Et si on changeait de vocabulaire ?

31 mai 2022

https://philarchive.org/archive/LARCDS

L'article ici défend que le phénomène de surdiagnostic est lié à la fois à notre connaissance grandissante du cancer, au fait que ces nouvelles connaissances causent des biais dans les processus de dépistage qui sont conduits en vue de trouver un cancer, mais aussi à notre approche du cancer et au vocabulaire médical associé.

Deux types de cancer ont été retenus par les auteurs comme particulièrement exemplaires : le cancer papillaire de la thyroïde et le carcinome in situ du sein.

Au début il convient de s'accorder sur ce que nous considérons comme maladie, l’autrice (étudiante au baccalauréat en philosophie (Université de Montréal)) propose une définition de dysfonction qui, pour être préjudiciable, doit l’être autant pour le patient qu'être considérée comme telle par la communauté scientifique faisant autorité.

Rappel du surdiagnostic

La définition du surdiagnostic est, rappelons-le, la découverte d'une anomalie qui, si elle n'avait jamais été décelée, n'aurait entraîné aucun dommage pour le patient. C'est une découverte inutile mais qui va entraîner injustement le patient vers une cascade d'examens supplémentaires et de procédures thérapeutiques dont il aurait pu se passer et qui, en plus, peuvent lui apporter des dommages que la non-découverte n'aurait jamais occasionnés.

De nombreuses causes sont à la source de surdiagnostics :

  • Les taux plus élevés d’examens (fréquence ou utilisation accrues de tests dans des groupes à faible risque de maladie),
  • La sensibilité accrue des tests dont nous disposons et le désir du médecin ou du patient de ne pas échapper à un diagnostic,
  • La définition plus élargie des pathologies (abaissement des seuils biologiques auxquels on décrète un diabète ou un taux de cholestérol pathologique, ou un état d'hypertension artérielle).
  • Les incitatifs financiers (p. ex. rémunérations versées aux médecins pour remplir des objectifs de santé publique ; et actuellement projets de rémunérations des patients se soumettant à un dépistage; à ce propos lire : https://cancer-rose.fr/2022/01/11/incitations-financieres-pour-le-depistage/    

 Il devient donc important de questionner la pertinence des soins prodigués, puisque le surtraitement est une conséquence très fâcheuse de tout surdiagnostic.

Les solutions envisagées

1° Information et décision partagée

L'autrice écrit :

"L’approche par prise de décision partagée (PDP) est cohérente avec une approche hybride de la santé et de la maladie, puisqu’elle permet d’identifier à la fois les inquiétudes du médecin traitant, soutenues par les évidences médicales, et les préférences, craintes et valeurs du patient. L’approche par prise de décision partagée nous semble être une approche à privilégier puisqu’elle valorise non seulement l’autonomie du patient, mais aussi un consentement éclairé."

Nous en parlons depuis longtemps, ici : https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/
et ici : https://cancer-rose.fr/2019/06/04/pourquoi-il-faut-prendre-dabord-une-decision-eclairee-avant-de-recourir-au-depistage/

La décision partagée avec prise en compte des préférences des patients fait partie du trépied de la médecine basée sur les preuves. Nous évoquions cette notion ici : https://cancer-rose.fr/2021/05/22/prevention-quaternaire/
C'est une vision moderne de la médecine, éloignée d'un paternalisme médical qui confisque la décision éclairée au patient. Elle débouche sur la création d'outils d'aide à la décision qui permettent une schématisation de la balance bénéfices-risques d'une procédure de santé de façon plus accessible pour tout patient, quel que soit son degré d'éducation et de littératie en santé.

L'autrice ajoute encore à ce propos : "Il y a lieu d’envisager la possibilité d’un surdiagnostic dans la prise de décisions cliniques avant de prescrire un examen de dépistage ou de diagnostic, et il importe de communiquer la possibilité d’un surdiagnostic dans la prise de décisions conjointe avant que les personnes s’engagent dans une cascade de dépistages.....
Une étude américaine (Rogers, W. A. (2019), “Analyzing the ethics of breast cancer overdiagnosis: a pathogenic vulnerability”, p. 135) faite auprès de 300 femmes ayant été invitées à faire une mammographie a indiqué que seules 8,4% de ces femmes ont été informées de la possibilité d’un surdiagnostic, alors que 80% d’entre elles avaient explicitement demandé à leur médecin d’obtenir toutes les informations nécessaires".

Un autre moyen de limiter le surdiagnostic et de décourager les tendances à la recherche effrénée de lésions dans des examens de routine demandés à des patients asymptomtiques, est :

2° La modification du vocabulaire autour du cancer

 a) le cancer de la thyroïde

L'avènement de l'échographie thyroïdienne prescrite en masse a largement favorisé la sur-détection de petits cancers papillaires peu agressifs, mais qui, une fois découverts, n'échappaient pas à la chirurgie. Le surdiagnostic pour ces lésions est massif ; lire : https://cancer-rose.fr/2020/06/05/le-surdiagnostic-du-cancer-de-la-thyroide-une-preoccupation-feminine-aussi/
On constatait alors la très forte hausse du nombre de petits cancers papillaires de la thyroïde (forme la plus fréquente et la moins dangereuse), et ce depuis les années 80-90.

Le préjudice psychologique du simple mot "cancer" dans ce contexte ne doit pas être sous-estimé, explique l'autrice.
Dans le cas du cancer de la thyroïde la modification du vocabulaire médical pour classer ces microcarcinomes papillaires simplement comme « lésions micropapillaires peu évolutives », est une modification qui encourage davantage une surveillance de ces lésions plutôt que le recours immédiat à une chirurgie mutilante, excessive et définitive. En effet jusqu'à présent la majorité des patients subissaient une thyroïdectomie plus ou moins complète, alors qu'on s'oriente davantage actuellement vers ce qu'on appelle la "surveillance active"pour certaines lésions dont on sait leur faible pouvoir évolutif.
"Lors d’une étude conduite en 2016 (Nikiforov, Y. E. et al. (2016), “Nomenclature Revision for Encapsulated Follicular Variant of Papillary Thyroid Carcinoma: A Paradigm Shift to Reduce Overtreatment of Indolent Tumors”, p. 1023.)" explique l'autrice,  "la refonte du vocabulaire médical lié au diagnostic du cancer de la thyroïde a permis aux patients participants d’éviter d’importantes conséquences du surdiagnostic. En effet, en recatégorisant les microcarcinomes papillaires comme "néoplasme thyroïdien folliculaire non invasif avec des caractéristiques nucléaires papillaires (NTFNIP)", les patients ont pu éviter de devoir souscrire à des chirurgies invasives (thyroïdectomie complète) et à des traitements de radiothérapie."
Lire:https://stringfixer.com/fr/Noninvasive_follicular_thyroid_neoplasm_with_papillary_like_nuclear_features

Le processus de décision partagée apparaît d'autant plus important, afin de donner des explications nuancées au patient et lui laisser une marge de manoeuvre pour ses choix.

b) Le carcinome in situ du sein

Le carcinome in situ, lésion qui ne franchit pas la paroi du canal galactifère du sein, alimente de façon importante le surdiagnostic en matière du cancer du sein, et les conséquences sont importantes car ces lésions sont traitées comme des "vrais cancers" par chirurgie et radiothérapie. On sait que le traitement par chirurgie et radiothérapie des carcinomes in situ n'a pas réduit le taux des cancers invasifs.
Toutes les explications sont à trouver dans l'article dédié : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/quest-ce-quun-carcinome-in-situ/

D'une part les programmes de dépistage nationaux donnent l'impression à une grande majorité de femmes que les mammographies à partir de 50 ans sont obligatoires, d'autre part les politiques de santé publique font la promotion de ces dispositifs de santé et contribuent à dramatiser le cancer du sein en alimentant la peur, souvent avec des slogans angoissants et coercitifs.

Comme pour la thyroïde, certains scientifiques estiment que le terme « carcinome » dans l’expression « carcinome in situ du sein» est trompeur et devrait être abandonné (Mulcahy N. Take Carcinoma Out of DCIS and Ease O Treatment. Jan 21, 2010. In : Medscape. [En ligne : https://www.medscape.com/viewarticle/715586]).

Ces « in situ », aussi appelés « stade 0 du cancer », ne sont pas menaçants pour les femmes dans leur très grande majorité. Ils ne sont même pas saisis dans le comptage des nouveaux cas de cancers dans les rapports épidémiologiques officiels. Pourtant, dans la pratique ils sont traités comme de véritables cancers (chirurgie doublée éventuellement de radiothérapie). Il y a donc un véritable décalage entre leur non-prise en compte officielle d’un côté et la façon dont ils sont vus et traités par les praticiens (oncologues et chirurgiens) de l’autre, alors que le carcinome in situ est un candidat possible pour la simple gestion par surveillance active.

c) le vocabulaire militaire dans le champ du cancer

Des métaphores guerrières sont souvent utilisées : " se battre contre un cancer", "vaincre le cancer", "succomber au cancer", "arsenal thérapeutique" " lutter et survivre au cancer", etc....
L'autrice dans sa thèse défend l'idée que la métaphore militaire réitère constamment la difficulté et la souffrance liées au cancer. Ces choix sémantiques contribuent à dramatiser le cancer et à encourager les méthodes de prévention drastiques conçues en vue de trouver un cancer, de l'identifier et de le détruire à tout prix et dans tous les cas, quoi qu'il en coûte, sans distinction entre les lésions indolentes ou agressives.

Pour les auteurs, cette rhétorique militaire contribue à une "culture de la peur", en diminuant la culture de la peur associée au cancer, autant de la part de la communauté scientifique que de la part des patients, il serait possible de tendre vers davantage de traitements de surveillance, et de mieux cibler les populations pour lesquelles des dépistages spécifiques sont bénéfiques.

Conclusion

Les patients ne sont pas des guerriers aux ordres d’un commandement supérieur que serait le corps médical et ses injonctions à toujours plus de dépistages.

La culture de la peur infligée aux populations par des slogans comme « chaque jour compte », « le cancer frappe à toutes les portes », ou « le dépistage précoce sauve la vie », au sophisme indigent, entraîne dans la société une sur-représentation du risque de contracter un cancer, une surestimation du bénéfice des dépistages avec une sous-estimation, voire même un recel volontaire des risques et inconvénients des dépistages systématiques, pourtant massifs, comme nous l’apprennent maintenant des données scientifiques récentes et mondiales, tout cela contribue à du surdiagnostic qui s'auto-alimente par un succès apparent de toujours plus de détection.

La sémantique militaire et les dénominations abusives de "cancers" pour des lésions ne mettant pas en danger la vie des personnes contribue à la fois à l'augmentation du niveau d'angoisse global de la société et au surdiagnostic, vrai fléau de la médecine post-moderne.

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Pourquoi l’INCa instrumentalise la peur de mourir par cancer du sein et la peur pour la femme du cancer du sein ?

5 novembre 2021

Par Dr Alain Rauss, biostatisticien, pour le collectif Cancer Rose

Depuis des années, il existe une opposition majeure entre l'INCa et Cancer Rose sur l'utilité du dépistage du cancer du sein. Plus encore, la critique de Cancer Rose vise l'absence d'informations claires, objectives et neutres de l'INCa vis-à-vis des femmes pour ainsi les rendre captives d'un processus initié par l'INCa sur orientation des plans cancer successifs[1].

Pourtant, la question n'est pas d'être pour ou contre le dépistage mais de permettre à chaque femme de prendre une décision personnelle compte tenu de son histoire de ses peurs et non une décision orientée par des considérations souvent autres que sanitaires.

Au final, il nous semble que le problème est ailleurs. Pourquoi faire peur et utiliser des méthodes qui relèvent plutôt des techniques de  manipulation et de propagande ?

Instrumentaliser la peur

Aujourd'hui, à bien y regarder, on ne peut que constater que l'INCa, pour arriver à ses fins, instrumentalise la peur d'avoir un cancer du sein et celle de mourir par cancer du sein.

La peur de mourir est une peur qui nous a permis de vivre, de sauver notre peau et d'arriver jusqu'ici. Cette peur reste en nous malgré toutes les évolutions que nos sociétés ont réalisées. En revanche, jouer sur la peur est une attitude honteuse car en cas de peur, le discernement devient difficile à exercer, et c'est là le problème. Jouer sur les peurs revient, comme nous le disions précédemment à une manipulation.

Prendre conscience de l'ensemble des risques

En fait, il existe dans la vie de très nombreux risques de mourir et le cancer du sein en fait partie. Le matraquage que réalise l'INCa sur le cancer du sein amène, au moins une partie de la population, à oublier que la vie comporte beaucoup d'autres risques. Ce matraquage amène à ne plus relativiser et à considérer que si le dépistage est mis en œuvre, ce serait un peu rendre la femme "immortelle".

Le tableau ci-dessous présente l'ensemble des causes de décès chez les hommes et les femmes et son évolution entre 2015 et 2016. Il est intéressant de constater que sur les 290 300 décès observés chez les femmes en 2016, on s'aperçoit que le cancer du sein est la 8ème cause de décès. On trouve, bien avant la mortalité par cancer du sein: les autres causes, les maladies du système nerveux, les maladies de l'appareil respiratoire, les maladies cérébrovasculaires, les troubles mentaux et du comportement, les causes externes, les cardiopathies ischémiques. Ainsi, la mortalité par cancer du sein, bien que non négligeable, ne représente que 4,27% des décès des femmes alors que les 7 premières causes de mortalité représentent 48,5% des décès (et encore nous ne comptons pas les autres causes de décès de l'appareil circulatoire non précisément individualisées qui représentent 44 000 décès par an soit près de 15% des décès).

Cliquez ,

Si les femmes devaient ressentir toutes leurs peurs à hauteur de ce que l'INCa tente de faire ressortir pour le cancer du sein (tel dans l'encadré que l'on retrouve dans la dernière plaquette de l'INCa repris ci-dessous), la vie d'une femme deviendrait vite insupportable. Le risque de mourir d'une autre cause étant près de 25 fois plus élevé, la vie de tous les jours avec cette pression sur le risque de mort serait vite invivable.

Exploiter une situation où l'ensemble des risques ne sont pas conscients

En fait, nous pouvons constater que L'INCa joue sur le fait que toutes les autres sources de risque de mourir ne font aucun battage médiatique ce qui laisse le champ libre à l'INCa sur le cancer du sein et surtout met en exergue une peur qui peut stimuler l'irrationnel dans l'attitude d'une femme par rapport au dépistage du cancer du sein.

l'INCA avec ce mois "Octobre Rose" occupe tout de même, pour 4,2% des morts, 1 MOIS de l’année dans l’espace médiatique; c’est énorme. Imaginez ce que serait la vie si tous les mois nous avions un mois pour tel ou tel risque qui tue plus bien plus que le cancer du sein ?

Il est clair que si le monde de la cardiologie, le monde de la neurologie ou le monde de la pneumologie mettait en avant le risque de mourir d'une maladie cardiovasculaire, d'une maladie du système nerveux ou d'une maladie respiratoire avec des moyens décuplés vue les risques qui peuvent exister, le "bruit" sur le cancer du sein serait étouffé.

Pourtant, à y regarder de plus près, pour ces mondes pourvoyeurs de la majorité des morts, il existe bien souvent de la prévention et non du dépistage. Cela signifie qu'il est possible de mettre en place des mesures qui vont alors diminuer fortement le risque et qui pourraient être la source de plusieurs centaines de décès évités (au contraire d'une bataille sur 1 ou 2 décès en moins sur un suivi de 10 ans dans le cas du dépistage du cancer du sein chez 1000 femmes).

Ainsi, l'INCa exploite une situation que nous pourrions caractériser comme monopolistique de l'usage de la peur de mourir en France.

Pour diminuer la peur de mourir d'un cancer du sein

Au travers de tout ce que nous venons de dire, il apparaît indispensable de reprendre conscience que les risques de décès sont multiples!

Les femmes ont bien de multiples risques de décéder dans la vie de tous les jours, et pas seulement du cancer du sein, loin s'en faut. Nous acceptons des conduites à risque à l'origine de très nombreux décès, par exemple la consommation de tabac et d'alcool. En réalité l'augmentation et la baisse des décès par cancer suivent l'augmentation et la baisse du tabagisme, avec un décalage de quelques décennies.  Le tabagisme augmente le risque pour de nombreux cancers mais surtout celui du cancer du poumon qui est de loin le plus grand tueur, responsable de davantage de décès que le cancer du colon, du sein et de la prostate réunis.[2]

Est-il raisonnable d'avoir peur de mourir du cancer du sein et de nous faire manipuler alors que nous n'avons pas peur de mourir au travers de nos conduites à risques ?

Un retour à "raison garder" semble essentiel pour diminuer le stress que met l'INCa sur les femmes, surtout qu'il se focalise sur un seul cancer.

Le droit de choisir APRES une bonne information

Chaque femme doit pouvoir, grâce à une information claire, fiable, complète, honnête, faire le point sur l'ensemble des risques de décès qui existent chez elle. A partir de ces informations, chacune doit pouvoir décider des risques qu'elle accepte et ceux qu'elle n'accepte pas. Son attitude sera alors en harmonie avec son histoire, ses caractéristiques, son environnement… Ce choix lui est propre, il ne doit être influencé par qui que ce soit et surtout pas par le corps médical ou un organisme quel qu'il soit. Voilà ce que chaque femme devrait exiger de nos autorités de santé, de l'information et un respect de ses choix.

S'il n'y avait que la peur de mourir

Dans cette propagande du dépistage, l'INCa ne joue pas seulement sur la peur de la mort par cancer, mais aussi sur la peur de développer ce cancer du sein. Or, la peur de perdre son identité et sa féminité est peut-être encore plus dévastatrice pour une femme. Sans même penser à la mort, les conséquences sur le plan psychologique, pour ce cancer en particulier, sont forcément énormes. Il est évident que beaucoup de femmes, qui sont en bonne santé, pensent qu'en se rendant régulièrement au dépistage, elles éviteront un cancer du sein. Les arguments du style: "plus un cancer du sein est détecté tôt plus les chances de guérison sont grandes" ou encore: " Je participe tous les deux ans au dépistage organisé du cancer du sein . C’est finalement devenu une habitude et cela nous rassure, mes proches et moi" ne sont là que pour instiller l'idée qu'en participant régulièrement au dépistage, les femmes en bonne santé éviteront l'atteinte de leur corps et de leur identité de femme. Il est clair que l'INCa leur ment, exploite leur naïveté sur le sujet et surtout leur peur.

L'appel à la peur est une technique d'influence utilisée pour augmenter la participation au dépistage, comme dénoncé dans un article universitaire détaillant toutes les méthodes utilisées pour inciter les femmes au dépistage ; nous en avions parlé.[3] [4]

Une culture de la compréhension du risque

Être aujourd'hui dans nos conditions de vie, sans compréhension du risque (comme nous venons de le voir avec le jeu de l'INCa sans aucune notion pour relativiser) expose la population à un climat de peur facilement exploitable par des personnes peu scrupuleuses qui veulent arriver à leurs objectifs. C'est bien par cette absence d'explication de ce qu'est un risque qu’une sorte "d'hystérie" autour du risque peut être utilisée par ces personnes qui sont au final mal intentionnées.

Comme nous le disions au début, sans compréhension du risque, la peur ressurgit et le discernement devient très difficile à exercer.

Gerd Gigerenzer, psychologue berlinois et auteur de "penser le risque-vivre dans l'incertitude" dénonce la mauvaise utilisation et la torture des données statistiques de façon récurrente à chaque mois d'octobre rose, dans tous les pays.[5]

Défendons la fin de l'usage de la peur pour orienter les choix des femmes, défendons une information claire sur les risques (sans catastrophisme)


Références

[1] https://cancer-rose.fr/2021/02/08/nouveau-plan-cancer-2021-2030-une-planification-sovietique/

[2] https://blogs.scientificamerican.com/cross-check/the-cancer-industry-hype-vs-reality/

[3] https://cancer-rose.fr/2021/04/20/les-methodes-dinfluence-du-public-pour-linciter-aux-depistages/

[4] https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2021/04/nouveau-tableau.pdf  (tableau récapitulatif des institutions utilisant les méthodes de manipulation).

[5] Traduction de cet article https://cancer-rose.fr/2021/11/02/la-mauvaise-statistique-du-mois/

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La mauvaise statistique du mois

https://www.hardingcenter.de/en/node/285

https://www.rwi-essen.de/unstatistik/120/

Traduction par Sophie, patiente référente à Cancer Rose

La mauvaise statistique du mois d'Octobre, le mois du cancer du sein - Des rubans roses à la place de l’information

Le psychologue berlinois Gerd Gigerenzer, l'économiste Thomas Bauer de Bochum et le statisticien Walter Krämer de Dortmund ont commencé à publier la "mauvaise statistique du mois" ("Unstatistik des Monats") en 2012.
Katharina Schüller, directrice générale et fondatrice de STAT-UP, a rejoint l'équipe en août 2018.
Chaque mois, les auteurs remettent en question les statistiques récemment publiées et leurs interprétations. Leur objectif sous-jacent est d'aider le public à traiter les données et les faits de manière plus rationnelle, à interpréter correctement les représentations numériques de la réalité et à décrire de manière plus adéquate un monde de plus en plus complexe. De plus amples informations sur cette initiative sont disponibles sur le site www.unstatistik.de et sur le compte Twitter @unstatistik.

Octobre est le mois de la sensibilisation au cancer du sein. On pourrait penser que les femmes sont particulièrement bien informées pendant ce mois.
Nous avons tapé "Breast Cancer Month October 2021" dans Google et avons regardé les liens de la première page. Tous encouragent le dépistage, mais aucun d'entre eux ne fait état des résultats des études scientifiques sur ses avantages et ses inconvénients. Avant d'examiner les pages web, il est bon de jeter un coup d'œil aux résultats des études scientifiques menées jusqu'à présent auprès de plus de 500 000 femmes.

Ces résultats montrent que lorsque 1 000 femmes âgées de 50 ans et plus se soumettent au dépistage, 4 d'entre elles meurent d'un cancer du sein dans les 11 ans environ, tandis que pour les femmes qui ne se soumettent pas au dépistage, ce chiffre est de 5. Donc une femme de moins meurt d'un cancer du sein pour chaque 1 000 femmes dépistées.

Cependant, le nombre total de femmes qui meurent d'un cancer quoi qu’il en soit (y compris le cancer du sein) ne change pas ; il y en a 22 dans chacun des deux groupes avec et sans dépistage. Autrement dit, une femme de moins meurt d'un cancer du sein dans le groupe de dépistage, mais une femme de plus meurt d'un autre cancer dans le groupe avec dépistage. Donc, dans l'ensemble, rien ne prouve que le dépistage sauve ou prolonge des vies.

Mais les femmes qui se soumettent au dépistage sont confrontées à des risques. Sur 1 000 femmes, une sur 100 subit une biopsie inutile en raison de fausses alertes, et 5 femmes subissent une ablation partielle ou totale de leur sein sans que cela soit nécessaire. Ces informations devraient être disponibles en octobre, mois de sensibilisation au cancer du sein, afin que les femmes puissent prendre une décision éclairée pour ou contre le dépistage précoce (voir également la "Fact Box on Early Breast Cancer Detection through Mammography Screening" „Faktenbox zur Brustkrebs-Früherkennung durch Mammographie-Screening“ du Harding Center for Risk Literacy, dirigé par le professeur Gerd Gigerenzer). https://www.hardingcenter.de/en/early-detection-of-cancer/early-detection-of-breast-cancer-by-mammography-screening


Les pages de recherche Google ne fournissent pratiquement aucune information sur les avantages et les inconvénients du dépistage

Que nous disent donc les résultats de la recherche Google ou les pages web ? Euronews.com  ne donne aucune information sur les avantages et les inconvénients du dépistage. Au lieu de cela, le site web fait la promotion de rubans roses et d'un défilé de canards roses. Le site womens.es , en revanche, donne un chiffre : Le dépistage "réduit la probabilité de décès de 25 %". Cela signifie-t-il que sur 100 femmes, 25 de moins mourront du cancer du sein ? Non.
Ce chiffre est obtenu en rapportant la réduction de 5 à 4 sur 1 000 femmes comme "20 % de moins" et en l'arrondissant à 25 %. Je soupçonne ici que les lecteurs ne sont pas avertis sur la différence entre un risque relatif (25 % de moins) et un risque absolu (1 sur 1 000). En effet, des études montrent que beaucoup de femmes (et d'hommes) ne comprennent pas cette subtilité.

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici : https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

Sur le site web suivant, la Ligue contre le cancer de la Suisse orientale Krebsliga Ostschweiz encourage le dépistage par mammographie, en donnant de nombreux chiffres (comme le nombre de femmes et d'hommes souffrant d'un cancer du sein) mais aucun sur les avantages et les inconvénients. Sur son site  Webseite, le Ministère des Affaires Sociales, de la Santé, de l'Intégration et de la Protection des consommateurs du Brandebourg conseille à nouveau le dépistage, donne de nombreux chiffres, comme l'âge moyen auquel les femmes sont diagnostiquées, mais aucun qui permette de prendre une décision en connaissance de cause - à la différence d'une « fact box » ou "boîte de données".

La compagnie d'assurance maladie HMR conseille notamment l'autopalpation du sein, sans mentionner des études qui montrent que cette autopalpation ne réduit pas davantage la mortalité par cancer du sein, mais peut provoquer de fausses alertes et des craintes inutiles. Le site web recommande également la mammographie, là encore sans information sur les avantages et les inconvénients.

Le dépistage est également qualifiée à tort comme "prévention " - ce qui est très répandu et l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes pensent que la mammographie prévient le cancer. La vaccination est une prévention et empêche les maladies ; la détection précoce, en revanche, signifie qu'une maladie déjà existante est détectée.
Sur le reste des pages web, les choses se poursuivent ainsi : aucune information sur les avantages et les inconvénients, mais des célébrités, des rubans roses, des nounours en peluche et des flamants roses.

Étant donné que les utilisateurs obtiennent parfois des résultats différents sur la première page d'une recherche Google, chacun devrait essayer de son côté. Toutefois, la plupart des utilisateurs ne trouveront des informations fiables que sur les dernières pages.
Alors qu’environ 90 % de tous les clics conduisent sur la première page.

Le "mois de la sensibilisation au cancer du sein" 2021 fait encore l'impasse sur une information équilibrée.

En octobre 2014, nous avions déjà dénoncé le marketing du mois de la sensibilisation au cancer du sein, ainsi que les chiffres absents ou trompeurs sur les avantages et les inconvénients du dépistage.
En octobre 2021, la situation est la même.
Dans une société où l'on polémique au sujet des stéréotypes de genre, on tolère que les résultats scientifiques sur le dépistage soient dissimulés aux femmes. Les femmes et les organisations de femmes devraient être celles qui finalement déchirent les rubans roses et ne tolèrent pas cela. Chaque femme devrait pouvoir prendre ses propres décisions en connaissance de cause au lieu d'être contrôlée émotionnellement par des nounours en peluche et des intérêts commerciaux.

Contact:

Prof. Dr. Gerd Gigerenzer Tel.: (030) 805 88 519
Sabine Weiler (Communications RWI), Tel.: (0201) 8149-213, sabine.weiler@rwi-essen.de 
Katharina Schüller, auteur de Unstatistics, est également co-initiatrice de la "Charte de la compréhension des données", qui promeut une éducation complète à la compréhension des données. La charte est disponible à l'adresse www.data-literacy-charta.de.

RWI - Institut Leibniz pour la recherche économique https://en.rwi-essen.de/das-rwi/

Le RWI - Leibniz Institute for Economic Research (anciennement Rheinisch-Westfälisches Institut für Wirtschaftsforschung) est un centre leader de recherche économique et de conseil politique basé sur des preuves en Allemagne.

Centre Harding pour l'éducation au risque

https://hardingcenter.de/en/the-harding-center/about

Université de Potsdam-Faculté des sciences de la santé

"Notre objectif est d'étudier comment les gens se comportent dans des situations à risque. Nous pensons que notre travail peut contribuer à l'idéal d'une société qui sait calculer les risques et vivre avec."

Gerd Gigerenzer, directeur

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Non-malfaisance et éthique du dépistage

La non-malfaisance et l'éthique du consentement au dépistage du cancer

Lotte Elton

https://jme.bmj.com/content/47/7/510?utm_source=alert&utm_medium=email&utm_campaign=jme&utm_content=toc&utm_term=24062021

Correspondance avec le Dr Lotte Elton, Département d'histoire et de philosophie des sciences, Université de Cambridge, Cambridge CB2 1TN, UK ;

Résumé

Les programmes de dépistage du cancer causent des dommages aux individus en raison du surdiagnostic et du surtraitement, même s'ils présentent des avantages au niveau de la population globale. Le dépistage semble donc enfreindre le principe de non-malfaisance, puisqu'il entraîne des dommages médicalement inutiles pour les individus. Le consentement aux programmes de dépistage peut-il nier la signification morale de ce préjudice ? Dans les contextes médicaux thérapeutiques, le consentement est utilisé comme un moyen de rendre le préjudice médical moralement acceptable. Cependant, dans cet article, je défends l'idée qu'il n'est pas évident que le modèle de consentement utilisé dans le cadre de la médecine thérapeutique puisse être appliqué sans problèmes à la médecine préventive.

L'invitation au dépistage bouleverse les normes et les attentes pragmatiques de la rencontre entre le patient et le médecin, si bien que deux principes clés du consentement peuvent être violés. Premièrement, les aspects pragmatiques d'une invitation médicale risquent de compromettre une information adéquate des patients, car ces derniers présument que les invitations médicales sont faites dans leur meilleur intérêt, même si des informations contraires sont présentées.

En second lieu, les invitations au dépistage peuvent exercer une pression sur les patients ; dans le contexte d'une consultation médicale, le fait de proposer une invitation au dépistage peut constituer une incitation à accepter.

Afin de s'assurer que le consentement d'un patient à une invitation au dépistage est bien valide, nous devons faire comprendre aux patients que leur décision d'accepter le dépistage peut être influencée non seulement par la manière dont les informations sur le dépistage sont présentées, mais par la forme pragmatique de l'invitation elle-même.

Introduction

Le dépistage du cancer est souvent présenté comme un moyen de "sauver des vies", ce qui implique que tous les patients qui subissent un dépistage en bénéficient. Cependant, même lorsqu'il y a un bénéfice global au sein d'une population, l'une des limites inhérentes au dépistage du cancer est que certains en bénéficieront au prix de préjudices pour d'autres.1 

Les décideurs politiques justifient souvent ces préjudices liés au dépistage en affirmant que les programmes de dépistage sont efficaces, c'est-à-dire qu'ils permettent une réduction nette de la morbidité et de la mortalité2 . 
Pourtant, une telle justification apparaît comme une atteinte au principe éthique de non-malfaisance, puisque les individus subissent des préjudices suite à l'intervention des professionnels de la santé dans la recherche d'un bénéfice au niveau de la population.
Dans les contextes médicaux thérapeutiques, la non-malfaisance est souvent surpassée par le principe d'autonomie, sous le couvert du consentement. Le consentement peut-il accomplir le même devoir moral dans des contextes préventifs comme le dépistage ?

Dans cet article, j'examinerai si le recours au consentement peut justifier une dérogation au principe de non-malfaisance dans le cadre du dépistage du cancer. Je démontrerai d'abord pourquoi le principe de non-malfaisance est pertinent pour les programmes de dépistage, même lorsqu'ils apportent un bénéfice net.
Ensuite, j'évaluerai le raisonnement selon lequel les préjudices subis pendant le dépistage peuvent être moralement non pertinents lorsque les patients ont donné leur consentement éclairé pour y participer.
Je défendrai l'idée que le paradigme du consentement tel qu'il s'applique à la médecine thérapeutique n'est pas nécessairement facilement applicable à la médecine préventive, car il existe une différence sur le plan pragmatique entre les deux situations. Pour répondre à cette question, je poursuis la réflexion de Chwang3 sur les effets de la conception afin de faire valoir que les patients doivent être informés de cette différence pragmatique pour que leur consentement au dépistage soit valable. Lorsque c'est le cas, le consentement du patient peut présenter un degré de moralité suffisant pour rendre acceptable tout préjudice subi par le dépistage.

Par souci de simplicité, je fais référence aux "médecins" comme les acteurs du dépistage. Dans la pratique, ce n'est souvent pas le cas : au Royaume-Uni, par exemple, c'est le National Health Service (NHS) Screening Programme qui lance la plupart des invitations aux programmes de dépistage. Néanmoins, il semble légitime de confondre les deux comme étant, aux yeux des patients, des "agents médicaux".

Dépistage et non-malfaisance

Même lorsque les programmes de dépistage sont efficaces, il n'en demeure pas moins qu'un bénéfice net global est possible en dépit des préjudices subis par de nombreux individus. Il convient de noter ici que ma préoccupation porte sur les préjudices non compensés.

J'entends par là les préjudices subis par les personnes qui ne tirent aucun avantage du dépistage. En d'autres termes, si une personne dont le cancer est diagnostiqué grâce à sa participation à un programme de dépistage doit subir un traitement pénible, ce préjudice est moralement compensé si la détection précoce de son cancer prolonge sa vie.

Pour d'autres personnes, cependant, le dépistage conduit à un surdiagnostic : la détection d'anomalies qui n'auraient jamais évolué au point de causer des dommages. Il en résulte que de nombreux patients reçoivent un traitement médicalement inutile, comme l'excision du col de l'utérus pour traiter des cellules précancéreuses qui auraient pu régresser spontanément. Le surtraitement a ses propres conséquences : les femmes subissant une excision du col de l'utérus, par exemple, sont plus susceptibles de connaitre un accouchement prématuré4.

Le fait que le dépistage cause des dommages semble enfreindre le principe de non-malfaisance, l'un des principes fondamentaux de l'éthique médicale tel qu'il a été défini par Beauchamp et Childress.5 La non-malfaisance découle de l'axiome primum non nocere - "d'abord, ne pas nuire". La non-malfaisance découle de l'axiome primum non nocere - d'abord, ne pas nuire. Pourtant, il est évident que les professionnels de la santé causent fréquemment du tort à leurs patients afin d'obtenir un plus grand bénéfice : un chirurgien peut, par exemple, amputer la jambe gangrenée d'un patient afin de lui sauver la vie. Comment pouvons-nous distinguer les dommages qui sont "acceptables" de ceux qui sont "inacceptables" ?

Je considère que nous pouvons moralement justifier le préjudice que représente l'amputation de la jambe gangrenée d'un patient dans la mesure où elle est médicalement nécessaire pour sauver sa vie, mais que nous ne pouvons pas justifier l'amputation de ses deux jambes si l'amputation d'une seule jambe apporte le même bénéfice. En d'autres termes, un dommage est médicalement nécessaire - et donc moralement acceptable - s'il constitue le moyen le moins dommageable de générer un plus grand bénéfice pour un patient donné.

Je définis donc la non-malfaisance comme une obligation prima facie de ne pas causer de dommages qui ne sont pas médicalement nécessaires. La distinction entre les préjudices médicalement nécessaires et les préjudices inutiles est intéressante car elle permet de comprendre pourquoi nous pouvons juger inacceptable d'amputer la jambe saine d'un patient pour sauver la vie d'un autre patient. L'amputation de la jambe d'un patient pour sauver sa propre vie présente le même bénéfice net que l'amputation de la jambe d'un patient pour sauver la vie d'un autre patient, mais ce dernier cas implique un dommage médicalement inutile.

Imaginons cependant que, pour sauver la vie d'un patient, nous devions infecter un autre patient avec un rhume. Peut-être que l'équilibre relatif entre les dommages et les bénéfices dans ce cas pourrait nous amener à croire que la propagation d'un rhume médicalement inutile est moralement acceptable. Cependant, étant donné que les préjudices du dépistage incluent des mastectomies inutiles6, je considère que le préjudice inhérent au dépistage s'apparente davantage à l'amputation d'une jambe qu'à un rhume.

Par conséquent, nous ne pouvons pas ignorer facilement la non-malfaisance dans le dépistage quand celui-ci présente un bénéfice global, car il est compliqué d'imposer des dommages graves et médicalement inutiles à certains individus même si cela apporte un bénéfice net à la population. Comment, dès lors, résoudre la question de la non-malfaisance dans le dépistage ?

Une réponse possible est de considérer que les préjudices liés au dépistage ne peuvent être justifiés que lorsque le bénéfice attendu pour un certain individu l'emporte sur le préjudice attendu pour ce même individu.

Il s'agit toutefois d'une norme impossible à appliquer : pour tout individu soumis à un dépistage, nous ne pouvons pas savoir, dès le départ, si les bénéfices pour lui l'emportent sur les préjudices. Plus encore, je soutiens que nous ne pouvons pas le savoir même après que le dépistage a eu lieu, puisque pour évaluer la balance bénéfice/préjudice, il faut savoir ce qui se serait passé si nous n'étions pas intervenus. Cette donnée est difficile, voire impossible, à obtenir. Trouver l'équilibre entre la bienfaisance au niveau de la population et la non-malfaisance au niveau individuel est, de toute évidence, une mission délicate. Serait-il possible de justifier plus facilement les dommages causés par le dépistage ? Bien que le dépistage cause nécessairement des dommages médicalement inutiles, tout individu participant au dépistage pourrait, en principe, en bénéficier : les dommages liés au dépistage résultent des risques imposés à un individu dans le but de lui faire bénéficier ou de faire bénéficier les autres. De cette manière, le dépistage peut être considéré comme une sorte de loterie. Il est beaucoup plus probable qu'un participant à la loterie soit lésé en perdant l'argent dépensé pour le billet de loterie qu'il ne le soit en gagnant le jackpot.

Le bénéfice potentiel est toutefois important, ce qui peut faire paraître en comparaison le préjudice lié au gaspillage d'argent insignifiant. En achetant un billet de loterie, un participant prend donc un risque qui se traduira par un bénéfice pour lui-même ou pour les autres. Si l'on admet que les loteries et le dépistage confèrent de grands bénéfices au moins à certains individus, on peut affirmer qu'un individu rationnel peut souhaiter accepter l'invitation au dépistage - malgré les préjudices qu'elle peut entraîner - sur la base du bénéfice potentiel qu'il peut en retirer. Si un individu souhaite accepter l'invitation, est-ce que son consentement à l'offre peut rendre moralement non pertinent tout préjudice qu'il pourrait subir ?

Le problème du consentement en médecine préventive

Examinons d'abord le caractère moral du consentement tel qu'il s'applique à la médecine thérapeutique. Le consentement accomplit un devoir moral en " justifiant une action qui, autrement, violerait des normes, des standards ou des attentes importants ".7 Lorsqu'un patient donne son consentement à l'amputation de sa jambe gangrenée afin de lui sauver la vie, il rend moralement admissible une action qui violerait normalement des normes importantes. Pour que son consentement soit valide, il doit être à la fois éclairé et autonome ; en d'autres termes, il doit disposer d'informations suffisantes sur les conséquences de l'action à laquelle il donne son consentement, et être libre de toute pression.1 

Ces principes de consentement, bien établis dans les contextes médicaux thérapeutiques, ont historiquement été appliqués sans problème au dépistage. Cependant, plusieurs auteurs ont laissé entendre qu'il existe une distinction éthique entre la pratique médicale "quotidienne" et les interventions préventives telles que le dépistage8 9 . 

Ceux qui avancent cet argument suggèrent que la médecine préventive est éthiquement différente de la médecine thérapeutique, bien que peu nombreux soient ceux qui aient expliqué pourquoi exactement. Dans cette section, je cherche à démontrer qu'il existe une différence pragmatique entre les demandes initiées par le patient en médecine thérapeutique et les invitations initiées par le médecin en médecine préventive. Cela modifie les responsabilités éthiques qui doivent être assumées par le médecin, et les conditions dans lesquelles on peut attendre du consentement qu'il fasse son travail moral.

Dans la médecine thérapeutique, le patient se présente au médecin avec une plainte : le plus souvent, un symptôme ou un ensemble de symptômes. Le patient demande que cette situation soit traitée par le médecin, entrant ainsi dans une relation dans laquelle " l'autorité sociale et cognitive spéciale " du médecin est reconnue.10 Dans le dépistage, la relation est différente. Ici, un médecin sollicite une personne qui n'a pas cherché à consulter un médecin et l'invite à participer au dépistage.

Si nous faisons une distinction entre les contextes des demandes initiées par le patient et des invitations initiées par le médecin, comment cela peut-il nous amener à conclure que le consentement à ces dernières ne peut pas répondre aux exigences du consentement de type transactionnel ? Le fait d'inviter des personnes en bonne santé à participer à une intervention médicale perturbe le cadre normal de la rencontre thérapeutique entre le médecin et le patient, dans lequel le patient fait une demande au médecin. Si, comme l'affirme Rebecca Kukla, les "rituels de la clinique" sont "essentiels pour donner à la transaction [du consentement] la forme pragmatique qu'elle a",10 alors nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la même formulation du consentement s'applique automatiquement dans le cas de la médecine préventive.

Dans la suite de cette section, je défendrai l'idée que les invitations au dépistage posent un problème pour deux raisons : premièrement, la pratique de l'invitation médicale est telle que le patient risque d'être mal informé ; et deuxièmement, le fait de faire une invitation médicale peut constituer une incitation à accepter.

Consentement éclairé

Il est largement démontré que les patients peuvent être mal informés sur le dépistage - par exemple, qu'ils ne sont pas toujours conscients des risques et des résultats potentiels de la participation à un programme de dépistage.11 Ceci n'est peut-être pas surprenant, étant donné que le surdiagnostic est rarement quantifié dans les essais de dépistage12 et rarement inclus dans les brochures d'information destinées aux patients.13 

Même lorsque des informations sur les risques sont fournies aux patients, la manière dont le risque est présenté peut affecter les décisions prises par les patients : par exemple, un patient peut consentir à une intervention décrite comme lui conférant 90 % de chances de survie, mais refuser la même intervention lorsqu'elle est décrite comme ayant 10 % de chances de mortalité. C'est ce qu'on appelle "l'effet de formulation".3  De nombreux ouvrages de santé publique ont cherché à traiter les effets de la formulation, en détaillant des outils tels que les aides à la décision et les guides de communication du risque qui expliquent, par exemple, que 90 % de survie et 10 % de mortalité signifient la même chose.14 15 Je ne conteste pas ces efforts : il est utile d'examiner comment fournir aux patients les informations les plus claires et les plus pertinentes, et comment minimiser les effets de la formulation afin de rendre le consentement des patients plus solide moralement. Cependant, je présente ici une autre préoccupation : même en laissant de côté les questions d'heuristique du risque et de communication, la forme pragmatique d'une invitation médicale est telle que la condition de consentement " éclairé " peut être difficile à remplir, même si nous optimisons la communication du risque aux patients.

Les médecins sont dignes confiance.16 Lorsque les patients demandent à leur médecin de répondre à leurs préoccupations, ils supposent que celui-ci ne leur proposera pas de solutions médicales "inutiles, non professionnelles, trop risquées ou illégales".7 Les options offertes en réponse à une demande du patient sont donc encadrées par des contraintes normatives avant même que le consentement du patient ne soit demandé.

Mais les invitations des médecins ont un sens pragmatique différent des demandes des patients. Dans ces cas, les patients s'attendent - et le font raisonnablement - à ce qu'un professionnel de la santé ne les invite pas à participer à une intervention, sauf si le professionnel de la santé s'attend à ce que cette intervention soit bénéfique pour le bénéficiaire. Cela peut conduire un patient à minimiser les conséquences négatives du dépistage, comme le surdiagnostic. Nous pouvons le voir clairement dans le cas de la méconnaissance thérapeutique, où les patients invités à participer à une recherche clinique déclarent que le principal objectif est souvent le bénéfice pour eux-mêmes et pour les autres sujets de la recherche17 .  Cela va au-delà d'un défaut de communication d'informations adéquates : de telles croyances persistent même lorsque les patients sont clairement informés que l'étude n'est pas destinée à leur bénéficier mais à de futurs patients, et même lorsqu'ils démontrent une compréhension de la randomisation et de l'utilisation de placebos.Selon mon point de vue, la méconnaissance thérapeutique révèle un problème beaucoup plus profond : les patients semblent supposer que les invitations médicales sont faites dans l'intention de leur apporter un bénéfice personnel.

Lorsqu'un médecin propose un dépistage, l'implication pragmatique comprise par les patients est qu'il s'agit d'une offre dans le meilleur intérêt du patient. Ceci est le cas même lorsque les risques de la participation sont soulignés, et même lorsqu'il est précisé que le programme présente un avantage au niveau de la population plutôt qu'au niveau individuel.

En invitant au dépistage, les médecins suggèrent aux personnes en bonne santé que leur participation au programme de dépistage leur permettra d'être encore plus en bonne santé ou de vivre plus longtemps en bonne santé.19 Nous voyons ici comment le modèle de communication conduit/contenant décrit par Manson et O'Neill - dans lequel les informations sont transférées entre des agents qui "émettent" et "reçoivent" des messages - ne rend pas compte de la complexité de la transaction de consentement.7 Même lorsque la communication d'un message est intelligible et pertinente, on ne peut pas supposer que les deux parties partagent la même compréhension. Les patients s'attendent à ce que leurs médecins se comportent à leur égard de manière bienveillante et non malveillante. Par conséquent, ils peuvent ne pas comprendre lorsque les médecins ne sont pas en mesure de respecter ces obligations, même lorsque cela est clairement expliqué.

Le choix du patient

Passons à ma deuxième réflexion : les invitations au dépistage sont problématiques du point de vue du choix du patient. Kukla discute des implications pragmatiques des invitations, soulignant comment les invitations "ne laissent à l'invité ni obligation ni libre choix neutre".20 Un individu est libre de refuser l'invitation au dépistage. Mais une invitation - même si elle peut être refusée sans offense - doit être accueillante: elle doit être délivrée de manière à transmettre un encouragement plutôt qu'une indifférence.

Pour reprendre les mots de Derrida, cela ne devrait pas impliquer "si vous ne venez pas, ce n'est pas grave, cela n'a pas d'importance".20 Les offres de dépistage constituent-elles des "invitations", dans ce sens pragmatique ? Je pense que oui. Pour prendre un exemple, la lettre invitant les femmes au dépistage du cancer du col de l'utérus commence par "le NHS propose le dépistage du cancer du col de l'utérus pour sauver des vies". Il ne s'agit pas d'un "ça ne fait rien, ça n'a pas d'importance". Il est conseillé aux cabinets de médecine générale d'ajouter un message personnel aux lettres au titre que le soutien du médecin généraliste encourage les patients à accepter l'invitation au dépistage.21 22 Même si une mise en garde est ajoutée indiquant que la décision d'accepter le dépistage du cancer du col de l'utérus est "votre choix", elle est en contradiction avec l'implication pragmatique du reste du message.

Et si l'on supprimait les "coups de pouce "23, comme les messages personnels rédigés par le médecin généraliste, des invitations au dépistage ? Cela contribuerait certainement à réduire la pression exercée sur le patient pour qu'il accepte. Cependant, j'ai une autre préoccupation. Si nous voulons comprendre pleinement les implications pragmatiques d'une invitation, nous devons tenir compte du contexte dans lequel les invitations sont faites, et de la relation de pouvoir entre l'invitant et l'invité. Au cours des dernières décennies, il y a eu un effort concerté pour passer à un modèle de soins de santé qui met l'accent sur le partage du pouvoir entre le médecin et le patient24 .

Néanmoins, les médecins jouissent d'un degré élevé d'autorité dans l'environnement médical25 ; par conséquent, dans le contexte d'une rencontre médicale, le fait d'inviter au dépistage constitue au moins une incitation partielle à accepter. On pourrait faire valoir que le processus d'obtention du consentement dans toute situation médicale est nécessairement façonné par la dynamique du pouvoir et de l'autorité. Mais il y a une différence entre les patients qui font une demande et les médecins qui font une invitation.

Considérez la différence entre s'adresser à un avocat pour obtenir des conseils juridiques et recevoir une lettre d'un avocat vous suggérant d'intenter une action en justice. Les avocats, comme les médecins, occupent des positions d'autorité. Lorsqu'un patient s'adresse à un médecin ou demande conseil à un avocat, il a choisi de participer à une transaction structurée par des relations de pouvoir et d'autorité. Lorsqu'une patiente est invitée à participer à un dépistage ou à intenter une action en justice, elle n'a pas sollicité cette autorité et n'a pas de préoccupation à laquelle elle souhaite que l'on réponde. L'autorité médicale lui a donc été imposée ; dans une telle situation, nous devons examiner attentivement si son consentement peut être considéré comme valide.

Améliorer le consentement

Doit-on en conclure que les patients sont irrémédiablement mal informés sur le dépistage ? Les invitations au dépistage sont-elles toujours intrinsèquement coercitives ? Pas nécessairement. Comme je l'ai souligné, la forme pragmatique d'une invitation au dépistage peut signifier que les patients sont poussés à l'accepter ou qu'ils sont mal informés de ses implications. Cependant, nous pourrions peut-être considérer la forme pragmatique d'une invitation au dépistage comme une sorte d'effet de formulation, conduisant les patients à percevoir le dépistage différemment en fonction de la manière dont l'invitation est faite et de la personne qui la fait.

Comment pouvons-nous aborder la question si nous la considérons comme un effet de formulation ? Chwang3 soutient que le consentement d'un patient peut être invalidé en présence d'effets de cadrage, mais que ce consentement peut être revalidé par le "débiaisage" : alerter les patients sur les effets de formulation auxquels ils sont soumis.

Ainsi, plutôt que de présenter simplement aux patients des informations (par exemple, qu'une intervention a un taux de mortalité de 10 % et/ou un taux de survie de 90 %), nous pouvons présenter des méta-informations, qui mettent en évidence les effets de la formulation : par exemple, en expliquant aux patients qu'ils sont susceptibles de prendre une décision différente quant à l'acceptation ou au rejet de l'intervention selon qu'on leur dit qu'elle a un taux de mortalité de 10 % ou un taux de survie de 90 %. Nous pouvons également appliquer une distinction similaire entre information et méta-information à mon exemple précédent de méconnaissance thérapeutique. Les participants à une recherche reçoivent des informations : par exemple, "le but de cette étude est de confirmer que le médicament X est efficace pour traiter le cancer". Malgré cela, les participants semblent toujours croire que les essais sont menés dans leur propre intérêt. Cependant, la méta-information pourrait peut-être remédier à la méconnaissance thérapeutique : par exemple, "les participants à la recherche peuvent avoir l'impression que l'essai de recherche est destiné à traiter leur maladie, même si ce n'est pas son objectif principal".

La fourniture d'une méta-information est, à mon avis, le moyen le plus convaincant de répondre aux questions que j'ai soulevées dans cet article sur la pragmatique des invitations médicales. À quoi pourrait ressembler la fourniture d'une méta-information sur le dépistage ? Les documents d'information sur le dépistage pourraient mettre en évidence le fait que de nombreux patients croient (raisonnablement) qu'une invitation au dépistage est faite dans leur meilleur intérêt, même s'il est inévitable que certaines personnes soient lésées par le dépistage. De même, les invitations au dépistage pourraient non seulement souligner que l'acceptation de l'invitation est un choix du patient, mais aussi expliquer que les patients peuvent se sentir poussés à accepter les invitations faites par leur médecin. De telles mesures contribueraient à dévaloriser les patients, puisqu'elles leur font comprendre que leur consentement au dépistage est conditionné par le fait qu'ils sont invités à y participer par des médecins. Si, par le biais de la dévalorisation, nous sommes en mesure d'éliminer l'effet de formulation induit par la forme pragmatique d'une invitation médicale, cela dissiperait ma crainte que ces invitations puissent exercer une pression sur les patients ou les désinformer. En retour, cela permettrait au consentement des patients aux invitations au dépistage de faire un travail moral en justifiant le préjudice que les patients peuvent subir s'ils se soumettent au dépistage.

Conclusion

La non-malfaisance en matière de dépistage n'est pas un problème que l'on peut facilement écarter, même lorsqu'un programme de dépistage présente des avantages pour la population. Dans les contextes médicaux thérapeutiques, la non-malfaisance est parfois outrepassée par un appel au consentement. Cependant, il n'est pas certain que le paradigme du consentement tel qu'il s'applique à la médecine thérapeutique puisse être appliqué sans problème aux cas de médecine préventive. L'invitation au dépistage modifie les normes pragmatiques et les attentes de la rencontre entre le patient et le médecin, si bien que le consentement peut être incapable d'accomplir le même travail moral que dans les rencontres thérapeutiques initiées par un patient.

L'un des moyens de résoudre ce problème consiste à fournir des méta-informations, qui expliquent clairement aux patients comment les aspects pragmatiques d'une invitation au dépistage peuvent influer sur leur décision d'accepter cette invitation. Ce point est pertinent au-delà du dépistage du cancer. Lorsque des préjudices individuels peuvent résulter d'autres invitations lancées par le médecin - par exemple, le dépistage prénatal d'anomalies génétiques ou les examens de santé cardiovasculaire - il peut être insuffisant de fournir aux patients des informations sur les risques et les avantages de l'intervention. Pour que le consentement d'un patient à une invitation lancée par un médecin soit valable, nous devons lui faire comprendre qu'il est soumis à des effets de cadrage, qui concernent non seulement l'information sur les risques, mais aussi la forme pragmatique des invitations elles-mêmes.

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Aveugles et sourds

Dans la revue Pratiques Dr Marc Gourmelon brosse l'histoire du dépistage du cancer du sein en France, depuis le lancement de la campagne organisée en passant par la concertation citoyenne, jusqu'à la situation actuelle du nouveau plan cancer 2021/2025 entériné par le Président Macron, dans un climat de surdité des autorités aux demandes citoyennes et malgré l'échec de ce dépistage.
Le tout à l'encontre du droit des femmes à l'information loyale des données sur la balance bénéfice-risques de ce dépistage.

A lire ici : https://pratiques.fr/Aveugles-et-Sourds

English version : Blind and Deaf

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Végétarisme et cancer

Que les habitudes alimentaires aient une influence sur le risque de développer un cancer, et que notamment chez les végétariens l'incidence des cancers soit plus faible que chez les personnes avec alimentation carnée, cela a déjà fait l'objet d'études scientifiques.[1]

Une publication plus récente [2]que celle sus-citée, analysant quatre-vingt-six études transversales et 10 études prospectives de cohorte rapporte un effet protecteur significatif d'un régime végétarien sur l'incidence et sur la mortalité par cardiopathie ischémique (-25%) , et sur l'incidence globale du cancer (-8%). Le régime végétalien permettrait une réduction significative du risque (-15%) global d'avoir un cancer.

Mais un billet du médecin essayiste et romancier, Dr Luc Perino, dont nous relayons souvent les articles [3] , témoigne d'un autre aspect du comportement des végétariens et végétaliens qui pourrait avoir un effet sur l'incidence réduite du cancer parmi ce groupe de personnes, et c'est la moindre participation aux dépistages.

Alimentation non-carnée et participation aux dépistages/billet de Luc Perino

Nous retranscrivons ici, avec l'aimable autorisation de Dr Perino, le billet que vous pouvez lire, parmi tant d'autres, sur le blog de l'auteur [4]:

Il n’est plus besoin de faire d’études pour prouver que la baisse de consommation de viande diminue l’incidence des maladies cardio-vasculaires. Le sujet ne fait plus débat depuis un demi-siècle. La diminution de consommation de viande et l’exercice physique ont contribué aux nouveaux gains d’espérance de vie constatés au cours des dernières décennies. 

Nous savons également que les régimes peu carnés diminuent le risque de cancer du côlon. Depuis quelques années, le nombre important de végétariens permet de faire des études de plus grande valeur statistique sur les effets de tels régimes sur la santé. La question des cancers a évidemment été abordée et il apparaît qu’outre le cancer du côlon, le régime végétarien diminue également des cancers aussi inattendus que celui du sein ou de la prostate. D’une manière générale, tous les risques de cancer sont abaissés de façon plus ou moins significative.

Les facteurs de confusion comme le tabac ont évidemment été pris en compte, et certaines études sont allées jusqu’à considérer d’autres facteurs de confusion tels que les traits de personnalité et d’autres éléments du mode de vie des végétariens raisonnables (hors véganes fanatiques). Par exemple, les femmes végétariennes prennent moins de traitements hormonaux de la ménopause et diminuent d’autant plus leur risque de cancer du sein.

Le plus amusant, si j’ose m’exprimer ainsi, est que les végétariens participent beaucoup moins aux programmes de dépistage organisé des cancers. Certains en concluront qu’ils sont alors porteurs de cancers méconnus qui se développeront tôt ou tard. Cette conclusion hâtive, quelque peu teinté d’idéologie pro-dépistage, est contredite par une mortalité globale par cancer plus faible chez les végétariens de tous âges suivis pendant longtemps.

Ce qui s’explique par le fait qu’une bonne part des cancers dépistés sont, soit de faux positifs, soit des cancers qui n’auraient jamais eu de manifestation clinique avant que la mort ne survienne par une autre cause.

Les végétariens ont donc moins de cancers cliniques, moins de cancers dépistés et moins de cancers virtuels ou infracliniques. Le bénéfice sanitaire de cette triple protection est encore plus grand que celui déjà constaté par la diminution de la mortalité. En effet, les angoisses liées à tous les dépistage et le couperet biographique que constitue une annonce de cancer aggravent la morbidité et la mortalité. On sait que tous les cancers, fussent-il cliniques, dépistés ou virtuels ont les mêmes répercussions psychologiques et biographiques.

Nous n’irons pas jusqu’à encourager les végétariens dans leur insouciance diagnostique, car cela pourrait choquer l’académie. Nous devons tout de même les féliciter pour leur perspicacité sanitaire et leur sérénité face au destin pathologique, sans oublier de louer leur altruisme climatique.

Etude sur la participation aux dépistages

Dans la bibliographie de ce billet, citée par l'auteur, nous trouvons en effet une étude publiée dans le BMJ en 2017 sur les comportements en santé, selon les groupes de population qui suivent des régimes alimentaires particuliers.[5]

31 260 participants ont été étudiés de quatre groupes de régimes (18 155 mangeurs de viande, 5012 mangeurs de poisson, 7 179 végétariens, 914 végétaliens), dans la cohorte britannique EPIC-Oxford[6]

Par rapport aux personnes à alimentation carnée, les femmes végétariennes et végétaliennes ont mentionné une participation plus faible au dépistage du cancer du sein, et les hommes végétariens étaient moins susceptibles de se soumettre au test PSA de dépistage du cancer de la prostate. 

Aucune différence n'a été observée chez les femmes pour le dépistage du cancer du col utérin. 

Pour les femmes et ce dans tous les groupes non consommateurs de viande il y avait aussi une moindre consommation de traitement hormonal substitutif de la ménopause par rapport aux mangeurs de viande. 

Une utilisation moindre a été observée pour toute médication en général chez les participants de tous les groupes non carnivores. 

Conclusion

Des différences de comportement, plutôt dans le sens d'une moindre utilisation du dépistage du cancer du sein, du dépistage du cancer prostatique, du traitement hormonal substitutif et globalement de médicaments ont été observées dans les groupes à régime non-carné. 

Apparemment ces groupes de la population sont ainsi moins exposés aux risques de développer des cancers, moins exposés aux cancers cliniques (révélés par symptômes), et aux cancers infra-cliniques (non symptomatiques), dont la sur-détection débridée par les dépistages massifs alimente les sur-diagnostics, et tout cela dans un contexte de moindre angoisse, moindre morbidité et moindre mortalité prématurée chez les végétariens, observée même à long terme, vraisemblablement en relation avec un comportement de vie général plus sain, et pas seulement due au végétarisme seul [7].

Références


[1] https://academic.oup.com/ajcn/article/89/5/1620S/4596951?searchresult=1

[2] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26853923/

[3] https://cancer-rose.fr/2017/07/04/les-billets-de-luc-perino/

[4]

https://lucperino.com/715/vegetariens-et-cancers.html

[5] https://bmjopen.bmj.com/content/7/12/e018245

[6] La composante Oxford de l'European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition ( EPIC ) est une cohorte prospective de 65 000 hommes et femmes vivant au Royaume-Uni, dont beaucoup sont végétariens.

(http://www.epic-oxford.org/home/)

[7] https://theconversation.com/les-vegetariens-vivent-ils-plus-longtemps-probablement-mais-pas-parce-quils-sont-vegetariens-72929

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Le mépris flagrant du consentement éclairé dans le dépistage

Résumé Dr C.Bour, 18 septembre 2020

Le mépris flagrant du consentement approprié se poursuit dans les programmes de dépistage

BMJ: first published as 10.1136/bmj.m3592 on 17 September 2020.
BMJ 2020;370:m3592
Published: 17 September 2020
https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3592

Hazel Thornton est chercheure en science de la santé à l'Université de Leicester.

Elle a obtenu un doctorat en sciences de l'Université de Leicester pour sa contribution à la médecine et aux soins aux patients. Le prix fait suite à son travail pour défendre les causes des patients et changer les perceptions au sein de la recherche médicale et de la communauté des soins de santé.

Le BMJ publie sa lettre ayant pour sujet le consentement éclairé des patients souvent bafoué, alors que c'est un droit et un enjeu éthique majeur.

Hazel Thornton fait référence à une publication de Helen Haskell[1] [2], fondatrice de Mother Against Medical Errors, qui rapporte les critiques sévères du "rapport Cumberlege"[3] sur le système de santé britannique, jugé " disjoint, compartimenté, non-répondant et sur la défensive".

Dans ce rapport est pointé du doigt le manquement au consentement éclairé des patients en santé, dont le non-respect est une violation des droits de la personne selon la déclaration de Helsinki[4].

Ce qui est très préoccupant, c’est « le témoignage de centaines de patients qui ont signalé un manque de consentement éclairé ». Alors que les professionnels de la santé sont censés : « travailler en partenariat avec les patients pour prendre de bonnes décisions cliniques", ce qui est " au cœur des bonnes pratiques médicales. »

Consentement éclairé et dépistage

Hazel Thornton dit dans sa lettre au BMJ (citations traduites) :

Les personnes asymptomatiques, aussi, sont la cible des professionnels de la santé en médecine préventive. Les interventions médicales utilisées pour le dépistage ne sont pas sans risque de préjudice; il faut donc obtenir le consentement éclairé approprié.

Bafouer les quatre principes fondamentaux de l’éthique médicale — l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance (ne pas nuire) et la justice — ne doit pas rester impuni. Il est incroyable de constater qu’au XXIe siècle, on continue de faire preuve d’un mépris flagrant à l’égard du droit au consentement. Deux exemples le démontrent clairement.

Le premier est une expérience visant à déterminer les effets de la manipulation des informations d’invitation fournies à environ 6000 femmes asymptomatiques de la province de Messine, en Sicile, « pour accroître l’adoption » de leur programme de dépistage du cancer du sein.[5]

Le deuxième est l’essai AgeX du programme de dépistage du cancer du sein du NHS du Royaume-Uni, qui a débuté en juin 2009 et a été annoncé comme « susceptible d’être le plus grand essai contrôlé randomisé jamais entrepris dans le monde », recrutant des millions de femmes. Les efforts pour contester cet essai clinique, avec son processus de consentement imparfait, ont rencontré des attitudes « cloisonnées, ne donnant pas de réponse, et défensives. »[6] [7]

Mme Haskell dit : « Comment changer cela demeure un problème non résolu. Il y a eu des enquêtes, des rapports et des recommandations au fil des ans, mais les questions fondamentales entourant le pouvoir, la justice et la compassion sont toujours d’actualité. »

Que peut-on faire pour mettre fin à ces abus flagrants du droit au consentement éclairé et s’attaquer au manque d’engagement ?

Réflexions Cancer Rose

Nous sommes bien entendu amenés à tirer le parallèle avec l'essai clinique européen MyPEBS sur un dépistage individualisé du cancer du sein.

Nous avons déjà relaté ses multiples manquements que nous avons dénoncés dans une lettre commune de 4 collectifs défendant l'indépendance et l'intégrité en santé, lettre relayée entre autres dans le BMJ.

Compte rendu détaillé avec les retours presse ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2020/02/23/une-lettre-ouverte-de-quatre-collectifs-europeens/

Les participantes à cette étude MyPEBS se voient bien délivrer une brochure dite de consentement. Le problème est qu'elle n'est pas conforme à la loi qui demande à ce que ce consentement soit sur la base d'une information loyale, claire, complète, impartiale.

Nous avons résumé nos préoccupations sur la brochure pour l'étude MyPEPS ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/2019/03/10/une-brochure-dinformation-conforme-a-la-loi/

Le surtraitement n'est pas évoqué, le surdiagnostic indiqué à sa fourchette la plus basse.

Le Dr Vincent Robert, statisticien, partage d'ailleurs les mêmes interrogations sur son site dédié à la critique de cet essai très discutable, dont il analyse les divers défauts (le point 4 porte sur l'information de la brochure) ici : http://www.mypebs-en-questions.fr/problemes.php

Nous nous posons, en guise de conclusion, les mêmes questions que Hazel Thornton :

Après la concertation scientifique et citoyenne française, qui revendique une information loyale et complète [8], combien de lois, de déclarations, de rapports et d'enquêtes devrons-nous espérer pour obtenir ce qui est fondamental en santé : le droit à une information et au consentement éclairé pour le patient, un engagement ferme et solide des autorités sanitaires et des gouvernements pour garantir ce droit au patient.

Références


[1] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32763955/

[2] https://patientsafetymovement.org/advocacy/patients-and-families/patient-advocates/helen-haskell/Fondatrice de Mothers Against Medical Error

[3] Haskell H. Cumberlege review exposes stubborn and dangerous flaws in healthcare. BMJ 2020;370:m3099.
doi: 10.1136/bmj.m3099 pmid: 32763955

[4] World Medical Association. Declaration of Helsinki. https://www.wma.net/fr/policies-post/declaration-dhelsinki-de-lamm-principes-ethiques-applicables-a-la-recherche-medicale-impliquant-des-etres-humains/

[5] Etude italienne sur la manipulation des femmes, nous en parlons ici : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

[6] Bewley S, Blennerhassett M, Payne M. Cost of extending the NHS breast screening age range in England. BMJ 2019;365:l1293.
doi: 10.1136/bmj.l1293 pmid: 30971394

[7] Nous parlions de cet essai ici : https://cancer-rose.fr/2019/04/10/3924-2/ et ici : https://cancer-rose.fr/2020/08/27/arret-du-plus-important-essai-clinique-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-au-royaume-uni/

[8] https://cancer-rose.fr/2016/12/15/nouvelles-du-front-premiere-manche/

Voir à la fin de l'article le résumé des demandes des citoyennes en rouge, le premier point portant sur la qualité de l'information.

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Les seigneurs de la peur

Dr C.Bour, 4 juin 2020

Les vieux réflexes de s'appuyer sur la peur du cancer pour inciter à recourir aux dépistages ont la vie dure.

Après l'angoisse partagée par la population en raison d'une épidémie meurtrière, non anticipée, qui a dépassé les capacités des structures hospitalières et plonge à présent les peuples dans une angoisse de l'avenir, voici nos Cassandre nationales à l'oeuvre, nous servant le spectre d' une surmortalité à craindre en raison des deux mois de suspension des dépistages. https://www.bfmtv.com/sante/coronavirus-les-medecins-redoutent-une-surmortalite-en-raison-des-depistages-tardifs-des-cancers-1926274.html

Cela commence par le titre " les médecins redoutent une surmortalité en raison des dépistages tardifs des cancers"

L'article dit :

"Nous craignons 5.000 à 10.000 morts supplémentaires du cancer", indique "le professeur Jean-Yves Blay, directeur du centre d'oncologie Léon Bérard à Lyon et président de la fondation Unicancer. "

"Ceux qui nous inquiètent sont donc les nouveaux patients, explique le directeur du centre d'oncologie Léon Bérard à Lyon. Par exemple, les femmes qui, en mars, ont senti une petite boule dans le sein et se sont dit qu'il valait mieux attendre la fin de l'épidémie pour consulter." En moyenne, 30.000 cancers sont dépistés chaque mois en France."

Plus loin nous lisons  : "Au Royaume-Uni, le centre de recherche sur le cancer estime qu'environ 2,1 millions de personnes auraient dû passer un dépistage de routine et que 23.000 cas de cancers auraient pu être diagnostiqués pendant la période du confinement. "

Et en fin d'article : "....un retard dans le diagnostic d'un cancer du sein ou des ovaires implique des risques plus importants de rechute ou de mortalité." "Le retard peut conduire à une perte de chances", confirme sur RTL Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer."

Déjà l'INCa, dans un élan d'obsession toute technocratique lançait, à peine le confinement terminé, un grand plan de "rattrapage" des dépistages comme si nos vies en dépendaient. https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2020/05/2020-05-05-REPRISE-CRCDC-COVID.pdf

Décryptage d'une manipulation

La présentation dans l'article est manipulatoire, sous-entendant qu'avoir un cancer résulte du fait de ne pas recourir au dépistage.

Une assimilation est faite entre les femmes "qui sentent une boule dans le sein" , donc AVEC symptômes, et celles en attente d'un dépistage. Pour les premières, c'est à dire porteuses d'un cancer qui "parle", ne pas avoir accès à des soins peut devenir un problème. En revanche il est certain que différer son dépistage n'est pas une perte de chance, contrairement à ce qu'avance le Pr A.Kahn, président de la Ligue contre le cancer, à la fin de l'article. Par définition une femme en attente d'un dépistage est une femme sans symptôme qui doit passer une mammographie parce qu'elle y est convoquée de façon routinière, mais qui ne se plaint de rien. L'examen n'est pas vital.

Juxtaposer les cas de femmes qui ont un signe d'appel avec les 30 000 cas de cancers/mois trouvés par dépistages est une ruse, une méchante ruse pour faire peur,  insinuant que la femme qui a palpé une boule dans son sein est dans cette situation parce que non dépistée. Le problème principal de l'article est là, dans cet amalgame.

Il faut surtout revenir à la réalité des choses, celle qui est soigneusement et de façon coupable celée aux femmes.

Les taux de cancers du sein augmentent d'année en année à cause du dépistage. Parallèlement, il n'y a aucune diminution de la mortalité globale grâce aux dépistages, il n'y a pas non plus de diminution de la mortalité par cancer du sein qui serait attribuable au dépistage des cancers du sein.

On constate bien une diminution de la mortalité par cancer du sein mais déjà bien avant la mise en place de la campagne de dépistage, et qui n'y est pas liée. De plus, les programmes de dépistages des cancers du sein, s'ils étaient efficaces, auraient dû accentuer cette décrue de mortalité. Or ce n'est pas ce qu'on constate. Dans le même temps, la diminution de mortalité par cancer du sein est contrebalancée par une augmentation de mortalité d'autres causes, et dans ces autres causes il y a les effets indésirables du dépistage[1].

Au maximum, sur la base de l'estimation Cochrane, si 2000 femmes se font dépister par mammographie pendant 10 ans, on aurait 4 décès par cancer du sein au lieu de 5. Alors avant d'arriver à 5 000 ou 10 000 morts supplémentaires en deux mois de confinement, et cela à cause d'une absence de dépistage, il y a une bonne marge !

Le problème est dans l'amalgame trompeur des cancers "parlants", où le non-accès aux soins en raison d'un confinement peut porter préjudice aux patients, et les cancers trouvés lors d'un dépistage, chez des patients sans symptôme, non en danger de mort, et dont une grande partie ne devrait pas être détectée car de découverte inutile (les surdiagnostics). Ces surdiagnostics, écueils majeurs des dépistages, alimentent le chiffre des 30 000 cas de cancers dépistés/mois, et n'est même pas évoqué dans l'article.

Au contraire, une possible réduction de mortalité à attendre

D'autres chercheurs en revanche, et non des moindres, estiment au contraire que cette suspension des dépistages pourrait être tout à fait bénéfique.

En effet, on élimine une bonne partie des cancers surdiagnostiqués, et on élimine ainsi le surtraitement qui plonge tant d'individus dans le drame d'une "maladie" qu'il n'auraient pas connue sans lui, et qui aboutit parfois au décès en raison des complications des traitements lourds.

Le dépistage ne réduit pas la mortalité globale, n'a pas de retentissement démontré ou très peu sur la mortalité spécifique, n'a pas fait reculer les formes graves, est responsable de fausses alertes, surdiagnostics, surtraitements, irradiations inutiles, mastectomies débridées.

Autant pour le dépistage du cancer de la prostate que pour le dépistage du cancer du sein, la balance bénéfice/risques n'est pas bonne, les risques contrebalançant négativement le bénéfice attendu.

Il est donc tout à fait légitime d'escompter au contraire une possible baisse de mortalité, concomitante à la moindre consommation médicale, comme plusieurs chercheurs et scientifiques internationaux l'évoquent.[2] [3] [4]

L'arrogance des modéliseurs

Souvenons-nous ...

En 2018 au Royaume Uni, une erreur d'un "algorithme informatique" privait 450.000 femmes âgées de 68 à 71 ans de leur invitation au dépistage, entre 2009 et 2018.

Le ministre de la santé de l'époque, Jeremy Hunt, affirmait que cela aurait coûté la vie à 135 à 270 femmes.

https://www.bfmtv.com/international/gb-une-erreur-de-depistage-du-cancer-du-sein-aurait-ecourte-la-vie-de-270-femmes-1435317.html

La présidente de HealthWatch, Susan Bewley, professeure en santé des femmes au King's College de Londres, rédigeait alors une lettre au Times exhortant les femmes à réfléchir à deux fois avant d'accepter les invitations de dépistage de "rattrapage".

https://www.healthwatch-uk.org/news/150-times-letter-sparks-media-frenzy-screening.html
Car les chiffres de surmortalité avancés, basés sur une modélisation statistique, avaient été contestés par de nombreux membres de la communauté de médecins et d'épidémiologistes, et la lettre de S. Bewley avait rapidement rassemblé de nombreux signataires, y compris Michael Baum, professeur émérite de chirurgie à l'University College de Londres : "Le dépistage du cancer du sein cause surtout plus de mal involontairement que de bien", écrivaient les auteurs.

Dans notre cas ici, comment a été réalisée cette estimation de 5-à 10 000 cas de surmortalité avancée ? Avec quelle modélisation ? Quels calculs utilisés ? Sur quelles bases de données, quels registres ?

Le privilège des leaders d'opinion et de certains  médias est de pouvoir avancer des prévisions, des estimations, des prédictions, sans les nuancer,  surtout sans éprouver le besoin de les  justifier ou de les étayer. La contestation ne sera pas relayée et n'intéresse pas les médias. C'est tellement plus vendeur d'instiller et de répandre encore un peu plus d'inquiétudes.  

Combien de cancers surdiagnostiqués parmi les 30 000 cancers dépistés, la question n'est pas abordée. Le dépistage du cancer de la prostate n'est plus préconisé en raison de son surdiagnostic entraînant une catastrophe sanitaire sur les hommes qui y sont soumis, mais il est néanmoins encore réalisé. Parmi ces 30 000 cancers dépistés, un cancer du sein sur trois détectés voire un cancer du sein sur deux détectés pourrait être un surdiagnostic [5].

  

En réalité

En réalité, comme l'expliquent Prasad et Welsch (référence 2) le délai de suspension des dépistages pendant le covid est vraisemblablement trop court pour qu’on puisse en examiner l'impact de façon fiable, il faudrait pour cela que cette interruption dure deux ou trois ans, voire plus.

Les tumeurs disparaissant d’elles-mêmes (c'est à dire les surdiagnostiquées des dépistages) ont quand-même besoin d’au moins plusieurs mois, sinon d'années pour disparaître. Si nous observons une réduction minime de l’incidence des cancers pendant la suspension, l'éventuelle hausse compensatoire du taux des cancers ensuite en raison des "rattrapages", ou au contraire l’absence de hausse compensatoire sera très difficile à détecter de façon fiable.

L'estimation d'une surmortalité due au cancer, faite dans l'article, est tout à fait hypothétique et nous ne connaissons pas la procédure utilisée pour aboutir à ce chiffre. L'article est muet sur le possible gain en mortalité par la diminution des surdiagnostics et par la diminution de la surmédicalisation. Un amalgame est fait entre les cancers symptomatiques et les cancers qui ne le sont pas, qui n'évolueraient pas. De toute façon ces cancers seront quand-même diagnostiqués, simplement quelques mois plus tard et sans aucune conséquence, par le "rattrapage" imposé par INCa et ARS.

Un retard de consultation en cas de présence d'un cancer du sein actif est préjudiciable, un "retard" de diagnostic d'un cancer du sein non symptomatique n'est pas une perte de chance.

Un cancer détecté par mammographie est soit un cancer d'évolution lente qui se manifesterait sans dépistage par un symptôme bien avant son essaimage, et sans impact sur la survie (survies identiques chez les femmes dépistées et non dépistées[6]). Soit c'est un cancer qui ne se serait jamais manifesté. Soit c'est un cancer agressif et le dépistage n'y changera rien.[7]

Dans les 5 à 10 000 décès par cancers supplémentaires estimés, et si ce chiffre repose sur une quelconque réalité, combien seront imputables à des surtraitements suite à des dépistages inutiles ?

Pendant l'épidémie Covid-19 on a vu fleurir dès le mois de mars des estimations de mortalité , estimations répandues dans toute la presse. Les chiffres réels, déjà tristement suffisants, sont heureusement largement en-dessous de ces morbides prédictions modélisées, dont on voit les limites.

Les populations, déjà épuisées des conséquences de l'épidémie Covid-10, physiquement, moralement, économiquement, méritent-elles d'être harcelées, à peine sorties du danger imminent, de menaces d'autres morts et de maladies qu'elles n'auront pour la plupart jamais ?

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2019/08/08/synthese-detudes-un-exces-de-mortalite-imputable-aux-traitements-lemportant-sur-le-benefice-du-depistage/

[2] https://cancer-rose.fr/2020/05/28/un-effet-secondaire-inattendu-de-lepidemie-covid-19/

[3] https://cancer-rose.fr/2020/05/12/reduction-du-nombre-des-depistages-des-cancers-lors-de-la-periode-covid-19-quelles-consequences-a-attendre/

[4] https://cancer-rose.fr/2020/04/15/pont-de-vue-de-susan-bewley-apres-lepidemie-covid19-les-choses-ne-devraient-plus-jamais-etre-les-memes-dans-le-monde-du-depistage/

[5] https://cancer-rose.fr/2019/09/06/le-depistage-mammographique-un-enjeu-majeur-en-medecine/

[6] https://cancer-rose.fr/2016/11/20/etude-miller/

[7] https://cancer-rose.fr/2016/12/03/le-sur-diagnostic-un-graphique-pour-expliquer/

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Mythes en médecine, leur réfutation permet-elle pour autant d’installer les faits durablement ?

Dr C.Bour, 24 mai 2020

 

 

Lors de la pandémie Covid-19 que nous venons de connaître, la science basée sur les faits s'est rudement fait maltraiter... La panique générale, la médiocrité médiatique alliées à l'assurance incroyable d'un seul chercheur ont sonné le glas de la recherche sereine des faits, ont proclamé comme miraculeux un traitement sans en avoir la preuve, ont foulé aux pieds le principe du primum non nocere, (d'abord ne pas nuire), qui est le socle même de notre pratique médicale.

Lire à ce propos l'article

Indépendamment des questions de fond, qui ne sont pas notre sujet, ce qu'on constate est que l'urgence d'une situation sanitaire facilite les dérives, les études bâclées mais aussi les prises de positions de personnalités qui ne sont pas au fait des contraintes scientifiques, mais qui veulent imposer leurs convictions.

 

La question intéressante est : même de solides preuves permettant d'enterrer doutes et polémiques ont-elles le pouvoir de mettre un terme à des mythes et des croyances solidement ancrées en médecine ? Et surtout, seront-elles tolérées dans un contexte de maladies graves où le public demande de l'espérance et où la communauté scientifique et les pouvoirs publics préfèrent persister dans une idéologie bienveillante, même si fallacieuse ?

 

 

Parallèle de la situation épidémique avec les mythes véhiculés lors des campagnes de dépistages

 

En tant que collectif tourné vers les problématiques de l'information médicale du public et des interférences d'intervenants non médicaux dans les controverses scientifiques, comme nous les vivons régulièrement lors des campagnes pro-dépistages des cancers, nous pouvons tirer des parallèles avec l'histoire du dépistage du cancer du sein, où les enjeux économiques ainsi que les croyances l'ont emporté sur le raisonnement.

Le public n'aime pas les incertitudes et l'envie incommensurable de venir à bout des grandes menaces en santé permet l'émergence et l'expression immodérée de prometteurs de salut et de guérison.

Comment a-t- on pu imposer ce mantra selon lequel le dépistage est un acte préventif, et que subir des mammographies régulièrement permet de diminuer drastiquement le risque de décéder de cette maladie ?

 

Pour comprendre, un peu d'histoire.

 

Au tout début de l'histoire du dépistage, entre les années 1970 et 1980 et dans diverses villes, comtés, pays ( Norvège, Danemark, Canada, New York, comtés suédois, Malmö en Suède,) des femmes ont été incluses dans ce qu'on appelle des essais, c'est à dire des études qui consistaient à comparer tout simplement le devenir de femmes dépistées contre celui de femmes non dépistées. A l'époque cela pouvait se réaliser, les femmes jusqu'à présent n'ayant jamais été radiographiées au niveau des seins ; on disposait de ce qu'on peut appeler des "cohortes pures". Et ces premières études comparatives alléguaient une formidable diminution de mortalité grâce au dépistage, on invoquait jusqu'à 30% de réduction du risque de décéder d'un cancer du sein. Présenté ainsi, cette performance apparaissait très plaisante. Au vu de ces résultats, il paraissait intuitivement évident que le dépistage du cancer du sein permettrait un diagnostic plus précoce, des traitements plus tôt et de ce fait une baisse drastique de la mortalité par l’éradication des formes les plus graves.

Mais la science est parfois un colosse aux pieds d'argile et tandis que certains érigeaient de commodes convictions, d'autres chercheurs, plus scrupuleux et suspicieux, enfonçaient les aiguillons du doute dans ce socle de certitudes.

Car en effet il fut vite clair, (cela n'est plus contesté par la communauté scientifique), que ces premiers essais comportaient de bien nombreux biais, c'est à dire des irrégularités dans la méthode, dans la répartition des femmes entre les deux groupes et dans les analyses statistiques. La méthodologie des essais n’obéissait pas aux critères de qualité actuels. Par exemple, certaines femmes dites "dépistées" par mammographie avaient des tumeurs déjà cliniquement palpables ! Même, les résultats publiés de l'essai dit des deux comtés suédois étaient incompatibles avec les données du fichier national suédois. Les résultats les meilleurs avaient été obtenus avec les moins bonnes mammographies, aucun des appareils utilisés alors n'obtiendrait l'agrément pour être utilisé de nos jours.

Tandis que de 1992 à 2000 les publications victorieuses se multiplient avec un relai médiatique et social important, à la fois sur les femmes les médecins et les gouvernements, Gotsche et Olsen, deux chercheurs indépendants nordiques procèdent, en 2000-2001, à une méta-analyse selon la méthodologie du collectif Cochrane indépendant auquel ils appartiennent. Et là, c’est le choc.

(La méta-analyse est une méthode scientifique qui permet de combiner les résultats d'une série d'études sur un problème posé et selon un protocole reproductible, ici : est-ce que le dépistage réduit la mortalité par la maladie. Elle permet une analyse plus précise des données par l'augmentation des cas étudiés afin de tirer une conclusion générale. En regroupant les essais précédents réalisés, on obtenait ainsi des données sur 800 000 femmes.)

Gotsche et Olsen se rendent vite compte qu'aucun des essais réalisés n'est de haute qualité et qu'ils comportent tous des biais, parfois importants. En combinant les meilleurs essais (celui dit Malmö 1, et ceux dits Canada 1 et 2), il apparaît qu'il n'existe aucune différence statistiquement significative de mortalité entre les femmes dépistées et non dépistées. Evidemment, ceci constitue un revirement colossal alors que l’enthousiasme pour ce procédé de santé publique, qui devait régler définitivement son compte au cancer, battait son plein.

Malheureusement pour les chercheurs, ils n'eurent pas l'autorisation de publier leurs résultats parmi les revues Cochrane, et le puissant "breast cancer group" de la Cochrane les contraint d'inclure même les essais biaisés afin d’améliorer les résultats ;  à la suite de longues négociations, et avec inclusion des plus médiocres essais, les auteurs ne retrouvent malgré tout qu'un très maigre et hypothétique bénéfice. Ils ajoutent à la fin de leur publication que les meilleurs essais ne montrent aucune diminution de mortalité, et que l'indicateur "mortalité par cancer du sein" n'est pas fiable. Au sujet de ces tractations qui eurent lieu, lire ici : Du rififi dans le monde de l'évidence

Mais la presse au final préféra retenir la belle histoire d’un dépistage salvateur, comme les sociétés savantes, les femmes largement influencées par une presse dithyrambique, les médecins, les autorités sanitaires….[1]

Pourtant d'autres méta-analyses, l'américaine de l'USPTTF* en 2000 et celle de la revue indépendante française Prescrire en 2006 corroborent ces résultats tout aussi décevants, même avec des tranches d'âge étudiées différentes, des laps de temps d'observation différents et des cohortes différentes.

*groupe de travail des services de prévention des États-Unis composé d'experts en soins primaires et en prévention, qui examinent les preuves d'efficacité pour élaborer des recommandations dans le domaine de la prévention.

Les conflits d'intérêts qui gangrénèrent tout l'historique du dépistage du cancer du sein sont très bien relatés sur le site du Formindep[2] [3], et restitués dans le très complet rapport de la concertation citoyenne (à partir de la page 63).

 

Pour conclure

 

 

La science applique une méthode du doute aux croyances et aux superstitions, et à elle-même aussi, dans les études bien faites.

L'incertitude face à des dangers sanitaires favorise les croyances, les espoirs rassurants d'autant plus que cette incertitude est forte, d'une part sur l'ampleur de la menace elle-même, mais aussi sur les moyens de la contrer. Le premier porteur de bonne nouvelle devient un héros, un sauveur. Tout contestataire raisonnable qui applique sa méthode du doute devient un ennemi public.

Avec l'histoire du dépistage on voit comment les mythes, les idées intuitives, simples à comprendre mais fausses, une fois installés ont la vie dure.

Voilà trois décennies que le mythe d'un dépistage "préventif", "salvateur pour les femmes" perdure après avoir été solidement ancré dans les esprits, régulièrement promu par les pouvoirs publics, l'Institut National du cancer et les autorités sanitaires, valorisé par des personnages publics qui s'engagent pour sa promotion. Les preuves de son inefficacité et pire, de ses effets délétères, sont peu médiatisées, n'ont pas droit de cité ; ceux qui veulent les évoquer et mettre en garde les femmes sont traités de complotistes, d'incompétents, de malfaisants pour la cause des femmes et sont inaudibles pendant les campagnes d'octobre rose.

La crise Covid-19 actuelle aura mis en lumière la fragilité de la science par rapport à la croyance, et a mis en exergue toutes les dérives possibles dès qu'on s'éloigne de la recherche des faits, qu'on agit dans la précipitation, qu'on adhère à des convictions justifiées uniquement par leur caractère réconfortant.

 

Références

 

[1] Tout ceci est relaté d'une part dans le rapport de la concertation citoyenne et scientifique sur le dépistage de 2016 dès page 51 , voir https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

Ainsi que dans le livre de Bernard Duperray "dépistage du cancer du sein, la grande illusion" édition Th Souccar, à partir de la page 26

[2] https://formindep.fr/les-cinquiemes-rencontres-du-formindep/

[3] https://formindep.fr/?s=Tabar%2C+Lancet

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Perte de rigueur et galvaudage scientifiques, recherche médicale de mauvaise qualité

Dr C.Bour, 14 mai 2020

A l'époque de la médecine EBM (evidence based medicine ; médecine fondée sur les preuves ou sur les faits), l'actualité de ces dernières semaines pendant la pandémie Covid 19 a mis en lumière les dérives qui sapent cette approche de la médecine moderne.

N'incriminons pas uniquement le contexte récent ; depuis la dernière décennie et peut-être davantage s'exposent trois maux principaux de la médecine actuelle que dénoncent dans 'Issues' Jeanne Lenzer, journaliste d'investigation médicale et Shannon Brownlee, vice présidente du Lown Institute, groupe étatsunien "non partisan sur les politiques de la santé".

Ces trois dérives fragilisent gravement la médecine factuelle et mettent en péril les bienfaits dus aux patients, elles sont à présent exacerbées en cette période de crise.

Trois dérives principales de la médecine d'aujourd'hui

  • La principale pharmacie de la ville où j'exerce arbore en bandeau au-dessus des comptoirs la devise "primum non nocere". Mais, selon Lenzer et Brownlee, les médecins sont insuffisamment formés à discerner la bonne science des études médiocres, et préfèrent utiliser les molécules qu'ils connaissent et dont l'effet apparaît biologiquement plausible. Peur et précipitation ont sonné le glas de la maxime hippocratienne, pilier de la médecine, on a privilégié les croyances et une foi sans preuve en des médications connues pour d'autres indications, mais dont on ne s'est soucié ni de leur réelle utilité contre un virus émergent et inconnu, ni de leur possible nocivité.
  • Le deuxième écueil identifié par les auteures réside dans le rôle prééminent, de nos jours, des médias. D'une part, les convictions et opinions de non -médecins ont pris le pas, préférentiellement de people et de politiciens, auxquels la parole est largement et généreusement octroyée. D'autre part bien des médias qui s'en font l'écho sont ignorants et incompétents en méthode scientifique ou en recherche de preuves, et ont aussi un intérêt commercial à faire un battage médiatique autour de ces crieurs publics, connus et populaires, mais nuls.

Nous ne pouvons qu'approuver ce constat, ayant été nous-mêmes confrontés à un épisode bien désagréable d'attaques de la part d'un animateur télé, lequel médiatise son vécu du cancer de la prostate à l'envi pour convaincre des gens qui ne lui ont rien demandé de se faire dépister, en dépit de toutes les non-recommandations de ce dépistage.[1] Les foules crédules qui "suivent" ces personnages, fan-clubs en général très fournis sur les réseaux sociaux, ne facilitent pas l'expression de médecins prudents ou de collectifs indépendants comme le nôtre, forcément rabat-joie dans l'espérance générale. La parole des Cassandre n'est guère média-compatible...

  • La troisième calamité dénoncée par Lenzer et Brownlee, ce sont les études de piètre qualité et qui se passent de ce qu'on appelle un "bras témoin", c'est à dire l'inclusion dans l'étude d'un groupe de comparaison auquel on n'a pas administré le médicament testé. Le bras témoin est la pierre angulaire d'un essai randomisé comparatif solide. Il vise à établir formellement l'efficacité réelle d'un produit, mettant en évidence d'éventuels biais dans le protocole testé. Ainsi un médicament peut apparaître comme efficace sur la réduction du risque d'une maladie donnée, alors que la population auquel il a été administré est déjà naturellement moins sujette à ce risque, parce que plus jeune, en meilleure santé ou avec un accès aisé aux soins médicaux. Un bras témoin comportant des sujets très variés peut montrer l'inefficacité du médicament testé dans certains groupes de la population et ainsi pointer du doigt des erreurs de raisonnement ou des biais dont on ne serait pas aperçu. Dans les études construites à la va-vite au contraire, d'éventuels méfaits peuvent ainsi être sous-estimés.

Mais même en dehors de périodes sanitaires critiques, comme dans le domaine du cancer par exemple, la proclamation de médicaments "miracles" ont été légion ces dernières années, avec des études contestables, vendant de l'espoir de chimiothérapies dites "révolutionnaires" . A ce propos lire le billet d'Annette Lexa, notre toxicologue.

Nous rajoutons à ce dernier point sur la mauvaise qualité de la recherche médicale un type particulier d'étude qui se répand actuellement, c'est l'essai de "non-infériorité", d'autant plus frauduleux et perfide que personne n'y comprend goutte. La méthodologie est retorse, l'information des participants et du public est mensongère.

Doshi et col. [2]ont étudié des formulaires de consentement éclairé provenant d’études de non-infériorité sur les antibiotiques. Mais leurs constats sont généralisables, car les applications de ce type d'études sont multiples, en diabétologie, cardiologie, infectiologie, cancérologie. Doshi et col ont constaté que, souvent, ni les experts en méthodologie ni les membres des comités de protection des personnes ne parvenaient à définir le véritable objectif de l’étude à partir des formulaires d'information donnés. Pour les méthodologistes, seulement 1 essai sur 50 restituait selon eux l'objectif de l'étude correctement ; pour les patients, 7 études sur 50 y parvenaient. Ces résultats soulèvent la question de savoir si le consentement est vraiment éclairé et de ce fait, si l'essai est même éthique.

Mais de quoi parle-t-on ?

Les essais de non-infériorité

 

Nous en avons donné une explication résumée au sujet de l'étude MyPEBS pour le dépistage individualisée du cancer du sein qui concerne la thématique de notre site, étude que nous avons longuement analysée ici : https://cancer-rose.fr/my-pebs/

Dans l'essai de non infériorité il s'agit de comparer deux choses (deux dispositifs médicaux ou deux procédés, ou deux médicaments) pour vérifier si le dispositif ou procédé ou traitement testé ne serait pas moins bon que ce qui est déjà en cours d'utilisation, en acceptant une certaine perte d'efficacité dans une certaine marge tolérée, qu'on appelle le seuil de non-infériorité.

Attention il ne s'agit en aucun cas de vérifier si le dispositif, le procédé ou le médicament testé serait supérieur à l'ancien. C'est souvent ainsi que la presse le relate et que les médecins et le public le comprennent, mais il n'en est rien !

Par exemple pour le dépistage du cancer du sein, le but recherché normalement est la diminution des formes graves des cancers. Dans l'étude de non-infériorité MyPEBS, si le nouveau dépistage individualisé testé ne semble pas favoriser un taux de cancers graves supplémentaires au-delà de 25% (seuil arbitrairement fixé), l'essai sera décrété un succès. Vous avez bien lu. Aucun groupe témoin là non plus n'est prévu pour tester ce qui se passerait sans dépistage, ce qui serait légitime pourtant puisque les études récentes sur ce dépistage ne parviennent plus à démontrer une balance bénéfices/risques positive.

Il est vrai que dans les essais de non-infériorité en cancérologie le bras témoin est rarement prévu, on juge que cela n'est pas éthique vu la gravité de la maladie, et qu'on ne peut priver le malade de tout soin. Mais ici, dans l'étude MyPEBS, ce sont bien des femmes saines et sans plainte qui sont testées, ne l'oublions pas.

Ce qu'il faut donc bien comprendre, en résumé, c'est qu'il est possible, avec les essais de non-infériorité, qu'une nouvelle procédure de santé puisse être acceptée comme efficace, même si son effet thérapeutique ou bénéfique est légèrement inférieur à la norme actuelle. Dans un essai de non-infériorité, la nouvelle procédure ou le nouveau médicament ne sont pas supposés rendre le participant mieux loti en santé qu'il ne l'aurait été en dehors de l'essai, puisque la supériorité du procédé ou du médicament n'est pas recherchée.

Les seules hypothèses sont :

- Les participants randomisés dans le groupe testé de l'étude pourraient s'en tirer, dans la meilleure configuration, aussi bien que s'ils n'avaient pas participé à l'essai,

-ou alors potentiellement moins bien dans une marge arbitrairement acceptée, ceci dans le mauvais scénario.

Et tout le monde est content. Le public parce que mal informé et croyant que ce qui a été testé sur lui est 'supérieur', les journalistes qui n'ont pas saisi les subtilités de la méthodologie et rédigent des articles laudatifs, et surtout les concepteurs de l'étude. Pourquoi ? Mais parce qu'avec ce montage l'étude est subtilement biaisée vers le résultat souhaité par le promoteur, qui est d'obtenir ou de sauvegarder une part de marché bien plus que de répondre à une question scientifique dont l'enjeu est le bien-être du patient. Pour MyPEBS, il s'agit bien d'asseoir le dépistage du cancer du sein, puisque les femmes n'auront un choix qu'entre deux options : dépistage ancien ou dépistage individualisé, mais dépistage dans tous les cas.

Pour caricaturer, le patient ou la population ira plus mal ou pas moins bien, mais la bonne nouvelle est que l'étude est un succès...

Deux articles intéressants pour aider le praticien dans l'analyse critique des études qui paraissent

 

Vinay Prasad, dans un éditorial du JGIM[3] (Journal of General Internal Medicine) où il cite d'ailleurs les résultats de Doshi et col., se réfère à la publication d’Aberegg, Hersh et Samore qui ont analysé 183 comparaisons de non-infériorité de 163 essais cliniques publiés dans les cinq revues médicales d' impact majeur.

Aberegg et ses collègues constatent que seulement 70% des études de non-infériorité ont explicitement indiqué pourquoi la nouvelle thérapie aurait un avantage, et que dans 11% des cas, aucun avantage n’a pu être déduit. Cela suggère à ces auteurs que bon nombre de ces études n’auraient pas dû être réalisées.

A quoi le praticien doit-il prendre garde et à quels essais de non-infériorité peut-il faire confiance ? Selon V.Prasad, il convient de :

  • Se demander si la nouvelle thérapie est moins coûteuse, plus pratique, moins invasive ou moins toxique que l’ancienne. Si la réponse est non, cessez la lecture dit-il ! Il doit exister pour le patient une compensation positive de la perte d'efficacité de la nouvelle procédure ou du nouveau médicament testé. Si ce n'est pas le cas, aucun intérêt de prendre connaissance de la "nouveauté".
  • Se demander quelle ampleur de perte d'efficacité de la procédure nouvelle ou du nouveau traitement vous seriez prêt à accepter pour y adhérer. 5% de perte d'effet, ou 10% ? Plus ou moins ?
  • Se préoccuper de la marge d'infériorité acceptée. P.ex. pour MyPEBS le seuil de non-infériorité est très généreux. Ceci signifie que si, à l'issue du nouveau dépistage on trouve 25% de cancers graves en plus, l'étude est "réussie". Il faudrait que cette marge soit justifiée, et que cette justification apparaisse au minimum dans le protocole de l'étude, ce qui n'est pas le cas.
  • Se demander, pour finir, si la nouvelle intervention n'était pas en réalité 'inférieure', et non pas 'non-inférieure'.

La Revue indépendante française Prescrire[4] s'était penchée sur la problématique de ces essais particuliers en 2006. Leurs conseils rejoignent ceux sus-cités. Pour la revue, il faut être critique sur le seuil de non-infériorité qui est choisi a priori, de façon arbitraire par les concepteurs de l'essai. Ce seuil équivaut à la perte, pour le patient, qui est consentie par rapport au traitement ou au dispositif de référence. Il faut donc être sûr que le résultat n'est pas en réalité une véritable infériorité.

Pour Prescrire, en somme, ces essais visent à exclure simplement qu'un traitement ou un procédé soit massivement moins bon que ce qui existe déjà. Lorsque le traitement ou le procédé sont un peu moins efficaces, et dans une certaine marge acceptée, le nouveau traitement ou le nouveau procédé n'a d'intérêt pour le patient que s'il apporte d'autres avantages en compensation.

Et c'est là où le bât peut blesser, comme dans l'étude que nous critiquons régulièrement, et pas seulement nous.

Pour conclure :

L'urgence et la volonté d'obtenir rapidement des résultats justifient de se passer d'études contrôlées correctement conduites, et nous expose, à cause d'études sabordées et mal exécutées, à des biais de jugements en médecine et à des conclusions erronées. Une communication impropre, parfois à outrance, par des profanes ou des médias ignorants aggrave la médiatisation de médicaments ou de procédures dont on ne sait finalement pas ce qu'ils ou elles provoquent réellement, dont on ne sait pas s'ils ou si elles font plus de mal que de bien.

Ces problèmes pré-existaient au contexte de la pandémie Covid19 qui n'a fait que mieux les mettre en lumière.

La recherche en science est importante, encore faut-il qu'elle réponde à des standards de qualité, soit faite par des scientifiques soucieux de respecter des méthodologies éprouvées et répondant à des normes, et cela dans un environnement médiatique serein.

Ce n'est actuellement pas le cas, les dégâts et les inconvénients physiques sur la santé des populations sont aggravés de ceux de la désinformation et de la pollution du débat scientifique par des querelles d'opinions.

Si nous voulons faire de la bonne science qui soit utile aux personnes, il nous faut développer un esprit critique, vérifier constamment les résultats d'études promues comme révolutionnaires par les médias, voir par quels procédés on a abouti aux conclusions.

La boucle est bouclée, si nous voulons faire de la bonne médecine nous reviendrons toujours à ce qui proclamé au fronton des pharmacies, principe-socle qui doit soutenir notre pratique médicale : "primum non nocere".

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2020/02/06/ah-mais-quelle-aubaine-ce-cancer/

[2] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5710221/

[3] EDITORIAL
Non-Inferiority Trials in Medicine: Practice Changing or a Self-Fulfilling Prophecy?

Vinay Prasad, MD, MPH

Division of Hematology and Medical Oncology, Knight Cancer Institute, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA; Department of Preventive Medicine and Public Health, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA; Center for Health Care Ethics, Oregon Health and Science University, Portland, OR, USA.

J Gen Intern Med 33(1):3–5
DOI: 10.1007/s11606-017-4191-y
© Society of General Internal Medicine 2017

[4] La Revue Prescrire avril 2006/Tome 26 N°271, page 249

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