosis Conference.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


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Dépistage et femme âgée

8 août 2023, par Cancer Rose

Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes âgées de 70 à 85 ans et plus, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic variait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion l'âge avançant.
D'autres études antérieures mettaient déjà fortement en doute l'intérêt du dépistage chez les femmes âgées, et l'effet délétère des traitements lourds sur ces organismes fragilisés et à prendre d'autant plus en compte.

https://www.acpjournals.org/doi/abs/10.7326/M23-0133?af=R&journalCode=aim

 Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes de 70 ans à 74 ans, de 75 à 84 ans et de plus de 85 ans, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic varierait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion plus l'âge avance.

Ces résultats rejoignent ceux d'une étude antérieure, de 2014, d'universitaires de Leyden, Pays Bas.
Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.

Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge.
Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.

Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.

Les auteurs de l'étude américaine ici posent également la question de savoir si les bénéfices sont vraiment suffisamment importants, et qui ils concernent réellement pour contrebalancer les effets néfastes des surdiagnostics. Cette question reste en suspens.

Lien connexe : https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

Faut-il freiner chez la femme âgée ?

C'est une question que pose le JAMA, en 2019, et dont nous parlions ici : https://cancer-rose.fr/2019/02/06/depistage-chez-la-femme-agee/

Les auteurs relatent les résultats d'une étude portant sur l'efficacité de techniques numériques assistées par ordinateur pour aider le radiologue à détecter des zones suspectes.
Cette vaste étude de 2013, donnait, chez les femmes âgées de 65 à 84 ans, des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.
FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

Des doutes d'efficacité existent aussi pour l'utilisation de la tomosynthèse chez les femmes âgées, et l'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes en particulier chez celles de 75 ans et plus.

En conclusion

Il est, une fois de plus, démontré que le dépistage du cancer du sein dans les tranches d'âge au-delà de 74 ans est associé à une plus grande incidence du cancer du sein, ce qui suggère un surdiagnostic augmentant en fréquence avec l'âge.
Les méfaits du surdiagnostic ne semblent pas équilibrés par des bénéfices en termes de diminution des formes avancées de cancer.

Il convient de ce fait de rester très prudent et le moins intrusif possible chez ces patientes dont le système immunitaire est affaibli.
Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien avec l'âge, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration des traitements lourds, comportant eux-mêmes des risques et des complications, pouvant être fatals au grand âge..

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La guerre de la mammo n’aura de fin

Traduction et restitution du texte par Cancer Rose, 31/07/2023

Pourquoi les nouvelles lignes directrices recommandant le dépistage à 40 ans ne peuvent pas mettre fin à la guerre des mammographies

Par Asia Friedman, 27 juillet 2023

Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l’Université du Delaware et auteur du livre « Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes » (Rutgers).

Les nouvelles lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein émises par le groupe de travail américain sur les services préventifs (United States Preventive Services Task Force) paraissent mettre fin à un débat qui dure depuis des décennies sur la date à laquelle les femmes doivent commencer à passer des mammographies. L'agence recommande désormais de commencer à 40 ans*, annulant ainsi la recommandation de 50 ans qui était en vigueur depuis 2009. Ce changement l'aligne sur d'autres organisations d'experts telles que l'American College of Radiology (bien que les deux diffèrent encore sur la question de savoir si les femmes devraient subir une mammographie tous les ans ou tous les deux ans).

*Voir à ce sujet notre article : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/

Malgré ce nouveau consensus apparent, la "guerre des mammographies" n'est pas terminée.

La mammographie a beau être pratiquée 40 millions de fois par an aux États-Unis, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine. Hormis la récente convergence sur les lignes directrices relatives à l'âge, les experts restent divisés sur la meilleure façon de définir et de mesurer les bénéfices et les risques de la mammographie, et en plus sur la validité de l'idée même de détection précoce.

Ce n'est pas parce que nous ne disposons pas de suffisamment de données. Aucun dépistage médical - en fait, peut-être aucune autre condition médicale - n'a été plus examiné que la mammographie.

Deux schémas de pensée différents

Au contraire, comme le suggère ma recherche, deux partis interprètent les données existantes selon des critères de signification différents.
Sur la base de dizaines d'entretiens avec des scientifiques, des médecins et des patientes, j'identifie deux schémas de pensée dominants au cœur des conflits sur la mammographie : l'interventionnisme et le scepticisme.

En bref, les interventionnistes croient fermement aux bénéfices de la détection précoce et minimisent tout préjudice possible du dépistage. Ils critiquent donc tout effort visant à retarder l'âge recommandé pour les mammographies ou à réduire la fréquence du dépistage.

Les sceptiques sont moins confiants dans l'efficacité du dépistage par mammographie et accordent plus d'importance aux préjudices du dépistage, qu'ils définissent d'ailleurs de manière plus large que les interventionnistes. Ils préconisent donc généralement de retarder l'initiation et de ralentir la fréquence des mammographies pour limiter ces risques.

Fondamentalement, les perspectives différentes des sceptiques et des interventionnistes dépendent de leur conviction que la détection précoce présente des bénéfices incontestables. La détection précoce est devenue une logique culturelle par défaut, en grande partie en raison des messages de santé publique de longue date qui insistent sur les bénéfices d'un diagnostic précoce pour de nombreuses maladies.

Les médecins sceptiques et les chercheurs en cancérologie remettent en question ce discours dominant sur les bénéfices de la détection précoce. Comme l'a déclaré un oncologue, "pendant des décennies, le message a été : 'L'outil le plus important est la mammographie', 'La mammographie sauve des vies', et il a donc été ... condensé en quelques mots ... qui ne laissent aucune place à l'incertitude quant aux bénéfices et ne mentionnent même pas les préjudices". Les sceptiques mettent en avant toute une série de préjudices potentiels liés au dépistage. Certains experts disent même que le dépistage déclenche une "cascade de préjudices".

Quels préjudices ?

Les préjudices les plus courants de la mammographie sont le stress et l'anxiété associés à des dépistages répétés en raison de résultats ambigus ou faussement positifs. "Nous essayons de trouver autant de cancers que possible", a déclaré un médecin de premier recours et chercheur en médecine, "et c'est la porte ouverte à un grand nombre de fausses alertes". On m'a également dit : "Je pense que nous avons pratiquement fait de la peur du cancer du sein un rite de passage pour les femmes américaines d'âge moyen".

Les estimations du taux de mammographies faussement positives varient, mais un article paru en 2020 dans Ethnicity & Health faisait état d'un risque de 20 à 65 % de recevoir un résultat faux-positif au cours de la vie, et un article paru en 2004 dans le Journal of the American Medical Association indiquait que 35 % des participantes avaient eu au moins une mammographie faussement positive. Parmi les patientes que j'ai interrogées, près des trois quarts avaient été rappelées au moins une fois pour un dépistage ou un test supplémentaire. Pour certaines, un nouveau dépistage a lieu à chaque fois qu'elles passent une mammographie, un processus qui peut prendre des mois.

Malgré cela, les interventionnistes ont tendance à rejeter l'idée que le dépistage peut être nuisible. Comme l'a expliqué le directeur d'un centre de lutte contre le cancer, "si vous aviez une balançoire à bascule et que d'un côté il y avait un bloc de béton de 100 livres, c'est le bénéfice. J'estime que les préjudices sont équivalents à une plume et c'est ce que j'empile de l'autre côté". Un radiologue m'a également dit que les critiques avaient "exagéré les aspects négatifs du dépistage".
Il a qualifié les inconvénients du dépistage de minimes : "l'anxiété et le désagrément d'être rappelée" et : "ne sont certainement pas l'équivalent de mourir d'un cancer du sein".

Un inconvénient moins connu du dépistage qui préoccupe particulièrement les sceptiques de la mammographie est le surdiagnostic, c'est-à-dire les cancers révélés par le dépistage qui se développent lentement ou qui ne sont pas dangereux de manière imminente. Pourtant, lorsque de tels cancers sont détectés, ils sont presque toujours traités, ce qui, selon les sceptiques, est plus néfaste que bénéfique, compte tenu de leurs caractéristiques biologiques relativement bénignes.

Voir notre article : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

Il est difficile de mesurer le surdiagnostic car les cancers surdiagnostiqués sont généralement traités et sont donc très rarement identifiables en tant qu'exemples de surdiagnostic au niveau du patient individuel. Néanmoins, de nombreux experts s'accordent à dire que le surdiagnostic est réel et démontrable au niveau de la population. "Il y a un consensus, au moins dans la communauté scientifique, sur le fait qu'il s'agit d'un problème et qu'il faut s'y intéresser", a déclaré un chercheur en médecine.

Du point de vue des sceptiques, le surdiagnostic représente un changement de paradigme actuellement en cours dans la façon de penser le cancer. Comme l'a décrit un chirurgien et spécialiste du cancer du sein, "il existe un mantra selon lequel l'un des meilleurs moyens d'améliorer la guérison du cancer est de le détecter à un stade précoce". La détection précoce est basée sur un "modèle conceptuel de la maladie qui est linéaire", a-t-il expliqué, et ne prend donc pas en compte le surdiagnostic.

Voir l'article : https://cancer-rose.fr/2023/06/26/quest-ce-que-lhistoire-naturelle-du-cancer/

Pourtant, s'inquiéter du surdiagnostic n'aide pas à traiter les patients individuellement, affirment les interventionnistes. Comme l'a dit un radiologue, "le problème avec le concept de surdiagnostic est que nous n'avons aucun moyen de savoir quel cancer diagnostiqué tuera ou non le patient". Par conséquent, ce concept est "juste théorique" et ne devrait pas être pris en compte dans la détection et le traitement du cancer. Les interventionnistes affirment également qu'il est plus urgent de se concentrer sur le risque de sous-diagnostic, ou de non-détection de la maladie d'un patient. Les faux positifs ne sont peut-être pas une expérience agréable, mais comme l'a dit un médecin de famille, "je pense que c'est une conséquence plus acceptable que la mort d'un plus grand nombre de femmes".

Désaccord inconciliable

Malgré des décennies de recherche, les interventionnistes et les sceptiques ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la mammographie. La multiplication des données ne suffira pas à modifier les lignes de fracture fondamentales de ce désaccord, et les éternels débats sur l'opportunité de dépister les femmes d'une quarantaine d'années ne s'attaquent pas au cœur du conflit.

À moins d'une découverte scientifique révolutionnaire qui obligerait les deux partis à faire face aux limites de leurs opinions antérieures, notre meilleur espoir de sortir de cette impasse et de développer une nouvelle approche du dépistage réside dans un examen sociologique plus approfondi, sur la manière dont les croyances enracinées concernant la détection précoce et les bénéfices et préjudices du dépistage limitent la façon dont les experts, ainsi que nous-mêmes, sont capables de penser à propos de la mammographie.

Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l'université du Delaware et auteur du livre "Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes" (Rutgers). (Les guerres de la mammographie/Analyser l'attention dans les conflits culturels et médicaux.)

A propos de ce livre

La mammographie est un examen médical de routine pratiqué quarante millions de fois chaque année aux États-Unis. Pourtant, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine, les organisations nationales de soins de santé soutenant des lignes directrices contradictoires. Dans Mammography Wars, la sociologue Asia Friedman examine les désaccords culturels et médicaux sur la mammographie. L'enjeu est de savoir s'il faut dépister les femmes de moins de cinquante ans, ce qui est enraciné dans des questions plus profondes sur la détection précoce et le développement supposé linéaire et progressif du cancer du sein. Sur la base d'entretiens avec des médecins et des scientifiques, d'entretiens avec des femmes âgées de 40 à 50 ans et de la couverture médiatique de la mammographie, Friedman utilise la sociologie de l'attention pour cartographier la structure cognitive des "guerres de la mammographie", offrant ainsi un aperçu de la nature enracinée des débats sur la mammographie, qui passe souvent inaperçue lorsque l'on applique un point de vue médical. L'analyse de Friedman suggère également le potentiel unique de la sociologie de l'attention pour analyser les conflits culturels au-delà de la mammographie, et même au-delà de la médecine.

Lire aussi : La Conspiration de l'espoir, livre de Renée Pellerin - https://cancer-rose.fr/2021/06/12/conspiration-de-lespoir-un-livre-de-renee-pellerin/

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Communication des risques : être impartial pour le bien des patients

Par Cancer Rose, 18 juin 2023

A partir d'un article du BMJ, paru le 16 juin 2023

Quel est mon risque, docteur ? Comment communiquer le risque de maladie et les effets du traitement

Michael Bretthauer, Mette Kalager, Clinical Effectiveness Research Group, Université d'Oslo, Norvège
the bmj | BMJ 2023;381:e075289 | doi : 10.1136/bmj-2022-075289
https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-075289.full

Les auteurs introduisent l'article sur la base d'un exemple concret, qui servira pour illustrer leur propos :

Mme Olsen est une femme de 65 ans qui souffre d'hypercholestérolémie et d'hypertension. Son médecin lui dit qu'elle peut réduire son risque d'accident cardiovasculaire majeur de 50 % si elle prend une statine. "C'est génial", pense-t-elle, "50 % de réduction, c'est beaucoup !" Elle se sent alors contente et bien informée, et prévoit de prendre la statine.

Une fois rentrée chez elle, elle se souvient de sa récente conversation avec un concessionnaire automobile (elle avait vraiment besoin d'une nouvelle voiture). Il lui a dit que le prix d'une voiture qu'il avait en stock avait été réduit de 15 %. C'est peut-être une bonne affaire, pense-t-elle, et elle demande le prix de la voiture. Malheureusement, il était beaucoup trop élevé, même avec la réduction de 15 %. Elle a pensé que le concessionnaire n'avait pas été honnête puisqu'il ne lui avait pas annoncé le prix d'emblée, mais seulement la réduction.

Le risque de maladie et d'effets du traitement est exprimé de plusieurs manières : de façon relative ou absolue, en pourcentages, en risques ou en ratios de probabilité ("odds ratios"). Certaines sont plus informatives que d'autres, et les plus fréquemment utilisées sont souvent difficiles à comprendre.
Cet article explique comment communiquer les bénéfices, les dommages et le fardeau des interventions aux patients et à la société de manière informative, et propose des conseils pour communiquer les risques absolus et relatifs en consultation avec les patients, les collègues et les décideurs politiques.

Ce qu'il faut savoir

- Les effets relatifs des traitements sont souvent évoqués dans les entretiens avec les patients, les revues scientifiques et les médias, mais, utilisés seuls pour guider la prise de décision, ils sont insuffisants et potentiellement trompeurs.

- Les effets absolus des traitements, associés au risque absolu de la maladie que l'on souhaite prévenir ou traiter, sont plus instructifs et doivent être utilisés dans ce cas.

- Les discussions concernant les seuils pour le risque absolu de maladie et les effets absolus du traitement sont importantes lors des rencontres avec les patients et ailleurs dans le système de soins de santé.

Mais quelle est la différence entre un risque absolu et un risque relatif ?

Nous ouvrons ici un chapitre afin de donner d'abord quelques définitions et un exemple concret pour comprendre la suite de l'exposé.

  • Risque absolu (RA) : nombre d’évènements survenus sur l'effectif global du groupe 
  • Risque relatif (RR) :  rapport entre le risque du groupe traité (intervention)/groupe de référence (ou témoin) 
  • La réduction du risque relatif : se calcule par 1-RR
  • La réduction du risque relatif exprime le bénéfice, l’efficacité de l'intervention.

Appliquons cela dans un exemple concret :

On réalise un essai clinique sur un nouvel anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), le groupe 1 est le groupe testé (ou groupe intervention) avec nouveau médicament.
Le groupe 2 est le groupe de référence (ou témoin) avec l'ancien AINS.

Le risque absolu d'avoir un ulcère d'estomac avec le nouvel AINS est de 20 ulcères/300 personnes ; le risque absolu d’ulcère pour le groupe intervention (groupe 1) est donc de 6,6%.

Le risque absolu de connaître un ulcère avec l'ancien AINS est de 35 ulcères/300 personnes ; le risque absolu d'ulcère pour le groupe témoin (groupe 2) est donc de 11,6%

Le risque relatif est le rapport entre les deux groupes, le groupe testé/groupe référence : 6,6%/11,6% = 0,57

La réduction du risque relatif est, comme nous l'avons vu dans les définitions, 1-RR ; elle est ici donc de 1-0,57 = 0,43

Ce qui signifie que le traitement testé réduit de 43% l’évènement ulcère.
Ce chiffre est une expression en termes de réduction de risque relatif, c'est à dire en comparant deux groupes.
MAIS en valeurs absolues, il y a 7 évènements pour 100 personnes dans le groupe testé ; et environ 12 évènements dans le groupe de référence pour 100 pers.
Le médicament réduit le risque ulcéreux pour 5 personnes/100

Vous voyez donc que les nombres absolus sont plus clairement représentatifs que les pourcentages, mais beaucoup moins spectaculaires et moins "média-géniques"...

Revenons à l'article :

Confiance et prise de décision partagée

La confiance dans les médecins et les professionnels de la santé est fondamentale pour des échanges informatifs avec les patients et l'adhésion ultérieure des patients au traitement et aux soins.1 La confiance des patients et du public dans les médecins est élevée, bien que des rapports aient indiqué un déclin ces dernières années, avec des variations entre les pays et les environnements de soins.2 Pourtant, dans le cas de nombreux échanges avec les patients en médecine, nous, médecins, ne fournissons pas les bénéfices et les dommages absolus des interventions que nous recommandons. Souvent, nous ne fournissons des informations que sur le gain (la réduction du risque relatif) pour la maladie, et nous attendons des patients qu'ils prennent des décisions en connaissance de cause, alors qu'en fait ils ne disposent pas de toutes les informations pertinentes pour le faire.1

En tant que médecins, nous visons une prise de décision partagée lors des consultations, alors pourquoi rendons-nous les choses si difficiles pour les patients3 ? En 2012, un stagiaire en première année de médecine a estimé dans The BMJ que "de nombreux médecins ne connaissent pas les bénéfices réels des médicaments qu'ils prescrivent ou ne comprennent pas les implications statistiques de base de la réduction du risque absolu par rapport au risque relatif "4 Nous pensons que la situation est similaire aujourd'hui.

Les idées fausses et le manque de connaissances des médecins et des décideurs politiques sur les risques absolus et relatifs entravent la prise de décision partagée et empêchent un consentement véritablement éclairé. D'après notre expérience, l'utilisation des risques et bénéfices relatifs domine encore les échanges des médecins avec les patients, ainsi que les discussions entre médecins dans les services et les cliniques sur les thérapies et les interventions. Le plus souvent, ce n'est pas intentionnel, mais plutôt inconscient, en raison des normes culturelles qui entourent le conseil aux patients et du manque de formation à l'interprétation et à la transmission des chiffres relatifs aux risques.

Alors....

Comment communiquer les risques, les bénéfices et les dommages

Une prise de décision appropriée nécessite une discussion sur les résultats pertinents pour le patient et une communication réfléchie de quatre éléments, que nous décrivons ci-dessous à l'aide du cas de Mme Olsen :

1. Quel est le risque absolu de la maladie en l'absence de traitement ?
Dans le cas de Mme Olsen, qui souffre d'hypertension et d'hypercholestérolémie et pour laquelle un traitement par statines est envisagé, quel est son risque (par exemple, dans les 10 ou 15 prochaines années) de subir un événement cardiovasculaire majeur (infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) en l'absence de statines ?

2. Quel est le bénéfice du traitement en question pour réduire ce risque ?
Il peut s'agir d'une différence de risque absolue ou d'une réduction du risque relatif.

Quelle est la réduction du risque pour Mme Olsen de développer un événement cardiovasculaire majeur dans les 10 ou 15 prochaines années avec des statines, par rapport à l'absence de statines ?

3. Quel est le risque absolu de la maladie avec le traitement ?
Quel est le risque pour Mme Olsen de développer un événement cardiovasculaire majeur dans les 10 ou 15 prochaines années avec les statines ?

4. Quels sont les risques absolus de dommages et quelle est la charge du traitement ?
Quel est le risque absolu de dommages et d'effets secondaires (par exemple, diarrhée ou douleurs musculaires) liés à la prise d'une statine pour Mme Olsen au cours des 10 ou 15 prochaines années, et quelle est la contrainte que représente pour elle la prise du traitement (par exemple, les coûts, les rendez-vous de contrôle, les tests en aval, et la manière dont le traitement par statine peut affecter sa qualité de vie en raison de la crainte potentielle d'être exposée à un risque de maladie8) ?

Si on doit être brefs, il convient d'utiliser les chiffres absolus parce que les effets relatifs peuvent être calculés à partir de ces chiffres, mais pas l'inverse.

Rencontre avec la patiente, Mme Olsen

En appliquant les principes ci-dessus et en ajoutant des exemples numériques, une rencontre informative avec Mme Olsen comprendrait les éléments suivants :

- Premièrement, estimer son risque absolu d'événement cardiovasculaire, par exemple en utilisant un calculateur de risque sur 10 ans.11 Sur une période de 10 ans, son risque d'avoir une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral est d'environ 6 %

- Deuxièmement, appliquer la réduction attendue au risque absolu estimé (6 %). Supposons que la réduction de 50 % suggérée par son médecin soit exacte (bien qu'elle soit plutôt de l'ordre de 20 à 25 %12), la réduction de son risque de moitié lui donnerait une différence de risque de 3 %.

- Troisièmement, lui dire que son risque d'avoir un événement cardiovasculaire majeur est de 3 % si elle choisit d'utiliser une statine.

- Quatrièmement, l'informer de la fréquence absolue des effets secondaires du traitement par statine, par exemple un risque de 5 % de douleurs musculaires et de 10 % de troubles digestifs, tels que constipation, diarrhée ou ballonnements.

Nous rouvrons ici une parenthèse pour parler de la présentation du risque de décéder dans le cadre du cancer du sein, et la présentation qui en est faite sur les sites officiels français et lors des campagnes de dépistage.

le dépistage du cancer du sein

Très fréquemment, notamment sur les sites officiels vous lirez que le dépistage réduit de 20% le risque de décéder du cancer du sein. Qu'en est-il ?

Reprenons la méta-analyse d'un collectif de chercheurs nordiques (Cochrane)-
2000 femmes ont effectué une mammographie de dépistage à partir de 50 ans et cela pendant 10 ans. Au terme de ces 10 ans, 4 femmes étaient mortes d’un cancer du sein.
Pour pouvoir comparer, une projection est faite pour 2000 femmes à partir de 50 ans ne se soumettant pas au dépistage. Les deux groupes sont comparables car ont les mêmes caractéristiques (âge, profil physiologique etc..).
Dans ce groupe non dépisté, 5 femmes sont mortes d’un cancer du sein.
Appliquons nos calculs :
Groupe testé/groupe témoin : 4 décès sur 2000/ 5décès sur 2000 = 0,8 ;
La réduction du risque relatif est ici de 1-0,8 = 0,2 = 20%
Voilà d'où vient cette valeur toujours mise en avant.

Mais quel est réellement le bénéfice pour une femme de se faire dépister?
C’est le bénéfice absolu qui nous le donne. Sur les 2000 femmes qui se feront dépister, 1 seule verra son cancer dépisté plus tôt et donc sa vie sauvée ( 5 décès – 4 décès).

20% de bénéfice relatif, 0.05% de bénéfice absolu.
Si on avait opté pour une présentation honnête nous aurions dû lire dans les documents d'information :

 » Les programmes de dépistage permettent de réduire le nombre de décès par cancer du sein. Selon les chiffres issus d’études internationales, cette réduction est estimée aux alentours de 0,05 %. »

Quand bien même il y a 20% de réduction du risque relatif, il faut considérer cette donnée selon le risque absolu de décéder en fonction de l'âge des personnes.
En France en 2010 par exemple, le risque absolu de mourir par cancer du sein était d'environ 4% dont 1,9% chez les femmes entre 50 et 79 ans. Réduire de 20% un risque de mourir déjà très faible n'est pas extraordinaire, et doit être mis en balance avec le risque de connaître un effet adverse du dépistage.

La présentation en fréquences absolues, de plus, permet la conception de pictogrammes visuels, et ce sont eux qui permettent une meilleure communication au public, et une bonne compréhension de la part des patients.
Comme cet outil d'aide à la décision, ici, élaboré sur la base de la méta-analyse Cochrane.

Fermons cette parenthèse, les auteurs de l'article s'interrogent à présent sur la pertinence d'agir sur le risque et surtout sur le moment à partir du quel il serait pertinent d'agir sur le risque.

Quand agir sur le risque ?

Transmettre des risques absolus et des réductions de risque au lieu de chiffres relatifs moins informatifs nécessite une formation et une communication éclairée. La question la plus difficile reste cependant la suivante : à quel niveau doit se situer le risque d'une maladie ou d'une affection pour que l'on puisse agir, compte tenu d'une certaine réduction de ce risque grâce à une thérapie ou à un traitement ? Il est plus difficile d'établir des seuils pour savoir quand agir, car cela dépend des valeurs et des préférences individuelles et sociétales.

Au niveau du patient, il est important de comprendre les perceptions et les préférences personnelles concernant les bénéfices et les dommages des interventions visant à réduire un certain risque de maladie. Mme Olsen peut être intéressée par un risque de 6 % d'événement cardiovasculaire, mais elle ne se soucierait peut-être pas d'entreprendre un traitement si son risque était de 3 %. D'autres patients peuvent voir les choses différemment et seraient prêts à commencer à prendre des statines avec un risque plus faible que celui de Mme Olsen.

Bien que les calculateurs de risques de maladies futures s'améliorent et puissent prédire le risque individuel de manière assez précise pour certaines maladies, ils sont encore insuffisants pour beaucoup d'autres. Des collections de calculateurs de risques et d'aides à la décision sont disponibles en ligne pour les médecins et les patients, comme l'initiative "Care that fits" de la Mayo Clinic (http://carethatfits.org).

Toutefois, certains patients peuvent accepter ou refuser de suivre un traitement ou une action sans tenir compte du cadre et des faits relatifs aux risques et aux effets, et fonder leur décision sur d'autres facteurs, tels que l'expérience de membres de leur famille atteints de la maladie en question, ou les contraintes financières liées aux frais de prescription.13 14

La stratégie pour les patients individuels (comme Mme Olsen) utilisant les quatre caractéristiques décrites peut également être appliquée à la prise de décision au niveau de la société. De nombreux systèmes de santé proposent des interventions, des tests et des traitements remboursés. La plupart des systèmes de santé publique disposent également de lignes directrices prioritaires et de répertoires établis d'options thérapeutiques, qui sont proposés à la population. Ces priorités doivent tenir compte du risque absolu et de la réduction du risque.

Communiquer les risques et les effets des traitements

Nous pensons que les publications scientifiques ont leur part de responsabilité dans l'insuffisance de l'information fournie aux patients sur les risques liés aux maladies et les effets des traitements. Les estimations des effets relatifs, telles que les rapports de risque, les risques relatifs ou les ratios de probabilité, apparaissent couramment dans les rapports d'études d'observation et d'essais cliniques depuis des dizaines d'années. De nombreux rapports scientifiques mettent en évidence les effets relatifs,5 6 alors que les chiffres absolus sous-jacents sont difficiles à déterminer, car ils nécessitent souvent des compétences et du temps qui ne sont pas à la disposition de la plupart des cliniciens.

Dans un essai pivot sur le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie au Royaume-Uni en 2017, le principal résultat a été rapporté comme "l'incidence du cancer colorectal a été réduite de 26 % (rapport de risque 0,74 ; intervalle de confiance à 95 % 0,70 à 0,80 ; P<0,0001)".7 L'essai a influencé la décision d'introduire le dépistage du cancer colorectal dans la population au Royaume-Uni.
Bien que le rapport de l'essai ne soit pas incorrect, le rapport de risque ne suffit pas à lui seul à fonder une décision éclairée sur l'opportunité d'introduire le dépistage. Dans ce cas, la décision doit prendre en considération les risques absolus de cancer colorectal auxquels s'applique la réduction du risque relatif rapportée.
(NDLR : en effet, il faut considérer le risque de base de la personne ; 25% de réduction du risque relatif par le dépistage reste une réduction faible chez les personnes présentant un risque de base déjà faible de faire un cancer colorectal. Les préjudices de ce dépistage sont susceptibles de l'emporter largement sur un maigre bénéfice)

La couverture médiatique des nouvelles interventions médicales suit rapidement la publication des résultats des essais et transmet généralement au public les effets relatifs présentés dans l'article scientifique. Cela peut être intéressant, car les effets relatifs semblent souvent plus impressionnants que les effets absolus et attirent davantage l'attention. Mais cela ne fournit pas d'informations impartiales et ne permet pas de prendre les bonnes décisions. Si les revues scientifiques occultent la réduction du risque absolu au profit d'effets relatifs apparemment plus importants et plus attrayants, il est compréhensible que les médias s'en emparent et présentent ce côté de l'histoire.

Conclusion des auteurs

De notre point de vue, aucune situation en médecine clinique ne tire bénéfice de l'utilisation de différences relatives au lieu de différences absolues pour la compréhension dans les conversations entre les médecins et les patients, ou entre les médecins lorsqu'ils discutent des options de traitement pour un patient.
Dans les discussions sur ce qu'un système de soins de santé devrait offrir, l'utilisation de chiffres absolus est cruciale pour garantir des soins équitables. Les risques absolus et les réductions absolues de risques doivent être utilisés dans la communication avec les patients, les collègues, les décideurs et les médias. Les réductions relatives peuvent être utilisées en plus des réductions absolues pour illustrer ou exemplifier, mais seulement en plus et non à la place des effets et des risques absolus.

L'éducation dans la pratique

- Entraînez-vous à trouver et à transmettre les risques absolus de maladie pour votre patient, ainsi que les effets absolus de tout traitement que vous envisagez de recommander.

- Discutez avec vos patients de l'importance du risque pour qu'un certain traitement soit intéressant. Quels sont les facteurs susceptibles d'influencer leur décision ?

Bref, il s'agit bien de décision partagée avec le patient dont parlent ces auteurs.

Commentaire Cancer Rose

Le nouveau livret de l'Institut National du Cancer persiste dans ce travers que la concertation citoyenne lui avait déjà reproché, à savoir une présentation en valeurs relatives, mettant en avant les 20% de réduction de mortalité. Nous en parlons ici : https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

Or les femmes doivent maintenant être informées complètement et dûment, selon les exigences de la concertation citoyenne, et ce jusqu'au bout de leur vie de dépistée.

Pour les journalistes

Un site utile :

site Winton Risk communication Center , avec outil de conversion du risque relatif en risque absolu, à destination des journalistes.

https://realrisk.wintoncentre.uk

RealRisk est un outil en ligne destiné aux attachés de presse et aux journalistes qui travaillent à la communication de la recherche sur les risques dans le domaine de la santé et des sciences sociales.

Les titres des journaux regorgent des dernières recherches sur les risques : les aliments liés au cancer, les modes de vie qui favorisent les maladies cardiaques, les médicaments qui augmentent le risque de caillots sanguins, les habitudes associées à une mauvaise santé mentale. Les articles écrits sur ces questions sont souvent effrayants et les chiffres utilisés sont souvent trompeurs.

RealRisk convertit les statistiques spécialisées souvent utilisées pour rendre compte des conclusions de recherches - notamment les risques relatifs, les rapports de cotes et les rapports de dangerosité - en risques absolus, plus facilement compréhensibles par tous. Les risques absolus qui en résultent sont présentés sous forme de texte, de tableaux d'icônes et de diagrammes à barres dont l'utilisation est gratuite.

 Nous voulons encourager les attachés de presse et les journalistes à rendre compte des "risques sanitaires" à l'aide de chiffres largement compréhensibles et qui ne provoquent pas d'anxiété inutile.

https://wintoncentre.maths.cam.ac.uk/resources/resources-journalists/

https://wintoncentre.maths.cam.ac.uk/resources/medicine/

Références utilisées par les auteurs

1 Rasiah S, Jaafar S, Yusof S, Ponnudurai G, Chung KPY, Amirthalingam SD. A study of the nature and level of trust between patients and healthcare providers, its dimensions and determinants: a scoping review protocol. BMJ Open 2020;10:e028061.
doi: 10.1136/bmjopen-2018-028061 pmid: 31980505

2 Blendon RJ, Benson JM, Hero JO. Public trust in physicians-U.S. medicine in international perspective. N Engl J Med 2014;371:-2. doi: 10.1056/NEJMp1407373 pmid: 25337746

3 Prasad V. An unmeasured harm of screening. Arch Intern Med 2012;172:-3. doi: 10.1001/2013.jamainternmed.682 pmid: 22987011

4 Freudenthal B. Doctors need to understand absolute versus relative risk reduction with statins. BMJ 2012;345:e8357. doi: 10.1136/bmj.e8357 pmid: 23229286

5 Gigerenzer G, Wegwarth O, Feufel M. Misleading communication of risk. BMJ 2010;341:. doi: 10.1136/bmj.c4830 pmid: 20940219

6 Diamond DM, Leaverton PE. Historical review of the use of relative risk statistics in the portrayal of the purported hazards of high LDL cholesterol and the benefits of lipid-lowering therapy. Cureus 2023;15:e38391.pmid: 37143855

7 Atkin W, Wooldrage K, Parkin DM, etal. Long term effects of once-only flexible sigmoidoscopy screening after 17 years of follow-up: the UK Flexible Sigmoidoscopy Screening randomised controlled trial. Lancet 2017;389:-311. doi: 10.1016/S0140-6736(17)30396-3 pmid: 28236467

8 Heath I. Role of fear in overdiagnosis and overtreatment-an essay by Iona Heath. BMJ 2014;349:. doi: 10.1136/bmj.g6123 pmid: 25954986

9  Helsingen LM, Vandvik PO, Jodal HC, etal. Colorectal cancer screening with faecal immunochemical testing, sigmoidoscopy or colonoscopy: a clinical practice guideline. BMJ 2019;367:.
doi: 10.1136/bmj.l5515 pmid: 31578196

10  Bielawska B, Dubé C. Colorectal cancer screening: it is not time for a radical shift. CMAJ 2020;192:-2. doi: 10.1503/cmaj.191566 pmid: 31971514

11  BMJ Best Practice. Evidence-based medical calculators. https://bestpractice.bmj.com/calculators

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13  Usher-Smith JA, Mills KM, Riedinger C, etal. The impact of information about different absolute benefits and harms on intention to participate in colorectal cancer screening: a think-aloud study and online randomised experiment. PLoS One 2021;16:e0246991.
doi: 10.1371/journal.pone.0246991 pmid: 33592037

14  Rosenbaum L. Invisible risks, emotional choices-mammography and medical decision making. N Engl J Med 2014;371:-52. doi: 10.1056/NEJMms1409003 pmid: 25317876

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Risque de décès par cancer du sein, en baisse, dépistage ou pas

Mortalité par cancer du sein pour 500 000 femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce en Angleterre, 1993-2015 : étude de cohorte observationnelle basée sur la population.

BMJ 2023; 381 doi: https://doi.org/10.1136/bmj-2022-074684 (Published 13 June 2023)Cite this as: BMJ 2023;381:e074684

Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist2,  
Paul McGale, statistician1,  
Jake Probert, statistician1,  
John Broggio, cancer analytical lead3,  
Jackie Charman, senior cancer analyst3,  
Sarah C Darby, professor of medical statistics1,  
Amanda J Kerr, systematic reviewer1,  
Timothy Whelan, radiation oncologist4,  
David J Cutter, senior clinical research fellow and clinical oncologist2,  
Gurdeep Mannu, lecturer in general surgery1,  
David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist2

1Nuffield Department of Population Health, University of Oxford, Oxford, UK
2Oxford University Hospitals, Oxford, UK
3National Disease Registration Service (NDRS), NHS England, Birmingham, UK
4Department of Oncology, McMaster University and Juravinski Cancer Centre, Hamilton, ON Canada

Article

Synthèse Cancer Rose

Analyse par Dr Vincent Robert, statisticien

Réponse aux auteurs, par H.Zahl, épidémiologiste et statisticien

On a écrit à l'auteure principale

Opinions

Objectif de l'étude

Il s'agit d'une étude de cohorte (un groupe de sujets suivis pendant la durée de l'étude), observationnelle, portant sur 512 447 femmes.

Il y a deux objectifs :

1°- Analyse des taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques de mortalité cumulés en fonction du temps écoulé depuis le diagnostic, pour les femmes dont le diagnostic a été posé au cours de chacune de ces périodes calendaires : 1993-99, 2000-04, 2005-09 et 2010-15

2°- Examen des variations de ces taux de mortalité en fonction de plusieurs critères : selon la période calendaire du diagnostic, selon le temps écoulé depuis le diagnostic, selon la détection ou non du cancer par dépistage, et selon les caractéristiques des patientes et des tumeurs qu'elles présentaient.

Dans l'ensemble, près de la moitié des cancers chez les femmes des groupes d'âge éligibles au dépistage ont été détectés par le dépistage.

Résultats principaux :

Les risques bruts de mortalité par cancer du sein diminuent avec l'augmentation de la période calendaire.
En d'autres termes, les femmes des périodes calendaires plus proches de notre période contemporaine ont plus de chance de survivre longtemps après le diagnostic de cancer par rapport aux femmes diagnostiquées lors de périodes calendaires plus anciennes dans le temps, avec une ampleur significative.

Le risque de mortalité cumulé par cancer du sein sur cinq ans était :

  • de 14,4 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999, et
  • de 4,9 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 2010 et 2015.

Ces résultats correspondent à la totalité d’une cohorte de 512 447 femmes entre 18-89 ans dont :
-femmes éligibles au dépistage, avec cancer détecté dans le cadre du dépistage organisé : 128 240 femmes (soit environ un quart de la cohorte)
-femmes éligibles au dépistage, mais non dépistées, avec cancer détecté en dehors du dépistage : 133 427 femmes (soit environ un quart de la cohorte)
-femmes non éligibles au dépistage organisé : 250 780 femmes (soit environ la moitié de la cohorte)

Composition des groupes indiquée dans le tableau 1, extraction ci-après :

Les taux annuels de mortalité par cancer du sein, ajustés, ont également diminué de façon similaire avec l'avancée de la période calendaire dans presque tous les groupes de patientes, d'un facteur d'environ trois pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes positifs, qui correspondent aux formes de cancers de meilleur pronostic, et d'environ deux pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes négatifs, qui correspondent à des formes de cancers plus péjoratives. Le risque de mortalité s'améliore avec l'avancée des périodes calendaires étudiées vers les années proches de nous, par rapport aux années plus anciennes.

Le but de l'étude était principalement d'utiliser les risques de mortalité par cancer du sein à cinq ans pour les patientes ayant reçu un diagnostic récent. En effet, disent les auteurs, ces taux de mortalité qu'on connaît à présent peuvent être utilisés pour estimer les risques de mortalité par cancer du sein pour les patientes d'aujourd'hui.
La finalité de l'étude étant d'informer les patients et les cliniciens des risques de mortalité absolus probables pour les patientes traitées aujourd'hui pour un cancer du sein, en tenant compte, entre autres, des caractéristiques de leur tumeur.
L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins. Cette information est d'utilité pour les femmes contemporaines.

Les auteurs concluent: "Il faut toutefois noter que les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".

Conclusions détaillées :

Le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990. La plupart d'entre elles peuvent s'attendre à survivre à long terme au cancer, même si le risque reste appréciable pour quelques-unes d'entre elles.

Depuis les années 1990, le risque de décès cumulé à cinq ans dû au cancer du sein est passé de 14,4 % à 4,9 % dans l'ensemble, avec des réductions observées dans presque tous les groupes de patientes.
En effet, le risque de mortalité cumulé sur cinq ans était de 14,4 % (intervalle de confiance à 95 % de 14,2 % à 14,6 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999 et a diminué progressivement avec l'augmentation de la période calendaire pour atteindre 4,9 % (de 4,8 % à 5,0 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé plus tard, entre 2010 et 2015.

Il est donc démontré que le taux de mortalité par cancer du sein a diminué avec la période calendaire du diagnostic au cours de la période couverte par l'étude.
Mais bien que des diminutions se soient produites dans presque tous les groupes de patientes, l'ampleur de la diminution du taux de mortalité et le risque de décès par cancer à 5 ans variait considérablement entre les femmes selon qu'elles présentaient des caractéristiques différentes :
- le risque de mortalité est inférieur à 3 % pour 62,8 % des femmes,
- mais il est de 20 % ou plus pour 4,6 % d'entre elles, correspondant aux formes de cancers particulièrement agressives et difficilement curables.

Dans nos données, expliquent les auteurs, l'absence de diminution de la mortalité chez les femmes âgées de 80 à 89 ans atteintes d'un cancer du sein à récepteurs d'œstrogènes négatifs peut s'expliquer par le fait que ces femmes ne reçoivent généralement pas de traitement systématique adjuvant (traitement qui complète le traitement principal afin de prévenir un risque de récidive locale ou de métastases, comme une hormonothérapie ou une immunothérapie p.ex.), ou qui ne reçoivent pas de radiothérapie, de sorte que toute amélioration en soi de ces traitements n'aurait pas eu d'effet sur la mortalité dans ce groupe de patientes.
Les patientes âgées de moins de 40 ans au moment du diagnostic présentaient un risque de mortalité par cancer du sein plus élevé que les patientes âgées de 40 diagnostiquées, cela s'expliquant par le fait que les cancers du sein chez les femmes plus jeunes sont intrinsèquement plus agressifs que ceux des femmes plus âgées.

Les auteurs ont constaté que la mortalité par cancer du sein diminuait toujours en fonction de la période calendaire du diagnostic, quels que soient les différences de caractéristiques des tumeurs et même, les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.
Ceci est résumé dans l'illustration ci-dessous, qui présente les résultats sur la totalité des femmes (dont un quart de femmes éligibles et dépistées, un quart sont des cas de cancers chez des femmes éligibles mais non dépistées,  et la moitié de l'effectif sont des femmes non éligibles au dépistage) :

On peut arguer que le dépistage permet la détection de tumeurs de plus en plus petites au fil des années avec des améliorations technologiques de appareils de mammographie importantes, avec des tumeurs trouvées de grades toujours plus bas, mais, disent les auteurs, cette baisse de la mortalité ne peut être attribuée aux seuls changements de taille de la tumeur, au nombre de ganglions positifs ou au grade de la tumeur, car la mortalité par cancer du sein a continué de diminuer selon la période calendaire du diagnostic, même après ajustement tenant compte de ces facteurs.

Sans compter que le dépistage et les techniques d'imagerie mammaire plus sensibles sont également susceptibles de n'avoir conduit qu'à un diagnostic plus précoce et à une survie apparemment plus longue, sans pour autant modifier l'évolution clinique de la maladie. La survie, rappelons-le, correspond à la durée de vie avec le diagnostic de cancer, et augmente avec l'amélioration des traitements et avec le surdiagnostic. En effet, plus on détecte tôt dans la vie de l'individu des cancers qui de toute façon n'étaient pas destinés à tuer leur hôte, qui sont de très bas grade et le resteront, et plus les données de survie sont artificiellement améliorées, sans pour autant influer sur l'espérance de vie.

Relations avec le dépistage


Pour les patientes ayant reçu un diagnostic de cancer dépisté ou non dépisté, les taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques cumulés de mortalité par cancer du sein ont montré des tendances similaires de baisse à celles de l'ensemble des femmes en fonction de la période calendaire du diagnostic.

L'étude montre que les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.
L'augmentation du dépistage n'explique donc pas les améliorations de la mortalité,

L'apport de l'étude

D'autres études ont déjà montré le rôle très marginal du dépistage dans la décroissance de mortalité par cancer du sein depuis les années 90.
On sait déjà que le risque de mortalité par cancer du sein après un diagnostic de cancer du sein invasif précoce a diminué au cours des dernières décennies.

L'étude d'impact de Bleyer et Miller concluait que le lien entre mammographie de dépistage et le degré de réduction de mortalité par cancer du sein observée ces dernières années était de plus en plus sujet à controverse. Leur comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontrait pas de corrélation entre l'intensité du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de réduction de mortalité par cancer du sein.

Les preuves issues des trois approches différentes (approche temporelle, approche d'ampleur et approche comparative avec d'autres pathologies ne faisant pas l'objet d'un dépistage), et d'autres observations supplémentaires ne soutenaient pas l'hypothèse que le dépistage par mammographie serait la raison principale de la réduction de mortalité par cancer du sein observée en Europe et en Amérique du Nord.

De même façon l'étude des trois paires de pays comparées de P.Autier suggérait que le dépistage n’avait pas joué de rôle direct dans la réduction de la mortalité par cancer du sein, au vu du contraste entre les différences temporelles dans la mise en œuvre du dépistage mammographique et la similitude dans les réductions de mortalité entre les paires de pays.
C'est à dire que les pays ayant introduit le dépistage plus tôt que d'autres pays l'ayant fait plus tardivement connaissaient une réduction de mortalité par cancer du sein similaire, alors qu'on aurait dû constater un phénomène amplificateur dans la réduction de mortalité par le fait d'un instauration plus précoce des campagnes.
Il n'y a donc pas de lien entre l'activité du dépistage et la baisse de la mortalité.

Et le cancer invasif métastatique reste toujours aux mêmes taux, le dépistage ne permettant pas d'appréhender cette forme agressive du fait de ses caractéristiques intrinsèques biologiques agressives et souvent du fait de sa grande vélocité. 

Citons pour finir cette étude : Søren R Christiansen, Philippe Autier, Henrik Støvring, Change in effectiveness of mammography screening with decreasing breast cancer mortality: a population-based study
Résumée ici : https://cancer-rose.fr/2022/07/01/leffet-du-depistage-du-cancer-du-sein-en-declin/

Selon les auteurs, les améliorations apportées aux thérapies contre le cancer au cours des 30 dernières années ont réduit la mortalité, ce qui pourrait éroder la balance bénéfices-inconvénients du dépistage par mammographie. 
De plus les améliorations futures de la prise en charge des patientes atteintes d'un cancer du sein réduiront de plus en plus le rapport bénéfice-risque du dépistage.
Le bénéfice de la mammographie en termes de réduction de la mortalité diminue alors que les inconvénients tels que le surdiagnostic ne sont , eux, constants. 
Le dépistage conduit à la fois au surdiagnostic et au surtraitement, ce qui a un coût à la fois humain et économique,

Ce que l'étude ici apporte, c'est une estimation de l'ampleur de la décroissance du taux de mortalité par cancer du sein constatée depuis les années 90, et que celle-ci n'est pas liée au dépistage ni à aucun autre facteur lié à la tumeur ou à la femme porteuse du cancer, puisqu'on ne constate pas de différence dans les variations des taux de mortalité quels que soient ces facteurs, que le cancer soit trouvé par dépistage ou non.
La raison est très vraisemblablement à chercher parmi les améliorations thérapeutiques des dernières décennies.

Illustrations : taux de mortalité annuels et risques cumulés de mortalité

Le risque cumulatif est la somme des différents risques annuels, présents sur 5 ans. La fonction de risque de mortalité décrit l'évolution en fonction du temps et des facteurs cumulés du risque instantané de décès. 

Synthèse par Cancer Rose

Il s'agit d'une étude d'épidémiologie descriptive. Son objectif est de quantifier la diminution de mortalité observée depuis les années 90. Cette diminution n'est pas un scoop loin de là, mais il était intéressant de la chiffrer globalement et par sous-groupes.
Elle est de l'ordre de 14,4% à 4,9% à 5 ans entre les deux laps de périodes examinés. pour toutes les femmes, avec une réduction similaire selon les groupes (dépistées ou pas).
Des études d'impact (voir notre article) ont déjà objectivé cette diminution de mortalité par cancer du sein depuis les années 90, l'impact du dépistage est très marginal voire inexistant, car cette diminution n'est pas en phase avec l'introduction des campagnes de dépistage.

Les auteurs concluent essentiellement que les données récentes montrent une amélioration des risques de mortalité par cancer du sein par rapport aux données plus anciennes, est ceci est confirmé par leurs résultats. Ils précisent plusieurs choses : "...l’augmentation du dépistage ne peut expliquer à elle seule la diminution de la mortalité par cancer du sein que nous avons observée." et un peu plus loin : "cette étude observationnelle ne peut déterminer les causes spécifiques de ces réductions de mortalité."
Et encore, vraisemblablement le plus important : "...les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".

Cette étude confirme (et surtout chiffre) l'évolution à la baisse de la mortalité par cancers du sein mais elle ne conclut pas (et ne permet pas de conclure) sur la ou les causes de cette baisse.

Ce qu'il faut bien comprendre est que dans cette étude, il ne s'agit pas du taux de mortalité mais du RISQUE cumulé de mortalité sur 5, 10 ou 15 ans. Ces risques de mortalité cumulés dépendent du temps T0 choisi. Ici ce temps T0 est la date du diagnostic du cancer. Les risques de mortalité présentés dans l'étude sont donc influencés par l'avance au diagnostic, (puisque le T0 sera plus précoce pour les cancers dépistés que pour les cancers non dépistés) et donnera un apparent meilleur succès dans les groupes dépstés.
L'avance au diagnostic est un biais très bien connu inhérent au dépistage donnant une illusion de meilleure survie au cancer alors qu'on a juste anticipé sa 'date de naissance'.

Le pronostic des cancers du sein s'améliore, sans qu'il soit possible de dire quelle est la part du dépistage, des progrès thérapeutiques et des facteurs de confusion que sont le biais d'avance au diagnostic, les surdiagnostics surtout, et aussi les facteurs sociaux et économiques.

Selon les études déjà disponibles (voir article) le rôle du dépistage est vraisemblablement marginal, et l'apparent succès dans les groupes dépistés est influencé par l'avance au diagnostic.

Analyse de Dr V.Robert

Vous trouverez des réflexions ici, plus techniques sur l'étude, de notre statisticien Dr Vincent Robert : https://mypebs-en-question.fr/actus/taylor-bmj.php

Dr Vincent Robert a également publié une 'réponse rapide' à l'article dans le BMJ, à lire ici :

https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-074684/rapid-responses

"Taylor et ses collègues (1) ont publié une étude intéressante sur la mortalité par cancer du sein entre 1993 et 2015. L’étude a confirmé une diminution de la mortalité au fil du temps. Cette étude compare également la mortalité associée aux cancers dépistés avec la mortalité associée aux cancers non dépistés.
Bien que cette étude ne permette pas de tirer de conclusions sur les avantages de l’examen préalable, et malgré les avertissements explicites dans la publication, les promoteurs du dépistage l’utilisent pour promouvoir ce dépistage.

1. Cancers d'intervalles

Les deux groupes de cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par dépistage ne correspondent pas à la répartition entre femmes dépistées et femmes non dépistées. Les cancers non détectés par le dépistage comprennent les cancers d’intervalle découverts entre deux séries de dépistage chez les femmes qui participent au dépistage. Ces cancers d’intervalle sont des échecs de dépistage, et il n’est pas logique d’évaluer le rendement du dépistage en attribuant ces échecs et les décès qui en résultent aux femmes non traitées. Ce problème est loin d’être mineur : en Angleterre, les cancers d’intervalle représentent environ un tiers de tous les cancers chez les femmes dépistées (2). En outre, ces cancers d’intervalle ont un stade plus élevé avec des caractéristiques moléculaires défavorables (3).

2. Surdiagnostic.

Le surdiagnostic, qui correspond aux cancers découverts par le dépistage mais qui n’auraient jamais affecté la santé s’ils n’avaient pas été découverts, conduit à une augmentation artificielle des cancers sans augmentation des décès.
Le surdiagnostic tend donc mathématiquement à abaisser le taux de mortalité et à créer l’illusion de l’efficacité du dépistage, alors qu’en réalité, le dépistage n’a pas amélioré le pronostic des cancers "réels" ("réels" au sens de cancers susceptibles de nuire à la santé).
Encore une fois, il ne s’agit pas d’un problème mineur puisque le surdiagnostic peut représenter plus de 40 % des cancers diagnostiqués par dépistage (4).

3. Non-comparabilité entre les groupes.

Comme les deux groupes correspondant aux cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par le dépistage n’ont pas été mis en place par randomisation, la répartition des facteurs de risque de décès n’est probablement pas équilibrée entre les groupes.

Dans de nombreux cas, le défaut de réponse aux invitations du dépistage reflète des problèmes psychosociaux ou des difficultés d’accès aux établissements de santé, dont les conséquences ne se limitent pas à ne pas accepter les invitations au dépistage, mais sont également susceptibles d’affecter la prise en charge et le pronostic du cancer.

4. Biais d'avance au diagnostic

Le biais d'avance ne devrait pas jouer un rôle important dans la mortalité tardive. En revanche, il est susceptible de réduire la mortalité précoce (mortalité sur 5 ans) des cancers dépistés.

  1. Les préjudices liés au dépistage devraient également être pris en considération

Il ne suffit pas d’évaluer les avantages du dépistage.

Les préjudices liés au dépistage, tels que le stress dû aux fausses alarmes, le surdiagnostic avec répercussions psychologiques et sociales, les conséquences somatiques des traitements inutiles causés par le surdiagnostic et les cancers induits par les rayonnements par des mammographies répétées, doivent tous être pris en considération et soupesés.

L’étude ne fournit aucune information sur ces aspects (ce n’était pas non plus le but de l’étude). Toutefois, ce n’est qu’après avoir examiné tous ces facteurs - la diminution de la mortalité et le coût de cette diminution - qu’on peut porter un jugement sur la valeur du dépistage.

Et c’est à chaque femme de décider elle-même, sans coercition ni persuasion, si oui ou non elle veut être contrôlée.

La valeur du dépistage ne peut être évaluée qu'après avoir pris en compte tous ces aspects. Et chaque femme doit décider elle-même de se faire dépister ou non, sans aucune contrainte ni persuasion."

Références :

  1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
  2. Bennet RL, Sellars SJ, Moss SM. Interval cancers in the NHS breast cancer screening programme in England, Wales and Northern Ireland. Br J Cancer 2011;104(4):571-577  doi:10.1038/bjc.2011.3
  3. Ambinder EB, Lee E, Nguyen DL, Gong AJ, Haken OJ, Visvanathan K. Interval Breast Cancers Versus Screen Detected Breast Cancers: A Retrospective Cohort Study. Acad Radiol. 2023 Feb 3:S1076-6332(23)00020-X. doi: 10.1016/j.acra.2023.01.007
  4. Jørgensen KJ, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl PH. Breast Cancer Screening in Denmark: A Cohort Study of Tumor Size and Overdiagnosis. Ann Intern Med. 2017;166(5):313-323. doi:10.7326/M16-0270

Réponse rapide par Per-Henrik Zahl 

H.Zahl est épidéiologiste et statisticien au Norwegian Institute of Public Health et il répond aux auteurs https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-074684/rr

Taylor et ses collègues [1] ont publié un article intéressant sur le pronostic du cancer du sein au stade précoce diagnostiqué en Angleterre entre 1993 et 2015 et ont conclu que "le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif au stade précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990". Il n'est pas si évident que le pronostic se soit amélioré de manière substantielle, car le biais de surdiagnostic (qui comprend à la fois le biais de temps d'avance et le biais de lenteur d’évolution) n'a pas été correctement pris en compte, je pense.

Les auteurs utilisent le terme de mortalité pour décrire la survie après un diagnostic de cancer du sein. Habituellement, le terme de mortalité est utilisé pour désigner le nombre de décès pour 100 000 personnes exposées au risque de décès. Je ne trouve aucune référence aux années d'exposition au risque de la population dans cet article. Il semble donc que les auteurs étudient la mortalité (ou la survie) après un diagnostic plutôt que la mortalité telle qu'elle est normalement définie en épidémiologie. La survie après un diagnostic est une mesure valable pour comparer les thérapies anticancéreuses dans les essais randomisés ; cependant, les changements dans la survie à 5 ans après un diagnostic au fil du temps n'ont que peu de rapport avec les changements dans la mortalité par cancer pour 100 000 personnes à risque. Au contraire, l'évolution de la survie à 5 ans semble principalement liée à l'évolution des schémas de diagnostic [2]. L'évolution des schémas de diagnostic du cancer du sein est appelée surdiagnostic (défini comme la détection de tumeurs qui ne se transformeraient jamais en maladie clinique au cours de la vie de la patiente) [3].

Le niveau de surdiagnostic lors du dépistage du cancer du sein était typiquement d'environ 50 % il y a 20 ans [3]. Le surdiagnostic ne se limite pas au dépistage en tant que tel, mais il est également lié à l'introduction de méthodes de diagnostic plus sensibles, méthodes qui sont également utilisées en dehors des programmes publics de dépistage. La mammographie détecte également de nombreux carcinomes canalaires in situ (CCIS), que beaucoup considèrent comme des lésions précancéreuses. Si vrai, cela devrait permettre de détecter moins de cancers du sein invasifs, ce qui n'a jamais été observé. Le niveau de surdiagnostic augmente avec le temps en raison de l'introduction de nouvelles méthodes de diagnostic plus sensibles [4] et il en va de même pour le CCIS. Le cancer du sein invasif et le CCIS sont positivement corrélés et pas négativement corrélés.

Supposons que le niveau de surdiagnostic soit de 50 % sur une période donnée, qu'il n'y ait pas d'amélioration dans le traitement du cancer et que la survie à 5 ans soit de 80 % pour le cancer du sein à un stade précoce au début de la période. Le nombre de décès parmi les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein passerait alors de 20 pour 100 cas de cancer du sein à 20 pour 150 cas de cancer du sein, soit une réduction d'un tiers, même en l'absence d'amélioration du traitement du cancer du sein.

References
1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
2. Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Are increasing 5-year survival rates evidence of success against cancer? JAMA 2000; 283: 2975-8.
3. Zahl P-H, Strand BH, Mæhlen J. Breast cancer incidence in Norway and Sweden during introduction of nation-wide screening: prospective cohort study. BMJ 2004; 328: 921-4.
4. Bakker MF, de Lange SV, Pijnappel RM, Mann RM, Peeters PHM, et al. Supplemental MRI Screening for Women with Extremely Dense Breast Tissue. NEJM 2019; 381: 2091-102

Réponse à notre courrier de l'auteure principale

Devant la récupération par une certaine presse grand public donnant l'occasion à des défenseurs du dépistage toute latitude à s'exprimer, sans contradiction, les laissant affirmer que l'étude prouverait la suprématie du dépistage pour diminuer la mortalité par cancer du sein ces dernières décennies, nous avons écrit (ainsi que beaucoup d'autres scientifiques, le problème de la distorsion par la presse se posant dans d'autres pays) à l'auteure principale, Mme la Pr. Carolyn Taylor, et avons reçu cette réponse :

"Many thanks for your message to Professor Carolyn Taylor regarding her recent paper published in The BMJ.

Professor Taylor has received a number of inquiries arising from the publication of her paper. She would like to point out that the paper does not provide any information as to the benefits or otherwise of breast screening and that she has nothing to add to what she has already said in the paper.

Thank you again for your interest, ...
Oxford Population Health Communications"

"Un grand merci pour votre message au professeur Carolyn Taylor concernant son récent article publié dans The BMJ .

Le professeur Taylor a reçu un certain nombre de demandes de renseignements découlant de la publication de son article. Elle tient à souligner que le document ne fournit aucune information quant aux avantages ou non du dépistage du sein et qu'elle n'a rien à ajouter à ce qu'elle a déjà dit dans le document.

Merci encore pour votre intérêt ....
Oxford Population Health Communications"

Opinions

BMJ 2023; 381 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.p1355 (Published 13 June 2023)Cite this as: BMJ 2023;381:p1355

Mairead MacKenzie, patient advocate1,  
Hilary Stobart, patient advocate1,  
David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist23,  
Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist23

  1. 1Independent Cancer Patients’ Voice
  2. 2Nuffield Department of Population Health, University of Oxford
  3. 3Oxford University Hospitals, Oxford, UK

Deux défenseures des droits des patientes racontent comment elles ont contribué à l'étude de recherche sur le cancer du sein.

"Mairead MacKenzie et Hilary Stobart ont reçu un diagnostic de cancer du sein il y a quelques années. Elles ne sont que deux parmi le demi-million de femmes qui ont transmis leurs données à notre étude sur les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein au stade précoce en Angleterre. En tant que défenseures des patientes, elles ont également contribué à l'élaboration de l'étude.

Hilary et Mairead estiment toutes les deux qu'il est nécessaire de disposer d'informations actualisées sur les suites d'un diagnostic de cancer du sein au stade précoce. Elles ont utilisé leur expertise en tant que patientes pour souligner comment les données des femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein dans le passé pouvaient être utiles à la pratique clinique d'aujourd'hui. En outre, l'étude leur a également donné l'occasion de réfléchir à tout ce qui a changé depuis que le cancer a été diagnostiqué.

"On ne comprend pas vraiment ce qu'est un cancer tant qu'on ne l'a pas eu", explique Hilary. "Vous rejoignez soudain un groupe dont vous ne vouliez pas faire partie et vous vous rendez compte que vous avez énormément de choses en commun avec les autres membres de ce groupe. Vous avez une vision différente de ce qui est important".
......

L'étude fournit des estimations du risque pour chaque patient. Hilary et Mairead soulignent toutes les deux que les médecins doivent aider les patientes à comprendre que le cancer du sein "n'est pas une seule et même chose". Le pronostic varie considérablement en fonction de facteurs de risque tels que la taille de la tumeur, l'atteinte des ganglions lymphatiques et si la tumeur ait été détectée dans le cadre d'un dépistage.

"Lorsque j'ai été diagnostiquée il y a 20 ans, on ne m'a pas donné de pronostic, si ce n'est qu'il s'agissait d'une maladie grave et qu'il fallait la traiter rapidement", explique Mairead. "Mais je pense qu'une communication claire et de qualité sur le pronostic peut faire une grande différence sur la qualité de vie d'un patient et sur la façon dont il peut faire face à la situation.

"Lorsque l'on diagnostique un cancer du sein, on peut déjà connaître quelqu'un qui est décédé d'un cancer du sein", ajoute Hilary. "Elles peuvent penser que leur risque est le même, mais beaucoup d'entre elles n'ont que moins de 1 % de risque de mourir d'un cancer du sein après cinq ans.

"Pour la majorité des femmes, le pronostic est bon", reconnaît Mairead. "Cette étude le confirme et rassure, car au départ, tout le monde pense qu'il va mourir."

L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins.

Les patientes atteintes d'un cancer du sein ont contribué à cette amélioration.

"Je n'ai encore jamais rencontré de patiente atteinte d'un cancer qui ne soit pas satisfaite de l'utilisation de ses données pour la recherche", déclare Mairead. "S'il y a une chance de faire quelque chose qui pourrait faciliter la vie de ceux qui suivront, les patients disent presque toujours oui.

"Et si les gens n'avaient pas dit oui, nous n'en serions pas là aujourd'hui, n'est-ce pas ? Nous savons que notre traitement actuel est bon grâce à tout le travail qui a été fait auparavant ... le grand nombre d'essais et les milliers de femmes qui étaient prêtes à y participer.

Nos résultats font partie de cet héritage. Ils quantifient des décennies d'améliorations et posent les bases de celles à venir. En attendant, ils peuvent éclairer la façon dont les médecins parlent aujourd'hui de leur pronostic aux patients.

"C'est une bonne nouvelle", conclut Hilary. "Elle montre ce que nous avons fait et que nous devons continuer à le faire. D'autres études comme celle-ci seront nécessaires à l'avenir. Le cancer du sein n'a pas disparu. Il reste encore beaucoup à faire."

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Conséquences psychologiques des fausses alertes

C.Bour, 28 mai 2023

Conséquences psychosociales à long terme de la mammographie de dépistage faussement positive

John Brodersen et Volkert Dirk Siersma
Annals of Family Medicine Mars 2013, 11 (2) 106-115; DOI : https://doi.org/10.1370/afm.1466
https://www.annfammed.org/content/11/2/106.full

Dans le cas de la mammographie de dépistage, le préjudice le plus fréquent est un résultat faussement positif.

C'est une suspicion de cancer sur une image mammographique mais qui ne se confirmera pas, cela après bien des examens complémentaires, avec une attente pour la patiente dans un contexte de stress avant de pouvoir être rassurée que l'image vue à sa mammographie n'est pas un cancer. C'est une situation extrêmement stressante que certaines femmes vivent plusieurs fois dans leur parcours de dépistée.

On connait globalement les effets de stress à court terme, mais cette étude de cohorte de 2013 se promettait de faire une étude à plus long terme, sur trois années exactement, en examinant 454 femmes ayant présenté des résultats anormaux à la mammographie de dépistage. Elles ont été invitées à remplir un questionnaire validé englobant 12 résultats psychosociaux, avec des résultats colligés au départ, puis à 1, puis à 6, 18 et enfin à 36 mois.
Nous en reparlons ici en 2023 parce que les conséquences psychologiques et du surdiagnostic et de la fausse alerte sont souvent négligées et sous-évaluées, et comme les fausses alertes sont un évènement en recrudescence en raison de la double lecture et des progrès croissants de la détection précoce, il est important de bien connaître cet effet adverse.
Les femmes ne l'expérimentent pas moins souvent mais au contraire bien davantage, en raison des progrès technologiques détectant de plus en plus petites anomalies et les exposant à la découverte d'images diverses parmi les trois grands signes majeurs que le radiologue recherche : masse, distorsion architecturale, microcalcifications..

C'est une réalité comptable que mentionnent tous les outils d'aide à la décision, avec des résultats variables selon le groupe d'âge qui est étudié et la durée d'observation.
https://cancer-rose.fr/2021/06/27/outils-daide-a-la-decision-internationaux/
https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf
https://drive.google.com/file/d/1jh53ZZkVRTCsoK0J1DynH-gR1ugEYz8p/view

Des études déjà existantes

Des études sur l'effet psychologique des faux positifs à court terme existaient déjà.[1]
La conclusion est que les faux positifs ont des conséquences psychosociales, pour celles qui les subissent, négatives à court terme, mais les conséquences psychosociales à long terme sont plus ambiguës. Certaines études montrent des conséquences psychosociales négatives importantes, même 35 mois après un faux positif.
Mais d'autres, disent les auteurs, semblent suggérer que l'impact psychosocial négatif, au contraire, disparaît avec le temps. Ces enquêtes, cependant, ajoutent-ils, ont été réalisées en utilisant des mesures inadéquates.

Cette enquête-là sur les conséquences psychosociales à long terme des faux positifs se fait par une mesure en 2 parties : une première partie évalue les conséquences psychosociales associées à une menace directe de cancer (l'annonce d'une image considérée comme suspecte); et une deuxième partie étudie les changements psychosociaux à long terme vécus après le résultat final du diagnostic. 

Le questionnaire

Il y a 29 items dans la partie I et 13 items dans la partie II, mesurant les conséquences psychosociales d'une mammographie de dépistage anormale et faussement positive.

La partie I comprend 2 items uniques ("se sentir moins attirante" et "occupée à me changer les idées") et 6 échelles mesurant l'anxiété (6 items), le sentiment d'abattement (6 items), l'impact négatif sur le comportement (7 items), le sommeil (4 items), la sexualité (2 items) et le degré d'auto-examen des seins (2 items).  
On a 4 catégories de réponse : « pas du tout », « un peu », « assez » et « beaucoup ». 
Plus le score est élevé, plus les conséquences psychosociales négatives subies par la personne sont importantes. 

La partie II du formulaire comprend 4 échelles destinées à mesurer les changements perçus à la suite d'un dépistage mammographique :
-valeurs existentielles (6 items ; par exemple, « mes réflexions sur l'avenir sont plutôt pessimistes/optimistes » ; « mon sentiment de bien-être est moindre/mieux »); 
-impact sur les relations au sein du réseau social (3 items ; par exemple, « ma relation avec mes amis/ ma famille est moins/plus proche » ; « ma relation avec les autres est moins bonne/meilleure ») ;
-se sentir moins ou plus détendu/calme (2 items) ;
-être moins ou plus anxieux face au cancer du sein/« croire que je n'ai pas de cancer du sein » (2 items).  
A tous les éléments de ces échelles sont attribuées 5 catégories de réponse possible : « beaucoup moins », « moins », « comme avant », « plus » et « beaucoup plus ».

Résultats

Six mois après le diagnostic final, les femmes ayant des résultats faussement positifs ont signalé des changements dans les valeurs existentielles et le calme intérieur aussi importants que ceux rapportés par les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein. 
Trois ans après avoir été déclarées exemptes de cancer, les femmes avec des résultats initialement faussement positifs lors d'une mammographie ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes qui avaient eu des résultats normaux, et ce dans tous les 12 résultats psychosociaux. 

CONCLUSION 

Les résultats faussement positifs à la mammographie de dépistage causent des dommages psychosociaux à long terme.

Dans une période de 3 ans après avoir été déclarées indemnes de suspicion de cancer, les femmes présentant des expériences de faux positifs ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes présentant des résultats normaux.

Le premier semestre après le diagnostic final, les femmes avec des faux positifs ont signalé des changements tout aussi importants dans leurs valeurs existentielles et leur ressenti de calme intérieur que les femmes atteintes d'un cancer du sein.

 Trois ans après un résultat faussement positif, les femmes subissent des conséquences psychosociales qui varient entre celles subies par les femmes ayant une mammographie normale et celles ayant reçu un diagnostic de cancer du sein.


[1] Salz T , Méta-analyses de l'effet des mammographies faussement positives sur les résultats psychosociaux génériques et spécifiques . Psycho-oncologie . 2010 ; 19 (10) : 1026 – 1034 

PubMed

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Dépister la…cytoliose !

L'impact des influences dans les invitations envoyées dans le cadre d’un programme de dépistage médical : un essai contrôlé randomisé

Christian Patrick Jauernik 1,2,  Or Joseph Rahbek 1,2,  Thomas Ploug 3,  Volkert Siersma 1, John Brandt Brodersen 1,2
1  Department of Public Health, The Research Unit for General Practice and Section of General Practice, University of Copenhagen, Copenhagen, Denmark
2  The Primary Health Care Research Unit, Zealand Region, Sorø, Denmark
3  Centre for Applied Ethics and Philosophy of Science, Department of Communication and Psychology, Aalborg University Copenhagen, Copenhagen, Denmark
European Journal of Public Health, ckad067, https://doi.org/10.1093/eurpub/ckad067

Les auteurs de cette publication ont eu l'idée d'un dépistage de maladie fictive, la "cytoliose", non transmissible et potentiellement mortelle, et ont envoyé pour ce faire des invitations à un dépistage avec dépliants, dépistage tout aussi fictif.

Cet essai est randomisé avec sept bras, c'est à dire sept groupes de personnes dans un total de 600 personnes étudiées.
Chaque groupe recevait un dépliant, avec des messages qui différaient plus ou moins dans leur caractère incitatif à participer au dépistage.
Les objectifs de l'étude étaient :
1) évaluer si les différentes méthodes d'influences ont un effet significatif sur l'intention de participer à un programme de dépistage, et
2) si les participants étaient conscients de ces influences, et si il y avait une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience.

Introduction et contexte

Selon les auteurs :
"...Les programmes de dépistage du cancer s'accompagnent de nombreux préjudices involontaires tels que les faux positifs, le surdiagnostic et le surtraitement, qui peuvent entraîner des préjudices physiques, psychologiques ou sociaux. La qualité des programmes de dépistage est parfois évaluée en fonction d'un taux de participation important."

Du point de vue des autorités sanitaires il est pré-supposé qu'un programme de dépistage de maladies cancéreuses est plus bénéfique que nocif, et qu'un taux de participation élevé maximiserait les avantages escomptés de ce programme de dépistage.
En outre, on constate que les citoyens ayant un statut socio-économique plus bas ont une incidence plus élevée de maladies cancéreuses (à l'exception du cancer du sein), mais qu'ils sont moins enclins à participer aux programmes de dépistage.

"Cela incite encore plus les autorités sanitaires à rendre la participation au dépistage simple et sans obstacle afin de promouvoir l'égalité en matière de santé. Les autorités sanitaires peuvent influencer systématiquement les citoyens de manière subtile..." disent les auteurs.

"Tous les citoyens ne partagent pas la même appréciation des bénéfices et des risques que les autorités sanitaires. Et même s'ils sont d'accord avec les autorités sanitaires pour affirmer que les bénéfices l'emportent sur les risques au niveau de la population, il se peut qu'ils ne souhaitent pas participer parce qu'ils risquent, au niveau individuel, de subir plus de préjudices que de bénéfices - les données actuelles suggèrent que les citoyens les mieux informés sont moins susceptibles de participer au dépistage du cancer."

Les auteurs se réfèrent à une étude publiée en 2019 sur les méthodes d'influence qui sont utilisées par les autorités sanitaires pour pousser les populations à participer à divers programmes de dépistage : ces méthodes vont des messages anxiogènes à la minimisation des risques et des inconvénients du dépistage.
Notre Institut National du Cancer (INCa) était cité dans cette étude, dans la catégorie 1) Présentation trompeuse des statistiques et 2) Représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.
Il est d'ailleurs amusant de constater que ledit INCa est très prompt à classer la controverse du dépistage dans les fake-news dans une page intitulée "éclairages" tout en étant lui-même pris en faute de manipulation du public par sa documentation orientée et fallacieuse.

L'auteur de cette étude de 2019 sur la manipulation du public est un des co-auteurs de cette étude actuelle ; en 2019 il distinguait dans sa publication 5 catégories d'influences des personnes :
1.      Présentation tendancieuse des statistiques,
2.     Omission des effets nocifs et accent mis sur les bénéfices,
3.     Recommandations à participation,
4.     Systèmes de non-participation (opt-out) -Cela consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer.
5.     Appels à la peur.

Ces différents types d'influences affectent de manière significative la participation individuelle en contournant ou en contrecarrant la réflexion, et elles peuvent être incompatibles avec une prise de décision éclairée.

La cytoliose

Cette maladie totalement crée pour l'étude, soi-disant mortelle, a été inventée pour éviter un biais dû aux idées préconçues et aux craintes liées au cancer.

Les auteurs expliquent :
" La brochure (neutre, de base, NDLR) sur le dépistage de la cytoliose s'inspirait en partie de la brochure danoise sur le dépistage du cancer colorectal, et la cytoliose avait la même incidence et la même mortalité que le cancer colorectal.
Le programme de dépistage de la cytoliose présentait les mêmes bénéfices (par exemple, réduction de la mortalité) et les mêmes risques (par exemple, faux positifs, dommages physiques et surtraitement) que le dépistage du cancer colorectal chez un homme de 50 à 60 ans.
Les préjudices du programme de dépistage fictif ont été amplifiés par rapport au dépistage du cancer colorectal afin de mieux équilibrer les bénéfices et les préjudices liés à la participation."

Il y a eu donc sept brochures différentes qui ont été distribuées, une pour chacun des sept groupes de cette étude randomisée :
A- La brochure "neutre"
B- Une brochure avec des diminutions relatives de risque pour accentuer la réduction de la mortalité.
(A l'instar du procédé de l'INCa pour le cancer du sein, donnant des pourcentages de réduction de mortalité qui correspondent à des taux de comparaison entre des populations, mais pas du tout aux données réelles, absolues ; voir l'article : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/
Cette technique de tromperie dans la présentation de la réduction de mortalité est constamment utilisée par l'INCa, alors même que les citoyennes l'ont reproché lors de la concertation sur le dépistage du cancer du sein en 2016 ; rien n'a changé dans la communication de l'INCa et on peut toujours lire dans les documents une "réduction de mortalité de 20%", ce qui correspond en vraie vie à une seule femme dont la vie est prolongée par le dépistage sur femmes 2000 dépistées et sur 10ans de dépistage, ce qui n'est plus la même chose....
C- La troisième brochure donnait une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages, omettait les effets nocifs et mettait l'accent sur les bénéfices, là aussi très similaire aux méthodes de l'INCa avec omission volontaire des risques les plus importants, (lire https://cancer-rose.fr/2021/10/19/linca-toujours-scandaleusement-malhonnete-et-non-ethique/)
D- La quatrième brochure était basée sur les rendez-vous pris à l'avance (système opt-out, voir plus haut)
E- La cinquième brochure contenait une recommandation explicite de participation
F- La sixième brochure faisait appel à la peur
G- Et enfin, une dernière brochure contenait tous les systèmes d'influence à la fois.

Tous les types d'influence étudiés ont été inspirés par des exemples réels de programmes de dépistage du cancer.(De type brochures 2 et 4 pour notre institut français)

Toutes les brochures sont à retrouver dans l'annexe PDF

 Les résultats

A- Résultat principal : mesure de l’intention de participer

"La proportion la plus faible de personnes ayant l'intention de participer (31,8 %) a été observée dans le groupe ayant reçu la brochure neutre (A), tandis que la proportion des personnes avec intention de participait se situait entre 39,2 % et 80,0 % lorsque les autres brochures, non neutres, avaient été distribuées.."
Voir tableau 2 (cliquez pour agrandir)

L'intention de participer (sans ajustement en fonction du statut socio-démographique) a augmenté de manière statistiquement significative dans les groupes ayant reçu des brochures contenant des réductions du risque relatif (B), une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages (C), une recommandation explicite de participation (E), des appels à la peur (F) et toutes les influences combinées(G)

B- Résultat secondaire : connaissance des influences et effet de la connaissance des influences sur l'intention de participer

 Les participants étaient-ils conscients de ces influences auxquelles ils étaient soumises pour participer davantage, et y avait-il une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience des influences subies ?

"Une majorité variant entre 60,0 % et 78,3 % des participants", disent les auteurs "n'a pas indiqué avoir conscience que leur choix tentait d'être influencé (brochures B à G).
Il n'y avait pas de différence claire entre les réponses à la brochure neutre (A) et les brochures contenant une tentative délibérée d'influencer le choix des participants."

" Les participants qui ont reçu une brochure avec une influence (B-G) et qui n'ont pas indiqué être conscients que leur choix était influencé ont eu davantage l'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix et qui ont ensuite correctement localisé une influence."

Les auteurs disent aussi que les participants avec une brochure influente et non conscients de cela ont eu davantage d'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix mais qui, en revanche, ne parvenaient pas à localiser correctement cette influence.

Néanmoins, avertissent les auteurs " Les résultats secondaires doivent être interprétés avec prudence. Étant donné que les résultats secondaires sont mesurés après que les participants ont indiqué leur intention de participer, cela peut affecter leur réponse sur le fait que la brochure essayait ou non d'orienter leur choix. Nous émettons l'hypothèse que les participants qui avaient l'intention de participer pourraient être plus réticents à admettre qu'ils ont été potentiellement influencés."

En tout cas il est certain et démontré que les cinq catégories d'influences augmentent l'intention de participer lorsqu'elles sont utilisées dans les documents envoyés aux cibles des dépistages.
Moins de la moitié des participants reconnaissaient ces influences, et le fait de ne pas les connaître s'associait de facto à une augmentation de l'intention de participer.

Conclusion des auteurs

" Ces résultats appellent une réflexion et une discussion sur l'utilisation de différents types d'influence pour augmenter le taux de participation aux programmes de dépistage du cancer. Les risques potentiels de la participation à des programmes de dépistage du cancer peuvent être graves et substantiels, et l'effet escompté de l'augmentation du taux de participation par l'utilisation d'influences doit être soigneusement évalué par rapport à l'effet involontaire de contourner potentiellement le choix éclairé des participants. Il est donc nécessaire de trouver d'autres moyens d'évaluer les programmes de dépistage du cancer que le taux de participation.
L'une de ces alternatives pourrait être le taux de décisions éclairées prises par les participants potentiels au dépistage."
Et cela même si, comme le supposent les auteurs, les citoyens pourraient se sentir désemparés en prenant connaissance des multiples risques des dépistages.

D'autres aspects dans la prise de décision d'une personne de participer ou pas sont aussi à considérer :
" Le matériel d'information n'est pas le seul aspect de la prise de décision, et cette étude n'examine pas les raisons externes des choix des participants, par exemple la culture (de la santé) de la société, les attitudes propres et générales de la société à l'égard des interventions de santé, le sens du devoir, le comportement et les opinions des proches, les obstacles à l'intention et au comportement réel, les incitations financières des professionnels de la santé pour augmenter le recours au dépistage, etc. ...Les recherches portant sur les raisons externes peuvent quantifier l'importance de la prise de décision sur le matériel d'information."

"L'effet considérable des influences qui sont encore renforcées par la non-conscience (de ces influences) suggère que l'application de ces influences devrait être soigneusement examinée pour les interventions où la participation informée est prévue."

Les rédacteurs de cette publication suggèrent que des recherches supplémentaires sur les effets négatifs potentiels de ces influences soient envisagées, car les effets négatifs de ces techniques d'influence sur la population débouchent un affaiblissement de la confiance dans les autorités sanitaires.

ANNEXE-LES BROCHURES

Commentaire Cancer Rose

Cette publication, avec celle de Rahbek de 2019, rappellent une fois de plus les effets désastreux sur la santé des gens des influences néfastes que des documents d'information fallacieux et déséquilibrés peuvent entraîner.

Il faut toujours avoir à l'esprit que les documents pour des dépistages sont envoyés à des populations qui se portent bien et n'ont, a priori, aucune plainte clinique. L'influence utilisée pour les faire entrer dans des processus de dépistage potentiellement nocifs s'apparente à imposer un dispositif de santé potentiellement nuisible sans en informer les personnes et en les trompant. Ce qui est éthiquement indéfendable, et pourtant fait par les autorités sanitaires.

L'INCa français, est pointé du doigt dans l'étude de 2019, comme on peut le voir dans un tableau synthétique de létude (https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2021/04/nouveau-tableau.pdf ; voir les parties surlignées) ; plutôt que de consacrer des ressources à pointer du doigt une controverse de plus en plus présente sur la pertinence du dépistage du cancer du sein, l'institut ferait bien de consacrer temps et moyens pour corriger ses graves défauts de communication qui trompent les citoyennes françaises sur le dépistage du cancer du sein.

Concernant le dépistage du cancer du sein, nous pouvons mettre cette étude en relation avec une autre, française celle-ci, parue en 2016, démontrant que lorsqu’on donne aux femmes une information un peu plus objective sur le dépistage du cancer du sein par mammographie, elles s’y soumettent moins.( https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/)
Cette étude est passée relativement inaperçue, et pour cause, puisque pour les autorités sanitaires un seul critère compte, c'est le rendement de la participation, et que la tromperie des femmes est une thématique scientifique tout à fait assumée : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Références

1          Brodersen J, Jorgensen KJ, Gotzsche PC. The benefits and harms of screening for cancer with a focus on breast screening. Polskie Archiwum Medycyny Wewnetrznej 2010;120:89–94.

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Biologie immunitaire du cancer pour expliquer le « surdiagnostic » clinique

Traductions, restitution et synthèse par Cancer Rose, 4 mai 2023

Un diagnostic précoce accru du cancer : Révéler la biologie immunitaire du cancer pour expliquer le "surdiagnostic" clinique

Bruce A. Wauchope 1,2Brendon J. Coventry 2David M. Roder 3

1 Molechecks Australia, 1284 South Road, Clovelly Park 5042, Australia

2 Discipline of Surgery, Cancer Immunotherapy Laboratory, University of Adelaide, Royal Adelaide Hospital, Adelaide 5005, Australia

3 Cancer Epidemiology and Population Health, Allied Health and Human Performance, University of South Australia, Adelaide 5000, Australia

Cancers 202315(4),1139; https://doi.org/10.3390/cancers15041139

La régulation immunitaire du cancer est prouvée et peut expliquer pourquoi certains cancers progressent alors que d'autres restent silencieux.

Les auteurs avancent "un modèle immunitaire fondé sur des preuves, qui mérite d'être approfondi et qui pourrait expliquer le "surdiagnostic" du cancer et la prédisposition à la récurrence, à la régression et à la létalité." C'est à dire, qui pourrait expliquer pourquoi certains cancers tuent, d'autres non et d'autres encore régressent.
Ils considèrent surtout " que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures", afin d'arriver à affiner la distinction entre cancers mortels et non-mortels, et ce afin d'éviter les traitements inutiles découlant du surdiagnostic qu'apporte tout dépistage.

Résumé des auteurs

"Même si les cancers "précoces" cliniquement petits représentent biologiquement plusieurs millions de cellules, lorsqu'ils sont enlevés chirurgicalement, souvent ils ne récidivent pas ou ne se développent pas à nouveau, et ne réduisent pas la durée de vie de l'individu.
Toutefois, certains cancers précoces restent quiescents et indolents, tandis que d'autres se développent et forment des métastases, menaçant la vie de l'individu. La distinction entre ces différents comportements cliniques à l'aide de critères cliniques/pathologiques est actuellement problématique. On rapporte que de nombreuses lésions suspectes et des cancers précoces sont retirés chirurgicalement alors qu'ils ne menaceraient pas la vie du patient. Ce phénomène a été qualifié de "surdiagnostic", en particulier dans le domaine du dépistage du cancer.
Bien qu'il s'agisse d'un sujet controversé et émotionnel, il pose des problèmes cliniques et de politique de santé publique. La différenciation diagnostique entre les formes de tumeurs "non létales" et "létales" (= mortelles ou non mortelles, NDLR) est généralement impossible.
Une perspective qui s'appuie sur des preuves est qu'il existe un équilibre dynamique entre la réponse immunitaire et les processus malins qui déterminent la "létalité", où beaucoup plus de cancers sont produits sans qu'ils ne deviennent cliniquement significatifs parce que le système immunitaire empêche leur progression.
Les taux de "diagnostic" plus élevés du dépistage médical peuvent refléter des effets de temps d'avance au diagnostic (c'est à dire une détection du cancer avant qu'il ne s'exprime cliniquement, NDLR), avec plus de cancers "non progressifs" détectés lorsqu'une interaction immunitaire-cancer précoce se produit.
Nous présentons un modèle de cette interaction entre le système immunitaire et le cancer et examinons les affirmations d'"excès" ou de "surdiagnostic" qui accompagnent des technologies de diagnostic et de dépistage de plus en plus sensibles.

Nous estimons que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures, avec un potentiel de modulation du système immunitaire pour certains cancers précoces."

Introduction, problématique des dépistages

"...Le manque de données probantes concernant certains cancers, pour lesquels un dépistage plus sensible et une détection précoce ne se traduisent pas nécessairement par une réduction de la morbidité et de la mortalité, constitue une énigme majeure.

Certains cancers précoces n'évoluent pas vers des métastases et la mort, et ne mettent donc pas le patient en danger durant sa vie, et ne nécessitent pas de traitement. Il peut exister des variantes biologiques non métastatiques et non mortelles. Il est fondamental de distinguer les cancers potentiellement "mortels" des cancers "non mortels" pour que le dépistage soit bénéfique de manière sélective, tout en évitant les traitements inutiles."...
L'ampleur de la modulation par le système immunitaire du processus de malignité pourrait influencer de manière décisive les suites du cancer, y compris la létalité."

On devrait s'attendre, rappellent les auteurs, à ce que le dépistage de lésions dites "précoces" entraîne, dans une population dépistée, une réduction des cancers graves. Or ce n'est pas ce que l'on observe, il y a toujours un excédant de diagnostics dans les groupes dépistés sans changement de la létalité (taux de décès par maladie dans un groupe de malades).

" Après un certain temps (de dépistage), le taux de diagnostic précoce devrait se traduire par une réduction du taux de mortalité."
Si les taux d'incidence cumulés, c'est à dire les taux de diagnostics de cancers, ne sont pas similaires dans les groupes dépistés par rapport à une population non dépistée, avec une augmentation dans le groupe dépisté sans différence de mortalité, on peut s'interroger sur le risque de surdiagnostic de cancers "non mortels", ce qui peut soulever des questions d'éthique, de coût et d'autres questions professionnelles.
Les auteurs rappellent :
"Par comparaison, un dépistage efficace du cancer impliquerait la détection précoce des cancers à potentiel létal ou de leurs précurseurs, ce qui entraînerait une réduction de la morbidité et de la mortalité. Un dépistage efficace devrait se traduire par une réduction de la mortalité spécifique au cancer et de l'incidence des cancers avancés ajustée à l'âge."

Cette inflation de cancers non mortels et de détection inutile est ce qu'on appelle le surdiagnostic,ce qui commence à poser un important problème de santé publique car on constate ce phénomène pour tous les dépistages, entraînant les personnes dans des "maladies" qu'elles n'auraient pas dû connaître.

"Des augmentations relativement plus importantes ont été constatées entre les différents types de lésions (par exemple, davantage pour les lésions in situ du sein féminin que pour les lésions invasives). Cela s'applique au carcinome canalaire in situ par rapport à la mammographie et à d'autres cancers in situ - cancer de la prostate, du côlon, des cellules squameuses du tractus gastro-intestinal, du tractus génital et de la peau, types de cancer basocellulaire et mélanomes cutanés"

L'exemple particulier du mélanome.

" Les sous-populations ayant fait l'objet d'un dépistage du mélanome ont présenté des taux de détection et des taux de passage d'in situ à invasif plus élevés que ceux attendus à partir des données des registres de population, sans que la mortalité liée au mélanome ne soit inférieure aux prévisions ", expliquent les auteurs.

"On s'interroge depuis longtemps sur l'augmentation de l'incidence du mélanome et sur le diagnostic des formes de mélanome non létales et "non métastasantes".
Ainsi, un vocabulaire comprenant le surdiagnostic, les réservoirs asymptomatiques d'affections "indolentes", les formes "dormantes" et "non métastasantes" de mélanomes est apparu.

"... le surdiagnostic pourrait être la conséquence des tests de dépistage courants. Il est encore plus probable qu'il se produise et qu'il augmente dans les environnements de diagnostic avec l'avènement de technologies de diagnostic de plus en plus sensibles.
Certains ont émis l'hypothèse d'un abaissement des seuils pour la réalisation des biopsies, les cliniciens et les pathologistes modifiant les seuils de diagnostic, l'ensemble conduisant à une augmentation des taux de détection des cas, ce qui donne une apparente impression de réussite. "Les pathologistes, lorsqu'on leur présente des lames datant d'il y a 20 ans, augmentent les taux de diagnostic des mélanomes : 14 % des lésions gravement dysplasiques sont converties en mélanomes ."

Les auteurs résument ainsi deux grandes causes de surdiagnostics : les capacités technologiques de détection de plus en plus affinées, détectant des lésions qu'on pouvait ignorer, et la tendance à sur-grader les lésions volontairement, de peur de laisser passer quelque chose, les anatomo-pathologistes préférant proposer une classification plus péjorative de ce qu'ils voient sous le microscope.
Il y a une troisième cause décrite par les rédacteurs de l'étude :
"Des incitations financières ont également été évoquées (qui rémunèrent les médecins lors de l'intégration de leurs patients dans certains dépistages, NDLR). Tous ces éléments peuvent favoriser une incitation au dépistage.

La pertinence clinique des cancers détectés lors du dépistage devient plus discutable s'il n'y a pas de réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité."

Les auteurs proposent un modèle pour le surdiagnostic et le système immunitaire à travers le mélanome.

"En intégrant ces idées, nous présentons ici un modèle composite basé sur l'exemple du dépistage du mélanome, qui examine l'interaction entre la formation précoce de la tumeur et la réponse immunitaire," modèle que nous allons décrire un peu après.

Dynamique du cancer et taux de croissance

Le comportement biologique des cancers détectés lors d'un dépistage n'est pas constant. Les auteurs rappellent la figure que proposait le chercheur américain G.Welsch décrivant les différentes possibilités de croissance cancéreuses, que nous expliquons dans cette vidéo.

Certains cancers évoluent très vite, sont péjoratifs mais échappent au dépistage du fait de leur vélocité. D'autres évoluent lentement et n'auraient jamais nui à la personne, certains régressent, le surdiagnostic ou détection inutile se produit dans ces cas ; la personne sera traitée inutilement.

Le système immunitaire

Sur ce chapitre, beaucoup de questions sont posées, et restent en suspens, selon les auteurs : "Le cancer existe-t-il seul ou est-il en relation avec le reste de l'organisme et le système immunitaire ? Comment le système immunitaire est-il impliqué dans le microenvironnement du cancer et dans sa croissance ? Le système immunitaire peut-il influer sur la croissance des cancers ? En d'autres termes, le système immunitaire peut-il limiter la croissance du cancer, ou/et peut-il augmenter la croissance du cancer ? En outre, le système immunitaire est-il modulable ? En d'autres termes, dans quelle mesure peut-il modifier son profil, ou est-il fixe et statique ? Si le système immunitaire se modifie, peut-il affecter la croissance du cancer ? La modification du système immunitaire peut-elle entraîner un changement dans le comportement et l'issue du cancer ?"

"Il est bien établi que l'immunosuppression chez les personnes "saines" entraîne une augmentation d'au moins 3 fois du nombre de cancers" et on sait que "du côté des traitements, l'utilisation d'inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a révolutionné la survie au cancer, mais seulement pour une partie des types de cancer (environ 1 à 50 %)".

"En outre, de nombreux cliniciens connaissent des cas rares mais frappants de régression tumorale spontanée, un processus par lequel certains cancers disparaissent spontanément, potentiellement en raison de processus immunologiques. Bien que l'explication de ce phénomène reste une énigme, il pourrait être plus fréquent qu'on ne le pense, peut-être davantage dans le cas des cancers "précoces". ..
En résumé, il est prouvé que le système immunitaire peut influer sur la formation, la progression et la mortalité du cancer. Il ne s'agit donc pas d'un simple taux de croissance des cellules cancéreuses, mais d'une interaction entre le cancer et le système immunitaire."

" Cette évolution de la pensée se poursuit, avec la reconnaissance clinique croissante du fait que le système immunitaire, en plus de gérer les infections, est au cœur de la croissance, de la réparation et de la cicatrisation des tissus normaux. ..
Dans le micro-environnement tumoral, le stroma, en particulier ses composants immunitaires, interagit avec la tumeur et affecte sa croissance et sa progression".

Les données issues de grandes études cliniques, expliquent les auteurs, démontrent en effet qu'une forte infiltration des lésions néoplasiques par des populations de cellules immunitaires spécifiques constitue un indicateur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancer ; la présence de certaines cellules (macrophages, lymphocytes) peuvent avoir un effet bénéfique sur le pronostic, d'autres au contraire signent une évolution plus sombre.

"Le contrôle du système immunitaire peut être considéré comme l'arbitre influent des métastases, de la progression de la maladie et de la survie."
À la lumière des interactions immunitaires affectant la croissance dans le microenvironnement et les métastases, nous suggérons que l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur affecte de manière critique les résultats de la croissance, les taux de croissance de la tumeur, sa capacité à être indolente ou pathogène et, dans certains cas, sa disparition et sa régression."

Un modèle est proposé sur l'intrication de l'immunité et du surdiagnostic dans la progression cancéreuse.

Un modèle intégrant surdiagnostic et rôle de l'immunité

Trois résultats sont observés dans le cadre du dépistage :

1. Augmentation des taux de diagnostic
2. Augmentation des ratios in situ/invasifs
3. Augmentation des allégations de surdiagnostic

La proposition des auteurs est que ces trois résultats peuvent logiquement être des manifestations biologiques de la relation immunité-cancer dans les premiers stades (ou peut-être les plus précoces) du développement du cancer.

Cliquez sur l'image pour agrandir
Figure 2

Il est pris comme modèle le mélanome. Voici l'explication de la figure 2 :

" La tumorigénèse du mélanome implique la prolifération de mélanocytes aberrants dont l'inhibition de contact est réduite et qui sont de plus en plus décohésifs dans un organisme multicellulaire. La surveillance du système immunitaire détecte la tumeur à (A). Si le système immunitaire favorise la tumeur, la partie supérieure grise du diagramme (B) devient opérationnelle. La tumeur est alors facilitée dans sa croissance, comme cela se produit dans la cicatrisation proliférative. Dans le microenvironnement tumoral, les cellules immunitaires innées telles que les macrophages peuvent être associées à la progression de la tumeur. Sur le plan clinique, les mélanomes nodulaires à croissance rapide en sont un exemple. Ils pénètrent profondément et se propagent moins latéralement. Bien qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de l'ensemble des mélanomes, ils sont à l'origine de 30 % des décès."

Voilà décrite la situation dans le cas où le système immunitaire sera facilitateur pour le développement tumoral.
Que se passe-t il au contraire si le système immunitaire freine a progression tumorale ?
Dans ce profil immunitaire de "freination", on peut assister à trois modèles :
"Le mélanome entre dans une phase de régression, avec selon le diagramme (1) l'élimination, (2) l'équilibre, ou (3) la fuite, comme décrit :

(1) Élimination de la tumeur : La "régression" immunitaire associée aux lymphocytes peut éliminer toute trace histopathologique de mélanome. Sur le plan clinique, il s'agit d'une régression spontanée ou d'un mélanome primaire en régression.

(2)Équilibre : Le système immunitaire n'a pas éliminé la tumeur, mais l'a freinée. La tumeur et le système immunitaire peuvent atteindre un état d'équilibre. Sur le plan clinique, on retrouve ce phénomène dans les données post-mortem des personnes décédées avec un cancer, mais pas de cancer. C'est peut-être là que se trouve une grande partie du réservoir de surdiagnostic.

 (3)Échappée immunitaire : Le cancer peut d'abord être freiné par le système immunitaire, puis le vaincre. Si le système immunitaire élimine la tumeur primaire après la libération des métastases, des métastases secondaires sans primitif connu apparaissent. Cliniquement, on parle de "mélanome occulte" ou de "mélanome d'origine primaire inconnue", qui survient dans environ 3 %."

Que fait le dépistage dans ce modèle, comment intervient-il ? Il faut examiner à présent le champ D, correspondant à l'intervention d'un dépistage minutieux par dermatoscopie.

" Le dépistage à (D) permet d'obtenir
1. Un taux de détection des mélanomes plus élevé et une augmentation encore plus importante du taux de détection des mélanomes in situ par rapport à ce que l'on trouverait dans un registre du cancer basé sur la population. Cela donne,
2. Une augmentation du ratio mélanome in situ/Invasif. L'augmentation du taux de détection des mélanomes et des mélanomes in situ, malgré l'absence de réduction de la mortalité, donne :
3. Un surdiagnostic relatif."

On comprend ainsi que la détection précoce intervient alors que le système immunitaire ne s'est encore pas exprimé, ne laissant pas de 'chance' aux cancers qui ne se développeront pas de rester non découverts.
Ceci est d'un impact important lorsqu'on sait que le dépistage du mélanome n'a pas eu pour effet de diminuer la mortalité par ce cancer. Lire une réflexion du Lown institute : https://lowninstitute.org/balancing-prevention-and-overdiagnosis-in-skin-cancer-screening/

Conclusion des auteurs

"Si le système immunitaire contrôle le cancer dans tous les cas ou dans la plupart des cas, le surdiagnostic peut en fait être le reflet de l'étendue du contrôle immunitaire sur la capacité des cellules cancéreuses à se comporter de manière non métastatique (ou pas).

1.              Le surdiagnostic du cancer par le dépistage peut également avoir une base immunitaire, ce qui est confirmé par des preuves de plus en plus nombreuses.

2.              Le profilage cellulaire/immunitaire fait actuellement défaut pour identifier les lésions qui seront contenues par la défense immunologique, ou qui seront éliminées, ou qui évolueront vers des métastases.

3.              Il n'existe actuellement aucun moyen clinique ou pathologique de quantifier l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur pour décider de la nécessité d'un traitement.

4.              L'interaction entre le système immunitaire et la tumeur devrait faire l'objet d'une recherche accrue afin de mieux comprendre et d'améliorer la lutte contre le cancer. La peau, en tant qu'organe externe, est idéalement accessible pour cette recherche."

"On considère que nous risquons de devenir de plus en plus performants dans la détection des cancers précoces qui ne menacent pas le patient au cours de sa vie - avec l'indécision clinique actuelle quant aux cancers qui deviendront invasifs ou métastatiques, et ceux qui ne le deviendront pas. L'arbitre pourrait en effet ne pas être uniquement les cellules cancéreuses elles-mêmes, qui ont fait l'objet de tant d'attention jusqu'à présent, mais plutôt le comportement dynamique et la force de la réponse du système immunitaire de l'hôte."

" Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir la distinction entre les cancers qui peuvent évoluer vers la fatalité et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le font pas. De cette manière, un diagnostic plus précis pourrait bien être obtenu afin de réduire tout excès de diagnostic de cancer qui n'est pas associé à une signification clinique, y compris la mortalité."

Commentaires Cancer Rose

Tout d'abord il est salutaire qu'enfin une publication considère le problème du cancer non pas par le mauvais bout de la lorgnette, à savoir sa détection en aval, mais se préoccupe plutôt de la nécessité de revenir à la recherche fondamentale, en amont, et de poser la question de ce qui va faire d'un cancer une lésion mortelle ou pas.
Il nous faut, pour solutionner cette question, revenir absolument aux recherches fondamentales et approfondir les connaissances sur ce qu'on appelle 'histoire naturelle du cancer'.

Cependant, tout le raisonnement de l'étude tient sur une hypothèse, laquelle est toujours profondément ancrée dans nos esprits, à savoir la "précocité" de la détection. Or cette précocité est une notion arbitraire. La précocité suppose une croissance linéaire et continue du cancer. Or ce modèle de croissance tumorale est faux ; la question est : à partir de quand est-on malade ? Où commence la maladie ? Et la réponse n'est pas dans la taille tumorale. Certains cancers du sein peuvent être volumineux, de très bon pronostic et, non découverts, sans plainte du patient, et inversement.

D'autre part, s'il est certain que le système immunitaire a un rôle important dans le développement cancéreux, il n'est pas le seul acteur.
Le cancer est aussi le marqueur d’une souffrance cellulaire dont l’origine peut être métabolique et en lien avec le milieu extérieur ce qui ne doit pas être occulté.
Un gène d'expression d'un cancer peut grandement favoriser l'apparition d'un cancer, mais pas obligatoirement si l'environnement rencontré n'est pas suffisamment délétère pour déclencher ce cancer. Par exemple, toutes les femmes porteuse du gène muté BCRA ne développeront pas un cancer du sein, car malgré l'augmentation importante du risque de développer un cancer, il reste tout de même 30 à 60% de femmes portant le gène muté BCRA1 , et 50 à 60% des femmes porteuses du gène muté BCRA2 qui ne mourront pas de ce cancer et vivront jusqu'à un âge avancé pour décéder de tout à fait autre chose.

Pour finir, on ne connait pas précisément encore quel est le rôle réciproque des cellules spécifiques épithéliales d'un organe et de son tissu de soutien dans l’émergence de la malignité.
Nous citons l'ouvrage de Bernard Duperray, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion, aux éditions Souccar :

"Des expériences sur l’animal suggèrent que la recombinaison de cellules mammaires altérées par des mutations avec un stroma normal aboutit rarement au développement d’une tumeur, alors que la recombinaison de cellules spécifiques du sein normales avec un stroma altéré entraîne la formation de tumeurs.

Les travaux de l’équipe de Maricel Maffini (faculté de médecine de l’université Tufts, Boston, États-Unis) montrent en effet le rôle crucial du stroma de la glande mammaire dans le processus de cancérisation. Les chercheurs ont greffé des cellules cancéreuses mammaires à des rates. Le stroma a empêché le développement de ces cellules cancéreuses et encouragé leur croissance normale. Cette capacité des cellules normales du stroma à reprogrammer des cellules épithéliales cancéreuses est dépendante de l’âge et de la parité (antécédents ou non de mise bas)."
Réf : maffini mv, calaBro Jm et al. Stromal regulation of neoplastic development: age-dependent normalization of neoplastic mammary cells by mammary stroma. The American Journal of Pathology. 2005 Nov;167(5):1405-10.

Cette étude de Maffini suggère qu’une interaction fondamentale a lieu entre deux milieux cellulaires, le cancer a donc une histoire extrêmement complexe que nous ne connaissons pas en totalité, elle est dépendante de la nature biologique intrinsèque même du cancer, mais certainement aussi de l'immunité comme le suggère l'étude que nous venons de synthétiser, mais aussi de l'environnement dans une grande mesure certainement, et pour finir de l'interaction de la cellule avec le milieu dans lequel elle baigne.

Rien n'est simple, et prétendre venir à bout du cancer par une détection précoce avec des dépistages intempestifs et inopérants, comme nous le voyons quotidiennement, est un non-sens arrogant.
De plus il n'est pas éthique de dissimuler cette complexité au public et de lui faire miroiter, dans un charlatanisme médical éhonté, de pourvoir à son bien alors que nous fabriquons du surdiagnostic en pagaille dans la très grande majorité des dépistages, et que nous continuons ces dispositifs médicaux à grand renfort de publicités, incitant les populations démunies en information lors de grands barnums médiatiques dont octobre rose est un désespérant avatar.

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