Les risques des dépistages : un éléphant dans un couloir

Cet article vous propose d'abord une synthèse de deux points de vue d'universitaires néerlandais écrits pour une revue médicale, ensuite la traduction de chaque article vous est accessible en cliquant sur les noms des auteurs. .

Un regard critique sur les dépistages

Article de R. Giard

Article de Y. van der Graaf

Un regard critique sur les dépistages

Synthèse C.Bour

Deux universitaires néerlandais ont rédigé, au mois de juin, chacun une mise au point critique sur les dépistages, avec le recul contemporain qu'on peut avoir en 2022, mises au point publiées par le journal médical Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde (NTvG).

C'est le principal journal médical aux  Pays-Bas, à parution hebdomadaire, et l'une des plus anciennes revues au monde, siégeant à Amsterdam. 
L'objectif de la revue est de créer un média global pour les professionnels de la santé afin d'échanger idées, connaissances et opinions, mais aussi de faire paraître des critiques et des commentaires d'articles de recherche.
L'actuelle rédactrice en chef est Yolanda van der Graaf, auteure d'un des deux points de vue.

Yolanda van der Graaf est professeure émérite à l'Université de Utrecht, et épidémiologiste clinique.
Son article relate les risque cachés du dépistage.
van der Graaf Y. De verhulde risico’s van screening [The hidden risks of screening]. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022 Jun 13;166:D6760. Dutch. PMID: 35899724.

Raimond Giard est professeur émérite, pathologiste clinicien, épidémiologiste , clinical pathologist, clinical epidemiologist à Rotterdam et a rédigé un point de vue critique sur les dépistages sous le titre "voyons-nous l'éléphant dans la pièce?"
Giard RWM. Kritische blik op kankerscreening [A critical view on cancer screening: do we see the elephant in the room?]. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022 Jun 13;166:D6926. Dutch. PMID: 35899737.

Points clés communs aux deux auteurs

1° il faut porter un regard nouveau sur le dépistage

Pour ces deux auteurs, il existe un dispositif concret sur la base duquel on a pu statuer qu'il est utile d'introduire un dépistage du cancer, il s'agit des critères de Wilson et Jungner édités en 1968 sur lesquels de l'OMS se base, mais il y a aucun dispositif pour décider quand il est préférable de stopper un dépistage ou de changer d'approche, à présent où nous sommes confrontés à certaines réalités des dépistages, et que nous connaissons ses inconvénients.
Pour les deux auteurs les critères datent un peu, ils devraient être reconsidérés et réévalués.
Pour van de Graaf il y a même un grave manque de conformité à ces critères pour certains dépistages, certains dépistages ne remplissant pas même les conditions émises par Wilson et Jungner.

Mais quels sont ces critères déterminant le bien-fondé d'un dépistage retenus par l'OMS ?Les 10 critères retenus par L'OMS sont :

  • La maladie étudiée doit présenter un problème majeur de santé publique
  •  L’histoire naturelle de la maladie doit être connue
  • Une technique diagnostique doit permettre de visualiser le stade précoce de la maladie
  •  Les résultats du traitement à un stade précoce de la maladie doivent être supérieurs à ceux obtenus à un stade avancé
  •  La sensibilité et la spécificité du test de dépistage doivent être optimales
  • Le test de dépistage doit être acceptable pour la population
  • Les moyens pour le diagnostic et le traitement des anomalies découvertes dans le cadre du dépistage doivent être acceptables
  •  Le test de dépistage doit pouvoir être répété à intervalle régulier si nécessaire
  •  Les nuisances physiques et psychologiques engendrées par le dépistage doivent être inférieures aux bénéfices attendus
  •  Le coût économique d’un programme de dépistage doit être compensé par les bénéfices attendus

Pour les auteurs néerlandais justement, certaines maladies ne sont plus un problème majeur de santé publique, certains tests de dépistage ne sont plus acceptables pour la population à l'aune de leur effets adverses, les nuisances physiques et psychiques ne sont plus inférieures aux bénéfices attendus, ce qui leur fait conclure que les participants aux programmes de dépistage devraient recevoir des informations honnêtes, que si les avantages du dépistage sont effectivement surestimés et les inconvénients sous-estimés, il est certainement temps de reconsidérer le dépistage du cancer avec une vision ouverte et indépendante.

Plusieurs études ont fait valoir qu'une approche de dépistage universel de la population, en particulier pour le cancer du sein, n'est plus défendable, explique R.Giard. Nous avons besoin d'une évaluation nouvelle et indépendante des pratiques de dépistage.
Cette analyse avait déjà été exprimée lors d'une publication dans le CMAJ en 2018 que nous avions synthétisée et commentée.

Les principes de Wilson et Jungner commencent à dater, selon les auteurs de l'article CMAJ. Il est actuellement nécessaire, disaient-ils, d'appliquer une logique claire et cohérente pour orienter l'utilisation de divers types de preuves vers une décision de dépister.
Il est temps de moderniser ces principes qui servent aux explications et à la discussion d'un dépistage en population, et cette modernisation doit contribuer à l'avenir à des décisions éclairées et de meilleures informations sur le dépistage pour la population.
Notre commentaire allait en ce sens, arguant que le principe du choix éclairé, de la promotion de l'autonomie et de la protection des droits des participants aux dépistages est simple et peu coûteuse à mettre en œuvre.
Des pictogrammes avec des nombres absolus (en utilisant un dénominateur cohérent, tel que bénéfices et inconvénients rapportés à 1000 dépistés), et les visuels employant une même échelle pour l'information sur les gains et les inconvénients sont basés, eux, sur des preuves.

2° Quelles seraient les bonnes questions à se poser selon Giard et van de Graaf ?

Selon R.Giard, les bonnes raisons pour reconsidérer le dépistage pourraient inclure:

  • Y a-t-il eu des changements dans l'incidence de la maladie ?
  • Le traitement de la maladie est-il devenu plus efficace ?
  • Existe-t-il aujourd'hui de meilleures méthodes de diagnostic ?
  • Y a-t-il de nouveaux résultats, plus fiables, provenant de la recherche sur les effets du dépistage ?
  • Savons-nous maintenant mieux et plus précisément quels sont les effets indésirables ?
  • Sommes-nous en mesure d'évaluer plus précisément le risque de maladie et donc de procéder à un dépistage plus spécifique ?

Une question majeure à se poser est : le dépistage d'une maladie  vaut-il la peine ?
Y. van der Graaf prend l'exemple du dépistage du cancer du poumon, programme actuellement en évaluation.
"Il y a longtemps," écrit-elle, "nous avons décidé que nous étions prêts à payer 20 000 euros pour une année de vie sauvée, mais aujourd'hui la question est de savoir ce que nous pourrions faire d'autre avec cet argent. Pratiquement toutes les interventions de sevrage tabagique sont réalisables pour une valeur seuil nettement inférieure aux 20 000 € par année de vie gagnée.
C'est de loin dans le domaine du sevrage tabagique que l'on peut obtenir le plus de bénéfices pour la santé aux Pays-Bas. Les avantages pour la santé des programmes de dépistage sont minimes par rapport à ceux-ci."

3°Surestimation du risque et surestimation de l'impact du dépistage

Y de Graaf explique : "Seulement 3 % des femmes meurent d'un cancer du sein. Le risque de mourir d'un cancer du côlon n'est "que" de 2 %."
(Il faut donc remettre le risque de décéder du cancer en perspective avec les autres probabilités de décès comme les maladies cardio-vasculaires, risque 6X plus élevé que de décéder du cancer du sein pour la femme, NDLR)

La plupart des cancers du sein ne provoquent aucun décès chez les femmes. Même sans dépistage. Ce qui compte, c'est le risque de mourir prématurément d'un cancer du sein et la façon dont ce risque est réduit par la participation au dépistage, écrit-elle encore, ce qui signifie qu'il faut connaître l'impact réel du dépistage sur la mortalité.
Ce qui est important est de connaître le nombre de personnes qui doivent être dépistées pour éviter 1 décès dû au cancer en question. Par exemple pour le cancer du sein : "Pour chaque décès dû au cancer du sein que vous évitez grâce au dépistage, 1000 femmes doivent être soumises à un dépistage régulier. En appliquant un programme de dépistage, plus de 100 femmes sont traitées inutilement. Les probabilités de traitement inutile sont donc des dizaines de fois plus élevées que  les chances qu'une femme bénéficie d'un dépistage.
Le principal problème ici est que ce chiffre n'est pas communiqué de manière adéquate aux participants potentiels au dépistage."

MMe van der Graaf explique longuement dans son article la distorsion de la perception de l'effet bénéfique des dépistages autant dans la population que chez les professionnels de santé, les bénéfices et impacts étant largement sur-estimés, les effets adverses ignorés.

Pour les deux auteurs, les effets néfastes du dépistage que sont les fausses alertes, le surdiagnostic et le surtraitement sont des enjeux majeurs, ils sont élevés, et ne doivent plus être ignorés.

Pour R.Giard, " c'est le dépistage du cancer du sein en particulier qui ne semble pas tenir ses promesses supposées. Même après de nombreuses années de dépistage, la fréquence des cancers du sein avancés  n'a pas diminué."
En Suisse, à Hong Kong et en France (voir nos articles sous "concertation" dans le menu déroulant, NDLR), entre autres, des rapports critiques ont été publiés pour demander l'abandon du dépistage du cancer du sein sous sa forme actuelle.
Plusieurs études ont fait valoir qu'une approche de dépistage universel de la population, en particulier pour le cancer du sein, n'est plus défendable."

Van der Graaf écrit : "surtout, les participants potentiels doivent être informés des inconvénients potentiels et des faibles bénéfices au niveau de la santé."

4° Les enjeux financiers et nécessité d'évaluation indépendante

Mais la peur du cancer chez les gens rapporte beaucoup d'argent et occasionne une demande de beaucoup d'examens systématiques comme des scanners corps entier, dont Y. van der Graaf explique l'inutilité.
La pratique des scanners systématiques est un excellent modèle de revenu, car le prestataire ne fait que des diagnostics, avec une quantité exorbitante de résultats inattendus dont personne ne sait que faire, inutiles pour le patient mais débouchant sur des successions d'autres examens. C'est ce qui est nommé "résultats non pertinents" dans son article, c'est à dire des découvertes fortuites d'anomalies non recherchées et inutiles, dont le taux de découverte est extrêmement important et qui occasionneront des cascades d'autres investigations ou de surveillances systématiques au patient.

Pour les deux auteurs, le dépistage doit être évalué par des scientifiques indépendants, et non par des personnes qui pratiquent le dépistage depuis des décennies et grevés de conflits d'intérêts.
Il faut aussi contrer la multiplication des programmes de dépistage pour lesquels il n'existe pas la moindre preuve scientifique, et dans lesquels apparaît un gain financier prioritaire.
Les ré-évaluations des dépistages nécessiteraient des équipes de recherche appropriées, selon R. Giard " à large assise", non seulement constituées de médecins mais aussi de spécialistes des sciences sociales, d'éthiciens, de méthodologistes et d'économistes de la santé, équipes évidemment dénuées de toutes personnes ayant des implications financières dans les dépistages.

Article de R.Giard

Un regard critique sur le dépistage du cancer. Voyons-nous l'éléphant dans la pièce ?

Raimond W.M. Giard

« Beaucoup d’intelligence peut être investie dans l'ignorance  lorsque le besoin d'illusion est profond".-Saul Bellow, Vers Jérusalem et le retour

Résumé

Le dépistage du cancer promet des bénéfices pour la santé, mais il engendre également des risques et des coûts. Un problème important est le surdiagnostic de tumeurs ne nécessitant pas de traitement. Il existe des principes bien établis pour commencer le dépistage du cancer, mais nous avons également besoin d'évaluations périodiques et de règles pour l'arrêter. Pour cela, nous devons disposer des résultats d'études empiriques méthodiques avec des estimations correctes des bénéfices et des risques. Les partisans du dépistage soulignent ses avantages, mais se gardent bien de parler de ses inconvénients. Plusieurs études ont fait valoir qu'une approche de dépistage universel de la population, en particulier pour le cancer du sein, n'est plus défendable. Nous avons besoin d'une évaluation nouvelle et indépendante des pratiques de dépistage.

Conflit d'intérêts et soutien financier : aucun n'a été déclaré.

Ne devrions pas porter un regard neuf sur le dépistage du cancer ? 1-3 Il existe un dispositif sur la base duquel on peut décider qu'il est utile d'introduire le dépistage du cancer - voir les critères de l'OMS de Wilson et Jungner - mais pas pour déterminer quand il serait préférable d'arrêter ou d'adopter une approche différente.   Pour cela, on besoin à la fois de la bonne méthodologie et des bonnes données. Une telle évaluation, destinée à séparer les illusions de la réalité, devrait être répétée périodiquement.4
Le dépistage du cancer, qui fait partie des soins de santé publique, implique des conflits d'intérêts et des biais importants.
Les partisans et les adversaires du dépistage peuvent trouver sur ce sujet dans la vaste littérature scientifique médicale des résultats qui correspond bien à leur position. Repenser son utilité et sa nécessité nécessite donc des chercheurs indépendants et méthodiques. 3,4

Les bonnes raisons pour reconsidérer le dépistage pourraient inclure: y a-t-il eu des changements dans l'incidence de la maladie ? Le traitement de la maladie est-il devenu plus efficace ? Existe-t-il aujourd'hui de meilleures méthodes de diagnostic ? Y a-t-il de nouveaux résultats, plus fiables, provenant de la recherche sur les effets du dépistage ? Savons-nous maintenant mieux et plus précisément quels sont les effets indésirables ? Sommes-nous en mesure d'évaluer plus précisément le risque de maladie et donc de procéder à un dépistage plus spécifique ?

Sur-diagnostic et sous-diagnostic

Comme cela a été évoqué ailleurs dans le journal NTvG, les tests de dépistage du cancer présentent des lacunes en termes de sur- et de sous-diagnostic.5-7 La fréquence du surdiagnostic du cancer du sein a été reportée comme étant comprise entre 0 et 50 %. 8 Et les mêmes données peuvent être interprétés différemment selon que l'on est partisan ou critique du dépistage.9 Mais il ne fait aucun doute qu'un surdiagnostic important existe ; il est présent dans au moins 20 % de tous les cas de cancer du sein détectés par le dépistage.1,5

Le sous-diagnostic est mis en évidence par l'apparition de cancers d'intervalle, un "échec" possible du test de dépistage.
Comme solution on cherche des technologies complementaires ou plus  puissantes. Dans le dépistage du cancer du sein, on recherche des techniques d'imagerie plus sensibles, comme la mammographie numérique par tomosynthèse et l'IRM, et l'application de l'intelligence artificielle à l'évaluation des mammographies.
Le danger est que des technologies plus sensibles on va détecter encore plus d'anomalies, et surtout des plus petites anomalies, ce qui entraînera encore plus de surdiagnostics 10.

Que faut-il pour effectuer une évaluation correcte ?

Pour évaluer correctement les effets du dépistage, il faut disposer de données empiriques solides et surtout de mesures des résultats qui soient valides, reproductibles et suffisamment spécifiques.11 La détection d’une maladie n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour atteindre un objectif. L'objectif est de gagner des années de vie ou des chances accrues de guérison. La mortalité spécifique par cancer est certes réduite par le dépistage, mais la mortalité absolue dans les populations dépistées  ne diminue pas ou peu. Et il y a toujours la question de savoir si un prétendu gain de survie est en réalité le résultat du dépistage.5 La pondération attentive des avantages et des inconvénients est une tâche qui incombe à la fois à ceux qui effectuent le dépistage au sein de la population et à ceux qui y participent 3,4.

Les lignes directrices nationales pour le dépistage du cancer devraient énoncer explicitement les mesures de résultats pertinentes souhaitées, mais aussi aborder les arbitrages indispensables entre les avantages et les inconvénients que présente ce type particulier de dépistage au sein de la population. Une récente revue systématique a montré que seule une minorité de lignes directrices abordent explicitement cette question.12

Les participants potentiels devraient être en mesure de décider en toute connaissance de cause de participer ou non au dépistage. Mais qui leur fournit une information équilibrée sur les bénéfices, mais aussi sur les risques, et sur la manière de les aborder ? Il a été démontré que l'information sur les conséquences du surdiagnostic, en particulier la nécessité d'autres tests invasifs et d'une intervention chirurgicale, dissuade davantage les femmes de participer au dépistage du cancer du sein13.

Évaluation du dépistage du cancer dans la population

Le cancer est une maladie hétérogène et le dépistage dans la population est une procédure complexe. Un large éventail de variables détermine son résultat. C'est pourquoi une évaluation complète est si compliquée : quels sont ses objectifs, qui la réalisera, sur quoi portera-t-elle et comment ? Cela nécessite une équipe de recherche appropriée, c'est-à-dire à large assise, comprenant non seulement des médecins mais aussi des spécialistes des sciences sociales, des éthiciens, des méthodologistes et des économistes de la santé. Les personnes ayant une implication financière ou institutionnelle dans le dépistage doivent être exclues d'une telle équipe.4
Une plus grande participation du groupe cible du dépistage est également essentielle dans une telle évaluation : ils sont confrontés aux conséquences négatives. Comment pèsent-ils le pour et le contre ? Une étude norvégienne, par exemple, a montré que, dans le cadre du dépistage du cancer du sein, les conséquences du surdiagnostic et du surtraitement avaient un impact négatif sur la qualité de vie des femmes, exprimé en années de vie ajustées sur la qualité (qalys).14 Encore et toujours, les inconvénients du dépistage ne sont pas suffisamment pris en compte ; c'est ce que j'appelle l'éléphant dans la pièce.1-3

Conclusion

C'est le dépistage du cancer du sein en particulier qui ne semble pas tenir ses promesses supposées. Même après de nombreuses années de dépistage, la fréquence des cancers du sein avancés  n'a pas diminué.5

En Suisse, à Hong Kong et en France, entre autres, des rapports critiques ont été publiés pour demander l'abandon du dépistage du cancer du sein sous sa forme actuelle.2,4

Il y a vingt ans, le NTvG a organisé une conférence présentant des points de vue critiques sur le dépistage du cancer. Les problèmes identifiés et les conclusions tirées à l'époque sont toujours pertinents aujourd'hui.15
Si les avantages du dépistage sont effectivement surestimés et les inconvénients sous-estimés, il est certainement temps de reconsidérer le dépistage du cancer dans notre pays avec une vision ouverte et indépendante.

Conflit d'intérêts et soutien financier : aucun n'a été déclaré.
Article et commentaire en ligne à l'adresse suivante : ntvg.nl/D6926
Rotterdam : em.prof.dr. R.W.M. Giard, pathologiste clinique (n.p.), épidémiologiste clinique et juriste.
Contact : R.W.M. Giard (raimondgiard@gmail.com)
Accepté le 18 mai 2022
Citer comme : Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6926

Bibliographie

1. Adami HO, Kalager M, Valdimarsdottir U, Bretthauer M, Ioannidis JPA. Time to abandon early detection cancer screening. Eur J Clin Invest. 2019;49:e13062. doi:10.1111/eci.13062. Medline

2. Hochman M, Cohen P. Cancer screening: no longer the default. J Gen Intern Med. 2021;36:525-6. doi:10.1007/s11606-020-05781-7. Medline

3. Van der Graaf Y. De verhulde risico’s van screening . Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6760.

4. Ropers FG, Barratt A, Wilt TJ, et al. Health screening needs independent regular re-evaluation. BMJ. 2021;374:n2049. doi:10.1136/bmj.n2049. Medline

5. Autier P, Boniol M. Mammography screening: A major issue in medicine. Eur J Cancer. 2018;90:34-62. doi:10.1016/j.ejca.2017.11.002. Medline

6. Van der Graaf Y. De verhulde risico's van screening. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6760.

7. Krom A, Dekkers OM, Ploem MC. Verlies de nadelen van screening niet uit het oog: zorgen over wijziging Wet op hetbevolkingsonderzoek. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6701.

8. Chaltiel D, Hill C. Estimations of overdiagnosis in breast cancer screening vary between 0% and over 50%: why? BMJ Open. 2021;11:e046353. doi:10.1136/bmjopen-2020-046353. Medline

9. Njor SH, Paci E, Rebolj M. As you like it: How the same data can support manifold views of overdiagnosis in breast cancer screening.Int J Cancer. 2018;143:1287-94. doi:10.1002/ijc.31420. Medline

10. Jatoi I, Pinsky PF. Breast cancer screening trials: endpoints and overdiagnosis. J Natl Cancer Inst. 2021;113:1131-5.doi:10.1093/jnci/djaa140. Medline

11. Porzsolt F, Matosevic R, Kaplan RM. Recommendations for cancer screening would be different if we measured endpoints that are valid, reliable, specific, and important to patients. Cancer Causes Control. 2020;31:705-11. doi:10.1007/s10552-020-01309-w.Medline

12. Zeng L, Helsingen LM, Kenji Nampo F, et al. How do cancer screening guidelines trade off benefits versus harms and burdens of screening? A systematic survey. BMJ Open. 2020;10:e038322. Medline

13. Stiggelbout A, Copp T, Jacklyn G, et al. Women’s acceptance of overdetection in breast cancer screening: can we assess harm-benefit tradeoffs? Med Decis Making. 2020;40:42-51. doi:10.1177/0272989X19886886. Medline

14. Zahl PH, Kalager M, Suhrke P, Nord E. Quality-of-life effects of screening mammography in Norway. Int J Cancer. 2020;146:2104-12.doi:10.1002/ijc.32539. Medline

15. Giard RWM, Hart W. De pretenties en prestaties van kankerscreening, in het bijzonder voor borstkanker . Ned Tijdschr Geneeskd.2002;146:1045-9 Medline

Article de Yolanda van der Graaf

Les risques cachés du dépistage

Yolanda van der Graaf

Résumé

Le dépistage devrait permettre de modifier l'évolution naturelle d'une maladie afin de réduire la mortalité due à cette maladie. Le dépistage offre très peu de bénéfices mais présente de nombreux inconvénients comme les faux positifs, le surdiagnostic et la détresse psychologique. Les partisans du dépistage surestiment l'importance de la maladie et les effets du dépistage mais négligent les inconvénients.
Mais aussi les potentiels participants et les médecins surestiment les effets du dépistage. Bien que considérés comme importants, les critères encore valables de Wilson et Jungner sont négligés par les chercheurs et les commissions qui comités qui approuvent le dépistage. Même dans le cas où les médecins désapprouvent le dépistage, des personnes en bonne santé sont prêtes à se soumettre à des scanners corporels, bien que personne ne sache comment traiter les nombreuses anomalies détectées. Les programmes de dépistage doivent être évalués par rapport à d'autres types de dispositifs et non pas simplement en établissant des modèles avec de nombreuses hypothèses non prouvées. Et surtout, les participants potentiels doivent être informés des inconvénients potentiels et des faibles bénéfices au niveau de la santé.

Détecter la maladie avant qu'elle ne provoque des symptômes - c'est forcément mieux, non ? Mieux vaut prévenir que guérir. Cette prémisse semble si simple que de nombreuses personnes n'ont pas besoin de preuves. Mais la réalité est bien plus complexe. Pourquoi le dépistage est-il si attrayant pour les citoyens, les prestataires de soins de santé, l'industrie et le gouvernement, et pourquoi les inconvénients sont-ils si difficiles à percevoir ? Dans cet article, je décris les principes du dépistage, la surestimation par la société du risque de maladie, et la méconnaissance par les médecins et les participants des effets réels du dépistage sur la santé. Je quantifie ensuite les risques du dépistage et je discute des raisons pour lesquelles le dépistage reste néanmoins si populaire.

Les principes du dépistage

Un simple test de dépistage tente de classer les personnes ne présentant pas de symptômes en groupes à haut risque et à faible risque. Un deuxième test - par exemple une biopsie - est presque toujours nécessaire pour confirmer la présence de la maladie. Après confirmation, vous commencez à traiter la maladie. L'objectif du dépistage est d'influencer favorablement l'évolution naturelle de la maladie. Mais cela suppose que l'on connaisse cette évolution naturelle et qu'il existe un stade de latence au cours duquel la maladie peut être détectée et traitée. Parfois, on détecte la maladie plus tôt, mais il est encore trop tard et le participant ne vit que plus longtemps avec la prise de conscience de la maladie. Et parfois, on détecte des tumeurs dont certains ne souffriront jamais.

Ainsi, dans les tumeurs qui ont été détectées lors d'un dépistage, on peut avoir de meilleurs pronostics que dans les tumeurs qui ont été détectées parce qu'elles ont provoqué des symptômes. D'une part, cela peut être dû à une différence biologique entre les tumeurs ; c'est ce qu'on appelle le biais "lenteur d’évolution". D'autre part, ce gain de survie est en partie artificiel, car les tumeurs sont détectées plus tôt lors du dépistage que lorsqu'on attend qu'elles produisent des symptômes. Ce phénomène c'est ce qu'on appelle le biais "de temps d’avance au diagnostic".

Ces biais de lenteur d’évolution  et de temps d’avance au diagnostic rendent l'évaluation du dépistage complexe, si bien que seules des études comparatives, souvent avec un suivi de plus de dix ans, donnent une bonne représentation des avantages et des inconvénients du dépistage. Wilson et Jungner pensaient déjà, il y a plus de 50 ans, que "plus tôt" ne peut être meilleur que si un certain nombre de conditions sont réunies.1 Bien que ces conditions soient toujours mentionnées dans les rapports du Conseil de la santé, il suffit de comparer le dépistage actuel du cancer du col de l'utérus à ces critères pour constater un grave manque de conformité (tableau 1). Le cancer du col de l'utérus n'est pas un problème majeur de santé publique et il existe un écart énorme entre le nombre de lésions prémalignes détectées et le nombre de femmes atteintes d'un cancer invasif. Et parce que les connaissances sur l'évolution des anomalies prémalignes est insuffisante, il y a un surtraitement généralisé.

Il semble qu'avec la législation à venir - la loi sur l'examen médical préventif - les inconvénients du dépistage ont déjà été entièrement balayés sous le tapis.2,3

Surestimation du risque de maladie

En général, le risque de maladie est assez surestimé. La Dutch Brain Foundation tente de nous faire croire qu'un Néerlandais sur quatre est atteint d'une maladie du cerveau4. Cela semble beaucoup, jusqu'à ce que l'on lise que 1,9 million de néerlandais souffrent d'un trouble de la personnalité, d'anxiété ou de panique. Dormir mal s'avère soudain être une maladie du cerveau.
Même pour le cancer, le risque réel est surestimé. Il est rare que l'on soit informé du risque de décès par cancer au cours d'une vie. Seulement 3 % des femmes meurent d'un cancer du sein. Le risque de mourir d'un cancer du côlon n'est "que" de 2 %.
Sur le site du RIVM (National Institute for Public Health and the Environment), j'ai lu que 1 femme sur 7 aura un cancer du sein à un moment donné de sa vie. 5 Ce n'est pas pertinent, car la plupart des cancers du sein ne provoquent aucun décès chez les femmes. Même sans dépistage.
Ce qui compte, c'est le risque de mourir prématurément d'un cancer du sein et la façon dont ce risque est réduit par la participation au dépistage. En outre, l'âge auquel on meurt est un fait important qui est occulté lorsque l'on nous présente les nombres absolus habituels pour un type de cancer.

Surestimation de l'impact du dépistage

Les participants potentiels surestiment largement les avantages du dépistage de masse. Une vaste étude par interview auprès de plus de 10 000 participants, qui demandait dans quelle mesure le dépistage de masse pour le cancer du sein et de la prostate, a révélé que plus de 92 % des femmes surestimaient les effets du dépistage par un facteur de 10. 6
Aux Pays-Bas, plus de 50 % des femmes pensent que, grâce au programme de dépistage, plus de 50 femmes sur 1 000 ne mourront plus du cancer du sein. Et 20% ne le savent pas. La bonne réponse : pour 1000 femmes dépistées, 1 femme en moins sera décédée par cancer du sein. Cette réponse a été donnée par 1% des personnes interrogées.
Les médecins surestiment également les effets du dépistage. Plus de 50 % des médecins américains ne comprennent pas les principes du dépistage et pensent que le nombre plus élevé de tumeurs dans le groupe dépisté est la preuve de l'efficacité du dépistage. Les trois quarts d'entre eux n'avaient jamais entendu parler du biais du délai d'avance au diagnostic. Dans un communiqué de presse du 25 septembre 2018, Erasmus MC a affirmé que le dépistage du cancer du poumon permet d'éviter des milliers de décès.8 Les modestes chiffres qui donnent à réfléchir et qui accompagnent cet optimisme sont apparus un an et demi plus tard9.
Mais même si aucune profession médicale ne voit l'intérêt d'un test de dépistage et qu'il n'existe pas la moindre preuve scientifique, les gens se soumettent au dépistage.10 Les scanners corporels de la société commerciale Prescan que plus de 150 000 clients ont utilisé depuis 2003 en sont un bon exemple

Les risques du dépistage sont élevés

Les effets du dépistage du cancer du col de l'utérus, du sein et du côlon ont fait l'objet de nombreuses études. On connaît approximativement le nombre de personnes qui doivent être dépistées pour éviter 1 décès dû au cancer en question. Le principal problème ici est que ce chiffre n'est pas communiqué de manière adéquate aux participants potentiels au dépistage. Un problème bien plus important est celui des initiatives de dépistage dont on ne connaît même pas l'efficacité, sans parler du fait qu'il y a une conscience du surdiagnostic et du surtraitement.

Pour chaque décès dû au cancer du sein que vous évitez grâce au dépistage, 1000 femmes doivent être soumises à un dépistage régulier. En appliquant un programme de dépistage, plus de 100 femmes sont traitées inutilement.11,12 Les probabilités de traitement inutile sont donc des dizaines de fois plus élevées que  les chances qu'une femme bénéficie d'un dépistage. Récemment, le pourcentage de femmes âgées de 50 à 74 ans chez qui un cancer du sein a été diagnostiqué  à la suite d'un dépistage, mais qui ne développeront jamais de cancer du sein, a été estimé à 15,4 % 13.

Pourquoi un scanner du corps entier n'est-il pas utile ?

Les scanners (CT et IRM) révèlent bien plus que ce que nous souhaiterions. En particulier, ils cartographient le vieillissement. Le bénéfice potentiel que l'on attribue au scanner corporel total réside dans la détection précoce des tumeurs malignes, des anomalies vasculaires et des calcifications. A priori on ne s'attend pas à ce qu'un scanner corporel soit utile. Pour cela, la prévalence des tumeurs malignes est trop faible,  le traitement des vasoconstrictions asymptomatiques (carotides, vaisseaux coronaires) est nocif, et le calcium dans les vaisseaux coronaires peut prédire le risque mais ne signifie pas que les interventions sont utiles.16 Les calcifications sont simplement la somme des facteurs de risque classiques et des interactions entre les gènes et l'environnement.
Le gros problème du scanner corporel total est la quantité extraorbitante de résultats que personne ne sait comment traiter. Une revue portant sur un total de 15 877 patients a montré que le pourcentage de résultats extracardiaques était de 44 % (95 %-BI : 35-54).17
Une étude systématique similaire portant sur 12 922 patients a montré que la prévalence des résultats cliniquement pertinents était de 13 % (95 %-BI : 35-54).18
Les études ont utilisé une définition pragmatique de la notion de "cliniquement pertinent" : les résultats qu'un clinicien doit rechercher (par exemple, embolie pulmonaire, kystes, gros nodules, lymphome, suspicion de malignité).
Les caractéristiques que l'on s'attendrait à voir influencer la prévalence, comme l'âge, la prévalence du tabagisme ou le champ de vision, n'ont pas expliqué les différences de prévalence. Cela est probablement dû au fait que la définition d'une "anomalie cliniquement pertinente" n'est pas cohérente.

Mais la peur du cancer chez les gens rapporte aussi beaucoup d'argent. 20 Pour des raisons de commodité, aucune recherche n'est effectuée sur l'efficacité ; au lieu de cela, on utilise des promesses pour recruter. Les gens sont séduits par l'idée qu'en une journée, ils pourront mieux connaître leur santé. Pour 1250 €, vous obtenez 5 IRM - du crâne et du cerveau, des vaisseaux cervicaux, de la poitrine, de l'abdomen supérieur et inférieur - et des tests de laboratoire. C'est un excellent modèle de revenu, car le prestataire ne fait que des diagnostics. Pas de recherche sur le suivi et aucun traitement.
Prescan, une société qui propose des scanners du corps entier, pousse les conséquences de résultats anormaux au-delà des limites. Le secteur curatif devrait s'en soucier.

Le dépistage en vaut-il la peine ?

Enfin, quelques mots sur l'évaluation du dépistage.
L’évaluation consiste à comparer le dépistage avec une situation où il n'y a pas de dépistage. Une telle comparaison manque très souvent de données importantes et utilise des modèles complexes que presque personne ne peut comprendre.
Il y a longtemps, nous avons décidé que nous étions prêts à payer 20 000 euros pour une année de vie sauvée, mais aujourd'hui la question est de savoir ce que nous pourrions faire d'autre avec cet argent. Pratiquement toutes les interventions de sevrage tabagique sont réalisables pour une valeur seuil nettement inférieure aux 20 000 € par année de vie gagnée.
C'est de loin dans le domaine du sevrage tabagique que l'on peut obtenir le plus de bénéfices pour la santé aux Pays-Bas. Les avantages pour la santé des programmes de dépistage sont minimes par rapport à ceux-ci.

Conclusion

Bien que le dépistage soit pratiqué depuis des décennies, ses inconvénients ne sont pas suffisamment pris en compte.

La réalité est que "plus tôt" ne signifie pas toujours mieux. Les partisans du dépistage ne peuvent s'empêcher d'exagérer le risque de maladie grave, de surestimer les avantages du dépistage et d'ignorer le grand nombre de faux positifs.

Le dépistage est actuellement mal évalué parce qu'il ne permet pas de déterminer si l'on peut tirer bien plus de bénéfices pour la santé avec les mêmes coûts mais des mesures différentes. Le dépistage doit être évalué par des scientifiques indépendants et non par des personnes qui pratiquent le dépistage depuis des décennies.
En outre, la multiplication des programmes de dépistage pour lesquels il n'existe pas la moindre preuve scientifique et pour lesquels le gain financier est prioritaire doit être impérativement combattue. Avant tout, les participants à un programme de dépistage doivent recevoir des informations honnêtes. Ce magazine a fait de très bonnes suggestions à ce sujet en 2009.

Article et commentaire en ligne à l'adresse suivante : ntvg.nl/D6760
UMC Utrecht, Centre Julius, Utrecht : Prof. Dr. Y. van der Graaf, épidémiologiste clinique.
Contact : Y. van der Graaf (y.vandergraaf@gmail.com)
Conflit d'intérêts et soutien financier : aucun n'a été signalé.
Accepté le 5 mai 2022
Citer comme : Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6760

Bibliographie

1. Wilson JMG, Jungner G. Principles and practice of screening for disease. Genève: WHO; 1968.

2. Krom A, Dekkers OM, Ploem MC. Verlies de nadelen van screening niet uit het oog: zorgen over wijziging Wet op hetbevolkingsonderzoek. Ned Tijdschr Geneeskd. 2022;166:D6701.

3. Wijziging van de Wet op het bevolkingsonderzoek in verband met actuele ontwikkelingen op het terrein van preventief gezondheidsonderzoek. Tweede Kamer der Staten-Generaal. Kamerstuk 35384.

4. Een op vier Nederlanders heeft een hersenaandoening. RIVM, 27 november 2017. www.rivm.nl/nieuws/op-vier-nederlanders-heefthersenaandoening, geraadpleegd op 1 juni 2022.

5. Bevolkingsonderzoek borstkanker. RIVM, 19 april 2022. www.rivm.nl/bevolkingsonderzoek-borstkanker, geraadpleegd op 1 juni 2022.

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8. De Visser E. Screening op longkanker bij bij (ex-)rokers zou ‘duizenden doden voorkomen’, maar deskundigen zijn sceptisch. de Volkskrant, 26 september 2019.

9. De Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, et al. Reduced Lung-Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial. N Engl J Med. 2020;382:503-13. doi:10.1056/NEJMoa1911793. Medline

10. Nederlandse Vereniging voor Radiologie. Standpunt NVvR screenende total body scans / health checks. www.radiologen.nl/nvvr/standpunt-nvvr-screenende-total-body-scans-health-checks, geraadpleegd op 1 juni 2022.

11. Zaat J. Minister, ik wil een bevolkingsonderzoek. Ned Tijdschr Geneeskd. 2018;162:C4055.

12. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013;(6):CD001877 Medline.

13. Ryser MD, Lange J, Inoue LYT, et al. Estimation of Breast Cancer Overdiagnosis in a U.S. Breast Screening Cohort. Ann Intern Med. 2022;175:471-8 (epub ahead of print). doi:10.7326/M21-3577. Medline

14. Vermeer NC, Liefers GJ, van der Hoop AG, Peeters KC. Bevolkingsonderzoek naar darmkanker: zucht of zegen? Ned Tijdschr Geneeskd. 2015;159:A9059.

15. Factsheet bevolkingsonderzoek darmkanker. RIVM, 11 december 2020. www.rivm.nl/documenten/factsheet-bevolkingsonderzoekdarmkanker, geraadpleegd op 1 juni 2022.

16. Sedlis SP, Hartigan PM, Teo KK, et al; COURAGE Trial Investigators. Effect of PCI on long-term survival in patients with stablischemic heart disease. N Engl J Med. 2015;373:1937-46. doi:10.1056/NEJMoa1505532. Medline

17. Flor N, Di Leo G, Squarza SA, et al. Malignant incidental extracardiac findings on cardiac CT: systematic review and meta-analysis. AJR Am J Roentgenol. 2013;201:555-64. doi:10.2214/AJR.12.10306. Medline

18. Buckens CF, Verkooijen HM, Gondrie MJ, Jairam P, Mali WP, van der Graaf Y. Unrequested findings on cardiac computed tomography: looking beyond the heart. PLoS One. 2012;7:e32184. doi:10.1371/journal.pone.0032184. Medline

19. Johansson M, Borys F, Peterson H, Bilamour G, Bruschettini M, Jørgensen KJ. Addressing harms of screening - A review of outcomes in Cochrane reviews and suggestions for next steps. J Clin Epidemiol. 2021;129:68-73. doi:10.1016/j.jclinepi.2020.09.030. Medline

20. In één dag inzicht in je gezondheid! Prescan. www.prescan.nl/?gclid=Cj0KCQiA9OiPBhCOARIsAI0y71AT0HHRx4u4UkvG5luXgrTUZBmKGxdbdMTrZ8Q6maDE2NGV3PYvVIEaAqhYEALw_wcB, geraadpleegd op 1 juni 2022.

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Participation à une thèse en médecine

thèse de médecine générale concernant la non-participation au dépistage organisé du cancer du sein par mammographie.

Le but de ce travail est de s’intéresser aux femmes qui ne réalisent pas le dépistage du cancer du sein et de leur donner la parole pour une étude sociologique en Île-de France.

Il est question également de savoir si les participantes sont bien informées des risques du dépistage et à quel point elles ont pu en être impactées.
Le rapport du comité d'orientation de la concertation scientifique et citoyenne soulignait en effet que le dépistage sous sa forme actuelle n'était plus envisageable.

L'idée de ce travail va dans le sens d'essayer de trouver des pistes de réflexion pour une approche plus humaine, plus empathique et informative dans le parcours de dépistage.

Les personnes intéressées peuvent contacter l'étudiant en médecine de l’Université de Paris
à l'adresse mail : these.coin@protonmail.com, afin qu'il puisse leur transmettre la notice d'information et la fiche de consentement avant l'étude.

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Perturbation des dépistages durant la pandémie : des inconvénients ? Des avantages aussi

28 mai 2022,

Durant la pandémie Covid, des Cassandre de tout poil et des médias  de tous horizons ont lancé de terribles prévisions et avertissements selon lesquels les perturbations des programmes de dépistage des cancers entraîneraient un «tsunami» de cancers avancés du sein, de la prostate, du côlon, du col de l'utérus et des décès. 
Des oncologues ont fait courir des bruits terrifiants selon lesquels une diminution es dépistages du cancer pendant cette période de Covid-19 entraînerait des décès en masse. Cette prédiction est fortement remise en question par plusieurs scientifiques qui s'expriment dans divers medias scientifiques et dans cette publication d'auteurs australiens du 27 avril dernier, considérant même la période de cessation des dépistages comme une "expérimentation naturelle" pour enfin évaluer avec justesse les bénéfices et les inconvénients des soins de santé de routine.
Online early publication https://doi.org/10.17061/phrp32122208
https://www.phrp.com.au/wp-content/uploads/2022/04/PHRP32122208.pdf

Considérer les avantages potentiels, ainsi que les inconvénients, résultant de la perturbation des programmes de dépistages des cancers et d'autres services de santé à cause du COVID-19

Katy JL Bell a,b,f, Fiona F Stanaway b, Kirsten McCaffery a,b,c, Michael Shirley a and Stacy M Carter a,d,e
a  Wiser Healthcare Research Collaboration, Sydney, NSW, Australia
b  School of Public Health, Faculty of Medicine and Health, University of Sydney, NSW, Australia
c  Sydney Health Literacy Lab, Faculty of Medicine and Health, University of Sydney, NSW, Australia
d  Australian Centre for Health Engagement, Evidence and Values, University of Wollongong, NSW, Australia
e  School of Health and Society, University of Wollongong, NSW, Australia
f  Corresponding author. katy.bell@sydney.edu.au

Points clés

- La surmortalité mondiale enregistrée en 2020 a été attribuée à la COVID-19 ainsi qu'à d'autres causes. Le taux de mortalité a touché de manière disproportionnée les personnes les plus défavorisées et les plus marginalisées.

- Les réponses pandémiques visant à empêcher la propagation du COVID-19 auraient peut-être aussi contribué à éviter des décès dus à des causes autres que le COVID-19, notamment ceux résultant de diagnostics, d'examens et de traitements inutiles.

- La recherche examinant les avantages et les inconvénients liés à la perturbation des soins de santé causée par le COVID-19 pourrait aider les services de santé à fournir des soins de santé de telle sorte que pour les patients il en ressorte un maximum d'avantages pour leur santé avec un minimum d'exposition à des inconvénients.

Résumé

Depuis 2020, dans le monde entier on enregistre des centaines de milliers de décès en excès par rapport à ce qui était attendu.
Au cours de la pandémie de coronavirus 2019 (COVID-19) les priorités de recherche ont consisté à maîtriser la propagation de l'infection et à minimiser les pertes de vies humaines.
Toutefois, il sera peut-être possible de tirer des enseignements de la pandémie pour mettre en place un meilleur système de soins de santé, qui offre un maximum d'avantages pour la santé et le moins d’inconvénients possibles.

Jusqu'à présent, une attention particulière a été accordée aux bénéfices manqués, imputés à la récession des dépistages du cancer lors de la pandémie.
Mais une approche plus équilibrée consisterait à reconnaître que tous les services de santé présentent aussi des inconvénients potentiels.
Ainsi, nous pourrions être en mesure d'utiliser les "expériences naturelles" liées à la pandémie pour identifier les cas où la réduction d'un service de santé n'a pas été préjudiciable à la population, et même où la défection de certains services auront pu être bénéfiques.

Lire : une expérience naturelle au travers de la pandémie

Impact de la pandémie COVID-19

L'année 2020 a connu plus de 500 000 décès de plus que prévu, rien qu'aux États-Unis[1] et une augmentation des décès dans le monde entier.[2] Ces décès excédentaires à l'échelle mondiale peuvent être regroupés en trois catégories :

  • les décès identifiés comme étant liés à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19),
  • les décès liés à la CoVID-19 mais non identifiés en tant que tels,
  • les décès dus à d'autres causes.

    La cause la plus évidente de décès excédentaires est celle des personnes chez qui l'on a diagnostiqué la COVID-19.
    Cependant, il y a eu beaucoup plus de décès en excès en 2020 que ceux directement attribués au COVID-19.[3] Une cause moins évidente de décès en excès est la non-déclaration de cas en raison d'un sous-dépistage et d'un sous-diagnostic. En Australie par exemple, disent les auteurs, les décès en excès attribués à une 'pneumonie' à la fin mars et en avril 2020 suggèrent que certains décès réellement dus au COVID-19 ont été manqués au début de la pandémie, lorsque l'accès au dépistage était plus limité.[4]

La cause la moins apparente de décès excédentaires est celle des décès liés à la COVID-19 mais causés par les effets indirects de la pandémie, notamment par la perturbation massive des systèmes de santé.
Bien que l'Australie s'en sorte mieux que la plupart des pays en termes de décès dus au COVID-19 et à d'autres causes[5] [6], les auteurs estiment qu'il faut prendre ce constat au sérieux. Dans le monde, il y a encore beaucoup de souffrance pour les travailleurs de la santé de première ligne et pour tous ceux qui voient la pandémie se développer, et leur vie changer.
Il est préoccupant de constater que la pandémie a exacerbé les inégalités en matière de santé dues à des déterminants sociaux, la charge de la mortalité (causée directement et indirectement par le SRAS-CoV-2) frappant de manière disproportionnée les personnes les moins bien loties et les plus marginalisées sur le plan culturel et linguistique, y compris les personnes de couleur[7].
Il faut être conscient de ces causes de décès et redoubler d'efforts pour lutter contre les injustices structurelles, en s'attelant aux causes profondes des inégalités de santé qui perdurent et sont omniprésentes.

La pandémie a-t-elle pu aussi sauver des vies ?

Mais dans ce tableau certains changements imposés par la pandémie à la société ont pu peut-être sauver des vies.
Les décès évités pendant la pandémie seraient dus à des facteurs évidents et moins évidents. La diminution du nombre de décès dus à la grippe[8], à la pneumonie et à d'autres agents pathogènes respiratoires autres que le SRAS-CoV-2 est le facteur le plus flagrant et résulte très probablement des mesures de lutte contre la pandémie.[9]  [10]
La réduction de la pollution atmosphérique due aux mesures de confinement imposées par de nombreux pays est moins évidente, les modélisations suggérant que plus de 300 000 décès ont été évités rien qu'en Chine et en Europe.[11]

Et puis il y a le facteur le moins évident et le plus contre-intuitif, qui est la possibilité que des vies aient été sauvées grâce à un recours réduit à des soins de santé qui auraient autrement causé des préjudices.[12] Ces décès peuvent avoir été évités parce que certaines personnes ont évité des tests, des diagnostics et des traitements inutiles, et que le risque de dommages lié à ces interventions l'emporte sur le potentiel bénéfice.

Le bénéfice absolu apporté par les soins de santé augmente généralement avec la gravité de la maladie et parmi les populations dont le risque de base des personnes testées, diagnostiquées et traitées est plus élevé que dans la population générale- (par exemple, les bénéfices absolus des traitements hypotenseurs et hypocholestérolémiants sont plus élevés chez les personnes présentant un risque de base plus élevé que chez celles présentant un risque de base plus faible[13] [14]).
D'autre part, la probabilité d'un préjudice pourrait être plus ou moins constante en fonction des différents risques de base[15].

Ce que les auteurs souhaitent souligner est que les patients à faible risque d'une maladie retirent très peu de bénéfice d'être dépistés, et pourraient être davantage exposés aux préjudices des dépistages de routine, comme p.ex. les détection inutiles, ce qu'on appelle le surdiagnostic.

Au sein de la population, un très petit nombre avec un risque de mortalité élevé bénéficiera d'une recherche spécifique de maladie, aux dépens d'un grande majorité de personnes pour lesquelles cette recherche est inutile et délétère, car ces dernières risquent d'être diagnostiquées et traitées par exemple pour des lésions prénéoplasiques ou des cancers à faible risque, lésions qui auraient pu être ignorées.[16]

A l'inverse, au sein d'une population surveillée pour cancer (personnes faisant l'objet d'un suivi pour un nouveau cancer ou une récidive après le traitement d'un premier cancer primaire), une proportion plus importante de personnes peut avoir un haut risque de développer un cancer et bénéficier d'une détection précoce, ce qui aura pu leur manquer durant la pandémie (ainsi que l'accès normal aux services de santé et aux soins).

Avantages potentiels découlant des perturbations des soins de santé

De nombreuses recherches sur l'impact sanitaire des perturbations des soins de santé dues à la pandémie de COVID-19 se sont focalisées sur les conséquences négatives probables de l'absence de soins et sur les solutions possibles pour les atténuer.
Ces recherches ont principalement consisté en études de modélisation prévoyant les impacts potentiels de la réduction des services de santé sur les résultats cliniques futurs, tels que la mortalité par exemple.
(lire étude Grouvid : https://cancer-rose.fr/2020/11/11/pandemie-covid-19-et-prise-en-charge-des-cancers/).

Cependant, il faut reconnaître que tous les services de santé offerts aux patients (y compris les tests, les diagnostics et les traitements) présentent des inconvénients et des avantages potentiels pour la population, et on devrait logiquement, pour ce genre d'évaluation, inclure les deux types d'impacts cliniques dans ces études de modélisation, à savoir l'impact négatif autant que l'impact positif.
Par exemple, bien que l'on puisse s'attendre à ce que l’interruption du dépistage du cancer, comme la mammographie, et la réduction du dépistage du cancer de la prostate par le test de l'antigène prostatique spécifique (PSA) entraînent une diminution des avantages liés à la détection et au traitement plus précoces de ces cancers, il peut y avoir également une diminution des inconvénients imputables à ces dispositifs de santé[17] .

Et en effet, les tests de dépistage du cancer peuvent augmenter le risque de mortalité par différents moyens.[18] [19]
Il s'agit notamment :
* Des conséquences des tests invasifs nécessaires pour confirmer le diagnostic après un test de dépistage positif (par exemple un dosage PSA positif qui entraîne une biopsie prostatique, elle-même suivie d'une septicémie post-biopsie de la prostate)[20] [21];
* Des implications psychologiques liées à l'étiquette de "malade" pour la personne qui aura été testée positive (pour exemple, l'augmentation des taux d'infarctus du myocarde et de suicide après une annonce de détection de cancer de la prostate)[22] [23];
* Des conséquences du traitement des cancers surdiagnostiqués (par exemple, les décès dus aux complications chirurgicales et aux effets des radiations après le traitement d'un cancer du sein inutilement détecté).25,26 

De futures études de modélisation pourraient s'appuyer sur des preuves empiriques des avantages et des inconvénients des services de soins de santé comme les dépistages et de leurs perturbations, et s'appuyer aussi sur la mortalité et la morbidité globales ainsi que sur les résultats spécifiques aux maladies pour évaluer ces impacts différents.

En Australie expliquent les auteurs, on a estimé qu'avant la pandémie de COVID-19, le surdiagnostic du cancer - le préjudice le plus grave du dépistage du cancer - entraînait chaque année un surdiagnostic du cancer du sein chez environ 4000 femmes australiennes et un surdiagnostic du cancer de la prostate chez plus de 8 500 hommes australiens [27] .( https://cancer-rose.fr/2020/01/28/30-000-cancers-surdiagnostiques-par-an-dans-une-etude-australienne-un-enjeu-de-sante-publique/)

La réduction liée à la pandémie du nombre de personnes en bonne santé subissant ces tests et d'autres tests médicaux peut avoir entraîné une diminution du surdiagnostic et du surtraitement des cancers et d'autres maladies depuis 2020.

L'ampleur de ces variations est susceptible de varier entre les régions géographiques et en fonction de la perturbation des services de dépistage.
Elle sera quantifiable lorsque les données de 2020 et des années suivantes seront disponibles. Les diminutions observées refléteront à la fois les cancers manqués, pour lesquels une détection précoce aurait été bénéfique, et la réduction du surdiagnostic, pour lequel une détection précoce aurait été préjudiciable, mais il pourra être difficile de différencier les deux.

Des paramètres, tels que les marqueurs biologiques qui jaugent la gravité de la maladie et l'appréciation du risque parmi les diagnostics, peuvent indiquer dans quelle mesure le spectre de la maladie s'est déplacé en 2020[24] et depuis. Les récentes constatations de réductions proportionnellement plus importantes de l'utilisation des soins de santé parmi les personnes atteintes d'une maladie moins grave[25] soutiennent l'existence d'un tel déplacement du spectre des maladies.

La diminution observée des diagnostics de cancer dans les groupes d'âge où le dépistage n'est pas recommandé sur la base des données disponibles, mais qui était néanmoins fréquemment prescrit avant l'apparition de la pandémie (à cause de tests de routine effectués en dehors des recommandations p.ex.), peut également fournir une preuve indirecte de la diminution du surdiagnostic (par exemple, le dépistage du cancer de la prostate chez les hommes <55 ans ou >69 ans ; ou le dépistage du cancer du sein chez les femmes <40 ans ou >74 ans).[26]
En lien lire : https://cancer-rose.fr/2020/05/28/un-effet-secondaire-inattendu-de-lepidemie-covid-19/

Les enseignements tirés de cette "expérimentation naturelle"

Dans certains cas, il serait possible d'identifier là où peuvent se faire des réductions des soins de santé, en particulier pour des dispositifs de santé à faible valeur ajoutée (que ce soit des prescriptions systématiques de médicaments pour des populations à faible risque de maladie ou des prescriptions de dépistages non recommandés) , puisque ces réductions durant la pandémie n'ont pas été nuisibles dans l'ensemble, ou même ont été bénéfiques.
Les résultats ne devront pas être sur-interprétés, recommandent les auteurs, car les impacts à plus long terme doivent être aussi évalués et pris en compte au même titre que ceux à court terme.

Mais en tirant le maximum d'enseignements des aspects positifs et négatifs des " expériences naturelles " vécues au cours de la pandémie[27], les auteurs suggèrent qu'il serait ainsi possible de tendre vers une " nouvelle normalité " post-pandémique, où seraient privilégiés des services de soins de santé apportant un maximum d'avantages pour la santé des populations et des individus, et un minimum d'expositions à des dommages.[28] [29]


Références

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[22] Fang F, Keating NL, Mucci LA, Adami H-O, Stampfer MJ, Valdimarsdóttir U, et al. Immediate risk of suicide and cardiovascular death after a prostate cancer diagnosis: cohort study in the United States. J Natl Cancer Inst. 2010;102:307–14.

[23] Smith DP, Calopedos R, Bang A, Yu XQ, Egger S, Chambers S, et al. Increased risk of suicide in New South Wales men with prostate cancer: Analysis of linked population-wide data. PLoS One. 2018;13:e0198679.

[24] Srivastava S, Koay EJ, Borowsky AD, De Marzo AM, Ghosh S, Wagner PD, et al. Cancer overdiagnosis: a biological challenge and clinical dilemma. Nat Rev Cancer. 2019;19:349–58.

[25] Moynihan R, Sanders S, Michaleff ZA, Scott AM, Clark J, To EJ, et al. Impact of COVID-19 pandemic on utilisation of healthcare services: a systematic review. BMJ Open. 2021;11:e045343.

[26] Kerr EA, Klamerus ML, Markovitz AA, Sussman JB, Bernstein SJ, Caverly TJ, et al. Identifying recommendations for stopping or scaling back unnecessary routine services in primary care. JAMA Intern Med. 2020;180:1500–8.

[27] Moynihan R, Johansson M, Maybee A, Lang E, Légaré F. Covid-19: an opportunity to reduce unnecessary healthcare. BMJ. 2020;370:m2752.

[28] Sorenson C, Japinga M, Crook H, McClellan M. Building a better health care system post-Covid-19: steps for reducing low-value and wasteful care. NEJM Catal Innov Care Deliv. 2020. Available from: https://catalyst.nejm.org/ doi/full/10.1056/CAT.20.0368

[29] Auener S, Kroon D, Wackers E, Dulmen Sv, Jeurissen P. COVID-19: A window of opportunity for positive healthcare reforms. Int J Health Policy Manag. 2020;9:419–22.


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Bilan sur la tomosynthèse

17 mai 2022

Article dans Auntminnie

Rappel : la tomosynthèse (ou mammographie 3D), est une technique d'imagerie radiologique qui permet de diminuer l'effet de superposition des tissus mammaires, car elle reconstitue de manière tridimensionnelle l'image du sein à partir de plusieurs radiographies à faible dose acquises sous différents angles de projection.

Cette technique a été largement promue il y a une dizaine d'année, un bilan est donc fait après 10 années de recul dans le média "AuntMinnie.com".
C'est un site Internet communautaire pour les radiologues et pour tous les professionnels de l'industrie de l'imagerie médicale. De l'aveu-même de ce média plutôt collaboratif mettant en relation radiologues, chefs d'entreprise et industriels pour "se rencontrer, effectuer des transactions, rechercher et collaborer", la tomosynthèse a clairement déçu. 

Beaucoup de questions et de doutes sur le bénéfice de l'utilisation de cette technique ont déjà été soulevés antérieurement :
 https://cancer-rose.fr/2019/03/09/association-de-la-tomosynthese-versus-mammographie-numerique-dans-la-detection-des-cancers/

  • la tomosynthèse ne réduit pas les fausses alertes
  • l'adjonction de la tomosynthèse ne réduit pas les cancers d'intervalle
  • la tomosynthèse augmenterait le surdiagnostic
  • les bénéfices de la tomosynthèses ne sont pas nets

1° La détection de cancers

On a comparé la mammographie numérique seule à la mammographie numérique + tomosynthèse ( association plus irradiante) : des études avec appariement* ont montré que l'adjonction de la tomosynthèse permettait de trouver plus de cancers : 8,8 pour 1000 femmes contre 6,4 pour 1000. Mais dans d'autres études non appariées*, la différence était plus étroite, de 5,7 cancers détectés pour 1000 femmes par rapport à 4,5.

* L'appariement consiste à mettre en place des paires (1 cas et 1 témoin) présentant les mêmes caractéristiques (p.ex. l'âge) pour pouvoir comparer les résultats en évitant les facteurs de confusion potentiels. Les groupes sont ainsi « équilibrés » sur ces caractéristiques.

2° Les taux de rappel

Qu’en est-il des taux de rappel ? Là aussi, les données varient selon l'étude réalisée. Le taux de rappel concerne les fausses alertes lors d'un dépistage, c'est à dire les suspicions de cancers qui ne se vérifieront pas mais seulement après rappel des patientes qui devront subir diverses explorations complémentaires avant d'infirmer ces suspicions.

Selon le résultat de l'étude de mars 2022 ici synthétisée, le dépistage répété du cancer du sein par mammographie 3D ne diminue que modestement le risque d'avoir un résultat faussement positif par rapport à la mammographie numérique standard. 

Que faut-il retenir de cette étude?
Le risque de faux positif était plus faible dans le cas où le dépistage était effectué tous les deux ans au lieu de tous les ans, mais aussi dans le cas de seins non denses et pour les femmes plus âgées.
Toutefois la différence était modeste, et la réduction des faux positifs par l'utilisation de la mammo 3D n'était que de 2,4% par rapport à la mammographie standard.

3°Quelle est l’efficacité des images de mammographie synthétique ?

En 2012 une voie a été ouverte à l’utilisation de 'l’imagerie synthétique' qui enregistre une seule acquisition radiologique et délivre donc une seule dose de rayonnement, pour éviter ainsi la sur-irradiation que procure la mammographie 3D**.

Mais les images synthétisées sont-elles une alternative efficace aux images de mammographie numérique ? Les résultats cliniques de tests d’efficacité des images mammographiques synthétisées ont été hélas mitigés, globalement les résultats entre images de synthèse sont équivalents à ceux de la mammographie numérique, bien que cette dernière ait une meilleure résolution.

**On utilise classiquement de façon combinée la mammographie 2D et les acquisitions de la tomosynthèse en 3D. Il existe alors une élévation importante de la dose délivrée de rayons X. Les doses de rayons X délivrées en combinant mammographie 2D et tomosynthèse représentent environ le double de la dose utile en mammographie 2D seule.
La tomosynthèse synthétique en 2D est une alternative, obtenue par reconstructions à partir des acquisitions en 3D uniquement ; elle permet d’éviter l’utilisation conjointe d’une mammographie 2D et permet ainsi de diminuer la dose délivrée.

4° La tomosynthèse réduit-elle la mortalité?

La tomosynthèse entraîne-t-elle un avantage sur le plan de la mortalité ? Selon cet article dans Autminnie.com une enquête portant sur huit études menées entre 2016 et 2021 a cherché à savoir si la tomosynthèse réduisait les taux de cancer d’intervalle (les cancers non rattrapés par le dépistage car survenant entre deux mammographies), par rapport à l'utilisation de la mammographie numérique seule. Les cancers d'intervalle sont des cancers souvent très agressifs et de survenue très rapide échappant ainsi aux dépistages, ils sont corrélés à la mortalité car ce sont eux qui de par leur agressivité intrinsèque mettent en danger la survie des femmes, souvent par leur potentiel métastatique.
Il s'avère que la tomosynthèse ne modifie pas les taux de cancer d’intervalle.

En conclusion

Dix ans après son utilisation, les bénéfices de la tomosynthèse pourraient être bien plus modestes que les cliniciens ne l’espéraient au départ. La technique est finalement assez proche de la mammographie numérique sans sur-avantage avéré.

Même si le taux de détection de la tomosynthèse paraît légèrement meilleur, la question de l'intérêt de cette technique reste entière. Si cette meilleure détection modérée des cancers est obtenue au prix d'une augmentation des surdiagnostics, on ne peut affirmer que le rapport bénéfices/risques est favorable.

Comme d'habitude, la question majeure est encore une fois celle de l'information des femmes, la tomosynthèse étant parfois pratiquée en cabinet de radiologie tout à fait à l'insu de la patiente qui vient pour une mammographie de routine, qui n'en tire pas de bénéfice et subit une sur-irradiation bien inutile.

A lire aussi : https://www.bmj.com/content/366/bmj.l4506



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Quand marketing, finance, lobbying et publicité s’invitent dans la santé

Déterminants commerciaux dans les politiques de lutte contre le cancer

https://eurohealthobservatory.who.int/publications/i/commercial-determinants-of-cancer-control-policy-(eurohealth)
(Rapport de l'Observatoire Européen de la Santé et des Polices de Santé, Eurohealth, téléchargeable)
Résumé Dr Bour C. - 30 avril 2022

Dans ce rapport de l'Eurohealth les auteurs ciblent l'influence négative d'intérêts privés sur les politiques de prévention, de dépistage et des soins.

La lutte contre le cancer, telle que définie par l’OMS et souvent appelée « prévention et soins du cancer », consiste en un continuum entre ce qui relève de la prévention, du dépistage précoce (c.-à-d. le dépistage tout venant et le diagnostic clinique précoce/rapide des patients symptomatiques), jusqu'au diagnostic et traitement.

Une définition des « déterminants commerciaux de la santé » a été présentée à l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU) en 2017, il y est dit : « Les déterminants commerciaux de la santé sont les conditions, les actions et les omissions qui ont une incidence sur la santé. Les déterminants commerciaux surviennent dans le contexte de la fourniture de biens ou de services à des fins de paiement et comprennent les activités commerciales, ainsi que l’environnement dans lequel le commerce a lieu.
De façon générale, les activités du secteur privé qui ont une incidence sur la santé des populations. »
Cette question des déterminants commerciaux du cancer, qualifiée de "côté obscur de la santé", n’a encore jamais été explorée à fond.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 30 à 50 % de tous les cas de cancer sont évitables, le tabagisme étant la principale cause évitable de cancer en Europe. D’autres facteurs de risque importants sont la consommation d’alcool, le surpoids et l’obésité, une mauvaise alimentation et une activité physique insuffisante.
On ajoute à cela les sources de rayonnement et d’autres cancérogènes chimiques, y compris de l’industrie cosmétique. Ces sources augmentent également le risque de développer diverses formes de cancer.

L’Europe est l’un des plus grands marchés pour les ventes d’alcool et est aussi la région où la proportion de maladies et la mortalité prématurée due à l’alcool sont les plus élevées.
L'Europe a la moyenne la plus élevée de consommation actuelle de tabac chez les adolescents. Les preuves de leur lien de cause à effet avec le cancer sont incontestables.
Bien sûr il y a tout une gamme de facteurs comportementaux et environnementaux qui expliquent l'incidence accrue du cancer. Bon nombre sont évitables, mais les intérêts et les actions des entreprises contribuent à saper les efforts de santé publique pour les combattre.

La réponse aux critiques de l’industrie prend diverses formes. Cela va des menaces de poursuites judiciaires pour atteinte aux droits commerciaux de l’industrie, y compris en matière de propriété intellectuelle et de liberté économique jusqu'à brandir la crainte que les contraintes imposées à l’industrie aient une incidence disproportionnée sur l’économie et l’emploi.
D'autres exemples de tactiques des industriels comprennent le renforcement de la réputation de l'entreprise (concept de responsabilité sociale des entreprises (RSE)*), la négation de l’impact de leurs produits ou le détournement de l’attention des préjudices occasionnés par leurs produits, et les tentatives de façonner des bases de données "probantes" puis de diviser le milieu de la santé publique.
Le constat en tous cas est que l'impact des acteurs commerciaux de l'industrie du tabac et de l’alcool sur le continuum du cancer, comprend tout un éventail de tactiques efficaces qui minent la santé publique, incluant le marketing direct** récent auprès des consommateurs.

* prise en compte par les entreprises des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et éthiques dans leurs activités.

** Le marketing direct est une technique de communication et de vente qui consiste à diffuser un message personnalisé et incitatif pour toucher directement une cible d'individus dans le but d'obtenir une réaction immédiate et tangible.

Des dérives trompeuses

A-L’innovation comme panacée

Il est frappant que la plupart des articles revus dans ce rapport soulèvent une préoccupation particulière, à savoir une foi aveugle et trompeuse dans "l’innovation".

L’innovation présente un grand attrait pour les décideurs, les cliniciens, le public et les donateurs, mais tous les auteurs mettent en garde contre le lancement de nouvelles innovations préventives, diagnostiques ou thérapeutiques sans une évaluation rigoureuse de leur sécurité et de leurs avantages réels pour la population, et demandent une base de données probantes adéquate pour démontrer leur efficacité et leur rentabilité.
Ils nous rappellent aussi la croissance bien rapide des revenus pharmaceutiques générés par la vente de médicaments contre le cancer, malgré un manque de retour en termes de survie ou de guérison au cours de la même période de croissance.

B- Les dépistages

Le Conseil de l’Union Européenne recommande toujours le dépistage des cancers du col de l’utérus, du sein et du colorectal, mais avec une information plus nuancée et a notamment sorti un guide du bon usage des dépistages systématiques.
Depuis, la recherche continue d’évaluer les avantages et les inconvénients des dépistages et notamment d’autres types de cancers (poumon à l'étude).

Malgré une base de données qui ne soutient pas de telles pratiques, beaucoup de dépistages "opportunistes" (c.à d. en dehors des recommandations, sur demande d'un public revendiquant davantage de soins médicaux) sont en cours à travers l’Europe.
Les responsables et représentants commerciaux jouent un rôle important dans la promotion de pratiques de tests systématiques qui peuvent faire plus de mal que de bien (voir le sponsoring massif au moment d'octobre rose).
Les moteurs commerciaux peuvent fonctionner au moyen d’incitatifs financiers, en créant une "culture" qui favorise l’adoption rapide de nouvelles technologies, ou en exerçant des pressions, et bien sûr en faisant du marketing auprès des cliniciens et des consommateurs.

Un très grand nombre de personnes peuvent être intégrées dans des dépistages non pertinents, et des ressources peuvent ainsi être détournées aux dépens de ceux qui ont le plus besoin de conseils et de traitements médicaux, dit le rapport.
Le surdiagnostic notamment présente actuellement un problème particulier, et comme au niveau individuel il n’est pas possible de déterminer si un cancer évoluera ou pas, des personnes en bonne santé pourront être soumises à des procédures de diagnostic et à un traitement potentiellement inutiles, avec un risque d’effets indésirables qui en découle.

Pour exemple le dépistage thyroïdien, qui ne présente aucun avantage pour la population, mais en revanche apporte des preuves considérables de surdiagnostic massif et de procédures thérapeutiques inutiles.

La première vague de tests de dépistage du cancer a été élaborée en grande partie dans le secteur public et promue par des organismes de bienfaisance et sociétés de professionnels. Actuellement il y a une nouvelle vague d’innovation dans le dépistage du cancer et une grande partie de cette innovation provient du secteur privé, et elle est souvent appuyée par des professionnels de santé. Les entreprises de diagnostic sont devenues des acteurs importants dans la promotion des nouvelles technologies de dépistage, les laboratoires et cliniques privés peuvent chercher à élargir le marché des services de dépistage en offrant de nouvelles technologies (comme la mammographie 3D, voir trois premiers articles ici), ou s’étendre à des domaines de maladies non couverts par les programmes nationaux, ce qui pourrait accroître la demande publique et intensifier la pression politique en faveur de leur adoption au sein des systèmes de santé publique.

Au cours des dernières années, le dépistage du cancer a suscité beaucoup d’enthousiasme commercial (comme des logiciels de prédiction, voir par exemple ici et ici), et les analystes de l’industrie ont prédit de potentielles « superproductions de médicaments ».

Les entreprises qui mettent au point de nouvelles technologies de dépistage du cancer fondées sur la biopsie liquide ont attiré des milliards de dollars d’investissements privés. La technologie est très décevante en matière de dépistage, des études cliniques qui n’ont pas la rigueur nécessaire pour évaluer de façon complète et précise les méfaits et les avantages de cette technologie ont été publiées à grand renfort médiatique, un phénomène de "capture" de leaders d’opinion clés s'y est rajouté,  grâce à la collaboration de la recherche avec l’industrie.

Il est prouvé, selon le rapport, que la nouvelle génération de tests de dépistage moléculaire est commercialisée à l’aide de stratégies provenant directement du secteur pharmaceutique : recrutement de leaders d’opinion clés, publicité directe aux consommateurs, envers les médecins et financement d'ONG, y compris d'organisations de patients, pour faire du lobbying apparemment indépendant en faveur de l’adoption de nouvelles technologies par le gouvernement.
La volonté commerciale de générer des revenus mène à des messages déformés qui présentent une vision très partielle des preuves scientifiques, biaisées vers des bénéfices de santé invoqués, mais obscurcissant les préjudices potentiels, dont les résultantes sont des dépenses publiques majorées. Soigneusement conçues, les stratégies de relations publiques peuvent assurer une couverture médiatique qui renforce cette image déséquilibrée ; comme les tests moléculaires de biopsie liquide, la mammographie 3D et la détection fondée sur l’intelligence artificielle, qui sont fortement orientées vers la déclaration de formidables bénéfices pour les populations, et ne signalent généralement pas les conflits d’intérêts.(Lire les articles suivants : bio-creep, mammo3D, biopsies liquides).

C-L'hyper-technologie

Da Vinci Robot : ce dispositif est avancé dans le rapport comme l'archétype de la TNP (technologie non pharmaceutique).

Peu de technologies représentent mieux la commercialisation de ce qu'on appelle TNP que le Da Vinci Robotic Surgical System.
Ce dispositif, qui permet aux chirurgiens une chirurgie à distance, assis à une console pour actionner les bras télécommandés en vue de chirurgie micro-invasive, a été approuvé pour la première fois par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis en 2000.
On s’attendait à ce que ses avantages inhérents, y compris une meilleure visualisation du champ chirurgical, une plus grande amplitude de mouvement des bras robotisés et une ergonomie améliorée pour le chirurgien, se traduisent par une amélioration des résultats pour les patients. Toutefois, dans le cas du cancer de la prostate et du rectum, aucune amélioration des résultats fonctionnels ou oncologiques n’a été observée. Malgré l’absence de preuves claires de sa supériorité sur les techniques ouvertes et laparoscopiques, et aussi malgré ses énormes coûts, la technique a été largement adoptée à travers l'Europe, même dans des pays à plus bas niveau de vie. Et ce alors même que des lignes directrices ont été créées pour améliorer la rigueur de la collecte des preuves, en particulier pour les dispositifs médicaux.

L’approbation réglementaire d’un nouvel instrument médical ou d’une nouvelle technologie nécessite des données cliniques et une démonstration de sa sécurité, avant de mettre l’appareil sur le marché. En comparaison, les thérapies systémiques doivent passer par un processus plus complexe de démonstration d’une efficacité supérieure aux normes de soins actuelles. Ceci explique en partie la rareté des essais contrôlés randomisés pour les dispositifs médicaux.

Cependant, le récent examen de Cumberledge a mis en évidence l’impact dévastateur de l’intégration des médicaments et des dispositifs sans évaluation rigoureuse et rigoureuse de l’impact sur les patients notamment en ce qui concerne la sécurité et les avantages pour la santé. Malheureusement, la conception des études utilisées pour l’évaluation des nouvelles technologies manque souvent de rigueur, mais peut constituer la base de la mise en œuvre clinique, les séries rétrospectives monocentriques moins fiables dominant encore la littérature.

D-Le manque de couverture médiatique équilibrée

Cette dérive peut influencer non seulement les perceptions du public mais également les personnes qui prennent des décisions concernant le financement de la recherche biomédicale et des soins cliniques, ce qui exacerbe l'adhésion générale. Nous nous référons ici à l’énorme enthousiasme pour l’innovation et notamment à l’idée de médecine personnalisée ou de précision, enracinée dans la croyance de longue date que la génomique va révolutionner la pratique de la médecine, croyance maintenant renforcée par une foi dans le potentiel transformateur des technologies numériques, y compris de l’intelligence artificielle.

Les décideurs publics sont enclins à cette forme d'adhésion qui peut avoir deux effets négatifs potentiels sur la santé publique, notamment :

  • une volonté d’adopter de nouvelles technologies parce qu’on croit qu’elles représentent l’avenir des soins de santé, sans preuve solide qu’elles améliorent vraiment les résultats cliniques;
  • une mauvaise affectation des ressources de recherche, à mesure que le financement va à la découverte et au développement de nouvelles technologies, au détriment d’améliorations progressives plus simples dans la prestation des soins, comme l’amélioration du diagnostic clinique rapide pour les patients présentant des symptômes potentiels réels de cancer.

Non seulement cela peut être un gaspillage de ressources, mais dans les pays qui manquent de techniciens qualifiés dans des domaines tels que l’imagerie ou l’endoscopie, cela exacerbe ces pénuries et les retards de diagnostic chez les personnes symptomatiques. Cela exacerbe aussi les inégalités croissantes à l’accès aux soins médicaux.

Le paysage de l’offre de dépistage commercial est transformé non seulement par l’innovation dans les technologies de diagnostic, mais aussi par le développement plus large de l’internet en tant que nouveau mécanisme de consommation des soins de santé. Ces dernières années, les services de tests biologiques de dépistages divers destinés aux consommateurs vendus sur Internet ont fait l’objet de mesures réglementaires.

Pour conclure, et comme l’a fait remarquer Ioannides, la médecine et les soins de santé gaspillent les ressources de la société parce que « nous », cliniciens, avons permis que la médecine fondée sur des données probantes dans le domaine du cancer soit détournée en utilisant des technologies ayant une efficacité marginale, mais un coût maximal.

Les déterminants commerciaux du cancer nous rappellent que les approches gouvernementales mais aussi pangouvernementales (combinaison d'une gestion verticale et horizontale tout en établissant des partenariats avec des organisations externes au gouvernement) sont essentielles pour relever le défi auquel notre société est confrontée et aussi que, fondamentalement, les décisions en santé demeurent un choix politique.

Eventail des moyens employés par les tenants d'intérêts privés pour influencer la santé publique

1°Les incitations financières affectent tous les domaines de la santé

• Les incitations économiques sont mal alignées avec la promotion de la qualité de vie globale.

• On a à faire à une représentation trompeuse de l’information clinique et des données de  santé publique. (Pour exemple en matière de cancer du sein lire ici et ici)

Les incitatifs économiques favorisent la mise au point de nouveaux médicaments dont les applications ne cessent de croître, ce qui peut mener à des essais par rapport à des comparateurs faibles (études de non infériorité par exemple) et aux approbations fondées sur des effets modestes dans de nouveaux contextes. Dans la discussion sur le développement de nouvelles technologies de dépistage, d’outils de diagnostic utilisant des biomarqueurs moléculaires, de nouvelles thérapies de précision ou de médicaments ciblés, tous les auteurs du rapport de l'OMS ont soulevé des inquiétudes quant à savoir si les mesures d’efficacité des médicaments ou des dispositifs étaient correctement validées.
Les mesures des bénéfices peuvent ou non faire un suivi en parallèle de résultats qui comptent pour les patients, comme les données de la réduction de la mortalité globale (toutes causes confondues), ou de paramètres comme la qualité de vie ; plusieurs auteurs du rapport se sont dits préoccupés par la façon dont les facteurs sociaux et les incitatifs économiques ont façonné les soins cliniques, la publicité et les investissements de différentes façons, mais qui ne favorisent pas la santé et le bien-être des patients en général.

2° Lobbying

Au nom de l’industrie, et avec la complicité de médecins et leaders d'opinion,  la promotion de la recherche sur le dépistage du cancer et la promotion du développement technologique a entraîné la surenchère excessive des bénéfices de ces outils et de ces technologies, et une sous-évaluation des méfaits, comme les faux positifs ou les surdiagnostics.

3°Publicité

Comme mentionné plus haut, de nombreux auteurs ont attiré l’attention sur la nature trompeuse de la publicité et de la communication dans les médias sur les risques de cancer et sur les traitements contre le cancer.

Ils ont soulevé des préoccupations au sujet de la vente excédentaire des médicaments contre le cancer, ainsi que de nouvelles technologies mal éprouvées.

4° facteurs économiques

Les facteurs économiques influent sur les coûts croissants des soins, qui touchent de façon disproportionnée les plus démunis. Par exemple, la presse univoque pour les nouveaux médicaments et pour la « technomanie » a contribué en partie à l’augmentation des coûts des nouveaux médicaments et des technologies de dépistage, ce qui rend l’accès aux soins encore plus éloigné pour de nombreux patients, en particulier ceux des pays en voie de développement.

Des outils réglementaires pourraient être utilisés pour encourager l’investissement dans des mesures de vraie prévention (lutte contre alcoolisme, tabagisme, obésité, sédentarité), de meilleurs soins palliatifs et des soins plus intégratifs.

Il faut aussi prévoir une amélioration de la formation médicale sur les rôles des intérêts commerciaux dans le façonnement des soins du cancer, ce qui pourrait déjà atténuer les tendances à la « technomanie » des médecins, afin que les étudiants en médecine aient une meilleure appréciation des coûts et des avantages des traitements et des technologies nouveaux, ainsi que de l’importance des soins palliatifs et des soins de fin de vie avec meilleure intégration du patient.

Comment faire mieux ?

En résumé, il y a des questions d’éthique et de justice partout, ces questions ont à voir avec le respect pour l’autonomie des patients, avec l’équité et la bienfaisance.
Autonomie, avec un soutien solide des patients et une communication transparente sur les balances bénéfices-risques des dispositifs de santé.
Équité et justice en ce qui concerne l’identification et la prévention des risques, la détection précoce, les solutions alternatives, les solutions thérapeutiques et les soins palliatifs appropriés au réel besoin du patient.

Des outils réglementaires sont à élaborer pour améliorer l’éducation médicale, en mettant l’accent sur la transparence, c'est ce que peuvent faire les administrations publiques, les gouvernements nationaux, les agences internationales et c'est ce que peut exiger la société civile pour tenter d’atténuer les préjudices associés aux conflits d’intérêts.

Les auteurs notent aussi un besoin évident de normes élevées, tant au niveau de l’Agence Européenne des Médicaments, que par des mécanismes d’évaluation des technologies de la santé qui soient plus solides, avec des systèmes de tarification et de remboursement plus sophistiqués au niveau national.

La qualité insuffisante de la recherche et des normes réglementaires, et l’absence critique de corrélation entre les incitatifs économiques et ce qui est vraiment recherché en termes de qualité de vie globale des patients est un problème crucial.

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Dépistage du cancer – le bon, le mauvais et le laid

Traduction par Sophie, patiente référente Cancer Rose, d'un article de G.Welch publié le 6 avril 2022 dans le JAMA

https://jamanetwork.com/journals/jamasurgery/article-abstract/2790973

H. Gilbert Welch, a publié en 2013, avec les médecins Lisa Schwartz et Steven Woloshin, un ouvrage à destination du grand public intitulé "Le surdiagnostic - Rendre les gens malades par la poursuite de la santé". (H.-Gilbert Welch, Lisa Schwartz, and Steven Woloshin et Fernand Turcotte (Traducteur). Le surdiagnostic - Rendre les gens malades par la poursuite de la santé. 2013.)
Il est médecin universitaire américain et chercheur sur le cancer et travaille au Center for Surgery and Public Health, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts.

En pratique clinique, dire qu'une personne a un cancer renseigne aussi peu sur l'évolution possible de sa maladie que lorsqu'on dit qu'elle a une infection. Il existe des infections dangereuses qui peuvent être fatales et des infections inoffensives qui guérissent d'elles-mêmes ou peuvent disparaître. Il en va de même pour les cancers. Le cancer n'est pas une entité unique. Il s'agit d'un large éventail de pathologies qui n'ont de commun entre elles que le nom.

La reconnaissance de l'hétérogénéité dans la progression du cancer par le Dr. Crile

La reconnaissance de l'hétérogénéité dans la progression du cancer par le Dr. Crile dans un numéro de 1955 du magazine LIFE a laissé présager pourquoi la détection précoce du cancer pourrait défier la simple intuition. Il est tentant de penser que le dépistage du cancer ne peut qu'aider les individus et que tous les survivants d'un cancer détecté par dépistage sont la preuve irréfutable que celui-ci sauve des vies.
Cependant, le dépistage du cancer est contre-intuitif. Il s'avère que les risques sont plus probables que les bénéfices ; il est moins probable que les survivants soient la preuve de ses bénéfices et plus probable qu'ils soient la preuve de ses risques. C'est probablement le Dr Crile qui a introduit pour la première fois l'analogie de la ferme et de l'enclos - oiseaux, lapins et tortues - pour décrire l'hétérogénéité du cancer.

Les oiseaux se sont déjà échappés de la basse-cour : il s'agit des cancers à la croissance la plus rapide et les plus agressifs, ceux qui se sont déjà propagés au moment où ils sont détectables. Le dépistage ne peut pas aider les oiseaux ; la question est de savoir si un traitement peut le faire. Il y a ensuite les tortues (cancers lents NDLR) : il est inutile de les attraper car elles ne bougeront pas de toute façon.

Images ci-dessous pour comprendre (NDLR) : L'oiseau correspond au cancer très rapide (raté par le dépistage). L'ours est un cancer lent, rattrapé par le dépistage mais qui, non dépisté, se serait manifesté juste un peu plus tard par un symptôme clinique sans perte de chance. La tortue et l'escargot représentent les cancers très lents et stagnants, pour lesquels le dépistage ne sert à rien, car ils ne se seraient jamais manifestés. La patiente meurt avec son cancer mais pas à cause de lui.

Bénéfice limité (ou incertain)

L'objectif du dépistage du cancer est de réduire la mortalité par cancer. Mais l'existence d'oiseaux limite nécessairement son efficacité. Le dépistage a tendance à passer à côté des cancers à la croissance la plus rapide, car ces cancers ont une fenêtre temporelle très courte pendant laquelle ils sont détectables par le dépistage, mais ils ne sont pas cliniquement visibles. En outre, un dépistage efficace nécessite non seulement une détection plus précoce, mais aussi un traitement entrepris plus tôt qui est certainement meilleur qu'un traitement entrepris plus tard.

Bien que cela soit souvent vrai pour les maladies aiguës (telles que les urgences cardiovasculaires), ce n'est peut-être pas le cas pour les maladies à long terme. La détection de tumeurs cancéreuses plus petites de quelques millimètres par rapport à celles détectées antérieurement fait peut-être moins de différence que ce que l'on croyait autrefois, d'autant plus que l'on apprend que la biologie de la tumeur est plus importante que sa taille.
Ces facteurs expliquent pourquoi les effets les plus favorables observés dans les essais randomisés des tests de dépistage se traduisent par une réduction de moins d'un tiers de la mortalité par cancer.

Ironiquement, au fur et à mesure que le traitement du cancer s'améliore, le bénéfice du dépistage diminue. Si un cancer détecté cliniquement peut être systématiquement traité avec succès, l'utilité du dépistage du cancer tombe naturellement à zéro.  (Par exemple, pourquoi ne faisons-nous pas de dépistage de la pneumonie ? La réponse est que nous pouvons traiter la pneumonie).

Des risques mal reconnus (ou cachés)

Du point de vue de l'individu, le surdiagnostic constitue le plus important risque du dépistage. Le surdiagnostic reflète l'existence de tortues : des anomalies qui répondent aux critères pathologiques du cancer mais qui ne sont pas destinées à provoquer des symptômes ou le décès. Le dépistage est très efficace pour trouver les tortues : il détecte de manière disproportionnée les cancers à croissance lente et de petite taille, c'est-à-dire des cancers qui sont biologiquement favorables.
Cependant, nous, les médecins, ne sommes pas très doués à distinguer les tortues des lapins. Par conséquent, nous avons tendance à traiter tous ceux qui reçoivent un diagnostic de cancer.
Parce qu'il n'y a rien à guérir, les patients avec des cancers surdiagnostiqués ne peuvent pas bénéficier d'un traitement, mais ils peuvent en subir les méfaits.

Étant donné que le surdiagnostic est si rarement confirmé chez un individu (c'est-à-dire un patient atteint d'un cancer détecté par le dépistage, mais qui n'est pas traité, ne développe jamais de symptômes et meurt d'une autre cause), l'existence réelle du problème a fait l'objet de nombreux débats.
Cependant, le surdiagnostic peut être facilement confirmé au niveau de la population. Ainsi, les débats sur l'existence du surdiagnostic sont maintenant pratiquement réglés, et portent à juste titre sur la question de sa fréquence - et de son importance.

Dans le cas du dépistage du cancer du sein, de la prostate, de la peau et de la thyroïde, les patients sont plus susceptibles de subir le préjudice du surdiagnostic que le bénéfice du dépistage - éviter le décès par cancer. Néanmoins, le surdiagnostic reste, heureusement, un événement relativement rare.
Du point de vue de la population, les préjudices les plus conséquents sont liés à la dynamique du dépistage : de nombreuses personnes doivent être dépistées pour qu'un très petit nombre en bénéficie. Pour le dépistage du cancer dans la population générale (c'est-à-dire sans cibler un groupe à très haut risque, comme le dépistage du cancer du poumon chez les gros fumeurs), il faut dépister environ 1 000 personnes pour éviter un décès par cancer en 10 ans.
Ainsi, les interrogations sur ce qui arrive aux autres 999 autres individus deviennent pertinentes. Les fausses alarmes affectent de nombreuses personnes : on dénombre jusqu'à 600 faux positifs au cours de 10 ans de mammographie.

Cependant, le problème le plus important est que de nombreuses personnes ayant obtenu des faux positifs ne sont pas informées que le test était mauvais, mais plutôt que quelque chose ne va pas chez elles.
On dit à ces personnes qu'elles ont une lésion présentant des atypies cellulaires ou une dysplasie, ou qu'elles sont elles-mêmes plus vulnérables au développement d'un cancer et doivent donc subir des tests plus fréquents. Même les campagnes de dépistage induisent la vulnérabilité - la peur du cancer - comme un moyen de persuader les gens de se faire dépister.
Ainsi, le dépistage du cancer instille un sentiment de "mal-être" dans la population.

Réactions trompeuses, incitations financières, et diversion

Ces inconvénients pourraient être acceptables s'ils s'accompagnaient d'avantages substantiels et certains. Malheureusement, le dépistage lui-même fournit des informations trompeuses qui suggèrent toujours qu'il est plus bénéfique qu'il ne l'est réellement. Après le début du dépistage, les cliniciens constatent un changement dans la distribution des stades : la proportion de cancers se présentant à un stade avancé de développement diminue, même s'il s'agit simplement d'un artefact dû à un diagnostic plus précoce et non à une diminution des cas de présentation tardive.

Comme le montre l'exemple dans le cadre B de la figure, la proportion de cancers de stade tardif détectés passe de 50 % à 25 %, alors que l'incidence du stade tardif n'a pas changé.

Cliquez pour agrandir :

Légende :
Une augmentation constante de l'incidence du cancer couplée à une mortalité stable (A) suggère un surdiagnostic superposé à une incidence véritablement stable du cancer.
L'augmentation de l'incidence des cancers à un stade précoce couplée à une incidence stable à un stade tardif (B) suggère également un surdiagnostic et que les efforts accrus en matière de détection précoce du cancer n'ont pas produit le résultat escompté : une diminution du taux de personnes atteintes d'un cancer à un stade tardif (la détection précoce n'a pas permis d'avancer le moment du diagnostic des cancers destinés à se présenter à un stade tardif). Signatures à condition que la fréquence réelle du cancer soit stable dans le temps. Si la fréquence d’un vrai cancer  changeait, on s'attendrait à ce que l'incidence et la mortalité évoluent en tandem, tout comme la maladie à un stade précoce et à un stade avancé

NDLR : En effet, si on parvenait à éliminer complètement le surdiagnostic, la part, c'est à dire la proportion des cancers graves apparaîtrait alors plus importante dans le total cancers amputé des surdiagnostics, qui amplifient d'ordinaire le total des cancers. La proportion des cancers graves est diluée dans le total-cancer lorsque, dans ce total, on rajoute la part des surdiagnostics. )

Au fil du temps, la survie à 5 ans augmente en raison de l'association combinée du temps d'avance au diagnostic et du biais de surdiagnostic, même si l'âge du décès reste inchangé. Les histoires de survivants sont particulièrement pernicieuses : plus le dépistage entraîne de surdiagnostics, plus il y a de personnes qui croient devoir leur vie au test - et plus le dépistage devient populaire. Les campagnes de dépistage utilisent régulièrement ce retour d'information trompeur ; elles mettent en avant les taux de survie plus élevés et les survivants du cancer comme preuve du bien-fondé du dépistage.

Cf "le paradoxe du dépistage", NDLR

Le dépistage du cancer est généralement motivé par une croyance sincère en sa valeur, mais il est également devenu une importante source de revenus pour les systèmes de soins médicaux axés sur le volume aux États-Unis. Bien que la multiplicité des payeurs constitue un obstacle à une comptabilisation à l'échelle nationale, les dépenses américaines liées au dépistage sont substantielles.
Je les estime à 40 à 80 milliards de dollars par an. Ces dépenses représentent des revenus pour le système - des revenus provenant non seulement du dépistage lui-même, mais aussi des services diagnostiques et thérapeutiques qu'il déclenche.
L'importance de cette source de revenus a été mise en évidence après le déclin substantiel du dépistage qui s'est produit après le début de la pandémie de COVID-19. Bien que d'autres services et entreprises soient restés fermés, le dépistage a été rapidement rétabli en quelques mois.

Le Dr Crile était convaincu que les soins médicaux devaient être axés sur les besoins des patients, et non sur ceux des chirurgiens (ou maintenant, sur ceux du système). Il reconnaissait qu'il y avait un prix à payer pour devancer les symptômes. Bien que le dépistage du cancer puisse être judicieux chez certaines personnes à haut risque, je pense que le dépistage dans la population générale, tel qu'il est actuellement pratiqué aux États-Unis, est devenu une énorme dérive par rapport à notre travail de base.
Il détourne le système des patients gravement malades ou blessés : les performances des médecins sont mesurées en fonction de la fréquence à laquelle ils testent les personnes en bonne santé et non à la façon dont ils soignent les malades. Le dépistage dans la population générale détourne les patients et les décideurs politiques des véritables déterminants de la santé humaine. Les ressources considérables impliquées dans le dépistage - en termes d'argent, de personnes et d'efforts - seraient mieux utilisées ailleurs.



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« Toujours plus »- une approche nuisible du dépistage

26 février 2022

L'approche du "toujours plus" du dépistage est trompeuse et nuisible

Article de David P. Ropeik , dans le média STAT - Dr Ropeik est auteur, enseignant et conférencier sur la perception et la communication des risques. Il est également créateur et directeur de Improving Media Coverage of Risk, un programme de formation pour les journalistes. Il contribue à plusieurs médias, entre autres au Huffington Post. Il est auteur du livre à paraître intitulé « Rethinking Our Fear of Cancer » (Johns Hopkins University Press, sous presse).

Restitution, commentaires, synthèse Dr C.Bour

D'énormes progrès médicaux ont été réalisés contre le cancer au cours des 50 dernières années, explique l'auteur. 
Selon lui, notre relation émotionnelle avec le cancer est dépassée depuis des années, car de nombreux cancers peuvent maintenant être guéris ou traités comme des maladies chroniques. Ce décalage entre la perception du cancer et l'amélioration de sa prise en charge cause du tort aux populations pour deux raisons.

D'abord parce que la peur de la maladie, en dépit des progrès thérapeutique, est toujours bien là, en décalage avec la réalité ; en effet la plupart des gens, lorsqu'on leur demande la première association qui leur vient à l'esprit lorsqu'ils entendent le mot cancer, répondent « mort ».
Ensuite parce qu'en réponse l'accent est considérablement mis sur les dépistages (c.à d. tester des personnes en bonne santé pour détecter un cancer caché) en accordant une prépondérance sur leurs avantages sans mentionner les dommages qu'ils causent. 

D'un côté, en Amérique comme en France, on présente aux gens une foule de recommandations pour les encourager à participer massivement à des programmes de dépistage. D'un autre côté, l'OMS (organisation mondiale de la santé) elle-même a jugé utile d'éditer un guide pour les décideurs politiques européens (guide de l' Organisation mondiale de la santé), soulignant que le dépistage n'est pas bon pour tout le monde et, dans de nombreux cas, fait plus de mal que de bien, soit en raison de faux positifs effrayants, soit en raison des surdiagnostics suivi de traitements excessifs que les personnes devront suivre, lorsque leur dépistage a fini par détecter un type de cancer très petit, très localisé et à croissance si lente (ou même non-progressif) qui n'aurait jamais causé de dommages.

Des décennies de dépistages et une problématique qui s'étend

Des décennies de dépistage avec des technologies de plus en plus sensibles ont révélé l'étendue de ce problème. Pourtant, alors que le guide de l'OMS avertit que le dépistage comporte des avantages et des risques, cette mise en garde n'est pas beaucoup relayée par le Conseillers du président américain sur le programme national de lutte contre le cancer, ni par nos autorités sanitaires françaises.

La plupart des religions, ironise l'auteur de l'article, seraient bienheureuses si leurs adeptes croyaient en leurs enseignements aussi profondément que le public croit au dépistage du cancer.

Les résultats d' une étude publiée dans le JAMA en 2004 sont typiques de ce que les chercheurs constatent :

  • 87 % des adultes pensent que le dépistage du cancer est « presque toujours une bonne idée ».
  • 98% des personnes qui avaient subi un faux positif - un test suggérant la présence d'un cancer qui s'est avéré plus tard ne pas être un cancer du tout - ont déclaré qu'elles étaient néanmoins satisfaites d'avoir fait le test de dépistage, même si la moitié d'entre elles ont décrit l'expérience comme "le moment le plus effrayant de ma vie."
  • 58% des femmes ont déclaré qu'elles ne tiendraient pas compte des suggestions de leur médecin de dépister moins souvent le cancer du sein, et 77% des hommes ont déclaré cela pour le cancer de la prostate. Ces deux cancers comprennent des sous-types qui causent pourtant rarement des dommages réels.

D'autres études ont montré que les gens privilégient toujours un dépistage du cancer même après avoir été expressément informés que le nombre de décès est identique avec ou sans dépistage. Une étude remarquable, « A Bias for Action in Cancer Screening », a révélé que les gens réclament un dépistage du cancer même s'ils savent que non seulement cela ne leur sauvera pas la vie, mais qu'en plus cela pourrait leur nuire. 
Dans cette deuxième étude de 2019 que l'auteur cite, Laura Scherer et ses collègues ont rapporté que 51 % des participants à l'étude souhaitaient avoir leur test de dépistage (mammographie pour le cancer du sein et PSA [prostate specific antigen] pour le cancer de la prostate) même après avoir été informés que « des années de recherche ont incontestablement montré que le test ne prolonge pas la vie ou ne réduit pas le risque de décès », et que de plus que le test pouvait « conduire à un traitement inutile ».

La force de la croyance

Les gens ont tendance à craindre le cancer plus que toute autre maladie, en partie à cause de la croyance commune selon laquelle le diagnostic de cancer est une condamnation à mort inévitable. Face à une menace terrifiante sur laquelle les gens ont l'impression d'avoir peu de contrôle, le dépistage leur donne du pouvoir. 
Il offre un moyen de se défendre. Comme les auteurs de l'étude JAMA l'ont mentionné plus tôt, « certaines personnes pensent qu'il y a quelque chose à gagner du dépistage même lorsque le test ne sauve pas ou ne prolonge pas la vie ».

Il y a donc eu des pressions en faveur de 'toujours plus de dépistage du cancer', et ce dans beaucoup de pays occidentaux. Mais au fur et à mesure que son utilisation s'est étendue et que les technologies se sont améliorées davantage pour détecter de minuscules cancers de plus en plus tôt, il est apparu que même si certaines cellules suspectes de lésions biopsiées répondaient aux critères d'un cancer sous le microscope, elles ne se développeraient pas et ne se propageraient pas à d'autres tissus, ni ne causeraient des dommages au cours de la vie de l'individu. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic .

Le carcinome canalaire in situ de bas grade , un type courant de cancer du sein, est l'une de ces maladies. Le cancer de la prostate à croissance lente en est un autre. On estime que 80% ou plus des cancers de la thyroïde sont des cancers dits papillaires, un type de cancer qui est généralement si petit et à croissance si lente (ou même sans croissance du tout) que les patients n'auraient jamais su qu'ils en étaient porteurs sans ce dépistage.

Pourtant, la plupart des gens qui entendent la phrase redoutée "vous avez un cancer", choisiront une chirurgie ou un traitement agressif pour l'enlever ou le détruire, même s'il s'agit de ces types de cancers essentiellement non menaçants et que leurs médecins leur suggèrent - voire leur recommandent - une simple surveillance régulière (ce qui se pratique dans certains pays), connue sous le nom de surveillance active, au lieu de recourir à un traitement agressif.

Article connexe : https://cancer-rose.fr/2021/02/25/la-baisse-du-depistage-du-cancer-pendant-la-covid-19-permettrait-la-recherche-sur-le-surdiagnostic/

Des coûts financiers et humains stupéfiants

L'auteur de l'article explique avoir réalisé des calculs approximatifs - basés sur un large éventail de sources primaires et secondaires puis examinés par des économistes de la santé de l' Agence américaine pour la qualité de la recherche en santé - pour évaluer les coûts associés au traitement d'un cancer surdiagnostiqué. 

Depuis 1977, date à laquelle la mammographie a commencé à être largement utilisée pour dépister le cancer du sein, environ 1,2 million de femmes ont subi une intervention chirurgicale pour un carcinome canalaire de bas grade in situ. Environ 1 000 d'entre elles sont décédés et environ 250 000 ont souffert d'un syndrome douloureux post-mastectomie à long terme à la suite d'un traitement plus agressif que nécessaire.

Le test PSA pour le cancer de la prostate a commencé en 1992. Depuis cette date, dit le Dr Ropeik, "j'estime que 600 000 hommes ont subi une intervention chirurgicale ou une radiothérapie pour traiter un cancer de la prostate qui ne leur aurait jamais fait de tort. Environ 500 de ces hommes sont décédés des suites du traitement et 375 000 ont souffert de dysfonctionnement érectile à long terme, 112 000 ont souffert d'incontinence urinaire à long terme et 84 000 ont eu du mal à contrôler leurs intestins."

À partir de 1995, lorsque la technologie des ultrasons a commencé à être utilisée pour dépister les tumeurs de la glande thyroïde, la chirurgie systématique de cancers inoffensifs de la thyroïde (papillaires) aurait tué environ 700 personnes. 
Plus de 200 000 se sont retrouvés avec des glandes salivaires endommagées, ce qui cause des difficultés et des douleurs pour se nourrir, pour la déglutition, pour l'élocution. 
34 000 autres personnes ont eu besoin d'une intervention chirurgicale pour réparer les cordes vocales endommagées et 5 100 ont subi des dommages permanents dans leur capacité de la parole. Enfin environ 13 000 personnes ont souffert d'hypoparathyroïdie permanente (atteinte des glandes parathyroïdes à proximité de la thyroïde), dont les symptômes comprennent des douleurs musculaires, des spasmes, de la fatigue, une perte de cheveux, une peau sèche et une dépression.

Le coût financier de ce surtraitement est effarant. 
Encore selon les calculs de l'auteur de cet article, (qu'il qualifie toutefois d'approximatifs), le coût annuel total pour le système de santé des surtraitements des cancers surdiagnostiqués serait de 16 milliards de dollars - 12,6 milliards de dollars pour l'assurance privée et 3,4 milliards de dollars pour le Medicare[i]. Cela représente environ 8 % des 209 milliards de dollars estimés par le National Cancer Institute (Institut du Cancer américain) qui ont été dépensés pour tous les soins contre le cancer aux États-Unis en 2020 .

Et cela n'inclut pas le coût du surdépistage : les millions d'individus asymptomatiques sans facteurs de risque génétique prédisposant au cancer participent à des dépistages alors qu'ils sont en dehors des tranches d'âges prévues dans les recommandations officielles, et qu'on pousse à se faire dépister.
En France, beaucoup de femmes sont incitées par les gynécologues à se soumettre à un dépistage mammographique dès l'âge de 40 ans voire avant. En 2019, le CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français) lançait une désastreuse campagne pour promouvoir le dépistage de la femme âgée[ii], alors que ce dépistage est délétère pour ces femmes porteuses d'autres pathologies chroniques.[iii]

Des alerteurs

Quelques organisations médicales, comme l' American Academy of Family Physicians , et des groupes de défense contre le cancer, comme la National Breast Cancer Coalition , commencent à avertir les gens que le dépistage du cancer peut causer des dommages importants. Et de plus en plus d'organes de presse font maintenant état du problème du surdiagnostic, mais souvent le poids médiatique est bien mince par rapport au rouleau compresseur des grandes campagnes commerciales roses à chaque mois d'octobre.

La National Cancer Coalition cherche à mieux informer les femmes en publiant une page dédiée aux mythes et aux vérités du dépistage du cancer du sein. [iv]
Elle a publié son positionnement mis à jour en juillet 2021[v].
Elle prône une information honnête et complète des femmes sur la valeur de toutes les interventions médicales. La coalition explique que le dépistage est une intervention dans une population saine. On ne devrait donc pas intervenir dans une population saine si les bénéfices ne sont pas significativement supérieurs aux dommages.

Citons encore la Breast Cancer Action, association qui se définit comme "chien de garde impartial et indépendant pour la santé", afin que toute personne soit informée indépendamment du battage médiatique ou d'intérêts industriels.[vi]

Des messages écrasants envers le public à la course à "toujours plus".

Sans informations claires et équilibrées sur les risques et les avantages de cette épée à double tranchant qu'est le dépistage de routine, l'approche de toujours « plus, plus, plus » de dépistages puise dans les craintes du public, elle est trompeuse et nuisible écrit Dr Ropeik.  
Cette approche explique en grande partie pourquoi la crainte toujours élevée du cancer au sein du public s'inscrit en décalage avec les progrès thérapeutiques pourtant bien réalisés pour lutter contre le cancer.

Notes et références


[i] Medicare est le système d'assurance-santé géré par le gouvernement fédéral des États-Unis au bénéfice des personnes de plus de 65 ans 

[ii] https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

[iii] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/depistage-du-cancer-du-sein-apres-75-ans-inutile-en-cas-de-presence-de-maladies-chroniques/

[iv] https://www.stopbreastcancer.org/information-center/myths-truths/
Par exemple :

Mythe : L'auto-examen mensuel des seins sauve des vies

FAUX. Les preuves montrent en fait que l'auto-examen des seins (ESB) ne sauve pas de vies et ne détecte pas le cancer du sein à un stade plus précoce.

Mythe : les mammographies ne peuvent que vous aider et non vous nuire

FAUX. Quel est le risque? Des résultats faussement positifs peuvent conduire à des interventions chirurgicales inutiles et intrusives, tandis que des résultats faussement négatifs ne permettront pas de détecter des tumeurs cancéreuses.

Mythe : Si le cancer du sein est diagnostiqué alors que la tumeur est petite, il peut être guéri

FAUX. Dans certains cas, même lorsque le cancer du sein est détecté tôt et que la tumeur est très petite, les cellules cancéreuses du sein se sont déjà propagées à d'autres parties du corps. La propagation du cancer du sein à d'autres parties du corps (métastases) est responsable de plus de 90 % des décès liés au cancer du sein.

etc.....

[v] https://www.stopbreastcancer.org/information-center/positions-policies/mammography-for-breast-cancer-screening-harm-benefit-analysis/

Position de la NBCC (National Breast Cancer Coalition)

Le dépistage systématique des femmes par mammographie est une intervention de santé publique dans une population en bonne santé. La National Breast Cancer Coalition (NBCC) estime que, du point de vue de la santé publique, le dépistage par mammographie de toutes les femmes n'a démontré qu'un avantage modeste, voire aucun, dans la réduction de la mortalité par cancer du sein et que les inconvénients associés au dépistage l'emportent sur ces avantages. Aucune femme ne peut être assurée que le dépistage par mammographie l'empêchera de mourir d'un cancer du sein.

La mammographie ne prévient ni ne guérit le cancer du sein et présente de nombreuses limites. Par conséquent, la décision d'une femme de subir une mammographie de dépistage doit être prise au niveau individuel et doit tenir compte de ses facteurs de risque spécifiques et de ses préférences personnelles. Les femmes qui présentent des symptômes de cancer du sein, tels qu'une grosseur, une douleur ou un écoulement du mamelon, devraient subir une mammographie de diagnostic. En fin de compte, les ressources doivent être consacrées à la recherche d'interventions efficaces de prévention et de traitement du cancer du sein et d'outils permettant de détecter les cancers du sein qui sont ou deviendront métastatiques et finiront par provoquer la maladie et la mort.

Conclusion

Le dépistage est une intervention dans une population saine. Nous ne devrions pas intervenir dans une population saine si les bénéfices ne sont pas significativement supérieurs aux dommages. Pour être efficace, le dépistage doit réduire la mortalité. Nous ne devons pas faire plus de mal que de bien.

Les résultats d'essais contrôlés randomisés et d'études d'observation de qualité variable indiquent que, dans l'ensemble, le dépistage par mammographie a un effet modeste sur la mortalité par cancer du sein. Analysé en termes absolus, le taux de mortalité n'est réduit que de 0,03 % chez les femmes de moins de 50 ans et de 0,2 % chez les femmes de 60 à 69 ans qui en tirent le plus grand bénéfice. Comme pour toutes les interventions médicales, il existe des inconvénients associés à la mammographie de dépistage, tels que les erreurs de diagnostic et le surtraitement. Deux études complètes des données probantes concluent que l'impact global sur la mortalité est faible et que des biais dans les essais pourraient "l'effacer ou le créer". Les femmes devraient discuter avec leur médecin de leur propre profil de risque, des avantages, des inconvénients et des complexités potentiels de la mammographie de dépistage, et prendre des décisions éclairées sur le dépistage. La mammographie peut présenter des avantages pour certaines femmes, mais elle peut aussi nuire à d'autres.

Le NBCC croit aux soins de santé fondés sur des preuves et soulève depuis longtemps des questions sur la valeur du dépistage par mammographie et d'autres interventions. Les femmes ont besoin d'informations honnêtes et complètes sur la valeur de toutes les interventions médicales. Les ressources de santé publique doivent être utilisées avec certitude pour améliorer la santé de la population. La réalité est que le dépistage n'a pas été efficace. Alors que les programmes de dépistage ont considérablement augmenté l'incidence du DCIS et du cancer du sein invasif localisé, l'incidence de la maladie régionale ou distante à un stade avancé est restée largement inchangée.

Le NBCC estime que pour réaliser de véritables progrès dans le domaine du cancer du sein, nous devons mieux comprendre ce qui cause cette maladie et comment la prévenir, ce qui expose les femmes à un risque au-delà des facteurs de risque connus, comment se comportent les différents types de cancer du sein, quels traitements sont appropriés et efficaces pour chaque type de cancer du sein, et comment prévenir et guérir les métastases.

[vi] Breast Cancer Action : Toutes les personnes méritent d'avoir accès à des informations fondées sur des données probantes et centrées sur le patient afin de pouvoir s'engager pleinement dans leurs décisions en matière de soins de santé. La recherche, le traitement et le dépistage du cancer du sein doivent être centrés sur le patient et répondre aux besoins des personnes à risque et vivant avec le cancer du sein, et ne doivent pas refléter les préjugés des entreprises ou de l'industrie qui font passer les profits avant les patients. 

Nous sommes un chien de garde impartial et indépendant pour votre santé. Nous voyons au-delà du battage médiatique et évaluons et rendons compte des développements dans le traitement et le dépistage du cancer du sein en examinant les données du point de vue impartial des patientes. Nous fournissons des points de vue critiques sur des sujets tels que l'accès aux soins de santé; l'approbation des médicaments et des appareils ; et des traitements plus efficaces, moins coûteux et moins toxiques. 

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Un podcast à écouter, Radio Albigés

8 février 2022

Radio Albigés reçoit Dr Jean Doubovetzky pour aborder plusieurs sujets et présenter son site d'information médicale Anti-Dr Knock.
Cliquez sur le premier lien pour accéder au podcast, avec l'aimable autorisation de Radio Albigés !

Le dépistage du cancer du sein

Il est question du dépistage du cancer du sein et des campagnes marketing d'octobre rose au début de l'enregistrement jusqu'à 9'18. (Article connexe https://cancer-rose.fr/2021/11/15/octobre-le-mois-le-plus-cruel/)

Les autres sujets

D'autres sujets sont abordés ensuite, comme le prix du médicament, comment est-il fixé, qu'est-ce qui fait le prix d'un médicament, quelles sont les spéculations autour du prix "maximal acceptable" pour garantir une rentabilité des traitements.  Pas toujours en rapport avec le coût de fabrication... (Article pouvant vous intéresser en rapport avec le sujet de ce site : https://cancer-rose.fr/2016/03/08/chimiotherapies-anticancereuses-un-marche-de-dupes/)

Il s'agira ensuite de l'effet placebo, son existence, son utilisation, son mécanisme. Lire ici : https://anti-knock.fr/?s=placebo ; (article connexe du site : https://cancer-rose.fr/2016/11/05/effet-nocebo-des-mots-et-des-maux-quand-prediction-rime-avec-malediction/)

Pour finir on parle de l'automédication, la prise en main du pouvoir médical par le patient, et l'adoption d'autres approches médicales - il nous faut reconnaître que la légitimité et le pouvoir de se traiter et comment se traiter restent dans la main du patient, si tant est que cela se fait dans un cadre rationnel pour éviter toute nuisance.

Bonne écoute de cet original podcast !


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Focus de la revue Que Choisir

16/01/2022

La revue française pour l'intérêt du consommateur Que Choisir publie un très bon décryptage sur le dépistage du cancer du sein en ce mois de janvier, que vous trouverez ici : https://www.quechoisir.org/decryptage-cancer-du-sein-les-resultats-decevants-du-depistage-n97716/

D'autres articles informatifs de la revue sont accessibles aux liens suivants :

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Angiomammographie double énergie

C.Bour, 27/11/2021

L'angiomammographie est une technologie récente, elle n'a pas son utilité dans le dépistage mais dans les stratégies de diagnostic de lésions, et pour des indications bien précises.

Nous en parlons ici car c'est une technique dont vous pouvez entendre parler et qui a été évaluée tout récemment par la Haute Autorité de Santé.

Qu’est-ce que l’angiomammographie ?

Cet examen combine une mammographie avec une injection de produit de contraste qui permet d'analyser la prise de contraste des lésions qu'on veut étudier ; en fonction du comportement vasculaire de la tumeur étudiée, précisément en fonction de l'apparition puis de l'effacement du rehaussement vasculaire on peut ainsi mieux différencier les tumeurs bénignes des tumeurs malignes.

Approche double énergie

Le produit de contraste est injecté à la patiente puis on réalise une mammographie avec, comme habituellement, deux incidences (une de face et une oblique par sein) en deux acquisitions, une à basse puis une à haute énergie ; en recombinant les images obtenues avec ces deux acquisitions on peut soustraire le tissu glandulaire et la graisse, ainsi seule la prise de contraste par les lésions qui intéressent sera visible sur les images recombinées.
Le résultat est celui d'une sorte de cartographie permettant la visualisation de lésions très vascularisées comme les cancers.

La dose délivrée à la glande est cependant plus élevée du fait de la répétition des acquisitions, une fois à basse et une à haute énergie. L’irradiation supplémentaire est d’environ 1,2 fois la dose habituelle pour chaque cliché.

Pourquoi pas d'indication dans le dépistage pour les femmes à risque élevé de cancer du sein ?

Cette technique est irradiante, davantage qu'une mammographie classique ; l'IRM apparaît plus adaptée puisqu'on essaie toujours de limiter l'irradiation dans cette population à risque, pour laquelle le rayonnement ionisant constitue un facteur potentiel d'induire des cancers.

Quel est l'apport de cette technique notamment par rapport à l'IRM ?

Son temps de réalisation est court et l'analyse des clichés ainsi que la comparaison avec des mammographies antérieures aisées, puisqu'on utilise les mêmes incidences (faces, obliques).

En revanche elle est irradiante et ne convient pas aux populations à risque élevé de cancers, et il existe toujours un risque, même s'il est faible, d'allergie aux produits de contraste injectés.

Les recommandations de l'HAS

L'angiomammographie pourrait être utilisée dans les indications suivantes:

  • les impasses diagnostiques, pour confirmer la présence d’une lésion suspecte ou afin d’éliminer la présence d’une lésion, avec un suivi nécessaire cependant;
  • quand une imagerie de contraste est nécessaire :
    - bilan d’extension locorégional (taille de la tumeur et recherche de lésions additionnelles);
    - évaluation de la réponse à une chimiothérapie néoadjuvante;
    - évaluation tumorale avant une chimiothérapie néoadjuvante, mais les experts ont néanmoins précisé que l’IRM mammaire est actuellement l’examen de référence dans cette indication.

Deux situations à distinguer :

Si contre-indications à l’IRM, l'angiomammographie est préconisée pour : 

  • les situations d’impasse diagnostique;
  • le bilan d’extension locorégional d'un cancer ;
  • l’évaluation tumorale avant et après une chimiothérapie néoadjuvante.

En l'absence de contre-indications à l’IRM, l'angiomammographie est préconisée dans

  • dans le bilan d’extension locorégional ou avant/après une chimiothérapie néoadjuvante, pour l’évaluation de la taille tumorale, notamment pour sa parfaite correspondance avec les clichés de mammographie.

Pour l'HAS il convient de mettre en place un protocole de contrôle-qualité pour utiliser toujours les doses optimales et garantir la surveillance des installations.

La démonstration de l’efficacité diagnostique de l'angiomammographie reste encore à confirmer par des études de performance plus robustes et de méta-analyses.
La HAS préconise la réalisation d’études de recherche clinique afin de confirmer les données de performance diagnostique, de démontrer l’utilité clinique de l’angiomammographie, d'en préciser la place dans la stratégie diagnostique et d'en préciser l’impact sur la prise en charge thérapeutique (nombre de biopsies, pertinence de la décision chirurgicale, taux de réinterventions…).

Références

https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/24426.pdf

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3186760/fr/interet-de-l-angiomammographie-double-energie-dans-la-strategie-diagnostique-du-cancer-du-sein-rapport-d-evaluation

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