Quel bonheur ce cancer ! Grâce à lui, sous prétexte de lutter contre ses méfaits on nous ferait avaler n’importe quoi. A commencer par du fromage. On l’a rêvé, Tupperware l’a fait.
https://www.cancerdusein.org/mecenes/partenaires/tupperware
« Avec un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars, Tupperware est l‘un des plus importants fabricants mondiaux d‘ustensiles de cuisine et d’articles en matière synthétique pour la maison et les loisirs. » Voilà ce qu’ils disent, les tupper-warriors, et ce qu’ils font en 2014 : reverser un euro par cave à fromage vendue, à l’association « le cancer du sein, parlons-en » (Actuelle association Ruban Rose).
http://tupperwaregresivaudan.centerblog.net/2-octobre-rose
La cave à fromage, ce n’est pas n’importe laquelle, elle est rose, ce qui change tout. Récapitulons, un milliard de dollars de chiffre d’affaires, 30.10 euros la cave, un euro par objet reversé à la lutte contre le cancer….
Quand on demande à l’association si l’objectif de la lutte contre le cancer ne leur paraît pas un peu éloigné de la cave à fromage, l’association répond qu’elle a refusé tout partenariat avec des marques d’alcool , ce qui ne répond pas à la question de l’objet de la cave à fromage en lui-même, si singulièrement dénué de lien avec le cancer du sein. On serait tenté d’avoir des soupçons de quelques velléités de la part de ces marques de faire du business en surfant sur la vague rose, à l’instar de la Fiat rose, du yaourt rose, de la Ronde des Pains qui commercialise la baguette rose pendant le mois d’octobre, des Galeries Lafayette qui se parent de rose etc etc etc..
Mais à qui profite cette incitation d’année en année de plus en plus débordante à la campagne d’octobre rose et aux « actions » organisées pendant ce mois, qui revient aussi sûrement tous les ans que la migration du pinson du nord, du tarin des aulnes ou de la grue cendrée ? Si seulement la vague rose pouvait prendre le chemin inverse……
L’association « le Cancer Du Sein, Parlons-En » (actuellement Ruban Rose donc), aux partenaires multi-marques, (cliquez sur l’onglet « nos mécènes ») est organisatrice des « Prix Ruban Rose ». Ce prix récompense et dote des projets de recherche originaux. C’est un vrai rapport « gagnant-gagnant », car parmi les partenaires du prix on retrouve les fameuses enseignes mais aussi le laboratoire pharmaceutique Lilly par exemple, commercialisant le Gemzar, médicament anti-cancéreux, et dans la rubrique « la recherche », l’association sur son site ne manque pas de citer les fameux médicaments d’anti-angiogénèse chers à Roche (Avastin).
Prenons l’un des partenaires, au hasard Bobbi Brown: sur le site de l’association l’enseigne proclame « 10 % du prix de vente sera reversé à l’association « Le Cancer du Sein, Parlons-en ! ». »
Mais, combien cela fait ?
Pour le partenaire Cora c’est un peu plus précis, pour tout soutien-gorge acheté (au moins le produit est plus ou moins en relation avec la cause), 2,5 euros seront reversés à l’association. Parmi les partenaires de Cora on retrouve encore des enseignes : Athena, Dim, Triumph et bien d’autres, ceci mettant en évidence le système tentaculaire et « réseauté » des marques reliées les unes aux autres.
On apprend que Cora a reversé 82 003 euros au Prix Ruban Rose en 2013. Cette belle création de l’association Ruban Rose permet de ventiler beaucoup de moyens d’un vase communiquant à l’autre. Car ces prix, comme il est expliqué sur le site de l’association Ruban Rose sont : « créés par l’association ‘Le Cancer du Sein, Parlons-en !‘ et financés grâce aux efforts des membres fondateurs de l’Association, de ses différents partenaires et supporters. »
Ainsi le don de l’acheteuse passe d’abord par l’enseigne commerciale, transite par l’association Ruban Rose, atterrit dans une dotation pour la recherche qui créera, entre autres projets, des molécules qui pourront être commercialisées par le laboratoire pharmaceutique sponsor de l’association. Ladite molécule la traitera de son futur cancer du sein, lequel pourra d’ailleurs être fabriqué par les solvants contenus dans les produits cosmétiques du sponsor, ou par exemple les matières plastiques utilisées par Tuperware (un autre sponsor), par les constituants de téléphones portables de PNY-technologies (aussi sponsor), par le diesel émis des motos lors du Trophée Rose des Sables (itou)… Tout le monde y gagne, enfin presque…
Mais récapitulons, l’intitulé de notre article était bien :
–les enseignes, rôles et obligations–
Nous avons vu leur rôle, qu’en est-il de leurs obligations ? Existe- t il une sorte de « cahier des charges éthique » ? Que nenni, il n’y en a aucun, pourtant les questions auxquelles les marques et enseignes devraient être dans l’OBLIGATION légale de répondre, par souci de transparence, seraient les suivantes :
1-Quel pourcentage des dons engrangés est reversé, et quel est le montant maximal donné à la cause ? (certaines enseignes l’affichent)
2-Quel est le budget marketing ? Quelle est sa proportion par rapport à la somme « reversée » à la cause ? Est-ce que ce budget ‘marketing et fonctionnement’ est égal, inférieur ou supérieur à la partie reversée ?
3-Quels sont les destinataires, et surtout quels types de programmes sont financés par ces sommes engrangées ? Cela est parfois affiché, mais les libellés sont …mystérieux voire hermétiques pour le lecteur lambda. Par exemple le Prix Ruban Rose 2014 récompensait le projet suivant :
« Identification de nouvelles thérapeutiques ciblées dans le cancer du sein à l’aide d’un large panel de tumeurs humaines xénogreffées »
4-Qu’advient-il des résultats de la recherche ? Sont-ils publiés ? A qui l’information scientifique est-elle donnée, quelle est la retombée exacte en matière d’avancée sur le cancer du sein ?
5-Enfin, le produit vendu par le partenaire commercial pour la cause comporte-t il une éventuelle toxicité ou effet néfaste en matière de santé publique ou de santé spécifiquement de la femme ?
Pourrait-on envisager également ce même « cahier des charges éthique » pour les associations qui promeuvent directement les marques, telles que le CDSPE, en leur imposant :
1- De s’abstenir de tout message médical sans avoir informé la lectrice de toutes les données, à savoir des bénéfices et risques de telle ou telle technique d’imagerie par exemple, ou alors d’évoquer les aspects médicaux en renvoyant sur une information médicale complète et objective que la lectrice pourrait retrouver facilement. C’est à dire d’informer sur la controverse qui existe autour du sujet.
2-De donner les résultats chiffrés et précis des recherches qui ont été financées par le Prix Ruban Rose, et des informations sur l’aboutissement concret de ces recherches.
3-D’inciter les femmes à rechercher une information balancée.
On retrouve même sur le site de l’association Ruban Rose, site non-médical, une mention sur les bienfaits du dépistage qui décline les avantages de la mammographie, de l’échographie, de l’IRM :
http://www.cancerdusein.org/les-cancers-du-sein/la-recherche/progres-techniques-et-medicaux
« La lutte contre le cancer du sein passe aussi par des progrès pour le dépistage du cancer. Ces progrès concernent l’imagerie et également les tests génétiques de dépistage pour le cancer du sein. »
Et de rajouter : « N’hésitez pas à en parler avec votre médecin traitant. »
Cette phrase sibylline ne mentionne bien sûr pas que ledit médecin traitant perçoit une prime à l’incitation des patientes au dépistage du cancer du sein selon une convention médecins-Assurance Maladie ; 2% des généralistes ont refusé cette incitation pécunière……
Pour finir, ci-dessous une phrase était visible initialement sur le site de l’association Ruban Rose publiée sans vergogne et contenant une contre-vérité, une assertion fausse et contredite depuis des études rigoureuses conduites dans les pays scandinaves, et aux Pays Bas plus récemment : « D’après les données fournies par l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé), les premiers essais randomisés de dépistage ont montré que la mammographie pratiquée tous les 2 ans permet de réduire de l’ordre de 30 % la mortalité spécifique des femmes de 50 à 69 ans, après 7 à 13 ans de suivi. »
Actuellement, l’association est bien obligée de publier des chiffres plus actuels et bien plus décevants, de l’ordre de 15 à 20%. (http://www.cancerdusein.org/les-cancers-du-sein/le-depistage-precoce/le-depistage-organise-en-france)
Pourquoi cette présentation est-elle fallacieuse et trompe les femmes ?
Explication fournie ici : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/
Cela ne signifie en aucun cas que 20 femmes sur 100 dépistées, en moins, mourront. Cela signifie que sur 2000 femmes, et sur 10 années de dépistage, une seule femme sera épargnée tandis que dans le même temps 20 femmes subiront un diagnostic et un traitement inutiles et que 200 femmes recevront une fausse alerte.
Article à lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/19/quelle-est-la-difference-entre-fausse-alerte-et-surdiagnostic/
En effet, il faut restituer les données en valeurs absolues :
Si sur 1 000 femmes dépistées 4 meurent d’un cancer du sein, et que sur un groupe de femmes non dépistées 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en chiffres absolus cela ne fait qu’une différence d’une seule femme... C’est pour cela qu’il convient de toujours exiger une présentation en données réelles, et non en pourcentage ce qui enjolive la situation.
Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/
L’évolution de la mortalité par ce cancer est favorable ces dernières décades, c’est vrai : mais c’est un phénomène connu, attribuable aux traitements, à l’arrêt de la prescription systématique des traitements hormonaux substitutifs, à une meilleure vigilance des femmes qui consultent lors de l’apparition d’un signe d’appel, et on récolte peut-être enfin les fruits des campagnes relatives aux facteurs de risques. Plusieurs études d’impacts notent que :
- la diminution de mortalité, partout où elle est constatée, est plus forte chez femmes de tranches d’âges jeunes,
- elle existe autant chez les femmes non dépistées (étude Miller)
- elle est moindre que pour d’autres formes de cancers, alors que des moyens colossaux sont mis en oeuvre pour le dépistage du cancer du sein.
- d’autres formes de cancers sont aussi concernées dans cette baisse de mortalité, alors que ces cancers ne sont pas intégrés dans des campagnes de dépistage.
- les études d’impact démontrent que la réduction de mortalité est imputable aux thérapeutiques anti-cancéreuses, en développement depuis les années 90.
- La décroissance de mortalité n’est pas corrélée avec le temps d’instauration du DO, on la perçoit dès les années 90, alors qu’aux US et en Suède le dépistage intervient dans les années 80, en France seulement en 2004.
Le surdiagnostic, effet secondaire indésirable majeur du dépistage est un aspect non évoqué sur le site de l’association, ce qui pourtant pourrait faire pencher la balance bénéfice/risque du dépistage vers la seconde mention..
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