Biologie immunitaire du cancer pour expliquer le « surdiagnostic » clinique

Traductions, restitution et synthèse par Cancer Rose, 4 mai 2023

Un diagnostic précoce accru du cancer : Révéler la biologie immunitaire du cancer pour expliquer le "surdiagnostic" clinique

Bruce A. Wauchope 1,2Brendon J. Coventry 2David M. Roder 3

1 Molechecks Australia, 1284 South Road, Clovelly Park 5042, Australia

2 Discipline of Surgery, Cancer Immunotherapy Laboratory, University of Adelaide, Royal Adelaide Hospital, Adelaide 5005, Australia

3 Cancer Epidemiology and Population Health, Allied Health and Human Performance, University of South Australia, Adelaide 5000, Australia

Cancers 202315(4),1139; https://doi.org/10.3390/cancers15041139

La régulation immunitaire du cancer est prouvée et peut expliquer pourquoi certains cancers progressent alors que d'autres restent silencieux.

Les auteurs avancent "un modèle immunitaire fondé sur des preuves, qui mérite d'être approfondi et qui pourrait expliquer le "surdiagnostic" du cancer et la prédisposition à la récurrence, à la régression et à la létalité." C'est à dire, qui pourrait expliquer pourquoi certains cancers tuent, d'autres non et d'autres encore régressent.
Ils considèrent surtout " que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures", afin d'arriver à affiner la distinction entre cancers mortels et non-mortels, et ce afin d'éviter les traitements inutiles découlant du surdiagnostic qu'apporte tout dépistage.

Résumé des auteurs

"Même si les cancers "précoces" cliniquement petits représentent biologiquement plusieurs millions de cellules, lorsqu'ils sont enlevés chirurgicalement, souvent ils ne récidivent pas ou ne se développent pas à nouveau, et ne réduisent pas la durée de vie de l'individu.
Toutefois, certains cancers précoces restent quiescents et indolents, tandis que d'autres se développent et forment des métastases, menaçant la vie de l'individu. La distinction entre ces différents comportements cliniques à l'aide de critères cliniques/pathologiques est actuellement problématique. On rapporte que de nombreuses lésions suspectes et des cancers précoces sont retirés chirurgicalement alors qu'ils ne menaceraient pas la vie du patient. Ce phénomène a été qualifié de "surdiagnostic", en particulier dans le domaine du dépistage du cancer.
Bien qu'il s'agisse d'un sujet controversé et émotionnel, il pose des problèmes cliniques et de politique de santé publique. La différenciation diagnostique entre les formes de tumeurs "non létales" et "létales" (= mortelles ou non mortelles, NDLR) est généralement impossible.
Une perspective qui s'appuie sur des preuves est qu'il existe un équilibre dynamique entre la réponse immunitaire et les processus malins qui déterminent la "létalité", où beaucoup plus de cancers sont produits sans qu'ils ne deviennent cliniquement significatifs parce que le système immunitaire empêche leur progression.
Les taux de "diagnostic" plus élevés du dépistage médical peuvent refléter des effets de temps d'avance au diagnostic (c'est à dire une détection du cancer avant qu'il ne s'exprime cliniquement, NDLR), avec plus de cancers "non progressifs" détectés lorsqu'une interaction immunitaire-cancer précoce se produit.
Nous présentons un modèle de cette interaction entre le système immunitaire et le cancer et examinons les affirmations d'"excès" ou de "surdiagnostic" qui accompagnent des technologies de diagnostic et de dépistage de plus en plus sensibles.

Nous estimons que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures, avec un potentiel de modulation du système immunitaire pour certains cancers précoces."

Introduction, problématique des dépistages

"...Le manque de données probantes concernant certains cancers, pour lesquels un dépistage plus sensible et une détection précoce ne se traduisent pas nécessairement par une réduction de la morbidité et de la mortalité, constitue une énigme majeure.

Certains cancers précoces n'évoluent pas vers des métastases et la mort, et ne mettent donc pas le patient en danger durant sa vie, et ne nécessitent pas de traitement. Il peut exister des variantes biologiques non métastatiques et non mortelles. Il est fondamental de distinguer les cancers potentiellement "mortels" des cancers "non mortels" pour que le dépistage soit bénéfique de manière sélective, tout en évitant les traitements inutiles."...
L'ampleur de la modulation par le système immunitaire du processus de malignité pourrait influencer de manière décisive les suites du cancer, y compris la létalité."

On devrait s'attendre, rappellent les auteurs, à ce que le dépistage de lésions dites "précoces" entraîne, dans une population dépistée, une réduction des cancers graves. Or ce n'est pas ce que l'on observe, il y a toujours un excédant de diagnostics dans les groupes dépistés sans changement de la létalité (taux de décès par maladie dans un groupe de malades).

" Après un certain temps (de dépistage), le taux de diagnostic précoce devrait se traduire par une réduction du taux de mortalité."
Si les taux d'incidence cumulés, c'est à dire les taux de diagnostics de cancers, ne sont pas similaires dans les groupes dépistés par rapport à une population non dépistée, avec une augmentation dans le groupe dépisté sans différence de mortalité, on peut s'interroger sur le risque de surdiagnostic de cancers "non mortels", ce qui peut soulever des questions d'éthique, de coût et d'autres questions professionnelles.
Les auteurs rappellent :
"Par comparaison, un dépistage efficace du cancer impliquerait la détection précoce des cancers à potentiel létal ou de leurs précurseurs, ce qui entraînerait une réduction de la morbidité et de la mortalité. Un dépistage efficace devrait se traduire par une réduction de la mortalité spécifique au cancer et de l'incidence des cancers avancés ajustée à l'âge."

Cette inflation de cancers non mortels et de détection inutile est ce qu'on appelle le surdiagnostic,ce qui commence à poser un important problème de santé publique car on constate ce phénomène pour tous les dépistages, entraînant les personnes dans des "maladies" qu'elles n'auraient pas dû connaître.

"Des augmentations relativement plus importantes ont été constatées entre les différents types de lésions (par exemple, davantage pour les lésions in situ du sein féminin que pour les lésions invasives). Cela s'applique au carcinome canalaire in situ par rapport à la mammographie et à d'autres cancers in situ - cancer de la prostate, du côlon, des cellules squameuses du tractus gastro-intestinal, du tractus génital et de la peau, types de cancer basocellulaire et mélanomes cutanés"

L'exemple particulier du mélanome.

" Les sous-populations ayant fait l'objet d'un dépistage du mélanome ont présenté des taux de détection et des taux de passage d'in situ à invasif plus élevés que ceux attendus à partir des données des registres de population, sans que la mortalité liée au mélanome ne soit inférieure aux prévisions ", expliquent les auteurs.

"On s'interroge depuis longtemps sur l'augmentation de l'incidence du mélanome et sur le diagnostic des formes de mélanome non létales et "non métastasantes".
Ainsi, un vocabulaire comprenant le surdiagnostic, les réservoirs asymptomatiques d'affections "indolentes", les formes "dormantes" et "non métastasantes" de mélanomes est apparu.

"... le surdiagnostic pourrait être la conséquence des tests de dépistage courants. Il est encore plus probable qu'il se produise et qu'il augmente dans les environnements de diagnostic avec l'avènement de technologies de diagnostic de plus en plus sensibles.
Certains ont émis l'hypothèse d'un abaissement des seuils pour la réalisation des biopsies, les cliniciens et les pathologistes modifiant les seuils de diagnostic, l'ensemble conduisant à une augmentation des taux de détection des cas, ce qui donne une apparente impression de réussite. "Les pathologistes, lorsqu'on leur présente des lames datant d'il y a 20 ans, augmentent les taux de diagnostic des mélanomes : 14 % des lésions gravement dysplasiques sont converties en mélanomes ."

Les auteurs résument ainsi deux grandes causes de surdiagnostics : les capacités technologiques de détection de plus en plus affinées, détectant des lésions qu'on pouvait ignorer, et la tendance à sur-grader les lésions volontairement, de peur de laisser passer quelque chose, les anatomo-pathologistes préférant proposer une classification plus péjorative de ce qu'ils voient sous le microscope.
Il y a une troisième cause décrite par les rédacteurs de l'étude :
"Des incitations financières ont également été évoquées (qui rémunèrent les médecins lors de l'intégration de leurs patients dans certains dépistages, NDLR). Tous ces éléments peuvent favoriser une incitation au dépistage.

La pertinence clinique des cancers détectés lors du dépistage devient plus discutable s'il n'y a pas de réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité."

Les auteurs proposent un modèle pour le surdiagnostic et le système immunitaire à travers le mélanome.

"En intégrant ces idées, nous présentons ici un modèle composite basé sur l'exemple du dépistage du mélanome, qui examine l'interaction entre la formation précoce de la tumeur et la réponse immunitaire," modèle que nous allons décrire un peu après.

Dynamique du cancer et taux de croissance

Le comportement biologique des cancers détectés lors d'un dépistage n'est pas constant. Les auteurs rappellent la figure que proposait le chercheur américain G.Welsch décrivant les différentes possibilités de croissance cancéreuses, que nous expliquons dans cette vidéo.

Certains cancers évoluent très vite, sont péjoratifs mais échappent au dépistage du fait de leur vélocité. D'autres évoluent lentement et n'auraient jamais nui à la personne, certains régressent, le surdiagnostic ou détection inutile se produit dans ces cas ; la personne sera traitée inutilement.

Le système immunitaire

Sur ce chapitre, beaucoup de questions sont posées, et restent en suspens, selon les auteurs : "Le cancer existe-t-il seul ou est-il en relation avec le reste de l'organisme et le système immunitaire ? Comment le système immunitaire est-il impliqué dans le microenvironnement du cancer et dans sa croissance ? Le système immunitaire peut-il influer sur la croissance des cancers ? En d'autres termes, le système immunitaire peut-il limiter la croissance du cancer, ou/et peut-il augmenter la croissance du cancer ? En outre, le système immunitaire est-il modulable ? En d'autres termes, dans quelle mesure peut-il modifier son profil, ou est-il fixe et statique ? Si le système immunitaire se modifie, peut-il affecter la croissance du cancer ? La modification du système immunitaire peut-elle entraîner un changement dans le comportement et l'issue du cancer ?"

"Il est bien établi que l'immunosuppression chez les personnes "saines" entraîne une augmentation d'au moins 3 fois du nombre de cancers" et on sait que "du côté des traitements, l'utilisation d'inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a révolutionné la survie au cancer, mais seulement pour une partie des types de cancer (environ 1 à 50 %)".

"En outre, de nombreux cliniciens connaissent des cas rares mais frappants de régression tumorale spontanée, un processus par lequel certains cancers disparaissent spontanément, potentiellement en raison de processus immunologiques. Bien que l'explication de ce phénomène reste une énigme, il pourrait être plus fréquent qu'on ne le pense, peut-être davantage dans le cas des cancers "précoces". ..
En résumé, il est prouvé que le système immunitaire peut influer sur la formation, la progression et la mortalité du cancer. Il ne s'agit donc pas d'un simple taux de croissance des cellules cancéreuses, mais d'une interaction entre le cancer et le système immunitaire."

" Cette évolution de la pensée se poursuit, avec la reconnaissance clinique croissante du fait que le système immunitaire, en plus de gérer les infections, est au cœur de la croissance, de la réparation et de la cicatrisation des tissus normaux. ..
Dans le micro-environnement tumoral, le stroma, en particulier ses composants immunitaires, interagit avec la tumeur et affecte sa croissance et sa progression".

Les données issues de grandes études cliniques, expliquent les auteurs, démontrent en effet qu'une forte infiltration des lésions néoplasiques par des populations de cellules immunitaires spécifiques constitue un indicateur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancer ; la présence de certaines cellules (macrophages, lymphocytes) peuvent avoir un effet bénéfique sur le pronostic, d'autres au contraire signent une évolution plus sombre.

"Le contrôle du système immunitaire peut être considéré comme l'arbitre influent des métastases, de la progression de la maladie et de la survie."
À la lumière des interactions immunitaires affectant la croissance dans le microenvironnement et les métastases, nous suggérons que l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur affecte de manière critique les résultats de la croissance, les taux de croissance de la tumeur, sa capacité à être indolente ou pathogène et, dans certains cas, sa disparition et sa régression."

Un modèle est proposé sur l'intrication de l'immunité et du surdiagnostic dans la progression cancéreuse.

Un modèle intégrant surdiagnostic et rôle de l'immunité

Trois résultats sont observés dans le cadre du dépistage :

1. Augmentation des taux de diagnostic
2. Augmentation des ratios in situ/invasifs
3. Augmentation des allégations de surdiagnostic

La proposition des auteurs est que ces trois résultats peuvent logiquement être des manifestations biologiques de la relation immunité-cancer dans les premiers stades (ou peut-être les plus précoces) du développement du cancer.

Cliquez sur l'image pour agrandir
Figure 2

Il est pris comme modèle le mélanome. Voici l'explication de la figure 2 :

" La tumorigénèse du mélanome implique la prolifération de mélanocytes aberrants dont l'inhibition de contact est réduite et qui sont de plus en plus décohésifs dans un organisme multicellulaire. La surveillance du système immunitaire détecte la tumeur à (A). Si le système immunitaire favorise la tumeur, la partie supérieure grise du diagramme (B) devient opérationnelle. La tumeur est alors facilitée dans sa croissance, comme cela se produit dans la cicatrisation proliférative. Dans le microenvironnement tumoral, les cellules immunitaires innées telles que les macrophages peuvent être associées à la progression de la tumeur. Sur le plan clinique, les mélanomes nodulaires à croissance rapide en sont un exemple. Ils pénètrent profondément et se propagent moins latéralement. Bien qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de l'ensemble des mélanomes, ils sont à l'origine de 30 % des décès."

Voilà décrite la situation dans le cas où le système immunitaire sera facilitateur pour le développement tumoral.
Que se passe-t il au contraire si le système immunitaire freine a progression tumorale ?
Dans ce profil immunitaire de "freination", on peut assister à trois modèles :
"Le mélanome entre dans une phase de régression, avec selon le diagramme (1) l'élimination, (2) l'équilibre, ou (3) la fuite, comme décrit :

(1) Élimination de la tumeur : La "régression" immunitaire associée aux lymphocytes peut éliminer toute trace histopathologique de mélanome. Sur le plan clinique, il s'agit d'une régression spontanée ou d'un mélanome primaire en régression.

(2)Équilibre : Le système immunitaire n'a pas éliminé la tumeur, mais l'a freinée. La tumeur et le système immunitaire peuvent atteindre un état d'équilibre. Sur le plan clinique, on retrouve ce phénomène dans les données post-mortem des personnes décédées avec un cancer, mais pas de cancer. C'est peut-être là que se trouve une grande partie du réservoir de surdiagnostic.

 (3)Échappée immunitaire : Le cancer peut d'abord être freiné par le système immunitaire, puis le vaincre. Si le système immunitaire élimine la tumeur primaire après la libération des métastases, des métastases secondaires sans primitif connu apparaissent. Cliniquement, on parle de "mélanome occulte" ou de "mélanome d'origine primaire inconnue", qui survient dans environ 3 %."

Que fait le dépistage dans ce modèle, comment intervient-il ? Il faut examiner à présent le champ D, correspondant à l'intervention d'un dépistage minutieux par dermatoscopie.

" Le dépistage à (D) permet d'obtenir
1. Un taux de détection des mélanomes plus élevé et une augmentation encore plus importante du taux de détection des mélanomes in situ par rapport à ce que l'on trouverait dans un registre du cancer basé sur la population. Cela donne,
2. Une augmentation du ratio mélanome in situ/Invasif. L'augmentation du taux de détection des mélanomes et des mélanomes in situ, malgré l'absence de réduction de la mortalité, donne :
3. Un surdiagnostic relatif."

On comprend ainsi que la détection précoce intervient alors que le système immunitaire ne s'est encore pas exprimé, ne laissant pas de 'chance' aux cancers qui ne se développeront pas de rester non découverts.
Ceci est d'un impact important lorsqu'on sait que le dépistage du mélanome n'a pas eu pour effet de diminuer la mortalité par ce cancer. Lire une réflexion du Lown institute : https://lowninstitute.org/balancing-prevention-and-overdiagnosis-in-skin-cancer-screening/

Conclusion des auteurs

"Si le système immunitaire contrôle le cancer dans tous les cas ou dans la plupart des cas, le surdiagnostic peut en fait être le reflet de l'étendue du contrôle immunitaire sur la capacité des cellules cancéreuses à se comporter de manière non métastatique (ou pas).

1.              Le surdiagnostic du cancer par le dépistage peut également avoir une base immunitaire, ce qui est confirmé par des preuves de plus en plus nombreuses.

2.              Le profilage cellulaire/immunitaire fait actuellement défaut pour identifier les lésions qui seront contenues par la défense immunologique, ou qui seront éliminées, ou qui évolueront vers des métastases.

3.              Il n'existe actuellement aucun moyen clinique ou pathologique de quantifier l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur pour décider de la nécessité d'un traitement.

4.              L'interaction entre le système immunitaire et la tumeur devrait faire l'objet d'une recherche accrue afin de mieux comprendre et d'améliorer la lutte contre le cancer. La peau, en tant qu'organe externe, est idéalement accessible pour cette recherche."

"On considère que nous risquons de devenir de plus en plus performants dans la détection des cancers précoces qui ne menacent pas le patient au cours de sa vie - avec l'indécision clinique actuelle quant aux cancers qui deviendront invasifs ou métastatiques, et ceux qui ne le deviendront pas. L'arbitre pourrait en effet ne pas être uniquement les cellules cancéreuses elles-mêmes, qui ont fait l'objet de tant d'attention jusqu'à présent, mais plutôt le comportement dynamique et la force de la réponse du système immunitaire de l'hôte."

" Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir la distinction entre les cancers qui peuvent évoluer vers la fatalité et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le font pas. De cette manière, un diagnostic plus précis pourrait bien être obtenu afin de réduire tout excès de diagnostic de cancer qui n'est pas associé à une signification clinique, y compris la mortalité."

Commentaires Cancer Rose

Tout d'abord il est salutaire qu'enfin une publication considère le problème du cancer non pas par le mauvais bout de la lorgnette, à savoir sa détection en aval, mais se préoccupe plutôt de la nécessité de revenir à la recherche fondamentale, en amont, et de poser la question de ce qui va faire d'un cancer une lésion mortelle ou pas.
Il nous faut, pour solutionner cette question, revenir absolument aux recherches fondamentales et approfondir les connaissances sur ce qu'on appelle 'histoire naturelle du cancer'.

Cependant, tout le raisonnement de l'étude tient sur une hypothèse, laquelle est toujours profondément ancrée dans nos esprits, à savoir la "précocité" de la détection. Or cette précocité est une notion arbitraire. La précocité suppose une croissance linéaire et continue du cancer. Or ce modèle de croissance tumorale est faux ; la question est : à partir de quand est-on malade ? Où commence la maladie ? Et la réponse n'est pas dans la taille tumorale. Certains cancers du sein peuvent être volumineux, de très bon pronostic et, non découverts, sans plainte du patient, et inversement.

D'autre part, s'il est certain que le système immunitaire a un rôle important dans le développement cancéreux, il n'est pas le seul acteur.
Le cancer est aussi le marqueur d’une souffrance cellulaire dont l’origine peut être métabolique et en lien avec le milieu extérieur ce qui ne doit pas être occulté.
Un gène d'expression d'un cancer peut grandement favoriser l'apparition d'un cancer, mais pas obligatoirement si l'environnement rencontré n'est pas suffisamment délétère pour déclencher ce cancer. Par exemple, toutes les femmes porteuse du gène muté BCRA ne développeront pas un cancer du sein, car malgré l'augmentation importante du risque de développer un cancer, il reste tout de même 30 à 60% de femmes portant le gène muté BCRA1 , et 50 à 60% des femmes porteuses du gène muté BCRA2 qui ne mourront pas de ce cancer et vivront jusqu'à un âge avancé pour décéder de tout à fait autre chose.

Pour finir, on ne connait pas précisément encore quel est le rôle réciproque des cellules spécifiques épithéliales d'un organe et de son tissu de soutien dans l’émergence de la malignité.
Nous citons l'ouvrage de Bernard Duperray, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion, aux éditions Souccar :

"Des expériences sur l’animal suggèrent que la recombinaison de cellules mammaires altérées par des mutations avec un stroma normal aboutit rarement au développement d’une tumeur, alors que la recombinaison de cellules spécifiques du sein normales avec un stroma altéré entraîne la formation de tumeurs.

Les travaux de l’équipe de Maricel Maffini (faculté de médecine de l’université Tufts, Boston, États-Unis) montrent en effet le rôle crucial du stroma de la glande mammaire dans le processus de cancérisation. Les chercheurs ont greffé des cellules cancéreuses mammaires à des rates. Le stroma a empêché le développement de ces cellules cancéreuses et encouragé leur croissance normale. Cette capacité des cellules normales du stroma à reprogrammer des cellules épithéliales cancéreuses est dépendante de l’âge et de la parité (antécédents ou non de mise bas)."
Réf : maffini mv, calaBro Jm et al. Stromal regulation of neoplastic development: age-dependent normalization of neoplastic mammary cells by mammary stroma. The American Journal of Pathology. 2005 Nov;167(5):1405-10.

Cette étude de Maffini suggère qu’une interaction fondamentale a lieu entre deux milieux cellulaires, le cancer a donc une histoire extrêmement complexe que nous ne connaissons pas en totalité, elle est dépendante de la nature biologique intrinsèque même du cancer, mais certainement aussi de l'immunité comme le suggère l'étude que nous venons de synthétiser, mais aussi de l'environnement dans une grande mesure certainement, et pour finir de l'interaction de la cellule avec le milieu dans lequel elle baigne.

Rien n'est simple, et prétendre venir à bout du cancer par une détection précoce avec des dépistages intempestifs et inopérants, comme nous le voyons quotidiennement, est un non-sens arrogant.
De plus il n'est pas éthique de dissimuler cette complexité au public et de lui faire miroiter, dans un charlatanisme médical éhonté, de pourvoir à son bien alors que nous fabriquons du surdiagnostic en pagaille dans la très grande majorité des dépistages, et que nous continuons ces dispositifs médicaux à grand renfort de publicités, incitant les populations démunies en information lors de grands barnums médiatiques dont octobre rose est un désespérant avatar.

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Les non-maladies, un livre de Luc Perino

27 avril 2023

Luc Perino est médecin, écrivain, propriétaire du blog Le Monde "pour raisons de santé", et du blog https://www.lucperino.com/ et il vient de publier un essai "Les non-maladies : la médecine au défi" aux éditions du Seuil.

Situations de rencontres patient-médecin

A notre époque où on traite de plus en plus des personnes saines et ne se plaignant de rien, où on fait croire au public que même un bien-portant a besoin de soins et où la médecine fait la collusion entre diagnostic et maladie, L'auteur propose 4 situations bien distinctes de rencontres patient-médecin, qu'il détaille dans l'ouvrage.

  • La première catégorie de rencontre est la situation parfaite, où il y a adéquation entre les plaintes du malade et la labellisation médicale. Les symptômes vont bien correspondre à une maladie étiquetée et déboucher sur un traitement.
  • La deuxième catégorie, les MNO ou maladies non objectivables, est un trouble vécu par le malade mais pour lequel la médecine ne parvient pas à élaborer de diagnostic. La médecine tente néanmoins de regrouper ces symptômes et de labelliser certains syndromes, comme la fibromyalgie, le trouble du déficit de l'attention, phobie sociale, syndrome de l'intestin irritable, syndrome prémenstruel, troubles musculo-squelettiques etc....
    Selon l'auteur : "Lorsque les symptômes sont assez prévalents dans la population et similaires d'un patient à l'autre, le commerce médical créé un nouvel objet-maladie en rupture totale avec le précepte anatomo-clinique."
    "D'autres maladies non objectivables ont été secondairement acceptées par la médecine académique et intégrées dans les classifications officielles des objets-maladie sous la seule pression du marché, après la découverte d'un médicament. Le cas emblématique est celui de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge)."
  • Les objets non-maladie, composant la troisième ligne, sont définis par l'auteur dans un interview accordé à La Nutrition :
    "C’est le cas, par exemple, où vous allez très bien. Vous n’avez ni plainte, ni souffrance, mais un beau matin, vous recevez une invitation pour un dépistage pour tel ou tel cancer. Vous n’y pensiez pas avant. Vous allez donc vous soumettre au dépistage, pensant qu’il est bon pour vous. Peut-être qu’on va vous trouver quelque chose, comme une minuscule image suspecte dans le sein. Cette maladie qui vous est « proposée » par la médecine elle-même, voilà ce que j’appelle les « non-maladies ». Cet objet ne vous concerne pas, mais la médecine vous propose un diagnostic. Cette intrusion peut être considérée comme abusive, et elle l’est assez souvent."
    Car ces objets non-maladie, comme l'hypercholestérolémie, le syndrome métabolique, et les surdiagnostics des dépistages systématiques ont un réel impact dans la vie d'une personne.
  • Enfin, dans la quatrième catégorie se trouvent les 'hors-sujets sanitaires'. Il s'agit par exemple du vieillissement, la calvitie, la demande de beauté, enfin ces rencontres patient-médecin qui ne relèvent pas du registre de la santé à proprement parler, qui ne sont, selon l'auteur, " des extensions de la pratique médicale, consistant non plus à réparer le corps mais à tenter de l'améliorer".
    "L'exigence démesurée des consommateurs, les contraintes juridiques et administratives, le niveau de compétition, la tyrannie du paraître et tant d'autres facteurs sociétaux conduisent les citoyens dans les cabinets médicaux."

La fabrication des ONM, objets non-maladies

Ce chapitre nous a intéressés en premier lieu, les découvertes de lésions par les dépistages avec leur lot de surdiagnostics s'insérant dans cette catégorie.

L'obsession diagnostique est déplacée en amont de la maladie et l'idée générale pour l'instauration des dépistages est, dit l'auteur, "de ralentir ou de stopper l'évolution du processus physio-pathologique avant l'apparition des symptômes, donc avant que la maladie ne devienne clinique".

Cet espoir repose sur deux dogmes :

  • Dogme de la continuité physiopathologique, selon lequel un cancer évoluerait de façon inexorable de la cellule aux métastases, que l'athérosclérose aboutirait immanquablement à l'obstruction d'une artère etc...
  • Dogme de l'équivalence du soin pré-symptomatique, qui part du principe que le traitement administré lors des symptômes se montrera aussi efficace administré en amont, avant l'apparition des signes. Comme fluidifier le sang avant l'accident vasculaire, traiter l'ostéoporose avant la fracture, donner des neuroleptiques avant l'apparition de délires, et ôter tout cancer solide non symptomatique avant sa manifestation clinique.
    "Malgré la multiplication des exemples prouvant l'inefficacité ou la dangerosité de certaines préventions pharmacologiques primaires", dit l'auteur, "celles-ci continuent à gagner du terrain sous l'influence des deux dogmes précités."

Nous devons nous considérer comme des porteurs sains, explique Luc Perino, de gènes de prédisposition et de facteurs de risque, dont on ne sait que faire puisque ne sachant pas si on a découvert alors des maladies réelles, virtuelles ou potentielles. En réalité ce ne sont que des objets non-maladie.

Lire les différents modèles de progression du cancer : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/cancers-et-depistages/

Et notre vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=pbGZdyUCITc

Objets non-maladie, les surdiagnostics et les incidentalomes

1° Les incidentalomes, ce sont des découvertes fortuites, lors d'examens para-cliniques, d'anomalies inexprimées qui n'ont rien à voir avec les symptômes ou la maladie pour lesquels ces examens ont été prescrits, et souvent qui ne siègent même pas dans l'organe qui était l'objet des explorations.

Souvent, comme l'explique l'auteur, "ces incidentalomes conduisent à de nouvelles « vérifications ». Vous allez entrer dans une spirale d’examens et une chaîne ininterrompue entre commerce médical et angoisses."
En effet, "les incidentalomes sont trouvés dans près de 40% des examens d'imagerie médicale, ils suscitent des interrogations nécessitant de nouveaux examens de contrôle qui génèrent à leur tout un lot incompressible d'incidentalomes".

Ainsi on trouve des nodules surrénaliens silencieux, des nodules pulmonaires non spécifiques, très fréquemment, dont certains sont surveillés parfois pendant plusieurs années. Certaine de ces découvertes aboutissent à des faux positifs de cancers, et d'autres à des découvertes inutiles générant du surdiagnostic, objet du prochain paragraphe.

2° Le surdiagnostic, c'est la découverte inutile d'une lésion contenant vraiment des cellules cancéreuses sous le microscope, mais qui n'aurait jamais mis en danger ni la santé ni la vie du patient si elle n'avait pas été découverte.

Voir ici pour définition et explication : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

"Alors même que les autorités de santé de tous les pays déconseillent le dépistage par PSA(Antigène Prostatique Spécifique), même chez les patients avec facteurs de risque, la moitié des médecins ignorent cette recommandation ou se heurtent à des patients qui la réclament. Le problème est plus délicat pour le sein et la polémique continue, alors que 30% à 50% des diagnostics sont inutiles ou erronés."
"On a de bonnes raisons de supposer qu’il en sera de même pour le cancer du côlon. En France, nous n’en sommes pas encore là. En revanche, pour le cancer de la thyroïde, je suis très clair : 98% des interventions de la thyroïde pour cancer sont inutiles."

L'auteur s'exprime également sur un nouveau dépistage, à l'étude, celui du cancer broncho-pulmonaire par scanners faibles doses :
"Pour certains dépistages, comme celui du cancer du poumon que certains essaient activement de promouvoir, nous possédons déjà suffisamment de données pour savoir qu’il aura un effet délétère. Cela pourra diminuer les incitations à ne pas fumer ou à cesser de le faire. On sait aussi que le diagnostic de ce mauvais cancer élève sensiblement le taux de suicide. Un tel dépistage aura bien du mal à prouver un effet bénéfique en termes de santé publique, mais la machine est en marche et certains pays finiront par le proposer. Pour moi, ce énième dépistage relève d’un ensemble de commerces scandaleux qui jouent sur l’angoisse et l’idée mensongère qu’on peut supprimer ce fléau sans supprimer le tabac. Je trouve cela éthiquement honteux. "
A ce propos lire : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/

La confusion entre dépistage et prévention est totale et ainsi "de nombreux bien-portants se sentent malades. C'est un curieux paradoxe largement entretenu par les médias qui ne cessent de ressasser tous les risques qui nous guettent et contre lesquels on doit se protéger."
L'auteur cite Amartya Sen, un Indien prix Nobel d’économie, " plus la santé objective s’améliore, plus la santé subjective se dégrade. En France, de nombreux bien- portants se sentent malades"

Notion de porteur sain

Nous connaissons cette notion en infectiologie. Concernant la cancérologie, nous portons tous en nous des gènes de prédisposition et des facteurs de risque.
En infectiologie, un microbe ne suffit pas à développer la maladie, il faut d'autres facteurs inhérents au malade et aussi à son environnement. En cancérologie l'affaire est analogue. Sous la forte pression biomédicale que nous connaissons dans la médecine actuelle, ne pas être malade ne signifie pas la même chose qu'être un non-malade, mais la connaissance d'être porteur d'une non-maladie fait que la peur précède l'épidémie (ou la maladie), au lieu de la suivre, explique l'auteur.

Pour le cancer du sein, nous connaissons des variants pathogènes de gènes BCRA1 et BCRA2 qui impliquent une augmentation significative de la probabilité d'avoir un cancer du sein par rapport à la population générale. Bien sûr ces femmes doivent bénéficier d'un suivi particulier, mais il y a néanmoins 30 à60% des femmes avec mutation BCRA1, et jusqu'à 50/60% des femmes avec la mutation BCRA2 qui vivront jusqu'à 90 ans ou mourront de tout à fait autre chose qu'un cancer du sein.
L'environnement, l'exposition à d'autres facteurs supplémentaires ont une importance pour l'expression ou non de la maladie.

Comme le relate Luc Perino dans son ouvrage, la cellule cancéreuse a acquis des potentialités importantes de reproduction. Nous sommes tous porteurs de cellules cancéreuses, mutées, mais la plupart du temps d'une part le système immunitaire les considère comme étrangères et les éliminera, d'autre part les cellules mutées ont une telle instabilité génétique que les mutations de leur ADN finissent par les tuer.
Il faut donc beaucoup de temps, explique l'auteur, pour que la défaillance immunitaire permette aux cellules de migrer et coloniser des tissus. On estime que les cellules qui migrent échouent à coloniser un nouvel organe dans 99% des cas." "Le cancer est donc biologiquement inscrit dans l'évolution de toutes les lignées cellulaires."

On comprend ainsi qu'un cancer peut rester infra-clinique, ou pré-clinique pendant longtemps, voire durant la vie du patient, et même disparaître. (De nombreux cas de disparitions et guérisons spontanées, notamment de mélanomes ou de cancers de poumon sont décrits depuis les années 1970 ; mis on ne peut pas parier dessus bien évidemment, ainsi tout cancer détecté sera traité).
"Néanmoins, lorsqu'un anatomo-pathologiste détecte une cellule cancéreuse sous son microscope, il ne tient pas compte de cette savante biologie et il écrit au médecin ou au chirurgien que son patient est porteur d'un cancer. Lorsque le mot du diagnostic est prononcé, il n'est plus possible de revenir en arrière".

La symbolique du cancer est particulière, aucune autre maladie ne possède cette aura d'ennemi interne, d'alien dont chacun "est persuadé que cet ennemi poursuit inexorablement sa route dans l'organisme et qu'il faut constamment le traquer pour l'extraire avec un bistouri, le brûler avec des rayons, le tuer avec des produits chimiques."
Et il en sera de même pour les biopsies liquides, dont la recherche systématique est très controversée dans le domaine des dépistages, faisant planer sur le patient un syndrome de Damoclès. Voir ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/

Selon Luc Perino, la question du temps zéro va se poser avec de plus en plus d'acuité, s'exprimant dans la question : 'à partir de quand est-on malade ?'
"...demain les puces de microréseaux d'ADN et les biopsies liquides, encore contestées, nous permettrons de détecter des cancers bien avant." "La question du temps zéro du cancer devient alors impérative, ne pas y répondre conduirait tôt ou tard la biomédecine à diagnostiquer des cancers chez tous les adultes."

Les abus des dépistages

On peut déterminer 4 groupes évolutifs de cancer, explique Luc Perino, ce sont ceux que vous trouverez figurés dans notre vidéo sus-citée, expliquant la mécanique des cancers.

1-Les cancers rapidement mortels.
2-Les cancers évolutifs entraînant une mort anticipée
3-Les cancers pas ou peu évolutifs, sans effet sur la durée de vie "programmée", "idéale" ou "prévisible"
4- Les cancers à régression ou guérison spontanée.

Le troisième groupe, dit l'auteur, "est incontestablement majoritaire. Les cancers accompagnant la vieillesse jusqu'à ce que la mort survienne par une autre cause sont innombrables. Les carcinomes baso-cellulaires de la peau, les cancers papillaires de la thyroïde, l'adénocarcinome de la prostate, les cancers du rein sont les plus connus de ceux dont on peut affirmer que l'incidence sur la durée de vie n'est pas plus importante que celle de tous les autres processus de vieillissement."

C'est pour cela d'ailleurs que les dépistages, notamment celui du sein, sont stoppés à un certain âge, et c'est cela qui rend l'appel du Collège des Gynécologues pour un dépistage du cancer du sein à un âge prolongé complètement insensé.

Le surdiagnostic des cancers est une problématique importante, car c'est la détection inutile de masses qui n'auraient jamais nui, mais qui seront traitées avec virulence. Mais, dit l'auteur, "cela risque aussi de nous dissimuler l'histoire naturelle des cancers, car presque tous les cancers dépistés sont traités." Ceci pour des raisons éthiques, politiques et économiques mais aussi, selon lui, pour des raisons émotionnelles qu'on peut regrouper sous le terme de "panique au cancer".
"L'autre abus de la communication en cancérologie est d'assimiler le dépistage à une façon d'éviter le cancer".

LE DEPISTAGE N'EST PAS UNE PREVENTION ! Ressasse avec justesse l'auteur. Classiquement, rappelle-t-il, "les mesures hygiéno-diététiques et comportementales sont les seules mesures de la prévention primaire."

D'autres objets-non maladie

C'est le façonnage de maladies, ou ce qu'on appelle le 'disease-mongering'.

Il s'agit de parler dans les médias d'une maladie en suggérant qu'elle est méconnue ou sous-reconnue, ou d'abaisser les seuils critiques pour qu'un plus grand nombre de personnes soit atteint (l'hypercholestérolémie en est un bon exemple), ou transformer des expériences humaines en pathologie (l'hyperactivité par exemple, ou la ménopause). D'autres 'fabrications' de maladies peuvent s'opérer en présentant des facteurs de risque comme des pathologies à part entière, en utilisant des statistiques en exploitant les biais pour exagérer un bénéfice d'un traitement, ou amplifier l'impact épidémiologique de symptômes rares.

Conséquences

L'auteur alerte sur cette multiplication d'objets non-maladie, mais aussi de maladies non objectivables et des demandes hors sujet sanitaire, car elle "entraîne une dissociation entre diagnostic et soin :
-L'augmentation de la précision diagnostique a de moins en moins de répercussions sur la qualité des soins.
-Les médecins ont une offre de diagnostics qui dépasse largement largement leur offre de soins.
-Les patients ont une demande de diagnostics devenue étrangement aussi importante que leur demande de soins.
-La demande de soins est de plus en plus dé-corrélée de l'exactitude diagnostique.
-Les choix de soins sont soumis à de multiples pressions médiatiques, médicales, commerciales et politiques qui contraignent le médecin.
-Les soins deviennent une cause de confusion, voire d'empêchement diagnostique.
-Les soins deviennent une cause majeure de morbidité.
-Les progrès de la recherche fondamentale n'ont presque plus de répercussion sur l'amélioration de la santé publique et sur le gain individuel de quantité-qualité de vie (QALY)."

Conclusion

Nous renouvellerons la conclusion d'un article que nous avions publié en janvier de cette année, en lien avec l'ouvrage "les non-maladies" de Luc Perino, à savoir que nous devons accepter la probabilité de connaître telle ou telle situation de santé, mais jamais en termes de certitudes, aucune technologie, aucun test n'étant capable de nous prévoir avec une certitude absolue ce qu'il va advenir. Et parfois ce test peut même nous induire en erreur. Il peut déboucher sur des procédures et des traitements inutiles.

Les tests systématiques peuvent induire des "objets non-maladie", dont parle Luc Perino, dont nous ne savons que faire et qui nous conduisent dans des parcours de "malades" que nous n'aurions pas connus sans eux.

Evaluer un risque est difficile, et la précipitation peut conduire à des décisions délétères ; en cela le médecin traitant est un allié pour n'être pas piégé par des slogans, des poncifs tout prêts et simplistes, des campagnes médiatiques outrancières et bêtifiantes, et par des injonctions de leaders d'opinion dont les liens d'intérêts ne sont pas toujours bien annoncés.

Dans l'interview accordé à La Nutrition, Luc Perino conclut en répondant à la question : et pour terminer, qu’est-ce qu’être en bonne santé ?
"En être convaincu ! Je connais plein de grands malades et de porteurs d’objets maladies en bonne santé !"

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Ne m’appelez plus cancer….

Doit-on abandonner le terme  "cancer" pour les CCIS à faible risque ? Une revue des données probantes.

https://link.springer.com/article/10.1007/s10549-023-06934-y

Synthèse et traduction d'extraits par Cancer Rose, le 24 avril 2023

Il s'agit d'une revue réalisée par des chercheurs de l'Université de Sydney (Australie) dans des bases de données (PubMed et EMBASE) des études sur les carcinomes canalaires in situ (CCIS) à faible risque.
Le carcinome canalaire est une entité particulière de lésion du sein qui reste dans le canal lactifère du sein, et qui n'est pas comptabilisé dans les taux des "vrais" cancers, mais qui est néanmoins traité avec la même agressivité et lourdeur que les cancers invasifs du sein.
Nous expliquons cette forme de lésion mammaire ici : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/quest-ce-quun-carcinome-in-situ/

Pourquoi cette étude ?


"Le dépistage mammographique du cancer du sein dans la population a entraîné une forte augmentation du diagnostic et du traitement du carcinome canalaire in situ (CCIS). La surveillance active a été proposée comme stratégie de gestion pour les CCIS à faible risque afin d'atténuer les risques de surdiagnostic et de surtraitement. Cependant, les cliniciens et les patients restent réticents à choisir la surveillance active, même dans le cadre d'un essai. Un recalibrage du seuil diagnostique pour les CCIS à faible risque et/ou l'utilisation d'un label ne comportant pas le mot "cancer" pourraient encourager le recours à la surveillance active et à d'autres options de traitement conservateur. "
Les auteurs expliquent :
"Nous avons cherché à identifier et à rassembler des données épidémiologiques pertinentes afin d'alimenter la discussion sur ces idées."

En effet des études " ont rapporté que les femmes atteintes d'un CCIS à faible risque avaient des résultats comparables, qu'elles aient ou non subi une intervention chirurgicale. Le risque de cancer du sein invasif chez les patientes présentant un CCIS à faible risque variait de 6,5 % (7,5 ans) à 10,8 % (10 ans). Le risque de décès d'un cancer du sein chez les patientes présentant un CCIS à faible risque variait de 1,2 à 2,2 % (10 ans)."
"Il est possible que les lésions à faible risque soient un indicateur de risque de cancer invasif plutôt qu'une lésion précurseur directe.
Les études d'autopsie démontrent l'existence d'un réservoir de cancer du sein in situ subclinique qui n'a pas provoqué de symptômes ou contribué au décès des femmes."
"L'ampleur du surdiagnostic a été sous-estimée [15]. En particulier, bien que le CCIS ait été rarement diagnostiqué avant le dépistage, il est aujourd'hui systématiquement traité avec une thérapie agressive, malgré l'incertitude concernant son histoire naturelle [6], y compris le fait que certains cas sont déjà métastatiques au moment où ils sont détectables [53]."
"Au niveau de la population, le traitement agressif du CCIS n'a pas entraîné de baisse de l'incidence du cancer invasif [15, 17] ou du cancer métastatique."

Une initiative de changement de label déjà évoquée antérieurement

La terminologie d'une lésion a une grande importance car elle détermine l'attitude plus ou martiale que la médecine va employer pour la traiter.

Lors d'une réunion du National Cancer Institute américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement. Le fait qu'une large proportion de DCIS, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le mot 'cancer de stade 0') afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".
Les termes "cancer" et "carcinome" seraient réservés aux lésions susceptibles de progresser.
Certains ont avancé le terme de "lésion indolente d'origine épithéliale (LIE)".
Une telle approche de modification de la terminologie pour mieux s'adapter à la biologie sous-jacente a déjà été utilisée dans le cas de la néoplasie intraépithéliale cervicale (du col utérin), qui était autrefois appelée carcinome in situ, et dans le cas des tumeurs épithéliales à faible potentiel malin pour les lésions ovariennes.
Voir bibliographie :
* Veronesi U, Zurrida S, Goldhirsch A, et al. Breast cancer classification: time for a change. J Clin Oncol. 2009;27(15):2427–2428.
* Ganz PA. Quality-of-life issues in patients with ductal carcinoma in situ. J Natl Cancer Inst Monogr. 2010;2010(41):218–222.
* NIH State-of-the-Science Conference: Diagnosis and Management of Ductal Carcinoma in Situ (DCIS), September 22-24. (Accessed August 21,2013) 2009 [Available from: http://consensus.nih.gov/2009/dcis.htm.
* Nickel B, Moynihan R, Barratt A, et al. Renaming low risk conditions labelled as cancer. BMJ. 2018;362:k3322.

Discussion, résultats

"La généralisation du dépistage mammographique du cancer du sein a considérablement augmenté la détection des cancers du sein au stade précoce et des lésions précurseurs, y compris le carcinome canalaire in situ (CCIS). Comme il est peu probable que certaines de ces lésions évoluent vers une maladie cliniquement significative au cours de la vie de la personne si elles ne sont pas détectées et traitées, les programmes de dépistage par mammographie entraînent un important préjudice, à savoir le surdiagnostic et le surtraitement qui en découle [1,2,3,4].
Les tendances épidémiologiques aux États-Unis montrent une augmentation des taux de diagnostic du cancer du sein, alors que les taux de maladie métastatique et de mortalité par cancer du sein restent largement stables [5], des observations qui vont dans le sens d'un surdiagnostic. Les personnes diagnostiquées avec un CCIS se voient généralement proposer une intervention chirurgicale sous la forme d'une chirurgie conservatrice du sein ou d'une mastectomie. Elles peuvent également subir une intervention au niveau du ganglion lymphatique axillaire (biopsie du ganglion lymphatique sentinelle et parfois curage du ganglion lymphatique axillaire), une radiothérapie et des thérapies endocriniennes [6]. Les risques d'effets indésirables et les inconvénients d'au moins certains de ces traitements peuvent être des compromis acceptables par rapport aux avantages potentiels en termes de prolongation de la vie pour les lésions à haut risque [3].
Cependant, dans le cas d'un CCIS à faible risque, les compromis ne sont peut-être plus acceptables, car les bénéfices potentiels sont bien moindres. Afin d'éviter les effets néfastes d'un surtraitement des lésions à faible risque, la surveillance active a été proposée comme stratégie alternative de prise en charge [7, 8]."

En effet plusieurs études cliniques (essais) sont en cours pour évaluer la pertinence d'une simple surveillance active des carcinomes in situ plutôt qu'un traitement d'emblée.
.......
"Si les résultats de ces essais montrent que la surveillance active est une option de prise en charge sûre et efficace, elle pourra être proposée dans la pratique clinique courante, comme c'est le cas aujourd'hui pour le cancer de la prostate à faible risque [11]. Le recrutement dans les essais a été lent, probablement en raison des préoccupations des cliniciens et des patients concernant la surveillance active en tant qu'option de prise en charge [12,13,14]. En outre, en dehors des essais, seuls 3 % des femmes diagnostiquées avec un CCIS aux États-Unis choisissent de renoncer à la chirurgie et à la radiothérapie [3, 4]. Pour encourager le recours à la surveillance active des CCIS à faible risque, on peut envisager d'utiliser d'autres termes pour décrire ces lésions, sans utiliser le terme "cancer" [15, 16]. Une autre solution consisterait à conserver l'appellation CCIS, mais en recalibrant les seuils diagnostiques de manière à ce que le terme CCIS ne soit appliqué qu'aux lésions présentant un risque plus élevé d'évolution défavorable [17], et que le CCIS à faible risque reçoive une autre appellation qui ne contienne pas le mot "cancer". Ces possibilités peuvent amener les cliniciens et les patientes à opter pour une surveillance active et d'autres options de prise en charge conservatrice lorsque cela est cliniquement approprié [18,19,20,21,22]."

S'accorder sur les définitions

".....L'idée qu'un traitement agressif est nécessaire en cas de cancer persiste, et les patientes hésitent souvent à opter pour la surveillance active [16]. Cela a conduit à des propositions de changement de terminologie pour les CCIS de bas grade, sans le mot carcinome, afin de refléter leur nature indolente et d'encourager l'adoption d'options thérapeutiques moins agressives [15,16,17, 55]. Des termes tels que "lésions indolentes d'origine épithéliale" (LIE) [17] et "néoplasie intraépithéliale canalaire" (DIN) [56] ont été proposés. Il a été démontré que, dans un scénario hypothétique, davantage de femmes préféraient un traitement chirurgical lorsque le CCIS était décrit comme un cancer, plutôt que comme une "lésion mammaire" ou des "cellules anormales" [16].
"Si le CCIS à faible risque doit devenir une catégorie diagnostique distincte avec des recommandations de traitement différentes, il faudra s'accorder sur une définition de ce qui constitue une lésion à faible risque et améliorer la reproductibilité diagnostique de ces lésions."

"La modification de la terminologie utilisée pour décrire les lésions à faible risque peut faire partie de la stratégie globale, mais il est peu probable qu'elle résolve à elle seule ces problèmes. Si l'on estime qu'un changement de terminologie s'impose, il faudra d'abord s'entendre sur ce qui est considéré comme un risque faible pour le mettre en œuvre."

"Comme pour la détection d'autres affections asymptomatiques, le choix du seuil de dichotomie entre les catégories à faible risque et à haut risque est délicat. La disponibilité croissante d'indicateurs moléculaires [57,58,59,60,61] et la prédiction par l'intelligence artificielle d'un comportement cliniquement agressif [62, 63] peuvent aider à cette détermination."

Conclusion

"Les données épidémiologiques appuient l'idée d'un changement du libellé et/ou d'un recalibrage des seuils diagnostiques pour les CCIS à faible risque. De tels changements diagnostiques nécessiteraient un accord sur la définition du CCIS à faible risque et une amélioration de la reproductibilité du diagnostic."

"Les points forts de cette revue résident dans sa rigueur méthodologique, y compris une recherche exhaustive de la littérature, complétée par des articles suggérés par des experts dans le domaine, et une évaluation critique des études incluses. Nous présentons des données sur le CCIS dans son ensemble, ainsi que sur le CCIS à faible risque lorsqu'il a été signalé. Il s'agit également de la première analyse des données probantes visant à répondre à la question de savoir si le CCIS à faible risque devrait devenir une catégorie diagnostique distincte avec une appellation diagnostique non cancéreuse."

"Les essais randomisés actuellement en cours apporteront des preuves définitives de la sécurité de la surveillance active [1,2,3, 9, 10, 67], mais ces données ne seront pas disponibles avant plusieurs années. En attendant, les données résumées dans cette revue peuvent faciliter l'ouverture d'une discussion sur les avantages et les inconvénients de la suppression du terme "cancer" de l'étiquette diagnostique du CCIS à faible risque. Lorsque les données des essais seront disponibles, elles permettront d'éclairer davantage le débat, notamment en proposant une définition plus précise du CCIS à faible risque qui soit largement acceptée par les communautés cliniques et pathologiques."

Pour aller plus loin

L'excès des carcinomes in situ, un défi pour le dépistage

Un blog dédié, pour les femmes

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Le surdiagnostic est sous-estimé dans les dépistages, une revue systématique

Synthèse et traduction par Cancer Rose, 2 avril 2023

Selon cette revue systématique les essais randomisés de dépistage du cancer sont rarement conçus pour estimer le surdiagnostic. De nombreux essais utilisés dans la conception des dépistages ont été biaisés vers une sous-estimation du degré de surdiagnostic.
Il s'agit de la première revue et de la première ré-analyse du surdiagnostic dans les essais de dépistage du cancer.
Plusieurs auteurs (danois, portugais, norvégiens) dont des chercheurs de la Collaboration Cochrane ont réalisé ce travail de synthèse.
Quantification of overdiagnosis in randomised trials of cancer screening: an overview and re-analysis of systematic reviews
Theis Voss, Mikela Krag, Frederik Martiny, Bruno Heleno, Karsten Juhl Jørgensen, John Brandt Brodersen 
https://doi.org/10.1016/j.canep.2023.102352

Le point fort de cet aperçu est qu'il a inclus des essais issus des revues systématiques Cochrane, reconnues pour leurs recherches exhaustives de la littérature et leur évaluation structurée du risque de biais, ainsi qu'une revue systématique de l'USPSTF* , dont les normes méthodologiques sont également élevées[54]. La stratégie de recherche est mise à jour et les auteurs ont vérifié la liste de référence des essais inclus, ce qui augmente les chances de présenter un aperçu complet et actualisé.
*Groupe de travail sur les services préventifs des États-Unis ; il s'agit d'un groupe indépendant d'experts en soins primaires et en prévention qui examine systématiquement les preuves d'efficacité et élabore des recommandations pour les services cliniques de prévention.

Le degré de surdiagnostic dans les essais courants de dépistage du cancer est incertain en raison d'une conception inadéquate des essais, d'une définition variable et des méthodes utilisées pour estimer le surdiagnostic.
Les auteurs ont cherché à quantifier le risque de surdiagnostic pour les programmes de dépistage du cancer les plus largement mis en œuvre et à évaluer les implications des problèmes de conception et des biais des essais utilisés pour divers dépistages sur les estimations du surdiagnostic, en effectuant une nouvelle analyse des revues systématiques sur le dépistage des cancers.
Des recherches ont été effectuées dans PubMed et dans la Cochrane Library depuis leur date de création jusqu'au 29 novembre 2021. Les auteurs ont évalué le risque de biais en utilisant l'outil « Cochrane Risk of Bias Tool »  de la Collaboration Cochrane.

Dix-neuf essais décrits dans trente articles ont été extraits pour examen, rapportant des résultats pour les types de dépistage suivants :
*mammographie pour le cancer du sein,
*radiographie du thorax ou tomodensitométrie à faibles doses pour le cancer du poumon,
*alpha-foetoprotéine et échographie pour le cancer du foie,
*toucher rectal, antigène prostatique spécifique et échographie transrectale pour le cancer de la prostate,
*test CA-125 et/ou échographie pour le cancer de l'ovaire.

Aucun essai sur le dépistage du mélanome n'était éligible.

L'ampleur du surdiagnostic variait de 17 % à 38 % dans les programmes de dépistage du cancer. En moyenne les auteurs ont constaté que :
-27 % des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
-27 % des cancers du foie détectés par dépistage
-38% des cancers prostatiques détectés par PSA et
-17 % des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

Les auteurs concluent qu'il existe un risque significatif de surdiagnostic dans les essais randomisés inclus sur le dépistage du cancer. Les essais n'étaient généralement pas conçus pour estimer le surdiagnostic et de nombreux essais présentaient un risque élevé de biais susceptibles d'orienter les estimations du surdiagnostic vers la valeur nulle.
En effet, l'ampleur réelle du surdiagnostic dû au dépistage du cancer est vraisemblablement sous-estimée.

Voici la traduction des majeures parties de l'article publié dans Cancer Epidemiology, avec les tableaux, suivie des commentaires Cancer Rose- (les figures additionnelles se trouvent en fin d'article).

1. Introduction

Le surdiagnostic du cancer est le diagnostic d'une pathologie néoplasique indolente qui n'évoluerait jamais au point de provoquer des symptômes et/ou la mort au cours de la vie d'un individu[1] et constitue le préjudice le plus grave du dépistage du cancer[2],[3],[4]
Si un cancer est détecté, les cliniciens ne peuvent pas savoir quelles sont les personnes surdiagnostiquées, car il est impossible de savoir comment le cancer aurait évolué en l'absence de dépistage. Par conséquent, tous les patients se voient proposer un traitement ou une surveillance de routine[5],[6]. Les personnes surdiagnostiquées sont donc inutilement diagnostiquées, puis surtraitées, ce qui leur porte préjudice.

C'est pour cette raison qu'il est essentiel de connaître l'ampleur du surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer afin de pouvoir prendre des décisions éclairées en matière de dépistage, par exemple en ce qui concerne la participation individuelle ou la mise en place d'un programme de dépistage donné au niveau national, tel que le dépistage du cancer de la prostate[7],[8].

En théorie, la méthode la plus solide pour estimer le surdiagnostic consiste à utiliser des données provenant d'essais contrôlés randomisés avec un suivi à vie de tous les participants et sans contamination du groupe de contrôle ou du groupe d'intervention, c'est-à-dire sans dépistage des deux groupes d'essai pendant et après la fin de l'étude [5], [9]. [À la fin de la phase de dépistage actif, on s'attend à un excès de cancers dans la population dépistée, car le dépistage devrait avancer le moment du diagnostic (lead time)[5]. S'il n'y avait pas de surdiagnostic, cet excès de cancers devrait être compensé au fil du temps, car ils évolueraient tous vers un cancer qui serait détecté cliniquement après la phase de dépistage actif. Ainsi, un excès persistant dans l'incidence cumulée des cancers dans la population dépistée après une période de suivi suffisante pour tenir compte du délai d'anticipation constitue une preuve de haute qualité de surdiagnostic[5], [8], [10].

L'objectif de cette vue d'ensemble et de cette nouvelle analyse des revues systématiques des essais contrôlés randomisés sur le dépistage du cancer était d'évaluer l'étendue des limitations de la conception et des biais dans les essais contrôlés randomisés inclus pour quantifier le surdiagnostic et, si possible, d'estimer la probabilité que le cancer détecté par le dépistage ait été surdiagnostiqué pour les programmes de dépistage du cancer les plus répandus. De nombreux types de dépistage du cancer, si ce n'est tous, peuvent conduire à un surdiagnostic. À notre connaissance, nous sommes les premiers à compiler les données relatives au surdiagnostic dans le cadre du dépistage de différents cancers. Pour le présent document, nous avons choisi de nous concentrer sur les programmes de dépistage du cancer les plus répandus.

2. Méthodes utilisées

Cette vue d'ensemble et cette réanalyse des revues systématiques ont été réalisées sur la base d'un protocole publié avant la réalisation de la présente étude[11].

Critères d'éligibilité

Les revues systématiques d'essais randomisés étaient éligibles si elles :
1) étudiaient le dépistage visant à détecter le cancer plus tôt qu'il n'apparaîtrait cliniquement.
2) comparaient une intervention de dépistage du cancer à l'absence de dépistage.
3) rapportaient l'incidence du cancer chez les participants dépistés et non dépistés, ainsi que le nombre de cancers détectés par le dépistage.
4) ont été réalisées par la Collaboration Cochrane, c'est-à-dire des revues Cochrane, et n'ont inclus que des essais contrôlés randomisés. .....
.......

Stratégie de recherche

Nous avons effectué une recherche dans la Cochrane Library of Systematic Reviews (février 2016) en utilisant les termes de recherche "screening" et "cancer" dans le titre, le résumé ou les mots-clés.
........

Évaluation du risque de biais dans les essais inclus

Nous avons extrait les évaluations du risque de biais des revues systématiques Cochrane incluses. Nous avons utilisé le Cochrane Risk of Bias Tool version 1.0[14] qui comprend les six domaines suivants :
1. Biais de sélection : génération de séquences aléatoires et dissimulation de l'allocation
2. Biais de performance : aveuglement des participants et du personnel (non extrait)
3. Biais de détection : aveuglement de l'évaluation des résultats
4. Biais d'attrition : données incomplètes sur les résultats
5. Biais de déclaration : déclaration sélective des résultats
6. autres sources possibles de biais
............

Nous avons évalué deux autres biais susceptibles d'affecter l'estimation du surdiagnostic (tableau 1) :
1. La contamination du groupe de contrôle après la randomisation[15] La contamination a été définie comme le nombre déclaré de participants du groupe de contrôle qui ont été exposés à la même technologie de dépistage que le groupe dépisté. ......
2. Prise en compte inadéquate du délai (suivi post-intervention trop court ou dépistage proposé au groupe témoin à la fin de l'essai)
.....................

TABLEAU 1

Autres facteurs influençant les estimations du surdiagnostic.
1. Risque de cancer différent au départ entre les groupes d'intervention et les groupes témoins (équivalent au biais de sélection inclus dans l'outil Risk of Bias de Cochrane).
2. Le taux de participation aux cycles de dépistage. La participation n'a pas été considérée comme un biais dans le cadre de l'estimation du surdiagnostic, mais comme une composante du dépistage.
3. Nombre de cycles de dépistage et intervalle entre ces cycles.
4. Poursuite du dépistage, c'est-à-dire si les participants ont continué à bénéficier de la modalité de dépistage proposée de leur propre initiative après la fin du dépistage.
............

3. Les résultats

Sur les 19 essais examinés, le plus petit comptait 3206 participants (ITALUNG [22]), le plus grand 202 546 participants (UKCTOCS [23]) et la médiane des essais était de 26 602 participants (Stockholm [24]) (Tableau 2)

TABLEAU 2

........................
Estimations du surdiagnostic dans les études incluses

Pour tous les essais et tous les types de programmes de dépistage du cancer, les estimations du surdiagnostic variaient entre 6 et 67%
* Dans les essais de dépistage du cancer du sein par mammographie, les estimations variaient de 10 à 30 % .
* Dans le cas du cancer du poumon par scanner faibles doses, le surdiagnostic variait de 13 à 67 % .
* Dans le cas du cancer de la prostate, de 12 à 63 % .
* Dans le cas du cancer de l'ovaire par CA-125, de 6 à 42 %.
Seuls un essai sur le dépistage du cancer du foie et un essai sur le dépistage du cancer du poumon par radiographie du thorax ont été inclus et tous les deux ont montré que 27 % des cancers du poumon ou du foie détectés par le dépistage étaient surdiagnostiqués, respectivement (tableau 4 et figure 2 (à la fin de l'article)).
..........

TABLEAU 4

Dans notre méta-analyse primaire, nous avons estimé que 28 % (IC à 95 % : 4-52 %) des cancers du sein détectés par dépistage étaient surdiagnostiqués en utilisant les données de l'essai de Malmö sur le dépistage du cancer du sein.
Cet essai présentait un taux de surdiagnostic supérieur de trois points de pourcentage par rapport à la méta-analyse basée sur l'ensemble des essais inclus (tableau 4, figure 2, figure supplémentaire A1, voir fin d'article). [28], [29].
...........

Notre méta-analyse post hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire excluant les essais présentant un risque élevé de biais dans les domaines de la génération de séquences aléatoires, de la dissimulation de l'affectation, de la contamination ou du délai d'exécution, comprenait les données de 12 essais présentant des résultats pour six types de dépistage du cancer.
En moyenne, 27 % (IC à 95 % : 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie et 30 % (IC à 95 % : 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses ont été surdiagnostiqués.
Pour les quatre autres types de dépistage, les résultats n'étaient pas significatifs. Nous avons estimé qu'en moyenne 27 % (IC 95 % -10 à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 27 % (IC 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 sont surdiagnostiqués.
......

La méta-analyse de tous les essais inclus dans la synthèse, quel que soit le risque de biais, a montré qu'en moyenne, 25 % (IC 95 % 12-38 %) des cancers du sein détectés par mammographie, 27 % (IC 95 % -10 % à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 29 % (IC 95 % 7-52 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses, 27 % (IC 95 % 4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par échographie, 38 % (IC95% 14–62%) des cancers de la prostate détectés par PSA, 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 et 6 % (IC 95 % -27 % à 39 %) des cancers de l'ovaire détectés par échographie ont fait l'objet d'un surdiagnostic (Fig. 2, fin d'article).
............

4. Discussion

Principaux résultats


.....
Dans notre méta-analyse post-hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire, excluant les essais présentant un risque élevé de biais ......nous avons constaté que :
-27 % (IC à 95 % 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % (IC à 95 % 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
- 27 % (IC à 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et
-17 % (IC à 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

De nombreux essais risquaient d'être biaisés en raison d'une mauvaise randomisation, d'une contamination du groupe témoin ou d'une prise en compte inadéquate du délai d'attente, c'est-à-dire d'une durée de suivi insuffisante pour tenir compte des cancers à croissance lente. La confiance dans les estimations du surdiagnostic a encore diminué en raison de l'imprécision de l'estimation groupée et de l'incohérence (hétérogénéité) entre les essais (figure 2, tableau supplémentaire A1, fin d'article).
...............

Implications pour la pratique

Le surdiagnostic est l'inconvénient le plus grave du dépistage du cancer.
Pourtant, nous avons constaté que de nombreux essais de dépistage de divers types de cancer n'étaient pas conçus de manière adéquate pour en estimer l'ampleur.
De nombreux programmes de dépistage ont été mis en œuvre à la suite de résultats préliminaires bénéfiques. Cependant, les effets néfastes du dépistage, comme le surdiagnostic, prennent de nombreuses années avant d'être estimés de manière adéquate. Cet aperçu souligne la nécessité de poursuivre l'évaluation (par l'USPSTF, par exemple) des programmes de dépistage du cancer actuels et futurs, afin de prendre en compte les éventuels effets néfastes qui pourraient nécessiter des modifications, voire l'arrêt d'un programme de dépistage.

5. Conclusion

Les essais contrôlés randomisés constituent le modèle le plus fiable pour quantifier le surdiagnostic s'ils sont conçus à cet effet ; cependant, notre aperçu montre que la confiance dans les estimations du surdiagnostic dans les essais contrôlés randomisés de dépistage du cancer est modérée à très faible.
.................

Deux technologies de dépistage (le cancer du poumon par scanner faibles doses et le cancer du sein par mammographie) ont montré un surdiagnostic significatif de 30 % et 27 %, respectivement.

En outre, dans le cas du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA, l'estimation suggère que 38 % des cancers de la prostate détectés par dépistage ont été surdiagnostiqués, même si les risques de biais sont élevés dans les essais cliniques randomisés inclus, ce qui favorise la sous-estimation.

Pour les programmes de dépistage du cancer de l'ovaire, nos meilleures estimations sont que 17 % des cancers de l'ovaire dépistés par le CA-125 et 6 % des cancers de l'ovaire dépistés par échographie transvaginale pourraient être surdiagnostiqués.

Figures additionnelles, cliquez pour agrandir :

Commentaires Cancer Rose

Trois problématiques doivent être soulevées :

-Tout d'abord l'information des femmes, les documents d'information de l'Institut National du Cancer restent insuffisants et défaillants dans l'exposition des données complètes, uniquement les fourchettes les plus basses sont exposées aux femmes et le surdiagnostic largement minimisé.
https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

-Les risques du dépistage du cancer du sein surpassent, lorsqu'on y additionne les fausses alertes, la morbidité et la mortalité secondaires aux surtraitements (hémopathies, cardiopathies et cancers secondaires aux traitements), les cancers radio-induits, l'hypothétique bénéfice de ce dépistage, les traitements étant reconnus pour être à l'origine de la relative baisse de mortalité depuis les années 90.
De ce fait il est scandaleux que la controverse scientifique sur ce dépistage figure, selon l'Institut National du Cancer français, dans les "fake-news".
https://cancer-rose.fr/2021/06/24/les-informations-independantes-en-sante-taxees-de-fake-news-cancer-rose-monte-au-creneau/

-Une étude sur un dépistage stratifié selon le risque est financée à hauteur de 12 millions d'euros qui sera incapable de chiffrer le surdiagnostic du dépistage du cancer du sein, donnant uniquement le choix aux femmes entre un dépistage (standard) et un autre dépistage (stratifié), partant du principe que le dépistage de ce cancer doit absolument être maintenu, et cela au mépris des demandes des citoyennes lors de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein.
Pourtant la vraie question de base est bien : doit-on maintenir ces dépistages onéreux, dont la plupart sont des services de faible valeur à la population ?

Un autre dépistage n'a pas été abordé dans cette analyse car officiellement non existant, celui du cancer de la thyroïde énormément pratiqué par échographie cervicale systématique, en dépit d'un risque de surdiagnostic connu et affolant (jusqu'à 84% !!!) et dont essentiellement les femmes font les frais.
En dehors du coût sur le plan de la santé humaine, son coût économique en France a fait l'objet d'une étude parue dans 'Value in Health'.
En voici le résultat :
Entre 2011-2015, on estime que 33 911 femmes et 10 846 hommes en France ont été diagnostiqués porteurs d'un cancer de la thyroïde, avec un coût moyen par habitant de 6 248 €.
Parmi les personnes traitées, 8 114-14 925 femmes et 1 465-3 626 hommes l'ont été à la suite d'un surdiagnostic. Le coût total de la prise en charge des patients atteints d'un cancer de la thyroïde était de 203,5 millions d'euros (154,3 millions d'euros pour les femmes et 49,3 millions d'euros pour les hommes).

Le surdiagnostic représente non seulement un problème clinique pour la personne, et de santé publique pour la population non seulement française mais dans le monde occidental, mais il représente aussi un fardeau économique colossal.

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[63] Siu A.L. Screening for Breast Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement. Annals of Internal Medicine; 2016. [Accessed October 2016] Available from https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/breast-cancer-screening1?ds=1&s=breast%20cancer%20screening.

[64] Moyer V.A. Screening for Lung Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement. Annals of Internal Medicine; 2013. [accessed October2016] Available from: https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/lung-cancer-screening?ds=1&s=lung%20cancer%20screening. [.

[65] Moyer V.A.. Screening for Prostate Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement. Annals of Internal Medicine; 2012. [Accessed October2016] Available from https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/prostate-cancer-screening?ds=1&s=prostat%20cancer%20screening.

[66] M.W. Marcus, S.W. Duffy, A. Devaraj, B.A. Green, M. Oudkerk, D. Baldwin, et al.,Probability of cancer in lung nodules using sequential volumetric screening up to 12 months: the UKLS trial, Thorax 74 (8) (2019) 761–767.

[67] A. Hodkinson, J.J. Kirkham, C. Tudur-Smith, C. Gamble, Reporting of harms data in RCTs: a systematic review of empirical assessments against the CONSORT harms extension, BMJ Open 3 (9) (2013), e003436.

[68] J.P. Ioannidis, S.J. Evans, P.C. Gotzsche, R.T. O’Neill, D.G. Altman, K. Schulz, et al., Better reporting of harms in randomized trials: an extension of the CONSORT statement, Ann. Intern Med 141 (10) (2004) 781–788.

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La tomosynthèse intégrée dans le dépistage

C.Bour, 24 mars 2023

Dans l'actualité de ce mois de mars 2023 nous apprenons que la HAS admet l'adjonction de la tomosynthèse* dans le dépistage du cancer du sein, à certaines conditions, après avoir pourtant fait preuve de prudence jusqu'à présent, cette technique posant plusieurs problèmes.
L’analyse des données de la littérature disponible ne permet en effet pas de savoir si le fait d’intégrer la tomosynthèse dans le dépistage organisé permettrait d’améliorer le dépistage du cancer du sein, notamment en ce qui concerne le surdiagnostic et le surtraitement.

*La tomosynthèse est une technique d'imagerie qui permet d'obtenir un cliché numérique reconstitué en trois dimensions à partir d'images du sein obtenues par la réalisation de multiples coupes, ce qui jusqu'à présent conditionnait une irradiation importante supplémentaire. Parfois cette technique est effectuée dans les cabinets de radiologie sans que la patiente en soit informée.

Se pose aussi, encore et toujours en 2023, du fait de la diversité des dispositifs de mammographie numérique et de leurs fabricants, la question de la performance, de la fiabilité et de la sécurité de tous les dispositifs de tomosynthèse.

Après un deuxième volet d'analyse publié par la HAS, cette autorité valide finalement l'utilisation de la tomosynthèse (TDS) à la condition que ne soit réalisée qu'une acquisition en 3D permettant une reconstruction secondaire des images en 2D, épargnant à la patiente une double irradiation.

La HAS base donc son argumentation sur deux éléments : l'augmentation du taux de détection, et la non-augmentation de l'irradiation des femmes lors de cette procédure.
"Cette procédure permet en effet d’améliorer les performances du dépistage organisé, notamment son taux de détection des cancers, sans pour autant augmenter le nombre d’actes d’imagerie et la dose d’exposition."

Hélas, le véritable problème du surdiagnostic, pourtant évoqué dans la feuille de route de 2018, disparaît complètement des préoccupations.

Les véritables problèmes du dépistage systématique du cancer du sein restent entiers.

Tout d'abord, en aucun cas la TDS ne pourra régler le problème des cancers occultes à la mammographie standard, qui peuvent être occultes même dans des seins graisseux, et elle ne règlera pas non plus tous les problèmes des cancers d'intervalle qui peuvent se produire en très peu de temps entre deux mammographies.
Le véritable problème est que la découverte d'une image encore plus petite n'est qu'une image de l'instant T, et ne peut préjuger d'une maladie évolutive. C’est la leçon essentielle que nous donne le surdiagnostic.

En 2022 était paru un article de synthèse sur la TDS (lire ici), de tout ce que les études nous apprenaient :

  • Concernant les faux positifs, selon le résultat d'une étude de mars 2022 ici synthétisée, le dépistage répété du cancer du sein par mammographie 3D ne diminue que modestement le risque d'avoir un résultat faussement positif par rapport à la mammographie numérique standard. 
  • Une enquête portant sur huit études menées entre 2016 et 2021 montrait  que la tomosynthèse ne réduisait pas les taux de cancer d’intervalle.

Les mammographies 3D présentent donc de graves inconvénients qui doivent être clairement expliqués aux patientes, et compte tenu de l'absence totale d'information des femmes sur les risques du dépistage, ne le seront jamais. 
Aucune étude n'a été menée pour déterminer si l'utilisation de mammographies 3D améliore réellement la morbidité, la mortalité ou la qualité de vie. Cette technique peut détecter plus de cancers, mais rien ne prouve que les cancers détectés auraient réellement nui aux patientes et ne seraient pas des diagnostics inutiles, de sorte que les mammographies 3D peuvent également entraîner davantage de surdiagnostics et de surtraitements. 

D'autres problèmes existent, plus techniques, notamment pour les logiciels de 3D il n'y a pas de 'contrôle qualité image' comme c'est le cas pour la mammographie numérique habituelle, uniquement une dosimétrie est effectuée qui contrôle l'irradiation émise.
Le marché est de qualité inégale avec des constructeurs proposant des appareils moins onéreux mais dont on ne connaît pas la performance par rapport aux études du constructeur initial.

Derrière l'abdication de la HAS de toute prudence, on peut malheureusement y lire l’opportunité pour l’industrie de s’ouvrir de nouveaux marchés et pour les investisseurs d’accélérer l'émergence et la multiplication de méga-structures médicales pouvant investir dans un tel matériel, sur fond de bêtise médicale qui fait que les leçons des erreurs passées de "toujours plus de dépistage" ne seront jamais tirées.
Le salut, pour les femmes, n'est pas dans l'amélioration des techniques de détection qui fait bondir les diagnostics de cancers, mais dans la compréhension de ce que nous faisons et dans le questionnement de la pertinence et de l'utilité de nos pratiques, et de nos "découvertes".

Pour l'instant nous allons naviguer, avec la bénédiction de la HAS, vers toujours plus de diagnostics inutiles, d'interventions inutiles, de souffrances féminines inutiles.

Des oppositions

Des oppositions sur des arguments techniques de réalisation et de mise en pratique sont exprimées par l'association des centres régionaux de coordination des dépistages.
Voici son communiqué de presse :

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La densité mammaire, implications et sur-utilisation

Traduction par Cancer Rose, article publié par Judith Garber, scientifique en sciences politiques au Lown Institute, groupe de réflexion non partisan pour un système de santé plus juste et équitable.

18 mars 2023

DES SOINS DE FAIBLE VALEUR

Nouvelles lignes directrices de la FDA sur les notifications de densité mammaire et les implications d'une sur-utilisation - PAR Judith Garber | 10 mars 2023

Le contexte

Le critère radiologique de la "densité mammaire", c'est à dire la prédominance de tissu fibro-glandulaire par rapport au tissu graisseux dans le sein féminin, est maintenant considéré comme étant, à lui seul, un facteur de risque de cancer du sein, en dépit de l'absence d'études probantes.
La densité mammaire est élevée généralement chez les femmes jeunes non ménopausées (mais peut persister après la ménopause), chez les femmes plus maigres à faible capital graisseux, chez les femmes sous traitement hormonal substitutif de la ménopause.

Une loi, adoptée en 2019 par le Congrès Américain, demandait à la FDA* (Food and Drug Administration) américaine, dans le cadre du processus réglementaire, de veiller à ce que tous les comptes rendus de mammographie et les résumés fournis aux patientes incluent l' information de la densité mammaire des femmes. Déjà auparavant cette autorité qui supervise la réglementation des installations et les normes de qualité de la mammographie, demandait la communication de la densité mammaire dans les comptes rendus des radiologues.
*FDA : La Food and Drug Administration est l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments.

C'est chose faite, la FDA a récemment mis à jour ses lignes directrices sur la mammographie afin d'exiger que les établissements de mammographie informent les patientes de leur densité mammaire.

Pourquoi est-ce une préoccupation émergente également pour les populations féminines européennes ?
Parce qu'avec l'avènement de logiciels dits prédictifs, le critère radiologique de la densité mammaire est intégré en tant que facteur de risque à part entière dans des études comme celle européenne MyPEBS pour un dépistage individualisé, alors qu'au vu d'études publiées (voir article) l'augmentation du risque de cancer du sein associé à la densité mammaire est modeste, et que pour les femmes chez lesquelles un cancer du sein a été diagnostiqué, l'augmentation de la densité mammaire n'était pas liée à un sur-risque de cancer de mauvais pronostic ou de décès du cancer du sein.
La décision de la FDA est censée, selon la société Volpara qui commercialise des logiciels de mesure automatique de la densité mammaire, servir d'exemple "au reste du monde". (Voir le tout dernier chapitre de cet article, "commentaires Cancer Rose")

L'USPSTF (groupe groupe de travail indépendant examinant les services préventifs des États-Unis), soulevait déjà en 2016 plusieurs points de préoccupation de cette législation obligeant à notifier aux femmes l'information sur leur densité mammaire.

  • Variabilité importante et reproductibilité limitée dans la détermination des seins denses. Cette variabilité existe sur un examen qu'il soit lu par un radiologue ou par des radiologues différents. L'examen pour une patiente donnée peut avoir des classifications différentes et entraîner des incompréhensions conduisant à une réduction de la confiance d'une femme dans le dépistage en général, et une confusion quant à son propre risque de cancer du sein.
  • Incertitude sur les initiatives entreprises par les femmes auxquelles on a notifié une densité mammaire importante pour réduire leur risque de mourir du cancer du sein. Il s'agit de la demande d'examens complémentaires dont l'indication n'est pas étayée par des preuves, aucune donnée n'ayant prouvé que l'adjonction d'imageries autres que la mammographie chez les femmes à seins denses réduirait la mortalité par cancer ; en revanche ces adjonctions augmentent les faux positifs, les biopsies inutiles et le surdiagnostic. Le taux de rappel (pour faux positifs) est significativement augmenté par l'adjonction de l'échographie (de 14%), et par l'adjonction de l'IRM (de 9 à 23%) avec des VPP faibles[16] et un surcoût évident. Les auteurs rappellent que l'IRM, jugée souvent anodine, serait susceptible d'un (faible) sur-risque de fibrose systémique néphrogénique, et de risques incertains de dépôt de gadolinium dans le cerveau lorsque les examens sont répétés. La tomosynthèse (TS) est évoquée comme technique supplémentaire utilisée, mais les auteurs rappellent que des études à plus long terme sont nécessaires pour déterminer si l'utilisation systématique de la TS chez les femmes à seins denses entraînent une réelle amélioration des résultats du cancer du sein (mortalité, diminution du taux des cancers graves).
  • Difficulté de communiquer les informations sur la densité mammaire aux patientes. Les experts jugent cette communication difficile et dépendante du niveau d'alphabétisation des populations. Les résultats d'études montrent une médiocre compréhension et une source de confusion et de désinformation des patientes lors des informations données sur la densité mammaire.

Article de Judith Garber

La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a récemment mis à jour ses lignes directrices sur la mammographie afin d'exiger que les établissements de mammographie informent les patientes de leur densité mammaire. Ce changement, qui entrera en vigueur en septembre 2024, est la version finale d'une directive proposée en 2019 .

Les lignes directrices de la FDA contiennent des suggestions de formulation pour les notifications relatives à la densité mammaire :  "Le tissu mammaire peut être dense ou non dense. Un tissu dense rend plus difficile la détection d'un cancer du sein lors d'une mammographie et augmente également le risque de développer un cancer du sein. Votre tissu mammaire est dense. Chez certaines personnes présentant des tissus denses, d'autres examens d'imagerie, en plus de la mammographie, peuvent aider à détecter les cancers. Parlez à votre médecin de la densité mammaire, des risques de cancer du sein et de votre situation personnelle".

Il y a beaucoup de problèmes ici. La densité mammaire est un facteur de risque de développer un cancer du sein, mais c'est l'un des nombreux facteurs de risque. Il peut y avoir des femmes qui présentent un risque de cancer beaucoup plus élevé en raison de leur âge, de leurs antécédents familiaux, de leur consommation d'alcool, etc. et qui n'ont pas de seins denses, alors que d'autres femmes qui ont des seins denses présentent un risque globalement plus faible.

Si la FDA se contente de dire que "le tissu mammaire peut être dense ou non dense", la situation n'est pas aussi tranchée.

L'American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) a souligné dans un commentaire adressé à la FDA qu'"il n'existe pas de méthode normalisée pour évaluer la densité mammaire", et que la classification d'une patiente comme ayant des seins denses dépend donc de l'opinion du radiologue qui lit le test. La densité mammaire peut également changer avec le temps, ce qui signifie qu'une notification peut ne pas être vraie des années plus tard. La notification incite également les patientes à subir des examens d'imagerie supplémentaires en affirmant qu'ils "peuvent aider à trouver un cancer", mais ne mentionne pas que ces examens d'imagerie augmentent également le risque de faux positifs et d'autres événements en cascade. Aucun essai ne montre que le dépistage complémentaire du cancer par IRM ou échographie améliore la réduction de la mortalité ou de la morbidité chez les femmes ayant des seins denses. Des recherches antérieures sur les politiques de notification de la densité mammaire montrent un risque de surutilisation. Les études portant sur les politiques nationales de notification de la densité mammaire montrent qu'elles augmentent fortement la probabilité que les patientes abordent la question du dépistage complémentaire avec leur médecin et qu'elles augmentent modestement la probabilité d'un dépistage complémentaire et de biopsies mammaires. Si le dépistage complémentaire fonctionnait comme prévu et permettait de détecter les cancers dangereux à un stade précoce, on pourrait s'attendre à une réduction des taux de cancer à un stade avancé dans les États où la densité mammaire est notifiée. Cependant, une étude de 2017 sur ces politiques n'a pas montré de différence dans les taux de cancers localisés ou métastatiques entre les États avec et sans notification.

En raison de leur taux élevé de faux positifs et de l'absence de bénéfices avérés, l'ACOG ne recommande pas l'utilisation systématique d'autres examens tels que l'échographie ou l'IRM pour le dépistage du cancer du sein chez les femmes dont les seins denses constituent le seul facteur de risque. Le groupe de travail américain sur les services préventifs (US Preventive Services Task Force), un groupe indépendant qui émet des recommandations fondées sur des données probantes concernant les services préventifs, a conclu que les données probantes étaient insuffisantes pour recommander un dépistage supplémentaire chez les femmes ayant des seins denses.

Les médecins se trouvent donc dans une situation délicate, car lorsque les patientes les consulteront pour savoir ce qu'elles doivent faire, ils devront soit leur conseiller de ne rien faire (ce qui est probablement frustrant et insatisfaisant pour les patientes), soit leur dire de procéder à un dépistage supplémentaire (ce qui n'est pas universellement recommandé et pourrait les exposer à des risques d'événements en cascade).
"Les médecins de premier recours dans les États qui ont adopté de telles lois se sentent souvent mal préparés à conseiller les femmes sur les mesures à prendre, le cas échéant, pour une femme ayant des seins denses et une mammographie normale”.
Kenneth Lin, Medscape

Cette politique a également des répercussions importantes sur les coûts, tant au niveau individuel qu'au niveau du système. On estime que 40 à 50 % des femmes aux États-Unis ont des seins denses. Si toutes ces femmes subissaient un dépistage supplémentaire, cela pourrait avoir un impact important sur les dépenses de santé. Si les mammographies de dépistage sont couvertes par la plupart des assurances, les IRM supplémentaires peuvent augmenter les frais à la charge des patients et les biopsies encore davantage.

Nous connaissons au moins un groupe pour qui cette modification des lignes directrices est une aubaine : les fabricants d'appareils d'imagerie, qui financent depuis des années des groupes de défense des notifications de densité mammaire (le groupe Dense Breast Info).

Commentaires Cancer Rose

On peut voir ici les conflits d'intérêts des membres de Dense Breast info dans la liste en suivant ce lien : https://www.rsna.org/-/media/Files/RSNA/Annual%20meeting/2022-AMPPC-Planners-Disclosure
RSNA : Radiological Society of North America, c'est une organisation à but non lucratif et une société internationale de radiologues, de physiciens médicaux et d'autres professionnels de l'imagerie médicale

Parmi les "supports éducatifs" nous trouvons la société Volpara. Volpara est une Société néo-zélandaise, société cotée en bourse, (Volpara Solutions Ltd), qui commercialise des logiciels permettant de générer automatiquement des mesures normalisées de la densité mammaire.

Voici la Déclaration de Volpara à l’intention des  investisseurs le 30 sept 2022 :
https://wcsecure.weblink.com.au/pdf/VHT/02601721.pdf

Volpara enregistre une forte croissance en ligne avec ses prévisions révisées à la hausse, entre 33,5 et 34,5 millions de dollars néo-zélandais.
Nous poursuivons notre stratégie visant à équilibrer les objectifs et la croissance rentable en nous concentrant sur nos produits les plus rentables, nos marchés les plus lucratifs et en offrant la meilleure valeur aux " éléphants ", c'est-à-dire aux grandes entreprises. Nous attendons la publication de la législation de la FDA sur la densité mammaire, attendue d'ici début 2023 selon le dernier communiqué de la FDA

Attente du Mandat sur la densité mammaire par FDA

- fin 2022/début 2023
- Valide l'importance de la densité mammaire
- Donne l'exemple au reste du monde
- Décision fédérale = tout le monde doit être informé
- La densité des seins est prise en compte dans l'évaluation des risques

https://wcsecure.weblink.com.au/pdf/VHT/02601721.pdf

Par exemple, une radiologue extrêmement médiatique au Canada, Dr Paula Gordon, militant pour un dépistage du cancer du sein dès le jeune âge et contestant les recommandations de prudence du CanTaskForce**, est actionnaire de cette société et y détient des actions.
On peut ainsi lire ses prises de positions régulières dans la presse canadienne, qualifiant ni plus ni moins le groupe canadien CanTaskForce de "tueurs de femmes" :

1- https://theprovince.com/opinion/op-ed/dr-paula-gordon-new-breast-cancer-screening-guidelines-are-going-to-kill-many-women "Dre Paula Gordon : De nouvelles lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein vont tuer de nombreuses femmes"
2-https://medicinematters.ca/breast-cancer-screening-mammogram-policies-are-based-on-flawed-research-dr-paula-gordon/
"Les politiques sur les mammographies de dépistage du cancer du sein sont fondées sur des recherches erronées / Dr Paula Gordon
3-https://globalnews.ca/news/8239335/breast-cancer-screening-canada-report/
"Des lignes directrices « dépassées » sur le dépistage du cancer du sein laissent tomber les femmes canadiennes."

** Le Groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventifs a été mis sur pied par l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour élaborer des lignes directrices de pratique clinique qui appuient les fournisseurs de soins primaires dans la prestation de soins de santé préventifs.

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Scores polygéniques pour prédire les cancers ? Trop d’enthousiasme, beaucoup de limites

Synthèse d'une publication , par Cancer Rose, 9 mars 2023

https://www.bmj.com/content/380/bmj-2022-073149

Il s'ait là d'une publication d'auteurs britanniques, parue dans le BMJ le 1er mars 2023 concernant les attentes qui ont été placées dans les scores polygéniques pour prédire la survenue de cancers chez un individu.

Qu'est un score polygénique ?

Les scores polygéniques examinent des milliers de variantes génétiques dans le génome d'une personne pour estimer son risque de développer une maladie spécifique.
C'est une analyse effectuée dans un laboratoire de génétique, habituellement sur un prélèvement salivaire.
Chaque variant génétique a un effet sur le risque de développer une maladie pour un individu, mais en examinant toutes les variantes ensemble on estime pouvoir dire quelque chose de significatif sur le risque global, pour le porteur, de développer une maladie.

Contrairement aux variantes monogéniques (comme par exemple les mutations BCRA impliquant clairement un sur-risque pour le cancer du sein, cette variation ayant un effet très marqué sur le risque de cancer), les scores polygéniques, eux, peuvent être établis pour toutes sortes de maladies ; les deux applications les plus importantes, disent les auteurs, concernent le risque de cancer et le risque de maladie coronarienne.
Mais on trouve actuellement d'autres utilisations, par exemple la prédiction de la réponse aux médicaments antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie.

Nous examinerons la problématique en cancérologie que les auteurs ont analysée.
Leurs messages clés :

  • Les scores polygéniques seront toujours limités dans leur capacité à prédire la maladie, car une grande partie du risque de maladie d'une personne est déterminée par des facteurs que les scores polygéniques ne peuvent pas mesurer.
  • Il faut communiquer efficacement sur ces limitations.
  • L'enthousiasme suscité par les scores polygéniques ne doit pas détourner l'attention des efforts visant à lutter contre les facteurs de risque modifiables d'une maladie (par exemple la lutte sur des facteurs environnementaux, ou hygiéno-diététiques favorisant cette maladie)

Les auteurs écrivent :

"Dans l'espoir que les scores polygéniques "changeront tout le paradigme des soins de santé", nous devons reconnaître que ces scores sont limités dans leur capacité à prédire la maladie. Si nous ne définissons pas nos attentes en conséquence, elles pourraient nuire plutôt qu'aider."

Les scores polygéniques seront toujours limités dans leur capacité à prédire la maladie

En introduction de ce paragraphe les auteurs écrivent :

" Les scores polygéniques offrent la possibilité d'évaluer simultanément le risque génétique d'une personne pour plusieurs maladies, à tout moment de son parcours de vie. Mais ils ne tiennent pas compte des effets des facteurs environnementaux ou non-génétiques mal compris qui contribuent à la plupart des maladies courantes. Ainsi, les scores polygéniques resteront toujours l'un des nombreux facteurs de risque et n'atteindront jamais un point où ils pourront prédire avec précision qui développera et qui ne développera pas la maladie."

Pour évaluer l'utilité d'un test ou d'une procédure de dépistage on utilise deux paramètres, la sensibilité et la spécificité.
Commençons par la spécificité :
Elle mesure la capacité d'un test à donner un résultat négatif lorsque l'hypothèse de maladie n'est pas vérifiée.
Mais le test peut-être dans certains cas positif alors que la personne n’est pas malade, c'est ce qu'on appelle un faux positif.

la sensibilité :
Il s’agit de la probabilité que le test soit positif pour un sujet vraiment malade.
Mais il arrive que le test soit négatif alors que la personne est réellement porteuse de cancer, c'est alors un faux négatif.

Les auteurs donnent un exemple concret pour comprendre la complexe relation entre ces deux paramètres, qui rend l'utilisation des scores imparfaite.

Il a été évalué que les scores polygéniques ont une capacité de prévenir des maladies avec une spécificité fixée à 95 % ; ceci signifie que pour 5 % des personnes il y aura un score élevé alors qu'il n'y aura pas de développement pas la maladie (5% de faux positifs).
La sensibilité typique pour un score polygénique, selon cette évaluation, est de 10-15 % ; ce qui signifie que seulement 10 à 15 % des personnes qui développeront la maladie auront un score polygénique élevé. 
Lorsqu'on cherche à augmenter la sensibilité d'un score polygénique on en réduit la spécificité, et inversement.
Pour exemple, un score polygénique développé pour détecter les femmes présentant un risque de cancer du sein au cours de leur vie supérieur à 17 % a une sensibilité de 39 % ; il identifiera donc 39 % des femmes qui développeront un cancer du sein, mais en ratera 61 % ; avec sa spécificité de 78 % , il y aura 22 % des femmes classées comme ayant un «score de risque élevé» alors qu'elles ne développeront pas de cancer du sein.

Dans le cas du cancer du sein, si on part sur une spécificité fixée à 95 %, la meilleure sensibilité atteignable serait de 19 %. Il aura une meilleure spécificité que dans l'exemple ci-dessus, on réduira les faux positifs, mais la capacité du score à identifier des femmes avec risque (sa sensibilité) sera plus faible.
Les variantes polygéniques seront toujours limitées dans leur capacité à différencier les personnes qui développeront la maladie de celles qui ne la développeront pas.

Équilibrer les avantages et les inconvénients des scores polygéniques dans la pratique clinique

Dans ce deuxième paragraphe, les auteurs étudient la capacité des scores à améliorer la prédiction lorsqu'ils sont intégrés dans la prédiction avec d'autres facteurs de risque, dans le but de donner un aperçu plus holistique du risque de maladie.

Selon les auteurs : " En utilisant cette stratégie, les scores polygéniques améliorent légèrement la prédiction du risque."

Par exemple pour l'étude MyPebs cherchant à étudier la pertinence d'un dépistage individualisé du cancer du sein basé sur le risque individuel de chaque femme, le score polygénique est intégré parmi d'autres facteurs dits de risque de cancer du sein comme l'âge, les antécédents familiaux, la densité des seins.

Les auteurs de cette publication toutefois alertent :
" Beaucoup espèrent que les scores polygéniques amélioreront les programmes de dépistage du cancer grâce à un dépistage précoce ou plus fréquent pour les personnes à risque polygénique plus élevé. Il a par exemple été proposé de proposer une mammographie annuelle aux femmes âgées de 40 à 50 ans présentant des scores polygéniques indiquant qu'elles présentent un risque modéré ou élevé de cancer du sein. Cela a le potentiel de détecter 1 700 cancers supplémentaires, mais au prix de 5 722 résultats faussement positifs et de 4 112 cancers encore manqués."

Les auteurs proposent une illustration parlante. Il s'agit d'une projection sur 100 personnes indiquant comment les scores polygéniques fonctionneraient pour la détection de cancers, pour trois types de cancers, le sein, la prostate, le cancer colo-rectal.

  • Colonne de gauche : projection pour le test polygénique seul (un score haut est un test positif)
  • Colonne du milieu : projection pour le test de dépistage habituel positif (pour le sein il s'agit de la mammographie montrant une image, pour la prostate c'est un taux de PSA sanguin élevé, pour le cancer colo-rectal, il s'agit de la présence de sang dans les selles).   
  • Colonne de droite : score élevé et test de dépistage habituel positif (score élevé+mammographie avec image, score élevé+PSA élevés, score élevé+sang dans les selles)

Les points colorés représentent, pour les rouges, les vrais positifs, à savoir les personnes à test positif et réellement malades.
Pour les jaunes, il s'agit des tests négatifs pour une personne pourtant malade, les faux négatifs donc.
Les points bleus représentent les personnes à test positif mais non malades, les faux positifs.
Enfin les points grisés correspondent aux tests négatifs pour des personnes qui ne seront pas malades, donc les vrais négatifs.

On constate que l'adjonction des deux tests (test classique plus score polygénique) apporte essentiellement une amélioration sur les faux positifs.

Pour les auteurs, globalement les scores polygéniques apportent un bénéfice modeste.
Une étude portant sur le dépistage du cancer colorectal dans la population a révélé que l'ajout d'un score polygénique aux tests immunochimiques fécaux n'améliorait pas la précision du diagnostic, avertissent-ils, mais augmentait la complexité et les coûts en santé.

D'autre part expliquent-ils, les scores polygéniques ne peuvent pas lutter contre le surdiagnostic, un préjudice majeur du dépistage (découvertes de cancers non évolutifs, d'aucune utilité pour le patient). 

Il y a un autre aspect qu'ils évoquent, ce sont les tests faussement positifs qui peuvent entraîner des cascades d'examens inutiles. Explication :
La plupart des scores polygéniques pour le cancer sont basés sur des variants associés à l'incidence( survenue de nouveaux cas dans la population), et non à la mortalité, ce qui compromet leur utilité pour des maladies comme le cancer de la prostate, dont de nombreux hommes meurent avec leur cancer plutôt qu'à cause de ce cancer.
Le dépistage existant (taux de PSA sanguin) a déjà des limites, la probabilité que le sujet testé soit réellement malade avec un test positif est faible.
Le test, parfois (que ce soit la mammo ou le taux de PSA), peut être positif avec une personne pourtant non malade. A la question « Docteur, j’ai une mammographie anormale, quel est le risque que j’aie vraiment un cancer du sein ? », la valeur (qu'on appelle valeur prédictive positive) du dépistage de base est déjà très faible (10% pour la mammo de dépistage, ce qui signifie signifie que pour une femme pour laquelle la mammographie est jugée positive et à laquelle on réalise une biopsie de l’image incriminée, il y a 90% de chances pour que la biopsie revienne négative et donc ait été proposée excessivement...).

Cette valeur prédictive positive pour les scores polygéniques est aussi très limitée et rajoute peu de précision diagnostique. Ce manque pourrait ainsi augmenter le nombre de personnes positives au test, mais qui ne développeront pas de cancer, mais qui néanmoins se verront proposer des investigations de confirmation invasives, puisque le test objectivement est positif. Cela occasionnerait des explorations sans fin :
"L'ambition d'introduire un score polygénique généralisé pour le cancer de la prostate nécessiterait un investissement sans précédent dans l'imagerie diagnostique, telle que l'imagerie par résonance magnétique..." selon les auteurs.

Qu'est-ce que la population peut attendre des scores polygéniques ?

Dans ce paragraphe est pointée la vulnérabilité des scores polygéniques. La communication sur les risques des maladies envers la population est en général très complexe.
La personne peut avoir certes un risque absolu autour d'un certain pourcentage pour une maladie, mais on doit tenir compte du risque relatif par rapport au risque sous-jacent de la maladie dans la population générale.
Par exemple, les personnes dans les 5 % des scores polygéniques les plus élevés pour le cancer du sein ont un risque, au cours de leur vie, de 19 % , mais le risque de la population est de 11,8 %, ce dont il faut tenir compte.

Pour des affections moins courantes, expliquent les auteurs, " l'effet sur le risque absolu est souvent plus modeste. Les personnes dans les 5 % supérieurs des scores polygéniques pour le cancer de l'ovaire, par exemple, ont un risque durant leur vie de 2,1 %, contre un risque de 1,6 % dans la population."
Même lorsqu'un risque absolu d'une personne est faible, cette personne pourrait être tentée de discuter de ce résultat avec un clinicien, demander des consultations occasionnant des coûts supplémentaires et mettant à rude épreuve les services de santé.

À l'inverse, on peut craindre que des personnes qui n'ont pas de scores polygéniques «à haut risque» pourraient être faussement rassurées et moins susceptibles de consulter un médecin pour des symptômes pourtant existants et préoccupants qu'elles négligeront.

Les auteurs mettent en garde :

Les résultats des scores polygéniques" peuvent être mal compris et causer de la détresse. Une enquête auprès de 227 personnes accédant aux scores polygéniques en ligne sans conseil, pour une grande variété de maladies (dont certaines sans options claires de prévention ou de traitement) a révélé que seulement 25,6 % ont répondu correctement à toutes les questions relatives à la compréhension et à l'interprétation des scores polygéniques, mais que 60,8 % vivaient l'expérience d'une réaction négative (sujet bouleversé, anxieux ou triste sur l'échelle des « sentiments à propos des résultats des tests génomiques »), après avoir reçu leurs résultats. 
Une compréhension plus faible des scores polygéniques était associée à une réaction psychologique négative."

De plus, si l'utilisation de ces tests étaient généralisée, on pourrait craindre que des assureurs cherchent à utiliser ces scores afin de déterminer l'éligibilité à l'assurance des personnes demandeuses. 

Les facteurs de risque non génétiques nécessitent une plus grande attention

Dans cette ultime partie, les auteurs soulignent le fait que si les scores polygéniques apparaissent attractifs pour prédire un risque de maladie, ils ne doivent pas faire oublier des facteurs de risque "peu prestigieux" mais bien établis comme le tabagisme, l'obésité et la privation socio-économique, qui comptent plus que les antécédents génétiques d'une personne, certains de ces facteurs étant évitables. 
Il faut investir davantage dans la lutte contre les facteurs de risque de maladie liés au mode de vie avec des initiatives et des politiques d'arrêt du tabac p.ex., et donner aux populations les moyens de faire des choix sains en matière d'alimentation et d'exercice. 

La plupart des maladies surviendront chez des personnes n'ayant pas de score polygénique élevé.
De plus écrivent les rédacteurs de cette publication, autant les scores polygéniques n'améliorent au mieux que bien légèrement la prédiction du risque de chaque personne, l'utilisation de scores polygéniques profitent encore moins aux personnes d'ascendance non européenne, auxquelles ils n'ont pas été adaptés.

Pour les auteurs, " l'enthousiasme autour des scores polygéniques ne doit pas nuire aux efforts visant à lutter contre les grands facteurs de risque modifiables, qui ont une utilité généralisable à l'échelle de la population."

Résumé des auteurs

  • Les scores polygéniques présentent des avantages modestes et des inconvénients.
  • Ils ne doivent pas détourner les ressources en santé et l'attention mise sur d'autres facteurs de risques qui contribuent, eux, bien plus aux maladies.
  • Cliniciens et public doivent être conscients du fait que l'intérêt des scores est très limité et son impact décevant sur la prédiction des risques.

" Les scores polygéniques ont le potentiel d'améliorer légèrement la prédiction du risque pour les maladies courantes, mais les avantages de leur utilisation seront modestes. 
Une discussion plus large concernant les limites des scores polygéniques est essentielle, ainsi que des recherches solides qui examinent leur utilité clinique dans le monde réel. 
Cela est nécessaire pour garantir qu'une concentration excessive sur les risques génétiques ne détourne pas le temps, l'argent et l'attention portés à d'autres contributeurs de maladie beaucoup plus importants. Contrairement à ce à quoi de nombreuses personnes pourraient s'attendre compte tenu des discours déterministes habituels sur la génomique, un score polygénique élevé aura généralement un impact plutôt décevant sur le risque absolu, et les cliniciens et le public doivent le savoir."

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Cancers d’intervalle, incidentalomes, les perdants des dépistages

Synthèse Cancer Rose, 20 février 2023

Traduction d'un article de M.Davenport, (Départements de radiologie et d'urologie, Michigan Medicine)

A-les cancers de l'intervalle

https://www.academicradiology.org/article/S1076-6332(23)00020-X/fulltext

Une étude de cohorte rétrospective* publiée en février 2023 dans "Academic Radiology" compare les caractéristiques des cancers du sein d'intervalle, ceux qu'on appelle les faux négatifs, c'est à dire des cancers qui n'ont pas été détectés à la mammographie et se déclarent entre deux mammographies de dépistage, avec les cancers du sein détectés à la mammographie de dépistage.

Qu'est-ce qu'un cancer de l'intervalle, pourquoi est-il très frustrant pour les femmes participant au dépistage et quelles sont les constatations de l'étude sur leurs caractéristiques ?

* Type d'enquête qui consiste à examiner, sur la base de données présentes dans les dossiers médicaux ou dans des registres de données une population définie (la cohorte), et de comparer un critère ou un évènement (ici les caractéristiques des cancers du sein) observé avec un ou plusieurs autres groupes d'individus définis en fonction de critères (âge, conditions de vie, etc..)

le faux négatif

illustration issue du livre de C.Bour "mammo ou pas mammo?" édition Souccar

Il peut y avoir deux cas de figures :

1° le cancer existant déjà et réellement "loupé"-
l’examen mammographique n’est pas infaillible. Les seins denses sont difficiles à explorer et la trame glandulaire très présente entraîne une sorte d'opacité à la mammographie empêchant de discerner un cancer. Certains cancers dits « infiltrants » se confondent avec le tissu mammaire. D’autres sont de forme atypique, d’autres encore sont carrément occultes : on ne les voit pas ; la femme ressent un beau jour une boule alors que le cancer n’est toujours pas identifiable en mammographie.

2° le cancer d'intervalle
Le cancer d'intervalle à proprement parler est  un cancer qui n’était effectivement pas là lors de l’examen mammographique, ou alors au simple stade de cellules. Mais son agressivité et sa croissance sont telles qu’il se développe très rapidement, en quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, donc dans l’intervalle théorique entre deux mammographies de dépistage, d’où son nom.
Cette situation est très frustrante pour la patiente à laquelle on a fait valoir le caractère protecteur et salvateur du dépistage, avec une impression pour elle d'avoir "tout bien fait", et d'être malgré tout mal récompensée de son assiduité.

illustration du livre de C.Bour "Mammo ou pas mammo ?", édition T.Souccar

Résultats de l'étude réalisée

Les conclusions majeures retirées par les auteurs sont que les cancers d'intervalle, en comparaison avec ceux détectés à la mammographie sont en moyenne :

  • Plus fréquents chez les femmes à seins denses (presque trois fois plus)
    Pour les auteurs, la densité mammaire est restée significativement associée au développement d'un cancer de l'intervalle.
    Lorsqu'elle est stratifiée par âge, la densité mammaire n'est significative que pour les femmes âgées de plus de 50 ans. Cela peut s'expliquer par le fait que le tissu mammaire dense est plus fréquent chez les femmes plus jeunes, puisqu'il est présent chez plus de 50 % des femmes de moins de 50 ans, mais seulement chez moins de 30 % des femmes de plus de 70 ans.
  • De stade plus avancé et à caractéristiques biologiques plus défavorables que les cancers détectés par mammographie. Autrement dit, le dépistage détecte surtout des cancers de stade peu agressif et des carcinomes in situ, dont bon nombre alimentent le réservoir des surdiagnostics.
    Par rapport aux cancers détectés par dépistage, les cancers d'intervalle étaient plus souvent des cancers invasifs que des carcinomes canalaires in situ (88 % contre 75 %, p = 0,007).
    En outre, 43 % (41/96) des cancers d'intervalle étaient des tumeurs primaires de stade 2 ou plus, contre seulement 12 % (139/1136) des cancers du sein détectés par dépistage (p < 0,001).
    Les cancers de l'intervalle étaient le plus souvent diagnostiqués en raison de symptômes et d'anomalies dans le sein.
  • Le fait de femmes avec des antécédents familiaux de cancer du sein, notamment au premier degré (mère, soeur, fille) par rapport aux femmes diagnostiquées avec un cancer détecté par dépistage, bien que les antécédents familiaux ne soient pas significatifs dans l'analyse multivariée (méthode statistique utilisée lorsque plusieurs facteurs influent potentiellement sur un résultat.)

 Conclusion des auteurs

Le phénotype agressif des cancers d'intervalle permet d'expliquer pourquoi ils n'étaient pas visibles lors de l'examen de dépistage initial mais détectables moins d'un an plus tard. Ces cancers ont probablement une croissance rapide et sont soit nouveaux, soit trop petits pour être visibles au moment du dépistage. Les auteurs relèvent que ce point a été spécifiquement étudié par Gilliland et al.

Par ailleurs, lors de  l'analyse des sous-ensembles, les cancers d'intervalle diagnostiqués lors d'une IRM de dépistage à haut risque étaient plus susceptibles d'être des carcinomes canalaires in situ et des tumeurs primaires de stade 0 ou 1, comparés aux cancers d'intervalle qui étaient symptomatiques..
Pour les auteurs, cela confirmerait l'utilité de l'IRM de dépistage pour les femmes à haut risque et présentant une densité mammaire élevée, car l'IRM s'avérait utile pour identifier certains cancers d'intervalle à un stade plus précoce que les cancers d'intervalle identifiés par les patientes à la suite d'un symptôme apparu dans le sein.

(Mais on peut objecter que la découverte d'un cancer de stade plus précoce chez les femmes à haut risque ne nous dit pas s'il s'agit d'un cancer d'intervalle détecté réellement plus tôt et qu'on empêchera ainsi d'évoluer ou s'il s'agit d'un cancer intrinsèquement à caractéristiques favorables qui n'aurait pas ou peu évolué.
Pour en savoir plus sur la problématique des IRM supplémentaires (surdiagnostics, cascades d'examen, faux positifs) lire :
Grosse déconvenue de l'IRM mammaire, 2022, et
Dépistage supplémentaire par IRM pour les femmes avec seins denses, 2019)

Commentaire Cancer Rose

Nous reprenons le commentaire de l'excellent blog de notre confrère Dr Agibus -

Dans son billet Dragiwebdo n°386, chapitre 5, Dr Agibus résume très bien la conclusion de l'étude en rappelant le schéma dit de la "basse-cours" ; barnyard analogy breast cancer screening -
Voici ce qu'il écrit :

" Un article s'intéresse à la mammographie et aux cancers d'intervalles. Les auteurs ont comparé les cancers diagnostiqués sur les mammographies par un dépistage et ceux diagnostiqués  alors qu'une autre mammographie de dépistage avait été faite précédemment. Ils trouvent que les cancers d'intervalle sont de stades plus élevés et de moins bon pronostique (triple négatifs, adénopathies) que les cancers découverts lors du dépistage. Cette étude confirme (en tous cas apparait en faveur) du fait que la mammographie de dépistage dépiste des cancers peu agressifs (les lapins et tortues, parfois trop tortue d'ailleurs), alors que les cancers agressifs (les oiseaux) passent entre les mailles et sont dépistés sur des symptômes même en cas de mammographies régulières. Pour mémoire " :

Cliquez sur l'image

En d'autres termes, les cancers agressifs sont intrinsèquement agressifs et c'est pour cela qu'on ne les anticipe pas, ceux détectés par mammographies répétées correspondent à des cancers moins graves et curables, avec un temps de séjour suffisamment long dans le sein de telle sorte que le dépistage peut les déceler, mais dont une grande partie alimente les surdiagnostics (notamment les in situ).
Pour comprendre, lire https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

B-les incidentalomes

https://www.birpublications.org/doi/10.1259/bjr.20211352

Ici les auteurs alertent sur les découvertes inutiles lors d'examen de routine, et qui débouchent sur ce qu'on appelle des "cascades d'examens".

L'un des paradoxes de l'imagerie médicale moderne, disent-ils, est que la source de notre plus grand accomplissement - la capacité d'imager le corps humain de manière toujours plus détaillée - est également la source de l'un de nos plus grands défis.
Le succès de l'imagerie médicale comme outil de diagnostic a entraîné une augmentation considérable de son utilisation. Les progrès technologiques permettent d'acquérir des images à plus haute résolution et en plus grand nombre que jamais auparavant. Cela a conduit à une augmentation de la détection de découvertes qui ne semblent pas être liées à l'objectif principal de l'examen et qui ont été appelées " fortuites ", et c'est surtout le fait des scanners et de l'IRM. Beaucoup d'entre elles sont inoffensives, mais certaines ont des conséquences importantes pour la santé du patient.

Les radiologues, selon eux, doivent se familiariser avec les découvertes fortuites les plus courantes afin d'évaluer au mieux leur importance dans chaque cas, et de pouvoir recommander des examens complémentaires appropriés, lorsque cela est justifié, car ces découvertes fortuites ont des implications pour le patient et le service dans son ensemble et doit être mûrement réfléchie.

On qualifie de découvertes fortuites toutes les découvertes qui ne sont pas directement liées à l'objectif principal pour lequel l'examen d'imagerie a été effectué, par exemple la découverte d'un nodule surrénalien sans aucune plainte du patient, lors d'un scanner ou d'une échographie pour douleurs abdominales, symptôme répandu et pas toujours très spécifique. Ou la découverte d'un nodule rénal lors d'un scanner pour maladie pulmonaire.
Le développement et l'introduction potentiellement généralisée dans la pratique clinique de tests sanguins pour détecter l'ADN tumoral circulant peuvent ajouter une autre couche de complexité.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/

Cette augmentation du taux de détection s'accompagne d'un certain nombre de problèmes. Les auteurs expliquent :
" Parfois, les images elles-mêmes peuvent inclure des caractéristiques qui nous permettent d'être raisonnablement sûrs qu'une découverte particulière est importante ou non - le site, la taille, la morphologie, l'atténuation ou les caractéristiques du signal peuvent tous être utiles. Dans de nombreux autres cas, il y aura un doute et une décision devra être prise sur la meilleure façon de gérer cette incertitude.
S'il est décidé qu'une lésion particulière ne peut être considérée comme non pertinente, une imagerie supplémentaire ou d'autres tests plus invasifs peuvent être recommandés. L'impact sur le patient peut aller de l'anxiété et d'un désagrément mineur à un préjudice réel en cas de complication d'une procédure invasive telle qu'une biopsie ou une endoscopie. On a beaucoup écrit sur le concept de surdiagnostic - la détection et le traitement ultérieur d'une maladie qui, si elle n'était pas traitée, ne causerait pas de problèmes au cours de la vie du patient. Bien que ce terme soit le plus souvent utilisé en relation avec les programmes de dépistage, il s'applique également aux découvertes fortuites trouvées chez les patients symptomatiques.

La personne vit avec et mourra avec son cancer, pas à cause de lui.
illustration du livre de C.Bour "mammo ou pas mammo?", édition T.Souccar


Le récit du diagnostic précoce est séduisant, mais le terme de cancer - tel qu'il est actuellement utilisé - couvre de nombreuses maladies très différentes, y compris certaines lésions indolentes qui seraient surtraitées par les stratégies thérapeutiques traditionnelles. (NDLR : une référence citée concerne le CCIS de bas grade). On espère que les développements de l'intelligence artificielle nous aideront à l'avenir à mieux stratifier ces patients en fonction de différentes stratégies de prise en charge, dont certaines pourraient impliquer une observation plutôt qu'une intervention.
Pour l'instant, il existe toujours un risque important que la détection et le signalement d'une découverte fortuite entraînent un surtraitement. Outre l'impact sur le patient individuel, les implications pour les services de radiologie sont importantes, en particulier dans un système financé par l'impôt ...
Le coût direct des examens de suivi est un élément à prendre en compte, mais un risque encore plus grand est que l'augmentation du nombre d'examens réalisés pour suivre des découvertes fortuites rende inévitablement les services plus difficiles d'accès pour d'autres patients, dont certains peuvent avoir des besoins plus importants."

Et de conclure :

"Tout d'abord, nous devons accepter qu'étant donné les incertitudes inhérentes à la pratique de la radiologie et les limites des tests que nous utilisons, nous n'aurons pas toujours raison.
Ensuite, nous devons veiller à être en mesure de faire la meilleure évaluation possible de la pertinence de chaque découverte. Nous devons nous familiariser avec les aspects de la découverte fortuite commune dans chaque organe, .... ainsi qu'avec les caractéristiques qui, dans chaque cas, donnent la meilleure orientation possible quant à leur importance probable.
Enfin, nous devons reconnaître que le choix de mentionner un résultat particulier dans un rapport radiologique n'est pas un acte neutre - il a des conséquences pour le patient, pour le service et pour les autres patients.
Pour le patient, nous l'engageons potentiellement à subir d'autres examens, dont certains peuvent être préoccupants, voire réellement préjudiciables.
Pour le service, nous imposons un fardeau supplémentaire...."

Notre conclusion

Nous avons tous un devoir et une responsabilité dans les décisions médicales concernant les examens que nous demandons et réalisons pour l'intérêt du patient. Les prescripteurs mais aussi les radiologues doivent se poser la question sur la portée de ce qu'ils cherchent et ensuite, pour les radiologues, de ce qu'ils décrivent. Quel poids et quelle importance donner à ce qu'ils découvrent.
Simplement énumérer des images et laisser au médecin traitant le soin de décider quoi faire de ces images fait peser la responsabilité des suites au seul prescripteur seul.

Les patients aussi doivent être dûment informés de ce que les examens systématiques, de routine, ou les examens, comme on peut le lire parfois sur des ordonnances, de "réassurance",  peuvent impliquer pour leur santé.

Les examens de dépistage ne sont pas infaillibles ni anodins, ils ne sont pas des boucliers imparables contre les maladies, ils peuvent "rater" des lésions authentiques, ils peuvent faire découvrir des choses inutiles au patient, et aussi le faire basculer dans une maladie qu'il n'aurait jamais connue sans eux.

Traduction de l'article de M.Davenport, "Découvertes fortuites et soins de faible valeur"

Découvertes fortuites et soins de faible valeur

Perspective clinique sur invitation, Matthew S Davenport, MD, 2023 Jan 11.
Départements de radiologie et d'urologie, Michigan Medicine, Ann Arbor MI 48108.
doi : 10.2214/AJR.22.28926. Epub avant impression.
PMID : 36629303.
https://www.ajronline.org/doi/abs/10.2214/AJR.22.28926

Points clés :

La détection d’incidentalomes dans une population à faible risque entraîne généralement des soins de faible valeur et potentiellement nuisibles, y compris paradoxalement pour de nombreux cancers.

Introduction

Les découvertes fortuites en imagerie sont courantes [1-3]. Elles peuvent être définies comme des résultats d'imagerie non attendus et non liés à la raison de consultation principale du patient [1-3]. Environ 15 à 30 % de tous les examens d'imagerie diagnostique et 20 à 40 % des examens de scanner comportent au moins une découverte fortuite [1]. Des groupes comme par exemple l'American College of Radiology et d'autres ont déployé des efforts considérables pour fournir des algorithmes de gestion des découvertes fortuites, mais il manque de données sur les conséquences ou le ratio coût-efficacité pour justifier la plupart des algorithmes recommandés [3-7]. En général, la précision du diagnostic (c'est à dire, la découverte fortuite a-t-elle permis de diagnostiquer un cancer ?) et le taux de détection (c'est à dire, l'imagerie a-t-elle permis de mettre en évidence une découverte fortuite pour laquelle une prise en charge supplémentaire est recommandée dans une ligne directrice ?) sont utilisés pour valider les lignes directrices pour les incidentalomes.
Cependant, on se rend de plus en plus compte que la détection d'un cancer à un stade précoce n'est pas toujours un résultat idéal [6,8-15].

La poursuite des examens d'imagerie et du suivi clinique, interventionnel ou chirurgical des découvertes fortuites a pour but la prévention des risques, grâce à un diagnostic précoce. Mais dans de nombreux cas, il s'est avéré que cela provoquait l'effet inverse, c'est-à-dire une augmentation des risques sans bénéfice pour le patient [6,8-15]. C'est paradoxalement vrai pour de nombreux patients pour lesquels on diagnostique un cancer incident à un stade précoce (par exemple, un cancer de la prostate de grade I, un cancer kystique du rein, un cancer micropapillaire de la thyroïde, autres) [8-15]. Outre les dommages physiques causés par les complications iatrogènes, les examens de suivi des incidentalomes entraînent des dommages émotionnels et une toxicité financière dus aux "cascades d’examens", où l’examen de référence engendre une série de tests et d'interventions supplémentaires coûteux, qui eux-mêmes déclenchent toujours plus de tests et d'interventions [14-23]. Il peut paraître étonnant que la détection précoce d'un cancer ou la collecte d'informations supplémentaires sur la santé d'un patient aient un impact négatif.

Pourtant, aussi déroutant que cela puisse être, ce phénomène s'est confirmé dans de nombreux contextes [6,8-15]. Il semble lié à de multiples facteurs, comme par exemple : les biais du dépistage, les estimations humaines inexactes du risque, une connaissance incomplète du risque, une médecine défensive, la peur du patient et du prestataire de soins, et la pression sociale et économique en faveur d'un diagnostic excessif.

Il est difficile de re-calibrer la perception humaine (par exemple, l'estimation du risque, la médecine défensive), ou de résoudre la question de la connaissance incomplète du risque sans des études pluriannuelles coûteuses (par exemple, la réalisation de tests biochimiques sur les nodules surrénaliens fortuits permet-elle d'améliorer la santé de manière efficace par rapport au coût ? [actuellement recommandé par [4-5]]).

Par la suite, nous verrons comment les biais connus du dépistage nous aident à prédire les conséquences observées liées aux incidentalomes - diagnostic préférentiel d'une maladie indolente et à faible risque, augmentation des coûts et de la morbidité, et mortalité inchangée. [29-30]. En d'autres termes, des soins à faible valeur ajoutée.

Découvertes fortuites et liens avec le dépistage

 Les découvertes fortuites sont souvent le résultat d'un examen d'imagerie sensible, comme le scanner ou l'IRM, qui permet de visualiser des organes et d'autres parties du corps présentant un faible risque de maladie grave. Il existe de fortes similitudes entre les résultats cliniques de cette approche et les résultats du dépistage intentionnel des patients à faible risque par imagerie du corps entier, une pratique qui a été réfutée par l'American College of Radiology et contestée par la FDA américaine en raison de la faible probabilité d'identifier une maladie sérieuse et de la forte probabilité de soins en cascade à faible valeur ajoutée.[31-32].

Les découvertes fortuites ne sont pas liées au problème principal [1-3]. Par conséquent, le patient est considéré comme étant à faible risque du point de vue d'une découverte fortuite, à moins qu'il ne présente une comorbidité qui coïncide avec celle-ci (par exemple, antécédents de tabagisme à haut risque et nodule pulmonaire fortuit identifié chez un patient examiné pour une douleur du quadrant inférieur droit). Dans la plupart des cas, une découverte fortuite ne sera pas liée à un antécédent, un signe ou un symptôme à haut risque, car l'examen d'imagerie est, par définition, réalisé pour une autre indication.

 Ces facteurs permettent de prédire la faible valeur des soins que nous observons après l'identification et la prise en charge des découvertes fortuites [1,6,8-15,31-32]. Si le patient présente un faible risque de maladie (c'est le cas de la plupart des découvertes fortuites qui, par définition, n'ont aucun rapport avec la maladie suspectée) et si l'examen est sensible (par exemple, le scanner ou l'IRM), les faux positifs seront fréquents, les maladies indolentes seront détectées plus souvent que les maladies agressives, et le surdiagnostic et le surtraitement domineront, tout en donnant l'illusion d'une amélioration des soins grâce à une identification précoce.
Ce résultat est analogue à celui qui résulte du dépistage d'une population à faible risque.
Bien que la plupart des découvertes fortuites résultent d'examens diagnostiques (et pas de dépistage) cliniquement indiqués, la probabilité qu'une découverte fortuite soit importante est fortement influencée par les biais analogues au dépistage.
Considérons ceci.
Le test de dépistage idéal est peu coûteux (coût faible pour le patient, coût faible pour le système), valide (peu de faux positifs, peu de faux négatifs), ciblé (destiné aux patients avec une prévalence de la maladie élevée) et utile (c'est-à-dire qu'il détecte une maladie préclinique qui, autrement, deviendrait cliniquement importante, dans des délais suffisants pour intervenir avec un traitement efficace qui conduit à un meilleur résultat ) [29-30]. Dans la section suivante, les biais courants du dépistage seront associés aux découvertes fortuites pour aider à expliquer pourquoi nous observons des soins de faible valeur en cascade à partir de leur détection [1,6,8-25,28,31-37].

Biais du dépistage

Le dépistage comporte plusieurs biais courants et bien connus [29-30]. Ces biais amplifient l'efficacité apparente du dépistage et donnent un aperçu de la gestion des découvertes fortuites. En effet, les découvertes fortuites résultent du dépistage par inadvertance de parties du corps, à faible risque de maladie.

Biais de longueur de temps (ou biais de sélection des cancers d’évolution lente)

Le biais de longueur de temps désigne la tendance d'un test de dépistage à identifier plus souvent une maladie indolente qu'une maladie agressive [29-30]. La maladie indolente se développe lentement ou pas du tout, tandis que la maladie agressive se développe ou progresse rapidement. Si l'on procède à des examens d'imagerie chez un patient à un intervalle aléatoire, il est beaucoup plus probable qu'une maladie indolente soit fortuitement trouvée plutôt qu'une maladie agressive.

L'indolence d'une découverte, c'est-à-dire la probabilité qu'elle ne cause aucun effet négatif ou symptôme pendant de nombreuses années, pondère proportionnellement sa prévalence par rapport à une découverte qui n'est présente que pendant une brève période avant de produire des symptômes (eg à partir du moment où elle n'est plus fortuite). Par exemple, prenons le cas d'un patient présentant une découverte indolente (eg un néoplasme papillaire brachial mucineux intraductal de 1,5 cm  [BD-IPMN]) qui est examiné par imagerie à des intervalles aléatoires entre 50 et 69 ans. Au cours de ces vingt années, si à un moment donné le patient est examiné par un scanner ou une IRM de l'abdomen, la découverte sera probablement détectable et peu changée. Considérons maintenant un autre patient qui a une découverte agressive (eg un adénocarcinome pancréatique de 1,5 cm). Si le patient est soumis à des examens d'imagerie à des intervalles aléatoires entre 50 et 69 ans, la fenêtre pendant laquelle la découverte sera identifiable et résécable est brève, probablement moins d'un an. D'un point de vue probabiliste, indépendamment de la prévalence de la maladie, une maladie indolente a beaucoup plus de chances d'être visible qu'une maladie agressive lors d'un examen effectué à un intervalle aléatoire. Il s'agit d'un biais de longueur de temps, qui contribue à expliquer pourquoi la plupart des découvertes fortuites que nous observons ont une importance clinique faible ou négligeable, même si notre intuition nous dit le contraire (eg lorsque l'on parle d'un cancer).

Biais lié au temps d'avance

Le biais lié au temps d'avance se réfère à la détection précoce d'un cancer, avant qu'il ne soit cliniquement détectable, mais sans aucune possibilité d'influer sur l'évolution de la maladie [29-30]. Un test de dépistage idéal détectera un cancer avant qu'il ne soit symptomatique, mais aussi dans un délai où un traitement efficace pourra modifier l'évolution de la maladie. Pour éviter le biais lié au temps d'avance, il faut que le cancer soit détecté avant l'apparition des symptômes cliniques, qu'un traitement efficace soit disponible et que l'effet du traitement soit différentiel si ce dernier est appliqué avant l'apparition des symptômes. Si le traitement a la même efficacité s'il est administré avant ou après l'apparition des symptômes, la détection du cancer avant l'apparition des symptômes n'est pas bénéfique.

Prenons l'exemple d'un patient qui développe un cancer présentant les caractéristiques temporelles suivantes : 2 ans entre le début du cancer et la détectabilité par imagerie, 3 ans entre le début du cancer et les symptômes cliniques, 5 ans entre le début du cancer et le décès par cancer. Si aucune imagerie n'est réalisée, le patient aura une survie perçue de 2 ans (5-3 = 2), définie comme le délai entre les symptômes cliniques et le décès. Cependant, si l'imagerie est réalisée à l'année 2 après le début de la maladie, le patient aura une survie perçue de 3 ans (5-2 = 3), correspondant au délai entre la détection et le décès.  Trois ans, c'est 50 % de plus que le cas de référence (2 ans), même si aucun traitement n'a été administré pour modifier l'évolution de la maladie. Il s'agit d'un biais lié au délai d'avance, qui contribue à expliquer pourquoi la prolongation de la survie apparente après la détection d'une découverte fortuite à un stade précoce n'implique pas nécessairement un bénéfice pour le patient.

Surdiagnostic

Le biais de surdiagnostic est la détection d'une maladie qui ne serait jamais dangereuse pour le patient [34]. Il peut être considéré comme un exemple hyperbolique du biais de longueur [29-30,34]. De nombreuses découvertes fortuites correspondent à des surdiagnostics. Lorsque les surdiagnostics sont associés à des diagnostics de cancer agressifs sans tenir compte de l'agressivité de la maladie, cela peut impliquer un effet bénéfique du dépistage (c'est-à-dire la détection des découvertes fortuites). Un groupe enrichi par le surdiagnostic semblera vivre plus longtemps et avoir une maladie moins avancée parce que la maladie dans le groupe dépisté sera moins agressive. Prenons l'exemple d'un patient présentant une masse rénale kystique accidentelle de type Bosniak IIF. Les masses Bosniak IIF sont fréquentes, mais rarement cancéreuses (environ 15 % des masses réséquées, moins de 5 % de toutes les masses identifiées) [6,35]. Celles qui sont cancéreuses sont très probablement indolentes et peu susceptibles de provoquer une morbidité ou une mortalité non liée aux effets du traitement [6,35].

Le carcinome rénal kystique indolent incident survenant dans une masse kystique Bosniak IIF n'est pas comparable à un carcinome rénal solide à cellules claires agressif de type Fuhrman 3 sur 4. Si l'on ne tient pas compte de l'agressivité de la maladie, l'inclusion de masses kystiques indolentes Bosniak IIF dans une population générale de carcinomes à cellules rénales biaisera les résultats et laissera supposer un effet bénéfique de la détection fortuite (c'est-à-dire un faible risque de récidive ou de métastase, une survie apparente plus longue). Il s'agit d'un biais de surdiagnostic, qui explique en partie pourquoi la prise en compte binaire du cancer par rapport à l'absence de cancer peut être trompeuse et entraîner des soins de faible valeur.

Bénéfices et risques des découvertes fortuites

La détection de certaines découvertes fortuites peut améliorer la morbidité ou la mortalité grâce à une détection précoce. Ceci est particulièrement vrai si le patient présente par coïncidence des facteurs de risque pour la maladie détectée (par exemple, une masse rénale solide accidentelle de 3,2 cm chez un patient atteint du syndrome de von Hippel-Lindau et examiné par tomodensitométrie pour une suspicion de diverticulite). En effet, les facteurs de risque coïncidents enrichissent la prévalence de la maladie significative et, par conséquent, la probabilité qu'une découverte fortuite soit significative. Dans ce contexte, le terme "significatif" fait référence au résultat idéal d'un test de dépistage : la détection préclinique, lorsqu'un traitement efficace donnerait un résultat supérieur s'il était administré avant l'apparition des symptômes. Cependant, les facteurs de risque coïncidents sont rares car, par définition, les découvertes fortuites n'ont aucun rapport avec le problème principal. Le manque de preuves et la compréhension incomplète de l'interaction complexe entre le risque diagnostique et le risque en aval font qu'il est très difficile de déterminer, dans la pratique clinique courante, si la recherche de la plupart des découvertes fortuites produira des soins de grande valeur. Cette incertitude conduit généralement les radiologues et les prestataires de soins à privilégier la sensibilité diagnostique et à négliger les risques de dommages collatéraux [2,9,16-19].

Dans ce contexte commun, le bénéfice attribué à la prise en charge d'une découverte fortuite est instinctif ou gestuel plutôt que fondé sur des preuves. Par exemple, on peut attribuer un bénéfice à la détection d'une masse rénale ou thyroïdienne qui a été enlevée et dont il a été confirmé qu'elle était cancéreuse - la détection du cancer semblant être une preuve suffisante qu'un bénéfice a été apporté.

Cependant, ce n'est pas si évident [1,6,8-25,28,31-37]. De nombreuses études ont montré que l'intervention sur des découvertes fortuites, y compris celles qui concernent le cancer, peut entraîner des soins de faible valeur et causer des dommages [11-12, 14-15, 33, 36-37]. Par exemple, la détection d'un cancer qui, s'il n'avait pas été identifié, n'aurait pas affecté la vie du patient ou la détection d'un cancer pour lequel l'intervention ne change pas la trajectoire de la maladie. Ces facteurs diminuent l'efficacité de la gestion des découvertes fortuites. Outre une efficacité douteuse, il existe également des inconvénients, notamment des faux positifs, la nécessité d'un test de confirmation ou d'un suivi, le coût, les complications du diagnostic et du traitement, ainsi que l'anxiété aiguë et chronique [1,6,8-25,28,31-33,37].
Le défi de la gestion des découvertes fortuites est de déterminer lesquelles nécessitent une prise en charge et lesquelles n'en nécessitent pas.
De plus, si la prise en charge est nécessaire, comment le faire de manière à maximiser la valeur pour le patient. Ceci n'est pas intuitif, nécessite une étude détaillée et l'intégration de nombreux facteurs au-delà des caractéristiques d'imagerie : risque pour le patient, risque de la maladie, préférence du patient, thérapies disponibles, inconvénients d'un diagnostic de confirmation et inconvénients de la thérapie. Elle est compliquée. Il y a de fortes chances que la prise en charge d'une découverte fortuite cause un préjudice. Il existe de nombreux exemples regrettables dans la littérature. Dans la section suivante, trois exemples spécifiques sont présentés.

Études de cas spécifiques à une maladie

Des études en population ont mis en évidence les préjudices et les soins à faible valeur ajoutée résultant de la détection de découvertes fortuites. Ils suivent des thèmes prévisibles, communs et progressifs, tragiquement similaires pour de nombreuses découvertes fortuites courantes [1-3,16-19,21-32,35].
Au départ, on s'enthousiasme à l'idée d'un diagnostic précoce du cancer grâce à la détection d'une découverte fortuite.

La découverte fortuite est alors considérée comme un avantage secondaire de l'imagerie. Des lignes directrices et des recommandations pour la prise en charge sont élaborées afin que les patients tirent le maximum de bénéfices de la détection précoce. Des systèmes sont mis en place pour assurer une imagerie et un suivi clinique appropriés. Cependant, les grandes études de population qui ont suivi ont eu du mal à prouver les avantages du dépistage, surtout lorsqu'on les considère dans le contexte des biais de dépistage, et ont mis en évidence les préjudices subis par les populations qui étaient censées être aidées. La découverte fortuite est associée à une prépondérance de faux positifs, au diagnostic d'une maladie indolente ou cliniquement sans importance, et sans changement significatif de la mortalité liée à la maladie. Après un processus de plusieurs années et beaucoup de coûts et de dommages collatéraux, une représentation plus complète des soins à faible valeur ajoutée qui en découlent émerge. L'approche initialement agressive tend à diminuer et la découverte fortuite est désormais perçue comme un inconvénient de l'imagerie. En général, les lignes directrices régissant la prise en charge des découvertes fortuites ne disposent pas d'arguments en faveur d'un rapport coût-efficacité favorable à des soins de haute valeur. Si les découvertes fortuites chez les patients à faible risque sont courantes et importantes - comme l'indiquent les lignes directrices sur la prise en charge des découvertes fortuites - on pourrait alors argumenter qu'un dépistage à grande échelle devrait être effectué dans la population générale (c'est à dire étendre la prise en charge des découvertes fortuites aux efforts de détection au niveau de la population).
Cela a été tenté et s'est révélé néfaste [10-11, 31-32]. On pourrait prétendre que la proposition de valeur s'améliore si l'incidentalome est déjà découvert (eg plutôt que d'essayer de le chercher). Voici trois exemples parmi tant d'autres où cette approche a également entraîné des dommages et des soins de faible valeur.

Le cancer de la thyroïde

L'échographie thyroïdienne à haute résolution identifie au moins un nodule thyroïdien chez 19 à 68 % des patients adultes sélectionnés au hasard, avec une probabilité plus élevée chez les femmes et les personnes âgées [38-39]. En outre, le cancer de la thyroïde est souvent détecté lors du prélèvement de nodules thyroïdiens [40-42]. Un résultat d'imagerie commun qui présente une forte association avec le cancer suggérerait superficiellement un fort avantage clinique pour l'imagerie de la thyroïde, le signalement fastidieux des nodules thyroïdiens lorsqu'ils sont découverts fortuitement et le prélèvement agressif de nodules thyroïdiens pour identifier les cancers prévalents. Cette logique est intuitive et reflète ce qui s'est passé au cours des 50 dernières années.

Aux États-Unis, entre 1975 et 2009, l'incidence du cancer de la thyroïde a presque triplé (de 4,9 à 14,3 pour 100 000 patients ; taux relatif : 2,9 [IC 95 % : 2,7-3,1]) et a été associée à un coût estimé à des dizaines de milliards de dollars [10,43]. Cette augmentation s'explique quasi entièrement par l'augmentation des diagnostics de cancer papillaire de la thyroïde, asymptomatique et indolent (l'incidence du cancer papillaire est passée de 3,4 à 12,5 pour 100 000) [10].

L'augmentation absolue a été environ 4 fois plus élevée chez les femmes malgré une prévalence plus faible du cancer de la thyroïde dans les études d'autopsie [10]. Pendant la même période, la mortalité due au cancer de la thyroïde est restée inchangée (0,5 pour 100 000) [10]. Une augmentation notable de l'incidence avec une mortalité inchangée implique fortement un surdiagnostic [10,34]. En Corée du Sud, de 1993 à 2011, ce même problème s'est produit [11]. Cependant, contrairement aux États-Unis, où une grande partie des nodules thyroïdiens sont détectés de manière fortuite, la Corée du Sud a mis en place un programme de dépistage financé par le gouvernement [11].
La logique, comme nous l'avons déjà noté, était apparemment sensée : les nodules thyroïdiens sont répandus et sont couramment porteurs de cancer ; le dépistage est donc intuitivement logique. Or, le taux de diagnostic du cancer de la thyroïde a été multiplié par 15 sans que le taux de mortalité ne change [11].

Des milliers de patients ont dû subir une thyroïdectomie avec le risque associé de lésion du nerf laryngé récurrent et la nécessité subséquente d'un remplacement à vie des hormones thyroïdiennes sans bénéfice apparent [11].  Malgré les meilleures intentions et la logique intuitive, des préjudices à la population, des coûts énormes et des soins de faible valeur ont suivi. Heureusement, l'épidémie de surdiagnostic en Corée du Sud a été reconnue [12]. Une campagne de messages publics a été entreprise en 2014 pour décourager les citoyens de se soumettre au dépistage. Cela mérite d'être répété. Les patients ont été activement avertis d'éviter de connaître le cancer qu'ils pourraient avoir, car le fait de le savoir était plus nuisible qu'utile. À la suite de cette campagne de messages, les thyroïdectomies ont diminué d'environ 35 % et l'incidence du cancer de la thyroïde a diminué d'environ 30 % (12).

Néoplasmes intracanalaires papillaires et mucineux du pancréas (BD-IPMN)

Chez les patients adultes asymptomatiques âgés de plus de 40 ans, environ 5 à 25 % d'entre eux présentent une lésion pancréatique kystique uniloculaire qui est présumée être un BD-IPMN [44-48]. Ces lésions sont 2 à 3 fois plus fréquentes à l'IRM qu'au scanner (en raison de la meilleure résolution du contraste) et sont plus fréquentes chez les patients plus âgés [44-48]. La plupart sont subcentimétriques. Des études ont révélé une légère augmentation du risque de développement d'un adénocarcinome pancréatique chez les patients présentant des BD-IPMN plus larges [49].

Le risque de survenue d'un adénocarcinome pancréatique chez un patient atteint d'un BD-IPMN a été résumé dans une méta-analyse de 2016 à 0,007 par années-personnes de suivi [49]. Parmi les 13 études de cette méta-analyse qui incluaient la taille [49], le diamètre moyen ou médian était ≥20 mm dans 7 études et ≥10 mm dans 12 études. En d'autres termes, la méta-analyse était biaisée en faveur des BD-IPMN de plus grande taille, et a donc probablement amplifié le risque d'adénocarcinome (même si l'estimation du risque était malgré tout faible). Ceci est compréhensible car les séries histologiques sont généralement constitués de BD-IPMN de plus grande taille.

Dans une étude de modélisation utilisant ces données, l'avantage en termes d'espérance de vie de la surveillance des BD-IPMN de plus grande taille chez les patients de plus de 60 ans était en général inférieure à 6 mois, l'avantage calculé en termes d'espérance de vie diminuant à un peu plus d'un mois chez les patients d'âge avancé et présentant des comorbidités (50).

Étant donné la prévalence des BD-IPMN et leur association potentielle avec l'adénocarcinome pancréatique mortel, la surveillance et l'intervention pour prévenir les dommages ont suscité un intérêt fort et compréhensible. Pour qu'un programme de dépistage secondaire des BD-IPMN soit efficace et produise une valeur élevée, chacune des quatre considérations suivantes doit être vraie : la BD-IPMN observée doit augmenter le risque de cancer ; la cadence de surveillance doit permettre l'identification précise et fiable d'une découverte qui indique un adénocarcinome pancréatique à un stade précoce ; il doit exister une thérapie efficace qui permet de traiter l'adénocarcinome à un stade précoce avec de meilleurs résultats que si l'imagerie avait attendu l'apparition des symptômes ; et le programme doit être abordable. Chacun de ces éléments s'appuie sur la logique du dépistage [29-30]. Malheureusement, l'adénocarcinome pancréatique est agressif et se développe rapidement, et la cadence de surveillance recommandée dans la plupart des directives du BD-IPMN est annuelle.

Il est peu probable que l'imagerie de surveillance annuelle permette d'identifier un adénocarcinome asymptomatique dans une fenêtre où le traitement efficace serait différent de celui qui serait mis en place après l'apparition des symptômes.

 De plus, l'imagerie est coûteuse pour les BD-IPMN car elle implique généralement une IRM ou une échographie endoscopique. En 2019, le groupe de travail américain sur les services préventifs a attribué la note " D : il y a une certitude modérée ou élevée que le dispositif ne présente aucun bénéfice net ou que les risques l'emportent sur les bénéfices " pour le dépistage du cancer du pancréas chez les adultes asymptomatiques dont on ne sait pas s'ils présentent un risque élevé de cancer du pancréas (c'est-à-dire les patients présentant un syndrome génétique héréditaire ou des antécédents de cancer du pancréas) [51].

Un commentaire spécifique a été fait sur le fait que les directives existantes pour les BD-IPMN sont à risque de surdiagnostic et de surtraitement [51]. Ces directives devraient continuer à évoluer. En attendant, il est probable que la poursuite de la surveillance agressive des petits BD-IPMN perpétue les soins à faible valeur ajoutée.

Cancer du rein

Des masses rénales incidentes sont présentes sur plus de 50 % des examens de tomodensitométrie et d'IRM [14-15,37,52-53]. Une proportion faible mais significative de ces masses est associée à un risque de carcinome des cellules rénales (par ex. masses solides sans graisse macroscopique ; et masses kystiques de Bosniak IIF, Bosniak III et Bosniak IV) [53-54]. Lorsqu'une masse rénale incidente indéterminée est identifiée, des algorithmes sont suivis pour déterminer  la probabilité d'un cancer [3,5,53]. Ces algorithmes comprennent généralement une imagerie supplémentaire, et parfois une biopsie ou un traitement extirpateur [53]. La prévalence élevée des masses rénales incidentes, le potentiel cancéreux et l'incapacité à différencier de manière fiable les masses bénignes, indolentes et agressives ont conduit à une augmentation considérable du nombre de patients subissant une imagerie et une intervention rénale [6,8,14-15,36,53].

Les données SEER de 1975 à 2019 montrent une augmentation marquée de l'incidence du cancer du rein en raison de l'augmentation des détections incidentes (6,82 pour 100 000 en 1975 contre 15,85 pour 100 000 en 2019) mais malheureusement une mortalité inchangée (3,61 pour 100 000 en 1975 contre 3,44 pour 100 000 en 2020) [55]. L'augmentation de l'incidence est largement expliquée par la détection de masses incidentes ≤4 cm [15]. L'augmentation de la détection sans diminution de la mortalité implique fortement un surdiagnostic.

Les efforts déployés pour diagnostiquer et traiter les masses rénales à un stade précoce ont été associés à des coûts et des préjudices substantiels [6,8,36,50,56-57]. Entre 2000 et 2009, on estime que le nombre de masses rénales bénignes réséquées par chirurgie a augmenté de 82 % (de 3098 à 5624) aux États-Unis [36]. Dans une étude portant sur 15 millions de bénéficiaires de Medicare âgés de 65 à 85 ans entre 2010 et 2014, 43 % ont subi un examen tomodensitométrique du thorax ou de l'abdomen [8]. Dans cette population, l'imagerie de 1000 bénéficiaires supplémentaires a été associée à 4 néphrectomies supplémentaires (IC 95 % : 3-5 ; ce qui correspond à environ 25 000 néphrectomies supplémentaires au total). Le taux de mortalité associé à la néphrectomie était de 2,1 % à 30 jours et de 4,3 % à 90 jours [8]. Ces données impliquent que plus d'imagerie conduit à plus de détection, plus de chirurgie et plus de complications [8].

Pendant ce temps, la mortalité due au cancer du rein reste stable [14-15,55]. La reconnaissance du surdiagnostic et du surtraitement des petites masses rénales a conduit à l'émergence de la surveillance active comme stratégie de prise en charge acceptée [58].

Autres pathologies

Les trois études de cas mises en évidence (c'est-à-dire le cancer de la thyroïde, les BD-IPMN, le cancer du rein) ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres de découvertes fortuites causant des soins de faible valeur et des préjudices potentiels (par exemple, des variantes normales à l'IRM de la colonne lombaire [33], le surdiagnostic d'un cancer de la prostate de grade I à faible risque détecté lors d'une biopsie systématique [59], la détection et la caractérisation fortuites de nodules bénins surrénaliens [avec pour conséquence des recommandations de tests biochimiques universels] [4-5,60-61], des découvertes fortuites bénignes à l'IRM du cerveau [62], et d'autres [63]). Dans chacun de ces cas, un raisonnement similaire s'applique. Le biais de longueur de temps, le biais de temps d'avance et le surdiagnostic chez les patients à faible risque nous aident à comprendre pourquoi les découvertes fortuites que nous observons et renons en charge produisent généralement des soins de faible valeur.

Alors, que devons-nous faire ?

Il est de plus en plus reconnu que les découvertes fortuites sont incomplètement comprises, coûteuses et étonnamment nuisibles. Plutôt que d'être un avantage de l'imagerie, ils constituent un facteur de risque pour les patients à faible risque.  Elles ne sont pas recherchées, la probabilité qu'elle soient importantes est faible, et elles créent une grande incertitude et des soins de faible valeur. Le défi pragmatique est de savoir ce qu'il faut faire à ce sujet à court et à moyen terme.

Certains se sont demandé si certaines découvertes fortuites ne devraient pas être signalées du tout [64]. L'environnement médico-légal complique les choses [2,35,64]. Certaines découvertes fortuites sont des cancers. Il n'est pas raisonnable d'attendre de la part des patients ou du système juridique en 2022 une compréhension sophistiquée des biais qui prédisent des soins de faible valeur - à savoir que la détection précoce de certains cancers peut paradoxalement produire un pire résultat que si ces cancers n'avaient jamais été détectés - et il est difficile pour les praticiens médicaux de comprendre. Mais nous ne devons pas simplement maintenir le statu quo. Voici plusieurs recommandations.

Tout d'abord, nous devrions tenir compte de l'appel à l'action lancé par certains qui nous demandent d'être plus conscients des méfaits du surdiagnostic et du surtraitement découlant de la détection de résultats fortuits [16-19]. Les découvertes fortuites sont une complication de l'imagerie diagnostique - un préjudice involontaire malgré une intention positive - comme un saignement après une biopsie guidée par l'image. Les préjudices spécifiques de la prise en charge des découvertes fortuites sont plus opaques que les saignements et plus difficiles à comprendre. Mais cela signifie simplement que nous (les radiologues) devons jouer un rôle plus actif dans leur étude et leur prise en charge. C'est notre difficulté et notre défi à relever.

Deuxièmement, nous devons plaider pour que les lignes directrices sur les découvertes fortuites, en particulier les nôtres mais aussi celles des autres, intègrent et recommandent explicitement des études appropriées pour confirmer qu'elles fonctionnent comme prévu. Travailler comme on le souhaiterait signifie "produire des soins de grande valeur".
Nous devrions nous attendre à ce que les directives sur les découvertes fortuites mettent l'accent sur la création de soins de grande valeur plutôt que de se concentrer exclusivement ou de manière excessive sur la maximisation de la sensibilité diagnostique. Il ne s'agit pas d'un dilemme propre à la radiologie. Des directives sur les découvertes fortuites existent dans de nombreuses spécialités médicales et chirurgicales, et nous devrions travailler en collaboration avec ces dernières pour promouvoir une approche de grande valeur.

Troisièmement, nous devons plaider auprès des organismes de financement pour qu'ils donnent la priorité à l'étude de la prise en charge des découvertes fortuites. Nous avons un argument convaincant. Les découvertes fortuites sont omniprésentes et représentent un énorme fardeau pour le système de soins de santé [1,3]. Des essais randomisés pourraient être menés dans lesquels on prévoit un groupe de patients bénéficiant d'un report de la prise en charge. A ce titre l'émergence de la surveillance active comme stratégie valide pour de nombreux types de cancers est un précédent qu'on pourrait appliquer et développer.

Quatrièmement, nous devons éviter d'être alarmistes dans nos rapports. A l'heure actuelle, nous devons suivre les directives que nous soutenons jusqu'à ce que des preuves plus solides apparaissent, mais nous devons également reconnaître que la plupart des découvertes fortuites ne sont pas dangereuses si elles sont ignorées chez les patients à faible risque.
La faible prévalence de la maladie et les biais inhérents au dépistage contribuent à expliquer pourquoi il en est ainsi. En cas de doute sur l'importance d'une découverte fortuite, et si les lignes directrices ne sont pas claires ou laissent une certaine marge de manœuvre, il convient d'opter pour la minimisation.

Cinquièmement, comme l'importance clinique d'une découverte fortuite dépend fortement du risque pour le patient, nous devrions rechercher des solutions informatiques, en collaboration avec les prestataires de soins référents, afin de rendre les facteurs de risque pertinents plus visibles pour les radiologues (par exemple, hypertension non contrôlée par plusieurs médicaments [nodule surrénalien], cancer de la tête et du cou non signalé [lésion hépatique]). Dans l'état actuel des choses, les radiologues s'appuient souvent sur un bref rappel historique centré sur la préoccupation principale pour interpréter un examen. Les découvertes fortuites sont par définition sans rapport avec la préoccupation principale et ne sont donc pas toujours éclairées par celle-ci.

Sixièmement, dans nos rapports, nous devons essayer d'équilibrer la sensibilité diagnostique avec d'autres risques concurrents.
Nous devons comprendre les dommages en cascade qui peuvent résulter de la prise en charge d'une découverte fortuite. Nous ignorons encore largement quelles découvertes fortuites sont importantes et comment les gérer (ou les ignorer) au mieux. Pendant les années à venir en attendant une véritable solution, nous devrions faire notre possible pour minimiser les dommages collatéraux aux patients que nous essayons d'aider.

Résumé

Les découvertes fortuites sont analogues aux résultats des tests de dépistage lorsque le dépistage est effectué sur des patients non sélectionnés et à faible risque. Ils entraînent généralement des soins de faible valeur et potentiellement dangereux. Les patients présentant des découvertes fortuites mais un faible risque de maladie sont susceptibles d'être victimes d'un biais de longueur de temps, d'un biais de temps d'avance au diagnostic, d'un surdiagnostic et d'un surtraitement qui créent une illusion de bénéfice tout en causant un préjudice. Il s'agit notamment de la détection fortuite de nombreux types de cancers qui, bien que de nature maligne, auraient été peu susceptibles d'affecter la santé du patient si le cancer n'avait pas été détecté. La détection de certaines incidentalomes peut donner lieu à des soins de grande valeur, mais ce n'est pas le cas pour  la plupart d'entre elles, et la différenciation n'est souvent pas claire au moment de l'identification. Des risques plus élevés liés au patient et à la maladie augmentent la probabilité qu'une découverte fortuite soit importante. Les directives cliniques pour les découvertes fortuites devraient intégrer plus en détail les facteurs de risque du patient et l'agressivité de la maladie pour informer la prise en charge. Cependant, le manque de données sur les répercussions et le rapport coût-efficacité conduit à des stratégies de gestion réflexes qui créent des soins de faible valeur, coûteux et potentiellement dangereux. La radiologie a besoin de données sur les conséquences et le rapport coût-efficacité pour formuler ses recommandations de prise en charge des découvertes fortuites.

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Dépistage : les lignes directrices lacunaires sur les risques

Traductions et synthèse sur la base d'une étude et de deux articles, Cancer Rose, 9 février 2023
-"Les lignes directrices sur le dépistage du cancer ne sont pas simples, mais elles pourraient être moins complexes"
Russell P. Harris, MD, MPH et Linda S. Kinsinger, MD,
-"Les lignes directrices sur le dépistage du cancer manquent souvent des informations sur les risques potentiels, selon une étude", 23 novembre 2022, par Nadia Jaber, rédactrice scientifique pour NCI depuis 2016

Une étude sur les lignes directrices des dépistages

Dans les Annals of Internal Medicine est présentée une revue de 33 lignes directrices sur les dépistages de cancers (sein, prostate, côlon, poumon, col de l'utérus) émanant de multiples organisations professionnelles, afin de déterminer si et comment les risques des dépistages étaient pris en compte. https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M22-1139
L'étude, parue en novembre 2022, est financée par le NCI, l'institut national américain du cancer, et porte sur les recommandations émises par plus de 10 organisations médicales, dont la US Preventive Services Task Force, l'American Cancer Society et le National Comprehensive Cancer Network (NCCN).

Pour les auteurs, Aruna Kamineni, V. Paul Doria-Rose, Jessica Chubak, et al, le dépistage du cancer ne devrait être recommandé que lorsque la balance entre les bénéfices et les risques est favorable. La revue ici présentée évalue comment les lignes directrices américaines sur le dépistage du cancer rapportent les risques.

En voici les résultats :
La déclaration des risques n'est pas uniforme pour tous les types d'organes et à chaque étape du processus de dépistage du cancer. Les lignes directrices ne signalent pas tous les risques pour un type d'organe spécifique ou pour une catégorie de risques dans tous les types d'organes.

Les auteurs concluent :
Cette étude a permis d'identifier des possibilités d'améliorer la conceptualisation, l'évaluation et la communication des risques liés au processus de dépistage dans les lignes directrices.
Les travaux futurs devraient tenir compte des nuances associées à chaque processus de dépistage du cancer propre à un organe donné.
Ils doivent étudier comment prendre en considération les risques les plus saillants et les lacunes en matière de données probantes, et doivent explorer explicitement la façon de pondérer de manière optimale les données probantes disponibles pour déterminer les bénéfices nets du dépistage.
L'amélioration de la communication des risques pourrait faciliter la prise de décisions éclairées et, en fin de compte, améliorer la pratique du dépistage du cancer.

Comment sont élaborées les lignes directrices et les recommandations ?

Pour créer une directive sur le dépistage du cancer, une organisation médicale réunit un groupe d'experts afin de comparer les bénéfices et les risques d'un test de dépistage.

En France, c'est la Haute Autorité de Santé (HAS) qui édite de nombreux documents : recommandations de bonnes pratiques, guides des maladies chroniques, fiches de bon usage des médicaments, évaluation des stratégies thérapeutiques.

Evaluation des lignes directrices américaines dans l'étude

  • Recommandations incomplètes : Les auteurs ont constaté qu'aucune de ces directives ne contenait d'informations complètes sur les risques potentiels du dépistage. Les directives relatives au dépistage du cancer de la prostate étaient les plus complètes, tandis que celles relatives au dépistage du cancer colorectal étaient les moins complètes.
    Moins de la moitié des lignes directrices pour le dépistage du cancer colorectal et du cancer du poumon mentionnaient la fréquence des biopsies, des procédures invasives ultérieures, ou du surtraitement.
    Les effets indésirables graves du traitement étaient aussi mentionnés dans moins de 50 % des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein, du cancer colorectal ou du cancer du poumon. Cette situation est problématique car les interventions de dépistage constituent une cascade d'événements plutôt qu'un test unique. Les inconvénients en aval déclenchés par le test doivent être pris en compte dans l'évaluation globale des bénéfices et des risques.
  • La communication des risques : elle n'était pas uniforme, même entre les lignes directrices pour le même type de cancer.
  • Pas assez de clarté : très peu de lignes directrices donnaient une idée claire du nombre de personnes qui subissent un risque associé à un test de dépistage particulier.
    Les données doivent être présentées en nombre absolu de personnes, avec un résultat spécifique rapporté au nombre de personnes dépistées, plutôt qu'en termes relatifs qui peuvent embrouiller plutôt qu’éclaircir.
    Le Dr Doria-Rose a expliqué que les personnes comprennent plus facilement les fréquences (plus faciles à comprendre que les pourcentages, NDLR), il est donc plus facile pour les personnes de comparer ensuite les risques et les bénéfices, et de prendre une décision éclairée.
    Par exemple, selon une analyse, le dépistage du cancer du sein chez 10 000 femmes chaque année pendant 10 ans à partir de 60 ans permettrait d'éviter 43 décès par cancer du sein (88 femmes mourront quand même du cancer du sein malgré le dépistage). Il entraînera également près de 5 000 faux positifs qui conduiront à près de 1 000 biopsies inutiles.
    C'est quelque chose de plus simple à comprendre qu'un taux de réduction de mortalité en pourcentage, et ce système permet aux personnes de comparer la fréquence des risques avec celle des bénéfices.
  • Pas assez de cohérence : les recommandations manquaient de cohérence dans la prise en compte des risques même au sein d'un même type de cancer, et qu'elles étaient incomplètes concernant la prise en compte de risques spécifiques. Les effets indésirables mineurs et modérés, bien que souvent fréquents, étaient mentionnés dans moins de 50 % des lignes directrices relatives au dépistage du cancer du sein, du poumon et de la prostate.
  • Les préjudices cumulatifs : les chercheurs ont fait remarquer que si les bénéfices du dépistage étaient souvent calculés pour de multiples cycles de dépistage sur plusieurs années, les lignes directrices ne prenaient presque jamais en compte les risques du dépistage de la même manière cumulative.

Les difficultés pour élaborer des lignes directrices

l'élaboration de lignes directrices est très complexe.

  • Tout d'abord, l'intervention doit être normalisée. Il faut vérifier si le test de dépistage initial est effectué de la même manière partout. Par exemple, la mammographie est-elle numérique ou numérique avec tomographie (technique 3D), annuelle ou bisannuelle, commencée à l'âge de 40 ou 50 ans, avec prise en compte des impacts sur 1 an, 10 ans ou sur toute la durée de vie ?
  • Les risques potentiels du dépistage du cancer sont plus complexes à mesurer que les bénéfices.
    Ils couvrent toute la gamme des effets physiques, psychologiques, émotionnels et financiers. En plus de cela, ces risques peuvent provenir non seulement directement des tests de dépistage eux-mêmes, mais aussi des examens et des traitements de suivi.
    Certains préjudices sont plus graves que d'autres et pourraient avoir plus de poids sur la comparaison bénéfices/risques.
    Un exemple donné : une hémorragie grave à la suite d'une coloscopie serait pondérée davantage par rapport à une piqûre pour effectuer un dosage des PSA.
    De plus, comme le soulignent de nombreux spécialistes du dépistage, la plupart des inconvénients ont tendance à se produire pendant ou peu après le dépistage, alors que les bénéfices n'apparaissent que plusieurs années plus tard. La comparaison entre bénéfices et risques ne peut se faire "d'égal à égal".
    Les inconvénients en aval déclenchés par le test (cascades des dépistages, suivis, examens complémentaires etc...) devraient aussi être pris en compte dans l'évaluation globale des bénéfices et des risques.
  • Variabilité des évaluations : certains groupes en charge de l’élaboration de directives accordent plus d'attention aux risques du dépistage, par rapport à d’autres, y compris, vraisemblablement, lors de la formulation des recommandations, disent les auteurs de l'étude.
    Certains groupes, pour certains types de cancer, fournissent des estimations quantitatives de la fréquence des risques. D'autres groupes formulant des recommandations pour les mêmes types de cancer ne mentionnent les risques qu'en termes qualitatifs ou conceptuels, voire ne les mentionnent pas du tout. L'absence d'une bonne recherche sur les risques du dépistage contribue certainement à cette variation.
    La plupart des recommandations examinées par Kamineni, Doria-Rose et collègues ont identifié les risques à partir d'études qui les ont évalués avec un seul dépistage plutôt que de manière cumulative sur un programme de dépistage à plus long terme, sous-estimant ainsi systématiquement les risques.
    La recherche fait particulièrement défaut sur les effets psychologiques du dépistage et des tests. Le fait que le patient soit étiqueté "cancéreux", par exemple, est un préjudice mal compris, qui peut être fréquent et important.
  • Tendance à sous-estimer les risques et manque de preuves : certains groupes en charge de lignes directrices ont trouvé et rapporté des preuves de risques, alors que d'autres ne l'ont pas fait.
    Il peut y avoir aussi un problème de lacunes dans les preuves disponibles.
    Si un bénéfice ou un risque manque de preuves, le groupe peut utiliser l'expérience clinique pour estimer les limites dans lesquelles le nombre réel est susceptible de se situer. Concernant un risque, cela peut aider le groupe à se suffire d'un jugement approximatif qui le satisfait malgré tout.
    Lorsque différents groupes émettent des recommandations différentes sur la même intervention, la confusion règne.
    Au final, ce sont les cliniciens et les personnes dont ils prennent soin qui en sont les perdants.
  • Nécessité de recherches sur les préjudices cumulatifs du dépistage du cancer. Il serait "très important de mener davantage d'études dans ce domaine, car cela permettrait de fournir des informations équilibrées aux patients afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées", dit Dr Louise Davies, chirurgien spécialiste du cancer de la thyroïde au Dartmouth Institute for Health Policy & Clinical Practice (Vermont).
    En effet les bénéfices sont calculés pour plusieurs cycles de dépistages, mais les risques du dépistage ne sont pas pris en compte de la même manière cumulative.
    Par conséquent, comparer les bénéfices et les risques revient à "comparer des tranches de pomme à des oranges. Nous nous limitons à une partie du tableau", a déclaré le Dr Doria-Rose, co-auteur de l'étude.
  • Manque de transparence : il faut s'assurer que les concepteurs des recommandations utilisent vraiment les meilleures données possibles sur les effets néfastes du dépistage pour formuler leurs lignes directrices.
    Sur quelles valeurs le groupe d'experts se base-t-il pour équilibrer les bénéfices et les risques ? Les vies sauvées par le dépistage sont-elles plus importantes que la prévention des biopsies inutiles ? Combien de personnes surdiagnostiquées par rapport à une seule vie prolongée ?
    Chaque ligne directrice reflète probablement "ce que le groupe de cliniciens considère comme le plus important d'après leur propre expérience dans le traitement des cancers dans leur domaine", dit Dr Davis. Elle ajoute que les groupes d'experts devraient également tenir compte des valeurs des personnes qui se font dépister.
    Bien que les valeurs devraient idéalement représenter celles d'une personne moyenne informée, cette information n'est généralement pas disponible, les membres du panel doivent donc se fier à leur impression de ces valeurs.
    Les concepteurs de lignes directrices devraient décrire comment ils sont arrivés aux pondérations appliquées pour permettre aux autres de comprendre leur raisonnement.

Des pistes d'amélioration

Sur la base de leurs conclusions, l'équipe de recherche a lancé deux appels à l'action aux concepteurs de lignes directrices.

"Nous encourageons [les concepteurs de lignes directrices] à approfondir leurs recherches avant de mettre à jour leurs lignes directrices pour la prochaine révision, afin de s'assurer qu'ils utilisent vraiment les meilleures données possibles [sur les effets néfastes du dépistage] pour formuler leurs recommandations", a déclaré le Dr Doria-Rose.

Le second est un appel à une plus grande transparence sur la façon dont les concepteurs de lignes directrices formulent leurs recommandations : "Soyez ouverts sur les risques que vous considérez et ceux que vous ne considérez pas, ainsi que sur les bénéfices que vous considérez et ceux que vous ne considérez pas, de sorte que nous puissions au moins savoir sur quoi les recommandations de dépistage sont basées", a-t-il déclaré.

Au final, de nombreux experts estiment que chaque personne doit décider de ce qui est important pour elle lorsqu'elle envisage de se faire dépister.
Chaque personne devrait pouvoir "choisir de suivre les [recommandations] qui correspondent le plus aux valeurs qui lui sont propres", ont écrit les docteurs Harris et Kinsinger dans leur éditorial.
Et de proposer à leur tour : "Nous avons suggéré que les groupes d'élaboration de lignes directrices parrainent conjointement une équipe d'examen systématique (des données probantes sur les bénéfices et risques).
Les différents groupes travailleraient ensemble pour concevoir un tableau de résultats ; l'équipe d'examen systématique remplirait les cellules (cellules de remplissage des données, dans les tableaux de résultats bénéfice/risques, NDLR), y compris pour l'incertitude ; et chaque groupe d'experts utiliserait ensuite le tableau pour évaluer les bénéfices et les risques, en expliquant de manière explicite et transparente comment ils sont parvenus à leur recommandation, sur la base du même tableau de résultats.
Les cliniciens et les personnes pourraient alors mieux comprendre les différences entre les recommandations et choisir de suivre celles qui appliquent les valeurs les plus proches des leurs."

En France

En France les recommandations sont rédigées essentiellement par la Haute Autorité de Santé, et par les sociétés savantes.
L’interprétation des études, des preuves disponibles, des essais thérapeutiques nécessite une méthodologie qui n’est pas maîtrisée par tous et qui demande un temps considérable. De plus, outre l'enjeu des compétences se pose le problème de l'impartialité, de la transparence et des conflits d'intérêts.

Comme dit dans un article publié sur le site du Formindep concernant les sociétés savantes : "la plus grande méfiance est de mise face à leurs recommandations, d’un niveau de preuve souvent faible, car reposant sur de simples avis d’experts. Les sociétés savantes sont financées très majoritairement par les firmes pharmaceutiques, via du sponsoring, des contrats, les bénéfices des congrès. Les rédacteurs des recommandations présentent à titre individuel des liens généralement importants et nombreux, qui évoluent parallèlement aux parts de marché des firmes dans la pathologie étudiée. Nombreux sont les rédacteurs consultants ou porte-parole pour l’industrie."

Nous en avons eu un triste aperçu lors de la campagne stupéfiante du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France, le CNGOF, à laquelle nous avions réagi, et qui réclamait force campagnes médiatiques l'extension du dépistage du cancer du sein chez la femme âgée, au-delà de 74 ans, alors qu'aucune recommandation n'existe pour cette tranche d'âge, dans aucun pays réalisant le dépistage du cancer du sein.
Cette campagne était élaborée en dépit d'études déjà disponibles recommandant la plus grande prudence sur le dépistage du cancer du sein chez la personne âgée.

Un autre exemple est la polémique assez virulente sur le dépistage systématique du cancer broncho-pulmonaire par scannographie à faibles-doses émanant de sociétés savantes après la mise en garde de l'Académie de Médecine sur ce dépistage, controverse que nous avons relayée et que vous trouverez en bas de l'article ici.
La HAS, d'abord prudente en 2016 sur le dépistage du cancer broncho-pulmonaire, finit par changer complètement d'attitude en 2022 et, alors "que l’état des connaissances est encore incomplet et insuffisamment robuste pour la mise en place d’un dépistage systématique et organisé du CBP (cancer broncho-pulmonaire) en France" valide une expérimentation en vie réelle, même si aucun bénéfice de ce dépistage sur la mortalité globale n'a pu être mis en évidence...

Car, toujours selon l'article du Formindep et concernant la HAS cette fois : "si la HAS fait de réels efforts dans la recherche d’une expertise indépendante aujourd’hui, de nombreux documents ont été rédigés sans gestion des conflits d’intérêts et leur qualité est très inégale."
Le Formindep avait déposé une requête devant le Conseil d’Etat en vue du retrait d’une recommandation de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé élaborée par des experts aux conflits d’intérêts majeurs au sujet de la prise en charge des dyslipidémies. Le collectif avait également obtenu une abrogation d'une recommandation de la HAS sur le diabète de type 2.

Une solution pour les cliniciens et les futurs médecins est de se tourner vers des sources d'informations indépendantes, comme suggéré ici, au bas de l'article.

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Journée du Collège québécois des médecins de famille (CQMF)

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Cancer Rose a eu l'honneur d'être convié pour animer un atelier lors de la journée du Collège québécois des médecins de famille (CQMF), journée annuelle qui s'est tenue sous le thème de la pertinence des soins, le vendredi 26 mai 2023, au Palais des congrès de Montréal.
Dr Cécile Bour, qui s'y est rendue au nom du collectif, est intervenue avec une présentation lors de la 'journée médias', le 25 mai et pour animer un atelier interactif le 26 mai, sur le thème 'Messages médiatiques contradictoires et dépistage du cancer du sein'.

Communiqué de présentation du CQMF :

"Cette journée se veut une prise de conscience sur l'utilisation des ressources dans l'écosystème des soins de santé québécois. La surutilisation des ressources, la surmédicalisation et le surdiagnostic sont des phénomènes complexes nécessitant des solutions à divers niveaux. Médecins engagés, leaders gestionnaires en santé et leaders pédagogiques y sont conviés pour passer à l'action.
Alliant des présentations plénières engageantes à des ateliers pratiques visant l'adoption de changements concrets, cette journée promet d'être riche en échanges et en pistes de solution.
Elle s’inscrit de plus dans l’effort du CQMF de réduction de l’empreinte écologique et, entre autres objectifs, de documentation des émissions de gaz à effet de serre. Ne manquez pas cet événement unique ! "

Les programmes

Présentation Dr Bour Cécile

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Journée presse du 25 mai

Extrait des supports pédagogiques atelier du 26 mai

Images

Palais des congrès de Montréal, bâtiment au toit végétalisé et autosuffisant.

Merci à la formidable équipe du Collège Québécois des Médecins de Famille pour son accueil, son dynamisme, sa gentillesse et chaleur humaine, sa bonne humeur ; merveilleux souvenirs d'échanges enrichissants , amicaux et chaleureux.

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