Dépistage : les lignes directrices lacunaires sur les risques

Traductions et synthèse sur la base d'une étude et de deux articles, Cancer Rose, 9 février 2023
-"Les lignes directrices sur le dépistage du cancer ne sont pas simples, mais elles pourraient être moins complexes"
Russell P. Harris, MD, MPH et Linda S. Kinsinger, MD,
-"Les lignes directrices sur le dépistage du cancer manquent souvent des informations sur les risques potentiels, selon une étude", 23 novembre 2022, par Nadia Jaber, rédactrice scientifique pour NCI depuis 2016

Une étude sur les lignes directrices des dépistages

Dans les Annals of Internal Medicine est présentée une revue de 33 lignes directrices sur les dépistages de cancers (sein, prostate, côlon, poumon, col de l'utérus) émanant de multiples organisations professionnelles, afin de déterminer si et comment les risques des dépistages étaient pris en compte. https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M22-1139
L'étude, parue en novembre 2022, est financée par le NCI, l'institut national américain du cancer, et porte sur les recommandations émises par plus de 10 organisations médicales, dont la US Preventive Services Task Force, l'American Cancer Society et le National Comprehensive Cancer Network (NCCN).

Pour les auteurs, Aruna Kamineni, V. Paul Doria-Rose, Jessica Chubak, et al, le dépistage du cancer ne devrait être recommandé que lorsque la balance entre les bénéfices et les risques est favorable. La revue ici présentée évalue comment les lignes directrices américaines sur le dépistage du cancer rapportent les risques.

En voici les résultats :
La déclaration des risques n'est pas uniforme pour tous les types d'organes et à chaque étape du processus de dépistage du cancer. Les lignes directrices ne signalent pas tous les risques pour un type d'organe spécifique ou pour une catégorie de risques dans tous les types d'organes.

Les auteurs concluent :
Cette étude a permis d'identifier des possibilités d'améliorer la conceptualisation, l'évaluation et la communication des risques liés au processus de dépistage dans les lignes directrices.
Les travaux futurs devraient tenir compte des nuances associées à chaque processus de dépistage du cancer propre à un organe donné.
Ils doivent étudier comment prendre en considération les risques les plus saillants et les lacunes en matière de données probantes, et doivent explorer explicitement la façon de pondérer de manière optimale les données probantes disponibles pour déterminer les bénéfices nets du dépistage.
L'amélioration de la communication des risques pourrait faciliter la prise de décisions éclairées et, en fin de compte, améliorer la pratique du dépistage du cancer.

Comment sont élaborées les lignes directrices et les recommandations ?

Pour créer une directive sur le dépistage du cancer, une organisation médicale réunit un groupe d'experts afin de comparer les bénéfices et les risques d'un test de dépistage.

En France, c'est la Haute Autorité de Santé (HAS) qui édite de nombreux documents : recommandations de bonnes pratiques, guides des maladies chroniques, fiches de bon usage des médicaments, évaluation des stratégies thérapeutiques.

Evaluation des lignes directrices américaines dans l'étude

  • Recommandations incomplètes : Les auteurs ont constaté qu'aucune de ces directives ne contenait d'informations complètes sur les risques potentiels du dépistage. Les directives relatives au dépistage du cancer de la prostate étaient les plus complètes, tandis que celles relatives au dépistage du cancer colorectal étaient les moins complètes.
    Moins de la moitié des lignes directrices pour le dépistage du cancer colorectal et du cancer du poumon mentionnaient la fréquence des biopsies, des procédures invasives ultérieures, ou du surtraitement.
    Les effets indésirables graves du traitement étaient aussi mentionnés dans moins de 50 % des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein, du cancer colorectal ou du cancer du poumon. Cette situation est problématique car les interventions de dépistage constituent une cascade d'événements plutôt qu'un test unique. Les inconvénients en aval déclenchés par le test doivent être pris en compte dans l'évaluation globale des bénéfices et des risques.
  • La communication des risques : elle n'était pas uniforme, même entre les lignes directrices pour le même type de cancer.
  • Pas assez de clarté : très peu de lignes directrices donnaient une idée claire du nombre de personnes qui subissent un risque associé à un test de dépistage particulier.
    Les données doivent être présentées en nombre absolu de personnes, avec un résultat spécifique rapporté au nombre de personnes dépistées, plutôt qu'en termes relatifs qui peuvent embrouiller plutôt qu’éclaircir.
    Le Dr Doria-Rose a expliqué que les personnes comprennent plus facilement les fréquences (plus faciles à comprendre que les pourcentages, NDLR), il est donc plus facile pour les personnes de comparer ensuite les risques et les bénéfices, et de prendre une décision éclairée.
    Par exemple, selon une analyse, le dépistage du cancer du sein chez 10 000 femmes chaque année pendant 10 ans à partir de 60 ans permettrait d'éviter 43 décès par cancer du sein (88 femmes mourront quand même du cancer du sein malgré le dépistage). Il entraînera également près de 5 000 faux positifs qui conduiront à près de 1 000 biopsies inutiles.
    C'est quelque chose de plus simple à comprendre qu'un taux de réduction de mortalité en pourcentage, et ce système permet aux personnes de comparer la fréquence des risques avec celle des bénéfices.
  • Pas assez de cohérence : les recommandations manquaient de cohérence dans la prise en compte des risques même au sein d'un même type de cancer, et qu'elles étaient incomplètes concernant la prise en compte de risques spécifiques. Les effets indésirables mineurs et modérés, bien que souvent fréquents, étaient mentionnés dans moins de 50 % des lignes directrices relatives au dépistage du cancer du sein, du poumon et de la prostate.
  • Les préjudices cumulatifs : les chercheurs ont fait remarquer que si les bénéfices du dépistage étaient souvent calculés pour de multiples cycles de dépistage sur plusieurs années, les lignes directrices ne prenaient presque jamais en compte les risques du dépistage de la même manière cumulative.

Les difficultés pour élaborer des lignes directrices

l'élaboration de lignes directrices est très complexe.

  • Tout d'abord, l'intervention doit être normalisée. Il faut vérifier si le test de dépistage initial est effectué de la même manière partout. Par exemple, la mammographie est-elle numérique ou numérique avec tomographie (technique 3D), annuelle ou bisannuelle, commencée à l'âge de 40 ou 50 ans, avec prise en compte des impacts sur 1 an, 10 ans ou sur toute la durée de vie ?
  • Les risques potentiels du dépistage du cancer sont plus complexes à mesurer que les bénéfices.
    Ils couvrent toute la gamme des effets physiques, psychologiques, émotionnels et financiers. En plus de cela, ces risques peuvent provenir non seulement directement des tests de dépistage eux-mêmes, mais aussi des examens et des traitements de suivi.
    Certains préjudices sont plus graves que d'autres et pourraient avoir plus de poids sur la comparaison bénéfices/risques.
    Un exemple donné : une hémorragie grave à la suite d'une coloscopie serait pondérée davantage par rapport à une piqûre pour effectuer un dosage des PSA.
    De plus, comme le soulignent de nombreux spécialistes du dépistage, la plupart des inconvénients ont tendance à se produire pendant ou peu après le dépistage, alors que les bénéfices n'apparaissent que plusieurs années plus tard. La comparaison entre bénéfices et risques ne peut se faire "d'égal à égal".
    Les inconvénients en aval déclenchés par le test (cascades des dépistages, suivis, examens complémentaires etc...) devraient aussi être pris en compte dans l'évaluation globale des bénéfices et des risques.
  • Variabilité des évaluations : certains groupes en charge de l’élaboration de directives accordent plus d'attention aux risques du dépistage, par rapport à d’autres, y compris, vraisemblablement, lors de la formulation des recommandations, disent les auteurs de l'étude.
    Certains groupes, pour certains types de cancer, fournissent des estimations quantitatives de la fréquence des risques. D'autres groupes formulant des recommandations pour les mêmes types de cancer ne mentionnent les risques qu'en termes qualitatifs ou conceptuels, voire ne les mentionnent pas du tout. L'absence d'une bonne recherche sur les risques du dépistage contribue certainement à cette variation.
    La plupart des recommandations examinées par Kamineni, Doria-Rose et collègues ont identifié les risques à partir d'études qui les ont évalués avec un seul dépistage plutôt que de manière cumulative sur un programme de dépistage à plus long terme, sous-estimant ainsi systématiquement les risques.
    La recherche fait particulièrement défaut sur les effets psychologiques du dépistage et des tests. Le fait que le patient soit étiqueté "cancéreux", par exemple, est un préjudice mal compris, qui peut être fréquent et important.
  • Tendance à sous-estimer les risques et manque de preuves : certains groupes en charge de lignes directrices ont trouvé et rapporté des preuves de risques, alors que d'autres ne l'ont pas fait.
    Il peut y avoir aussi un problème de lacunes dans les preuves disponibles.
    Si un bénéfice ou un risque manque de preuves, le groupe peut utiliser l'expérience clinique pour estimer les limites dans lesquelles le nombre réel est susceptible de se situer. Concernant un risque, cela peut aider le groupe à se suffire d'un jugement approximatif qui le satisfait malgré tout.
    Lorsque différents groupes émettent des recommandations différentes sur la même intervention, la confusion règne.
    Au final, ce sont les cliniciens et les personnes dont ils prennent soin qui en sont les perdants.
  • Nécessité de recherches sur les préjudices cumulatifs du dépistage du cancer. Il serait "très important de mener davantage d'études dans ce domaine, car cela permettrait de fournir des informations équilibrées aux patients afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées", dit Dr Louise Davies, chirurgien spécialiste du cancer de la thyroïde au Dartmouth Institute for Health Policy & Clinical Practice (Vermont).
    En effet les bénéfices sont calculés pour plusieurs cycles de dépistages, mais les risques du dépistage ne sont pas pris en compte de la même manière cumulative.
    Par conséquent, comparer les bénéfices et les risques revient à "comparer des tranches de pomme à des oranges. Nous nous limitons à une partie du tableau", a déclaré le Dr Doria-Rose, co-auteur de l'étude.
  • Manque de transparence : il faut s'assurer que les concepteurs des recommandations utilisent vraiment les meilleures données possibles sur les effets néfastes du dépistage pour formuler leurs lignes directrices.
    Sur quelles valeurs le groupe d'experts se base-t-il pour équilibrer les bénéfices et les risques ? Les vies sauvées par le dépistage sont-elles plus importantes que la prévention des biopsies inutiles ? Combien de personnes surdiagnostiquées par rapport à une seule vie prolongée ?
    Chaque ligne directrice reflète probablement "ce que le groupe de cliniciens considère comme le plus important d'après leur propre expérience dans le traitement des cancers dans leur domaine", dit Dr Davis. Elle ajoute que les groupes d'experts devraient également tenir compte des valeurs des personnes qui se font dépister.
    Bien que les valeurs devraient idéalement représenter celles d'une personne moyenne informée, cette information n'est généralement pas disponible, les membres du panel doivent donc se fier à leur impression de ces valeurs.
    Les concepteurs de lignes directrices devraient décrire comment ils sont arrivés aux pondérations appliquées pour permettre aux autres de comprendre leur raisonnement.

Des pistes d'amélioration

Sur la base de leurs conclusions, l'équipe de recherche a lancé deux appels à l'action aux concepteurs de lignes directrices.

"Nous encourageons [les concepteurs de lignes directrices] à approfondir leurs recherches avant de mettre à jour leurs lignes directrices pour la prochaine révision, afin de s'assurer qu'ils utilisent vraiment les meilleures données possibles [sur les effets néfastes du dépistage] pour formuler leurs recommandations", a déclaré le Dr Doria-Rose.

Le second est un appel à une plus grande transparence sur la façon dont les concepteurs de lignes directrices formulent leurs recommandations : "Soyez ouverts sur les risques que vous considérez et ceux que vous ne considérez pas, ainsi que sur les bénéfices que vous considérez et ceux que vous ne considérez pas, de sorte que nous puissions au moins savoir sur quoi les recommandations de dépistage sont basées", a-t-il déclaré.

Au final, de nombreux experts estiment que chaque personne doit décider de ce qui est important pour elle lorsqu'elle envisage de se faire dépister.
Chaque personne devrait pouvoir "choisir de suivre les [recommandations] qui correspondent le plus aux valeurs qui lui sont propres", ont écrit les docteurs Harris et Kinsinger dans leur éditorial.
Et de proposer à leur tour : "Nous avons suggéré que les groupes d'élaboration de lignes directrices parrainent conjointement une équipe d'examen systématique (des données probantes sur les bénéfices et risques).
Les différents groupes travailleraient ensemble pour concevoir un tableau de résultats ; l'équipe d'examen systématique remplirait les cellules (cellules de remplissage des données, dans les tableaux de résultats bénéfice/risques, NDLR), y compris pour l'incertitude ; et chaque groupe d'experts utiliserait ensuite le tableau pour évaluer les bénéfices et les risques, en expliquant de manière explicite et transparente comment ils sont parvenus à leur recommandation, sur la base du même tableau de résultats.
Les cliniciens et les personnes pourraient alors mieux comprendre les différences entre les recommandations et choisir de suivre celles qui appliquent les valeurs les plus proches des leurs."

En France

En France les recommandations sont rédigées essentiellement par la Haute Autorité de Santé, et par les sociétés savantes.
L’interprétation des études, des preuves disponibles, des essais thérapeutiques nécessite une méthodologie qui n’est pas maîtrisée par tous et qui demande un temps considérable. De plus, outre l'enjeu des compétences se pose le problème de l'impartialité, de la transparence et des conflits d'intérêts.

Comme dit dans un article publié sur le site du Formindep concernant les sociétés savantes : "la plus grande méfiance est de mise face à leurs recommandations, d’un niveau de preuve souvent faible, car reposant sur de simples avis d’experts. Les sociétés savantes sont financées très majoritairement par les firmes pharmaceutiques, via du sponsoring, des contrats, les bénéfices des congrès. Les rédacteurs des recommandations présentent à titre individuel des liens généralement importants et nombreux, qui évoluent parallèlement aux parts de marché des firmes dans la pathologie étudiée. Nombreux sont les rédacteurs consultants ou porte-parole pour l’industrie."

Nous en avons eu un triste aperçu lors de la campagne stupéfiante du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France, le CNGOF, à laquelle nous avions réagi, et qui réclamait force campagnes médiatiques l'extension du dépistage du cancer du sein chez la femme âgée, au-delà de 74 ans, alors qu'aucune recommandation n'existe pour cette tranche d'âge, dans aucun pays réalisant le dépistage du cancer du sein.
Cette campagne était élaborée en dépit d'études déjà disponibles recommandant la plus grande prudence sur le dépistage du cancer du sein chez la personne âgée.

Un autre exemple est la polémique assez virulente sur le dépistage systématique du cancer broncho-pulmonaire par scannographie à faibles-doses émanant de sociétés savantes après la mise en garde de l'Académie de Médecine sur ce dépistage, controverse que nous avons relayée et que vous trouverez en bas de l'article ici.
La HAS, d'abord prudente en 2016 sur le dépistage du cancer broncho-pulmonaire, finit par changer complètement d'attitude en 2022 et, alors "que l’état des connaissances est encore incomplet et insuffisamment robuste pour la mise en place d’un dépistage systématique et organisé du CBP (cancer broncho-pulmonaire) en France" valide une expérimentation en vie réelle, même si aucun bénéfice de ce dépistage sur la mortalité globale n'a pu être mis en évidence...

Car, toujours selon l'article du Formindep et concernant la HAS cette fois : "si la HAS fait de réels efforts dans la recherche d’une expertise indépendante aujourd’hui, de nombreux documents ont été rédigés sans gestion des conflits d’intérêts et leur qualité est très inégale."
Le Formindep avait déposé une requête devant le Conseil d’Etat en vue du retrait d’une recommandation de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé élaborée par des experts aux conflits d’intérêts majeurs au sujet de la prise en charge des dyslipidémies. Le collectif avait également obtenu une abrogation d'une recommandation de la HAS sur le diabète de type 2.

Une solution pour les cliniciens et les futurs médecins est de se tourner vers des sources d'informations indépendantes, comme suggéré ici, au bas de l'article.

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Dépistage du cancer : choix éclairé, prise de décision partagée

29 janvier 2023

Synthèse de deux articles scientifiques parus en 2022, l'un dans le BMJ, l'autre le BMC, portant tous les deux sur la problématique du choix éclairé dans le dépistage du cancer du sein.

Que sont les méthodes utilisées ?

La méthode des choix discrets (Discrete Choice Experiment, DCE) utilisée dans la première étude citée, a été introduite dans la santé au début des années 90. On présente aux individus différentes situations hypothétiques de choix («épreuves»), dans lesquelles ils peuvent choisir une, deux ou plusieurs options qui sont proposées à la sélection.
Chaque option présente différentes caractéristiques qu'on appelle des «attributs», (p.ex. efficacité, durée, effets indésirables, coût), dont la valeur dépend des options choisies et des situations de choix. 
Nous avions cité cette méthode utilisée pour l'étude sur les préférences des patientes suite à  la prise en charge d'un carcinome canalaire in situ(CCIS)[1].

Dans la recherche par méthodes mixtes, ce qui correspond à la méthode de la deuxième étude que nous avons citée plus haut, les chercheurs collectent et analysent des données quantitatives et qualitatives dans une même et seule étude pour répondre à une question de recherche posée. 
Cela permet une compréhension plus complète et plus approfondie qu'une étude reposant uniquement sur une recherche qualitative ou sur une recherche qualitative en compensant les faiblesses de l'une et de l'autre.
Des entretiens semi-structurés avec questionnaire d'entretien et avec des outils d'aide à la décision (OADs) disponibles (presque tous des brochures, sites webs ou copies numériques, évalués sur leur qualité selon une check-list validée) ont été menés avec les participants afin d'explorer leur point de vue sur le choix éclairé en matière de dépistage.
Les chercheurs ont effectué l'étude dans huit pays différents (Norvège, Danemark, Suède, Pays-Bas, Australie, Nouvelle Zélande, Canada, Angleterre), pour comprendre la manière dont les pays abordent le choix éclairé dans deux programmes de dépistage : le dépistage du cancer du sein et de l'anomalie de la trisomie fœtale.
Nous nous sommes bornés aux résultats de l'étude qui concernent le dépistage du cancer du sein.

Quels sont les résultats principaux des deux études ?

  • Les femmes rejettent les modèles de santé paternalistes dans le contexte du dépistage du cancer du sein ; elles préfèrent les modèles avec prise de décision informée ou partagée.
  • les femmes préfèrent prendre des décisions elles-mêmes ou avec le professionnel de santé, mais en ne souhaitant pas que le professionnel de santé prenne la décision à leur place.
  • Il faut donc restructurer le dépistage du cancer du sein de manière à ce que les femmes puissent prendre elles-mêmes des décisions éclairées ou s'engager dans une prise de décision partagée avec un professionnel de la santé.
  • Les tentatives de parvenir un choix éclairé grâce aux aides à la décision génèrent deux types de conflits :
    1) Entre un choix éclairé amélioré et une participation accrue -
    Le choix éclairé semble être, selon les principes d'éthique, prioritaire par rapport à la participation, mais la participation peut être privilégiée au détriment du choix éclairé à différents moments de la transmission et de la distribution de l'information (par OAD notamment), peut-être en raison d'un manque de planification intégrée. Une réflexion doit être menée à tous les niveaux de développement et de distribution de l'information produite, pour refléter l'objectif de chaque organisation (valeur accordée à la participation ou plus à l'éclairage des femmes ?).
    2) Entre exhaustivité de l'information et compréhensibilité -
    La facilité de compréhension de l'OAD doit également être prise en compte, car elle peut se trouver diminuée lorsque la priorité est donnée à un choix éclairé, autrement dit, l'objectif de parfaitement et complètement informer en étant très précis et exhaustif , en fournissant trop d'informations ou des informations complexes peut rentrer en conflit avec la compréhensibilité de l'outil conçu.
  • Pour solutionner le problème de compréhension, les participants ont estimé qu'il pouvait être réglé en fournissant plusieurs niveaux d'information. La plupart des pays d'ailleurs, qui proposent des OAD, proposent deux niveaux. En général, il s'agit d'un niveau de base fourni par un OAD de base, tel qu'un dépliant court et simple, et d'un second niveau d'information, plus complet, fourni par un site web.[2]
  • Les femmes étaient d'accord d'octroyer une rémunération au médecin en contrepartie d'une information satisfaisante.

Autres résultats

Rappelons avant tout que le choix éclairé a été défini dans la littérature internationale comme un choix conforme aux valeurs d'un individu et fondé sur des informations adéquates.
Une information adéquate comprend les risques, les bénéfices, les limites et les incertitudes de la réalisation ou non d'un dépistage, ainsi que des informations sur la maladie, le processus de dépistage et les décisions ultérieures que ce dernier peut entraîner.
Par ailleurs, il faut donner aux personnes invitées à participer au dépistage la possibilité de réfléchir aux conséquences potentielles du dépistage et leur apporter un soutien suffisant pour leur permettre de faire le bon choix pour elles-mêmes, mais en tenant compte de leurs valeurs et de leur situation

L'étude par choix discrets comprenait trois attributs : Comment l'information est obtenue concernant les avantages et les inconvénients ; l'existence ou non d'un "dialogue pour une mammographie programmée" entre le professionnel de santé et la femme ; et "qui prend la décision" concernant la participation au dépistage.

Le seul attribut avec un résultat significatif était le troisième: "Qui prend la décision", les femmes rejetant les modèles de santé paternalistes, dans lesquels le professionnel de la santé ou le système de santé prennent de façon unilatérale les décisions en matière de santé. Ce résultat est conforme à la tendance actuelle qui consiste à donner aux patients les moyens d'être plus autonomes dans les décisions cliniques.
Cependant ce degré d'autonomie peut être irréaliste en raison du manque de connaissances concernant les effets adverses. Par exemple, des études récentes ont indiqué que les femmes espagnoles sont peu conscientes du surdiagnostic[3] [4]. Seulement 8,1 % d'entre elles connaissaient la signification du surdiagnostic, même si ce pourcentage augmentait à 54,2 % chez les femmes qui avaient reçu des OAD.

Une étude est actuellement menée à la Mayo Clinic afin de déterminer si les groupes de discussion de femmes pour la prise de décision pourraient constituer une nouvelle ligne de soutien et de préparation des femmes à la prise de décision concernant le dépistage du cancer du sein[5]. Cette étude est basée sur la stratégie mentionnée ci-dessus : les OAD pourraient être remis avant le rendez-vous clinique, et ensuite il y aurait une conversation avec d'autres femmes

Pour le premier attribut concernant l'entretien d'information, les femmes participantes n'ont pas montré de nette préférence entre recevoir une brochure d'information explicative des bénéfices et des risques du dépistage ou recevoir cette information expliquée par un professionnel de santé. L'absence de différence entre les deux options peut être liée au fait, disent les auteurs, que les femmes ne perçoivent pas de différence dans les informations reçues. Par conséquent, l'utilisation d'une aide à la décision pour les patients (OAD) censée fournir des informations équilibrées sur les risques et les avantages du dépistage du cancer du sein, peut aider les femmes à mieux comprendre l'information.
Certains organismes, comme  "Le programme public de dépistage du cancer du sein de Catalogne", ont déjà intégré à la lettre d'invitation au dépistage un dépliant comprenant des informations nécessaires à la prise de décision, comme le surdiagnostic.

En ce qui concerne le deuxième attribut, l'entretien pour dialogue avant une mammographie programmée, les femmes de cette étude adoptaient une attitude neutre quant au choix entre un rendez-vous en face à face avec un professionnel de santé pour discuter de leurs préférences et préoccupations, et l'approche standard, dans laquelle c'est le système de santé qui planifie le dépistage.
Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait que le dépistage est largement intégré par les femmes, non seulement en raison d'une diffusion massive d'informations sur ses bénéfices mais aussi à cause d'une minimisation des risques.

Un autre élément dans cette première étude est évoqué : les personnes interrogées étaient prêtes à payer, en moyenne, 16 € pour un médecin fournissant des explications faciles à comprendre par rapport à un médecin ne fournissant pas d'explications compréhensibles. Elles étaient également prêtes à payer, en moyenne, 20 € pour des médecins à qui elles pouvaient poser des questions ou faire part de leurs préoccupations, par rapport à des médecins qui se limitaient à fournir des informations. Enfin, elles étaient prêts à payer, en moyenne, 22€ pour des médecins qui impliquaient le patient dans la prise de décision, par opposition à ceux qui prenaient les décisions seuls.
Ceci est significatif car il faut tenir compte du fait qu'en Espagne le dépistage est entièrement pris en charge par le système national de santé espagnol pour les femmes âgées de 50 à 69 ans. En effet, la volonté de payer exprimée par les femmes dans cette étude montre combien la société est prête à payer pour une innovation dans le domaine des soins de santé, plus précisément un échange pour information entre le professionnel de santé avec la patiente lors des rendez-vous cliniques. 

Pour les auteurs les implications pratiques sont la restructuration du dépistage du cancer du sein de manière à ce que les femmes puissent prendre elles-mêmes des décisions éclairées ou s'engager dans une prise de décision partagée avec un professionnel de la santé, ceci pour passer d'un modèle paternaliste à un modèle participatif de médecine centrée sur la personne.

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Dans la deuxième étude citée, celle par méthodes mixtes, les auteurs ont constaté qu'après l'utilisation des OAD, les connaissances étaient améliorées sur la procédure de dépistage, les bénéfices et les risques du dépistage, et que les femmes étaient plus susceptibles de faire un choix éclairé pour le dépistage du cancer du sein.
La plupart des participants au programme de dépistage du cancer du sein ont soulevé le problème des stratégies spécifiques qu'ils ont rencontré, afin d'augmenter le taux de participation, notamment l'envoi d'invitations à des réunions pour discuter du dépistage avec un rendez-vous prévu, ou le recours à des "communicateurs " / experts en littératie en santé sur le contenu des OAD.
Ils ont également décrit la promotion du dépistage par le biais des médias sociaux, ou par des lettres de médecins généralistes ou de professionnels de la santé "encourageant" les femmes à participer au dépistage, ou encore par des incitations financières aux professionnels de la santé pour leur taux de participation au dépistage.[6]

Concernant le problème de tension qui existe entre exhaustivité de l'outil et compréhensibilité, évoqué dans la première étude, ici certains participants ont exprimé l'avis que leur OAD donnait la priorité au choix éclairé, c'est-à-dire à plus d'informations/de complexité plutôt qu'à plus de compréhensibilité, tandis que d'autres ont exprimé l'avis contraire. Les auteurs de cette deuxième étude soulèvent le fait que les professionnels de la santé, les chercheurs et les décideurs s'accordent à dire que le choix éclairé doit être considéré comme une composante importante de l'élaboration et de la mise en œuvre des programmes de dépistage, mais qu'aucun consensus général n'a été atteint sur la manière d'y parvenir, ou de le mesurer systématiquement. Il y a là un effort à faire et un consensus sur l'élaboration des OAD à trouver.

Fournir l'information par niveaux (un niveau de base et un deuxième niveau pour approfondir) est une option à envisager pour palier le problème de facilité de compréhension/exhaustivité d'un oad.
Un participant de cette deuxième étude a même suggéré une approche en "cascade", dans laquelle les informations seraient délibérément échelonnées, avec de nouvelles informations fournies en plus petites portions au fil du temps.

Les deux grandes questions lors de l'élaboration d'un OAD sont assurément :
* Favoriser le choix éclairé ou augmenter le taux de participation ?
* Favoriser le choix éclairé ou la facilité de compréhension ?

Les auteurs écrivent : alors que les personnes qui mettent en œuvre les programmes de dépistage et qui créent et distribuent les OAD semblent s'aligner sur l'éthique du choix éclairé plutôt que sur celle de l'augmentation de la participation, nous avons constaté un manque de réflexion intégrée à toutes les étapes de l'élaboration et de la distribution de l'OAD, ce qui pourrait conduire à la promotion de la participation au détriment du choix éclairé.
La prise en compte des conflits potentiels entre le choix éclairé et la participation, et entre le choix éclairé et la compréhensibilité, doit donc être faite à toutes les étapes.

Les auteurs concluent :
Suite à la collecte et à l'analyse de données dans huit pays, nous estimons que les tentatives des programmes de dépistage visant à obtenir un choix éclairé par le biais d'aides à la décision génèrent des situations de tension entre la volonté d'améliorer le choix éclairé et le taux de participation, et le choix éclairé et la compréhensibilité.
Ces tensions ont été constatées à la fois dans nos entretiens et dans l'analyse documentaire.
Alors que le choix éclairé semble être prioritaire par rapport à la participation, la participation peut être privilégiée au détriment du choix éclairé à différents moments de la transmission et de la distribution de l'information, peut-être en raison d'un manque de planification intégrée. Ce problème peut être dû à un manque de clarté quant aux objectifs et valeurs sous-jacents des programmes de dépistage.

Conclusion

Les femmes sont en demande de choix personnel et de consentement éclairé.
L'Union Européenne (réf.6), l'OMS, la concertation citoyenne française revendiquent cela.
Les outils d'aide à la décision sont un moyen d'y parvenir mais la tentation d'influencer les femmes et les amener à plus de participation, comme c'est l'objectif clairement affiché des autorités sanitaires françaises, sont un obstacle permanent pour atteindre cet objectif dans le respect de l'éthique et de la dignité des femmes.
De plus, en France, les outils d'aide à la décision font cruellement défaut, et ce ne sont ni le livret de l'INCa[7] ni le dépliant[8] qui peuvent être considérés comme tels, lacunaires en matière d'information ne serait-ce que sur le surdiagnostic, et décriés dans une étude internationale sur leur aspect trompeur.[9]


Références

[1] https://cancer-rose.fr/2022/03/27/respecter-la-preferences-des-patientes/

[2] C'est ce que nous avons essayé de réaliser : en page d'accueil vous est proposé l'OAD Cancer Rose simplifié, auquel vous accédez en cliquant sur l'image (dont le lien est https://drive.google.com/file/d/16Y0wGamO_ZKNV0wrereu0rAqSJNw540o/view
En toute dernière page de cet OAD très simple vous avez un QR code qui vous amène sur une page web plus exhaustive, avec un OAD complet téléchargeable et pour lequel explications, calculs et démonstrations sont disponibles.

[3] Baena-Cañada JM, Rosado-Varela P, Expósito-Álvarez I, et al. Women's perceptions of breast cancer screening. Spanish screening programme survey. Breast 2014;23:883–8. 47

[4] Toledo-Chávarri A, Rué M, Codern-Bové N, et al. A qualitative study on a decision aid for breast cancer screening: views from women and health professionals. Eur J Cancer Care 2017;26:e12660–11.

[5] Hernández-Leal M, Montori V. Discussion groups for decisionmaking on breast cancer screening [research proyect]. Mayo Clinic 2021.

[6] En France aussi, il est temps de faire évoluer l'incitation des femmes vers de l'information, comme l'UE, la concertation et l'OMS le demandent, lire : https://cancer-rose.fr/2022/12/14/depistage-il-est-imperatif-de-faire-evoluer-linformation-des-femmes/

Voir la ROSP (rémunération des médecins sur objectifs de santé publique) en France : https://cancer-rose.fr/2020/04/20/la-nouvelle-rosp-quel-changement-pour-le-medecin-concernant-le-depistage-du-cancer-du-sein/

[7] https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

[8] https://cancer-rose.fr/2021/10/19/linca-toujours-scandaleusement-malhonnete-et-non-ethique/

[9] https://cancer-rose.fr/2021/04/20/les-methodes-dinfluence-du-public-pour-linciter-aux-depistages/

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Article pour les usagers : Les tests de routine « juste pour se rassurer », c’est une mauvaise idée

26/01/2023

Par C.Bour-Synthèse à partir d'un article de Bjorn Hofmann
Professeur au Département des sciences de la santé, Norwegian University of Science and Technology, Gjøvik
Les tests de diagnostic, "juste pour être du côté sûr", ne sont pas recommandés
https://norwegianscitechnews.com/2023/01/diagnostic-tests-not-recommended-just-to-be-on-the-safe-side/

Dans cet article, l'auteur illustre la difficulté pour le médecin traitant de bien apprécier la pertinence d'un test de routine qui peut lui être demandé par un patient, et de la difficulté d'orienter de façon utile le patient demandeur.
Nous allons restituer ici les idées principales et les démonstrations de l'auteur.

L'exemple donné est celui d'un patient souffrant d'algies du dos.

Le cas clinique

Imaginez que vous contactiez votre médecin traitant parce que vous avez mal au dos. Vous souhaitez faire examiner votre dos et vous demandez une IRM. Le médecin sait que si la douleur a duré moins de quatre à six semaines et que vous ne ressentez pas certains symptômes d'alerte, il ne vous sera d'aucune utilité de vous envoyer passer une IRM.
Mais vous, vous estimez qu'il vaut mieux savoir que ne pas savoir et vous insistez pour passer l'IRM. Le médecin généraliste veut venir en aide et accepte de vous orienter vers l'IRM. 
Vous vous présentez à votre rendez-vous quelques semaines plus tard et après quelques jours, vous avez la réponse:
Les résultats de l'IRM montrent plusieurs hernies discales. On ne sait pas si elles sont en relation avec votre douleur actuelle, ou bien s'il s'agit d'anciennes hernies discales.

Pourtant, vous pensez toujours que cette découverte pourrait être une cause possible de la douleur, et vous vous renseignez sur les hernies discales. 
La chirurgie pourrait-elle aider? Vous demandez à votre médecin généraliste de vous orienter vers un chirurgien orthopédiste pour évaluation. Le médecin vous répond qu'il n'y a aucune bonne raison de le faire, mais vous êtes incertain sur la meilleure option à adopter- votre dos vous fait vraiment mal et vous êtes encore plus indécis à présent qu'avant l'IRM.
Faut-il se faire opérer ? Une opération réussirait-elle – et quels en sont les risques ?

Ce n'est là qu'un exemple de la façon dont nous pouvons devenir plus incertains en essayant de réduire l'incertitude. Dans le cas ci-dessus, l'IRM a généré un résultat (aléatoire) de signification ambiguë.

En d'autres termes, dit le Pr Hofmann, vous découvrez autre chose que ce que vous recherchez réellement, qui peut ou non être important pour votre santé. L'action que vous avez choisie augmente votre incertitude au lieu de la réduire. 
Dans ce cas, il aurait probablement été préférable d'écouter le médecin traitant et de tester d'autres mesures pour réduire votre douleur, avant de passer une IRM.

Je vous propose un deuxième cas clinique de mon expérience de radiologue.

Une jeune femme de 37 ans présente des douleurs thoraciques qui irradient vers son sein, après un faux mouvement. Le bilan radiologique (radiographies du dos, du gril costal..) est négatif. La patiente insiste pour passer une mammographie, le médecin traitant finit par céder pour pouvoir rassurer cette femme et demande un bilan sénologique. A l'hôpital où elle consulte la mammographie lui est pratiquée en dépit de son jeune âge. Cet examen n'est pas contributif en raison de la densité mammaire. Une échographie est réalisée mettant en évidence, du côté de la douleur, un petit kyste mammaire de 6 mm, non inquiétant mais pas complètement liquidien car vraisemblablement ancien. Il est absolument certain que cette découverte n'a aucun lien avec les doléances de la patiente. L'échographiste demande, dans le doute sur cette image, une biopsie mammaire. Celle-ci ne sera pas effectuée par le radiologue correspondant, car le kyste est très petit, et le geste est jugé trop invasif compte tenu de l'absence de signes échographiques alarmants. Une ponction à l'aiguille est réalisée (geste plus simple avec une aiguille plus fine) pour prélever un peu de liquide du kyste et l'envoyer en analyse, afin essentiellement de démontrer qu'il n'existe aucune malignité. Le prélèvement s'avère acellulaire (donc sans matériel à analyser pour l'anatomo-pathologiste) et malheureusement non contributif.

La patiente est de plus en plus anxieuse et nous la voyons (4ème cabinet de radiologie consulté) pour avis et pour une demande insistante d'une IRM mammaire complémentaire, examen très déroutant à ce jeune âge en raison de nombreuses fausses images, faisant croire à une anomalie, mais correspondant simplement à des vaisseaux ou des zones du sein très vascularisées et qui se "rehaussent" sur l'image lorsqu'on injecte le produit de contraste. Cela peut évoquer une image suspecte alors qu'il n'y a que du tissu normal.
Il est très difficile à ce moment-là de discuter avec la patiente et de la convaincre d'une simple abstention d'examen, et d'un simple recontrôle échographique dans quelques mois....
Voilà où nous en sommes dans cette escalade d'examens, là où un traitement relaxant aurait suffi...

Comme l'explique le Pr Hofmann, les médecins généralistes ont une tâche importante en anticipant si un test de dépistage sera utile à leur patient, ou les conduira simplement à plus d'incertitude. Ils doivent évaluer la probabilité que le patient ait réellement une maladie, et ils doivent apprécier la probabilité que le test fournisse une réponse à ce que le patient lui demande.

Ce qui augmente l'incertitude lors des pratiques routinières

L'incertitude, explique l'auteur, peut augmenter alors qu'on essaie de la réduire en pratiquant divers dépistages médicaux ou tests diagnostiques.

A- Les découvertes accidentelles,

Ce qu'on appelle les "incidentalomes" augmentent l'incertitude en trouvant autre chose que ce que nous recherchons, et dont la signification n'est pas claire.
Par exemple, on réalise des scanners abdominaux pour des douleurs abdominales vagues et mal étiquetées et on trouve un nodule de la surrénale, ceci est une situation fréquemment rencontrée. On ne sait souvent que faire de ces découvertes : intervention ? Surveillance ? Bilans ?
Le principal problème est de reconnaitre les tumeurs qui auront un impact délétère sur le patient et qui justifient donc d’être enlevées chirurgicalement. 

B- Des tests inexacts peuvent nous donner de mauvaises réponses,

et moins nous avons de raisons de passer le test - c'est-à-dire moins le test est ciblé - plus les erreurs sont importantes.
Aucun test n'est parfait ou 100% fiable.
Un test, dit Pr Hofmann, - qu'il s'agisse d'une imagerie ou d'un test sanguin - qui donne un résultat incorrect est un autre exemple d'augmentation de votre incertitude lorsque vous essayez de la réduire. Les tests ne sont pas parfaits. Ils peuvent se tromper. Le résultat du test peut indiquer que vous avez une maladie même si ce n'est pas le cas, générant ce qu'on appelle un résultat de test faussement positif.

Le test pourrait également indiquer que vous n'avez pas la maladie même si vous en avez une, donnant un résultat de test faussement négatif. Dans ce dernier cas, vous obtenez un faux sentiment de sécurité, perdre un temps précieux et potentiellement connaître un pronostic plus mauvais.

Dans le cas d'un résultat faussement positif, vous pourriez être reconvoqué pour d'autres nouveaux tests et/ou traitements, souvent inutiles qui peuvent être à la fois ennuyeux et nocifs.
Moins le test est précis, plus il est susceptible de générer de faux résultats de test. Des tests inexacts donnent des réponses peu claires. Cette incertitude augmente d'autant qu'il y a peu de raisons de passer un test, par exemple si le test est effectué "juste pour être plus sûr". 

Il faut également se poser la question de l'utilité du test de routine, selon Pr Hofmann. Pour les personnes qui présentent des « symptômes avant-coureurs », la probabilité est plus grande qu'elles aient effectivement une maladie identifiable, ce qui est très rare pour les personnes qui ne présentent pas de tels symptômes.
C'est le problème posé par la recherche de lésions dans des groupes de personnes parfaitement saines et qui ne se plaignent de rien.

Selon Pr Hofmann, chercher une aiguille dans une pile d'aiguilles donne plus de chances de trouver une aiguille que de chercher une aiguille dans une botte de foin, là où ce qui ressemble à une aiguille peut n'être qu'une paille....
Les professionnels diraient qu'une prévalence élevée donne une valeur prédictive positive. C'est à dire que la qualité d'un test dépend non seulement de sa précision, mais aussi de probabilité de la survenue (ou prévalence) d'une certaine condition ou maladie dans le groupe examiné. 

Encore en d'autres termes, chercher une maladie particulière dans la partie de la population qui y est exposée est plus utile et productif que la chercher systématiquement chez tout le monde.
Par exemple rechercher un cancer du poumon dans une population tabagique est plus pertinent que de faire une détection massive dans toute la population d'adultes à partir de 16 ans ; ou encore dépister un cancer du sein par examen clinique régulier, IRM et/ou échographie parmi des personnes porteuses d'une mutation particulière favorisant ce cancer serait plus utile que de faire un dépistage dans toute la population féminine dès 30 ans comme certains le réclament lors des campagnes roses, population qu'on exposera ainsi à un surdiagnostic massif.

Pr Hofman propose une illustration :

Les symptômes, dit-il, déterminent à quel groupe vous appartenez, comme illustré dans l'exemple suivant :

Illustration : Bjørn Hofmann : Trouvez la mite dans les images, elle est plus facile à trouver lorsqu'il y en a plusieurs.

Un test donné, démontre-t-il ainsi, n'est pas utile de façon égale pour tous les usagers. 
Si vous avez des symptômes d'alerte, le test peut réduire l'incertitude. Pour qu'un test réduise l'incertitude de la maladie, il doit y avoir des raisons de croire que vous êtes malade. 
L'importance capitale du médecin généraliste réside dans l'évaluation de la probabilité que vous ayez une maladie, souvent appelée probabilité pré-test.

Un test réduit l'incertitude avec une probabilité pré-test élevée, mais avec une faible probabilité pré-test, l'incertitude augmente. 

C- Le surdiagnostic

C'est une incertitude quant à ce qui pourrait arriver dans le futur, une incertitude portant sur le pronostic : nous ne savons pas si ce que nous découvrons est utile au patient, si cela se transformera en une réelle maladie symptomatique. 
Lorsque nous trouvons des lésions-précurseurs de la maladie, nous ne savons pas si le patient chez lequel on détecte cette lésion sera sauvé ou au contraire surdiagnostiqué et surtraité.

Cette situation expose à une peur inutile, à des traitements lourds. Des personnes tombent "malades" alors que, sans le test, elle n'auraient jamais connu de maladie. 
Nous avons tendance à penser qu'il est sage de détecter tôt afin d'intervenir rapidement et de prévenir les maladies graves. C'est vrai dans de nombreux cas, mais - et cela pas si rarement, dit l'auteur - nous découvrons des 'précurseurs' de maladie qui ne se développeront pas davantage si on les avait ignorés. 
Nous finissons alors par traiter des conditions détectées, mais complètement inutilement. Le surdiagnostic conduit au surtraitement.
A ce propos nous vous invitons à lire : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

La "cascade du dépistage" présentée lors d'un webinaire récent sur le sujet illustre parfaitement la problématique de la découverte inutile d'incidentalomes, des faux positifs, des détections inutiles au patient, et du surdiagnostic (encart grisé en bas à droite du schéma).

Cliquez pour agrandir

Il est donc sage d'écouter votre médecin, insiste le Pr Hoffmann, et de réfléchir à deux fois avant de vous faire tester.

Comment réduire l'incertitude ?

Pr Hofmann écrit : On peut donc faire plusieurs choses pour éviter d'augmenter l'incertitude alors qu'on veut la réduire. L'action la plus importante est de discuter avec votre médecin pour savoir si vous avez vraiment besoin d'un certain test, quelles sont ses conséquences et qu'est-ce qui pourrait arriver si vous ne l'effectuez pas. Quelles options avez-vous ?

Vous devez garder trois choses à l'esprit :

  • Ne faites pas de tests "juste pour être du côté plus sûr".
  • Faites des tests lorsque vous avez de bonnes raisons de les faire pour votre santé, par exemple lorsque vous avez des raisons de croire que vous pourriez avoir une maladie - lorsque vous avez des symptômes clairs, c'est-à-dire lorsque la probabilité avant-test est élevée.
  • Soyez prudent lorsque vous vous faites tester pour des maladies qui se développent lentement et dont de nombreuses personnes meurent avec, mais pas à cause d'elles.

Tester "juste pour être du côté sûr" peut augmenter votre incertitude - et causer des dommages. Discutez avec votre médecin de ce qui VOUS convient.

Conclusion

Cette conclusion n'est que l'avis de la rédactrice de ce post.

L’accès pour le public aux informations médicales par l’intermédiaire des médias, d'articles dits "vulgarisants", de médecins médiatiques, de réseaux informatiques contribue à concurrencer l'autorité médicale fondée sur le savoir.
Le patient a facilement accès à des informations techniques concernant les maladies et les tests disponibles, informations "amalgamées" avec prévention, et cet amalgame est souvent fait par les autorités sanitaires elles-mêmes.

Le colloque singulier que constitue la consultation médicale est fragilisé par les 'certitudes' des données documentaires, parfois partielles, partiales, avec une communication médiatique vers le public plus sensationnaliste qu'objective.
Il n’est donc pas rare que les patients arrivent en consultation avec des exigences de prises en charge influencées par des modes médiatiques.
Il est très dommageable pour les deux partis que le patient et le médecin deviennent en quelque sorte des concurrents, la réponse médicale n’est pas l’apport d’un renseignement qui sera imposé au malade, mais davantage une écoute bienveillante et un échange en vue d’un soin. Si le médecin n’a plus l’aura du 'sachant' parlant un jargon excluant le patient, avec un savoir 'descendant', en revanche il reste le garant d'une « information », une vraie, neutre et objective, dont on a fait un droit du patient. Il faut qu'il soit le véhicule de cette information-là, mais il faut aussi que le patient manifeste de son côté la volonté de l'écoute, parfois de données contrevenant à ses convictions.
Cette écoute et cet échange permettent, dans la valorisation du « consentement éclairé », une préservation de la dignité du patient, un respect de ses choix et une possibilité d'éclairage de la part du médecin sur les tenants et les aboutissants d'une procédure, serait-ce même à l'encontre des injonctions d'autorités médicales et de leaders d'opinion. Éclairer le consentement n’est pas pour le médecin concevoir le patient comme un rival, et recevoir cet éclairage n'est pas non plus pour le patient concevoir le médecin comme un opposant ou un donneur de leçon, mais il s'agit au contraire d'une association active à des choix et des décisions dans un meilleur profit pour la santé du consultant.

Car le patient peut parfois être... un impatient. Cette impatience est contemporaine d’une société tournée vers l'action plutôt que l'attentisme. Elle est due à l'opposition de temporalités, celle de la technicité médicale qui semble rendre toute réponse immédiate, disponible et possible dans l'instant, et celle de la maladie qui peut être certes réelle et exprimée, mais qui peut être latente et jamais exprimée, et même inutile à être découverte.
C'est très contre-intuitif.
Nous devons accepter la probabilité de connaître telle ou telle situation de santé, mais jamais en termes de certitudes, aucune technologie, aucun test n'étant capable de nous prévoir avec une certitude absolue ce qu'il va advenir. Et parfois ce test peut même nous induire en erreur.
Evaluer un risque est difficile, et la précipitation peut conduire à des décisions délétères ; en cela le médecin traitant est un allié pour n'être pas piégé par des slogans, des poncifs tout prêts et simplistes, des campagnes médiatiques outrancières et bêtifiantes, et par des injonctions de leaders d'opinion dont les liens d'intérêts ne sont pas toujours bien annoncés.

Les efforts de bon nombre de confrères spécialistes en médecine générale se heurtent aux revendications de la société d'immédiateté, d' "action", ceci favorisé par un sensationnalisme et une désinformation médicale, là où de l'attente, de la patience seraient salutaires pour une prise de décision sereine et en plein consentement éclairé.

Il est parfois urgent d'attendre.... et de respecter le temps d'une réflexion.

A lire :

Gare aux torts causés par les surdiagnostics engendrés par le dépistage, l’abaissement des seuils de diagnostic et par la découverte d’incidentalomes

https://www.cfp.ca/content/69/2/e33

Excellente publication canadienne, à propos d'un cas clinique, des conséquences pratiques sur la vie d'un patient ne se plaignant de rien.

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Webinaire « dépistages et risques de surdiagnostics »

Par Cancer Rose, 22 janvier 2023

Webinaire

Traduction de la déclaration d'EuroPrev

Position de Europrev sur les primes sur objectif pour le dépistage du cancer du sein

Un webinaire d'EuroPrev, "dépistage des cancers et risques de surdiagnostics"

Qu'est-ce qu'EuroPrev ?

EUROPREV est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale. EUROPREV est l'un des cinq réseaux de WONCA Europe.

WONCA Europe est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.

Wonca est l'acronyme de World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians, ou plus simplement World Organization of Family Doctors.

Le Collège de la Médecine Générale est le représentant de la France auprès des instances internationales œuvrant pour la promotion de la médecine générale. Il peut être consulté sur des questions professionnelles et politiques liées à la spécialité tant au plan national qu’international. Il est membre de l’Organisation mondiale des médecins généralistes, médecins de famille (Wonca Europe et Wonca Monde) et de l’Union Européenne des Médecins Omnipraticiens (UEMO) dont il assure une vice-présidence depuis 2017.

Pour EuropreV, concernant le dépistage, le moins est aussi le meilleur : less is more !

Webinaire-Extraits

Des webinaires sont régulièrement organisés, permettant une activité de formation médicale gratuite, avec des débats de sujets intéressants et liés à la médecine préventive, ceci d'un point de vue très pratique. 
Pendant les webinaires, les participants peuvent partager leurs commentaires ou questions via la plateforme de chat. Chaque module dure 90 minutes de formation médicale continue.

Nous avons assisté au webinaire : "dépistages des cancers et le risque de surdiagnostic".

Plusieurs dépistages sont passés en revue, mettant en lumière le phénomène de surdiagnostic.
La confusion est souvent faite entre dépistage et "prévention", ce que le dépistage n'est pas. Les dépistages ne garantissent pas de moins mourir de cancer, mais peuvent projeter des personnes saines dans une maladie qu'elles n'auraient pas connue sans eux.

Dr. Carlos Martins (Portugal, Médecin de famille, Président Europrev)  et Dr. John Brodersen (Médecin de famille, Professeur à l'Université de Copenhague, Danemark) proposent ce webinaire et, devant les velléités de la Commission Européenne d'étendre les dépistages existants et d'en créer de nouveaux, posent la question " seront-nous bientôt tous des patients?"
Cette inquiétude exprimée ici a donné lieu à la déclaration d'Europrev, voir notre article sur les recommandations du Conseil de l'EU.
(Voir au bas de cet article pour la déclaration d'EuroPrev en français.)

Avec la très aimable autorisation de l'auteur, Mr le Dr Brodersen, nous reproduisons quelques extraits qui nous semblent les plus pédagogiques et intéressants.

Download / Télécharger

Explication de quelques slides

Les pour et les contre du dépistage

Si l'on examine les arguments pour et contre le dépistage, les résultats bénéfiques sont la réduction de la mortalité, de la morbidité et de l'incidence, qui sont susceptibles de se produire dans le cadre de certains programmes de dépistage, ainsi qu'un traitement moins radical.

Les résultats néfastes sont une morbidité plus longue, le surdiagnostic et le surtraitement, les deux faux résultats (faux positifs, faux négatifs), la maladie induite, une peur accrue d'être malade et une morbidité et une mortalité accrues.

Dépistage et détection précoce

Le dépistage est effectué sur une population de personnes apparemment en bonne santé, qui ne présentent aucun symptôme de la maladie pour laquelle elles sont dépistées.
Alors que le diagnostic est défini comme quelque chose qui se passe chez les patients présentant des symptômes.
Bien entendu, il ne s'agit pas d'une dichotomie, ni d'une opposition entre le noir et le blanc, comme le montre ce schéma de l'OMS, mais plutôt d'un continuum de symptômes, ce qui rend évidemment les choses plus complexes, mais il suffit de définir les deux termes de diagnostic précoce et de dépistage pour comprendre en quoi ils sont différents.

Balance bénéfices/risques (slides 17 et 18)

L’influence du dépistage par mammographie sur la mortalité diminue avec l’efficacité croissante des thérapies contre le cancer. Plus une maladie est curable, plus la balance bénéfice-risques du dépistage est à prendre en compte, car les risques de son dépistage vont contre-balancer négativement le bénéfice à escompter.

Les méthodes d’évaluation de l’efficacité du dépistage du cancer reposent sur :

  • la surveillance des taux d’incidence ajustés selon l’âge des cancers avancés qui devraient diminuer après l’introduction du dépistage.
  • les taux de mortalité spécifiques au cancer devraient diminuer plus rapidement dans les zones où le dépistage est effectué que dans les zones où les niveaux de dépistage sont inférieurs, mais où la prise en charge des patients est similaire.

Or l’accumulation des données épidémiologiques montre que dans les populations où le dépistage par mammographie est largement répandu depuis longtemps, l’incidence des cancers avancés n’a connu que peu ou pas de diminution, et que les réductions de la mortalité par cancer du sein sont similaires dans les régions à introduction précoce et forte pénétration du dépistage comme dans les zones présentant une introduction tardive et une faible pénétration du dépistage. Les réductions des taux de mortalité par cancer devaient être proportionnelles aux réductions des taux des cancer avancés, ce qui n’est pas le cas, posant de façon plus aigüe le problème du surdiagnostic avec comme corollaire un surtraitement, 

La "cascade du dépistage" illustre la chaîne d'évènements possibles qui conduisent au final à un maigre bénéfice, envers la présence de situations sans bénéfice pour les patients à l'issue de leur dépistage.

Australie

Paul Glasziou, médecin généraliste et professeur à l'université de Bond en Australie, a rédigé un article sur le nombre de personnes surdiagnostiquées de cancer en Australie.

Vous pouvez voir ici que quatre cancers font l'objet de nombreux surdiagnostics chez les femmes : le cancer de la thyroïde, le cancer du rein, le cancer du sein et le mélanome. Lorsque vous regardez les cancers combinés en bas, la zone rouge représente 18% de tous les cancers, soit près d'un cancer sur cinq.

Et chez les hommes, les mêmes cancers et le cancer de la prostate au lieu du cancer du sein.
Ici le cancer de la prostate est plus surdiagnostiqué que le cancer du sein, le taux de cancer combiné est de 24% ; c'est un peu plus d'un cancer sur cinq.
"Quand je parle aux journalistes" explique Dr Brodersen, "je dis qu'une personne sur cinq avec un diagnostic de cancer est surdiagnostiquée et, désolé de le dire, ce sont des milliers de personnes dans vos pays et globalement, ce sont des millions de personnes que nous avons fait souffrir dans les soins de santé."
'Et nous pouvons dire que c'était l'une des raisons pour lesquelles nous étions si inquiets avec cette nouvelle proposition de l'Union européenne, parce qu'il ya l'intention d'étendre la cible, d'étendre (le dépistage) à de nouveaux cancers, il y aurait des millions et des millions de citoyens européens qui seraient encore plus surdiagnostiqués."
"Et vous pouvez voir ici pour le dépistage par PSA (dépistage du cancer prostatique), il n'y a pas de dépistage national de PSA en Australie et déjà vous avez plus de 40% de surdiagnostic pour le cancer de la prostate, donc si vous commencez à mettre en œuvre un dépistage de PSA ce taux va augmenter comme cela se passe pour le mélanome, donc c'est l'une de nos grandes préoccupations.
En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, si l'on commence à dépister les femmes âgées de plus de 70 ans, le risque de surdiagnostic augmente car la durée de vie est plus courte." (C'est à dire que les femmes à cette tranche d'âge ont bien plus de probabilité de décéder de tout à fait autre chose, notamment des maladies cardio-vasculaires, rendant le diagnostic d'une lésion cancéreuse du sein dont elles ne mourront pas plus problématique, et alimentant les surdiagnostics, NDLR)

Comtés américains (slide 22)

Le dépistage et le diagnostic précoce pourraient accroître les inégalités sociales dans les sociétés. Gilbert Welsh a rédigé un article intelligent dans lequel il a examiné les comtés à hauts revenus et les comtés à faibles revenus aux États-Unis pour quatre cancers : le cancer du sein, le cancer de la prostate, le cancer de la thyroïde et le mélanome.

En bas, vous avez la mortalité de ces quatre cancers. La mortalité est la même dans les deux régions. Cependant, il y a beaucoup plus de cancers dans les comtés à hauts revenus que dans les comtés à faibles revenus. C'est le signe d'un excès de médecine, d'un excès de dépistage, d'un excès de diagnostic précoce.

Conclusion

Dr Brodersen conclut ce webinaire :

"Nous devons réévaluer les trois programmes de dépistage existants qui sont recommandés par l'Union européenne.

Le cancer du sein doit être réévalué parce que le traitement s'est amélioré (rendant le dépistage de ce cancer moins utiles, NDLR), le cancer du col de l'utérus doit être réévalué parce que nous avons des cohortes vaccinées contre le VPH, le cancer colorectal doit être réévalué parce que nous pouvons voir que les tests fécaux ne fonctionnent peut-être pas dans les programmes de dépistage pragmatiques, mais nous pouvons voir que la sigmoïdocolonoscopie pourrait être la voie à emprunter si nous voulons un dépistage du cancer colorectal.

Nous manquons de preuves pour mettre en œuvre le dépistage du cancer prostatique par PSA et IRM car nous n'avons pas d'essais randomisés qui ont combiné les deux.
Si nous considérons uniquement le dépistage par PSA, la conclusion est qu'il ne faut pas le faire car il n'y a aucun bénéfice.

Pour le dépistage gastrique il n’y a pas de données probantes.

Si nous examinons le dépistage du cancer de poumon par scanner à faible dose, de nombreuses preuves font défaut, principalement en ce qui concerne les effets négatifs, et beaucoup d'autres questions restent sans réponse."

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/

Lire : la déclaration d'EuroPrev, traduction en français :

En matière de dépistage de cancer, souvent "moins, c'est PLUS!"

À la Commission européenne - Santé et sécurité alimentaire
A la Direction Générale Santé et Sécurité Alimentaire
Aux autorités sanitaires de l'Union européenne
Aux professionnels européens de la médecine familiale et de la santé publique

 Le 20 septembre dernier, la Commission européenne a annoncé : "Une nouvelle approche de l'UE en matière de détection du cancer - dépister plus et dépister mieux".(1)

Les nouvelles recommandations comprennent, entre autres, les points suivants

- L'extension du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 45 à 74 ans (contre la tranche d'âge actuelle de 50 à 69 ans) ;
- Le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans.
- Dépistage du cancer de la prostate chez les hommes jusqu'à 70 ans sur la base d'un test d'antigène spécifique de la prostate, et d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le suivi.

Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :

Dépistage du cancer du sein

- Pour 2000 femmes dépistées par mammographie annuelle pendant dix ans, un décès par cancer du sein sera évité. Mais, en même temps, 200 femmes souffriront des conséquences de longue durée d'un résultat faux positif, et dix femmes seront surdiagnostiquées et surtraitées, avec tous les préjudices que cela comporte, allant de l'étiquette de malade du cancer aux effets secondaires et tardifs du traitement contre le cancer. Par conséquent, l'équilibre entre les bénéfices et les risques est incertain, et chaque femme devrait recevoir cette information.(2)
- L'extension du groupe ciblé augmentera proportionnellement les risques et diminuera les bénéfices associés à ce dépistage. Augmentation des risques : les femmes plus jeunes ont un tissu mammaire plus dense, ce qui augmente le taux de faux positifs, et les femmes âgées ont un risque concomitant plus élevé de mourir d'une autre cause que le cancer du sein, ce qui augmente le risque de surdiagnostic. Diminution des bénéfices : l'incidence du cancer du sein est beaucoup plus faible chez les femmes âgées de 45 à 49 ans et, par conséquent, la réduction de la mortalité est beaucoup plus faible en chiffres absolus ; chez les femmes âgées, le bénéfice attendu d'une diminution de la mortalité est beaucoup moins probable en raison de leur espérance de vie plus courte.

Dépistage du cancer de la prostate

- Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l'USPSTF, alors il existe des preuves solides de l'absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves ("cherry picking"), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3)
- Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c'est pourquoi, jusqu'à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n'a été mis en œuvre en Europe. 

Dépistage du cancer du poumon, de l'estomac et d'autres cancers

- Les données disponibles sur les bénéfices et les risques de ces dépistages sont encore rares. Ces programmes de dépistage suscitent également des inquiétudes quant aux faux positifs et au surdiagnostic. Aucun programme de dépistage de cancer dans une population ne devrait être mis en œuvre sans que des essais contrôlés randomisés correctement conçus sur des populations européennes n'évaluent l'équilibre entre les bénéfices et les risques liés à chaque dépistage.(4)

Le mythe du diagnostic précoce

Selon la Commission européenne, ces nouvelles recommandations visent à "augmenter le nombre de dépistages, en couvrant plus de groupes cibles et plus de cancers".

Bien que bien intentionné, cela se traduira, dans la pratique, par un plus grand nombre de personnes en bonne santé inutilement transformées en patients du fait du surdiagnostic.

En outre, et toujours malgré les bonnes intentions, cela se traduira, dans la pratique, par davantage de souffrances, de cancers et de coûts pour des systèmes de santé déjà surchargés et aux ressources limitées.

Enfin, et encore une fois, même si les intentions sont bonnes, dans la perspective de la crise climatique, les émissions de carbone des interventions de soins à faible valeur ajoutée, comme les programmes de dépistage proposés, ne sont pas durables. De plus, ces programmes vont accroître les inégalités sociales en matière de santé et promouvoir la loi inverse des soins.

La proposition de la Commission européenne repose sur un mythe médical. Selon la déclaration de la Commission européenne, "Plus le cancer est détecté tôt, plus cela peut faire une réelle différence en augmentant les options de traitement et en sauvant des vies". En matière de dépistage, il s'agit d'un mythe. Nous disposons aujourd'hui de données issues de programmes de dépistage en population qui montrent que le facteur essentiel de réduction de la mortalité par cancer n'est pas lié à un diagnostic précoce, mais à un bon accès aux soins de santé et aux nouveaux traitements du cancer.(5-7)

Dans le cas du cancer, très souvent, un diagnostic précoce ne signifie qu'un fardeau plus lourd pour la maladie, avec plus de souffrance.

NOTRE RECOMMANDATION

La proposition actuelle de la Commission européenne doit être révisée.

Si nous voulons vraiment améliorer la façon dont le cancer est traité en Europe, nous devons nous concentrer sur les points suivants :

- La prévention primaire : au niveau de la population, améliorer l'alimentation, augmenter l'activité physique, diminuer le tabagisme et la consommation d'alcool. L'efficacité des interventions sociétales structurelles a été démontrée par des preuves solides et de haute qualité, tandis que les interventions de prévention primaire au niveau individuel se sont avérées sans effet, ou seulement à court terme.

- Un bon accès aux soins de santé primaires. Chaque citoyen européen devrait avoir le droit d'avoir son médecin de famille, ce qui signifie avoir le droit d'être soigné par des médecins spécialisés en médecine de famille dans une relation de confiance et de continuité et où le médecin généraliste est formé à la médecine fondée sur les preuves.

- Prévention tertiaire : en cas de diagnostic de cancer, un accès rapide et de qualité aux centres oncologiques spécialisés (ou à d'autres spécialistes compétents) est essentiel pour améliorer les résultats. Cela inclut également un bon accès aux nouvelles thérapies anticancéreuses fondées sur des données probantes.

-Prévention quaternaire : de nouveaux programmes de dépistage devraient être mis en œuvre uniquement lorsque les bénéfices sont plus importants que les risques.

References

1. European Health Union: cancer screening [Internet]. European Commission - European Commission. [cited 2022 Nov 8]. Available from: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_5562
2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 4;(6):CD001877.
3. Harding Center for Risk Literacy. Early detection of prostate cancer with PSA testing [Internet]. Available from: https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of- cancer/early-detection-of-prostate-cancer-with-psa-testing
4. Heleno B, Thomsen MF, Rodrigues DS, Jorgensen KJ, Brodersen J. Quantification of harms in cancer screening trials: literature review. BMJ. 2013 Sep 16;347(sep16 1):f5334–f5334.
5. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014 Feb 11;348:g366.
6. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
7. Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.

Position de Europrev sur les primes sur objectif pour le dépistage du cancer du sein

Breast cancer screening in Europe

Le dépistage du cancer du sein de doit  pas être un indicateur de performance pour évaluer le travail des médecins généralistes.

Les incitations financières ne doivent pas exister pour le dépistage du cancer du sein.

Seulement trois pays de l'Europe pratiquent des incitations financières (primes sur objectifs de santé publique pour les médecins, liées au taux de participation au dépistage des femmes suivies et accordées selon la performance) pour effectuer le dépistage de cancer du sein , dont la France, le Portugal , la Croatie

Voici, en France, la communication d'Ameli sur la nouvelle ROSP du 25/11/22
Future convention médicale : « Un rendez-vous important pour les médecins et pour les assurés »

25 novembre 2022 "Nous proposerons par ailleurs de rénover la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) en en limitant le nombre d’indicateurs et en les concentrant davantage sur les enjeux de santé publique, notamment autour du dépistage des cancers et de la vaccination. Nous discuterons aussi d’un élargissement de son champ".

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Le surdiagnostic des cancers : un défi à l’ère du dépistage

Publié décembre 2022 - Traduction Cancer Rose

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S266700542200059X?via%3Dihub

Barbara K.Dunn12 , Steven Woloshin34 , Heng Xie5 Barnett S.Kramer26

1US National Cancer Institute, Division of Cancer Prevention, Bethesda, Maryland, USA
2 Member, The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, Vermont, USA
3 The Center for Medicine in the Media, Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Geisel School of Medicine at Dartmouth, Lebanon, New Hampshire, USA
4 Director, The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, Vermont, USA
5 Beijing Biostar Pharmaceuticals Co., Ltd, Beijing, China
6 Rockville, Maryland, USA

Résumé

"Le dépistage" consiste à rechercher des maladies précliniques, asymptomatiques, y compris le cancer. Le dépistage généralisé de cancers a conduit à une forte augmentation des cancers et des pré-cancers à un stade précoce. Les messages publics diffusés de manière omniprésente mettent en avant les bénéfices potentiels du dépistage de ces lésions, en se fondant sur l'hypothèse sous-jacente selon laquelle le fait de traiter le cancer à un stade précoce, avant qu'il ne se propage à d'autres organes, devrait permettre de le traiter et de le guérir plus facilement, par des interventions plus tolérables. L'intuition est si forte que parfois, des campagnes publiques sont parfois lancées sans mener d'essais probants comparant directement le dépistage aux traitements habituels.

Un test efficace de dépistage d’un cancer ne devrait pas uniquement augmenter l'incidence de la maladie préclinique à un stade précoce, mais aussi diminuer l'incidence des cancers avancés et métastatiques, et conduire ainsi à une diminution de la mortalité par cancer.
Autrement, les efforts de dépistage risquent de débusquer des réservoirs de lésions non progressives et à progression très lente qui n'étaient pas destinées à causer des symptômes, et des souffrances à la personne jusqu’à la fin de ses jours : un phénomène connu sous le nom de "surdiagnostic".
Nous présentons ici un bilan qualitatif du surdiagnostic de cancer et évoquons des exemples spécifiques dus à un dépistage généralisé dans la population, comprenant le neuroblastome, le cancer de la prostate, le cancer de la thyroïde, le cancer du poumon, le mélanome et le cancer du sein.

Les préjudices liés aux diagnostics de cancers et aux traitements inutiles appellent à une information équilibrée des personnes qui envisagent de se faire dépister, même dans le cas d'un test considéré bénéfique, afin de leur permettre de prendre une décision éclairée.

Nous présentons également des stratégies proposées pour atténuer les conséquences négatives du surdiagnostic.

1. Le dépistage, un bénéfice potentiel avec un sérieux inconvénient : le surdiagnostic

1.1. Définitions

Le dépistage de cancer consiste à rechercher un cancer avant l'apparition de tout symptôme. La présomption sous-jacente est que la découverte d'un cancer si petit qu'il ne se manifeste par aucun signe ou symptôme évident, devrait permettre de le traiter et de le guérir plus facilement grâce à des interventions plus tolérables. Dans le domaine de la santé publique, le dépistage de certains types de tumeurs, notamment celles dont l'incidence est la plus élevée, a été largement mis en avant et encouragé.

Au moins en théorie, tout test de dépistage permettant une détection plus précoce améliorerait vraisemblablement l'équilibre entre les bénéfices et les risques de la prise en charge du cancer.1, 2
En pratique, cela est vrai pour certains tests de dépistage du cancer, mais pas pour d'autres.  Compte tenu de l'importance accordée à des tests de dépistage de plus en plus sensibles, il est évident que ces tests sont capables de détecter des "cancers" à évolution très lente qui n'auraient jamais nui à la personne ou n'auraient jamais fait l'objet d'une attention clinique au cours de sa vie naturelle s'il n'y avait pas eu de test de dépistage.
Il s'agit d'un phénomène peu étudié et sous-estimé connu sous le nom de "surdiagnostic", qui fait l'objet du présent article.

Récemment, la National Library of Medicine (NLM) des États-Unis a ajouté le terme "surdiagnostic" à sa liste de rubriques médicales (MeSH), le définissant comme "l'étiquetage d'une personne par une maladie ou une condition anormale qui n'aurait pas causé de préjudice à la personne si elle n'avait pas été découverte, la création de nouveaux diagnostics en médicalisant des expériences de vie ordinaires, ou l'élargissement des diagnostics existants en abaissant les seuils ou en élargissant les critères sans preuve d'amélioration des résultats. Les individus ne tirent aucun bénéfice clinique du surdiagnostic, alors qu'ils peuvent subir un préjudice physique, psychologique ou financier".3
Cet ajout renforce la capacité à effectuer des recherches systématiques dans la littérature sur le surdiagnostic.

Il est bien évident que le surdiagnostic du cancer pourrait modifier l'équilibre entre les avantages et les inconvénients d'un test de dépistage réalisé sur des personnes asymptomatiques en bonne santé.

Il entraînerait une surmédicalisation conduisant à un surtraitement et à un "glissement" du diagnostic, c'est-à-dire à un déplacement des seuils conduisant à étiqueter les individus comme malades, même en l'absence de symptômes4, 5, 6.

En plus des désagréments physiques causés par des traitements inutiles, le fardeau psychologique lié au fait de savoir qu'on a un cancer, d'être étiqueté comme "patient", ainsi que les répercussions socio-économiques et le fardeau financier, tant au niveau personnel que sociétal, qui en découlent pour le patient, contribuent aux préjudices du surdiagnostic3.

Ces conséquences du surdiagnostic s'ajoutent aux risques, aux désagréments et aux inconvénients des tests de dépistage eux-mêmes. Il est important de noter que le surdiagnostic diffère du diagnostic erroné dans la mesure où le premier est considéré comme un vrai positif, révélant des lésions qu'un pathologiste qualifierait de cancer ou de pré-cancer.2, 7

1.2. Critères applicables au surdiagnostic

 1.2.1. Réservoir de maladie /cancer subclinique

L'absence de symptômes dans le contexte d'une maladie détectée par dépistage implique l'existence, dans le tissu examiné, de lésions subcliniques, c'est-à-dire occultes, qui répondent histologiquement à la définition de "cancer" ou de "malignité", ou de pré-cancer. Leur découverte déclenche généralement un traitement. Elles sont occultes parce qu'elles sont petites et confinées à un organe : il s’agit des caractéristiques mêmes qui rendent la résection chirurgicale si intéressante. Bien que de nombreux cancers détectés par le dépistage aient un potentiel létal, beaucoup d'autres progressent très lentement ou ne progressent pas du tout. L'histopathologie d'une biopsie fixée au formol n'est qu'un instantané dans le temps, sans révéler le comportement dynamique ou le potentiel de progression d'une lésion subclinique.1

Si leur découverte par le dépistage doit effectivement conférer un bénéfice clinique, leur élimination ou un autre traitement devrait faire basculer les cancers de stade avancé potentiellement mortels qui se produiraient dans le futur, vers le présent sous la forme de cancers de stade précoce plus faciles à traiter.8
Ce processus devrait se traduire à terme, au niveau de la population par une diminution de cancers de stade avancé et des décès par cancer dans une mesure équivalente à l'augmentation de l'incidence des cancers de stade précoce détectés par le dépistage. Néanmoins, une telle évolution peut être suffisante, mais elle n'est pas absolument nécessaire pour que le dépistage confère un bénéfice clinique.
Une diminution des cancers d'intervalle, qui se développent à une rapidité telle qu'ils échappent au dépistage et apparaissent entre deux dépistages, devrait également se produire lorsque des tests plus sensibles et plus efficaces sont introduits9.

Une intuition répandue est que toute lésion étiquetée par un pathologiste comme "cancer" ou "pré-cancer" aurait progressé si elle n'avait pas été découverte. Cela explique en partie pourquoi le cancer a été surnommé "l'empereur de toutes les maladies".10 Cependant, les essais cliniques ont montré que la progression des lésions subcliniques est très variable ; elle est influencée par le site du cancer et la biologie sous-jacente.11, 12
Hélas, il n'a pas été démontré que l'incidence des cancers à un stade avancé diminuait en lien avec un certain nombre de tests de dépistage couramment utilisés, ce qui rend difficile l'attribution des tendances observées en terme de mortalité au dépistage, en particulier dans le contexte des améliorations indéniables des thérapies systémiques pour les stades avancés de la maladie. Toutefois, les progrès techniques des modalités de dépistage peuvent contribuer au surdiagnostic en augmentant la sensibilité et en favorisant ainsi la découverte de lésions qui n'ont pas le potentiel de causer des préjudices13.

1.2.2. Un dépistage qui puise dans le réservoir de lésions subcliniques

Une condition essentielle du surdiagnostic est l'existence d'un réservoir substantiel de ces maladies subcliniques ou occultes, parfois appelées dans la littérature ancienne comme "pseudo-maladies".4, 11
En l'absence de toute recherche intentionnelle, ces lésions occultes échapperaient à la détection. La taille et l'histoire naturelle du réservoir latent de lésions subcliniques influencent l'équilibre entre les bénéfices et les risques d'un certain test de dépistage.
Les lésions à évolution plus lente sont présentes pendant une période plus longue et ont donc plus de chances d'être découvertes par le dépistage (Fig. 1A).
Ce phénomène contribue "à enrichir" les cancers dépistés par des tumeurs plus indolentes, tandis que les lésions apparaissant entre deux dépistages, les lésions "d'intervalle" manquées par le dépistage, ont tendance à être plus agressives et à se développer plus rapidement. Ce phénomène est connu sous le nom de "biais de sélection des meilleurs cas" ou "biais de lenteur d'évolution".
Une forme extrême de lenteur d'évolution est le surdiagnostic, qui se produit dans le cas de tumeurs à croissance très lente et non progressives (Fig. 1).8, 13, 14
Un autre facteur contribuant au surdiagnostic se produit si un test de dépistage introduit un long délai d’avance au diagnostic entre la détectabilité et la maladie clinique symptomatique. Dans ce cas, les patients peuvent mourir de causes non liées pendant ce délai en raison de causes concurrentes de décès, souvent liées à l'âge.

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Des preuves attestant de l'existence d'un important réservoir de maladies invasives et non invasives subcliniques dans la population générale proviennent d'études d'autopsie portant sur le cancer de la prostate, du sein et de la thyroïde.11 En outre, certains cancers évolutifs détectés par dépistage peuvent contribuer au surdiagnostic si le patient présente des comorbidités ou des conditions médicales qui entraîneraient son décès avant que tout bénéfice du dépistage ne se manifeste.15 Le cancer étant principalement une maladie associée au vieillissement, le risque de surdiagnostic du cancer peut donc augmenter au fur et à mesure que les patients accumulent des causes concomitantes de décès liés à l'âge.16 Pour toutes ces raisons, l'ampleur du surdiagnostic du cancer est susceptible de varier d'un pays à l'autre, en fonction de la prévalence du dépistage, de la pyramide des âges de la population et de la fréquence des autres pathologies. Au niveau de la population, le surdiagnostic entraîne une forte augmentation de l'incidence du cancer sans réduction concomitante de la mortalité, comme le montre la figure 2 .17.

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1.2.3. Autres situations de surdiagnostic

La découverte fortuite de tumeurs non ciblées lors d'un dépistage ou d'un bilan diagnostique pour d'autres pathologies peut être une source particulière de surdiagnostic. Ces tumeurs sont appelées incidentalomes. L'examen initial n'a aucun rapport avec la lésion découverte fortuitement.18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27
Une grande partie de la littérature sur les incidentalomes se concentre sur les organes endocriniens (par exemple, les glandes surrénales, parathyroïdes, hypophysaires, thyroïdiennes) mais aussi sur les lésions rénales et pulmonaires. En général, la technologie révélatrice implique l'imagerie, bien que même un simple examen physique puisse être en cause, comme la palpation de nodules thyroïdiens lors d'un examen de routine. L'anxiété et les préjudices liés aux incidentalomes peuvent être similaires à ceux d'un surdiagnostic classique.20, 21
Un individu en bonne santé a été transformé en patient subissant désormais toutes les toxicités psychologiques, physiques et financières associées à la maladie, souvent avec des bénéfices incertains.

2. Surdiagnostic détecté lors du dépistage de cancers spécifiques

2.1. Neuroblastome

L'exemple emblématique de surdiagnostic est le neuroblastome. Apparaissant généralement sous la forme d'une masse dans le cou, la poitrine, l'abdomen ou le bassin d'un nourrisson ou d'un jeune enfant, le neuroblastome peut être mortel.28 La peur associée à ce pronostic inquiétant chez un nourrisson a entraîné le recours au dépistage pour détecter les tumeurs à un stade précoce. Le dépistage était étonnamment simple : il consistait à recueillir des urines dans lesquelles les métabolites des catécholamines produites par le cancer (acide vanillylmandélique et homovanillique) étaient détectables.

La combinaison de ces caractéristiques a conduit à l'inclusion systématique du dépistage des catécholamines chez les nourrissons au Japon, et à une augmentation conséquente de l'incidence des neuroblastomes sans diminution concomitante de la mortalité (Fig. 3A).29 Les cancers détectés par le dépistage, même ceux qui ne sont pas à un stade avancé, sont traités de manière agressive par chirurgie et chimiothérapie.28 L'absence de réduction de la mortalité avec le dépistage a également été documentée dans des essais pilotes au Canada et en Allemagne.30, 31, 32 Ces observations suggèrent fortement un surdiagnostic dû au dépistage généralisé.7,29 Le dépistage en population a donc été arrêté au Japon, avec une réduction rapide de l'incidence des neuroblastomes et sans augmentation de la mortalité (Fig. 3B).33, 34

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2.2. Le cancer de la thyroïde

La palpation systématique de la thyroïde dans le cadre de l'examen physique standard révèle fréquemment des nodules : jusqu'à 21% des nodules thyroïdiens sont découverts par palpation,35 ce chiffre augmentant en outre avec le dépistage du cancer de la thyroïde par échographie cervicale.36, 37 Cette pratique a conduit à une épidémie de cancers de la thyroïde,38, 39 largement confinée à l'histotype papillaire à croissance la plus lente, qui représente jusqu'à 87% de l'augmentation.38 Dans un cas classique de surdiagnostic, la mortalité spécifique au cancer de la thyroïde est restée pratiquement inchangée (Fig. 2).17, 38, 40
Mais il existe des risques évidents, notamment une intervention chirurgicale inutile qui peut entraîner une ablation par inadvertance de la parathyroïde (hypoparathyroïdie) et une lésion du nerf laryngé récurrent (enrouement permanent).41, 42 L'imagerie entourant la région thyroïdienne, bien qu'elle soit réalisée pour d’autres pathologies non thyroïdiennes, peut également entraîner un surdiagnostic du cancer de la thyroïde, un cas classique d'incidentalomes.22

2.3. Le cancer de la prostate

Après l'introduction généralisée du dépistage par PSA dans les années 1980, l'incidence du cancer de la prostate a augmenté de façon spectaculaire aux États-Unis.1, 43
Cette augmentation est due à la détection par le dépistage d'un énorme réservoir de pathologie latente que les hommes hébergent en vieillissant. Des études autopsiques chez des hommes décédés de causes non liées au cancer de la prostate et des spécimens de cystoprostatectomie ont documenté la prévalence associée à l'âge d'un cancer de la prostate subclinique chez la plupart des hommes âgés.44, 45, 46
Ces observations, associées à l'incidence croissante des tumeurs à faible risque, suggèrent fortement qu'une grande partie des cancers de la prostate détectés par le dépistage sont indolents et n'auraient probablement jamais affecté la santé ou la longévité de l'individu.4

Parmi les 76 693 hommes de l'essai de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l'ovaire (PLCO), le suivi après 7 et 13 ans a montré une augmentation relative de 22 % et 12 % de l'incidence du cancer de la prostate, respectivement avec dépistage par rapport aux soins habituels47, 48 . Pourtant, la mortalité par cancer de la prostate ne différait pas d’un groupe à l’autre.
En revanche, l’étude européenne de dépistage du cancer de la prostate (ERSPC) randomisant 162387 hommes en 'dépistage tous les quatre ans' ou en 'soins habituels' a montré une réduction des décès par cancer de la prostate : RR = 0,80 (P = 0,04) et RR = 0,79 (P = 0,0001) à 9 et 11 ans, respectivement avec le dépistage par rapport au groupe contrôle.49, 50
En contrepartie de ces bénéfices, il y avait une incidence cumulative du cancer de la prostate environ 50 % plus élevée à 11 ans chez les hommes assignés au dépistage par rapport au contrôle.50 Cela suggère des préjudices associés au surdiagnostic qui devraient être mis en balance avec les bénéfices rapportés. Et cela démontre que le dépistage peut être associé à la fois au bénéfice de la réduction de la mortalité par cancer et au risque de surdiagnostic.

Sous l'influence des preuves de surdiagnostic du cancer de la prostate lié au dépistage, l'US Preventive Services Task Force (USPSTF) a recommandé en 2012 de ne pas procéder à un dépistage systématique du cancer de la prostate.51
Une recommandation modifiée en 2018 stipule que "les hommes âgés de 55 à 69 ans doivent prendre une décision individuelle sur l'opportunité de se faire dépister après une conversation avec leur clinicien sur les avantages et les inconvénients potentiels."
Pour les hommes ≥ 70 ans, les avantages ne sont pas supérieurs aux inconvénients (incontinence, impuissance, douleur liée à la chirurgie/radiation), en partie en raison des effets néfastes du surdiagnostic 52.

2.4. Le cancer du poumon

Les essais de dépistage du cancer du poumon ciblent généralement les personnes présentant un risque élevé de cancer en raison d'antécédents de tabagisme. Dans le cadre du Mayo Lung Project, la mortalité par cancer du poumon chez 9211 hommes fumeurs de cigarettes était similaire avec des radiographies thoraciques standard (CXR) et une cytologie des expectorations par rapport aux soins habituels.53
Un excès persistant de cas (exclusivement des tumeurs à un stade précoce) a été observé avec le dépistage par rapport aux soins habituels sans réduction de la maladie à un stade avancé : 583 contre 500, ce qui suggère un surdiagnostic. La technologie CXR, le dépistage du cancer du poumon dans la PLCO (Essai de dépistage de prostate, poumon, colorectal, and ovarien (PLCO Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian Cancer Screening Trial), n'a pas non plus montré de réduction de la mortalité due au cancer du poumon par rapport aux soins habituels.54, 55
Le National Lung Screening Trial (NLST) du National Cancer Institute (NCI) des États-Unis a randomisé 53 454 gros fumeurs pour trois dépistages annuels avec une tomographie par ordinateur à faible dose/hélicoïdale (LDCT)26,7,22 par rapport à une radiographie thoracique postéro-antérieure à image unique.26,7,32

Une réduction relative de 20% de la mortalité par cancer du poumon avec la LDCT (scanner faible dose) par rapport à la radiographie a été constatée initialement.56
Une analyse après 6,4 ans de suivi a suggéré que plus de 18% de tous les cancers du poumon détectés par LDCT étaient potentiellement surdiagnostiqués.57
Cependant, après 11,3 ans de suivi médian, 1701 cancers du poumon ont été diagnostiqués avec la LDCT(scanner faible dose) et 1681 avec la radiographie thoracique : RR = 1,01 (95% CI : 0,95, 1,09).
Ceci illustre l'importance d'un suivi suffisant. Les décès par cancer du poumon évalués lors d'un suivi médian de 12,3 ans étaient de 1 147 et 1 236 dans les groupes LDCT et radiographie thoracique respectivement (RR = 0,92, IC à 95 % : 0,85, 1,00).58
Les carcinomes broncho-alvéolaires (CCB) représentaient la plupart des cas de surdiagnostic associé à la détection par scanner faible dose,15 confirmant l'idée qu'il existe un sous-ensemble de lésions pulmonaires subcliniques contenant des cancers indolents, bien que d'apparence invasive, ainsi que des lésions in situ prémalignes.

Tous les programmes de dépistage du cancer du poumon ne sont pas réservés aux fumeurs de cigarettes, et le surdiagnostic pourrait être particulièrement fréquent chez les femmes asiatiques non fumeuses qui ne présentent pas de risque élevé de cancer.
Une étude de cohorte écologique basée sur la population et portant sur le dépistage par scanner faible dose chez les femmes à l'aide du registre du cancer de Taïwan (prévalence du tabagisme inférieure à 5 %) a montré que, de 2004 à 2013, l'incidence des cancers de stade précoce a été multipliée par plus de six (de 2,3 à 14,4/100 000 ; différence absolue, 12,1/100 000).
Cependant, l'incidence des cancers de stade avancé n'a pas diminué de manière concomitante (18,7 à 19,3/100 000 ; différence absolue, 0,6) avec l'augmentation des cancers de stade précoce au cours de cette période, et la mortalité est restée stable malgré une survie à 5 ans qui a doublé (18% à 40%), ce qui suggère que tous les cancers supplémentaires représentent un surdiagnostic du cancer du poumon.60
Les auteurs ont donc souligné la nécessité absolue de poursuivre les études sur le dépistage chez les femmes asiatiques. Un tel essai est en cours en Chine.

2.5. Le cancer du sein

Le dépistage par mammographie chez les femmes ≥ 40 ans a augmenté rapidement entre les années 1980 et le début des années 1990 (figure 4).11
Cela s'est accompagné d'une augmentation de l'incidence des cancers du sein à un stade précoce, avec une diminution beaucoup plus faible des cancers à un stade avancé et pratiquement aucun changement dans la maladie métastatique, ce qui suggère une tendance dominée par le surdiagnostic plutôt qu'un véritable changement de stade.61
Sur la base des données américaines Surveillance Epidemiology and End Results (SEER) 1976-2008, qui incluent la transition entre l'ère précédant et celle suivant l'institution du dépistage mammographique, chez les femmes ≥ 40 ans, un doublement des cas de cancer du sein à un stade précoce a été détecté chaque année (112 à 234 cas pour 100 000 femmes). La réduction concomitante du taux de cancer du sein à un stade avancé a été de 8 % seulement. Les auteurs ont ainsi estimé que le cancer du sein était surdiagnostiqué chez plus de 70 000 femmes, ce qui représente 31 % de tous les cancers du sein diagnostiqués61.

Une autre étude basée sur le SEER a montré qu'après l'introduction de la mammographie de dépistage, le pourcentage de petites tumeurs (< 2 cm invasives ou in situ) est passé de 36 % à 68 %. Il convient de noter que les taux de progression du carcinome canalaire in situ (DCIS) varient en fonction du grade histologique, les taux de progression les plus élevés étant associés aux DCIS de haut grade, bien que l'attribution du grade puisse être subjective. La mortalité liée au cancer du sein a diminué, mais cette baisse a été attribuée en grande partie à l'amélioration de la thérapie systémique.62 L'effet de l'introduction de la mammographie 3D, avec son remplacement partiel de la mammographie 2D, n'a pas encore été définitivement déterminé.

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Un rapport sur les préjudices associés au dépistage du cancer du sein dans 29 études a montré que le surdiagnostic variait largement, de 0 à 54 %, alors que dans les essais randomisés, la fourchette était de 11 à 22 %.61,63, 64, 65, 66
Cette grande variation dans la fourchette des estimations du surdiagnostic et la différence dans la taille de la fourchette entre les types d'études a été attribuée au type de données utilisées. Alors qu'aucune étude basée sur des données individuelles n'a donné une estimation supérieure à 17%, les études basées sur des données agrégées ont eu tendance à donner des estimations supérieures à 40%, une différence considérée comme trop systématique pour être une observation aléatoire. Il a été démontré que l'utilisation de données agrégées s'accompagne de biais qui peuvent conduire à un surdiagnostic65.

Les modèles statistiques dits "ajustés au délai d'avance au diagnostic" ont tendance à produire des estimations dans la limite inférieure de cette fourchette, tandis que les estimations dérivées des tendances de la population se situent dans la limite supérieure. Bien que la plupart des modèles statistiques publiés n'intègrent pas la possibilité d'un sous-ensemble de tumeurs non progressives, une publication récente l'a réalisé, estimant qu'un cas sur sept de cancer du sein détecté par dépistage est surdiagnostiqué67. Dans une population de femmes âgées de 50 à 74 ans (médiane 56 ; intervalle interquartile 52-64), parmi les 15,4% de cancers détectés par dépistage estimés être surdiagnostiqués, 6,1% étaient dus à la détection d'un cancer préclinique indolent, et 9,3% à la détection d'un cancer préclinique progressif chez des femmes qui seraient décédées d'une cause non liée, avant le diagnostic clinique du cancer du sein.

Les taux de surdiagnostic rapportés varient également en fonction du choix du dénominateur, chacun ayant des implications différentes. L'utilisation de l'ensemble de la population éligible au dépistage fournit des informations sur la lourdeur nationale du surdiagnostic. L'utilisation du nombre de femmes participant à un programme de dépistage comme dénominateur traduit la part supplémentaire de surdiagnostic associée à l'offre de dépistage dans un contexte organisé. La restriction du dénominateur aux femmes qui ont effectivement été dépistées fournit des informations sur la charge du surdiagnostic pour les femmes qui ont choisi de se faire dépister.

2.6. Mélanome

De fortes augmentations de l'incidence du mélanome cutané (mais pas des autres types de mélanome) ont eu lieu au cours des dernières décennies, triplant presque au cours des 30 années entre 1975 et 2005 selon les données du SEER.11, 68
Tout comme le cancer de la thyroïde, le dépistage du mélanome cutané ne dépend pas habituellement d'une intervention de haute technologie, reposant principalement sur un examen visuel à l'œil nu.69 Cependant, l'utilisation de la dermoscopie dans des mains expérimentées peut améliorer la spécificité du diagnostic, avec un effet inconnu sur le surdiagnostic. Les tendances au dépistage, reflétées par l'augmentation des taux de biopsie cutanée, ont été stimulées par des campagnes internationales de santé publique, en particulier dans les régions où l'exposition au soleil est importante, malgré l'absence de données probantes issues d'essais cliniques randomisés.70, 71

De plus, les critères pathologiques pour le diagnostic du mélanome ont été modifiés dans les années 1970 et 1980, et la migration des stades suite à l'introduction des biopsies du ganglion lymphatique sentinelle pourrait potentiellement être responsable d'une certaine dérive du stade.72 , 73
Les tendances démographiques montrent le schéma classique du surdiagnostic : prédominance des cancers de stade précoce et in situ parmi le nombre croissant de cas, avec peu ou pas de changement dans les maladies plus avancées ou dans la mortalité (Fig. 2).72, 74, 75, 76
Des études menées en Est Anglia (Angleterre de l'est), en Angleterre, et en Australie ont également documenté une augmentation de l'incidence du mélanome associée au surdiagnostic.77, 78, 79

3. Limiter le surdiagnostic : comment limiter ses effets néfastes ?

3.1. Moins de dépistage, et mettre un focus sur les populations à haut risque

L'identification d'une population présentant un risque élevé de cancers évolutifs peut atténuer la proportion de cancers détectés par dépistage qui sont surdiagnostiqués.1
La plupart des programmes de dépistage en population visent cet objectif, par exemple en utilisant des seuils d'âge pour le dépistage des cancers qui sont plus fréquents chez les personnes âgées (par exemple, le cancer du côlon, le cancer de la prostate, le cancer du sein, etc.)
D'autres critères d'éligibilité au dépistage peuvent inclure les expositions environnementales, professionnelles et iatrogènes. Les candidats au dépistage du cancer du poumon, par exemple, peuvent être des personnes ayant des habitudes de tabagisme actuelles et passées.
Mais dans l'ensemble, les outils actuels d'attribution du risque sont approximatifs. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir pour affiner cette stratégie.

3.2. Réagir face à l'enthousiasme excessif du public pour le dépistage

Les avantages potentiels du dépistage du cancer sont intuitifs pour les patients comme pour les professionnels de la santé. Aux États-Unis, les messages de santé publique encourageant la détection précoce remontent au début du XXe siècle et ont abouti à la création de l'organisation précurseur de l'American Cancer Society80 . De fait, une enquête nationale menée entre 2001 et 2002 a révélé que 87 % des adultes américains pensaient que le dépistage systématique du cancer était presque toujours une bonne idée et que 74% pensaient que la détection précoce du cancer permettait de sauver des vies la plupart du temps ou tout le temps.81 Une stratégie importante a été de créer un sentiment de vulnérabilité au cancer, suivi d'une offre d'espoir.82, 83 Il en résulte un système sans réactions négatives.

Le fait d'être rassuré par un dépistage négatif ou d'être satisfait par la découverte d'un cancer "précoce", vraisemblablement "guérissable", lors d'un dépistage positif, encourage l'acceptation sans lecture critique du dépistage.5, 84
En fait, les directives fondées sur des données probantes, telles que celles présentées par l'USPSTF sont largement contestées par les patients et les médecins, dont certains les considèrent comme contre-intuitives et les rejettent même, lorsque la possibilité de surdiagnostic et les inconvénients qui en découlent sont explicitement mentionnés.8
En réalité, bien que les femmes interrogées se disent généralement conscientes des faux positifs de la mammographie de dépistage, elles sont beaucoup moins nombreuses à être conscientes du surdiagnostic et du fait que le dépistage peut détecter des cancers qui n'évolueront peut-être jamais (Tableau 1).85, 86
Les femmes sont plus conscientes des bénéfices de la mammographie que de ses risques.

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Une approche plus nuancée et équilibrée des messages publics ainsi que de l'éducation sur l'existence du surdiagnostic est nécessaire. Les possibilités d'amélioration sont nombreuses. Dans une analyse de la couverture médiatique du dépistage du cancer, les gros titres mentionnaient rarement les concepts de "faible risque", de "surdiagnostic" ou de "surtraitement", même lorsque le texte intégral les mentionnait.87
Une enquête menée auprès de journalistes australiens (principalement spécialisés dans les questions de santé) a montré que, même s'ils connaissaient le terme "surdiagnostic", ils trouvaient le concept difficile à comprendre et à communiquer, étant donné les croyances dominantes sur les bénéfices de la détection précoce.88 Dans l'ensemble, leur connaissances des risques du surdiagnostic étaient limitées. Les premières données qualitatives suggèrent que les interventions visant à améliorer la compréhension de la recherche médicale par les journalistes à l'aide d'une fiche de conseils (tip sheet) sont réalisables.89

3.3. Révision de la terminologie

Lors d'une réunion du NCI américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement90. Le fait qu'une large proportion de DCIS, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le cancer de stade 0) afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".91, 92, 93
Comme indiqué ci-dessus, les taux de progression sont substantiels pour les DCIS de haut grade.

Les termes "cancer" et "carcinome" seraient réservés aux lésions susceptibles de progresser.94, 95, 96
Certains ont avancé le terme de "lésion indolente d'origine épithéliale (LIE)".90
Une telle approche de modification de la terminologie pour mieux s'adapter à la biologie sous-jacente a déjà été utilisée dans le cas de la néoplasie intraépithéliale cervicale (CIN), qui était autrefois appelée carcinome in situ, et dans le cas des tumeurs épithéliales à faible potentiel malin pour les lésions ovariennes.
Une autre approche suggérée a été de relever le seuil à partir duquel un résultat radiologique est qualifié d'"anormal".4, 11, 97
En outre, une sommaire étude qualitative récente  suggère que les femmes atteintes d'un DCIS ou d'un cancer du sein invasif appréciaient et pouvaient bénéficier d'une discussion sur le surdiagnostic du cancer du sein allant au-delà des informations données par leurs soignants.98

3.4. De meilleurs outils de pronostic

Un domaine de recherche important est le développement d'outils qui pourraient théoriquement identifier les surdiagnostics au niveau moléculaire pour les tumeurs individuelles.2, 99, 100 Il serait alors possible d'informer les patients avec plus de confiance si une tumeur récemment diagnostiquée a été surdiagnostiquée ou si elle est susceptible de progresser sans traitement. Un modèle pour cette approche est le score génomique de la prostate (GPS) d'Oncotype DX, un réseau d'expression de 17 gènes dont on a signalé la corrélation avec l'amélioration du suivi par biopsie, pendant la surveillance active du cancer de la prostate.101
Les décisions standard pour le cancer du sein de stade précoce et à récepteurs d'œstrogènes positifs utilisent déjà une catégorisation pronostique basée sur des signatures moléculaires testées dans le " score de récurrence " d'Oncotype DX et d'autres évaluations génomiques, ce qui permet d'éviter les thérapies agressives pour les cancers à faible risque.102 Des évaluations moléculaires comparables des lésions détectées par le dépistage et qui sont à faible risque auraient le potentiel d'éviter la tendance à suivre un surtraitement invasif et nuisible.103

4. Conclusions

Nous soulignons que le fait d'encourager une meilleure compréhension du surdiagnostic n'a pas pour but de décourager le dépistage des personnes concernées dans des contextes qui ont prouvé une réduction de la mortalité grâce à des preuves de haut niveau issues d'essais cliniques.
L'objectif est de permettre aux individus de prendre des décisions en toute connaissance de cause sur le dépistage en utilisant des messages équilibrés qui incluent une discussion sur le surdiagnostic quand son existence a été démontrée pour un test de dépistage donné.103, 104
Seulement dans ce cas, les individus peuvent réellement faire correspondre l'information à leurs valeurs personnelles, en connaissant les compromis en jeu.

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101. Kornberg Z, Cowan JE, Westphalen AC, et al. Genomic prostate score, PI-RADS version 2 and progression in men with prostate cancer on active surveillance. J Urol. 2019;201(2):300–307.

102. Paik S, Shak S, Tang G, et al. A multigene assay to predict recurrence of tamoxifen-treated, node-negative breast cancer. N Engl J Med. 2004;351(27):2817–2826.

103. Esserman LJ, Study W, Athena I. The WISDOM Study: breaking the deadlock in the breast cancer screening debate. NPJ Breast Cancer. 2017;3:34. 104. Welch HG, Kramer B. The crazy confluence of Congress, liquid biopsies, Medicare, and health inequities. STAT. 2022. [Internet]. 2022 March 10[cited 2022. Available from. https://www.statnews.com/2022/01/12/medicare-shouldnt-cover -liquid-biopsies-early-cancer-detection/

Déclaration des conflits d'intérêts

Le Dr Kramer consacre 25 % de son temps à une subvention de la Fondation Arnold Ventures pour un projet consacré à la formation des journalistes à l'évaluation critique des publications de recherche médicale. L'affiliation du Dr Kramer à cette fondation et à la Fondation Lisa Schwartz n'a eu aucune influence sur le contenu ou les opinions exprimées dans cet article. Le Dr Woloshin reçoit également des fonds de la Fondation Arnold (même subvention que le Dr Kramer) et est le fondateur de la Fondation Lisa Schwartz - là encore, aucune des deux fondations n'a eu d'influence sur cet article. Le Dr Xie est affilié à Beijing Biostar Pharmaceuticals Co., Ltd. et n'a aucun intérêt personnel ou organisationnel à influencer les opinions de cet article.

Remerciements

Les auteurs remercient le Dr Worta McCaskill-Stevens pour sa révision et ses conseils sur le contenu et Mme Carrie Robinson pour son assistance technique.

Contributions des auteurs

B.D., S.W., H.X et B.K. ont rédigé le manuscrit original et l'ont révisé.

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L’excès des carcinomes in situ, un défi posé par le dépistage

Cancer Rose, 17/12/2022

A l'heure où la pratique de prescription est au rajeunissement du début des mammographies systématiques (les spécialistes gynécologues ont tendance à commencer à 40 ans, certaines femmes conseillées de débuter dès 35 ans), et où le Conseil de l'UE "suggère" (mais ne recommande pas) la possibilité de débuter le dépistage à 45 ans, les données de cet article devraient susciter prudence et réflexions par rapport aux pratiques étatsuniennes, où le dépistage débute dès 40 ans.

Ductal Carcinoma in Situ: State-of-the-Art Review
https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.211839

Cette revue concernant le carcinome canalaire in situ proposée par Lars J. GrimmHabib Rahbar , Monica Abdelmalak , Allison H. Hall , Marc D. Ryser doit être connue des femmes, des prescripteurs, des radiologues.

Qu'est-ce qu'un CIS, et pourquoi sa surdétection est un problème?

Le CIS

Le carcinome in situ (CIS) du sein est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein.

Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS (carcinome canalaire in situ) présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes si elles ne sont pas détectées, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt simplement comme un facteur de risque de cancer du sein.

Les CIS alimentent largement les surdiagnostics, c'est à dire les détections de lésions qui sont inutiles aux femmes, mais seront traitées comme des cancers "vrais".
Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent. Ils ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d'incidence (taux des nouveaux cas) donnés par l'Institut National du Cancer, car considérés à part, et non en tant que cancers "vrais".

Actuellement, des essais de surveillance active plutôt que de traitement agressif d'emblée sont à l'essai, dont vous trouverez le détail dans l'article (lien ci-dessus).

Que doit-on retenir des caractéristiques épidémiologiques du CIS depuis l'introduction des dépistages ?

Il y a eu une augmentation spectaculaire de l’incidence du CIS à la suite de l’introduction de programmes organisés de dépistage du cancer du sein aux États-Unis dans les années 1980. Depuis que le programme étatsunien de surveillance, d’épidémiologie et de résultats finaux, (le SEER), a commencé à recueillir des données en 1975-1979 jusqu’en 2000, l’incidence du CIS a augmenté de 571 % (4,9 cas contre 32,9 cas pour 100 000 femmes)[1].
L’incidence du carcinome canalaire invasif n’a augmenté que de 31 % (56,7 cas contre 75,7 cas pour 100 000 femmes) au cours de la même période, même si elle représentait toujours les deux tiers des nouveaux diagnostics de cancer du sein (même réf.).

 De 2000 à 2014, l’incidence du CIS a augmenté chez les femmes âgées de 20 à 44 ans (1,3 %) est de 45 à 55 ans (0,6 %), tandis qu'elle a décru chez les femmes âgées de 55 à 69 ans (0,3 %)[2]

Avis de l'USTPSTF (groupe de travail étatsunien sur les soins préventifs)
11 janvier2016
https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/recommendation/breast-cancer-screening

Le carcinome canalaire in situ est un exemple de lésion mammaire susceptible d'entraîner des taux élevés de surdiagnostic et de surtraitement. Avant l'introduction de la mammographie de dépistage généralisée, 6 cas de CCIS pour 100 000 femmes américaines par an étaient identifiés, contre 37 cas de DCIS pour 100 000 femmes par an après son introduction. Lorsqu'il est classé comme cancer, le CCIS représente aujourd'hui environ 1 cas sur 4 de tous les cancers du sein diagnostiqués au cours d'une année donnée. Cependant, sa nomenclature a récemment fait l'objet d'un débat, car par définition, le DCIS est confiné au système canalaire-lobulaire mammaire et est incapable de métastases (c'est-à-dire qu'il est non invasif et n'a donc pas les caractéristiques classiques du cancer). Le carcinome canalaire in situ peut donc être classé de manière plus appropriée comme un facteur de risque de développement futur d'un cancer ....
Le taux de mortalité par cancer du sein à 20 ans après traitement d'un CCIS n'est que de 3 % .

Surdiagnostic et surtraitement -

Au cours des dernières décennies, il est devenu de plus en plus clair qu’une fraction substantielle des lésions de type CIS détectées par mammographie progressent lentement ou sont indolentes, conduisant à un surdiagnostic de tumeurs qui n’auraient pas causé de symptômes pendant le restant de la vie de la patiente en l’absence de dépistage[3] [4] [5].

Un examen des études d’autopsie a révélé que de 5,9 % à 18 % des femmes décédées d’autres causes avaient un CIS non détecté[6].
En 2009, une conférence nationale sur l’état de la science des instituts de santé a lancé un appel à l’action à la communauté de l’oncologie du sein pour réduire le surdiagnostic et le surtraitement du CIS, bien qu’aujourd’hui l’incidence du CIS et les modes de traitement demeurent essentiellement inchangés[7] . Les estimations du surdiagnostic du CIS sont principalement fondées sur des études de modélisation, qui font état de fourchettes incroyablement larges allant de 20 % à 91 % selon les différences dans les hypothèses du modèle. [8] [9] [10] [11]

Commentaire Cancer Rose, l'histologie n'est pas une science exacte.

Ce sont les anatomo-pathologistes qui, in fine, posent le diagnostic de carcinome.
Leur travail est d'examiner des cellules au microscope de se prononcer quant à leur malignité ou leur bénignité. Le problème c’est que si bon nombre de lésions sont indéniablement cancéreuses et d’autres indéniablement normales, certaines sont difficiles à classer et se situent « entre les deux ». On parle de "lésions frontières".

Il s’agit de lésions pour lesquelles on ne retrouve pas tous les critères de la bénignité qui permettraient de rassurer pleinement et où tous les critères de la malignité ne sont pas non plus réunis pour assurer un diagnostic de carcinome in situ. L'hyperplasie atypique est une de ces entités, parfois, et de peur de porter préjudice à la patiente, le verdict de l'anatomo-pathologiste est "upgradé", selon la perception de l'anatomopathologiste sur les critères qu'il retiendra pour surclasser une lésion intermédiaire en situ ou pas.

L'examen histologique est valide pour confirmer une maladie cancéreuse, qui est évoquée sur l'imagerie et sur sur la dynamique des symptômes de la patiente, il est valide aussi pour infirmer une lésion et assurer sa bénignité.
Mais il est mauvais quand il y a "suspicion", que cette suspicion résulte d'un examen de dépistage où le radiologue est dans le doute, l'anatomopathologie aura tendance à proposer abusivement une classification plus péjorative de peur de "louper" quelque chose, créant ainsi des faux positifs. [12]

Conclusion

Selon les auteurs de cette revue, la détection, le diagnostic et la prise en charge du carcinome canalaire in situ (CIS) demeurent un défi pour les radiologues du sein, les pathologistes et les chirurgiens, surtout actuellement dans un contexte enfin préoccupé par le surdiagnostic et le surtraitement.
Notre compréhension très limitée du CIS sur le spectre biologique, du cancer bénin au cancer invasif, et de l’histoire naturelle du CIS non traité constitue un défi majeur.
La génomique et l’imagerie fournissent des renseignements limités sur la progression du CIS vers le cancer invasif, expliquent les auteurs.
Les radiologues sont généralement familiers avec les présentations d’imagerie les plus courantes du CIS, mais notre compréhension de la relation entre les caractéristiques d’imagerie et les marqueurs pathologiques, les nouvelles techniques d’imagerie et l’analyse avancée des images continue d’évoluer.
Entre-temps, les essais de surveillance active fourniront bientôt une solide source de données sur le pronostic du CCIS pour les femmes diagnostiquées avec un CIS à faible risque, bien que ces attentes soient tempérées par un faible recrutement parmi les deux essais européens. Les radiologues peuvent jouer un rôle important en veillant à ce que l’inscription à la surveillance active soit plus sécuritaire pour les patients et en déterminant quand les patients peuvent être à risque de progression de la maladie.
De petites améliorations dans le diagnostic et la prise en charge du CIS peuvent avoir un impact positif majeur sur les patients étant donné l’incidence élevée du CIS.

Les radiologues sont donc bien placés pour jouer un rôle proactif dans l’exploration multidisciplinaire du DCIS.

Nous rajouterons, les anatomo-pathologistes aussi.


Références

[1] CancerStatFacts:FemaleBreastCancer.Surveillance,Epidemiology,andEnd Results Program. https://seer.cancer.gov/statfacts/html/breast.html. Accessed July 12, 2021.

[2] Ryser MD, Hendrix LH, Worni M, Liu Y, Hyslop T, Hwang ES. Incidence of Ductal Carcinoma In Situ in the United States, 2000-2014. Cancer Epi- demiol Biomarkers Prev 2019;28(8):1316–1323.

[3] van Seijen M, Lips EH, ompson AM, et al. Ductal carcinoma in situ: to treat or not to treat, that is the question. Br J Cancer 2019;121(4):285–292.

[4] Erbas B, Provenzano E, Armes J, Gertig D. e natural history of duc- tal carcinoma in situ of the breast: a review. Breast Cancer Res Treat 2006;97(2):135–144.

[5] Ryser MD, Weaver DL, Zhao F, et al. Cancer Outcomes in DCIS Patients Without Locoregional Treatment. J Natl Cancer Inst 2019;111(9):952–960.

[6] Erbas B, Provenzano E, Armes J, Gertig D. e natural history of duc- tal carcinoma in situ of the breast: a review. Breast Cancer Res Treat 2006;97(2):135–144.

[7] Allegra CJ, Aberle DR, Ganschow P, et al. NIH state-of-the-science con- ference statement: diagnosis and management of ductal carcinoma in situ (DCIS). NIH Consens State Sci Statements 2009;26(2):1–27.

[8] de Koning HJ, Draisma G, Fracheboud J, de Bruijn A. Overdiagnosis and overtreatment of breast cancer: microsimulation modelling estimates based on observed screen and clinical data. Breast Cancer Res 2006;8(1):202.

[9] van Luijt PA, Heijnsdijk EA, Fracheboud J, et al. e distribution of ductal carcinoma in situ (DCIS) grade in 4232 women and its impact on overdiag- nosis in breast cancer screening. Breast Cancer Res 2016;18(1):47.

[10] Yen MF, Tabár L, Vitak B, Smith RA, Chen HH, Du y SW. Quantifying the potential problem of overdiagnosis of ductal carcinoma in situ in breast cancer screening. Eur J Cancer 2003;39(12):1746–1754.

[11] Seigneurin A, François O, Labarère J, Oudeville P, Monlong J, Colonna M. Overdiagnosis from non-progressive cancer detected by screening mammog- raphy: stochastic simulation study with calibration to population based regis- try data. BMJ 2011;343(nov23 1):d7017.

[12] Hurley sF, kalDor Jm. The bene ts and risks of mammographic screening for breast cancer. Epidemiologic Reviews. 1992;14:101-129.

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L’amélioration de la mortalité par cancer du sein imputable aux traitements

Par Cancer Rose, 5/12/2022

Évaluation du dépistage par mammographie sur la mortalité par cancer du sein en Caroline du Nord.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36287307/

Burch AE, Irish WD, Wong JH. Une évaluation de la santé des populations concernant l'impact du dépistage mammographique sur la mortalité par cancer du sein en Caroline du Nord.
"A population health assessment of screening mammography on breast cancer mortality in North Carolina"
Ashley E BurchWilliam D IrishJan H Wong
DOI: 10.1007/s10549-022-06773-3

Objectif de l'étude

Les auteurs de la East Carolina University, Greenville, en Caroline du Nord (USA) ont réalisé une étude transversale*, intégrant des données provenant de bases de données gouvernementales et privées afin de modéliser les facteurs prédictifs du dépistage par mammographie et de la mortalité par cancer du sein en Caroline du Nord.
*Dans les enquêtes épidémiologiques transversales, les sujets formant l'échantillon font l'objet d'une investigation de durée limitée, ce qui permet d'aborder les phénomènes présents au moment de l'étude.

Population étudiée : en 2010, la Caroline du Nord comptait 9 535 483 habitants, dont 2 511 135 (26,3 %) étaient des femmes âgées de 40 ans ou plus. Parmi celles-ci, environ 1 678 416 femmes ont entre 40 et 74 ans inclus.

Résultat principal

Les progrès des traitements disponibles représentent vraisemblablement le principal contributeur à l’amélioration de la mortalité par cancer du sein.

Discussion

Les auteurs ont évalué la relation entre la mortalité par cancer du sein et les cancers avancés au moment du diagnostic, l'incidence du cancer du sein ajustée selon l'âge et les taux de dépistage par mammographie. En outre, ils ont inclus les trois variables qui se sont avérées être significativement liées aux taux de dépistage par mammographie : la pauvreté persistante, le pourcentage de personnes ayant fait des études supérieures et le score de littératie en matière de santé.
Parmi les variables évaluées, seules l'incidence du cancer du sein ajustée à l'âge et le score de littératie en santé sont significativement liés à la mortalité par cancer du sein.

Les auteurs écrivent : "Dans la présente étude, nous avons émis l'hypothèse que la variabilité substantielle des taux de mortalité par cancer du sein chez les femmes dans les comtés de Caroline du Nord et le stade tardif du diagnostic pouvaient s'expliquer, au moins en partie, par le manque d'accès à la mammographie de dépistage. Nos résultats étaient inattendus. Nous n'avons observé qu'une faible corrélation entre les taux de mammographie de dépistage au niveau des comtés de Caroline du Nord et la mortalité par cancer du sein et, dans une analyse multivariable, la mammographie de dépistage n'a pas contribué au modèle prédictif de la mortalité par cancer du sein au niveau des comtés.

Il a été démontré que le dépistage par mammographie augmente la proportion de cancers du sein à un stade précoce, dont un pourcentage indéterminé ne se manifesteront pas cliniquement au cours de la vie de la femme. Cependant, l'impact de la mammographie de dépistage sur la diminution du cancer du sein à un stade avancé au moment du diagnostic a été minime depuis son instauration.

Harding et ses collègues ont analysé plus de 10 ans de données de Centre de Surveillance, d'Epidémiologie et de Résultats Finaux (SEER) au niveau des comtés et ils n'ont pas observé de bénéfice du dépistage par mammographie en termes de mortalité au niveau de la population du comté chez les femmes âgées de ≥ 40 ans ayant subi au moins une mammographie au cours des deux dernières années. Nos résultats sont cohérents avec ces observations. Bien que l'incidence du cancer du sein soit prédictive d'une augmentation de la mortalité par cancer du sein, nous n'avons pas observé de corrélation entre le pourcentage des cancers avancés au moment du diagnostic et le taux de mammographies de dépistage au niveau du comté en Caroline du Nord.
Lire : https://cancer-rose.fr/2015/07/06/analyse-etude-jama/"

En effet (NDLR) l'étude Harding montre une non-réduction des cancers avancés, une non-réduction de la mortalité malgré la pression au dépistage des populations. (Cliquez sur l'image pour agrandir)

"Il est à noter qu'il n'y avait pas de corrélation significative entre les taux de dépistage par mammographie et les variables d'accès aux soins (installations mammographiques ou prestataires de soins de santé (médecins de soins primaires, médecins obstétriciens et gynécologues, assistants médicaux ou infirmiers praticiens)) ou la mortalité par cancer du sein........Le comté ayant le taux le plus élevé de mammographie de dépistage n’avait pas d’installations de mammographie dans le comté, bien qu’il se trouvait en périphérie d’une zone statistique centrale, et il présentait l’un des taux de mortalité par cancer du sein ajustés selon l’âge les plus élevés."

Cliquez sur l'image pour agrandir

"Malgré une acceptation générale des bénéfices du dépistage par mammographie, certains remettent en question l'ampleur des bénéfices attribuables au dépistage par mammographie et suggèrent que l'absence de baisse des cancers du sein au stade avancé du diagnostic est la preuve d'un surdiagnostic de cancers qui étaient destinés à ne jamais devenir cliniquement pertinents. La modélisation statistique suggère que le dépistage mammographique représente entre 28 et 65% de la diminution totale de la mortalité par cancer du sein. Nous avons constaté que le taux d'incidence du cancer du sein, combiné à la littératie de la santé, ne représente que 16,7 % de la variabilité de la mortalité par cancer du sein. Cela renforce la position selon laquelle les améliorations de la mortalité par cancer du sein sont dues, en grande partie, à l'amélioration des traitements."

................
Les auteurs rajoutent : "cette analyse est spécifique à la Caroline du Nord et nos résultats peuvent ne pas être directement applicables à d'autres États qui ont des caractéristiques de population et des données démographiques différentes. Cependant, la modélisation statistique utilisée dans cette étude pourrait être appliquée à d'autres populations pour comprendre l'effet du dépistage par mammographie sur la mortalité par cancer du sein."

Conclusion de l'étude

Cela suggère que les améliorations de la mortalité par cancer du sein sont en grande partie le résultat de l'amélioration des traitements et non du dépistage par mammographie.

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La survie au cancer du sein, un mauvais indicateur

28/11/2022

Nous avions déjà parlé maintes fois de l'indicateur statistique "survie", très souvent mis en avant par les promoteurs du dépistage et expliqué pourquoi cet indicateur n'étais pas un critère d'efficacité du dépistage, et était même fallacieux.
Les seuls indicateurs d'un dépistage efficace sont : la diminution drastique et perceptible de la mortalité, la baisse des formes graves de cancers, l'allègement des traitements.
Aucun de ces trois critères n'est obtenu dans le dépistage du cancer du sein.

Voici ici une explication simplifiée à l'aide de graphiques et vidéo : https://cancer-rose.fr/2021/10/18/quest-ce-que-la-survie/

L'étude que nous vous présentons ici démontre que cet indicateur n'est pas pertinent. Des biais impactent sa pertinence, comme le surdiagnostic très important dans le dépistage du cancer du sein (entre 20 et 50%) et le biais d'une population plus saine qui participe au dépistage.
1. La survie des cancers localisés est exagérément optimiste du fait des 
surdiagnostics qui augmentent, avec l'illusion de guérison qui les accompagne, alors que ce sont des lésions détectées mais qui de toute façon n'auraient jamais tué.
2. La survie est meilleure chez des personnes de niveau social plus avantagé et dont la santé de base est meilleure ( personnes correctement assurées et qui consomment davantage de soins).
2. La survie serait en effet meilleure dans les formes évoluées mais le dépistage est inapte à détecter ces formes agressives 'à temps' du fait de leur caractère agressif et de leur rapidité d'évolution.
3. La survie n'est pas un bon marqueur de l'efficacité des dépistages, mais de l'efficacité des traitements.

La survie

De quoi parle-t-on exactement ?

La survie globale à 5 ou à 10 ans correspond à la proportion de patients survivants 5 ou 10 ans après la date de diagnostic, quelle que soit la cause possible du décès (cancer ou autre cause).

La survie relative : elle sert à comparer le taux de survie d’un groupe de personnes atteintes d’une maladie au taux de survie attendu de personnes faisant partie de la population en général ne présentant pas la maladie, et qui ont les mêmes caractéristiques, comme l’âge et le sexe.
La survie relative permet d’exprimer la probabilité de survie au cancer pendant une période donnée, habituellement 5 ans. Un taux de survie relative de 80 % après 5 ans, par exemple, signifie que, en moyenne, les personnes atteintes de ce cancer en particulier ont 80 % de chances de vivre 5 ans ou plus après avoir reçu leur diagnostic, comparativement aux gens du même âge et du même sexe qui font partie de la population en général.
Il est possible qu'on obtienne des estimations de survie relative supérieures à 100 %. Cela signifie que la survie observée chez les personnes atteintes de cancer est meilleure que celle prévue chez la population générale.

Survie spécifique au cancer : il s'agit du pourcentage de patients atteints d'un type et d'un stade spécifique de cancer qui ne sont pas décédés de leur cancer pendant une certaine période après le diagnostic.
Cette période peut être de 1 an, 2 ans, 5 ans, etc., 5 ans étant la période la plus souvent utilisée. La survie spécifique au cancer est également appelée survie spécifique à la maladie. 

L'étude

L'étude de J.Marti* présente trois comparaisons portant sur des femmes subissant des mammographies de dépistage d'intensité variable, à des taux plus élevés ou plus faibles et en fonction de la période, de l'âge de la patiente et de son statut d'assurance. Les trois comparaisons montrent des associations cohérentes entre un recours accru au dépistage et des taux de survie relative supérieurs à 100 %.
Ces données indiquent que les femmes ayant subi un dépistage intensif et chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein à un stade précoce (cancer du sein invasif de stade I ou carcinome canalaire in situ) vivent plus longtemps que leurs homologues appariés selon l'âge, le sexe et l'ethnie.

Ces résultats montrent que les statistiques de survie sont de mauvais indicateurs de l'efficacité du dépistage du cancer.
L'effet de l'utilisateur en bonne santé produira des taux de survie relative plus élevés que la survie spécifique à la maladie. Si les taux de survie spécifiques à la maladie sont proches de 100 %, il en résultera des taux de survie relative qui pourront dépasser 100 %.
Ce phénomène est observé dans le cas de certains cancers détectés par dépistage, pour lesquels les taux de survie spécifiques à la maladie sont proches de 100 % en raison d'un biais lié au temps d'avance au diagnostic (le dépistage avance la date du diagnostic) et d'un biais de lenteur d'évolution (le dépistage détecte de préférence les cancers à évolution lente ou non évolutifs).
Il s'agit de caractéristiques des types de cancer qui sont sujets au surdiagnostic, c'est-à-dire à la détection de cancers à la biologie indolente qui ne causeront pas de symptômes, de décès ou d'autres dommages au cours de la vie de la personne.
Par conséquent, des taux de survie relative supérieurs à 100 % indiquent que la population étudiée est en meilleure santé que la population témoin non atteinte de cancer, et en plus que bon nombre des tumeurs détectées par le dépistage sont des tumeurs à très faible risque pour la personne détectée, et qui ont un comportement indolent, c'est à dire ne tueront pas la personne de toute façon, détectées ou pas.

  • Jennifer Marti travaille au Weill Cornell Breast Center, Department of Surgery, Weill Cornell Medicine, New York, NY, USA/ Le Dr Jennifer Marti est également le chercheur principal de l'essai COMET à Cornell, essai portant sur la pertinence d'une simple surveillance active dans le carcinome in situ du sein.

Implications de l'étude

Premièrement, ces données indiquent que les résultats favorables qui ont été observés dans les cancers du sein détectés par dépistage sont, en partie, attribuables à l'effet de l'utilisateur en bonne santé et au surdiagnostic de tumeurs biologiquement indolentes. Ces résultats de bonne survie au cancer du sein ne sont donc pas attribuables, comme l'avancent des promoteurs du dépistage, à un effet de 'rattrapage' de tumeurs agressives en récoltant davantage de tumeurs de bas stade, puisque le taux des cancers agressifs reste stable malgré les campagnes de dépistage instaurées.

Deuxièmement, ces connaissances, véhiculées auprès de la population féminine, aideraient à pallier une partie de l'anxiété à laquelle est confrontée une femme ayant reçu un nouveau diagnostic de cancer du sein.
La tendance qu'ont les patientes et les médecins à demander et à privilégier des traitements agressifs pour de petits cancers du sein à faible risque, détectés par le dépistage, pourrait être déforcée.

Troisièmement, ces données renforcent au contraire l'effort à placer sur des études de surveillance active du cancer du sein, car elles montrent que le diagnostic d'un cancer du sein à un stade précoce ne signifie pas que la survie d'une femme est compromise par rapport à la population générale.

Intégralité de l'étude, traduite en français

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Dépistage, temps pour une désescalade ?

Par Cancer Rose, le 21/11/2022

Dépistage du cancer du sein : Y a-t-il de la place pour la désescalade ?

Leah S. Kim  - Donald R. Lannin
Rapports actuels sur le cancer du sein- https://doi.org/10.1007/s12609-022-00465-z

Department of Surgery and Yale Comprehensive
Cancer Center, Yale University School of Medicine, PO Box 208062, New Haven, CT 06520, USA

Synthèse

Objet de la revue
Le dépistage du cancer du sein est très controversé et les différentes institutions indiquent des lignes directrices très variables. Cependant, le dépistage est actuellement pratiqué à grande échelle aux États-Unis et l'on pense souvent que "plus on en fait, mieux c'est".
L'objectif de cette revue est d'évaluer objectivement les risques et les bénéfices de la mammographie de dépistage et d'examiner s'il existe des situations où l'on pourrait procéder à une désescalade.

Conclusions récentes
Au cours des dernières années, plusieurs méta-analyses ont été réalisées de manière concordante et il est généralement admis que le principal avantage du dépistage par mammographie serait une réduction d'environ 20 % de la mortalité par cancer du sein. En réalité, environ 5 % des patientes ayant des tumeurs détectées par mammographie en sont concernées.

Il est actuellement établi que le principal préjudice du dépistage est le surdiagnostic, c'est-à-dire la détection d'un cancer qui ne causera aucun préjudice à la patiente et qui n'aurait jamais été détecté sans le dépistage. Cela représente actuellement environ 20 à 30 % des cancers détectés par le dépistage.

La découverte de cancers supplémentaires par un dépistage plus intense n'est pas toujours une bonne chose, car dans cette situation, le risque de surdiagnostic augmente et le bénéfice diminue. Dans certains groupes, le risque de surdiagnostic approche les 75 %.

Résumé
L'objectif du dépistage ne devrait pas être simplement de trouver plus de cancers, mais d'éviter de trouver des cancers qui n'auraient jamais causé de préjudice au patient et qui conduiraient à un traitement inutile. Les auteurs suggèrent certaines situations dans lesquelles il serait raisonnable de 'désescalader' le dépistage.

Introduction

Selon l'American Cancer Society, environ 287 500 femmes recevront un diagnostic de cancer du sein invasif et 43 250 femmes en mourront aux États-Unis en 2022.
......
En raison de son risque conséquent pour la santé, des programmes de mammographie de dépistage ont été massivement introduits dans la population depuis les années 1980, et différentes études indiquaient une réduction de la mortalité liée au cancer du sein entre 0 à 40%.
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La mammographie de dépistage...n'est pas un outil parfait et comporte des risques associés, notamment le surdiagnostic, les faux positifs, le surtraitement, l'exposition aux rayonnements et les répercussions psychosociales du stress et de l'anxiété. Par conséquent, ce sujet est devenu très controversé et a été au centre de nombreux débats récents, tant dans le domaine médical que dans les médias publics. En raison de ces risques, la question qui se pose est de savoir si les patientes bénéficieraient de la désescalade de la mammographie de dépistage et du traitement qui s'ensuit.
L'objectif de cette étude est de discuter les principaux bénéfices et risques associés à la mammographie de dépistage et d'identifier les domaines potentiels où une désescalade serait possible.

Méthodologie épidémiologique utilisée pour l'évaluation de la mammographie de dépistage

Dans presque tous les établissements hospitaliers du monde dotés d'un programme de dépistage par mammographie, il est considéré que les patientes atteintes d'un cancer du sein diagnostiqué par mammographie auraient un taux de survie plus élevé et nécessiteraient des traitements moins lourds que les patientes diagnostiquées sur la base de symptômes cliniques au niveau du sein. Par conséquent, le ressenti au quotidien des médecins et des patientes est que la mammographie permet un diagnostic plus précoce et un meilleur taux de guérison.

Mais cela prouve-t-il que le dépistage par mammographie est bénéfique ? La réponse, étonnamment, est non. Il existe un certain nombre de biais importants qui expliquent en majeure partie  l'amélioration de la survie qui est perçue.

Le premier est le biais du temps d'avance au diagnostic (ou phénomène de déplacement de l'origine (du cancer) ou "lead time bias"). Il s'agit du délai entre le moment où un cancer peut être détecté par mammographie et le moment où il serait découvert cliniquement. Nous savons maintenant que ce délai varie énormément selon les tumeurs, de moins d'un an à plus de 30 ans. Toutefois, si le délai moyen dans un groupe de patientes diagnostiquées par mammographie est de 5 ans, ces patientes vivront 5 ans de plus qu'un groupe détecté cliniquement sans que l'histoire naturelle de la maladie ne soit modifiée.

NDLR : Pour prendre une analogie du biais d'avance : un train qui roule vers Paris déraille à Orléans à 15 heures emportant la vie de nombreux passagers. Si vous montez dans ce train à Bordeaux, alors vous vivrez encore trois heures et demie. Si vous montez dans ce même train à Tours, vous vivrez encore 30 minutes. Quoi qu’il en soit, votre train, lui, déraillera toujours à 15 heures. De même façon le dépistage anticipe la "date de naissance du cancer", donnant l'illusion d'une durée de vie plus longue, en fait c'est la durée de 'vie avec cancer' qui s'allonge. Voir illustration ci-dessous-

Schéma issu du livret OMS https://apps.who.int/iris/handle/10665/330852, NDLR

Le deuxième biais important est le biais de lenteur de l'évolution (ou biais de sélection des cas de meilleur pronostic ou "length time bias"). Les mammographies de dépistage sont beaucoup plus susceptibles de détecter des tumeurs à croissance lente et un long temps d’avance que des tumeurs à croissance rapide. Ainsi, même lorsqu'elles sont associées à la taille de la tumeur, les tumeurs détectées par mammographie auront une biologie plus favorable et caractérisée par une meilleure survie.

En outre, il existe d'autres biais de sélection car ce sont les patientes en bonne santé ou disposant de meilleures ressources socio-économiques qui sont beaucoup plus susceptibles de passer une mammographie de dépistage et aussi, indépendamment, de recevoir de meilleurs soins et d'être guéries.

La seule façon de contourner ces biais est de changer le dénominateur des courbes de survie, en passant du patient individuel atteint de cancer à la population dont le patient est issu.
La figure 1 illustre ce concept. Le dépistage entraîne toujours une augmentation du nombre de cancers détectés, à la fois en raison du temps d'avance au diagnostic évoqué plus haut, mais aussi en raison du surdiagnostic qui sera abordé plus loin. Comme le montre la figure, même s'il n'y a pas de réduction effective des décès au sein de la population, le nombre de décès parmi les patients atteints de cancer sera toujours réduit grâce au dépistage. La vraie question à laquelle nous devons répondre, cependant, est de savoir si le le nombre de décès des patients dans la population est réduit grâce au dépistage. Ce bénéfice, s'il existe, sera plus faible et plus difficile à détecter. Il faut pour cela de grandes études de population, et il n'y en a eu que huit, toutes réalisées dans les années 1960 à 1980. Une grande partie de la controverse porte donc sur la manière d'interpréter ces vieilles études. Et comme le dépistage par mammographie fait désormais partie intégrante de notre pratique médicale, il n'y aura probablement plus jamais d'étude similaire.

NDLR : si on rapporte le nombre de décès aux nombres de cancers, le dépistage donne une illusion d'efficacité puisque le dépistage recrute plus de cancers dont des cancers de diagnostics inutiles (les surdiagnostics) ; le dénominateur (taux de cancers) augmente, ce qui donne l'illusion qu'il y a moins de décès ; mais si on rapporte le nombre de décès à la population existante, on voit que le résultat est le même entre les populations dépistées et non dépistées)

Bénéfices et risques de la mammographie

Bénéfice en termes de mortalité

De nombreuses études traitent des bénéfices et des risques de la mammographie, mais le bénéfice le plus cité est la réduction de la mortalité par cancer du sein.
Selon Shepardson et Dean (2), trois méta-analyses distinctes des huit essais contrôlés randomisés ont montré une réduction de 18 à 20 % de la mortalité chez les femmes invitées à subir un dépistage. Ces résultats ont été repris par une revue systématique de Myers et al. en 2015 (3), qui a constaté une réduction globale de 20 % de la mortalité liée au cancer du sein chez les femmes de tous âges à risque moyen, sur la base d'estimations groupées de méta-analyses d'essais contrôlés randomisés.
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Il a été donc établi que la détection précoce du cancer du sein par le dépistage de la population a eu une incidence positive sur la santé des femmes aux États-Unis et dans le monde entier. Cependant, une diminution de 20 % est en fait assez faible ; cela signifie que 80 % des femmes qui seraient décédées en absence de mammographie mourront quand même malgré la mammographie de dépistage.

Bénéfices d'un traitement moins agressif

Un autre bénéfice moins souvent évoqué est que les cancers du sein détectés par la mammographie de dépistage sont plus petits, moins susceptibles de métastaser dans les ganglions lymphatiques et plus susceptibles d'être traités efficacement par une thérapie de conservation du sein et sans chimiothérapie. Ces éléments sont importants pour la santé physique et mentale des patientes, car des traitements moins intensifs entraînent moins de toxicité, un rétablissement plus rapide et moins de complications.
Cependant, si on exclut les cancers surdiagnostiqués qui sont actuellement surtraités du groupe dépistage, le bénéfice pour les patientes restantes est beaucoup moins évident.

Les risques

Les multiples organismes américains, tels que l'US Preventative Services Task Force (USPSTF), le National Comprehensive Cancer Network (NCCN), l'American College of Obstetrics and Gynecology, l'American Cancer Society (ACS) et l'American College of Radiology (ACR), ont des recommandations de dépistage différentes en raison des limites et des préjudices de la mammographie de dépistage de la population. Parmi les risques les plus cités, figurent le surdiagnostic, l'exposition aux rayonnements, la douleur pendant la mammographie, les faux résultats positifs et la détresse sur le plan psychosocial.

Exposition aux radiations

......Une étude menée en 2018 a démontré que la dose moyenne de rayonnement était de 2,74 mGy pour chaque sein dans un test à deux vues. Il existe un débat selon lequel les irradiations des dépistages en série peuvent provoquer un cancer du sein. Cependant, Miglioretti et al. (21) ont modélisé que le dépistage annuel des femmes âgées de 40 à 75 ans pourrait induire une moyenne de 125 cancers du sein mais éviter 968 décès par cancer du sein en raison de la détection précoce. En d'autres termes, pour un cancer du sein radio-induit on pourrait éviter 8 décès par cancer du sein. Dans le même ordre d'idées, Hendrick (22) suggère qu'une seule mammographie numérique de 3 mGy présente le même risque de provoquer un cancer que deux mois de rayonnement naturel aux États-Unis.
Par conséquent, le rapport bénéfice/risque de radiation reste globalement en faveur de la mammographie de dépistage.
Cependant, les médecins doivent évaluer les risques individuellement avec chaque patiente lorsqu'ils discutent du dépistage.

NDLR : cet avis n'est pas partagé par tous-La toxicité des rayons X n’est pas uniquement dépendante de la dose reçue par les tissus.
Selon les travaux des radiobiologistes, les microdoses répétées présentent une radiotoxicité plus élevée sur les brins d’ADN qu’une dose équivalente délivrée en une seule fois (les brins se cassent sous l’effet du rayonnement ionisant et n’ont le temps ni de se reformer ni de se réparer entre les différents clichés). Avec des cassures mal réparées, la cellule peut dégénérer en cellule cancéreuse.
Bien identifée par le travail des radiobiologistes, la radiotoxicité est d’autant plus forte que les premières mammographies ont lieu tôt dans la vie d’une femme, que les examens sont fréquents et que l’on multiplie le nombre de clichés par séance.
Par ailleurs, il faut prendre en compte le fait qu’une femme, dans son existence, subira probablement d’autres examens à rayons X, comme les scanners par exemple, et dont les doses se cumulent avec les examens mammographiques.
Le rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en 2020 précise bien la chose suivante : « ... les faibles doses efficaces, associées aux examens ne portant que sur une petite partie du corps – tels que les radiographies dentaires ou la mammographie par exemple –, ne doivent pas masquer que l’exposition locale, aux glandes salivaires ou à la glande mammaire dans le cas des exemples précités, peut être relativement élevée ». Ce qui signifie qu’il faut tenir compte du fait que cette dose est concentrée sur l’organe irradié.

NDLR : le problème de l'irradiation est essentiellement celui du traitement par radiothérapie-Le problème est donc posé dans le cadre d'un surdiagnostic, dans la mesure ou quasiment tout cancer (même le surdiagnostiqué) est traité par radiothérapie. Le traitement alors inutile (surtraitement d'un surdiagnotic) avec de la radiothérapie pose un réel problème de radiotoxicité, et ce de façon plus importante.

Faux positifs

Un deuxième préjudice associé à la mammographie de dépistage est le risque de faux positifs. Ceux-ci entraînent une cascade potentielle d'imagerie diagnostique supplémentaire, des biopsies potentiellement bénignes, de la détresse psychologique et l'utilisation accrue des ressources de santé. Aux États-Unis, le taux de faux positifs sur 10 ans dans le cadre d'un dépistage annuel est de 61 %. Et malheureusement, une mammographie faussement positive peut nécessiter jusqu'à deux ans de surveillance avant que la patiente ne soit déclarée exempte de cancer. En outre, des recherches ont montré que les femmes ressentent une détresse psychologique pendant au moins trois ans après le dépistage.

Les avancées technologiques en matière de dépistage ont permis d'améliorer la sensibilité et la spécificité de la mammographie. La tomosynthèse mammaire numérique est une plateforme d'acquisition d'images en trois dimensions qui contribue à traiter ce problème en réduisant les taux de rappel de 15 à 17 % par rapport à la mammographie classique en deux dimensions.
NDLR : ceci doit être nuancé et est controversé, lire : https://cancer-rose.fr/2022/05/17/%ef%bf%bc/

Surdiagnostic

Au cours de la dernière décennie, nous nous sommes rendus compte que le surdiagnostic est le principal préjudice du dépistage du cancer du sein. L'objectif du dépistage étant de détecter les cancers à un stade précoce, il est inévitable que certains cancers détectés par le dépistage soient découverts si tôt qu'ils ne deviennent jamais cliniquement symptomatiques au cours de la vie d'une patiente, ce que l'on appelle le surdiagnostic.
Les cancers se développent à des rythmes variables et certains progressent plus lentement que d'autres, certains restent statiques et d'autres peuvent même régresser. Malheureusement, notre capacité à prédire quels cancers sont indolents est très limitée. Comme nous ne pouvons jamais savoir avec certitude quels cancers sont surdiagnostiqués, tous les cancers détectés par dépistage entraînent des interventions telles que la chirurgie, la radiothérapie, la chimio et l'endocrinothérapie adjuvantes, qui contribuent toutes à la morbidité physique et psychosociale du patient

L'estimation de la fréquence du surdiagnostic s'est avérée compliquée et controversée, et les études ont rapporté des taux allant de 0 à 50%. Cette grande divergence est due à des méthodologies différentes et au fait que le CCIS (carcinome canalaire in situ, stade O du cancer) est considéré ou non comme un surdiagnostic.
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Il existe deux principaux types de preuves suggérant un surdiagnostic : les études de population et les essais cliniques. (NDLR : également des études d'autopsie, https://cancer-rose.fr/2017/12/14/frequence-des-cancers-latents-de-decouverte-fortuite/)

La première évocation du surdiagnostic a été décrite par Esserman et al. (31) dans une étude de 2009 sur l'incidence du cancer du sein dans la base de données 'Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER)'.
Avec l'introduction de la mammographie de dépistage dans les années 1980, l'incidence du cancer du sein aux États-Unis a rapidement augmenté d'environ 40 %. Si cette augmentation était uniquement due à la détection précoce, on s'attendrait à ce qu'après la période d'avance des cancers détectés, l'incidence diminue pour revenir au niveau de base. Pendant les 40 années suivantes, l'incidence n'a pas diminué, ce qui dépasse de loin les délais raisonnables et suggère qu'une grande partie de l'augmentation était due à un surdiagnostic.
Bleyer et Welch et Welch et al (32)(33) ont étudié ce phénomène plus en détail dans deux articles classiques du New England Journal of Medicine. Ils ont constaté que les cancers (après 3 décennies de dépistage, NDLR) de petite taille et de stade précoce ont augmenté de manière significative, alors que les cancers de grande taille ou de stade avancé n'ont que légèrement diminué. (On augmente le réservoir des petites tumeurs de bon pronostic sans réduction des tumeurs plus graves ni réduction de mortalité, donc sont découvertes des petites tumeurs peu graves qui n'auraient jamais nui aux femmes, NDLR)
Cela signifie qu'une grande partie des petites tumeurs ne sont pas destinées à devenir de grosses tumeurs. Ils ont estimé que le taux de surdiagnostic était de 22 % pour les cancers invasifs et de 31 % si l'on inclut le CCIS. De même, lorsque la mammographie de dépistage a été introduite en Norvège et en Suède, l'incidence du cancer du sein a doublé et les auteurs ont estimé qu'un tiers des cancers invasifs étaient surdiagnostiqués.

Il existe également des preuves importantes provenant des essais randomisés sur le dépistage par mammographie. .......
Une étude récemment publiée sur le suivi à long terme des deux essais canadiens 25 ans après le recrutement montre que chez les femmes âgées de 40 à 49 ans, le taux de surdiagnostic était de 30 % pour les tumeurs invasives et de 40 % si le CCIS était inclus, et que chez les femmes âgées de 50 à 59 ans, il était de 20 % pour les tumeurs invasives et de 30 % si le CCIS était inclus.
(NDLR -Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2016/11/20/etude-miller/)

Nous comprenons maintenant le mécanisme de ce surdiagnostic. Il existe une bien plus grande variabilité pour le temps d'avance au diagnostic des différentes tumeurs que ce que l'on pensait auparavant ; cela va de <1 an à plus de 30 ans. Le surdiagnostic se produit lorsque le temps d'avance au diagnostic d'une tumeur dépasse l'espérance de vie (c'est à dire qu'on détecte des tumeurs dont la latence aurait dépassé la longévité du patient, NDLR).
Deux facteurs sont critiques : la biologie de la tumeur et l'âge du patient.
La figure 3 montre une estimation du taux de surdiagnostic pour différents groupes d'âge selon une mesure de la biologie de la tumeur basée sur le grade et le statut des récepteurs hormonaux. Le surdiagnostic est plus fréquent chez les femmes plus âgées avec des tumeurs biologiquement favorables. Cette information peut indiquer les domaines dans lesquels nous pourrions envisager une désescalade du dépistage par mammographie.
(NDLR, à ce propos lire l'étude de Lannin : https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/)

Histoire naturelle des cancers invasifs actuels découverts par mammographie

La figure 2 résume l'histoire naturelle des cancers actuels détectés par mammographie. La figure commence par les données actuelles du SEER (cohorte américaine SEER (Surveillance, Epidemiology, and End Results, NDLR)  qui montrent qu'au cours de la dernière décennie, la mortalité des cancers du sein invasifs est restée stable à environ 20 %.
Ensuite, les données relatives à la réduction de la mortalité due à la mammographie et les données relatives au surdiagnostic sont superposées aux 80 % qui survivent actuellement. Les résultats montrent qu'environ la moitié des patientes actuelles verront leur tumeur guérie, mais qu'elles seraient également guéries si elles attendaient quelques années jusqu'à ce que la tumeur devienne cliniquement apparente.
Ces données correspondent parfaitement à la mortalité enregistrée avant l'introduction de la mammographie dans les années 1980.
Un autre quart (25%), les cancers surdiagnostiqués, seront guéris mais n'auraient jamais été connus s'il n'y avait pas eu de mammographie.
Environ 20% mourront de leur cancer avec ou sans mammographie ; seuls 5% (soit une réduction de 20% par rapport aux 25%) auront leur vie sauvée par la mammographie.
Ces 5 % représentent environ 10 000 femmes par an aux États-Unis, élément important. Cependant, les 80 % de femmes qui sont guéries (environ 200 000 femmes par an aux États-Unis) pensent qu'elles ont été guéries grâce à la mammographie et ce n'est pas le cas.
En outre, les traitements du cancer du sein s'améliorent de façon spectaculaire et, à mesure que les traitements deviennent meilleurs, la valeur de la détection précoce diminue. À l'avenir, à un moment donné, les traitements seront probablement suffisamment efficaces pour que le dépistage ne soit plus nécessaire.

Domaines potentiels de désescalade

Désescalade des intervalles de dépistage

Le groupe de travail américain sur les services préventifs recommande un dépistage biennal pour les femmes de plus de 50 ans, et l'American Cancer Society recommande un dépistage biennal pour les femmes de plus de 55 ans. Néanmoins, de nombreux médecins continuent de pratiquer une mammographie annuelle. Ceci pourrait être un domaine possible de désescalade.

Selon de nombreuses revues systématiques, des estimations raisonnables ont été recueillies à partir d'études d'observation, examinant l'association des intervalles de dépistage sur la probabilité cumulée de faux positifs sur 10 ans chez les femmes subissant un dépistage mammographique à partir de 40 ou 50 ans.
D'après le Breast Cancer Surveillance Consortium, la probabilité cumulative sur 10 ans de recevoir au moins une mammographie faussement positive était de 61 % (IC 95 %, 59 à 63 %) avec un dépistage annuel, et de 42 % (IC, 41 à 43 %) avec un dépistage biennal commençant à 40 ans.
Ces taux étaient similaires lorsque le dépistage annuel et biennal commençait à 50 ans.

En outre, ils ont constaté que la probabilité cumulée de subir une biopsie due à un faux-positif après 10 ans de dépistage à partir de 40 ans était plus élevée avec un dépistage annuel qu'avec un dépistage biennal (7 % contre 5 %).
Parallèlement, si le dépistage commençait à l'âge de 50 ans, la probabilité cumulative de biopsie était de 9,4 % avec un dépistage annuel et de 6,4 % avec un dépistage biennal. Dans l'ensemble, nous constatons que l'augmentation de la fréquence de dépistage entraîne des probabilités cumulatives plus élevées de biopsie inutile, quel que soit le début du dépistage.
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Il est probable que beaucoup des 19 % de cancers supplémentaires découverts par le dépistage annuel soient des cancers surdiagnostiqués. Par conséquent, les médecins devraient discuter avec chaque patient de l'opportunité de deésescalade d’un dépistage annuel à un dépistage biennal.

Arrêt de la mammographie à 70 ans

Il existe une grande incertitude quant aux bénéfices du dépistage par mammographie chez les femmes âgées. Bien que les données montrent que l'augmentation de l'âge est un facteur de risque pour le cancer du sein, il n'y a pas d'essais contrôlés randomisés étudiant le bénéfice en termes de mortalité du dépistage chez les patientes de plus de 74 ans.
NDLR - A ce propos lire https://cancer-rose.fr/2022/09/08/depistage-du-cancer-chez-les-personnes-agees-une-revue-systematique/

Au fur et à mesure que les patients vieillissent, il faut tenir compte d'autres causes concurrentes de morbidité et de mortalité telles que l'insuffisance cardiaque, l'hypertension et le diabète. De plus, un examen plus approfondi du petit groupe de femmes âgées de 70 à 74 ans dans le seul essai clinique randomisé où elles étaient incluses n'a pas démontré une réduction significative de la mortalité due au cancer du sein (risque relatif = 1,12 ; intervalle de confiance à 95 %, 0,73 à 1,72).
En raison de ce manque de données, des études ont utilisé des modèles statistiques pour évaluer les avantages du dépistage des femmes âgées de 70 à 79 ans par rapport à l'arrêt à 69 ans. Ces modèles statistiques suggèrent que le dépistage des femmes âgées de plus de 70 ans n'entraîne que 2 décès de moins pour 1000 femmes par rapport à l'arrêt à 69 ans (6 vs 8 décès pour 1000 femmes).
Malheureusement, les taux de faux positifs et de surdiagnostics sont particulièrement élevés dans les groupes d'âge les plus élevés.
Comme le montre la figure 3, pour les femmes chez qui on a diagnostiqué une tumeur favorable (de bon pronostic, NDLR) à l'âge de 70 ans, il y a plus de 60 % de chances qu'il s'agisse d'une tumeur surdiagnostiquée, et plus de 75 % à l'âge de 80 ans.
Selon une méta-analyse de Lee et al (48), il y a un décalage important entre le moment où le dépistage est effectué et celui où l'on constate un bénéfice en termes de mortalité, soit 10 ans après le dépistage. Par conséquent, le dépistage est plus approprié chez les patients âgés de moins de 70 ans. Recommander le dépistage au-delà de cet âge semble exposer les patients à un plus grand risque de préjudice sans bénéfice tangible supplémentaire.

Hyperplasie canalaire atypique

L'hyperplasie canalaire atypique (HCA) est considérée comme une lésion épithéliale bénigne et un précurseur non obligatoire du cancer invasif que l'on retrouve dans 1,2 à 16 % des biopsies mammaires. En raison du risque de cancer simultané non diagnostiqué, de nombreuses études ont examiné le taux d'évolution vers un CCIS ou un carcinome invasif après excision, et les résultats varient largement de 4 à 54 %. En conséquence, les directives du NCCN (National Comprehensive Cancer Network https://www.nccn.org/) avaient recommandé l'excision chirurgicale complète de toutes les lésions d'HCA découvertes par biopsie comme étant le standard de soins.
Des études plus récentes ont trouvé des taux de surclassement plus faibles, de 5 à 20%, grâce aux progrès des techniques d'imagerie et de biopsie.

Par conséquent, des efforts ont été faits pour identifier les facteurs de risque, associés à une mise à jour de l'HCA, afin d'identifier un sous-groupe favorable qui est potentiellement adapté à la surveillance plutôt qu'à l'excision chirurgicale.
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Surtout, l'HCA est par définition de bas grade et lorsqu'elle est reclassée, ce sera presque toujours vers un cancer invasif ou in situ de bas grade. Ce sont exactement les cancers les plus susceptibles d'être surdiagnostiqués.
Dans cette situation, le plus important n'est pas de trouver le cancer mais de déterminer s'il y a un avantage clinique à le détecter au moment du diagnostic de l'HCA. Il est plus que probable que beaucoup de ces petits cancers ne progresseront pas, et s'ils progressent, ils auront le même taux de guérison que diagnostiqués quelques années plus tard.
Nous disposons actuellement d'essais d'observation très raisonnables pour les CCIS de bas grade et il n'est pas logique d'exciser tous les HCA.
(NDLR : voir essai LORD)

Modalités complémentaires de dépistage

La mammographie a été l'outil d'imagerie de référence pour le dépistage du cancer du sein en raison de sa grande disponibilité, de son coût relativement faible et de ses capacités de détection du cancer. Cependant, il est bien connu que la sensibilité et la spécificité de la mammographie diminuent avec l'augmentation de la densité mammaire, ce qui en fait un outil imparfait. Non seulement la densité mammaire masque les tumeurs sous-jacentes à la mammographie, mais elle augmente également le risque de cancer du sein chez les femmes par rapport aux femmes ayant des seins adipeux.
C'est pour cette raison, que des efforts récents ont été faits pour étudier des outils de dépistage supplémentaires tels que l'échographie et l'IRM.
NDLR - A nuancer en fonction d'études récentes sur l'adjonction de l'IRM mammaire , lire :
https://cancer-rose.fr/2019/05/12/la-densite-mammaire-un-point-de-vue-dans-le-jama/
https://cancer-rose.fr/2022/04/26/grosse-deconvenue-pour-lirm-mammaire/
https://cancer-rose.fr/2019/11/28/depistage-par-irm-supplementaire-pour-les-femmes-ayant-un-tissu-mammaire-extremement-dense/

Dans une revue systématique réalisée par Melnikow et al. (55) les chercheurs ont examiné les performances de l'échographie mammaire et de l'IRM supplémentaires. Ils ont constaté que l'échographie supplémentaire permettait de détecter des cancers supplémentaires à un taux de 4,4 pour 1000 examens, mais au prix d'une augmentation des taux de rappel de 14%.
De même, l'IRM mammaire a permis de détecter 3,5 à 28,6 cancers supplémentaires pour 1 000 examens, mais les taux de rappel étaient également élevés (12-24 %).
Aucune étude n'a examiné les résultats concernant le devenir de ces cancers du sein. Les auteurs ont pu conclure que le dépistage complémentaire permet de trouver des cancers du sein supplémentaires mais au risque d'augmenter les faux positifs et sans bénéfice clair. L'USPSTF lui a attribué la recommandation "I", ce qui signifie que les preuves actuelles sont insuffisantes pour évaluer l'équilibre entre les bénéfices et les risques. Il s’agit d’une conclusion très pertinente. La découverte de cancers supplémentaires, en soi, n'est pas nécessairement une bonne chose.

Certaines données suggèrent que les caractéristiques biologiques des cancers découverts par échographie de dépistage sont plus compatibles avec un surdiagnostic. Il est également possible que, même s'ils ne sont pas surdiagnostiqués, ils soient découverts lors d'une mammographie de routine ultérieure avec des taux de survie équivalents. Il est certain que nous devons rester sceptiques et ne pas être trop enthousiastes à l'égard des cancers détectés par le dépistage complémentaire jusqu'à ce que des preuves montrent un bénéfice réel pour les patientes. Les bénéfices et les risques doivent être attentivement pondérés et discutés individuellement entre la patiente et le praticien.

Conclusion

L'algorithme optimal pour le dépistage du cancer du sein est un sujet assez controversé, les recommandations d' organisations .... étant différentes.
Alors que la mammographie de dépistage présente un bénéfice qui est clairement modeste en termes de mortalité, il existe de nombreux effets négatifs potentiels qui ne doivent pas être sous-estimés. Le plus grave d'entre eux est le surdiagnostic, qui se produit dans 20 à 25 % des cancers invasifs et dans 30 à 35 % si l'on inclut le CCIS. Le surdiagnostic est plus fréquent chez les femmes âgées et qui présentent des tumeurs de bas grade, biologiquement favorables. Une certaine désescalade de la mammographie doit être envisagée dans les situations où le risque de surdiagnostic est particulièrement élevé ou lorsque les tumeurs sont particulièrement susceptibles d'être favorables (de bon pronostic, NDLR).
Les examens complémentaires tels que l'échographie de dépistage et l'IRM permettent de détecter d'autres cancers, mais il n'existe pas de données indiquant un bénéfice en termes de mortalité, et le risque de surdiagnostic reste élevé.

Déclarations conflit d'intérêts

Les auteurs de l'article ne déclarent aucun conflit d’intérêt

Références utilisées par les auteurs pour l'article

Les articles d'intérêt particulier, publiés récemment, ont été mis en évidence comme :
* Importants  ** Importance majeure

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Augmentation des cancers, une épidémie ?

Dr C.Bour, 27 octobre 2022

Marie Négré Desurmont est reporter-conférencière et a suivi une formation de recherche en anthropologie à l’École de Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Elle est journaliste scientifique et a étudié spécifiquement la question du cancer du sein, après avoir été elle-même atteinte, et frappée, un peu à l'instar de Maëlle Sigonneau par les injonctions envers les malades véhiculées par le langage et que les malades subissent dans leur quotidien.

Dans un article engagé, "octobre rose ou la non-politique du sein", l'auteure dénonce ce qu'elle appelle la neutralisation des enjeux sociaux, environnementaux et politiques lors du mois rose, et recommande une vision plus large, au-delà de la simple campagne d'octobre rose pour garantir un avenir aux générations futures, qui ne les rendra pas malades.
" Ayons le courage", écrit-elle, "de voir plus loin qu’Octobre Rose et d’exiger qu’on puisse mettre au monde des petites filles qui n’auront pas à perdre autant d’énergie à tenter de survivre, soignées par ce même monde qui les aura rendues malades."

Elle dénonce :
"…plutôt que de politiser cette maladie grave, on préfère répéter que c’est le cancer le mieux soigné, on se concentre sur les comportements individuels en valorisant les survivantes qui ont tant appris de cette épreuve,.."
L'accent est mis, avec un vernis coloré et souriant, sur l'apparence et le bien-être, "car", écrit l'auteure en citant Audre Lordre (Journal du Cancer*), " il est plus facile d’exiger des gens qu’ils soient heureux que d’assainir l’environnement. Partons à la recherche de la joie n’est-ce pas, plutôt que d’une nourriture saine, d’un air propre et d’un avenir moins fou sur une terre vivable ."

*Audre Lorde, Journal du Cancer, traduit de l’américain par Frédérique Pressman, Éd. Mamamélis, Genève, 1998.

Politisation du cancer

Maëlle Sigonneau plaidait déjà dans son livre "Impatiente" pour un combat qui doit aller bien au-delà de la seule focalisation sur les comportements individuels des "survivantes".
Pour elle, afin de sortir des comportements compassionnels et de la glamourisation du cancer, il faudrait boycotter octobre rose, remplacer les messages roses par de grandes affiches sur les perturbateurs endocriniens ; on pourrait imaginer un mois, écrivait-elle, où on 'sensibiliserait', (pour utiliser un mot galvaudé et vidé de sens), sur les effets cancérigènes de l'environnement, des pesticides, par exemple…

MMe Desurmont résume très bien la façon qu'a notre société de…prendre le problème à l'envers : " Notre société a tellement confiance en ses capacités technologiques, qu’elle s’occupe plus de mettre des moyens dans la réparation des dégâts de la croissance, que dans le fait de trouver une autre forme de production et d’échange moins mortifère."
Presque la moitié des cancers sont d'origine comportementale et environnementale, et l'auteure rappelle à juste titre que les facteurs de risques ne sont pas seulement ceux du tabac, de l’alcool ou de l'obésité, mais aussi des perturbateurs endocriniens, les rayonnements ionisants (dont la mammographie !), de la pollution atmosphérique, de nouvelles substances chimiques (pesticides), de l’exposition aux gaz d’échappement, des expositions professionnelles, et de l’exposition aux substances chimiques en population générale.

Les campagnes roses et les messages des autorités sanitaires en parlent peu, et lorsqu'ils en parlent c'est surtout pour blâmer les comportements individuels, mais est-ce vraiment essentiellement et uniquement une problématique de comportement individuel ?
"À force de vouloir nous faire croire que nous sommes maîtres de notre santé, imperméables aux conditions environnantes et indépendants de nos structures sociétales, nous en venons, nous patientes, à chercher désespérément la cause de notre cancer, psychologisant à tout prix cette maladie."

On parle d'injustice d'une maladie qui touche les femmes dans leur féminité-même, mais, dit Mme Desurmont, "ce qui est vraiment injuste, c’est ce qu’on a fait du monde, pas le cancer qui n’en a que faire de ce que nous pensons de lui et qui profite juste du tapis rouge que nous lui déroulons pour se développer.
La réalité, c’est qu’en parlant d’injustice et de petites batailles individuelles, nous finissons par croire que le cancer est anecdotique, que c’est « la faute à pas de chance », et qu’il suffit d’avoir un moral d’acier pour le vaincre. Alors qu’il s’agit d’une épidémie pas vraiment rose bonbon et qui s’aggrave en même temps que se dégrade l’environnement. Adoptez un mode de vie sain mesdames, mais s’il vous plaît oubliez que lorsque vous faites votre footing, vous respirez à pleins poumons un air pollué."

A juste titre Marie Négré Desurmont, comme Maëlle Sigonneau, dénoncent la culpabilisation et la resposabilisation qu'on fait peser sur les femmes atteintes du cancer.

Mais qu'en est-il de "l'épidémie" ?

Une épidémie ?

Et si "l'épidémie" provenait aussi de la médecine ?

Dans son livre "dépistage du cancer du sein, la grande illusion" (ed.Souccar), Bernard Duperray explique :
"Des années 1980 aux années 2000, le nombre de mammographies réalisées explose. Dans le même temps, le parc des sénographes, les appareils permettant de réaliser les mammographies, s’étend considérablement : de 308 sénographes en 1980 avec 350 000 mammographies en 1982, on passe à 2 511 sénographes avec 3 millions de mammographies en 2000. Quel va être le résultat de cette progression spectaculaire de l’activité mammographique ? 21 387 cancers du sein diagnostiqués en 1980, 42 696 en 2000, 49 087 en 2005. Une épidémie de cancers du sein ? Épidémie indépendante de l’activité humaine ou résultat lié à une activité humaine hors contrôle ?
ÉPIDÉMIE OU UN SURDIAGNOSTIC LIÉ À L’ACTIVITÉ DE DÉPISTAGE ?
Deux hypothèses sont envisageables pour expliquer cette flambée des cancers :
•soit il s’agit d’une simple coïncidence entre la mise en place du
dépistage et la survenue d’une épidémie de cancers du sein ;
• soit il s’agit d’une pléthore de diagnostics de cancer du sein liée au dépistage.
Examinons la première hypothèse. Si l’accroissement continu des nouveaux diagnostics annuels correspondait à une épidémie de cancers évolutifs, il faudrait alors que la réduction de mortalité grâce au dépistage soit considérable : on aurait 1 cancer guéri pour 1 décès en 1980 et 3 cancers guéris pour 1 décès en 2000.
Or, ni les résultats les plus optimistes des essais randomisés concernant la réduction de mortalité, ni les progrès thérapeutiques durant cette période ne peuvent soutenir cette hypothèse.
Voyons le deuxième scénario selon lequel le dépistage serait à l’origine de l’augmentation du nombre de nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque année.
Entre 1980 et 2000, le taux d’incidence augmente de 2,7 % par an en moyenne. L’augmentation concerne toutes les tranches d’âge mais elle est plus marquée chez les femmes de 50 à 75 ans. Or cette tranche d’âge est celle des femmes pour lesquelles un dépistage mammographique systématique est réalisé (dans les dix départements pilotes). ……
L’épidémie de cancers du sein actuellement constatée n’est qu’apparente. Pourquoi apparente ? Sans le dépistage, nombre de cancers diagnostiqués aujourd’hui ne se seraient pas manifestés. Nous fabriquons ainsi de toutes pièces, avec le surdiagnostic provoqué par le dépistage, une épidémie qui n’est effectivement qu’apparente. L’augmentation de l’incidence ne signi e pas épidémie dès lors qu’on reconnaît le surdiagnostic.
L’hypothèse d’une majoration du surdiagnostic liée au dépistage n’a pas de contre-argument objectif. La démonstration de sa réalité repose sur des données épidémiologiques irréfutables, à haut niveau de preuves. "

J'en donne une explication détaillée dans mon livre "mammo ou pas mammo" (ed.Souccar), que je vous livre ici :
"Une étude a été conduite en France pour permettre cette analyse ne de la situation : il s’agit d’une enquête réalisée en 2011 par des épidémiologistes internationaux, dont un Français, Bernard Junod, éminent épidémiologiste issu de l’École des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP) (Junod B, et al. S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BMC Cancer. 2011;11(1):1-8. ).
Voici leurs observations :
• ✹ Le nombre d’appareils de mammographie en fonctionnement en
France a augmenté régulièrement en l’espace de 20 ans, passant de 308 en 1980, à 499 en 1984, puis à 1351 en 1990, 2282 en 1994 et 2511 en 2000. Le nombre d’appareils a donc été multiplié par huit entre 1980 et 2000. En conséquence, le dépistage s’est intensifié.
• ✹ Lorsqu’on compare l’incidence du cancer du sein à différentes époques chez des femmes de même classe d’âge, on s’aperçoit qu’elle augmente avec le temps et qu’elle est nettement supérieure lorsque les femmes sont soumises à un dépistage intense. La plus forte augmentation, de 112 %, s’est produite en 2005 pour le groupe d’âge de 60 à 64 ans.
Cette augmentation de l’incidence du cancer du sein s’est donc produite parallèlement à l’augmentation de l’intensité du dépistage comme l’illustre la figure 1.

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Plus on dépiste, plus l’incidence augmente. Ce phénomène d’augmentation d’incidence, dès lors qu’on introduit un dépistage systématique, est frappant. Il a été observé dans tous les pays où le dépistage a été instauré. "

La dénonciation de la non-prise en compte des facteurs environnementaux est tout à fait justifiée et pertinente, mais le rôle de la médecine elle-même doit être inclus et dénoncé au même titre.
Il faut se poser les bonnes questions devant le constat d'une augmentation de nouveaux cas de cancers et de l'absence concomitante de la réduction des cancers graves, de l'absence concomitante de réduction de ces cancers qui tuent, que le dépistage ne détecte pas, car ils ne sont pas anticipables et évoluent avec une vitesse de croissance qui fait d'eux des cancers graves. L'incidence augmente, la mortalité ne chute pas parallèlement à l'intensité du dépistage.

Et en parallèle, le dépistage massif et systématique débusque une foule de lésions qui n'auraient jamais tué si non détectées, ce qu'on appelle le surdiagnostic. Les carcinomes in situ alimentent de beaucoup le réservoir des cancers surdiagnostiqués et sont d'ailleurs, pour certains scientifiques, appelés cancers à tort.

Pourquoi le surdiagnostic est-il un réel danger ?


Il augmente abusivement l'incidence (le taux de nouveaux cas de cancers) du cancer du sein ; comme il s'agit de cancers qui n'auraient jamais nui, les taux de survie s'améliorent artificiellement, conduisant à ce slogan rassurant: "le cancer du sein se traite très bien et guérit souvent". Certes, il se guérit d'autant mieux qu'on surtraite des lésions qui n'auraient jamais dû être détectées et n'auraient de toute façon jamais tué, le corps médical ne résistant pas à avancer aux patientes qu'on les a "sauvées", alors que le dépistage les a peut-être même lésées.

Surtout, le surdiagnostic augmente les surtraitements, dont font partie les radiothérapie. Comme la chirurgie du sein (mastectomies partielles et totales) qui n'est en rien "allégée" contrairement à ce qui est péroré par les autorités sanitaires elles-mêmes, les traitements par radiothérapie ne font que croître, contribuant à ce que nos deux auteures dénoncent, à savoir une exposition aux rayonnements ionisants
Ce n'est peut-être pas tant l'exposition directe lors des mammographies qui est en cause ici (sauf néanmoins pour les femmes jeunes, non ménopausées, en-dessous de 50ans qui voient leur risque de cancer radio-induit majoré), que la radiothérapie qu'une femme va subir.
Parler de traitement "allégé" comme le font les autorités sanitaires apparaît bien cynique, car il ne s'agit pas d'alléger des traitements mais de faire en sorte que des femmes ne soient pas surdiagnostiquées et ne subissent pas abusivement un traitement qu'elles n'auraient jamais dû connaître.

La radiotoxicité, minimisée en matière de dépistage du cancer du sein, est une réalité, le cancer radio-induit ne doit pas être passé sous silence.
Les cardiopathies radio-induites sont le plus grand tueur chez les survivantes du cancer traité.
Des cancers hématologiques peuvent survenir après radiothérapie et chimiothérapie.

Subir cela n'est pas anodin, subir cela abusivement parce qu'une femme n'a pas été alertée du risque de surdiagnostic inhérent au dépistage est éthiquement inacceptable.

Conclusion


Alors oui, reprenons la conclusion de Mme Desurmont :" Ayons le courage de voir plus loin qu’Octobre Rose et d’exiger qu’on puisse mettre au monde des petites filles qui n’auront pas à perdre autant d’énergie à tenter de survivre, soignées par ce même monde qui les aura rendues malades."

Mais ce courage doit inclure la remise en question de la médecine elle-même, de son caractère intrusif sur des personnes saines par un dépistage qui les rendra abusivement malades.

C'est à cela qu'il faut que nous soyons tous, public, malades et non-malades et surtout politiques, "sensibilisés". Et cette sensibilisation passe par une information honnête des femmes sur les dérives et dangers du dépistage, et non par une propagande rose héroïsant à tort des femmes dont certaines n'auraient jamais dû connaître cette maladie, et d'autres connaissant cette maladie dans sa forme la plus grave, loin du rose, qui les invisibilise, les paupérise, et qui les isole de la société.

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