Préférences de dépistage mammographique chez les femmes dans la quarantaine

https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M23-3325

Traduction et synthèse Cancer Rose, 18/07/2024

Il s’agit, dans cette publication dans Annals of Internal Medicine d’une enquête nationale par sondage en ligne aux Etats Unis, financée par l’Institut du Cancer américain, qui vise à examiner les préférences en matière de dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 39 à 49 ans sans antécédents de cancer du sein ou une mutation du gène BRCA1/2 connue, et avec l’aide d’une aide à la décision.

En effet l’USPSTF (groupe de travail sur les recommandations américain) a récemment modifié ses recommandations sur l’âge du début du dépistage, indiquant, comme les auteurs de l’article le rappellent, « que toutes les femmes devraient commencer la mammographie biennale régulière à 40 ans. Les justifications de la recommandation mise à jour comprennent les disparités raciales dans les résultats du cancer du sein ainsi que l’augmentation de l’incidence du cancer du sein chez les femmes plus jeunes. Cependant, ces justifications ont été remises en question au motif qu’un meilleur dépistage pour toutes les femmes pourrait ne pas résoudre efficacement ces problèmes. »
Les contestations ont été multiples et argumentées, ce dont nous avons parlé ici.

Il existe un équilibre précaire entre les bénéfices et les risques du dépistage, maintenant que beaucoup d’études se sont accumulées, montrant un bénéfice très minime par rapport à ce qui était initialement attendu et mis en avant, et des inconvénients majeurs dont les femmes ne sont pas toujours bien informées.
« Ce compromis entre les risques et les avantages du dépistage du cancer du sein est susceptible d’être perçu différemment par différentes personnes, ce qui suggère un besoin de choix éclairé de la patiente. L’USPSTF préconise des décisions éclairées à tous les niveaux de ses recommandations. » Ecrivent les auteurs dans Annals of Internal Medicine.

Les outils d’aide à la décision sont des moyens modernes qui facilitent et la compréhension et la mémorisation des données pour la population concernée, et sont ainsi une aide précieuse pour la prise de décision éclairée des patientes. Ils sont de plus en plus utilisés, comme vous pouvez le voir sur le site Cancer Rose où nous en avons répertoriés plusieurs.

Les questions de recherche dans l’étude étaient les suivantes :

  • Premièrement, quelle est la variabilité des préférences en matière de dépistage, en particulier l’âge privilégié pour commencer un dépistage régulier, avant et après avoir été informés des avantages et des inconvénients du dépistage?
  • Deuxièmement, les préférences de dépistage sont-elles liées aux caractéristiques des participants, en particulier leur risque personnel de cancer du sein ou liées aux caractéristiques démographiques des personnes?
  • Enfin, les renseignements sur les avantages et les inconvénients de la mammographie entrent-ils en conflit avec d’autres messages de dépistage que les gens ont entendus?

Il fallait environ 20 minutes pour répondre au sondage.
Concernant le surdiagnostic, étant donné les difficultés à communiquer sur le concept de surdiagnostic, relativement contrintuitif, l’aide à la décision a inclus 3 pages expliquant ce concept.

Résultat

« Avant la visualisation de l’aide à la décision, 27,0 % des participantes préféraient retarder le dépistage (par rapport à la mammographie à leur âge actuel), comparativement à 38,5 % après l’aide à la décision.
Il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de personnes qui ne veulent jamais subir de mammographie (5,4 % avant l’aide à la décision contre 4,3 % après l’aide à la décision).
Les participantes qui préféraient retarder le dépistage avaient un risque de cancer du sein plus faible que ceux qui préféraient ne pas le remettre à plus tard.
L’information sur le surdiagnostic était jugée surprenante pour 37,4 % des participants contre 27,2 % , et pour 22,9 % concernant l’information sur les résultats faussement positifs et les bénéfices du dépistage (moindres qu’attendus par les patientes NDLR), respectivement. »

Ces résultats rejoignent ceux d’une étude australienne de 2010, écrivent les auteurs,  « dans laquelle 65% des femmes dans la quarantaine voulaient commencer le dépistage à leur âge actuel avant d’être informées, contre 52% après avoir été informées (24). Il n’y avait pas de doute que le fait d’être informé des avantages et des inconvénients de la mammographie décourageait les gens de vouloir se faire dépister à tout âge, et ceux qui voulaient se faire dépister à leur âge actuel avaient un risque de cancer du sein légèrement plus élevé en moyenne que ceux qui voulaient attendre. »
Mathieu E, Barratt AL, McGeechan K, et al. Helping women make choices about mammography screening: an online randomized trial of a decision aid for 40-year-old women. Patient Educ Couns. 2010;81: 63-72. [PMID: 20149953] doi:10.1016/j.pec.2010.01.001

« Parmi les raisons fréquemment invoquées pour retarder le dépistage, mentionnons le manque d’antécédents familiaux, le faible risque de cancer et l’inquiétude au sujet des méfaits du dépistage. Ces données suggèrent que de nombreuses personnes qui veulent retarder le dépistage prennent en considération les preuves et décident que, pour elles, les préjudices l’emportent sur les avantages à leur âge actuel. »

En revanche, dit encore la publication, les femmes qui préfèrent être dépistées à leur âge actuel accordent une importance à la détection précoce et « beaucoup ont mentionné des antécédents familiaux de cancer ainsi que des seins denses. Ces données donnent à penser que bon nombre de ces femmes examinaient également les données probantes et décidaient que, pour elles, les avantages du dépistage l’emportaient sur les préjudices. »

Conclusion 

Il y a des femmes dans la quarantaine qui préféreraient passer une mammographie à un âge plus avancé, donc plus tard qu’à 40 ans, surtout après avoir été informées des avantages et des inconvénients du dépistage. Les femmes qui voulaient retarder le dépistage présentaient un risque de cancer du sein inférieur à celui des femmes qui voulaient subir un dépistage à leur âge actuel.

Beaucoup ont trouvé des informations sur les avantages et les inconvénients de la mammographie surprenantes.
« Les renseignements sur les avantages du dépistage ont peut-être été surprenants parce que les chances d’en bénéficier étaient moindres que prévu. (Lire ici)
L’information sur le surdiagnostic a été classée comme la plus surprenante et différente des messages de dépistage antérieurs, ce qui indique que certaines personnes ne sont peut-être pas systématiquement informées des méfaits du dépistage, en particulier du surdiagnostic, ce qui concorde avec les constatations antérieures. »
Certaines femmes préfèrent donc remettre à 50 ans leur dépistage après avoir été dûment informées.

L’USPTF approuve bien un choix éclairé dans ses recommandations, toutefois soulignent les auteurs de cette étude, « l’absence de formulation favorisant un choix éclairé dans la ligne directrice elle-même peut créer de la confusion chez les cliniciens quant à savoir s’ils devraient discuter à la fois des avantages et des inconvénients du dépistage avec les patientes, ou plutôt fournir uniquement des renseignements qui maximisent l’utilisation du dépistage. »

« Ces données soulignent l’importance de réduire les obstacles à l’obtention des soins souhaités et d’informer les femmes des avantages de la mammographie, des méfaits et des estimations personnelles du risque de cancer dans le cadre des consultations de dépistage. »

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