Perturbation des dépistages durant la pandémie : des inconvénients ? Des avantages aussi

28 mai 2022,

Durant la pandémie Covid, des Cassandre de tout poil et des médias  de tous horizons ont lancé de terribles prévisions et avertissements selon lesquels les perturbations des programmes de dépistage des cancers entraîneraient un «tsunami» de cancers avancés du sein, de la prostate, du côlon, du col de l'utérus et des décès. 
Des oncologues ont fait courir des bruits terrifiants selon lesquels une diminution es dépistages du cancer pendant cette période de Covid-19 entraînerait des décès en masse. Cette prédiction est fortement remise en question par plusieurs scientifiques qui s'expriment dans divers medias scientifiques et dans cette publication d'auteurs australiens du 27 avril dernier, considérant même la période de cessation des dépistages comme une "expérimentation naturelle" pour enfin évaluer avec justesse les bénéfices et les inconvénients des soins de santé de routine.
Online early publication https://doi.org/10.17061/phrp32122208
https://www.phrp.com.au/wp-content/uploads/2022/04/PHRP32122208.pdf

Considérer les avantages potentiels, ainsi que les inconvénients, résultant de la perturbation des programmes de dépistages des cancers et d'autres services de santé à cause du COVID-19

Katy JL Bell a,b,f, Fiona F Stanaway b, Kirsten McCaffery a,b,c, Michael Shirley a and Stacy M Carter a,d,e
a  Wiser Healthcare Research Collaboration, Sydney, NSW, Australia
b  School of Public Health, Faculty of Medicine and Health, University of Sydney, NSW, Australia
c  Sydney Health Literacy Lab, Faculty of Medicine and Health, University of Sydney, NSW, Australia
d  Australian Centre for Health Engagement, Evidence and Values, University of Wollongong, NSW, Australia
e  School of Health and Society, University of Wollongong, NSW, Australia
f  Corresponding author. katy.bell@sydney.edu.au

Points clés

- La surmortalité mondiale enregistrée en 2020 a été attribuée à la COVID-19 ainsi qu'à d'autres causes. Le taux de mortalité a touché de manière disproportionnée les personnes les plus défavorisées et les plus marginalisées.

- Les réponses pandémiques visant à empêcher la propagation du COVID-19 auraient peut-être aussi contribué à éviter des décès dus à des causes autres que le COVID-19, notamment ceux résultant de diagnostics, d'examens et de traitements inutiles.

- La recherche examinant les avantages et les inconvénients liés à la perturbation des soins de santé causée par le COVID-19 pourrait aider les services de santé à fournir des soins de santé de telle sorte que pour les patients il en ressorte un maximum d'avantages pour leur santé avec un minimum d'exposition à des inconvénients.

Résumé

Depuis 2020, dans le monde entier on enregistre des centaines de milliers de décès en excès par rapport à ce qui était attendu.
Au cours de la pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19) les priorités de recherche ont consisté à maîtriser la propagation de l'infection et à minimiser les pertes de vies humaines.
Toutefois, il sera peut-être possible de tirer des enseignements de la pandémie pour mettre en place un meilleur système de soins de santé, qui offre un maximum d'avantages pour la santé et le moins d’inconvénients possibles.

Jusqu'à présent, une attention particulière a été accordée aux bénéfices manqués, imputés à la récession des dépistages du cancer lors de la pandémie.
Mais une approche plus équilibrée consisterait à reconnaître que tous les services de santé présentent aussi des inconvénients potentiels.
Ainsi, nous pourrions être en mesure d'utiliser les "expériences naturelles" liées à la pandémie pour identifier les cas où la réduction d'un service de santé n'a pas été préjudiciable à la population, et même où la défection de certains services auront pu être bénéfiques.

Lire : une expérience naturelle au travers de la pandémie

Impact de la pandémie COVID-19

L'année 2020 a connu plus de 500 000 décès de plus que prévu, rien qu'aux États-Unis[1] et une augmentation des décès dans le monde entier.[2] Ces décès excédentaires à l'échelle mondiale peuvent être regroupés en trois catégories :

  • les décès identifiés comme étant liés à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19),
  • les décès liés à la CoVID-19 mais non identifiés en tant que tels,
  • les décès dus à d'autres causes.

    La cause la plus évidente de décès excédentaires est celle des personnes chez qui l'on a diagnostiqué la COVID-19.
    Cependant, il y a eu beaucoup plus de décès en excès en 2020 que ceux directement attribués au COVID-19.[3] Une cause moins évidente de décès en excès est la non-déclaration de cas en raison d'un sous-dépistage et d'un sous-diagnostic. En Australie par exemple, disent les auteurs, les décès en excès attribués à une 'pneumonie' à la fin mars et en avril 2020 suggèrent que certains décès réellement dus au COVID-19 ont été manqués au début de la pandémie, lorsque l'accès au dépistage était plus limité.[4]

La cause la moins apparente de décès excédentaires est celle des décès liés à la COVID-19 mais causés par les effets indirects de la pandémie, notamment par la perturbation massive des systèmes de santé.
Bien que l'Australie s'en sorte mieux que la plupart des pays en termes de décès dus au COVID-19 et à d'autres causes[5] [6], les auteurs estiment qu'il faut prendre ce constat au sérieux. Dans le monde, il y a encore beaucoup de souffrance pour les travailleurs de la santé de première ligne et pour tous ceux qui voient la pandémie se développer, et leur vie changer.
Il est préoccupant de constater que la pandémie a exacerbé les inégalités en matière de santé dues à des déterminants sociaux, la charge de la mortalité (causée directement et indirectement par le SRAS-CoV-2) frappant de manière disproportionnée les personnes les moins bien loties et les plus marginalisées sur le plan culturel et linguistique, y compris les personnes de couleur[7].
Il faut être conscient de ces causes de décès et redoubler d'efforts pour lutter contre les injustices structurelles, en s'attelant aux causes profondes des inégalités de santé qui perdurent et sont omniprésentes.

La pandémie a-t-elle pu aussi sauver des vies ?

Mais dans ce tableau certains changements imposés par la pandémie à la société ont pu peut-être sauver des vies.
Les décès évités pendant la pandémie seraient dus à des facteurs évidents et moins évidents. La diminution du nombre de décès dus à la grippe[8], à la pneumonie et à d'autres agents pathogènes respiratoires autres que le SRAS-CoV-2 est le facteur le plus flagrant et résulte très probablement des mesures de lutte contre la pandémie.[9]  [10]
La réduction de la pollution atmosphérique due aux mesures de confinement imposées par de nombreux pays est moins évidente, les modélisations suggérant que plus de 300 000 décès ont été évités rien qu'en Chine et en Europe.[11]

Et puis il y a le facteur le moins évident et le plus contre-intuitif, qui est la possibilité que des vies aient été sauvées grâce à un recours réduit à des soins de santé qui auraient autrement causé des préjudices.[12] Ces décès peuvent avoir été évités parce que certaines personnes ont évité des tests, des diagnostics et des traitements inutiles, et que le risque de dommages lié à ces interventions l'emporte sur le potentiel bénéfice.

Le bénéfice absolu apporté par les soins de santé augmente généralement avec la gravité de la maladie et parmi les populations dont le risque de base des personnes testées, diagnostiquées et traitées est plus élevé que dans la population générale- (par exemple, les bénéfices absolus des traitements hypotenseurs et hypocholestérolémiants sont plus élevés chez les personnes présentant un risque de base plus élevé que chez celles présentant un risque de base plus faible[13] [14]).
D'autre part, la probabilité d'un préjudice pourrait être plus ou moins constante en fonction des différents risques de base[15].

Ce que les auteurs souhaitent souligner est que les patients à faible risque d'une maladie retirent très peu de bénéfice d'être dépistés, et pourraient être davantage exposés aux préjudices des dépistages de routine, comme p.ex. les détection inutiles, ce qu'on appelle le surdiagnostic.

Au sein de la population, un très petit nombre avec un risque de mortalité élevé bénéficiera d'une recherche spécifique de maladie, aux dépens d'un grande majorité de personnes pour lesquelles cette recherche est inutile et délétère, car ces dernières risquent d'être diagnostiquées et traitées par exemple pour des lésions prénéoplasiques ou des cancers à faible risque, lésions qui auraient pu être ignorées.[16]

A l'inverse, au sein d'une population surveillée pour cancer (personnes faisant l'objet d'un suivi pour un nouveau cancer ou une récidive après le traitement d'un premier cancer primaire), une proportion plus importante de personnes peut avoir un haut risque de développer un cancer et bénéficier d'une détection précoce, ce qui aura pu leur manquer durant la pandémie (ainsi que l'accès normal aux services de santé et aux soins).

Avantages potentiels découlant des perturbations des soins de santé

De nombreuses recherches sur l'impact sanitaire des perturbations des soins de santé dues à la pandémie de COVID-19 se sont focalisées sur les conséquences négatives probables de l'absence de soins et sur les solutions possibles pour les atténuer.
Ces recherches ont principalement consisté en études de modélisation prévoyant les impacts potentiels de la réduction des services de santé sur les résultats cliniques futurs, tels que la mortalité par exemple.
(lire étude Grouvid : https://cancer-rose.fr/2020/11/11/pandemie-covid-19-et-prise-en-charge-des-cancers/).

Cependant, il faut reconnaître que tous les services de santé offerts aux patients (y compris les tests, les diagnostics et les traitements) présentent des inconvénients et des avantages potentiels pour la population, et on devrait logiquement, pour ce genre d'évaluation, inclure les deux types d'impacts cliniques dans ces études de modélisation, à savoir l'impact négatif autant que l'impact positif.
Par exemple, bien que l'on puisse s'attendre à ce que l’interruption du dépistage du cancer, comme la mammographie, et la réduction du dépistage du cancer de la prostate par le test de l'antigène prostatique spécifique (PSA) entraînent une diminution des avantages liés à la détection et au traitement plus précoces de ces cancers, il peut y avoir également une diminution des inconvénients imputables à ces dispositifs de santé[17] .

Et en effet, les tests de dépistage du cancer peuvent augmenter le risque de mortalité par différents moyens.[18] [19]
Il s'agit notamment :
* Des conséquences des tests invasifs nécessaires pour confirmer le diagnostic après un test de dépistage positif (par exemple un dosage PSA positif qui entraîne une biopsie prostatique, elle-même suivie d'une septicémie post-biopsie de la prostate)[20] [21];
* Des implications psychologiques liées à l'étiquette de "malade" pour la personne qui aura été testée positive (pour exemple, l'augmentation des taux d'infarctus du myocarde et de suicide après une annonce de détection de cancer de la prostate)[22] [23];
* Des conséquences du traitement des cancers surdiagnostiqués (par exemple, les décès dus aux complications chirurgicales et aux effets des radiations après le traitement d'un cancer du sein inutilement détecté).25,26 

De futures études de modélisation pourraient s'appuyer sur des preuves empiriques des avantages et des inconvénients des services de soins de santé comme les dépistages et de leurs perturbations, et s'appuyer aussi sur la mortalité et la morbidité globales ainsi que sur les résultats spécifiques aux maladies pour évaluer ces impacts différents.

En Australie expliquent les auteurs, on a estimé qu'avant la pandémie de COVID-19, le surdiagnostic du cancer - le préjudice le plus grave du dépistage du cancer - entraînait chaque année un surdiagnostic du cancer du sein chez environ 4000 femmes australiennes et un surdiagnostic du cancer de la prostate chez plus de 8 500 hommes australiens [27] .( https://cancer-rose.fr/2020/01/28/30-000-cancers-surdiagnostiques-par-an-dans-une-etude-australienne-un-enjeu-de-sante-publique/)

La réduction liée à la pandémie du nombre de personnes en bonne santé subissant ces tests et d'autres tests médicaux peut avoir entraîné une diminution du surdiagnostic et du surtraitement des cancers et d'autres maladies depuis 2020.

L'ampleur de ces variations est susceptible de varier entre les régions géographiques et en fonction de la perturbation des services de dépistage.
Elle sera quantifiable lorsque les données de 2020 et des années suivantes seront disponibles. Les diminutions observées refléteront à la fois les cancers manqués, pour lesquels une détection précoce aurait été bénéfique, et la réduction du surdiagnostic, pour lequel une détection précoce aurait été préjudiciable, mais il pourra être difficile de différencier les deux.

Des paramètres, tels que les marqueurs biologiques qui jaugent la gravité de la maladie et l'appréciation du risque parmi les diagnostics, peuvent indiquer dans quelle mesure le spectre de la maladie s'est déplacé en 2020[24] et depuis. Les récentes constatations de réductions proportionnellement plus importantes de l'utilisation des soins de santé parmi les personnes atteintes d'une maladie moins grave[25] soutiennent l'existence d'un tel déplacement du spectre des maladies.

La diminution observée des diagnostics de cancer dans les groupes d'âge où le dépistage n'est pas recommandé sur la base des données disponibles, mais qui était néanmoins fréquemment prescrit avant l'apparition de la pandémie (à cause de tests de routine effectués en dehors des recommandations p.ex.), peut également fournir une preuve indirecte de la diminution du surdiagnostic (par exemple, le dépistage du cancer de la prostate chez les hommes <55 ans ou >69 ans ; ou le dépistage du cancer du sein chez les femmes <40 ans ou >74 ans).[26]
En lien lire : https://cancer-rose.fr/2020/05/28/un-effet-secondaire-inattendu-de-lepidemie-covid-19/

Les enseignements tirés de cette "expérimentation naturelle"

Dans certains cas, il serait possible d'identifier là où peuvent se faire des réductions des soins de santé, en particulier pour des dispositifs de santé à faible valeur ajoutée (que ce soit des prescriptions systématiques de médicaments pour des populations à faible risque de maladie ou des prescriptions de dépistages non recommandés) , puisque ces réductions durant la pandémie n'ont pas été nuisibles dans l'ensemble, ou même ont été bénéfiques.
Les résultats ne devront pas être sur-interprétés, recommandent les auteurs, car les impacts à plus long terme doivent être aussi évalués et pris en compte au même titre que ceux à court terme.

Mais en tirant le maximum d'enseignements des aspects positifs et négatifs des " expériences naturelles " vécues au cours de la pandémie[27], les auteurs suggèrent qu'il serait ainsi possible de tendre vers une " nouvelle normalité " post-pandémique, où seraient privilégiés des services de soins de santé apportant un maximum d'avantages pour la santé des populations et des individus, et un minimum d'expositions à des dommages.[28] [29]


Références

[1] Woolf SH, Chapman DA, Sabo RT, Zimmerman EB. Excess deaths from COVID-19 and other causes in the US, March 1, 2020, to January 2, 2021. JAMA 2021:325(17):1786–9.

[2] Kontis V, Bennett JE, Rashid T, Parks RM, Pearson- Stuttard J, Guillot M, et al. Magnitude, demographics and dynamics of the effect of the first wave of the COVID-19 pandemic on all-cause mortality in 21 industrialized countries. Nat Med 2020: 26(12)1919–28.

[3] Fineberg HV. The toll of COVID-19. JAMA. 2020;324(15):1502–3.

[4] Australian Bureau of Statistics. Measuring excess mortality in Australia during the COVID-19 pandemic. Canberra: ABS; 2020

[5] Gregory G, Zhu L, Hayen A, Bell KJL, Learning from the pandemic: mortality trends and seasonality of deaths in Australia in 2020, Int J Epidemiol. 2022;dyac032.

[6] Stanaway F, Irwig LM, Teixeira-Pinto A, Bell KJL. COVID-19: estimated number of deaths if Australia had experienced a similar outbreak to England and Wales. Med J Aust. 2021;214:95-95.e1.

[7] Marmot M, Allen J. COVID-19: exposing and amplifying inequalities. J Epidemiol Community Health. 2020;74:681–2.

[8] World Health Organization. Influenza update N° 379. Geneva: WHO; Oct 2020 [Cited 2021 April 09]. Available from: www.who.int/publications/m/item/influenza- update-n-379

[9] Gregory G, Zhu L, Hayen A, Bell KJL, Learning from the pandemic: mortality trends and seasonality of deaths in Australia in 2020, Int J Epidemiol. 2022;dyac032.

[10] Olsen SJ, Azziz-Baumgartner E, Budd AP, Brammer L, Sullivan S, Pineda RF, et al. Decreased influenza activity during the COVID-19 pandemic - United States, Australia, Chile, and South Africa, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2020;69:1305–9.

[11] Giani P, Castruccio S, Anav A, Howard D, Hu W, Crippa P. Short-term and long-term health impacts of air pollution reductions from COVID-19 lockdowns in China and Europe: a modelling study. Lancet Planet Health. 2020;4:e474–82.

[12] Moynihan R, Johansson M, Maybee A, Lang E, Légaré F. Covid-19: an opportunity to reduce unnecessary healthcare. BMJ. 2020;370:m2752.

[13] Cholesterol Treatment Trialists Collaboration. The effects of lowering LDL cholesterol with statin therapy in people at low risk of vascular disease: meta-analysis of individual data from 27 randomised trials. Lancet. 2012;380:581–90

[14] Blood Pressure Lowering Treatment Trialists Collaboration. Blood pressure-lowering treatment based on cardiovascular risk: a meta-analysis of individual patient data. Lancet. 2014;384:591–98.

[15] Glasziou PP, Irwig LM. An evidence based approach to individualising treatment. BMJ. 1995;311:1356.

[16] Srivastava S, Koay EJ, Borowsky AD, De Marzo AM, Ghosh S, Wagner PD, et al. Cancer overdiagnosis: a biological challenge and clinical dilemma. Nat Rev Cancer. 2019;19:349–58.

[17] Jacklyn G, Bell K, Hayen A. Assessing the efficacy of cancer screening. Public Health Res Pract. 2017;27:2731727.

[18] Black WC, Haggstrom DA, Gilbert Welch H. All-cause mortality in randomized trials of cancer screening. J Natl Cancer Inst. 2002;94:167–73.

[19] Prasad V, Lenzer J, Newman DH. Why cancer screening has never been shown to “save lives” – and what we can do about it. BMJ. 2016;352:h6080.

[20] Loeb S, Carter HB, Berndt SI, Ricker W, Schaeffer EM. Complications after prostate biopsy: data from SEER- Medicare. J Urol. 2011;186:1830–4.

[21] Gallina A, Suardi N, Montorsi F, Capitanio U, Jeldres C, Saad F, et al. Mortality at 120 days after prostatic biopsy: A population-based study of 22,175 men. Int J Cancer. 2008;123:647–52.

[22] Fang F, Keating NL, Mucci LA, Adami H-O, Stampfer MJ, Valdimarsdóttir U, et al. Immediate risk of suicide and cardiovascular death after a prostate cancer diagnosis: cohort study in the United States. J Natl Cancer Inst. 2010;102:307–14.

[23] Smith DP, Calopedos R, Bang A, Yu XQ, Egger S, Chambers S, et al. Increased risk of suicide in New South Wales men with prostate cancer: Analysis of linked population-wide data. PLoS One. 2018;13:e0198679.

[24] Srivastava S, Koay EJ, Borowsky AD, De Marzo AM, Ghosh S, Wagner PD, et al. Cancer overdiagnosis: a biological challenge and clinical dilemma. Nat Rev Cancer. 2019;19:349–58.

[25] Moynihan R, Sanders S, Michaleff ZA, Scott AM, Clark J, To EJ, et al. Impact of COVID-19 pandemic on utilisation of healthcare services: a systematic review. BMJ Open. 2021;11:e045343.

[26] Kerr EA, Klamerus ML, Markovitz AA, Sussman JB, Bernstein SJ, Caverly TJ, et al. Identifying recommendations for stopping or scaling back unnecessary routine services in primary care. JAMA Intern Med. 2020;180:1500–8.

[27] Moynihan R, Johansson M, Maybee A, Lang E, Légaré F. Covid-19: an opportunity to reduce unnecessary healthcare. BMJ. 2020;370:m2752.

[28] Sorenson C, Japinga M, Crook H, McClellan M. Building a better health care system post-Covid-19: steps for reducing low-value and wasteful care. NEJM Catal Innov Care Deliv. 2020. Available from: https://catalyst.nejm.org/ doi/full/10.1056/CAT.20.0368

[29] Auener S, Kroon D, Wackers E, Dulmen Sv, Jeurissen P. COVID-19: A window of opportunity for positive healthcare reforms. Int J Health Policy Manag. 2020;9:419–22.


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Bilan sur la tomosynthèse

17 mai 2022

Article dans Auntminnie

Rappel : la tomosynthèse (ou mammographie 3D), est une technique d'imagerie radiologique qui permet de diminuer l'effet de superposition des tissus mammaires, car elle reconstitue de manière tridimensionnelle l'image du sein à partir de plusieurs radiographies à faible dose acquises sous différents angles de projection.

Cette technique a été largement promue il y a une dizaine d'année, un bilan est donc fait après 10 années de recul dans le média "AuntMinnie.com".
C'est un site Internet communautaire pour les radiologues et pour tous les professionnels de l'industrie de l'imagerie médicale. De l'aveu-même de ce média plutôt collaboratif mettant en relation radiologues, chefs d'entreprise et industriels pour "se rencontrer, effectuer des transactions, rechercher et collaborer", la tomosynthèse a clairement déçu. 

Beaucoup de questions et de doutes sur le bénéfice de l'utilisation de cette technique ont déjà été soulevés antérieurement :
 https://cancer-rose.fr/2019/03/09/association-de-la-tomosynthese-versus-mammographie-numerique-dans-la-detection-des-cancers/

  • la tomosynthèse ne réduit pas les fausses alertes
  • l'adjonction de la tomosynthèse ne réduit pas les cancers d'intervalle
  • la tomosynthèse augmenterait le surdiagnostic
  • les bénéfices de la tomosynthèses ne sont pas nets

1° La détection de cancers

On a comparé la mammographie numérique seule à la mammographie numérique + tomosynthèse ( association plus irradiante) : des études avec appariement* ont montré que l'adjonction de la tomosynthèse permettait de trouver plus de cancers : 8,8 pour 1000 femmes contre 6,4 pour 1000. Mais dans d'autres études non appariées*, la différence était plus étroite, de 5,7 cancers détectés pour 1000 femmes par rapport à 4,5.

* L'appariement consiste à mettre en place des paires (1 cas et 1 témoin) présentant les mêmes caractéristiques (p.ex. l'âge) pour pouvoir comparer les résultats en évitant les facteurs de confusion potentiels. Les groupes sont ainsi « équilibrés » sur ces caractéristiques.

2° Les taux de rappel

Qu’en est-il des taux de rappel ? Là aussi, les données varient selon l'étude réalisée. Le taux de rappel concerne les fausses alertes lors d'un dépistage, c'est à dire les suspicions de cancers qui ne se vérifieront pas mais seulement après rappel des patientes qui devront subir diverses explorations complémentaires avant d'infirmer ces suspicions.

Selon le résultat de l'étude de mars 2022 ici synthétisée, le dépistage répété du cancer du sein par mammographie 3D ne diminue que modestement le risque d'avoir un résultat faussement positif par rapport à la mammographie numérique standard. 

Que faut-il retenir de cette étude?
Le risque de faux positif était plus faible dans le cas où le dépistage était effectué tous les deux ans au lieu de tous les ans, mais aussi dans le cas de seins non denses et pour les femmes plus âgées.
Toutefois la différence était modeste, et la réduction des faux positifs par l'utilisation de la mammo 3D n'était que de 2,4% par rapport à la mammographie standard.

3°Quelle est l’efficacité des images de mammographie synthétique ?

En 2012 une voie a été ouverte à l’utilisation de 'l’imagerie synthétique' qui enregistre une seule acquisition radiologique et délivre donc une seule dose de rayonnement, pour éviter ainsi la sur-irradiation que procure la mammographie 3D**.

Mais les images synthétisées sont-elles une alternative efficace aux images de mammographie numérique ? Les résultats cliniques de tests d’efficacité des images mammographiques synthétisées ont été hélas mitigés, globalement les résultats entre images de synthèse sont équivalents à ceux de la mammographie numérique, bien que cette dernière ait une meilleure résolution.

**On utilise classiquement de façon combinée la mammographie 2D et les acquisitions de la tomosynthèse en 3D. Il existe alors une élévation importante de la dose délivrée de rayons X. Les doses de rayons X délivrées en combinant mammographie 2D et tomosynthèse représentent environ le double de la dose utile en mammographie 2D seule.
La tomosynthèse synthétique en 2D est une alternative, obtenue par reconstructions à partir des acquisitions en 3D uniquement ; elle permet d’éviter l’utilisation conjointe d’une mammographie 2D et permet ainsi de diminuer la dose délivrée.

4° La tomosynthèse réduit-elle la mortalité?

La tomosynthèse entraîne-t-elle un avantage sur le plan de la mortalité ? Selon cet article dans Autminnie.com une enquête portant sur huit études menées entre 2016 et 2021 a cherché à savoir si la tomosynthèse réduisait les taux de cancer d’intervalle (les cancers non rattrapés par le dépistage car survenant entre deux mammographies), par rapport à l'utilisation de la mammographie numérique seule. Les cancers d'intervalle sont des cancers souvent très agressifs et de survenue très rapide échappant ainsi aux dépistages, ils sont corrélés à la mortalité car ce sont eux qui de par leur agressivité intrinsèque mettent en danger la survie des femmes, souvent par leur potentiel métastatique.
Il s'avère que la tomosynthèse ne modifie pas les taux de cancer d’intervalle.

En conclusion

Dix ans après son utilisation, les bénéfices de la tomosynthèse pourraient être bien plus modestes que les cliniciens ne l’espéraient au départ. La technique est finalement assez proche de la mammographie numérique sans sur-avantage avéré.

Même si le taux de détection de la tomosynthèse paraît légèrement meilleur, la question de l'intérêt de cette technique reste entière. Si cette meilleure détection modérée des cancers est obtenue au prix d'une augmentation des surdiagnostics, on ne peut affirmer que le rapport bénéfices/risques est favorable.

Comme d'habitude, la question majeure est encore une fois celle de l'information des femmes, la tomosynthèse étant parfois pratiquée en cabinet de radiologie tout à fait à l'insu de la patiente qui vient pour une mammographie de routine, qui n'en tire pas de bénéfice et subit une sur-irradiation bien inutile.

A lire aussi : https://www.bmj.com/content/366/bmj.l4506



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Quand marketing, finance, lobbying et publicité s’invitent dans la santé

Déterminants commerciaux dans les politiques de lutte contre le cancer

https://eurohealthobservatory.who.int/publications/i/commercial-determinants-of-cancer-control-policy-(eurohealth)
(Rapport de l'Observatoire Européen de la Santé et des Polices de Santé, Eurohealth, téléchargeable)
Résumé Dr Bour C. - 30 avril 2022

Dans ce rapport de l'Eurohealth les auteurs ciblent l'influence négative d'intérêts privés sur les politiques de prévention, de dépistage et des soins.

La lutte contre le cancer, telle que définie par l’OMS et souvent appelée « prévention et soins du cancer », consiste en un continuum entre ce qui relève de la prévention, du dépistage précoce (c.-à-d. le dépistage tout venant et le diagnostic clinique précoce/rapide des patients symptomatiques), jusqu'au diagnostic et traitement.

Une définition des « déterminants commerciaux de la santé » a été présentée à l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU) en 2017, il y est dit : « Les déterminants commerciaux de la santé sont les conditions, les actions et les omissions qui ont une incidence sur la santé. Les déterminants commerciaux surviennent dans le contexte de la fourniture de biens ou de services à des fins de paiement et comprennent les activités commerciales, ainsi que l’environnement dans lequel le commerce a lieu.
De façon générale, les activités du secteur privé qui ont une incidence sur la santé des populations. »
Cette question des déterminants commerciaux du cancer, qualifiée de "côté obscur de la santé", n’a encore jamais été explorée à fond.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 30 à 50 % de tous les cas de cancer sont évitables, le tabagisme étant la principale cause évitable de cancer en Europe. D’autres facteurs de risque importants sont la consommation d’alcool, le surpoids et l’obésité, une mauvaise alimentation et une activité physique insuffisante.
On ajoute à cela les sources de rayonnement et d’autres cancérogènes chimiques, y compris de l’industrie cosmétique. Ces sources augmentent également le risque de développer diverses formes de cancer.

L’Europe est l’un des plus grands marchés pour les ventes d’alcool et est aussi la région où la proportion de maladies et la mortalité prématurée due à l’alcool sont les plus élevées.
L'Europe a la moyenne la plus élevée de consommation actuelle de tabac chez les adolescents. Les preuves de leur lien de cause à effet avec le cancer sont incontestables.
Bien sûr il y a tout une gamme de facteurs comportementaux et environnementaux qui expliquent l'incidence accrue du cancer. Bon nombre sont évitables, mais les intérêts et les actions des entreprises contribuent à saper les efforts de santé publique pour les combattre.

La réponse aux critiques de l’industrie prend diverses formes. Cela va des menaces de poursuites judiciaires pour atteinte aux droits commerciaux de l’industrie, y compris en matière de propriété intellectuelle et de liberté économique jusqu'à brandir la crainte que les contraintes imposées à l’industrie aient une incidence disproportionnée sur l’économie et l’emploi.
D'autres exemples de tactiques des industriels comprennent le renforcement de la réputation de l'entreprise (concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE)*), la négation de l’impact de leurs produits ou le détournement de l’attention des préjudices occasionnés par leurs produits, et les tentatives de façonner des bases de données "probantes" puis de diviser le milieu de la santé publique.
Le constat en tous cas est que l'impact des acteurs commerciaux de l'industrie du tabac et de l’alcool sur le continuum du cancer, comprend tout un éventail de tactiques efficaces qui minent la santé publique, incluant le marketing direct** récent auprès des consommateurs.

* prise en compte par les entreprises des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités.

** Le marketing direct est une technique de communication et de vente qui consiste à diffuser un message personnalisé et incitatif pour toucher directement une cible d'individus dans le but d'obtenir une réaction immédiate et tangible.

Des dérives trompeuses

A-L’innovation comme panacée

Il est frappant que la plupart des articles revus dans ce rapport soulèvent une préoccupation particulière, à savoir une foi aveugle et trompeuse dans "l’innovation".

L’innovation présente un grand attrait pour les décideurs, les cliniciens, le public et les donateurs, mais tous les auteurs mettent en garde contre le lancement de nouvelles innovations préventives, diagnostiques ou thérapeutiques sans une évaluation rigoureuse de leur sécurité et de leurs avantages réels pour la population, et demandent une base de données probantes adéquate pour démontrer leur efficacité et leur rentabilité.
Ils nous rappellent aussi la croissance bien rapide des revenus pharmaceutiques générés par la vente de médicaments contre le cancer, malgré un manque de retour en termes de survie ou de guérison au cours de la même période de croissance.

B- Les dépistages

Le Conseil de l’Union Européenne recommande toujours le dépistage des cancers du col de l’utérus, du sein et du colorectal, mais avec une information plus nuancée et a notamment sorti un guide du bon usage des dépistages systématiques.
Depuis, la recherche continue d’évaluer les avantages et les inconvénients des dépistages et notamment d’autres types de cancers (poumon à l'étude).

Malgré une base de données qui ne soutient pas de telles pratiques, beaucoup de dépistages "opportunistes" (c.à d. en dehors des recommandations, sur demande d'un public revendiquant davantage de soins médicaux) sont en cours à travers l’Europe.
Les responsables et représentants commerciaux jouent un rôle important dans la promotion de pratiques de tests systématiques qui peuvent faire plus de mal que de bien (voir le sponsoring massif au moment d'octobre rose).
Les moteurs commerciaux peuvent fonctionner au moyen d’incitatifs financiers, en créant une "culture" qui favorise l’adoption rapide de nouvelles technologies, ou en exerçant des pressions, et bien sûr en faisant du marketing auprès des cliniciens et des consommateurs.

Un très grand nombre de personnes peuvent être intégrées dans des dépistages non pertinents, et des ressources peuvent ainsi être détournées aux dépens de ceux qui ont le plus besoin de conseils et de traitements médicaux, dit le rapport.
Le surdiagnostic notamment présente actuellement un problème particulier, et comme au niveau individuel il n’est pas possible de déterminer si un cancer évoluera ou pas, des personnes en bonne santé pourront être soumises à des procédures de diagnostic et à un traitement potentiellement inutiles, avec un risque d’effets indésirables qui en découle.

Pour exemple le dépistage thyroïdien, qui ne présente aucun avantage pour la population, mais en revanche apporte des preuves considérables de surdiagnostic massif et de procédures thérapeutiques inutiles.

La première vague de tests de dépistage du cancer a été élaborée en grande partie dans le secteur public et promue par des organismes de bienfaisance et sociétés de professionnels. Actuellement il y a une nouvelle vague d’innovation dans le dépistage du cancer et une grande partie de cette innovation provient du secteur privé, et elle est souvent appuyée par des professionnels de santé. Les entreprises de diagnostic sont devenues des acteurs importants dans la promotion des nouvelles technologies de dépistage, les laboratoires et cliniques privés peuvent chercher à élargir le marché des services de dépistage en offrant de nouvelles technologies (comme la mammographie 3D, voir trois premiers articles ici), ou s’étendre à des domaines de maladies non couverts par les programmes nationaux, ce qui pourrait accroître la demande publique et intensifier la pression politique en faveur de leur adoption au sein des systèmes de santé publique.

Au cours des dernières années, le dépistage du cancer a suscité beaucoup d’enthousiasme commercial (comme des logiciels de prédiction, voir par exemple ici et ici), et les analystes de l’industrie ont prédit de potentielles « superproductions de médicaments ».

Les entreprises qui mettent au point de nouvelles technologies de dépistage du cancer fondées sur la biopsie liquide ont attiré des milliards de dollars d’investissements privés. La technologie est très décevante en matière de dépistage, des études cliniques qui n’ont pas la rigueur nécessaire pour évaluer de façon complète et précise les méfaits et les avantages de cette technologie ont été publiées à grand renfort médiatique, un phénomène de "capture" de leaders d’opinion clés s'y est rajouté,  grâce à la collaboration de la recherche avec l’industrie.

Il est prouvé, selon le rapport, que la nouvelle génération de tests de dépistage moléculaire est commercialisée à l’aide de stratégies provenant directement du secteur pharmaceutique : recrutement de leaders d’opinion clés, publicité directe aux consommateurs, envers les médecins et financement d'ONG, y compris d'organisations de patients, pour faire du lobbying apparemment indépendant en faveur de l’adoption de nouvelles technologies par le gouvernement.
La volonté commerciale de générer des revenus mène à des messages déformés qui présentent une vision très partielle des preuves scientifiques, biaisées vers des bénéfices de santé invoqués, mais obscurcissant les préjudices potentiels, dont les résultantes sont des dépenses publiques majorées. Soigneusement conçues, les stratégies de relations publiques peuvent assurer une couverture médiatique qui renforce cette image déséquilibrée ; comme les tests moléculaires de biopsie liquide, la mammographie 3D et la détection fondée sur l’intelligence artificielle, qui sont fortement orientées vers la déclaration de formidables bénéfices pour les populations, et ne signalent généralement pas les conflits d’intérêts.(Lire les articles suivants : bio-creep, mammo3D, biopsies liquides).

C-L'hyper-technologie

Da Vinci Robot : ce dispositif est avancé dans le rapport comme l'archétype de la TNP (technologie non pharmaceutique).

Peu de technologies représentent mieux la commercialisation de ce qu'on appelle TNP que le Da Vinci Robotic Surgical System.
Ce dispositif, qui permet aux chirurgiens une chirurgie à distance, assis à une console pour actionner les bras télécommandés en vue de chirurgie micro-invasive, a été approuvé pour la première fois par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis en 2000.
On s’attendait à ce que ses avantages inhérents, y compris une meilleure visualisation du champ chirurgical, une plus grande amplitude de mouvement des bras robotisés et une ergonomie améliorée pour le chirurgien, se traduisent par une amélioration des résultats pour les patients. Toutefois, dans le cas du cancer de la prostate et du rectum, aucune amélioration des résultats fonctionnels ou oncologiques n’a été observée. Malgré l’absence de preuves claires de sa supériorité sur les techniques ouvertes et laparoscopiques, et aussi malgré ses énormes coûts, la technique a été largement adoptée à travers l'Europe, même dans des pays à plus bas niveau de vie. Et ce alors même que des lignes directrices ont été créées pour améliorer la rigueur de la collecte des preuves, en particulier pour les dispositifs médicaux.

L’approbation réglementaire d’un nouvel instrument médical ou d’une nouvelle technologie nécessite des données cliniques et une démonstration de sa sécurité, avant de mettre l’appareil sur le marché. En comparaison, les thérapies systémiques doivent passer par un processus plus complexe de démonstration d’une efficacité supérieure aux normes de soins actuelles. Ceci explique en partie la rareté des essais contrôlés randomisés pour les dispositifs médicaux.

Cependant, le récent examen de Cumberledge a mis en évidence l’impact dévastateur de l’intégration des médicaments et des dispositifs sans évaluation rigoureuse et rigoureuse de l’impact sur les patients notamment en ce qui concerne la sécurité et les avantages pour la santé. Malheureusement, la conception des études utilisées pour l’évaluation des nouvelles technologies manque souvent de rigueur, mais peut constituer la base de la mise en œuvre clinique, les séries rétrospectives monocentriques moins fiables dominant encore la littérature.

D-Le manque de couverture médiatique équilibrée

Cette dérive peut influencer non seulement les perceptions du public mais également les personnes qui prennent des décisions concernant le financement de la recherche biomédicale et des soins cliniques, ce qui exacerbe l'adhésion générale. Nous nous référons ici à l’énorme enthousiasme pour l’innovation et notamment à l’idée de médecine personnalisée ou de précision, enracinée dans la croyance de longue date que la génomique va révolutionner la pratique de la médecine, croyance maintenant renforcée par une foi dans le potentiel transformateur des technologies numériques, y compris de l’intelligence artificielle.

Les décideurs publics sont enclins à cette forme d'adhésion qui peut avoir deux effets négatifs potentiels sur la santé publique, notamment :

  • une volonté d’adopter de nouvelles technologies parce qu’on croit qu’elles représentent l’avenir des soins de santé, sans preuve solide qu’elles améliorent vraiment les résultats cliniques;
  • une mauvaise affectation des ressources de recherche, à mesure que le financement va à la découverte et au développement de nouvelles technologies, au détriment d’améliorations progressives plus simples dans la prestation des soins, comme l’amélioration du diagnostic clinique rapide pour les patients présentant des symptômes potentiels réels de cancer.

Non seulement cela peut être un gaspillage de ressources, mais dans les pays qui manquent de techniciens qualifiés dans des domaines tels que l’imagerie ou l’endoscopie, cela exacerbe ces pénuries et les retards de diagnostic chez les personnes symptomatiques. Cela exacerbe aussi les inégalités croissantes à l’accès aux soins médicaux.

Le paysage de l’offre de dépistage commercial est transformé non seulement par l’innovation dans les technologies de diagnostic, mais aussi par le développement plus large de l’internet en tant que nouveau mécanisme de consommation des soins de santé. Ces dernières années, les services de tests biologiques de dépistages divers destinés aux consommateurs vendus sur Internet ont fait l’objet de mesures réglementaires.

Pour conclure, et comme l’a fait remarquer Ioannides, la médecine et les soins de santé gaspillent les ressources de la société parce que « nous », cliniciens, avons permis que la médecine fondée sur des données probantes dans le domaine du cancer soit détournée en utilisant des technologies ayant une efficacité marginale, mais un coût maximal.

Les déterminants commerciaux du cancer nous rappellent que les approches gouvernementales mais aussi pangouvernementales (combinaison d'une gestion verticale et horizontale tout en établissant des partenariats avec des organisations externes au gouvernement) sont essentielles pour relever le défi auquel notre société est confrontée et aussi que, fondamentalement, les décisions en santé demeurent un choix politique.

Eventail des moyens employés par les tenants d'intérêts privés pour influencer la santé publique

1°Les incitations financières affectent tous les domaines de la santé

• Les incitations économiques sont mal alignées avec la promotion de la qualité de vie globale.

• On a à faire à une représentation trompeuse de l’information clinique et des données de  santé publique. (Pour exemple en matière de cancer du sein lire ici et ici)

Les incitatifs économiques favorisent la mise au point de nouveaux médicaments dont les applications ne cessent de croître, ce qui peut mener à des essais par rapport à des comparateurs faibles (études de non infériorité par exemple) et aux approbations fondées sur des effets modestes dans de nouveaux contextes. Dans la discussion sur le développement de nouvelles technologies de dépistage, d’outils de diagnostic utilisant des biomarqueurs moléculaires, de nouvelles thérapies de précision ou de médicaments ciblés, tous les auteurs du rapport de l'OMS ont soulevé des inquiétudes quant à savoir si les mesures d’efficacité des médicaments ou des dispositifs étaient correctement validées.
Les mesures des bénéfices peuvent ou non faire un suivi en parallèle de résultats qui comptent pour les patients, comme les données de la réduction de la mortalité globale (toutes causes confondues), ou de paramètres comme la qualité de vie ; plusieurs auteurs du rapport se sont dits préoccupés par la façon dont les facteurs sociaux et les incitatifs économiques ont façonné les soins cliniques, la publicité et les investissements de différentes façons, mais qui ne favorisent pas la santé et le bien-être des patients en général.

2° Lobbying

Au nom de l’industrie, et avec la complicité de médecins et leaders d'opinion,  la promotion de la recherche sur le dépistage du cancer et la promotion du développement technologique a entraîné la surenchère excessive des bénéfices de ces outils et de ces technologies, et une sous-évaluation des méfaits, comme les faux positifs ou les surdiagnostics.

3°Publicité

Comme mentionné plus haut, de nombreux auteurs ont attiré l’attention sur la nature trompeuse de la publicité et de la communication dans les médias sur les risques de cancer et sur les traitements contre le cancer.

Ils ont soulevé des préoccupations au sujet de la vente excédentaire des médicaments contre le cancer, ainsi que de nouvelles technologies mal éprouvées.

4° facteurs économiques

Les facteurs économiques influent sur les coûts croissants des soins, qui touchent de façon disproportionnée les plus démunis. Par exemple, la presse univoque pour les nouveaux médicaments et pour la « technomanie » a contribué en partie à l’augmentation des coûts des nouveaux médicaments et des technologies de dépistage, ce qui rend l’accès aux soins encore plus éloigné pour de nombreux patients, en particulier ceux des pays en voie de développement.

Des outils réglementaires pourraient être utilisés pour encourager l’investissement dans des mesures de vraie prévention (lutte contre alcoolisme, tabagisme, obésité, sédentarité), de meilleurs soins palliatifs et des soins plus intégratifs.

Il faut aussi prévoir une amélioration de la formation médicale sur les rôles des intérêts commerciaux dans le façonnement des soins du cancer, ce qui pourrait déjà atténuer les tendances à la « technomanie » des médecins, afin que les étudiants en médecine aient une meilleure appréciation des coûts et des avantages des traitements et des technologies nouveaux, ainsi que de l’importance des soins palliatifs et des soins de fin de vie avec meilleure intégration du patient.

Comment faire mieux ?

En résumé, il y a des questions d’éthique et de justice partout, ces questions ont à voir avec le respect pour l’autonomie des patients, avec l’équité et la bienfaisance.
Autonomie, avec un soutien solide des patients et une communication transparente sur les balances bénéfices-risques des dispositifs de santé.
Équité et justice en ce qui concerne l’identification et la prévention des risques, la détection précoce, les solutions alternatives, les solutions thérapeutiques et les soins palliatifs appropriés au réel besoin du patient.

Des outils réglementaires sont à élaborer pour améliorer l’éducation médicale, en mettant l’accent sur la transparence, c'est ce que peuvent faire les administrations publiques, les gouvernements nationaux, les agences internationales et c'est ce que peut exiger la société civile pour tenter d’atténuer les préjudices associés aux conflits d’intérêts.

Les auteurs notent aussi un besoin évident de normes élevées, tant au niveau de l’Agence Européenne des Médicaments, que par des mécanismes d’évaluation des technologies de la santé qui soient plus solides, avec des systèmes de tarification et de remboursement plus sophistiqués au niveau national.

La qualité insuffisante de la recherche et des normes réglementaires, et l’absence critique de corrélation entre les incitatifs économiques et ce qui est vraiment recherché en termes de qualité de vie globale des patients est un problème crucial.

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Dépistage du cancer – le bon, le mauvais et le laid

Traduction par Sophie, patiente référente Cancer Rose, d'un article de G.Welch publié le 6 avril 2022 dans le JAMA

https://jamanetwork.com/journals/jamasurgery/article-abstract/2790973

H. Gilbert Welch, a publié en 2013, avec les médecins Lisa Schwartz et Steven Woloshin, un ouvrage à destination du grand public intitulé "Le surdiagnostic - Rendre les gens malades par la poursuite de la santé". (H.-Gilbert Welch, Lisa Schwartz, and Steven Woloshin et Fernand Turcotte (Traducteur). Le surdiagnostic - Rendre les gens malades par la poursuite de la santé. 2013.)
Il est médecin universitaire américain et chercheur sur le cancer et travaille au Center for Surgery and Public Health, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts.

En pratique clinique, dire qu'une personne a un cancer renseigne aussi peu sur l'évolution possible de sa maladie que lorsqu'on dit qu'elle a une infection. Il existe des infections dangereuses qui peuvent être fatales et des infections inoffensives qui guérissent d'elles-mêmes ou peuvent disparaître. Il en va de même pour les cancers. Le cancer n'est pas une entité unique. Il s'agit d'un large éventail de pathologies qui n'ont de commun entre elles que le nom.

La reconnaissance de l'hétérogénéité dans la progression du cancer par le Dr. Crile

La reconnaissance de l'hétérogénéité dans la progression du cancer par le Dr. Crile dans un numéro de 1955 du magazine LIFE a laissé présager pourquoi la détection précoce du cancer pourrait défier la simple intuition. Il est tentant de penser que le dépistage du cancer ne peut qu'aider les individus et que tous les survivants d'un cancer détecté par dépistage sont la preuve irréfutable que celui-ci sauve des vies.
Cependant, le dépistage du cancer est contre-intuitif. Il s'avère que les risques sont plus probables que les bénéfices ; il est moins probable que les survivants soient la preuve de ses bénéfices et plus probable qu'ils soient la preuve de ses risques. C'est probablement le Dr Crile qui a introduit pour la première fois l'analogie de la ferme et de l'enclos - oiseaux, lapins et tortues - pour décrire l'hétérogénéité du cancer.

Les oiseaux se sont déjà échappés de la basse-cour : il s'agit des cancers à la croissance la plus rapide et les plus agressifs, ceux qui se sont déjà propagés au moment où ils sont détectables. Le dépistage ne peut pas aider les oiseaux ; la question est de savoir si un traitement peut le faire. Il y a ensuite les tortues (cancers lents NDLR) : il est inutile de les attraper car elles ne bougeront pas de toute façon.

Images ci-dessous pour comprendre (NDLR) : L'oiseau correspond au cancer très rapide (raté par le dépistage). L'ours est un cancer lent, rattrapé par le dépistage mais qui, non dépisté, se serait manifesté juste un peu plus tard par un symptôme clinique sans perte de chance. La tortue et l'escargot représentent les cancers très lents et stagnants, pour lesquels le dépistage ne sert à rien, car ils ne se seraient jamais manifestés. La patiente meurt avec son cancer mais pas à cause de lui.

Bénéfice limité (ou incertain)

L'objectif du dépistage du cancer est de réduire la mortalité par cancer. Mais l'existence d'oiseaux limite nécessairement son efficacité. Le dépistage a tendance à passer à côté des cancers à la croissance la plus rapide, car ces cancers ont une fenêtre temporelle très courte pendant laquelle ils sont détectables par le dépistage, mais ils ne sont pas cliniquement visibles. En outre, un dépistage efficace nécessite non seulement une détection plus précoce, mais aussi un traitement entrepris plus tôt qui est certainement meilleur qu'un traitement entrepris plus tard.

Bien que cela soit souvent vrai pour les maladies aiguës (telles que les urgences cardiovasculaires), ce n'est peut-être pas le cas pour les maladies à long terme. La détection de tumeurs cancéreuses plus petites de quelques millimètres par rapport à celles détectées antérieurement fait peut-être moins de différence que ce que l'on croyait autrefois, d'autant plus que l'on apprend que la biologie de la tumeur est plus importante que sa taille.
Ces facteurs expliquent pourquoi les effets les plus favorables observés dans les essais randomisés des tests de dépistage se traduisent par une réduction de moins d'un tiers de la mortalité par cancer.

Ironiquement, au fur et à mesure que le traitement du cancer s'améliore, le bénéfice du dépistage diminue. Si un cancer détecté cliniquement peut être systématiquement traité avec succès, l'utilité du dépistage du cancer tombe naturellement à zéro.  (Par exemple, pourquoi ne faisons-nous pas de dépistage de la pneumonie ? La réponse est que nous pouvons traiter la pneumonie).

Des risques mal reconnus (ou cachés)

Du point de vue de l'individu, le surdiagnostic constitue le plus important risque du dépistage. Le surdiagnostic reflète l'existence de tortues : des anomalies qui répondent aux critères pathologiques du cancer mais qui ne sont pas destinées à provoquer des symptômes ou le décès. Le dépistage est très efficace pour trouver les tortues : il détecte de manière disproportionnée les cancers à croissance lente et de petite taille, c'est-à-dire des cancers qui sont biologiquement favorables.
Cependant, nous, les médecins, ne sommes pas très doués à distinguer les tortues des lapins. Par conséquent, nous avons tendance à traiter tous ceux qui reçoivent un diagnostic de cancer.
Parce qu'il n'y a rien à guérir, les patients avec des cancers surdiagnostiqués ne peuvent pas bénéficier d'un traitement, mais ils peuvent en subir les méfaits.

Étant donné que le surdiagnostic est si rarement confirmé chez un individu (c'est-à-dire un patient atteint d'un cancer détecté par le dépistage, mais qui n'est pas traité, ne développe jamais de symptômes et meurt d'une autre cause), l'existence réelle du problème a fait l'objet de nombreux débats.
Cependant, le surdiagnostic peut être facilement confirmé au niveau de la population. Ainsi, les débats sur l'existence du surdiagnostic sont maintenant pratiquement réglés, et portent à juste titre sur la question de sa fréquence - et de son importance.

Dans le cas du dépistage du cancer du sein, de la prostate, de la peau et de la thyroïde, les patients sont plus susceptibles de subir le préjudice du surdiagnostic que le bénéfice du dépistage - éviter le décès par cancer. Néanmoins, le surdiagnostic reste, heureusement, un événement relativement rare.
Du point de vue de la population, les préjudices les plus conséquents sont liés à la dynamique du dépistage : de nombreuses personnes doivent être dépistées pour qu'un très petit nombre en bénéficie. Pour le dépistage du cancer dans la population générale (c'est-à-dire sans cibler un groupe à très haut risque, comme le dépistage du cancer du poumon chez les gros fumeurs), il faut dépister environ 1 000 personnes pour éviter un décès par cancer en 10 ans.
Ainsi, les interrogations sur ce qui arrive aux autres 999 autres individus deviennent pertinentes. Les fausses alarmes affectent de nombreuses personnes : on dénombre jusqu'à 600 faux positifs au cours de 10 ans de mammographie.

Cependant, le problème le plus important est que de nombreuses personnes ayant obtenu des faux positifs ne sont pas informées que le test était mauvais, mais plutôt que quelque chose ne va pas chez elles.
On dit à ces personnes qu'elles ont une lésion présentant des atypies cellulaires ou une dysplasie, ou qu'elles sont elles-mêmes plus vulnérables au développement d'un cancer et doivent donc subir des tests plus fréquents. Même les campagnes de dépistage induisent la vulnérabilité - la peur du cancer - comme un moyen de persuader les gens de se faire dépister.
Ainsi, le dépistage du cancer instille un sentiment de "mal-être" dans la population.

Réactions trompeuses, incitations financières, et diversion

Ces inconvénients pourraient être acceptables s'ils s'accompagnaient d'avantages substantiels et certains. Malheureusement, le dépistage lui-même fournit des informations trompeuses qui suggèrent toujours qu'il est plus bénéfique qu'il ne l'est réellement. Après le début du dépistage, les cliniciens constatent un changement dans la distribution des stades : la proportion de cancers se présentant à un stade avancé de développement diminue, même s'il s'agit simplement d'un artefact dû à un diagnostic plus précoce et non à une diminution des cas de présentation tardive.

Comme le montre l'exemple dans le cadre B de la figure, la proportion de cancers de stade tardif détectés passe de 50 % à 25 %, alors que l'incidence du stade tardif n'a pas changé.

Cliquez pour agrandir :

Légende :
Une augmentation constante de l'incidence du cancer couplée à une mortalité stable (A) suggère un surdiagnostic superposé à une incidence véritablement stable du cancer.
L'augmentation de l'incidence des cancers à un stade précoce couplée à une incidence stable à un stade tardif (B) suggère également un surdiagnostic et que les efforts accrus en matière de détection précoce du cancer n'ont pas produit le résultat escompté : une diminution du taux de personnes atteintes d'un cancer à un stade tardif (la détection précoce n'a pas permis d'avancer le moment du diagnostic des cancers destinés à se présenter à un stade tardif). Signatures à condition que la fréquence réelle du cancer soit stable dans le temps. Si la fréquence d’un vrai cancer  changeait, on s'attendrait à ce que l'incidence et la mortalité évoluent en tandem, tout comme la maladie à un stade précoce et à un stade avancé

NDLR : En effet, si on parvenait à éliminer complètement le surdiagnostic, la part, c'est à dire la proportion des cancers graves apparaîtrait alors plus importante dans le total cancers amputé des surdiagnostics, qui amplifient d'ordinaire le total des cancers. La proportion des cancers graves est diluée dans le total-cancer lorsque, dans ce total, on rajoute la part des surdiagnostics. )

Au fil du temps, la survie à 5 ans augmente en raison de l'association combinée du temps d'avance au diagnostic et du biais de surdiagnostic, même si l'âge du décès reste inchangé. Les histoires de survivants sont particulièrement pernicieuses : plus le dépistage entraîne de surdiagnostics, plus il y a de personnes qui croient devoir leur vie au test - et plus le dépistage devient populaire. Les campagnes de dépistage utilisent régulièrement ce retour d'information trompeur ; elles mettent en avant les taux de survie plus élevés et les survivants du cancer comme preuve du bien-fondé du dépistage.

Cf "le paradoxe du dépistage", NDLR

Le dépistage du cancer est généralement motivé par une croyance sincère en sa valeur, mais il est également devenu une importante source de revenus pour les systèmes de soins médicaux axés sur le volume aux États-Unis. Bien que la multiplicité des payeurs constitue un obstacle à une comptabilisation à l'échelle nationale, les dépenses américaines liées au dépistage sont substantielles.
Je les estime à 40 à 80 milliards de dollars par an. Ces dépenses représentent des revenus pour le système - des revenus provenant non seulement du dépistage lui-même, mais aussi des services diagnostiques et thérapeutiques qu'il déclenche.
L'importance de cette source de revenus a été mise en évidence après le déclin substantiel du dépistage qui s'est produit après le début de la pandémie de COVID-19. Bien que d'autres services et entreprises soient restés fermés, le dépistage a été rapidement rétabli en quelques mois.

Le Dr Crile était convaincu que les soins médicaux devaient être axés sur les besoins des patients, et non sur ceux des chirurgiens (ou maintenant, sur ceux du système). Il reconnaissait qu'il y avait un prix à payer pour devancer les symptômes. Bien que le dépistage du cancer puisse être judicieux chez certaines personnes à haut risque, je pense que le dépistage dans la population générale, tel qu'il est actuellement pratiqué aux États-Unis, est devenu une énorme dérive par rapport à notre travail de base.
Il détourne le système des patients gravement malades ou blessés : les performances des médecins sont mesurées en fonction de la fréquence à laquelle ils testent les personnes en bonne santé et non à la façon dont ils soignent les malades. Le dépistage dans la population générale détourne les patients et les décideurs politiques des véritables déterminants de la santé humaine. Les ressources considérables impliquées dans le dépistage - en termes d'argent, de personnes et d'efforts - seraient mieux utilisées ailleurs.



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« Toujours plus »- une approche nuisible du dépistage

26 février 2022

L'approche du "toujours plus" du dépistage est trompeuse et nuisible

Article de David P. Ropeik , dans le média STAT - Dr Ropeik est auteur, enseignant et conférencier sur la perception et la communication des risques. Il est également créateur et directeur de Improving Media Coverage of Risk, un programme de formation pour les journalistes. Il contribue à plusieurs médias, entre autres au Huffington Post. Il est auteur du livre à paraître intitulé « Rethinking Our Fear of Cancer » (Johns Hopkins University Press, sous presse).

Restitution, commentaires, synthèse Dr C.Bour

D'énormes progrès médicaux ont été réalisés contre le cancer au cours des 50 dernières années, explique l'auteur. 
Selon lui, notre relation émotionnelle avec le cancer est dépassée depuis des années, car de nombreux cancers peuvent maintenant être guéris ou traités comme des maladies chroniques. Ce décalage entre la perception du cancer et l'amélioration de sa prise en charge cause du tort aux populations pour deux raisons.

D'abord parce que la peur de la maladie, en dépit des progrès thérapeutique, est toujours bien là, en décalage avec la réalité ; en effet la plupart des gens, lorsqu'on leur demande la première association qui leur vient à l'esprit lorsqu'ils entendent le mot cancer, répondent « mort ».
Ensuite parce qu'en réponse l'accent est considérablement mis sur les dépistages (c.à d. tester des personnes en bonne santé pour détecter un cancer caché) en accordant une prépondérance sur leurs avantages sans mentionner les dommages qu'ils causent. 

D'un côté, en Amérique comme en France, on présente aux gens une foule de recommandations pour les encourager à participer massivement à des programmes de dépistage. D'un autre côté, l'OMS (organisation mondiale de la santé) elle-même a jugé utile d'éditer un guide pour les décideurs politiques européens (guide de l' Organisation mondiale de la santé), soulignant que le dépistage n'est pas bon pour tout le monde et, dans de nombreux cas, fait plus de mal que de bien, soit en raison de faux positifs effrayants, soit en raison des surdiagnostics suivi de traitements excessifs que les personnes devront suivre, lorsque leur dépistage a fini par détecter un type de cancer très petit, très localisé et à croissance si lente (ou même non-progressif) qui n'aurait jamais causé de dommages.

Des décennies de dépistages et une problématique qui s'étend

Des décennies de dépistage avec des technologies de plus en plus sensibles ont révélé l'étendue de ce problème. Pourtant, alors que le guide de l'OMS avertit que le dépistage comporte des avantages et des risques, cette mise en garde n'est pas beaucoup relayée par le Conseillers du président américain sur le programme national de lutte contre le cancer, ni par nos autorités sanitaires françaises.

La plupart des religions, ironise l'auteur de l'article, seraient bienheureuses si leurs adeptes croyaient en leurs enseignements aussi profondément que le public croit au dépistage du cancer.

Les résultats d' une étude publiée dans le JAMA en 2004 sont typiques de ce que les chercheurs constatent :

  • 87 % des adultes pensent que le dépistage du cancer est « presque toujours une bonne idée ».
  • 98% des personnes qui avaient subi un faux positif - un test suggérant la présence d'un cancer qui s'est avéré plus tard ne pas être un cancer du tout - ont déclaré qu'elles étaient néanmoins satisfaites d'avoir fait le test de dépistage, même si la moitié d'entre elles ont décrit l'expérience comme "le moment le plus effrayant de ma vie."
  • 58% des femmes ont déclaré qu'elles ne tiendraient pas compte des suggestions de leur médecin de dépister moins souvent le cancer du sein, et 77% des hommes ont déclaré cela pour le cancer de la prostate. Ces deux cancers comprennent des sous-types qui causent pourtant rarement des dommages réels.

D'autres études ont montré que les gens privilégient toujours un dépistage du cancer même après avoir été expressément informés que le nombre de décès est identique avec ou sans dépistage. Une étude remarquable, « A Bias for Action in Cancer Screening », a révélé que les gens réclament un dépistage du cancer même s'ils savent que non seulement cela ne leur sauvera pas la vie, mais qu'en plus cela pourrait leur nuire. 
Dans cette deuxième étude de 2019 que l'auteur cite, Laura Scherer et ses collègues ont rapporté que 51 % des participants à l'étude souhaitaient avoir leur test de dépistage (mammographie pour le cancer du sein et PSA [prostate specific antigen] pour le cancer de la prostate) même après avoir été informés que « des années de recherche ont incontestablement montré que le test ne prolonge pas la vie ou ne réduit pas le risque de décès », et que de plus que le test pouvait « conduire à un traitement inutile ».

La force de la croyance

Les gens ont tendance à craindre le cancer plus que toute autre maladie, en partie à cause de la croyance commune selon laquelle le diagnostic de cancer est une condamnation à mort inévitable. Face à une menace terrifiante sur laquelle les gens ont l'impression d'avoir peu de contrôle, le dépistage leur donne du pouvoir. 
Il offre un moyen de se défendre. Comme les auteurs de l'étude JAMA l'ont mentionné plus tôt, « certaines personnes pensent qu'il y a quelque chose à gagner du dépistage même lorsque le test ne sauve pas ou ne prolonge pas la vie ».

Il y a donc eu des pressions en faveur de 'toujours plus de dépistage du cancer', et ce dans beaucoup de pays occidentaux. Mais au fur et à mesure que son utilisation s'est étendue et que les technologies se sont améliorées davantage pour détecter de minuscules cancers de plus en plus tôt, il est apparu que même si certaines cellules suspectes de lésions biopsiées répondaient aux critères d'un cancer sous le microscope, elles ne se développeraient pas et ne se propageraient pas à d'autres tissus, ni ne causeraient des dommages au cours de la vie de l'individu. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic .

Le carcinome canalaire in situ de bas grade , un type courant de cancer du sein, est l'une de ces maladies. Le cancer de la prostate à croissance lente en est un autre. On estime que 80% ou plus des cancers de la thyroïde sont des cancers dits papillaires, un type de cancer qui est généralement si petit et à croissance si lente (ou même sans croissance du tout) que les patients n'auraient jamais su qu'ils en étaient porteurs sans ce dépistage.

Pourtant, la plupart des gens qui entendent la phrase redoutée "vous avez un cancer", choisiront une chirurgie ou un traitement agressif pour l'enlever ou le détruire, même s'il s'agit de ces types de cancers essentiellement non menaçants et que leurs médecins leur suggèrent - voire leur recommandent - une simple surveillance régulière (ce qui se pratique dans certains pays), connue sous le nom de surveillance active, au lieu de recourir à un traitement agressif.

Article connexe : https://cancer-rose.fr/2021/02/25/la-baisse-du-depistage-du-cancer-pendant-la-covid-19-permettrait-la-recherche-sur-le-surdiagnostic/

Des coûts financiers et humains stupéfiants

L'auteur de l'article explique avoir réalisé des calculs approximatifs - basés sur un large éventail de sources primaires et secondaires puis examinés par des économistes de la santé de l' Agence américaine pour la qualité de la recherche en santé - pour évaluer les coûts associés au traitement d'un cancer surdiagnostiqué. 

Depuis 1977, date à laquelle la mammographie a commencé à être largement utilisée pour dépister le cancer du sein, environ 1,2 million de femmes ont subi une intervention chirurgicale pour un carcinome canalaire de bas grade in situ. Environ 1 000 d'entre elles sont décédés et environ 250 000 ont souffert d'un syndrome douloureux post-mastectomie à long terme à la suite d'un traitement plus agressif que nécessaire.

Le test PSA pour le cancer de la prostate a commencé en 1992. Depuis cette date, dit le Dr Ropeik, "j'estime que 600 000 hommes ont subi une intervention chirurgicale ou une radiothérapie pour traiter un cancer de la prostate qui ne leur aurait jamais fait de tort. Environ 500 de ces hommes sont décédés des suites du traitement et 375 000 ont souffert de dysfonctionnement érectile à long terme, 112 000 ont souffert d'incontinence urinaire à long terme et 84 000 ont eu du mal à contrôler leurs intestins."

À partir de 1995, lorsque la technologie des ultrasons a commencé à être utilisée pour dépister les tumeurs de la glande thyroïde, la chirurgie systématique de cancers inoffensifs de la thyroïde (papillaires) aurait tué environ 700 personnes. 
Plus de 200 000 se sont retrouvés avec des glandes salivaires endommagées, ce qui cause des difficultés et des douleurs pour se nourrir, pour la déglutition, pour l'élocution. 
34 000 autres personnes ont eu besoin d'une intervention chirurgicale pour réparer les cordes vocales endommagées et 5 100 ont subi des dommages permanents dans leur capacité de la parole. Enfin environ 13 000 personnes ont souffert d'hypoparathyroïdie permanente (atteinte des glandes parathyroïdes à proximité de la thyroïde), dont les symptômes comprennent des douleurs musculaires, des spasmes, de la fatigue, une perte de cheveux, une peau sèche et une dépression.

Le coût financier de ce surtraitement est effarant. 
Encore selon les calculs de l'auteur de cet article, (qu'il qualifie toutefois d'approximatifs), le coût annuel total pour le système de santé des surtraitements des cancers surdiagnostiqués serait de 16 milliards de dollars - 12,6 milliards de dollars pour l'assurance privée et 3,4 milliards de dollars pour le Medicare[i]. Cela représente environ 8 % des 209 milliards de dollars estimés par le National Cancer Institute (Institut du Cancer américain) qui ont été dépensés pour tous les soins contre le cancer aux États-Unis en 2020 .

Et cela n'inclut pas le coût du surdépistage : les millions d'individus asymptomatiques sans facteurs de risque génétique prédisposant au cancer participent à des dépistages alors qu'ils sont en dehors des tranches d'âges prévues dans les recommandations officielles, et qu'on pousse à se faire dépister.
En France, beaucoup de femmes sont incitées par les gynécologues à se soumettre à un dépistage mammographique dès l'âge de 40 ans voire avant. En 2019, le CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) lançait une désastreuse campagne pour promouvoir le dépistage de la femme âgée[ii], alors que ce dépistage est délétère pour ces femmes porteuses d'autres pathologies chroniques.[iii]

Des alerteurs

Quelques organisations médicales, comme l' American Academy of Family Physicians , et des groupes de défense contre le cancer, comme la National Breast Cancer Coalition , commencent à avertir les gens que le dépistage du cancer peut causer des dommages importants. Et de plus en plus d'organes de presse font maintenant état du problème du surdiagnostic, mais souvent le poids médiatique est bien mince par rapport au rouleau compresseur des grandes campagnes commerciales roses à chaque mois d'octobre.

La National Cancer Coalition cherche à mieux informer les femmes en publiant une page dédiée aux mythes et aux vérités du dépistage du cancer du sein. [iv]
Elle a publié son positionnement mis à jour en juillet 2021[v].
Elle prône une information honnête et complète des femmes sur la valeur de toutes les interventions médicales. La coalition explique que le dépistage est une intervention dans une population saine. On ne devrait donc pas intervenir dans une population saine si les bénéfices ne sont pas significativement supérieurs aux dommages.

Citons encore la Breast Cancer Action, association qui se définit comme "chien de garde impartial et indépendant pour la santé", afin que toute personne soit informée indépendamment du battage médiatique ou d'intérêts industriels.[vi]

Des messages écrasants envers le public à la course à "toujours plus".

Sans informations claires et équilibrées sur les risques et les avantages de cette épée à double tranchant qu'est le dépistage de routine, l'approche de toujours « plus, plus, plus » de dépistages puise dans les craintes du public, elle est trompeuse et nuisible écrit Dr Ropeik.  
Cette approche explique en grande partie pourquoi la crainte toujours élevée du cancer au sein du public s'inscrit en décalage avec les progrès thérapeutiques pourtant bien réalisés pour lutter contre le cancer.

Notes et références


[i] Medicare est le système d'assurance-santé géré par le gouvernement fédéral des États-Unis au bénéfice des personnes de plus de 65 ans 

[ii] https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

[iii] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/depistage-du-cancer-du-sein-apres-75-ans-inutile-en-cas-de-presence-de-maladies-chroniques/

[iv] https://www.stopbreastcancer.org/information-center/myths-truths/
Par exemple :

Mythe : L'auto-examen mensuel des seins sauve des vies

FAUX. Les preuves montrent en fait que l'auto-examen des seins (ESB) ne sauve pas de vies et ne détecte pas le cancer du sein à un stade plus précoce.

Mythe : les mammographies ne peuvent que vous aider et non vous nuire

FAUX. Quel est le risque? Des résultats faussement positifs peuvent conduire à des interventions chirurgicales inutiles et intrusives, tandis que des résultats faussement négatifs ne permettront pas de détecter des tumeurs cancéreuses.

Mythe : Si le cancer du sein est diagnostiqué alors que la tumeur est petite, il peut être guéri

FAUX. Dans certains cas, même lorsque le cancer du sein est détecté tôt et que la tumeur est très petite, les cellules cancéreuses du sein se sont déjà propagées à d'autres parties du corps. La propagation du cancer du sein à d'autres parties du corps (métastases) est responsable de plus de 90 % des décès liés au cancer du sein.

etc.....

[v] https://www.stopbreastcancer.org/information-center/positions-policies/mammography-for-breast-cancer-screening-harm-benefit-analysis/

Position de la NBCC (National Breast Cancer Coalition)

Le dépistage systématique des femmes par mammographie est une intervention de santé publique dans une population en bonne santé. La National Breast Cancer Coalition (NBCC) estime que, du point de vue de la santé publique, le dépistage par mammographie de toutes les femmes n'a démontré qu'un avantage modeste, voire aucun, dans la réduction de la mortalité par cancer du sein et que les inconvénients associés au dépistage l'emportent sur ces avantages. Aucune femme ne peut être assurée que le dépistage par mammographie l'empêchera de mourir d'un cancer du sein.

La mammographie ne prévient ni ne guérit le cancer du sein et présente de nombreuses limites. Par conséquent, la décision d'une femme de subir une mammographie de dépistage doit être prise au niveau individuel et doit tenir compte de ses facteurs de risque spécifiques et de ses préférences personnelles. Les femmes qui présentent des symptômes de cancer du sein, tels qu'une grosseur, une douleur ou un écoulement du mamelon, devraient subir une mammographie de diagnostic. En fin de compte, les ressources doivent être consacrées à la recherche d'interventions efficaces de prévention et de traitement du cancer du sein et d'outils permettant de détecter les cancers du sein qui sont ou deviendront métastatiques et finiront par provoquer la maladie et la mort.

Conclusion

Le dépistage est une intervention dans une population saine. Nous ne devrions pas intervenir dans une population saine si les bénéfices ne sont pas significativement supérieurs aux dommages. Pour être efficace, le dépistage doit réduire la mortalité. Nous ne devons pas faire plus de mal que de bien.

Les résultats d'essais contrôlés randomisés et d'études d'observation de qualité variable indiquent que, dans l'ensemble, le dépistage par mammographie a un effet modeste sur la mortalité par cancer du sein. Analysé en termes absolus, le taux de mortalité n'est réduit que de 0,03 % chez les femmes de moins de 50 ans et de 0,2 % chez les femmes de 60 à 69 ans qui en tirent le plus grand bénéfice. Comme pour toutes les interventions médicales, il existe des inconvénients associés à la mammographie de dépistage, tels que les erreurs de diagnostic et le surtraitement. Deux études complètes des données probantes concluent que l'impact global sur la mortalité est faible et que des biais dans les essais pourraient "l'effacer ou le créer". Les femmes devraient discuter avec leur médecin de leur propre profil de risque, des avantages, des inconvénients et des complexités potentiels de la mammographie de dépistage, et prendre des décisions éclairées sur le dépistage. La mammographie peut présenter des avantages pour certaines femmes, mais elle peut aussi nuire à d'autres.

Le NBCC croit aux soins de santé fondés sur des preuves et soulève depuis longtemps des questions sur la valeur du dépistage par mammographie et d'autres interventions. Les femmes ont besoin d'informations honnêtes et complètes sur la valeur de toutes les interventions médicales. Les ressources de santé publique doivent être utilisées avec certitude pour améliorer la santé de la population. La réalité est que le dépistage n'a pas été efficace. Alors que les programmes de dépistage ont considérablement augmenté l'incidence du DCIS et du cancer du sein invasif localisé, l'incidence de la maladie régionale ou distante à un stade avancé est restée largement inchangée.

Le NBCC estime que pour réaliser de véritables progrès dans le domaine du cancer du sein, nous devons mieux comprendre ce qui cause cette maladie et comment la prévenir, ce qui expose les femmes à un risque au-delà des facteurs de risque connus, comment se comportent les différents types de cancer du sein, quels traitements sont appropriés et efficaces pour chaque type de cancer du sein, et comment prévenir et guérir les métastases.

[vi] Breast Cancer Action : Toutes les personnes méritent d'avoir accès à des informations fondées sur des données probantes et centrées sur le patient afin de pouvoir s'engager pleinement dans leurs décisions en matière de soins de santé. La recherche, le traitement et le dépistage du cancer du sein doivent être centrés sur le patient et répondre aux besoins des personnes à risque et vivant avec le cancer du sein, et ne doivent pas refléter les préjugés des entreprises ou de l'industrie qui font passer les profits avant les patients. 

Nous sommes un chien de garde impartial et indépendant pour votre santé. Nous voyons au-delà du battage médiatique et évaluons et rendons compte des développements dans le traitement et le dépistage du cancer du sein en examinant les données du point de vue impartial des patientes. Nous fournissons des points de vue critiques sur des sujets tels que l'accès aux soins de santé; l'approbation des médicaments et des appareils ; et des traitements plus efficaces, moins coûteux et moins toxiques. 

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Un podcast à écouter, Radio Albigés

8 février 2022

Radio Albigés reçoit Dr Jean Doubovetzky pour aborder plusieurs sujets et présenter son site d'information médicale Anti-Dr Knock.
Cliquez sur le premier lien pour accéder au podcast, avec l'aimable autorisation de Radio Albigés !

Le dépistage du cancer du sein

Il est question du dépistage du cancer du sein et des campagnes marketing d'octobre rose au début de l'enregistrement jusqu'à 9'18. (Article connexe https://cancer-rose.fr/2021/11/15/octobre-le-mois-le-plus-cruel/)

Les autres sujets

D'autres sujets sont abordés ensuite, comme le prix du médicament, comment est-il fixé, qu'est-ce qui fait le prix d'un médicament, quelles sont les spéculations autour du prix "maximal acceptable" pour garantir une rentabilité des traitements.  Pas toujours en rapport avec le coût de fabrication... (Article pouvant vous intéresser en rapport avec le sujet de ce site : https://cancer-rose.fr/2016/03/08/chimiotherapies-anticancereuses-un-marche-de-dupes/)

Il s'agira ensuite de l'effet placebo, son existence, son utilisation, son mécanisme. Lire ici : https://anti-knock.fr/?s=placebo ; (article connexe du site : https://cancer-rose.fr/2016/11/05/effet-nocebo-des-mots-et-des-maux-quand-prediction-rime-avec-malediction/)

Pour finir on parle de l'automédication, la prise en main du pouvoir médical par le patient, et l'adoption d'autres approches médicales - il nous faut reconnaître que la légitimité et le pouvoir de se traiter et comment se traiter restent dans la main du patient, si tant est que cela se fait dans un cadre rationnel pour éviter toute nuisance.

Bonne écoute de cet original podcast !


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Focus de la revue Que Choisir

16/01/2022

La revue française pour l'intérêt du consommateur Que Choisir publie un très bon décryptage sur le dépistage du cancer du sein en ce mois de janvier, que vous trouverez ici : https://www.quechoisir.org/decryptage-cancer-du-sein-les-resultats-decevants-du-depistage-n97716/

D'autres articles informatifs de la revue sont accessibles aux liens suivants :

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Angiomammographie double énergie

C.Bour, 27/11/2021

L'angiomammographie est une technologie récente, elle n'a pas son utilité dans le dépistage mais dans les stratégies de diagnostic de lésions, et pour des indications bien précises.

Nous en parlons ici car c'est une technique dont vous pouvez entendre parler et qui a été évaluée tout récemment par la Haute Autorité de Santé.

Qu’est-ce que l’angiomammographie ?

Cet examen combine une mammographie avec une injection de produit de contraste qui permet d'analyser la prise de contraste des lésions qu'on veut étudier ; en fonction du comportement vasculaire de la tumeur étudiée, précisément en fonction de l'apparition puis de l'effacement du rehaussement vasculaire on peut ainsi mieux différencier les tumeurs bénignes des tumeurs malignes.

Approche double énergie

Le produit de contraste est injecté à la patiente puis on réalise une mammographie avec, comme habituellement, deux incidences (une de face et une oblique par sein) en deux acquisitions, une à basse puis une à haute énergie ; en recombinant les images obtenues avec ces deux acquisitions on peut soustraire le tissu glandulaire et la graisse, ainsi seule la prise de contraste par les lésions qui intéressent sera visible sur les images recombinées.
Le résultat est celui d'une sorte de cartographie permettant la visualisation de lésions très vascularisées comme les cancers.

La dose délivrée à la glande est cependant plus élevée du fait de la répétition des acquisitions, une fois à basse et une à haute énergie. L’irradiation supplémentaire est d’environ 1,2 fois la dose habituelle pour chaque cliché.

Pourquoi pas d'indication dans le dépistage pour les femmes à risque élevé de cancer du sein ?

Cette technique est irradiante, davantage qu'une mammographie classique ; l'IRM apparaît plus adaptée puisqu'on essaie toujours de limiter l'irradiation dans cette population à risque, pour laquelle le rayonnement ionisant constitue un facteur potentiel d'induire des cancers.

Quel est l'apport de cette technique notamment par rapport à l'IRM ?

Son temps de réalisation est court et l'analyse des clichés ainsi que la comparaison avec des mammographies antérieures aisées, puisqu'on utilise les mêmes incidences (faces, obliques).

En revanche elle est irradiante et ne convient pas aux populations à risque élevé de cancers, et il existe toujours un risque, même s'il est faible, d'allergie aux produits de contraste injectés.

Les recommandations de l'HAS

L'angiomammographie pourrait être utilisée dans les indications suivantes:

  • les impasses diagnostiques, pour confirmer la présence d’une lésion suspecte ou afin d’éliminer la présence d’une lésion, avec un suivi nécessaire cependant;
  • quand une imagerie de contraste est nécessaire :
    - bilan d’extension locorégional (taille de la tumeur et recherche de lésions additionnelles);
    - évaluation de la réponse à une chimiothérapie néoadjuvante;
    - évaluation tumorale avant une chimiothérapie néoadjuvante, mais les experts ont néanmoins précisé que l’IRM mammaire est actuellement l’examen de référence dans cette indication.

Deux situations à distinguer :

Si contre-indications à l’IRM, l'angiomammographie est préconisée pour : 

  • les situations d’impasse diagnostique;
  • le bilan d’extension locorégional d'un cancer ;
  • l’évaluation tumorale avant et après une chimiothérapie néoadjuvante.

En l'absence de contre-indications à l’IRM, l'angiomammographie est préconisée dans

  • dans le bilan d’extension locorégional ou avant/après une chimiothérapie néoadjuvante, pour l’évaluation de la taille tumorale, notamment pour sa parfaite correspondance avec les clichés de mammographie.

Pour l'HAS il convient de mettre en place un protocole de contrôle-qualité pour utiliser toujours les doses optimales et garantir la surveillance des installations.

La démonstration de l’efficacité diagnostique de l'angiomammographie reste encore à confirmer par des études de performance plus robustes et de méta-analyses.
La HAS préconise la réalisation d’études de recherche clinique afin de confirmer les données de performance diagnostique, de démontrer l’utilité clinique de l’angiomammographie, d'en préciser la place dans la stratégie diagnostique et d'en préciser l’impact sur la prise en charge thérapeutique (nombre de biopsies, pertinence de la décision chirurgicale, taux de réinterventions…).

Références

https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/24426.pdf

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3186760/fr/interet-de-l-angiomammographie-double-energie-dans-la-strategie-diagnostique-du-cancer-du-sein-rapport-d-evaluation

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Octobre, le mois le plus cruel ?

Résumé Dr C.Bour, 15 novembre 2021

A propos d'un article publié le 15 octobre dans The New York Times par Holly Burns, écrivaine de la région de San Francisco, atteinte d'un cancer du sein il y a 4 ans.

Holly Burns nous livre son expérience, que d'autres "survivantes" de cancer vivent, et qui reste très peu exprimée lors des annuelles kermesses roses : "octobre est le mois national de la sensibilisation au cancer du sein et je suis une personne qui a eu un cancer du sein , ce qui signifie pour moi qu'octobre est essentiellement 31 jours d'un discret syndrome post-traumatique."

Octobre rose comme déclencheur d'une "réaction anniversaire"

Kathleen Ashton, une psychologue au Cleveland Clinic Breast Center dans l'Ohio, témoigne également dans l'article : « Certains apprécient l'opportunité de sensibiliser, mais la majorité de mes patientes trouvent le mois pénible. »

Pour certaines malades et anciennes malades, le mois d'octobre rose agit comme un drapeau rouge qu'on agite et qui fait tout remonter à la surface, avec le cortège de traumatismes qui a souvent accompagné le parcours de la malade, depuis l'annonce jusqu'au traitement.

Deborah Serani, psychologue et professeure à l'Université Adelphi à New York, explique que l'anxiété à un moment particulier peut être déclenchée à cause d'un phénomène connu sous le nom d' "effet anniversaire" ou de "réaction anniversaire", ensemble unique de pensées ou de sentiments qui surviennent autour de l'anniversaire d'une expérience significativement traumatisante.
Ainsi, explique la psychologue, tout ce qui rappelle l'évènement traumatique vécu peut provoquer cette "réaction anniversaire".

Un écart entre marketing et vie réelle

Ce mois peut être particulièrement difficile pour celles dont le cancer est évolutif et a progressé. "On peut avoir l'impression que seules les histoires heureuses sont présentées", témoigne une femme de 40 ans, Emma Fisher, atteinte d'un cancer du sein métastatique de stade 4.

"Il est difficile de voir des campagnes où « tout le monde rit et sourit, organise des ventes de pâtisseries et fait des courses amusantes », déclare-t-elle. "Cela me fait me sentir invisible, c'est presque comme si les patientes métastatiques étaient ce sale petit secret dans le monde du cancer du sein, parce que personne ne veut dépeindre le cancer du sein comme un tueur."

Dans le livre IM-PATIENTE, Maëlle, la jeune femme atteinte d'un cancer évolué et qui témoigne, tient un discours analogue : " l'hôpital se décore de rose pendant un mois, toutes les gentilles mamies tricotent leurs petits carrés roses, et on fait un joli ruban autour de l'hôpital, bon, d'accord. Certes. Mais pendant Octobre Rose, de quoi on parle ? On raconte toujours les mêmes histoires. On parle de ces warriors qui ont monté leur entreprise alors qu'elles étaient en chimio et qui ont trois enfants après leur opération. C'est toujours la même histoire. Est-ce qu'on a déjà entendu parlé de femmes qui ont un cancer métastatique pendant Octobre Rose ? Je ne crois pas. Parce que ce n'est pas joli, ce n'est pas glamour, on n'en parle pas. ça, c'est inadmissible." (juin 2018)

Pour Bri Majsiak, co-fondatrice d' une organisation à but non lucratif pour les personnes touchées par les cancers du sein et gynécologiques : "Le cancer du sein dure 365 jours par an, pas 31".

Comment traverser sereinement ce mois d'octobre pénible ?

La psychologue Dr Ashton (Cleveland Clinic Breast Center dans l'Ohio) conseille aux femmes concernées par le cancer du sein de limiter l'exposition aux choses qu'elles pourraient vivre comme dérangeantes, ce qui peut signifier faire une pause sur les réseaux sociaux, se désabonner d'autant d'e-mails marketing qu'on le peut, de n'avoir pas peur de fixer des limites aux proches qui ne comprennent pas pourquoi les ex-malades et malades peuvent trouver ce mois très pénible à vivre, ou encore échanger avec d'autres femmes qui peuvent avoir le même ressenti.

Alors que les amis et la famille peuvent supposer qu'il s'agit d'un mois de célébration pour les survivantes, ils « doivent comprendre qu'une maladie personnelle grave comme le cancer du sein est une expérience traumatisante », a déclaré le Dr Serani.

Une psychothérapeute de Charleston, Mme Ilderton, conseille aussi de ne pas faire de la survivante que vous connaissez une 'étude de cas', elle dont l'amie a envoyé un e-mail à un groupe en l'utilisant comme exemple pour expliquer pourquoi il fallait absolument passer une mammographie.

Bri Masiak conseille, pour ceux qui souhaitent soutenir Octobre Rose, de bien regarder où vont les bénéfices et de réfléchir si ce ne serait pas mieux de faire un don à une organisation locale plus ciblée, ou une organisation qui est utile aux femmes pendant leur traitement, par exemple.

En effet la destinée des fonds récoltés est souvent très opaque, le budget marketing peut constituer une part importante, et la part dévolue réellement "à la cause" n'est pas connue des donateurs. Le but invoqué de la collecte est fréquemment "la recherche". Mais....quelle recherche ? Se demande-t-on quelles études ont réellement été financées, quelles en sont les retombées, quelles sont les avancées concrètes pour les femmes alors qu'on court depuis des décennies et que le cancer du sein tue pourtant toujours, et ce depuis les années 90, 11000 à 12000 femmes/an ? Cela nous laisse songeurs sur la réelle portée de ces coûteuses campagnes.

Conclusion

Lors de ce grand Barnum rose annuel, pas très utile et en réalité peu informatif pour les femmes, prenons au moins conscience qu'il peut être vecteur de détresse et de douloureux souvenirs pour certaines d'entre nous.

Nous appelons de nos voeux de futurs octobre moins roses, plus discrets et moins festifs, plus pédagogiques et plus interactifs avec toutes les femmes, les saines, les survivantes et les lourdement atteintes, pour une meilleure information sur les cancers du sein, de façon désangoissée, neutre et objective.

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LIVRE « IM/PATIENTE », une exploration féministe du cancer du sein

Aux Editions First

Par Mounia El Kotni et Maëlle Sigonneau

Mounia El Kotni est anthropologue spécialisée, entre autres, dans les thématiques de la santé.

Maëlle Sigonneau était éditrice. Elle a disparu en 2019 des suites d'un cancer métastatique du sein.
On l'entend s'exprimer dans un podcast des Impatientes pour Nouvelles Ecoutes, en 2019 (une série de podcasts a été réalisée alors autour de la thématique du cancer du sein, pour aborder de façon plus globale les injonctions adressées aux femmes de la part du corps médical ou du corps social).

Le livre est la suite du podcast et il aborde, à travers le regard et le vécu de Maëlle, l'impact social et féministe de la maladie. Il raconte les maltraitances médicales, les violences administratives et il pointe les injonctions sexistes visant à ne pas heurter le corps social et à masquer la maladie, déguisée de rose et glamourisée dans les campagnes d'Octobre Rose.

Ce puissant livre va au-delà même de la seule thématique du cancer pour faire écho à tous ceux qui souffrent de maladie chronique.

Injonctions à la féminité

"Vous êtes en chimio ? Alors, le plus important, c'est de bien hydrater votre peau, hein ?"
Est-ce vraiment une préoccupation bienveillante de la part du pharmacien ou est-ce plutôt le reflet d'une société qui a peur de la maladie que l'image de la femme malade lui renvoie ? La malade, elle, souhaite juste vivre, survivre et vieillir...Comme tout le monde.

"Il est important de ne pas se laisser aller !"  Dit-on aux hommes de ne pas se laisser aller après une maladie ?

Et si on disait aux femmes qu'il existe certes des crèmes hydratantes, des perruques, des prothèses mammaires, si elles en veulent. Mais qu'elles ont le droit d'être fatiguées, de rester sans maquillage, chauves, et sans reconstruction mammaire.

Injonctions à la procréation

Pour les femmes jeunes, l'une des premières étapes du parcours est un rendez-vous dans un service qui s'occupe de la fertilité. La préservation des ovocytes n'est pas obligatoire, mais le livre explique comment des années de conditionnement des femmes à la maternité les incitent vers une préservation "au cas où", même pour les femmes qui n'ont pas de projets d'enfants.

Ce projet de conservation ovocytaire est proposé dans les jours qui suivent l'annonce. Le livre souligne à quel point certains accès en santé (ici la préservation de la fertilité) sont rendus rapides, fluides et évidents quand la société le juge légitime. Alors que dans le même temps des catégories de personnes (couples homosexuels) rencontrent beaucoup de freins et d'exclusions dans leur parcours de procréation médicalement assistée.

Injonction à la reconstruction

L'effacement du corps malade passe aussi par la reconstruction mammaire. La prothèse réalise souvent une envie pour les femmes de revenir" à la normale", d'aller vers l'état de "l'avant cancer". Ce souhait est encouragé par la société ; la présence des seins, et par paire, semble indispensable.

Pourtant 70 % des patientes renoncent à la reconstruction mammaire pour diverses raisons, parfois à cause du manque d'offres chirurgicales ou pour des raisons financières.

Injonction au dépistage, injonctions d'Octobre Rose

Le livre parle également de la façon dont les femmes sont très sollicitées pendant les campagnes d'octobre rose, sans leur donner un accès plus facile à une information scientifique plus mesuré et plus objective.

La femme est toujours critiquée, soit elle est imprudente, inconséquente lorsqu'elle questionne sur l'intérêt de ce dépistage, dans des messages sociétaux, médiatiques ou médicaux. D'un autre côté elle est traitée d'idiote ou "d'endoctrinée", et sans capacité critique lorsqu'elle suit à la lettre les recommandations officielles.

L'intérêt des femmes passe souvent au second plan ; pour les fabricants de tests de dépistage, d'appareils de mammographie, la médecine n'est qu'un marché, et les personnes qui persuadent les politiques à prendre des décisions de santé publique sont celles qui ont quelque chose à vendre et un intérêt dans la poursuite de ces politiques de santé publique.

Finalement, les femmes deviennent des sujets permanents de surveillance médicale et de détection de maladies et de cancers, faisant d'elles des facteurs de risques ambulants...
Elles ne bénéficient pas de façon suffisante d' outils d'aide à la décision leur permettant une information équilibrée, ce que notre collectif Cancer Rose ne cesse de dénoncer.
Octobre Rose est devenu un marché, Il n'y a pas de réelle campagne nationale d'information. Là aussi l'image de la femme nue est utilisée pour promouvoir un produit, même si c'est un examen médical.

On parle toujours des mêmes histoires, de femmes qui ont vaincu leur cancer, mais entend-on des femmes qui ont des cancers graves d'emblée, des cancers métastatiques, pour lesquels la médecine encore est assez démunie ?
Derrière le déguisement rose se cache une dissimulations de faits qui sont moins jolis et moins "glamour".

Octobre rose est une instrumentalisation marketing qui permet à des produits d'être vendus sous le label rose, le montant de l'argent récolté et reversé à la recherche est assez opaque, y compris son utilisation.

Injonction à la beauté

Les "ateliers beauté" proposés aux femmes après leurs traitements présentent-t-il de vrais avantages pour les patientes, ou est-ce un juteux marché ? Souvent les ateliers sont gratuits, mais comme on dit : «quand c'est gratuit, c'est toi le produit". Les produits sont, la plupart du temps, complètement conventionnels. Ce n'est pas parce que le produit est offert que c'est forcément sans arrière-pensée.
Il faut juste être vigilant de ce qui est proposé, les produits ne sont pas forcément "bio" ou naturels comme on aurait pu si attendre.

Le coût de ces produits s'ajoute à une perte de revenus pour beaucoup de patientes. La moitié des personnes ont des 'restes à charge', certains soins dentaires pour des affections dentaires secondaires aux traitements, ne sont pas pris en charge.

30 % des femmes de plus de 50 ans ne reprennent pas leur travail dans les deux ans, 20% de celles qui le reprennent, ne le reprennent qu'à mi- temps.

La baisse des revenus

Trois personnes sur 10 perdent ou quittent leur emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic. Les personnes qui tombent malades ont souvent peur d'être vues comme moins performantes, et leur estime de soi s'en ressent.

Malgré un soutien financier, au bout d'un labyrinthe de démarches, 60 % des personnes subissent une baisse de revenus.
Là aussi, en matière de démarches administratives, l'information est sinueuse et il existe de nombreux obstacles bureaucratiques. Ceci génère également beaucoup de stress pour les patientes.

Injonction à la performance, y compris dans le cadre de la sexualité

Au travail comme à la maison, les femmes avec cancer du sein doivent continuer à remplir les rôles définis par la société. Elles n'ont pas toujours du soutien au foyer ou dans le monde professionnel. L'image de la 'survivante' du cancer, c'est la combattante, la "warrior".

Ceci constitue une pression terrible sur les femmes car c'est souvent ainsi qu'on représente la malade, comme une femme qui a vaincu la maladie, qui retourne au travail, qui en ressorte grandie, et qui reprend une vie amoureuse normale.

Il s'agit d'injonctions importantes, privant les femmes d'être simplement un individu, un être humain malade, qui a besoin que les autres prennent soin de lui.

Une femme, après maladie, a 6 fois plus de risques d'être quittée par son conjoint.
Au bout de deux ans, 21 % des femmes malades étaient laissées seules par leur compagnon, alors que seulement 3 % des hommes malades connaissaient une séparation.

Injonction à la sexualité

Retrouver sa "vie de femme", est une façon de dire "retrouver une sexualité".
Et cette injonction, ce sont les femmes qui la reçoivent.

"Ne pas se laisser aller et rester désirable" . Le livre pose la question "...qui sont les véritables bénéficiaires de ces injonctions : les femmes ou leur conjoint (supposé)? Est-ce que maintenir une sexualité malgré le cancer convient aux femmes, ou arrange plutôt la société ?"

La culpabilisation des femmes

Le discours actuel autour de la prévention du cancer repose sur la culpabilisation des femmes, mettant en cause leur mode de vie. On oriente la lutte contre le cancer d'une part vers une injonction des femmes à faire "les bons choix" et à vivre sainement, et d'autre part vers une approche technologique dans la détection précoce par mammographie.

Mais on oublie une troisième option, et c'est la mise en place de politiques de santé environnementales ambitieuses.

En 2017, les cancers représentaient le deuxième poste de dépenses de santé de la sécurité sociale. Le vieillissement et le changement démographique à eux seuls ne peuvent pas expliquer ces changements et cette progression. Il est urgent de s'occuper des véritables enjeux environnementaux.
Mais la prévention qui passe par l'assainissement de notre environnement coute cher, alors que la soi-disant prévention qui repose sur une détection précoce du cancer rapporte beaucoup, aux entreprises d'imagerie, et à l'industrie pharmaceutique.

Les associations

Maëlle dénonce une charité associative parfois maladroite et déplacée.

Son sentiment est que les personnes de ces associations viennent essentiellement régler leur problème à eux en faisant croire qu'ils vont aider. Maëlle dénonce cette aide intrusive et infantilisante qu'elle a vécue, avec distribution de jonquilles par exemple, aux abords de l'hôpital, à la sortie de sa chimiothérapie....

Maëlle explique qu'il faudrait une prise en charge sociale adaptée, l'urgence n'est pas le cancer dont tout le monde parle, à bon pronostic, curable ; l'urgence ce sont ces cancers graves, d'emblée métastatiques, dont la recherche doit faire sa priorité.

Du féminisme

Pour Maëlle, le combat est aussi féministe.

Dans le combat contre le sida, les hommes avaient réussi à attirer l'attention des pouvoirs publics. Pour Maëlle le cancer du sein métastatique a moins de visibilité, car il concerne des femmes, et elles ont moins la parole.

Pour sortir des comportements compassionnels et de la glamourisation du cancer, il faudrait boycotter octobre rose, remplacer les messages roses par de grandes affiches sur les perturbateurs endocriniens ; on pourrait imaginer un mois ou seraient organisées des conférences sur le cancer du sein évolué et métastatique, et où on sensibiliserait sur les effets cancérigènes des pesticides, par exemple...

Au lieu de camoufler cette maladie de rose, il faut exiger des politiques publiques ambitieuses, mobiliser la recherche (plus vers les risques de décéder du cancer que sur les risques de connaître un cancer dans sa vie, sur les déterminants génétiques et l'association avec obésité et avec certaines hyperplasies atypiques du sein, NDLR), améliorer le quotidien difficile des femmes malades.

La thématique de ce livre courageux va au-delà du cancer du sein métastatique, les maladies chroniques constituent une épidémie silencieuse qui devrait nous pousser tous à nous impliquer dans les vrais enjeux de la santé publique.

La presse en parle

C'est ici, Paris Match en ligne du 23/11/2021 : https://www.parismatch.com/Actu/Sante/Mounia-El-Kotni-Les-feministes-doivent-s-emparer-de-la-question-du-cancer-du-sein-1771874

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


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