Cancers d’intervalle, incidentalomes, les perdants des dépistages

Synthèse Cancer Rose, 20 février 2023

Traduction d'un article de M.Davenport, (Départements de radiologie et d'urologie, Michigan Medicine)

A-les cancers de l'intervalle

https://www.academicradiology.org/article/S1076-6332(23)00020-X/fulltext

Une étude de cohorte rétrospective* publiée en février 2023 dans "Academic Radiology" compare les caractéristiques des cancers du sein d'intervalle, ceux qu'on appelle les faux négatifs, c'est à dire des cancers qui n'ont pas été détectés à la mammographie et se déclarent entre deux mammographies de dépistage, avec les cancers du sein détectés à la mammographie de dépistage.

Qu'est-ce qu'un cancer de l'intervalle, pourquoi est-il très frustrant pour les femmes participant au dépistage et quelles sont les constatations de l'étude sur leurs caractéristiques ?

* Type d'enquête qui consiste à examiner, sur la base de données présentes dans les dossiers médicaux ou dans des registres de données une population définie (la cohorte), et de comparer un critère ou un évènement (ici les caractéristiques des cancers du sein) observé avec un ou plusieurs autres groupes d'individus définis en fonction de critères (âge, conditions de vie, etc..)

le faux négatif

illustration issue du livre de C.Bour "mammo ou pas mammo?" édition Souccar

Il peut y avoir deux cas de figures :

1° le cancer existant déjà et réellement "loupé"-
l’examen mammographique n’est pas infaillible. Les seins denses sont difficiles à explorer et la trame glandulaire très présente entraîne une sorte d'opacité à la mammographie empêchant de discerner un cancer. Certains cancers dits « infiltrants » se confondent avec le tissu mammaire. D’autres sont de forme atypique, d’autres encore sont carrément occultes : on ne les voit pas ; la femme ressent un beau jour une boule alors que le cancer n’est toujours pas identifiable en mammographie.

2° le cancer d'intervalle
Le cancer d'intervalle à proprement parler est  un cancer qui n’était effectivement pas là lors de l’examen mammographique, ou alors au simple stade de cellules. Mais son agressivité et sa croissance sont telles qu’il se développe très rapidement, en quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, donc dans l’intervalle théorique entre deux mammographies de dépistage, d’où son nom.
Cette situation est très frustrante pour la patiente à laquelle on a fait valoir le caractère protecteur et salvateur du dépistage, avec une impression pour elle d'avoir "tout bien fait", et d'être malgré tout mal récompensée de son assiduité.

illustration du livre de C.Bour "Mammo ou pas mammo ?", édition T.Souccar

Résultats de l'étude réalisée

Les conclusions majeures retirées par les auteurs sont que les cancers d'intervalle, en comparaison avec ceux détectés à la mammographie sont en moyenne :

  • Plus fréquents chez les femmes à seins denses (presque trois fois plus)
    Pour les auteurs, la densité mammaire est restée significativement associée au développement d'un cancer de l'intervalle.
    Lorsqu'elle est stratifiée par âge, la densité mammaire n'est significative que pour les femmes âgées de plus de 50 ans. Cela peut s'expliquer par le fait que le tissu mammaire dense est plus fréquent chez les femmes plus jeunes, puisqu'il est présent chez plus de 50 % des femmes de moins de 50 ans, mais seulement chez moins de 30 % des femmes de plus de 70 ans.
  • De stade plus avancé et à caractéristiques biologiques plus défavorables que les cancers détectés par mammographie. Autrement dit, le dépistage détecte surtout des cancers de stade peu agressif et des carcinomes in situ, dont bon nombre alimentent le réservoir des surdiagnostics.
    Par rapport aux cancers détectés par dépistage, les cancers d'intervalle étaient plus souvent des cancers invasifs que des carcinomes canalaires in situ (88 % contre 75 %, p = 0,007).
    En outre, 43 % (41/96) des cancers d'intervalle étaient des tumeurs primaires de stade 2 ou plus, contre seulement 12 % (139/1136) des cancers du sein détectés par dépistage (p < 0,001).
    Les cancers de l'intervalle étaient le plus souvent diagnostiqués en raison de symptômes et d'anomalies dans le sein.
  • Le fait de femmes avec des antécédents familiaux de cancer du sein, notamment au premier degré (mère, soeur, fille) par rapport aux femmes diagnostiquées avec un cancer détecté par dépistage, bien que les antécédents familiaux ne soient pas significatifs dans l'analyse multivariée (méthode statistique utilisée lorsque plusieurs facteurs influent potentiellement sur un résultat.)

 Conclusion des auteurs

Le phénotype agressif des cancers d'intervalle permet d'expliquer pourquoi ils n'étaient pas visibles lors de l'examen de dépistage initial mais détectables moins d'un an plus tard. Ces cancers ont probablement une croissance rapide et sont soit nouveaux, soit trop petits pour être visibles au moment du dépistage. Les auteurs relèvent que ce point a été spécifiquement étudié par Gilliland et al.

Par ailleurs, lors de  l'analyse des sous-ensembles, les cancers d'intervalle diagnostiqués lors d'une IRM de dépistage à haut risque étaient plus susceptibles d'être des carcinomes canalaires in situ et des tumeurs primaires de stade 0 ou 1, comparés aux cancers d'intervalle qui étaient symptomatiques..
Pour les auteurs, cela confirmerait l'utilité de l'IRM de dépistage pour les femmes à haut risque et présentant une densité mammaire élevée, car l'IRM s'avérait utile pour identifier certains cancers d'intervalle à un stade plus précoce que les cancers d'intervalle identifiés par les patientes à la suite d'un symptôme apparu dans le sein.

(Mais on peut objecter que la découverte d'un cancer de stade plus précoce chez les femmes à haut risque ne nous dit pas s'il s'agit d'un cancer d'intervalle détecté réellement plus tôt et qu'on empêchera ainsi d'évoluer ou s'il s'agit d'un cancer intrinsèquement à caractéristiques favorables qui n'aurait pas ou peu évolué.
Pour en savoir plus sur la problématique des IRM supplémentaires (surdiagnostics, cascades d'examen, faux positifs) lire :
Grosse déconvenue de l'IRM mammaire, 2022, et
Dépistage supplémentaire par IRM pour les femmes avec seins denses, 2019)

Commentaire Cancer Rose

Nous reprenons le commentaire de l'excellent blog de notre confrère Dr Agibus -

Dans son billet Dragiwebdo n°386, chapitre 5, Dr Agibus résume très bien la conclusion de l'étude en rappelant le schéma dit de la "basse-cours" ; barnyard analogy breast cancer screening -
Voici ce qu'il écrit :

" Un article s'intéresse à la mammographie et aux cancers d'intervalles. Les auteurs ont comparé les cancers diagnostiqués sur les mammographies par un dépistage et ceux diagnostiqués  alors qu'une autre mammographie de dépistage avait été faite précédemment. Ils trouvent que les cancers d'intervalle sont de stades plus élevés et de moins bon pronostique (triple négatifs, adénopathies) que les cancers découverts lors du dépistage. Cette étude confirme (en tous cas apparait en faveur) du fait que la mammographie de dépistage dépiste des cancers peu agressifs (les lapins et tortues, parfois trop tortue d'ailleurs), alors que les cancers agressifs (les oiseaux) passent entre les mailles et sont dépistés sur des symptômes même en cas de mammographies régulières. Pour mémoire " :

Cliquez sur l'image

En d'autres termes, les cancers agressifs sont intrinsèquement agressifs et c'est pour cela qu'on ne les anticipe pas, ceux détectés par mammographies répétées correspondent à des cancers moins graves et curables, avec un temps de séjour suffisamment long dans le sein de telle sorte que le dépistage peut les déceler, mais dont une grande partie alimente les surdiagnostics (notamment les in situ).
Pour comprendre, lire https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/

B-les incidentalomes

https://www.birpublications.org/doi/10.1259/bjr.20211352

Ici les auteurs alertent sur les découvertes inutiles lors d'examen de routine, et qui débouchent sur ce qu'on appelle des "cascades d'examens".

L'un des paradoxes de l'imagerie médicale moderne, disent-ils, est que la source de notre plus grand accomplissement - la capacité d'imager le corps humain de manière toujours plus détaillée - est également la source de l'un de nos plus grands défis.
Le succès de l'imagerie médicale comme outil de diagnostic a entraîné une augmentation considérable de son utilisation. Les progrès technologiques permettent d'acquérir des images à plus haute résolution et en plus grand nombre que jamais auparavant. Cela a conduit à une augmentation de la détection de découvertes qui ne semblent pas être liées à l'objectif principal de l'examen et qui ont été appelées " fortuites ", et c'est surtout le fait des scanners et de l'IRM. Beaucoup d'entre elles sont inoffensives, mais certaines ont des conséquences importantes pour la santé du patient.

Les radiologues, selon eux, doivent se familiariser avec les découvertes fortuites les plus courantes afin d'évaluer au mieux leur importance dans chaque cas, et de pouvoir recommander des examens complémentaires appropriés, lorsque cela est justifié, car ces découvertes fortuites ont des implications pour le patient et le service dans son ensemble et doit être mûrement réfléchie.

On qualifie de découvertes fortuites toutes les découvertes qui ne sont pas directement liées à l'objectif principal pour lequel l'examen d'imagerie a été effectué, par exemple la découverte d'un nodule surrénalien sans aucune plainte du patient, lors d'un scanner ou d'une échographie pour douleurs abdominales, symptôme répandu et pas toujours très spécifique. Ou la découverte d'un nodule rénal lors d'un scanner pour maladie pulmonaire.
Le développement et l'introduction potentiellement généralisée dans la pratique clinique de tests sanguins pour détecter l'ADN tumoral circulant peuvent ajouter une autre couche de complexité.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/

Cette augmentation du taux de détection s'accompagne d'un certain nombre de problèmes. Les auteurs expliquent :
" Parfois, les images elles-mêmes peuvent inclure des caractéristiques qui nous permettent d'être raisonnablement sûrs qu'une découverte particulière est importante ou non - le site, la taille, la morphologie, l'atténuation ou les caractéristiques du signal peuvent tous être utiles. Dans de nombreux autres cas, il y aura un doute et une décision devra être prise sur la meilleure façon de gérer cette incertitude.
S'il est décidé qu'une lésion particulière ne peut être considérée comme non pertinente, une imagerie supplémentaire ou d'autres tests plus invasifs peuvent être recommandés. L'impact sur le patient peut aller de l'anxiété et d'un désagrément mineur à un préjudice réel en cas de complication d'une procédure invasive telle qu'une biopsie ou une endoscopie. On a beaucoup écrit sur le concept de surdiagnostic - la détection et le traitement ultérieur d'une maladie qui, si elle n'était pas traitée, ne causerait pas de problèmes au cours de la vie du patient. Bien que ce terme soit le plus souvent utilisé en relation avec les programmes de dépistage, il s'applique également aux découvertes fortuites trouvées chez les patients symptomatiques.

La personne vit avec et mourra avec son cancer, pas à cause de lui.
illustration du livre de C.Bour "mammo ou pas mammo?", édition T.Souccar


Le récit du diagnostic précoce est séduisant, mais le terme de cancer - tel qu'il est actuellement utilisé - couvre de nombreuses maladies très différentes, y compris certaines lésions indolentes qui seraient surtraitées par les stratégies thérapeutiques traditionnelles. (NDLR : une référence citée concerne le CCIS de bas grade). On espère que les développements de l'intelligence artificielle nous aideront à l'avenir à mieux stratifier ces patients en fonction de différentes stratégies de prise en charge, dont certaines pourraient impliquer une observation plutôt qu'une intervention.
Pour l'instant, il existe toujours un risque important que la détection et le signalement d'une découverte fortuite entraînent un surtraitement. Outre l'impact sur le patient individuel, les implications pour les services de radiologie sont importantes, en particulier dans un système financé par l'impôt ...
Le coût direct des examens de suivi est un élément à prendre en compte, mais un risque encore plus grand est que l'augmentation du nombre d'examens réalisés pour suivre des découvertes fortuites rende inévitablement les services plus difficiles d'accès pour d'autres patients, dont certains peuvent avoir des besoins plus importants."

Et de conclure :

"Tout d'abord, nous devons accepter qu'étant donné les incertitudes inhérentes à la pratique de la radiologie et les limites des tests que nous utilisons, nous n'aurons pas toujours raison.
Ensuite, nous devons veiller à être en mesure de faire la meilleure évaluation possible de la pertinence de chaque découverte. Nous devons nous familiariser avec les aspects de la découverte fortuite commune dans chaque organe, .... ainsi qu'avec les caractéristiques qui, dans chaque cas, donnent la meilleure orientation possible quant à leur importance probable.
Enfin, nous devons reconnaître que le choix de mentionner un résultat particulier dans un rapport radiologique n'est pas un acte neutre - il a des conséquences pour le patient, pour le service et pour les autres patients.
Pour le patient, nous l'engageons potentiellement à subir d'autres examens, dont certains peuvent être préoccupants, voire réellement préjudiciables.
Pour le service, nous imposons un fardeau supplémentaire...."

Notre conclusion

Nous avons tous un devoir et une responsabilité dans les décisions médicales concernant les examens que nous demandons et réalisons pour l'intérêt du patient. Les prescripteurs mais aussi les radiologues doivent se poser la question sur la portée de ce qu'ils cherchent et ensuite, pour les radiologues, de ce qu'ils décrivent. Quel poids et quelle importance donner à ce qu'ils découvrent.
Simplement énumérer des images et laisser au médecin traitant le soin de décider quoi faire de ces images fait peser la responsabilité des suites au seul prescripteur seul.

Les patients aussi doivent être dûment informés de ce que les examens systématiques, de routine, ou les examens, comme on peut le lire parfois sur des ordonnances, de "réassurance",  peuvent impliquer pour leur santé.

Les examens de dépistage ne sont pas infaillibles ni anodins, ils ne sont pas des boucliers imparables contre les maladies, ils peuvent "rater" des lésions authentiques, ils peuvent faire découvrir des choses inutiles au patient, et aussi le faire basculer dans une maladie qu'il n'aurait jamais connue sans eux.

Traduction de l'article de M.Davenport, "Découvertes fortuites et soins de faible valeur"

Découvertes fortuites et soins de faible valeur

Perspective clinique sur invitation, Matthew S Davenport, MD, 2023 Jan 11.
Départements de radiologie et d'urologie, Michigan Medicine, Ann Arbor MI 48108.
doi : 10.2214/AJR.22.28926. Epub avant impression.
PMID : 36629303.
https://www.ajronline.org/doi/abs/10.2214/AJR.22.28926

Points clés :

La détection d’incidentalomes dans une population à faible risque entraîne généralement des soins de faible valeur et potentiellement nuisibles, y compris paradoxalement pour de nombreux cancers.

Introduction

Les découvertes fortuites en imagerie sont courantes [1-3]. Elles peuvent être définies comme des résultats d'imagerie non attendus et non liés à la raison de consultation principale du patient [1-3]. Environ 15 à 30 % de tous les examens d'imagerie diagnostique et 20 à 40 % des examens de scanner comportent au moins une découverte fortuite [1]. Des groupes comme par exemple l'American College of Radiology et d'autres ont déployé des efforts considérables pour fournir des algorithmes de gestion des découvertes fortuites, mais il manque de données sur les conséquences ou le ratio coût-efficacité pour justifier la plupart des algorithmes recommandés [3-7]. En général, la précision du diagnostic (c'est à dire, la découverte fortuite a-t-elle permis de diagnostiquer un cancer ?) et le taux de détection (c'est à dire, l'imagerie a-t-elle permis de mettre en évidence une découverte fortuite pour laquelle une prise en charge supplémentaire est recommandée dans une ligne directrice ?) sont utilisés pour valider les lignes directrices pour les incidentalomes.
Cependant, on se rend de plus en plus compte que la détection d'un cancer à un stade précoce n'est pas toujours un résultat idéal [6,8-15].

La poursuite des examens d'imagerie et du suivi clinique, interventionnel ou chirurgical des découvertes fortuites a pour but la prévention des risques, grâce à un diagnostic précoce. Mais dans de nombreux cas, il s'est avéré que cela provoquait l'effet inverse, c'est-à-dire une augmentation des risques sans bénéfice pour le patient [6,8-15]. C'est paradoxalement vrai pour de nombreux patients pour lesquels on diagnostique un cancer incident à un stade précoce (par exemple, un cancer de la prostate de grade I, un cancer kystique du rein, un cancer micropapillaire de la thyroïde, autres) [8-15]. Outre les dommages physiques causés par les complications iatrogènes, les examens de suivi des incidentalomes entraînent des dommages émotionnels et une toxicité financière dus aux "cascades d’examens", où l’examen de référence engendre une série de tests et d'interventions supplémentaires coûteux, qui eux-mêmes déclenchent toujours plus de tests et d'interventions [14-23]. Il peut paraître étonnant que la détection précoce d'un cancer ou la collecte d'informations supplémentaires sur la santé d'un patient aient un impact négatif.

Pourtant, aussi déroutant que cela puisse être, ce phénomène s'est confirmé dans de nombreux contextes [6,8-15]. Il semble lié à de multiples facteurs, comme par exemple : les biais du dépistage, les estimations humaines inexactes du risque, une connaissance incomplète du risque, une médecine défensive, la peur du patient et du prestataire de soins, et la pression sociale et économique en faveur d'un diagnostic excessif.

Il est difficile de re-calibrer la perception humaine (par exemple, l'estimation du risque, la médecine défensive), ou de résoudre la question de la connaissance incomplète du risque sans des études pluriannuelles coûteuses (par exemple, la réalisation de tests biochimiques sur les nodules surrénaliens fortuits permet-elle d'améliorer la santé de manière efficace par rapport au coût ? [actuellement recommandé par [4-5]]).

Par la suite, nous verrons comment les biais connus du dépistage nous aident à prédire les conséquences observées liées aux incidentalomes - diagnostic préférentiel d'une maladie indolente et à faible risque, augmentation des coûts et de la morbidité, et mortalité inchangée. [29-30]. En d'autres termes, des soins à faible valeur ajoutée.

Découvertes fortuites et liens avec le dépistage

 Les découvertes fortuites sont souvent le résultat d'un examen d'imagerie sensible, comme le scanner ou l'IRM, qui permet de visualiser des organes et d'autres parties du corps présentant un faible risque de maladie grave. Il existe de fortes similitudes entre les résultats cliniques de cette approche et les résultats du dépistage intentionnel des patients à faible risque par imagerie du corps entier, une pratique qui a été réfutée par l'American College of Radiology et contestée par la FDA américaine en raison de la faible probabilité d'identifier une maladie sérieuse et de la forte probabilité de soins en cascade à faible valeur ajoutée.[31-32].

Les découvertes fortuites ne sont pas liées au problème principal [1-3]. Par conséquent, le patient est considéré comme étant à faible risque du point de vue d'une découverte fortuite, à moins qu'il ne présente une comorbidité qui coïncide avec celle-ci (par exemple, antécédents de tabagisme à haut risque et nodule pulmonaire fortuit identifié chez un patient examiné pour une douleur du quadrant inférieur droit). Dans la plupart des cas, une découverte fortuite ne sera pas liée à un antécédent, un signe ou un symptôme à haut risque, car l'examen d'imagerie est, par définition, réalisé pour une autre indication.

 Ces facteurs permettent de prédire la faible valeur des soins que nous observons après l'identification et la prise en charge des découvertes fortuites [1,6,8-15,31-32]. Si le patient présente un faible risque de maladie (c'est le cas de la plupart des découvertes fortuites qui, par définition, n'ont aucun rapport avec la maladie suspectée) et si l'examen est sensible (par exemple, le scanner ou l'IRM), les faux positifs seront fréquents, les maladies indolentes seront détectées plus souvent que les maladies agressives, et le surdiagnostic et le surtraitement domineront, tout en donnant l'illusion d'une amélioration des soins grâce à une identification précoce.
Ce résultat est analogue à celui qui résulte du dépistage d'une population à faible risque.
Bien que la plupart des découvertes fortuites résultent d'examens diagnostiques (et pas de dépistage) cliniquement indiqués, la probabilité qu'une découverte fortuite soit importante est fortement influencée par les biais analogues au dépistage.
Considérons ceci.
Le test de dépistage idéal est peu coûteux (coût faible pour le patient, coût faible pour le système), valide (peu de faux positifs, peu de faux négatifs), ciblé (destiné aux patients avec une prévalence de la maladie élevée) et utile (c'est-à-dire qu'il détecte une maladie préclinique qui, autrement, deviendrait cliniquement importante, dans des délais suffisants pour intervenir avec un traitement efficace qui conduit à un meilleur résultat ) [29-30]. Dans la section suivante, les biais courants du dépistage seront associés aux découvertes fortuites pour aider à expliquer pourquoi nous observons des soins de faible valeur en cascade à partir de leur détection [1,6,8-25,28,31-37].

Biais du dépistage

Le dépistage comporte plusieurs biais courants et bien connus [29-30]. Ces biais amplifient l'efficacité apparente du dépistage et donnent un aperçu de la gestion des découvertes fortuites. En effet, les découvertes fortuites résultent du dépistage par inadvertance de parties du corps, à faible risque de maladie.

Biais de longueur de temps (ou biais de sélection des cancers d’évolution lente)

Le biais de longueur de temps désigne la tendance d'un test de dépistage à identifier plus souvent une maladie indolente qu'une maladie agressive [29-30]. La maladie indolente se développe lentement ou pas du tout, tandis que la maladie agressive se développe ou progresse rapidement. Si l'on procède à des examens d'imagerie chez un patient à un intervalle aléatoire, il est beaucoup plus probable qu'une maladie indolente soit fortuitement trouvée plutôt qu'une maladie agressive.

L'indolence d'une découverte, c'est-à-dire la probabilité qu'elle ne cause aucun effet négatif ou symptôme pendant de nombreuses années, pondère proportionnellement sa prévalence par rapport à une découverte qui n'est présente que pendant une brève période avant de produire des symptômes (eg à partir du moment où elle n'est plus fortuite). Par exemple, prenons le cas d'un patient présentant une découverte indolente (eg un néoplasme papillaire brachial mucineux intraductal de 1,5 cm  [BD-IPMN]) qui est examiné par imagerie à des intervalles aléatoires entre 50 et 69 ans. Au cours de ces vingt années, si à un moment donné le patient est examiné par un scanner ou une IRM de l'abdomen, la découverte sera probablement détectable et peu changée. Considérons maintenant un autre patient qui a une découverte agressive (eg un adénocarcinome pancréatique de 1,5 cm). Si le patient est soumis à des examens d'imagerie à des intervalles aléatoires entre 50 et 69 ans, la fenêtre pendant laquelle la découverte sera identifiable et résécable est brève, probablement moins d'un an. D'un point de vue probabiliste, indépendamment de la prévalence de la maladie, une maladie indolente a beaucoup plus de chances d'être visible qu'une maladie agressive lors d'un examen effectué à un intervalle aléatoire. Il s'agit d'un biais de longueur de temps, qui contribue à expliquer pourquoi la plupart des découvertes fortuites que nous observons ont une importance clinique faible ou négligeable, même si notre intuition nous dit le contraire (eg lorsque l'on parle d'un cancer).

Biais lié au temps d'avance

Le biais lié au temps d'avance se réfère à la détection précoce d'un cancer, avant qu'il ne soit cliniquement détectable, mais sans aucune possibilité d'influer sur l'évolution de la maladie [29-30]. Un test de dépistage idéal détectera un cancer avant qu'il ne soit symptomatique, mais aussi dans un délai où un traitement efficace pourra modifier l'évolution de la maladie. Pour éviter le biais lié au temps d'avance, il faut que le cancer soit détecté avant l'apparition des symptômes cliniques, qu'un traitement efficace soit disponible et que l'effet du traitement soit différentiel si ce dernier est appliqué avant l'apparition des symptômes. Si le traitement a la même efficacité s'il est administré avant ou après l'apparition des symptômes, la détection du cancer avant l'apparition des symptômes n'est pas bénéfique.

Prenons l'exemple d'un patient qui développe un cancer présentant les caractéristiques temporelles suivantes : 2 ans entre le début du cancer et la détectabilité par imagerie, 3 ans entre le début du cancer et les symptômes cliniques, 5 ans entre le début du cancer et le décès par cancer. Si aucune imagerie n'est réalisée, le patient aura une survie perçue de 2 ans (5-3 = 2), définie comme le délai entre les symptômes cliniques et le décès. Cependant, si l'imagerie est réalisée à l'année 2 après le début de la maladie, le patient aura une survie perçue de 3 ans (5-2 = 3), correspondant au délai entre la détection et le décès.  Trois ans, c'est 50 % de plus que le cas de référence (2 ans), même si aucun traitement n'a été administré pour modifier l'évolution de la maladie. Il s'agit d'un biais lié au délai d'avance, qui contribue à expliquer pourquoi la prolongation de la survie apparente après la détection d'une découverte fortuite à un stade précoce n'implique pas nécessairement un bénéfice pour le patient.

Surdiagnostic

Le biais de surdiagnostic est la détection d'une maladie qui ne serait jamais dangereuse pour le patient [34]. Il peut être considéré comme un exemple hyperbolique du biais de longueur [29-30,34]. De nombreuses découvertes fortuites correspondent à des surdiagnostics. Lorsque les surdiagnostics sont associés à des diagnostics de cancer agressifs sans tenir compte de l'agressivité de la maladie, cela peut impliquer un effet bénéfique du dépistage (c'est-à-dire la détection des découvertes fortuites). Un groupe enrichi par le surdiagnostic semblera vivre plus longtemps et avoir une maladie moins avancée parce que la maladie dans le groupe dépisté sera moins agressive. Prenons l'exemple d'un patient présentant une masse rénale kystique accidentelle de type Bosniak IIF. Les masses Bosniak IIF sont fréquentes, mais rarement cancéreuses (environ 15 % des masses réséquées, moins de 5 % de toutes les masses identifiées) [6,35]. Celles qui sont cancéreuses sont très probablement indolentes et peu susceptibles de provoquer une morbidité ou une mortalité non liée aux effets du traitement [6,35].

Le carcinome rénal kystique indolent incident survenant dans une masse kystique Bosniak IIF n'est pas comparable à un carcinome rénal solide à cellules claires agressif de type Fuhrman 3 sur 4. Si l'on ne tient pas compte de l'agressivité de la maladie, l'inclusion de masses kystiques indolentes Bosniak IIF dans une population générale de carcinomes à cellules rénales biaisera les résultats et laissera supposer un effet bénéfique de la détection fortuite (c'est-à-dire un faible risque de récidive ou de métastase, une survie apparente plus longue). Il s'agit d'un biais de surdiagnostic, qui explique en partie pourquoi la prise en compte binaire du cancer par rapport à l'absence de cancer peut être trompeuse et entraîner des soins de faible valeur.

Bénéfices et risques des découvertes fortuites

La détection de certaines découvertes fortuites peut améliorer la morbidité ou la mortalité grâce à une détection précoce. Ceci est particulièrement vrai si le patient présente par coïncidence des facteurs de risque pour la maladie détectée (par exemple, une masse rénale solide accidentelle de 3,2 cm chez un patient atteint du syndrome de von Hippel-Lindau et examiné par tomodensitométrie pour une suspicion de diverticulite). En effet, les facteurs de risque coïncidents enrichissent la prévalence de la maladie significative et, par conséquent, la probabilité qu'une découverte fortuite soit significative. Dans ce contexte, le terme "significatif" fait référence au résultat idéal d'un test de dépistage : la détection préclinique, lorsqu'un traitement efficace donnerait un résultat supérieur s'il était administré avant l'apparition des symptômes. Cependant, les facteurs de risque coïncidents sont rares car, par définition, les découvertes fortuites n'ont aucun rapport avec le problème principal. Le manque de preuves et la compréhension incomplète de l'interaction complexe entre le risque diagnostique et le risque en aval font qu'il est très difficile de déterminer, dans la pratique clinique courante, si la recherche de la plupart des découvertes fortuites produira des soins de grande valeur. Cette incertitude conduit généralement les radiologues et les prestataires de soins à privilégier la sensibilité diagnostique et à négliger les risques de dommages collatéraux [2,9,16-19].

Dans ce contexte commun, le bénéfice attribué à la prise en charge d'une découverte fortuite est instinctif ou gestuel plutôt que fondé sur des preuves. Par exemple, on peut attribuer un bénéfice à la détection d'une masse rénale ou thyroïdienne qui a été enlevée et dont il a été confirmé qu'elle était cancéreuse - la détection du cancer semblant être une preuve suffisante qu'un bénéfice a été apporté.

Cependant, ce n'est pas si évident [1,6,8-25,28,31-37]. De nombreuses études ont montré que l'intervention sur des découvertes fortuites, y compris celles qui concernent le cancer, peut entraîner des soins de faible valeur et causer des dommages [11-12, 14-15, 33, 36-37]. Par exemple, la détection d'un cancer qui, s'il n'avait pas été identifié, n'aurait pas affecté la vie du patient ou la détection d'un cancer pour lequel l'intervention ne change pas la trajectoire de la maladie. Ces facteurs diminuent l'efficacité de la gestion des découvertes fortuites. Outre une efficacité douteuse, il existe également des inconvénients, notamment des faux positifs, la nécessité d'un test de confirmation ou d'un suivi, le coût, les complications du diagnostic et du traitement, ainsi que l'anxiété aiguë et chronique [1,6,8-25,28,31-33,37].
Le défi de la gestion des découvertes fortuites est de déterminer lesquelles nécessitent une prise en charge et lesquelles n'en nécessitent pas.
De plus, si la prise en charge est nécessaire, comment le faire de manière à maximiser la valeur pour le patient. Ceci n'est pas intuitif, nécessite une étude détaillée et l'intégration de nombreux facteurs au-delà des caractéristiques d'imagerie : risque pour le patient, risque de la maladie, préférence du patient, thérapies disponibles, inconvénients d'un diagnostic de confirmation et inconvénients de la thérapie. Elle est compliquée. Il y a de fortes chances que la prise en charge d'une découverte fortuite cause un préjudice. Il existe de nombreux exemples regrettables dans la littérature. Dans la section suivante, trois exemples spécifiques sont présentés.

Études de cas spécifiques à une maladie

Des études en population ont mis en évidence les préjudices et les soins à faible valeur ajoutée résultant de la détection de découvertes fortuites. Ils suivent des thèmes prévisibles, communs et progressifs, tragiquement similaires pour de nombreuses découvertes fortuites courantes [1-3,16-19,21-32,35].
Au départ, on s'enthousiasme à l'idée d'un diagnostic précoce du cancer grâce à la détection d'une découverte fortuite.

La découverte fortuite est alors considérée comme un avantage secondaire de l'imagerie. Des lignes directrices et des recommandations pour la prise en charge sont élaborées afin que les patients tirent le maximum de bénéfices de la détection précoce. Des systèmes sont mis en place pour assurer une imagerie et un suivi clinique appropriés. Cependant, les grandes études de population qui ont suivi ont eu du mal à prouver les avantages du dépistage, surtout lorsqu'on les considère dans le contexte des biais de dépistage, et ont mis en évidence les préjudices subis par les populations qui étaient censées être aidées. La découverte fortuite est associée à une prépondérance de faux positifs, au diagnostic d'une maladie indolente ou cliniquement sans importance, et sans changement significatif de la mortalité liée à la maladie. Après un processus de plusieurs années et beaucoup de coûts et de dommages collatéraux, une représentation plus complète des soins à faible valeur ajoutée qui en découlent émerge. L'approche initialement agressive tend à diminuer et la découverte fortuite est désormais perçue comme un inconvénient de l'imagerie. En général, les lignes directrices régissant la prise en charge des découvertes fortuites ne disposent pas d'arguments en faveur d'un rapport coût-efficacité favorable à des soins de haute valeur. Si les découvertes fortuites chez les patients à faible risque sont courantes et importantes - comme l'indiquent les lignes directrices sur la prise en charge des découvertes fortuites - on pourrait alors argumenter qu'un dépistage à grande échelle devrait être effectué dans la population générale (c'est à dire étendre la prise en charge des découvertes fortuites aux efforts de détection au niveau de la population).
Cela a été tenté et s'est révélé néfaste [10-11, 31-32]. On pourrait prétendre que la proposition de valeur s'améliore si l'incidentalome est déjà découvert (eg plutôt que d'essayer de le chercher). Voici trois exemples parmi tant d'autres où cette approche a également entraîné des dommages et des soins de faible valeur.

Le cancer de la thyroïde

L'échographie thyroïdienne à haute résolution identifie au moins un nodule thyroïdien chez 19 à 68 % des patients adultes sélectionnés au hasard, avec une probabilité plus élevée chez les femmes et les personnes âgées [38-39]. En outre, le cancer de la thyroïde est souvent détecté lors du prélèvement de nodules thyroïdiens [40-42]. Un résultat d'imagerie commun qui présente une forte association avec le cancer suggérerait superficiellement un fort avantage clinique pour l'imagerie de la thyroïde, le signalement fastidieux des nodules thyroïdiens lorsqu'ils sont découverts fortuitement et le prélèvement agressif de nodules thyroïdiens pour identifier les cancers prévalents. Cette logique est intuitive et reflète ce qui s'est passé au cours des 50 dernières années.

Aux États-Unis, entre 1975 et 2009, l'incidence du cancer de la thyroïde a presque triplé (de 4,9 à 14,3 pour 100 000 patients ; taux relatif : 2,9 [IC 95 % : 2,7-3,1]) et a été associée à un coût estimé à des dizaines de milliards de dollars [10,43]. Cette augmentation s'explique quasi entièrement par l'augmentation des diagnostics de cancer papillaire de la thyroïde, asymptomatique et indolent (l'incidence du cancer papillaire est passée de 3,4 à 12,5 pour 100 000) [10].

L'augmentation absolue a été environ 4 fois plus élevée chez les femmes malgré une prévalence plus faible du cancer de la thyroïde dans les études d'autopsie [10]. Pendant la même période, la mortalité due au cancer de la thyroïde est restée inchangée (0,5 pour 100 000) [10]. Une augmentation notable de l'incidence avec une mortalité inchangée implique fortement un surdiagnostic [10,34]. En Corée du Sud, de 1993 à 2011, ce même problème s'est produit [11]. Cependant, contrairement aux États-Unis, où une grande partie des nodules thyroïdiens sont détectés de manière fortuite, la Corée du Sud a mis en place un programme de dépistage financé par le gouvernement [11].
La logique, comme nous l'avons déjà noté, était apparemment sensée : les nodules thyroïdiens sont répandus et sont couramment porteurs de cancer ; le dépistage est donc intuitivement logique. Or, le taux de diagnostic du cancer de la thyroïde a été multiplié par 15 sans que le taux de mortalité ne change [11].

Des milliers de patients ont dû subir une thyroïdectomie avec le risque associé de lésion du nerf laryngé récurrent et la nécessité subséquente d'un remplacement à vie des hormones thyroïdiennes sans bénéfice apparent [11].  Malgré les meilleures intentions et la logique intuitive, des préjudices à la population, des coûts énormes et des soins de faible valeur ont suivi. Heureusement, l'épidémie de surdiagnostic en Corée du Sud a été reconnue [12]. Une campagne de messages publics a été entreprise en 2014 pour décourager les citoyens de se soumettre au dépistage. Cela mérite d'être répété. Les patients ont été activement avertis d'éviter de connaître le cancer qu'ils pourraient avoir, car le fait de le savoir était plus nuisible qu'utile. À la suite de cette campagne de messages, les thyroïdectomies ont diminué d'environ 35 % et l'incidence du cancer de la thyroïde a diminué d'environ 30 % (12).

Néoplasmes intracanalaires papillaires et mucineux du pancréas (BD-IPMN)

Chez les patients adultes asymptomatiques âgés de plus de 40 ans, environ 5 à 25 % d'entre eux présentent une lésion pancréatique kystique uniloculaire qui est présumée être un BD-IPMN [44-48]. Ces lésions sont 2 à 3 fois plus fréquentes à l'IRM qu'au scanner (en raison de la meilleure résolution du contraste) et sont plus fréquentes chez les patients plus âgés [44-48]. La plupart sont subcentimétriques. Des études ont révélé une légère augmentation du risque de développement d'un adénocarcinome pancréatique chez les patients présentant des BD-IPMN plus larges [49].

Le risque de survenue d'un adénocarcinome pancréatique chez un patient atteint d'un BD-IPMN a été résumé dans une méta-analyse de 2016 à 0,007 par années-personnes de suivi [49]. Parmi les 13 études de cette méta-analyse qui incluaient la taille [49], le diamètre moyen ou médian était ≥20 mm dans 7 études et ≥10 mm dans 12 études. En d'autres termes, la méta-analyse était biaisée en faveur des BD-IPMN de plus grande taille, et a donc probablement amplifié le risque d'adénocarcinome (même si l'estimation du risque était malgré tout faible). Ceci est compréhensible car les séries histologiques sont généralement constitués de BD-IPMN de plus grande taille.

Dans une étude de modélisation utilisant ces données, l'avantage en termes d'espérance de vie de la surveillance des BD-IPMN de plus grande taille chez les patients de plus de 60 ans était en général inférieure à 6 mois, l'avantage calculé en termes d'espérance de vie diminuant à un peu plus d'un mois chez les patients d'âge avancé et présentant des comorbidités (50).

Étant donné la prévalence des BD-IPMN et leur association potentielle avec l'adénocarcinome pancréatique mortel, la surveillance et l'intervention pour prévenir les dommages ont suscité un intérêt fort et compréhensible. Pour qu'un programme de dépistage secondaire des BD-IPMN soit efficace et produise une valeur élevée, chacune des quatre considérations suivantes doit être vraie : la BD-IPMN observée doit augmenter le risque de cancer ; la cadence de surveillance doit permettre l'identification précise et fiable d'une découverte qui indique un adénocarcinome pancréatique à un stade précoce ; il doit exister une thérapie efficace qui permet de traiter l'adénocarcinome à un stade précoce avec de meilleurs résultats que si l'imagerie avait attendu l'apparition des symptômes ; et le programme doit être abordable. Chacun de ces éléments s'appuie sur la logique du dépistage [29-30]. Malheureusement, l'adénocarcinome pancréatique est agressif et se développe rapidement, et la cadence de surveillance recommandée dans la plupart des directives du BD-IPMN est annuelle.

Il est peu probable que l'imagerie de surveillance annuelle permette d'identifier un adénocarcinome asymptomatique dans une fenêtre où le traitement efficace serait différent de celui qui serait mis en place après l'apparition des symptômes.

 De plus, l'imagerie est coûteuse pour les BD-IPMN car elle implique généralement une IRM ou une échographie endoscopique. En 2019, le groupe de travail américain sur les services préventifs a attribué la note " D : il y a une certitude modérée ou élevée que le dispositif ne présente aucun bénéfice net ou que les risques l'emportent sur les bénéfices " pour le dépistage du cancer du pancréas chez les adultes asymptomatiques dont on ne sait pas s'ils présentent un risque élevé de cancer du pancréas (c'est-à-dire les patients présentant un syndrome génétique héréditaire ou des antécédents de cancer du pancréas) [51].

Un commentaire spécifique a été fait sur le fait que les directives existantes pour les BD-IPMN sont à risque de surdiagnostic et de surtraitement [51]. Ces directives devraient continuer à évoluer. En attendant, il est probable que la poursuite de la surveillance agressive des petits BD-IPMN perpétue les soins à faible valeur ajoutée.

Cancer du rein

Des masses rénales incidentes sont présentes sur plus de 50 % des examens de tomodensitométrie et d'IRM [14-15,37,52-53]. Une proportion faible mais significative de ces masses est associée à un risque de carcinome des cellules rénales (par ex. masses solides sans graisse macroscopique ; et masses kystiques de Bosniak IIF, Bosniak III et Bosniak IV) [53-54]. Lorsqu'une masse rénale incidente indéterminée est identifiée, des algorithmes sont suivis pour déterminer  la probabilité d'un cancer [3,5,53]. Ces algorithmes comprennent généralement une imagerie supplémentaire, et parfois une biopsie ou un traitement extirpateur [53]. La prévalence élevée des masses rénales incidentes, le potentiel cancéreux et l'incapacité à différencier de manière fiable les masses bénignes, indolentes et agressives ont conduit à une augmentation considérable du nombre de patients subissant une imagerie et une intervention rénale [6,8,14-15,36,53].

Les données SEER de 1975 à 2019 montrent une augmentation marquée de l'incidence du cancer du rein en raison de l'augmentation des détections incidentes (6,82 pour 100 000 en 1975 contre 15,85 pour 100 000 en 2019) mais malheureusement une mortalité inchangée (3,61 pour 100 000 en 1975 contre 3,44 pour 100 000 en 2020) [55]. L'augmentation de l'incidence est largement expliquée par la détection de masses incidentes ≤4 cm [15]. L'augmentation de la détection sans diminution de la mortalité implique fortement un surdiagnostic.

Les efforts déployés pour diagnostiquer et traiter les masses rénales à un stade précoce ont été associés à des coûts et des préjudices substantiels [6,8,36,50,56-57]. Entre 2000 et 2009, on estime que le nombre de masses rénales bénignes réséquées par chirurgie a augmenté de 82 % (de 3098 à 5624) aux États-Unis [36]. Dans une étude portant sur 15 millions de bénéficiaires de Medicare âgés de 65 à 85 ans entre 2010 et 2014, 43 % ont subi un examen tomodensitométrique du thorax ou de l'abdomen [8]. Dans cette population, l'imagerie de 1000 bénéficiaires supplémentaires a été associée à 4 néphrectomies supplémentaires (IC 95 % : 3-5 ; ce qui correspond à environ 25 000 néphrectomies supplémentaires au total). Le taux de mortalité associé à la néphrectomie était de 2,1 % à 30 jours et de 4,3 % à 90 jours [8]. Ces données impliquent que plus d'imagerie conduit à plus de détection, plus de chirurgie et plus de complications [8].

Pendant ce temps, la mortalité due au cancer du rein reste stable [14-15,55]. La reconnaissance du surdiagnostic et du surtraitement des petites masses rénales a conduit à l'émergence de la surveillance active comme stratégie de prise en charge acceptée [58].

Autres pathologies

Les trois études de cas mises en évidence (c'est-à-dire le cancer de la thyroïde, les BD-IPMN, le cancer du rein) ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres de découvertes fortuites causant des soins de faible valeur et des préjudices potentiels (par exemple, des variantes normales à l'IRM de la colonne lombaire [33], le surdiagnostic d'un cancer de la prostate de grade I à faible risque détecté lors d'une biopsie systématique [59], la détection et la caractérisation fortuites de nodules bénins surrénaliens [avec pour conséquence des recommandations de tests biochimiques universels] [4-5,60-61], des découvertes fortuites bénignes à l'IRM du cerveau [62], et d'autres [63]). Dans chacun de ces cas, un raisonnement similaire s'applique. Le biais de longueur de temps, le biais de temps d'avance et le surdiagnostic chez les patients à faible risque nous aident à comprendre pourquoi les découvertes fortuites que nous observons et renons en charge produisent généralement des soins de faible valeur.

Alors, que devons-nous faire ?

Il est de plus en plus reconnu que les découvertes fortuites sont incomplètement comprises, coûteuses et étonnamment nuisibles. Plutôt que d'être un avantage de l'imagerie, ils constituent un facteur de risque pour les patients à faible risque.  Elles ne sont pas recherchées, la probabilité qu'elle soient importantes est faible, et elles créent une grande incertitude et des soins de faible valeur. Le défi pragmatique est de savoir ce qu'il faut faire à ce sujet à court et à moyen terme.

Certains se sont demandé si certaines découvertes fortuites ne devraient pas être signalées du tout [64]. L'environnement médico-légal complique les choses [2,35,64]. Certaines découvertes fortuites sont des cancers. Il n'est pas raisonnable d'attendre de la part des patients ou du système juridique en 2022 une compréhension sophistiquée des biais qui prédisent des soins de faible valeur - à savoir que la détection précoce de certains cancers peut paradoxalement produire un pire résultat que si ces cancers n'avaient jamais été détectés - et il est difficile pour les praticiens médicaux de comprendre. Mais nous ne devons pas simplement maintenir le statu quo. Voici plusieurs recommandations.

Tout d'abord, nous devrions tenir compte de l'appel à l'action lancé par certains qui nous demandent d'être plus conscients des méfaits du surdiagnostic et du surtraitement découlant de la détection de résultats fortuits [16-19]. Les découvertes fortuites sont une complication de l'imagerie diagnostique - un préjudice involontaire malgré une intention positive - comme un saignement après une biopsie guidée par l'image. Les préjudices spécifiques de la prise en charge des découvertes fortuites sont plus opaques que les saignements et plus difficiles à comprendre. Mais cela signifie simplement que nous (les radiologues) devons jouer un rôle plus actif dans leur étude et leur prise en charge. C'est notre difficulté et notre défi à relever.

Deuxièmement, nous devons plaider pour que les lignes directrices sur les découvertes fortuites, en particulier les nôtres mais aussi celles des autres, intègrent et recommandent explicitement des études appropriées pour confirmer qu'elles fonctionnent comme prévu. Travailler comme on le souhaiterait signifie "produire des soins de grande valeur".
Nous devrions nous attendre à ce que les directives sur les découvertes fortuites mettent l'accent sur la création de soins de grande valeur plutôt que de se concentrer exclusivement ou de manière excessive sur la maximisation de la sensibilité diagnostique. Il ne s'agit pas d'un dilemme propre à la radiologie. Des directives sur les découvertes fortuites existent dans de nombreuses spécialités médicales et chirurgicales, et nous devrions travailler en collaboration avec ces dernières pour promouvoir une approche de grande valeur.

Troisièmement, nous devons plaider auprès des organismes de financement pour qu'ils donnent la priorité à l'étude de la prise en charge des découvertes fortuites. Nous avons un argument convaincant. Les découvertes fortuites sont omniprésentes et représentent un énorme fardeau pour le système de soins de santé [1,3]. Des essais randomisés pourraient être menés dans lesquels on prévoit un groupe de patients bénéficiant d'un report de la prise en charge. A ce titre l'émergence de la surveillance active comme stratégie valide pour de nombreux types de cancers est un précédent qu'on pourrait appliquer et développer.

Quatrièmement, nous devons éviter d'être alarmistes dans nos rapports. A l'heure actuelle, nous devons suivre les directives que nous soutenons jusqu'à ce que des preuves plus solides apparaissent, mais nous devons également reconnaître que la plupart des découvertes fortuites ne sont pas dangereuses si elles sont ignorées chez les patients à faible risque.
La faible prévalence de la maladie et les biais inhérents au dépistage contribuent à expliquer pourquoi il en est ainsi. En cas de doute sur l'importance d'une découverte fortuite, et si les lignes directrices ne sont pas claires ou laissent une certaine marge de manœuvre, il convient d'opter pour la minimisation.

Cinquièmement, comme l'importance clinique d'une découverte fortuite dépend fortement du risque pour le patient, nous devrions rechercher des solutions informatiques, en collaboration avec les prestataires de soins référents, afin de rendre les facteurs de risque pertinents plus visibles pour les radiologues (par exemple, hypertension non contrôlée par plusieurs médicaments [nodule surrénalien], cancer de la tête et du cou non signalé [lésion hépatique]). Dans l'état actuel des choses, les radiologues s'appuient souvent sur un bref rappel historique centré sur la préoccupation principale pour interpréter un examen. Les découvertes fortuites sont par définition sans rapport avec la préoccupation principale et ne sont donc pas toujours éclairées par celle-ci.

Sixièmement, dans nos rapports, nous devons essayer d'équilibrer la sensibilité diagnostique avec d'autres risques concurrents.
Nous devons comprendre les dommages en cascade qui peuvent résulter de la prise en charge d'une découverte fortuite. Nous ignorons encore largement quelles découvertes fortuites sont importantes et comment les gérer (ou les ignorer) au mieux. Pendant les années à venir en attendant une véritable solution, nous devrions faire notre possible pour minimiser les dommages collatéraux aux patients que nous essayons d'aider.

Résumé

Les découvertes fortuites sont analogues aux résultats des tests de dépistage lorsque le dépistage est effectué sur des patients non sélectionnés et à faible risque. Ils entraînent généralement des soins de faible valeur et potentiellement dangereux. Les patients présentant des découvertes fortuites mais un faible risque de maladie sont susceptibles d'être victimes d'un biais de longueur de temps, d'un biais de temps d'avance au diagnostic, d'un surdiagnostic et d'un surtraitement qui créent une illusion de bénéfice tout en causant un préjudice. Il s'agit notamment de la détection fortuite de nombreux types de cancers qui, bien que de nature maligne, auraient été peu susceptibles d'affecter la santé du patient si le cancer n'avait pas été détecté. La détection de certaines incidentalomes peut donner lieu à des soins de grande valeur, mais ce n'est pas le cas pour  la plupart d'entre elles, et la différenciation n'est souvent pas claire au moment de l'identification. Des risques plus élevés liés au patient et à la maladie augmentent la probabilité qu'une découverte fortuite soit importante. Les directives cliniques pour les découvertes fortuites devraient intégrer plus en détail les facteurs de risque du patient et l'agressivité de la maladie pour informer la prise en charge. Cependant, le manque de données sur les répercussions et le rapport coût-efficacité conduit à des stratégies de gestion réflexes qui créent des soins de faible valeur, coûteux et potentiellement dangereux. La radiologie a besoin de données sur les conséquences et le rapport coût-efficacité pour formuler ses recommandations de prise en charge des découvertes fortuites.

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57. Schoots IG, Zaccai K, Hunink MG, et al. Bosniak classification for complex renal cysts reevaluated: a systematic review. J Urol 2017; 198:12-21.

58. Campbell SC, Uzzo RG, Karam JA, et al. Renal mass and localized renal cancer: evaluation,management, and follow-up: AUA guideline: Part II. J Urol 2021; 206:209-218.

59. Hugosson J, Mansson M, Wallstrom J, et al. Prostate cancer screening with PSA and MRI followed by targeted biopsy only. N Engl J Med 2022; 387:2126-2137.

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Dépistage : les lignes directrices lacunaires sur les risques

Traductions et synthèse sur la base d'une étude et de deux articles, Cancer Rose, 9 février 2023
-"Les lignes directrices sur le dépistage du cancer ne sont pas simples, mais elles pourraient être moins complexes"
Russell P. Harris, MD, MPH et Linda S. Kinsinger, MD,
-"Les lignes directrices sur le dépistage du cancer manquent souvent des informations sur les risques potentiels, selon une étude", 23 novembre 2022, par Nadia Jaber, rédactrice scientifique pour NCI depuis 2016

Une étude sur les lignes directrices des dépistages

Dans les Annals of Internal Medicine est présentée une revue de 33 lignes directrices sur les dépistages de cancers (sein, prostate, côlon, poumon, col de l'utérus) émanant de multiples organisations professionnelles, afin de déterminer si et comment les risques des dépistages étaient pris en compte. https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M22-1139
L'étude, parue en novembre 2022, est financée par le NCI, l'institut national américain du cancer, et porte sur les recommandations émises par plus de 10 organisations médicales, dont la US Preventive Services Task Force, l'American Cancer Society et le National Comprehensive Cancer Network (NCCN).

Pour les auteurs, Aruna Kamineni, V. Paul Doria-Rose, Jessica Chubak, et al, le dépistage du cancer ne devrait être recommandé que lorsque la balance entre les bénéfices et les risques est favorable. La revue ici présentée évalue comment les lignes directrices américaines sur le dépistage du cancer rapportent les risques.

En voici les résultats :
La déclaration des risques n'est pas uniforme pour tous les types d'organes et à chaque étape du processus de dépistage du cancer. Les lignes directrices ne signalent pas tous les risques pour un type d'organe spécifique ou pour une catégorie de risques dans tous les types d'organes.

Les auteurs concluent :
Cette étude a permis d'identifier des possibilités d'améliorer la conceptualisation, l'évaluation et la communication des risques liés au processus de dépistage dans les lignes directrices.
Les travaux futurs devraient tenir compte des nuances associées à chaque processus de dépistage du cancer propre à un organe donné.
Ils doivent étudier comment prendre en considération les risques les plus saillants et les lacunes en matière de données probantes, et doivent explorer explicitement la façon de pondérer de manière optimale les données probantes disponibles pour déterminer les bénéfices nets du dépistage.
L'amélioration de la communication des risques pourrait faciliter la prise de décisions éclairées et, en fin de compte, améliorer la pratique du dépistage du cancer.

Comment sont élaborées les lignes directrices et les recommandations ?

Pour créer une directive sur le dépistage du cancer, une organisation médicale réunit un groupe d'experts afin de comparer les bénéfices et les risques d'un test de dépistage.

En France, c'est la Haute Autorité de Santé (HAS) qui édite de nombreux documents : recommandations de bonnes pratiques, guides des maladies chroniques, fiches de bon usage des médicaments, évaluation des stratégies thérapeutiques.

Evaluation des lignes directrices américaines dans l'étude

  • Recommandations incomplètes : Les auteurs ont constaté qu'aucune de ces directives ne contenait d'informations complètes sur les risques potentiels du dépistage. Les directives relatives au dépistage du cancer de la prostate étaient les plus complètes, tandis que celles relatives au dépistage du cancer colorectal étaient les moins complètes.
    Moins de la moitié des lignes directrices pour le dépistage du cancer colorectal et du cancer du poumon mentionnaient la fréquence des biopsies, des procédures invasives ultérieures, ou du surtraitement.
    Les effets indésirables graves du traitement étaient aussi mentionnés dans moins de 50 % des lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein, du cancer colorectal ou du cancer du poumon. Cette situation est problématique car les interventions de dépistage constituent une cascade d'événements plutôt qu'un test unique. Les inconvénients en aval déclenchés par le test doivent être pris en compte dans l'évaluation globale des bénéfices et des risques.
  • La communication des risques : elle n'était pas uniforme, même entre les lignes directrices pour le même type de cancer.
  • Pas assez de clarté : très peu de lignes directrices donnaient une idée claire du nombre de personnes qui subissent un risque associé à un test de dépistage particulier.
    Les données doivent être présentées en nombre absolu de personnes, avec un résultat spécifique rapporté au nombre de personnes dépistées, plutôt qu'en termes relatifs qui peuvent embrouiller plutôt qu’éclaircir.
    Le Dr Doria-Rose a expliqué que les personnes comprennent plus facilement les fréquences (plus faciles à comprendre que les pourcentages, NDLR), il est donc plus facile pour les personnes de comparer ensuite les risques et les bénéfices, et de prendre une décision éclairée.
    Par exemple, selon une analyse, le dépistage du cancer du sein chez 10 000 femmes chaque année pendant 10 ans à partir de 60 ans permettrait d'éviter 43 décès par cancer du sein (88 femmes mourront quand même du cancer du sein malgré le dépistage). Il entraînera également près de 5 000 faux positifs qui conduiront à près de 1 000 biopsies inutiles.
    C'est quelque chose de plus simple à comprendre qu'un taux de réduction de mortalité en pourcentage, et ce système permet aux personnes de comparer la fréquence des risques avec celle des bénéfices.
  • Pas assez de cohérence : les recommandations manquaient de cohérence dans la prise en compte des risques même au sein d'un même type de cancer, et qu'elles étaient incomplètes concernant la prise en compte de risques spécifiques. Les effets indésirables mineurs et modérés, bien que souvent fréquents, étaient mentionnés dans moins de 50 % des lignes directrices relatives au dépistage du cancer du sein, du poumon et de la prostate.
  • Les préjudices cumulatifs : les chercheurs ont fait remarquer que si les bénéfices du dépistage étaient souvent calculés pour de multiples cycles de dépistage sur plusieurs années, les lignes directrices ne prenaient presque jamais en compte les risques du dépistage de la même manière cumulative.

Les difficultés pour élaborer des lignes directrices

l'élaboration de lignes directrices est très complexe.

  • Tout d'abord, l'intervention doit être normalisée. Il faut vérifier si le test de dépistage initial est effectué de la même manière partout. Par exemple, la mammographie est-elle numérique ou numérique avec tomographie (technique 3D), annuelle ou bisannuelle, commencée à l'âge de 40 ou 50 ans, avec prise en compte des impacts sur 1 an, 10 ans ou sur toute la durée de vie ?
  • Les risques potentiels du dépistage du cancer sont plus complexes à mesurer que les bénéfices.
    Ils couvrent toute la gamme des effets physiques, psychologiques, émotionnels et financiers. En plus de cela, ces risques peuvent provenir non seulement directement des tests de dépistage eux-mêmes, mais aussi des examens et des traitements de suivi.
    Certains préjudices sont plus graves que d'autres et pourraient avoir plus de poids sur la comparaison bénéfices/risques.
    Un exemple donné : une hémorragie grave à la suite d'une coloscopie serait pondérée davantage par rapport à une piqûre pour effectuer un dosage des PSA.
    De plus, comme le soulignent de nombreux spécialistes du dépistage, la plupart des inconvénients ont tendance à se produire pendant ou peu après le dépistage, alors que les bénéfices n'apparaissent que plusieurs années plus tard. La comparaison entre bénéfices et risques ne peut se faire "d'égal à égal".
    Les inconvénients en aval déclenchés par le test (cascades des dépistages, suivis, examens complémentaires etc...) devraient aussi être pris en compte dans l'évaluation globale des bénéfices et des risques.
  • Variabilité des évaluations : certains groupes en charge de l’élaboration de directives accordent plus d'attention aux risques du dépistage, par rapport à d’autres, y compris, vraisemblablement, lors de la formulation des recommandations, disent les auteurs de l'étude.
    Certains groupes, pour certains types de cancer, fournissent des estimations quantitatives de la fréquence des risques. D'autres groupes formulant des recommandations pour les mêmes types de cancer ne mentionnent les risques qu'en termes qualitatifs ou conceptuels, voire ne les mentionnent pas du tout. L'absence d'une bonne recherche sur les risques du dépistage contribue certainement à cette variation.
    La plupart des recommandations examinées par Kamineni, Doria-Rose et collègues ont identifié les risques à partir d'études qui les ont évalués avec un seul dépistage plutôt que de manière cumulative sur un programme de dépistage à plus long terme, sous-estimant ainsi systématiquement les risques.
    La recherche fait particulièrement défaut sur les effets psychologiques du dépistage et des tests. Le fait que le patient soit étiqueté "cancéreux", par exemple, est un préjudice mal compris, qui peut être fréquent et important.
  • Tendance à sous-estimer les risques et manque de preuves : certains groupes en charge de lignes directrices ont trouvé et rapporté des preuves de risques, alors que d'autres ne l'ont pas fait.
    Il peut y avoir aussi un problème de lacunes dans les preuves disponibles.
    Si un bénéfice ou un risque manque de preuves, le groupe peut utiliser l'expérience clinique pour estimer les limites dans lesquelles le nombre réel est susceptible de se situer. Concernant un risque, cela peut aider le groupe à se suffire d'un jugement approximatif qui le satisfait malgré tout.
    Lorsque différents groupes émettent des recommandations différentes sur la même intervention, la confusion règne.
    Au final, ce sont les cliniciens et les personnes dont ils prennent soin qui en sont les perdants.
  • Nécessité de recherches sur les préjudices cumulatifs du dépistage du cancer. Il serait "très important de mener davantage d'études dans ce domaine, car cela permettrait de fournir des informations équilibrées aux patients afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées", dit Dr Louise Davies, chirurgien spécialiste du cancer de la thyroïde au Dartmouth Institute for Health Policy & Clinical Practice (Vermont).
    En effet les bénéfices sont calculés pour plusieurs cycles de dépistages, mais les risques du dépistage ne sont pas pris en compte de la même manière cumulative.
    Par conséquent, comparer les bénéfices et les risques revient à "comparer des tranches de pomme à des oranges. Nous nous limitons à une partie du tableau", a déclaré le Dr Doria-Rose, co-auteur de l'étude.
  • Manque de transparence : il faut s'assurer que les concepteurs des recommandations utilisent vraiment les meilleures données possibles sur les effets néfastes du dépistage pour formuler leurs lignes directrices.
    Sur quelles valeurs le groupe d'experts se base-t-il pour équilibrer les bénéfices et les risques ? Les vies sauvées par le dépistage sont-elles plus importantes que la prévention des biopsies inutiles ? Combien de personnes surdiagnostiquées par rapport à une seule vie prolongée ?
    Chaque ligne directrice reflète probablement "ce que le groupe de cliniciens considère comme le plus important d'après leur propre expérience dans le traitement des cancers dans leur domaine", dit Dr Davis. Elle ajoute que les groupes d'experts devraient également tenir compte des valeurs des personnes qui se font dépister.
    Bien que les valeurs devraient idéalement représenter celles d'une personne moyenne informée, cette information n'est généralement pas disponible, les membres du panel doivent donc se fier à leur impression de ces valeurs.
    Les concepteurs de lignes directrices devraient décrire comment ils sont arrivés aux pondérations appliquées pour permettre aux autres de comprendre leur raisonnement.

Des pistes d'amélioration

Sur la base de leurs conclusions, l'équipe de recherche a lancé deux appels à l'action aux concepteurs de lignes directrices.

"Nous encourageons [les concepteurs de lignes directrices] à approfondir leurs recherches avant de mettre à jour leurs lignes directrices pour la prochaine révision, afin de s'assurer qu'ils utilisent vraiment les meilleures données possibles [sur les effets néfastes du dépistage] pour formuler leurs recommandations", a déclaré le Dr Doria-Rose.

Le second est un appel à une plus grande transparence sur la façon dont les concepteurs de lignes directrices formulent leurs recommandations : "Soyez ouverts sur les risques que vous considérez et ceux que vous ne considérez pas, ainsi que sur les bénéfices que vous considérez et ceux que vous ne considérez pas, de sorte que nous puissions au moins savoir sur quoi les recommandations de dépistage sont basées", a-t-il déclaré.

Au final, de nombreux experts estiment que chaque personne doit décider de ce qui est important pour elle lorsqu'elle envisage de se faire dépister.
Chaque personne devrait pouvoir "choisir de suivre les [recommandations] qui correspondent le plus aux valeurs qui lui sont propres", ont écrit les docteurs Harris et Kinsinger dans leur éditorial.
Et de proposer à leur tour : "Nous avons suggéré que les groupes d'élaboration de lignes directrices parrainent conjointement une équipe d'examen systématique (des données probantes sur les bénéfices et risques).
Les différents groupes travailleraient ensemble pour concevoir un tableau de résultats ; l'équipe d'examen systématique remplirait les cellules (cellules de remplissage des données, dans les tableaux de résultats bénéfice/risques, NDLR), y compris pour l'incertitude ; et chaque groupe d'experts utiliserait ensuite le tableau pour évaluer les bénéfices et les risques, en expliquant de manière explicite et transparente comment ils sont parvenus à leur recommandation, sur la base du même tableau de résultats.
Les cliniciens et les personnes pourraient alors mieux comprendre les différences entre les recommandations et choisir de suivre celles qui appliquent les valeurs les plus proches des leurs."

En France

En France les recommandations sont rédigées essentiellement par la Haute Autorité de Santé, et par les sociétés savantes.
L’interprétation des études, des preuves disponibles, des essais thérapeutiques nécessite une méthodologie qui n’est pas maîtrisée par tous et qui demande un temps considérable. De plus, outre l'enjeu des compétences se pose le problème de l'impartialité, de la transparence et des conflits d'intérêts.

Comme dit dans un article publié sur le site du Formindep concernant les sociétés savantes : "la plus grande méfiance est de mise face à leurs recommandations, d’un niveau de preuve souvent faible, car reposant sur de simples avis d’experts. Les sociétés savantes sont financées très majoritairement par les firmes pharmaceutiques, via du sponsoring, des contrats, les bénéfices des congrès. Les rédacteurs des recommandations présentent à titre individuel des liens généralement importants et nombreux, qui évoluent parallèlement aux parts de marché des firmes dans la pathologie étudiée. Nombreux sont les rédacteurs consultants ou porte-parole pour l’industrie."

Nous en avons eu un triste aperçu lors de la campagne stupéfiante du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens de France, le CNGOF, à laquelle nous avions réagi, et qui réclamait force campagnes médiatiques l'extension du dépistage du cancer du sein chez la femme âgée, au-delà de 74 ans, alors qu'aucune recommandation n'existe pour cette tranche d'âge, dans aucun pays réalisant le dépistage du cancer du sein.
Cette campagne était élaborée en dépit d'études déjà disponibles recommandant la plus grande prudence sur le dépistage du cancer du sein chez la personne âgée.

Un autre exemple est la polémique assez virulente sur le dépistage systématique du cancer broncho-pulmonaire par scannographie à faibles-doses émanant de sociétés savantes après la mise en garde de l'Académie de Médecine sur ce dépistage, controverse que nous avons relayée et que vous trouverez en bas de l'article ici.
La HAS, d'abord prudente en 2016 sur le dépistage du cancer broncho-pulmonaire, finit par changer complètement d'attitude en 2022 et, alors "que l’état des connaissances est encore incomplet et insuffisamment robuste pour la mise en place d’un dépistage systématique et organisé du CBP (cancer broncho-pulmonaire) en France" valide une expérimentation en vie réelle, même si aucun bénéfice de ce dépistage sur la mortalité globale n'a pu être mis en évidence...

Car, toujours selon l'article du Formindep et concernant la HAS cette fois : "si la HAS fait de réels efforts dans la recherche d’une expertise indépendante aujourd’hui, de nombreux documents ont été rédigés sans gestion des conflits d’intérêts et leur qualité est très inégale."
Le Formindep avait déposé une requête devant le Conseil d’Etat en vue du retrait d’une recommandation de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé élaborée par des experts aux conflits d’intérêts majeurs au sujet de la prise en charge des dyslipidémies. Le collectif avait également obtenu une abrogation d'une recommandation de la HAS sur le diabète de type 2.

Une solution pour les cliniciens et les futurs médecins est de se tourner vers des sources d'informations indépendantes, comme suggéré ici, au bas de l'article.

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Journée du Collège québécois des médecins de famille (CQMF)

Cliquez sur l'image

Cancer Rose a eu l'honneur d'être convié pour animer un atelier lors de la journée du Collège québécois des médecins de famille (CQMF), journée annuelle qui s'est tenue sous le thème de la pertinence des soins, le vendredi 26 mai 2023, au Palais des congrès de Montréal.
Dr Cécile Bour, qui s'y est rendue au nom du collectif, est intervenue avec une présentation lors de la 'journée médias', le 25 mai et pour animer un atelier interactif le 26 mai, sur le thème 'Messages médiatiques contradictoires et dépistage du cancer du sein'.

Communiqué de présentation du CQMF :

"Cette journée se veut une prise de conscience sur l'utilisation des ressources dans l'écosystème des soins de santé québécois. La surutilisation des ressources, la surmédicalisation et le surdiagnostic sont des phénomènes complexes nécessitant des solutions à divers niveaux. Médecins engagés, leaders gestionnaires en santé et leaders pédagogiques y sont conviés pour passer à l'action.
Alliant des présentations plénières engageantes à des ateliers pratiques visant l'adoption de changements concrets, cette journée promet d'être riche en échanges et en pistes de solution.
Elle s’inscrit de plus dans l’effort du CQMF de réduction de l’empreinte écologique et, entre autres objectifs, de documentation des émissions de gaz à effet de serre. Ne manquez pas cet événement unique ! "

Les programmes

Présentation Dr Bour Cécile

Download / Télécharger

Journée presse du 25 mai

Extrait des supports pédagogiques atelier du 26 mai

Images

Palais des congrès de Montréal, bâtiment au toit végétalisé et autosuffisant.

Merci à la formidable équipe du Collège Québécois des Médecins de Famille pour son accueil, son dynamisme, sa gentillesse et chaleur humaine, sa bonne humeur ; merveilleux souvenirs d'échanges enrichissants , amicaux et chaleureux.

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Dépistage du cancer : choix éclairé, prise de décision partagée

29 janvier 2023

Synthèse de deux articles scientifiques parus en 2022, l'un dans le BMJ, l'autre le BMC, portant tous les deux sur la problématique du choix éclairé dans le dépistage du cancer du sein.

Que sont les méthodes utilisées ?

La méthode des choix discrets (Discrete Choice Experiment, DCE) utilisée dans la première étude citée, a été introduite dans la santé au début des années 90. On présente aux individus différentes situations hypothétiques de choix («épreuves»), dans lesquelles ils peuvent choisir une, deux ou plusieurs options qui sont proposées à la sélection.
Chaque option présente différentes caractéristiques qu'on appelle des «attributs», (p.ex. efficacité, durée, effets indésirables, coût), dont la valeur dépend des options choisies et des situations de choix. 
Nous avions cité cette méthode utilisée pour l'étude sur les préférences des patientes suite à  la prise en charge d'un carcinome canalaire in situ(CCIS)[1].

Dans la recherche par méthodes mixtes, ce qui correspond à la méthode de la deuxième étude que nous avons citée plus haut, les chercheurs collectent et analysent des données quantitatives et qualitatives dans une même et seule étude pour répondre à une question de recherche posée. 
Cela permet une compréhension plus complète et plus approfondie qu'une étude reposant uniquement sur une recherche qualitative ou sur une recherche qualitative en compensant les faiblesses de l'une et de l'autre.
Des entretiens semi-structurés avec questionnaire d'entretien et avec des outils d'aide à la décision (OADs) disponibles (presque tous des brochures, sites webs ou copies numériques, évalués sur leur qualité selon une check-list validée) ont été menés avec les participants afin d'explorer leur point de vue sur le choix éclairé en matière de dépistage.
Les chercheurs ont effectué l'étude dans huit pays différents (Norvège, Danemark, Suède, Pays-Bas, Australie, Nouvelle Zélande, Canada, Angleterre), pour comprendre la manière dont les pays abordent le choix éclairé dans deux programmes de dépistage : le dépistage du cancer du sein et de l'anomalie de la trisomie fœtale.
Nous nous sommes bornés aux résultats de l'étude qui concernent le dépistage du cancer du sein.

Quels sont les résultats principaux des deux études ?

  • Les femmes rejettent les modèles de santé paternalistes dans le contexte du dépistage du cancer du sein ; elles préfèrent les modèles avec prise de décision informée ou partagée.
  • les femmes préfèrent prendre des décisions elles-mêmes ou avec le professionnel de santé, mais en ne souhaitant pas que le professionnel de santé prenne la décision à leur place.
  • Il faut donc restructurer le dépistage du cancer du sein de manière à ce que les femmes puissent prendre elles-mêmes des décisions éclairées ou s'engager dans une prise de décision partagée avec un professionnel de la santé.
  • Les tentatives de parvenir un choix éclairé grâce aux aides à la décision génèrent deux types de conflits :
    1) Entre un choix éclairé amélioré et une participation accrue -
    Le choix éclairé semble être, selon les principes d'éthique, prioritaire par rapport à la participation, mais la participation peut être privilégiée au détriment du choix éclairé à différents moments de la transmission et de la distribution de l'information (par OAD notamment), peut-être en raison d'un manque de planification intégrée. Une réflexion doit être menée à tous les niveaux de développement et de distribution de l'information produite, pour refléter l'objectif de chaque organisation (valeur accordée à la participation ou plus à l'éclairage des femmes ?).
    2) Entre exhaustivité de l'information et compréhensibilité -
    La facilité de compréhension de l'OAD doit également être prise en compte, car elle peut se trouver diminuée lorsque la priorité est donnée à un choix éclairé, autrement dit, l'objectif de parfaitement et complètement informer en étant très précis et exhaustif , en fournissant trop d'informations ou des informations complexes peut rentrer en conflit avec la compréhensibilité de l'outil conçu.
  • Pour solutionner le problème de compréhension, les participants ont estimé qu'il pouvait être réglé en fournissant plusieurs niveaux d'information. La plupart des pays d'ailleurs, qui proposent des OAD, proposent deux niveaux. En général, il s'agit d'un niveau de base fourni par un OAD de base, tel qu'un dépliant court et simple, et d'un second niveau d'information, plus complet, fourni par un site web.[2]
  • Les femmes étaient d'accord d'octroyer une rémunération au médecin en contrepartie d'une information satisfaisante.

Autres résultats

Rappelons avant tout que le choix éclairé a été défini dans la littérature internationale comme un choix conforme aux valeurs d'un individu et fondé sur des informations adéquates.
Une information adéquate comprend les risques, les bénéfices, les limites et les incertitudes de la réalisation ou non d'un dépistage, ainsi que des informations sur la maladie, le processus de dépistage et les décisions ultérieures que ce dernier peut entraîner.
Par ailleurs, il faut donner aux personnes invitées à participer au dépistage la possibilité de réfléchir aux conséquences potentielles du dépistage et leur apporter un soutien suffisant pour leur permettre de faire le bon choix pour elles-mêmes, mais en tenant compte de leurs valeurs et de leur situation

L'étude par choix discrets comprenait trois attributs : Comment l'information est obtenue concernant les avantages et les inconvénients ; l'existence ou non d'un "dialogue pour une mammographie programmée" entre le professionnel de santé et la femme ; et "qui prend la décision" concernant la participation au dépistage.

Le seul attribut avec un résultat significatif était le troisième: "Qui prend la décision", les femmes rejetant les modèles de santé paternalistes, dans lesquels le professionnel de la santé ou le système de santé prennent de façon unilatérale les décisions en matière de santé. Ce résultat est conforme à la tendance actuelle qui consiste à donner aux patients les moyens d'être plus autonomes dans les décisions cliniques.
Cependant ce degré d'autonomie peut être irréaliste en raison du manque de connaissances concernant les effets adverses. Par exemple, des études récentes ont indiqué que les femmes espagnoles sont peu conscientes du surdiagnostic[3] [4]. Seulement 8,1 % d'entre elles connaissaient la signification du surdiagnostic, même si ce pourcentage augmentait à 54,2 % chez les femmes qui avaient reçu des OAD.

Une étude est actuellement menée à la Mayo Clinic afin de déterminer si les groupes de discussion de femmes pour la prise de décision pourraient constituer une nouvelle ligne de soutien et de préparation des femmes à la prise de décision concernant le dépistage du cancer du sein[5]. Cette étude est basée sur la stratégie mentionnée ci-dessus : les OAD pourraient être remis avant le rendez-vous clinique, et ensuite il y aurait une conversation avec d'autres femmes

Pour le premier attribut concernant l'entretien d'information, les femmes participantes n'ont pas montré de nette préférence entre recevoir une brochure d'information explicative des bénéfices et des risques du dépistage ou recevoir cette information expliquée par un professionnel de santé. L'absence de différence entre les deux options peut être liée au fait, disent les auteurs, que les femmes ne perçoivent pas de différence dans les informations reçues. Par conséquent, l'utilisation d'une aide à la décision pour les patients (OAD) censée fournir des informations équilibrées sur les risques et les avantages du dépistage du cancer du sein, peut aider les femmes à mieux comprendre l'information.
Certains organismes, comme  "Le programme public de dépistage du cancer du sein de Catalogne", ont déjà intégré à la lettre d'invitation au dépistage un dépliant comprenant des informations nécessaires à la prise de décision, comme le surdiagnostic.

En ce qui concerne le deuxième attribut, l'entretien pour dialogue avant une mammographie programmée, les femmes de cette étude adoptaient une attitude neutre quant au choix entre un rendez-vous en face à face avec un professionnel de santé pour discuter de leurs préférences et préoccupations, et l'approche standard, dans laquelle c'est le système de santé qui planifie le dépistage.
Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait que le dépistage est largement intégré par les femmes, non seulement en raison d'une diffusion massive d'informations sur ses bénéfices mais aussi à cause d'une minimisation des risques.

Un autre élément dans cette première étude est évoqué : les personnes interrogées étaient prêtes à payer, en moyenne, 16 € pour un médecin fournissant des explications faciles à comprendre par rapport à un médecin ne fournissant pas d'explications compréhensibles. Elles étaient également prêtes à payer, en moyenne, 20 € pour des médecins à qui elles pouvaient poser des questions ou faire part de leurs préoccupations, par rapport à des médecins qui se limitaient à fournir des informations. Enfin, elles étaient prêts à payer, en moyenne, 22€ pour des médecins qui impliquaient le patient dans la prise de décision, par opposition à ceux qui prenaient les décisions seuls.
Ceci est significatif car il faut tenir compte du fait qu'en Espagne le dépistage est entièrement pris en charge par le système national de santé espagnol pour les femmes âgées de 50 à 69 ans. En effet, la volonté de payer exprimée par les femmes dans cette étude montre combien la société est prête à payer pour une innovation dans le domaine des soins de santé, plus précisément un échange pour information entre le professionnel de santé avec la patiente lors des rendez-vous cliniques. 

Pour les auteurs les implications pratiques sont la restructuration du dépistage du cancer du sein de manière à ce que les femmes puissent prendre elles-mêmes des décisions éclairées ou s'engager dans une prise de décision partagée avec un professionnel de la santé, ceci pour passer d'un modèle paternaliste à un modèle participatif de médecine centrée sur la personne.

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Dans la deuxième étude citée, celle par méthodes mixtes, les auteurs ont constaté qu'après l'utilisation des OAD, les connaissances étaient améliorées sur la procédure de dépistage, les bénéfices et les risques du dépistage, et que les femmes étaient plus susceptibles de faire un choix éclairé pour le dépistage du cancer du sein.
La plupart des participants au programme de dépistage du cancer du sein ont soulevé le problème des stratégies spécifiques qu'ils ont rencontré, afin d'augmenter le taux de participation, notamment l'envoi d'invitations à des réunions pour discuter du dépistage avec un rendez-vous prévu, ou le recours à des "communicateurs " / experts en littératie en santé sur le contenu des OAD.
Ils ont également décrit la promotion du dépistage par le biais des médias sociaux, ou par des lettres de médecins généralistes ou de professionnels de la santé "encourageant" les femmes à participer au dépistage, ou encore par des incitations financières aux professionnels de la santé pour leur taux de participation au dépistage.[6]

Concernant le problème de tension qui existe entre exhaustivité de l'outil et compréhensibilité, évoqué dans la première étude, ici certains participants ont exprimé l'avis que leur OAD donnait la priorité au choix éclairé, c'est-à-dire à plus d'informations/de complexité plutôt qu'à plus de compréhensibilité, tandis que d'autres ont exprimé l'avis contraire. Les auteurs de cette deuxième étude soulèvent le fait que les professionnels de la santé, les chercheurs et les décideurs s'accordent à dire que le choix éclairé doit être considéré comme une composante importante de l'élaboration et de la mise en œuvre des programmes de dépistage, mais qu'aucun consensus général n'a été atteint sur la manière d'y parvenir, ou de le mesurer systématiquement. Il y a là un effort à faire et un consensus sur l'élaboration des OAD à trouver.

Fournir l'information par niveaux (un niveau de base et un deuxième niveau pour approfondir) est une option à envisager pour palier le problème de facilité de compréhension/exhaustivité d'un oad.
Un participant de cette deuxième étude a même suggéré une approche en "cascade", dans laquelle les informations seraient délibérément échelonnées, avec de nouvelles informations fournies en plus petites portions au fil du temps.

Les deux grandes questions lors de l'élaboration d'un OAD sont assurément :
* Favoriser le choix éclairé ou augmenter le taux de participation ?
* Favoriser le choix éclairé ou la facilité de compréhension ?

Les auteurs écrivent : alors que les personnes qui mettent en œuvre les programmes de dépistage et qui créent et distribuent les OAD semblent s'aligner sur l'éthique du choix éclairé plutôt que sur celle de l'augmentation de la participation, nous avons constaté un manque de réflexion intégrée à toutes les étapes de l'élaboration et de la distribution de l'OAD, ce qui pourrait conduire à la promotion de la participation au détriment du choix éclairé.
La prise en compte des conflits potentiels entre le choix éclairé et la participation, et entre le choix éclairé et la compréhensibilité, doit donc être faite à toutes les étapes.

Les auteurs concluent :
Suite à la collecte et à l'analyse de données dans huit pays, nous estimons que les tentatives des programmes de dépistage visant à obtenir un choix éclairé par le biais d'aides à la décision génèrent des situations de tension entre la volonté d'améliorer le choix éclairé et le taux de participation, et le choix éclairé et la compréhensibilité.
Ces tensions ont été constatées à la fois dans nos entretiens et dans l'analyse documentaire.
Alors que le choix éclairé semble être prioritaire par rapport à la participation, la participation peut être privilégiée au détriment du choix éclairé à différents moments de la transmission et de la distribution de l'information, peut-être en raison d'un manque de planification intégrée. Ce problème peut être dû à un manque de clarté quant aux objectifs et valeurs sous-jacents des programmes de dépistage.

Conclusion

Les femmes sont en demande de choix personnel et de consentement éclairé.
L'Union Européenne (réf.6), l'OMS, la concertation citoyenne française revendiquent cela.
Les outils d'aide à la décision sont un moyen d'y parvenir mais la tentation d'influencer les femmes et les amener à plus de participation, comme c'est l'objectif clairement affiché des autorités sanitaires françaises, sont un obstacle permanent pour atteindre cet objectif dans le respect de l'éthique et de la dignité des femmes.
De plus, en France, les outils d'aide à la décision font cruellement défaut, et ce ne sont ni le livret de l'INCa[7] ni le dépliant[8] qui peuvent être considérés comme tels, lacunaires en matière d'information ne serait-ce que sur le surdiagnostic, et décriés dans une étude internationale sur leur aspect trompeur.[9]


Références

[1] https://cancer-rose.fr/2022/03/27/respecter-la-preferences-des-patientes/

[2] C'est ce que nous avons essayé de réaliser : en page d'accueil vous est proposé l'OAD Cancer Rose simplifié, auquel vous accédez en cliquant sur l'image (dont le lien est https://drive.google.com/file/d/16Y0wGamO_ZKNV0wrereu0rAqSJNw540o/view
En toute dernière page de cet OAD très simple vous avez un QR code qui vous amène sur une page web plus exhaustive, avec un OAD complet téléchargeable et pour lequel explications, calculs et démonstrations sont disponibles.

[3] Baena-Cañada JM, Rosado-Varela P, Expósito-Álvarez I, et al. Women's perceptions of breast cancer screening. Spanish screening programme survey. Breast 2014;23:883–8. 47

[4] Toledo-Chávarri A, Rué M, Codern-Bové N, et al. A qualitative study on a decision aid for breast cancer screening: views from women and health professionals. Eur J Cancer Care 2017;26:e12660–11.

[5] Hernández-Leal M, Montori V. Discussion groups for decisionmaking on breast cancer screening [research proyect]. Mayo Clinic 2021.

[6] En France aussi, il est temps de faire évoluer l'incitation des femmes vers de l'information, comme l'UE, la concertation et l'OMS le demandent, lire : https://cancer-rose.fr/2022/12/14/depistage-il-est-imperatif-de-faire-evoluer-linformation-des-femmes/

Voir la ROSP (rémunération des médecins sur objectifs de santé publique) en France : https://cancer-rose.fr/2020/04/20/la-nouvelle-rosp-quel-changement-pour-le-medecin-concernant-le-depistage-du-cancer-du-sein/

[7] https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

[8] https://cancer-rose.fr/2021/10/19/linca-toujours-scandaleusement-malhonnete-et-non-ethique/

[9] https://cancer-rose.fr/2021/04/20/les-methodes-dinfluence-du-public-pour-linciter-aux-depistages/

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Article pour les usagers : Les tests de routine « juste pour se rassurer », c’est une mauvaise idée

26/01/2023

Par C.Bour-Synthèse à partir d'un article de Bjorn Hofmann
Professeur au Département des sciences de la santé, Norwegian University of Science and Technology, Gjøvik
Les tests de diagnostic, "juste pour être du côté sûr", ne sont pas recommandés
https://norwegianscitechnews.com/2023/01/diagnostic-tests-not-recommended-just-to-be-on-the-safe-side/

Dans cet article, l'auteur illustre la difficulté pour le médecin traitant de bien apprécier la pertinence d'un test de routine qui peut lui être demandé par un patient, et de la difficulté d'orienter de façon utile le patient demandeur.
Nous allons restituer ici les idées principales et les démonstrations de l'auteur.

L'exemple donné est celui d'un patient souffrant d'algies du dos.

Le cas clinique

Imaginez que vous contactiez votre médecin traitant parce que vous avez mal au dos. Vous souhaitez faire examiner votre dos et vous demandez une IRM. Le médecin sait que si la douleur a duré moins de quatre à six semaines et que vous ne ressentez pas certains symptômes d'alerte, il ne vous sera d'aucune utilité de vous envoyer passer une IRM.
Mais vous, vous estimez qu'il vaut mieux savoir que ne pas savoir et vous insistez pour passer l'IRM. Le médecin généraliste veut venir en aide et accepte de vous orienter vers l'IRM. 
Vous vous présentez à votre rendez-vous quelques semaines plus tard et après quelques jours, vous avez la réponse:
Les résultats de l'IRM montrent plusieurs hernies discales. On ne sait pas si elles sont en relation avec votre douleur actuelle, ou bien s'il s'agit d'anciennes hernies discales.

Pourtant, vous pensez toujours que cette découverte pourrait être une cause possible de la douleur, et vous vous renseignez sur les hernies discales. 
La chirurgie pourrait-elle aider? Vous demandez à votre médecin généraliste de vous orienter vers un chirurgien orthopédiste pour évaluation. Le médecin vous répond qu'il n'y a aucune bonne raison de le faire, mais vous êtes incertain sur la meilleure option à adopter- votre dos vous fait vraiment mal et vous êtes encore plus indécis à présent qu'avant l'IRM.
Faut-il se faire opérer ? Une opération réussirait-elle – et quels en sont les risques ?

Ce n'est là qu'un exemple de la façon dont nous pouvons devenir plus incertains en essayant de réduire l'incertitude. Dans le cas ci-dessus, l'IRM a généré un résultat (aléatoire) de signification ambiguë.

En d'autres termes, dit le Pr Hofmann, vous découvrez autre chose que ce que vous recherchez réellement, qui peut ou non être important pour votre santé. L'action que vous avez choisie augmente votre incertitude au lieu de la réduire. 
Dans ce cas, il aurait probablement été préférable d'écouter le médecin traitant et de tester d'autres mesures pour réduire votre douleur, avant de passer une IRM.

Je vous propose un deuxième cas clinique de mon expérience de radiologue.

Une jeune femme de 37 ans présente des douleurs thoraciques qui irradient vers son sein, après un faux mouvement. Le bilan radiologique (radiographies du dos, du gril costal..) est négatif. La patiente insiste pour passer une mammographie, le médecin traitant finit par céder pour pouvoir rassurer cette femme et demande un bilan sénologique. A l'hôpital où elle consulte la mammographie lui est pratiquée en dépit de son jeune âge. Cet examen n'est pas contributif en raison de la densité mammaire. Une échographie est réalisée mettant en évidence, du côté de la douleur, un petit kyste mammaire de 6 mm, non inquiétant mais pas complètement liquidien car vraisemblablement ancien. Il est absolument certain que cette découverte n'a aucun lien avec les doléances de la patiente. L'échographiste demande, dans le doute sur cette image, une biopsie mammaire. Celle-ci ne sera pas effectuée par le radiologue correspondant, car le kyste est très petit, et le geste est jugé trop invasif compte tenu de l'absence de signes échographiques alarmants. Une ponction à l'aiguille est réalisée (geste plus simple avec une aiguille plus fine) pour prélever un peu de liquide du kyste et l'envoyer en analyse, afin essentiellement de démontrer qu'il n'existe aucune malignité. Le prélèvement s'avère acellulaire (donc sans matériel à analyser pour l'anatomo-pathologiste) et malheureusement non contributif.

La patiente est de plus en plus anxieuse et nous la voyons (4ème cabinet de radiologie consulté) pour avis et pour une demande insistante d'une IRM mammaire complémentaire, examen très déroutant à ce jeune âge en raison de nombreuses fausses images, faisant croire à une anomalie, mais correspondant simplement à des vaisseaux ou des zones du sein très vascularisées et qui se "rehaussent" sur l'image lorsqu'on injecte le produit de contraste. Cela peut évoquer une image suspecte alors qu'il n'y a que du tissu normal.
Il est très difficile à ce moment-là de discuter avec la patiente et de la convaincre d'une simple abstention d'examen, et d'un simple recontrôle échographique dans quelques mois....
Voilà où nous en sommes dans cette escalade d'examens, là où un traitement relaxant aurait suffi...

Comme l'explique le Pr Hofmann, les médecins généralistes ont une tâche importante en anticipant si un test de dépistage sera utile à leur patient, ou les conduira simplement à plus d'incertitude. Ils doivent évaluer la probabilité que le patient ait réellement une maladie, et ils doivent apprécier la probabilité que le test fournisse une réponse à ce que le patient lui demande.

Ce qui augmente l'incertitude lors des pratiques routinières

L'incertitude, explique l'auteur, peut augmenter alors qu'on essaie de la réduire en pratiquant divers dépistages médicaux ou tests diagnostiques.

A- Les découvertes accidentelles,

Ce qu'on appelle les "incidentalomes" augmentent l'incertitude en trouvant autre chose que ce que nous recherchons, et dont la signification n'est pas claire.
Par exemple, on réalise des scanners abdominaux pour des douleurs abdominales vagues et mal étiquetées et on trouve un nodule de la surrénale, ceci est une situation fréquemment rencontrée. On ne sait souvent que faire de ces découvertes : intervention ? Surveillance ? Bilans ?
Le principal problème est de reconnaitre les tumeurs qui auront un impact délétère sur le patient et qui justifient donc d’être enlevées chirurgicalement. 

B- Des tests inexacts peuvent nous donner de mauvaises réponses,

et moins nous avons de raisons de passer le test - c'est-à-dire moins le test est ciblé - plus les erreurs sont importantes.
Aucun test n'est parfait ou 100% fiable.
Un test, dit Pr Hofmann, - qu'il s'agisse d'une imagerie ou d'un test sanguin - qui donne un résultat incorrect est un autre exemple d'augmentation de votre incertitude lorsque vous essayez de la réduire. Les tests ne sont pas parfaits. Ils peuvent se tromper. Le résultat du test peut indiquer que vous avez une maladie même si ce n'est pas le cas, générant ce qu'on appelle un résultat de test faussement positif.

Le test pourrait également indiquer que vous n'avez pas la maladie même si vous en avez une, donnant un résultat de test faussement négatif. Dans ce dernier cas, vous obtenez un faux sentiment de sécurité, perdre un temps précieux et potentiellement connaître un pronostic plus mauvais.

Dans le cas d'un résultat faussement positif, vous pourriez être reconvoqué pour d'autres nouveaux tests et/ou traitements, souvent inutiles qui peuvent être à la fois ennuyeux et nocifs.
Moins le test est précis, plus il est susceptible de générer de faux résultats de test. Des tests inexacts donnent des réponses peu claires. Cette incertitude augmente d'autant qu'il y a peu de raisons de passer un test, par exemple si le test est effectué "juste pour être plus sûr". 

Il faut également se poser la question de l'utilité du test de routine, selon Pr Hofmann. Pour les personnes qui présentent des « symptômes avant-coureurs », la probabilité est plus grande qu'elles aient effectivement une maladie identifiable, ce qui est très rare pour les personnes qui ne présentent pas de tels symptômes.
C'est le problème posé par la recherche de lésions dans des groupes de personnes parfaitement saines et qui ne se plaignent de rien.

Selon Pr Hofmann, chercher une aiguille dans une pile d'aiguilles donne plus de chances de trouver une aiguille que de chercher une aiguille dans une botte de foin, là où ce qui ressemble à une aiguille peut n'être qu'une paille....
Les professionnels diraient qu'une prévalence élevée donne une valeur prédictive positive. C'est à dire que la qualité d'un test dépend non seulement de sa précision, mais aussi de probabilité de la survenue (ou prévalence) d'une certaine condition ou maladie dans le groupe examiné. 

Encore en d'autres termes, chercher une maladie particulière dans la partie de la population qui y est exposée est plus utile et productif que la chercher systématiquement chez tout le monde.
Par exemple rechercher un cancer du poumon dans une population tabagique est plus pertinent que de faire une détection massive dans toute la population d'adultes à partir de 16 ans ; ou encore dépister un cancer du sein par examen clinique régulier, IRM et/ou échographie parmi des personnes porteuses d'une mutation particulière favorisant ce cancer serait plus utile que de faire un dépistage dans toute la population féminine dès 30 ans comme certains le réclament lors des campagnes roses, population qu'on exposera ainsi à un surdiagnostic massif.

Pr Hofman propose une illustration :

Les symptômes, dit-il, déterminent à quel groupe vous appartenez, comme illustré dans l'exemple suivant :

Illustration : Bjørn Hofmann : Trouvez la mite dans les images, elle est plus facile à trouver lorsqu'il y en a plusieurs.

Un test donné, démontre-t-il ainsi, n'est pas utile de façon égale pour tous les usagers. 
Si vous avez des symptômes d'alerte, le test peut réduire l'incertitude. Pour qu'un test réduise l'incertitude de la maladie, il doit y avoir des raisons de croire que vous êtes malade. 
L'importance capitale du médecin généraliste réside dans l'évaluation de la probabilité que vous ayez une maladie, souvent appelée probabilité pré-test.

Un test réduit l'incertitude avec une probabilité pré-test élevée, mais avec une faible probabilité pré-test, l'incertitude augmente. 

C- Le surdiagnostic

C'est une incertitude quant à ce qui pourrait arriver dans le futur, une incertitude portant sur le pronostic : nous ne savons pas si ce que nous découvrons est utile au patient, si cela se transformera en une réelle maladie symptomatique. 
Lorsque nous trouvons des lésions-précurseurs de la maladie, nous ne savons pas si le patient chez lequel on détecte cette lésion sera sauvé ou au contraire surdiagnostiqué et surtraité.

Cette situation expose à une peur inutile, à des traitements lourds. Des personnes tombent "malades" alors que, sans le test, elle n'auraient jamais connu de maladie. 
Nous avons tendance à penser qu'il est sage de détecter tôt afin d'intervenir rapidement et de prévenir les maladies graves. C'est vrai dans de nombreux cas, mais - et cela pas si rarement, dit l'auteur - nous découvrons des 'précurseurs' de maladie qui ne se développeront pas davantage si on les avait ignorés. 
Nous finissons alors par traiter des conditions détectées, mais complètement inutilement. Le surdiagnostic conduit au surtraitement.
A ce propos nous vous invitons à lire : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

La "cascade du dépistage" présentée lors d'un webinaire récent sur le sujet illustre parfaitement la problématique de la découverte inutile d'incidentalomes, des faux positifs, des détections inutiles au patient, et du surdiagnostic (encart grisé en bas à droite du schéma).

Cliquez pour agrandir

Il est donc sage d'écouter votre médecin, insiste le Pr Hoffmann, et de réfléchir à deux fois avant de vous faire tester.

Comment réduire l'incertitude ?

Pr Hofmann écrit : On peut donc faire plusieurs choses pour éviter d'augmenter l'incertitude alors qu'on veut la réduire. L'action la plus importante est de discuter avec votre médecin pour savoir si vous avez vraiment besoin d'un certain test, quelles sont ses conséquences et qu'est-ce qui pourrait arriver si vous ne l'effectuez pas. Quelles options avez-vous ?

Vous devez garder trois choses à l'esprit :

  • Ne faites pas de tests "juste pour être du côté plus sûr".
  • Faites des tests lorsque vous avez de bonnes raisons de les faire pour votre santé, par exemple lorsque vous avez des raisons de croire que vous pourriez avoir une maladie - lorsque vous avez des symptômes clairs, c'est-à-dire lorsque la probabilité avant-test est élevée.
  • Soyez prudent lorsque vous vous faites tester pour des maladies qui se développent lentement et dont de nombreuses personnes meurent avec, mais pas à cause d'elles.

Tester "juste pour être du côté sûr" peut augmenter votre incertitude - et causer des dommages. Discutez avec votre médecin de ce qui VOUS convient.

Conclusion

Cette conclusion n'est que l'avis de la rédactrice de ce post.

L’accès pour le public aux informations médicales par l’intermédiaire des médias, d'articles dits "vulgarisants", de médecins médiatiques, de réseaux informatiques contribue à concurrencer l'autorité médicale fondée sur le savoir.
Le patient a facilement accès à des informations techniques concernant les maladies et les tests disponibles, informations "amalgamées" avec prévention, et cet amalgame est souvent fait par les autorités sanitaires elles-mêmes.

Le colloque singulier que constitue la consultation médicale est fragilisé par les 'certitudes' des données documentaires, parfois partielles, partiales, avec une communication médiatique vers le public plus sensationnaliste qu'objective.
Il n’est donc pas rare que les patients arrivent en consultation avec des exigences de prises en charge influencées par des modes médiatiques.
Il est très dommageable pour les deux partis que le patient et le médecin deviennent en quelque sorte des concurrents, la réponse médicale n’est pas l’apport d’un renseignement qui sera imposé au malade, mais davantage une écoute bienveillante et un échange en vue d’un soin. Si le médecin n’a plus l’aura du 'sachant' parlant un jargon excluant le patient, avec un savoir 'descendant', en revanche il reste le garant d'une « information », une vraie, neutre et objective, dont on a fait un droit du patient. Il faut qu'il soit le véhicule de cette information-là, mais il faut aussi que le patient manifeste de son côté la volonté de l'écoute, parfois de données contrevenant à ses convictions.
Cette écoute et cet échange permettent, dans la valorisation du « consentement éclairé », une préservation de la dignité du patient, un respect de ses choix et une possibilité d'éclairage de la part du médecin sur les tenants et les aboutissants d'une procédure, serait-ce même à l'encontre des injonctions d'autorités médicales et de leaders d'opinion. Éclairer le consentement n’est pas pour le médecin concevoir le patient comme un rival, et recevoir cet éclairage n'est pas non plus pour le patient concevoir le médecin comme un opposant ou un donneur de leçon, mais il s'agit au contraire d'une association active à des choix et des décisions dans un meilleur profit pour la santé du consultant.

Car le patient peut parfois être... un impatient. Cette impatience est contemporaine d’une société tournée vers l'action plutôt que l'attentisme. Elle est due à l'opposition de temporalités, celle de la technicité médicale qui semble rendre toute réponse immédiate, disponible et possible dans l'instant, et celle de la maladie qui peut être certes réelle et exprimée, mais qui peut être latente et jamais exprimée, et même inutile à être découverte.
C'est très contre-intuitif.
Nous devons accepter la probabilité de connaître telle ou telle situation de santé, mais jamais en termes de certitudes, aucune technologie, aucun test n'étant capable de nous prévoir avec une certitude absolue ce qu'il va advenir. Et parfois ce test peut même nous induire en erreur.
Evaluer un risque est difficile, et la précipitation peut conduire à des décisions délétères ; en cela le médecin traitant est un allié pour n'être pas piégé par des slogans, des poncifs tout prêts et simplistes, des campagnes médiatiques outrancières et bêtifiantes, et par des injonctions de leaders d'opinion dont les liens d'intérêts ne sont pas toujours bien annoncés.

Les efforts de bon nombre de confrères spécialistes en médecine générale se heurtent aux revendications de la société d'immédiateté, d' "action", ceci favorisé par un sensationnalisme et une désinformation médicale, là où de l'attente, de la patience seraient salutaires pour une prise de décision sereine et en plein consentement éclairé.

Il est parfois urgent d'attendre.... et de respecter le temps d'une réflexion.

A lire :

Gare aux torts causés par les surdiagnostics engendrés par le dépistage, l’abaissement des seuils de diagnostic et par la découverte d’incidentalomes

https://www.cfp.ca/content/69/2/e33

Excellente publication canadienne, à propos d'un cas clinique, des conséquences pratiques sur la vie d'un patient ne se plaignant de rien.

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Webinaire « dépistages et risques de surdiagnostics »

Par Cancer Rose, 22 janvier 2023

Webinaire

Traduction de la déclaration d'EuroPrev

Position de Europrev sur les primes sur objectif pour le dépistage du cancer du sein

Un webinaire d'EuroPrev, "dépistage des cancers et risques de surdiagnostics"

Qu'est-ce qu'EuroPrev ?

EUROPREV est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale. EUROPREV est l'un des cinq réseaux de WONCA Europe.

WONCA Europe est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.

Wonca est l'acronyme de World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians, ou plus simplement World Organization of Family Doctors.

Le Collège de la Médecine Générale est le représentant de la France auprès des instances internationales œuvrant pour la promotion de la médecine générale. Il peut être consulté sur des questions professionnelles et politiques liées à la spécialité tant au plan national qu’international. Il est membre de l’Organisation mondiale des médecins généralistes, médecins de famille (Wonca Europe et Wonca Monde) et de l’Union Européenne des Médecins Omnipraticiens (UEMO) dont il assure une vice-présidence depuis 2017.

Pour EuropreV, concernant le dépistage, le moins est aussi le meilleur : less is more !

Webinaire-Extraits

Des webinaires sont régulièrement organisés, permettant une activité de formation médicale gratuite, avec des débats de sujets intéressants et liés à la médecine préventive, ceci d'un point de vue très pratique. 
Pendant les webinaires, les participants peuvent partager leurs commentaires ou questions via la plateforme de chat. Chaque module dure 90 minutes de formation médicale continue.

Nous avons assisté au webinaire : "dépistages des cancers et le risque de surdiagnostic".

Plusieurs dépistages sont passés en revue, mettant en lumière le phénomène de surdiagnostic.
La confusion est souvent faite entre dépistage et "prévention", ce que le dépistage n'est pas. Les dépistages ne garantissent pas de moins mourir de cancer, mais peuvent projeter des personnes saines dans une maladie qu'elles n'auraient pas connue sans eux.

Dr. Carlos Martins (Portugal, Médecin de famille, Président Europrev)  et Dr. John Brodersen (Médecin de famille, Professeur à l'Université de Copenhague, Danemark) proposent ce webinaire et, devant les velléités de la Commission Européenne d'étendre les dépistages existants et d'en créer de nouveaux, posent la question " seront-nous bientôt tous des patients?"
Cette inquiétude exprimée ici a donné lieu à la déclaration d'Europrev, voir notre article sur les recommandations du Conseil de l'EU.
(Voir au bas de cet article pour la déclaration d'EuroPrev en français.)

Avec la très aimable autorisation de l'auteur, Mr le Dr Brodersen, nous reproduisons quelques extraits qui nous semblent les plus pédagogiques et intéressants.

Download / Télécharger

Explication de quelques slides

Les pour et les contre du dépistage

Si l'on examine les arguments pour et contre le dépistage, les résultats bénéfiques sont la réduction de la mortalité, de la morbidité et de l'incidence, qui sont susceptibles de se produire dans le cadre de certains programmes de dépistage, ainsi qu'un traitement moins radical.

Les résultats néfastes sont une morbidité plus longue, le surdiagnostic et le surtraitement, les deux faux résultats (faux positifs, faux négatifs), la maladie induite, une peur accrue d'être malade et une morbidité et une mortalité accrues.

Dépistage et détection précoce

Le dépistage est effectué sur une population de personnes apparemment en bonne santé, qui ne présentent aucun symptôme de la maladie pour laquelle elles sont dépistées.
Alors que le diagnostic est défini comme quelque chose qui se passe chez les patients présentant des symptômes.
Bien entendu, il ne s'agit pas d'une dichotomie, ni d'une opposition entre le noir et le blanc, comme le montre ce schéma de l'OMS, mais plutôt d'un continuum de symptômes, ce qui rend évidemment les choses plus complexes, mais il suffit de définir les deux termes de diagnostic précoce et de dépistage pour comprendre en quoi ils sont différents.

Balance bénéfices/risques (slides 17 et 18)

L’influence du dépistage par mammographie sur la mortalité diminue avec l’efficacité croissante des thérapies contre le cancer. Plus une maladie est curable, plus la balance bénéfice-risques du dépistage est à prendre en compte, car les risques de son dépistage vont contre-balancer négativement le bénéfice à escompter.

Les méthodes d’évaluation de l’efficacité du dépistage du cancer reposent sur :

  • la surveillance des taux d’incidence ajustés selon l’âge des cancers avancés qui devraient diminuer après l’introduction du dépistage.
  • les taux de mortalité spécifiques au cancer devraient diminuer plus rapidement dans les zones où le dépistage est effectué que dans les zones où les niveaux de dépistage sont inférieurs, mais où la prise en charge des patients est similaire.

Or l’accumulation des données épidémiologiques montre que dans les populations où le dépistage par mammographie est largement répandu depuis longtemps, l’incidence des cancers avancés n’a connu que peu ou pas de diminution, et que les réductions de la mortalité par cancer du sein sont similaires dans les régions à introduction précoce et forte pénétration du dépistage comme dans les zones présentant une introduction tardive et une faible pénétration du dépistage. Les réductions des taux de mortalité par cancer devaient être proportionnelles aux réductions des taux des cancer avancés, ce qui n’est pas le cas, posant de façon plus aigüe le problème du surdiagnostic avec comme corollaire un surtraitement, 

La "cascade du dépistage" illustre la chaîne d'évènements possibles qui conduisent au final à un maigre bénéfice, envers la présence de situations sans bénéfice pour les patients à l'issue de leur dépistage.

Australie

Paul Glasziou, médecin généraliste et professeur à l'université de Bond en Australie, a rédigé un article sur le nombre de personnes surdiagnostiquées de cancer en Australie.

Vous pouvez voir ici que quatre cancers font l'objet de nombreux surdiagnostics chez les femmes : le cancer de la thyroïde, le cancer du rein, le cancer du sein et le mélanome. Lorsque vous regardez les cancers combinés en bas, la zone rouge représente 18% de tous les cancers, soit près d'un cancer sur cinq.

Et chez les hommes, les mêmes cancers et le cancer de la prostate au lieu du cancer du sein.
Ici le cancer de la prostate est plus surdiagnostiqué que le cancer du sein, le taux de cancer combiné est de 24% ; c'est un peu plus d'un cancer sur cinq.
"Quand je parle aux journalistes" explique Dr Brodersen, "je dis qu'une personne sur cinq avec un diagnostic de cancer est surdiagnostiquée et, désolé de le dire, ce sont des milliers de personnes dans vos pays et globalement, ce sont des millions de personnes que nous avons fait souffrir dans les soins de santé."
'Et nous pouvons dire que c'était l'une des raisons pour lesquelles nous étions si inquiets avec cette nouvelle proposition de l'Union européenne, parce qu'il ya l'intention d'étendre la cible, d'étendre (le dépistage) à de nouveaux cancers, il y aurait des millions et des millions de citoyens européens qui seraient encore plus surdiagnostiqués."
"Et vous pouvez voir ici pour le dépistage par PSA (dépistage du cancer prostatique), il n'y a pas de dépistage national de PSA en Australie et déjà vous avez plus de 40% de surdiagnostic pour le cancer de la prostate, donc si vous commencez à mettre en œuvre un dépistage de PSA ce taux va augmenter comme cela se passe pour le mélanome, donc c'est l'une de nos grandes préoccupations.
En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, si l'on commence à dépister les femmes âgées de plus de 70 ans, le risque de surdiagnostic augmente car la durée de vie est plus courte." (C'est à dire que les femmes à cette tranche d'âge ont bien plus de probabilité de décéder de tout à fait autre chose, notamment des maladies cardio-vasculaires, rendant le diagnostic d'une lésion cancéreuse du sein dont elles ne mourront pas plus problématique, et alimentant les surdiagnostics, NDLR)

Comtés américains (slide 22)

Le dépistage et le diagnostic précoce pourraient accroître les inégalités sociales dans les sociétés. Gilbert Welsh a rédigé un article intelligent dans lequel il a examiné les comtés à hauts revenus et les comtés à faibles revenus aux États-Unis pour quatre cancers : le cancer du sein, le cancer de la prostate, le cancer de la thyroïde et le mélanome.

En bas, vous avez la mortalité de ces quatre cancers. La mortalité est la même dans les deux régions. Cependant, il y a beaucoup plus de cancers dans les comtés à hauts revenus que dans les comtés à faibles revenus. C'est le signe d'un excès de médecine, d'un excès de dépistage, d'un excès de diagnostic précoce.

Conclusion

Dr Brodersen conclut ce webinaire :

"Nous devons réévaluer les trois programmes de dépistage existants qui sont recommandés par l'Union européenne.

Le cancer du sein doit être réévalué parce que le traitement s'est amélioré (rendant le dépistage de ce cancer moins utiles, NDLR), le cancer du col de l'utérus doit être réévalué parce que nous avons des cohortes vaccinées contre le VPH, le cancer colorectal doit être réévalué parce que nous pouvons voir que les tests fécaux ne fonctionnent peut-être pas dans les programmes de dépistage pragmatiques, mais nous pouvons voir que la sigmoïdocolonoscopie pourrait être la voie à emprunter si nous voulons un dépistage du cancer colorectal.

Nous manquons de preuves pour mettre en œuvre le dépistage du cancer prostatique par PSA et IRM car nous n'avons pas d'essais randomisés qui ont combiné les deux.
Si nous considérons uniquement le dépistage par PSA, la conclusion est qu'il ne faut pas le faire car il n'y a aucun bénéfice.

Pour le dépistage gastrique il n’y a pas de données probantes.

Si nous examinons le dépistage du cancer de poumon par scanner à faible dose, de nombreuses preuves font défaut, principalement en ce qui concerne les effets négatifs, et beaucoup d'autres questions restent sans réponse."

Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/

Lire : la déclaration d'EuroPrev, traduction en français :

En matière de dépistage de cancer, souvent "moins, c'est PLUS!"

À la Commission européenne - Santé et sécurité alimentaire
A la Direction Générale Santé et Sécurité Alimentaire
Aux autorités sanitaires de l'Union européenne
Aux professionnels européens de la médecine familiale et de la santé publique

 Le 20 septembre dernier, la Commission européenne a annoncé : "Une nouvelle approche de l'UE en matière de détection du cancer - dépister plus et dépister mieux".(1)

Les nouvelles recommandations comprennent, entre autres, les points suivants

- L'extension du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 45 à 74 ans (contre la tranche d'âge actuelle de 50 à 69 ans) ;
- Le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans.
- Dépistage du cancer de la prostate chez les hommes jusqu'à 70 ans sur la base d'un test d'antigène spécifique de la prostate, et d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le suivi.

Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :

Dépistage du cancer du sein

- Pour 2000 femmes dépistées par mammographie annuelle pendant dix ans, un décès par cancer du sein sera évité. Mais, en même temps, 200 femmes souffriront des conséquences de longue durée d'un résultat faux positif, et dix femmes seront surdiagnostiquées et surtraitées, avec tous les préjudices que cela comporte, allant de l'étiquette de malade du cancer aux effets secondaires et tardifs du traitement contre le cancer. Par conséquent, l'équilibre entre les bénéfices et les risques est incertain, et chaque femme devrait recevoir cette information.(2)
- L'extension du groupe ciblé augmentera proportionnellement les risques et diminuera les bénéfices associés à ce dépistage. Augmentation des risques : les femmes plus jeunes ont un tissu mammaire plus dense, ce qui augmente le taux de faux positifs, et les femmes âgées ont un risque concomitant plus élevé de mourir d'une autre cause que le cancer du sein, ce qui augmente le risque de surdiagnostic. Diminution des bénéfices : l'incidence du cancer du sein est beaucoup plus faible chez les femmes âgées de 45 à 49 ans et, par conséquent, la réduction de la mortalité est beaucoup plus faible en chiffres absolus ; chez les femmes âgées, le bénéfice attendu d'une diminution de la mortalité est beaucoup moins probable en raison de leur espérance de vie plus courte.

Dépistage du cancer de la prostate

- Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l'USPSTF, alors il existe des preuves solides de l'absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves ("cherry picking"), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3)
- Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c'est pourquoi, jusqu'à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n'a été mis en œuvre en Europe. 

Dépistage du cancer du poumon, de l'estomac et d'autres cancers

- Les données disponibles sur les bénéfices et les risques de ces dépistages sont encore rares. Ces programmes de dépistage suscitent également des inquiétudes quant aux faux positifs et au surdiagnostic. Aucun programme de dépistage de cancer dans une population ne devrait être mis en œuvre sans que des essais contrôlés randomisés correctement conçus sur des populations européennes n'évaluent l'équilibre entre les bénéfices et les risques liés à chaque dépistage.(4)

Le mythe du diagnostic précoce

Selon la Commission européenne, ces nouvelles recommandations visent à "augmenter le nombre de dépistages, en couvrant plus de groupes cibles et plus de cancers".

Bien que bien intentionné, cela se traduira, dans la pratique, par un plus grand nombre de personnes en bonne santé inutilement transformées en patients du fait du surdiagnostic.

En outre, et toujours malgré les bonnes intentions, cela se traduira, dans la pratique, par davantage de souffrances, de cancers et de coûts pour des systèmes de santé déjà surchargés et aux ressources limitées.

Enfin, et encore une fois, même si les intentions sont bonnes, dans la perspective de la crise climatique, les émissions de carbone des interventions de soins à faible valeur ajoutée, comme les programmes de dépistage proposés, ne sont pas durables. De plus, ces programmes vont accroître les inégalités sociales en matière de santé et promouvoir la loi inverse des soins.

La proposition de la Commission européenne repose sur un mythe médical. Selon la déclaration de la Commission européenne, "Plus le cancer est détecté tôt, plus cela peut faire une réelle différence en augmentant les options de traitement et en sauvant des vies". En matière de dépistage, il s'agit d'un mythe. Nous disposons aujourd'hui de données issues de programmes de dépistage en population qui montrent que le facteur essentiel de réduction de la mortalité par cancer n'est pas lié à un diagnostic précoce, mais à un bon accès aux soins de santé et aux nouveaux traitements du cancer.(5-7)

Dans le cas du cancer, très souvent, un diagnostic précoce ne signifie qu'un fardeau plus lourd pour la maladie, avec plus de souffrance.

NOTRE RECOMMANDATION

La proposition actuelle de la Commission européenne doit être révisée.

Si nous voulons vraiment améliorer la façon dont le cancer est traité en Europe, nous devons nous concentrer sur les points suivants :

- La prévention primaire : au niveau de la population, améliorer l'alimentation, augmenter l'activité physique, diminuer le tabagisme et la consommation d'alcool. L'efficacité des interventions sociétales structurelles a été démontrée par des preuves solides et de haute qualité, tandis que les interventions de prévention primaire au niveau individuel se sont avérées sans effet, ou seulement à court terme.

- Un bon accès aux soins de santé primaires. Chaque citoyen européen devrait avoir le droit d'avoir son médecin de famille, ce qui signifie avoir le droit d'être soigné par des médecins spécialisés en médecine de famille dans une relation de confiance et de continuité et où le médecin généraliste est formé à la médecine fondée sur les preuves.

- Prévention tertiaire : en cas de diagnostic de cancer, un accès rapide et de qualité aux centres oncologiques spécialisés (ou à d'autres spécialistes compétents) est essentiel pour améliorer les résultats. Cela inclut également un bon accès aux nouvelles thérapies anticancéreuses fondées sur des données probantes.

-Prévention quaternaire : de nouveaux programmes de dépistage devraient être mis en œuvre uniquement lorsque les bénéfices sont plus importants que les risques.

References

1. European Health Union: cancer screening [Internet]. European Commission - European Commission. [cited 2022 Nov 8]. Available from: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_5562
2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 4;(6):CD001877.
3. Harding Center for Risk Literacy. Early detection of prostate cancer with PSA testing [Internet]. Available from: https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of- cancer/early-detection-of-prostate-cancer-with-psa-testing
4. Heleno B, Thomsen MF, Rodrigues DS, Jorgensen KJ, Brodersen J. Quantification of harms in cancer screening trials: literature review. BMJ. 2013 Sep 16;347(sep16 1):f5334–f5334.
5. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014 Feb 11;348:g366.
6. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
7. Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.

Position de Europrev sur les primes sur objectif pour le dépistage du cancer du sein

Breast cancer screening in Europe

Le dépistage du cancer du sein de doit  pas être un indicateur de performance pour évaluer le travail des médecins généralistes.

Les incitations financières ne doivent pas exister pour le dépistage du cancer du sein.

Seulement trois pays de l'Europe pratiquent des incitations financières (primes sur objectifs de santé publique pour les médecins, liées au taux de participation au dépistage des femmes suivies et accordées selon la performance) pour effectuer le dépistage de cancer du sein , dont la France, le Portugal , la Croatie

Voici, en France, la communication d'Ameli sur la nouvelle ROSP du 25/11/22
Future convention médicale : « Un rendez-vous important pour les médecins et pour les assurés »

25 novembre 2022 "Nous proposerons par ailleurs de rénover la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) en en limitant le nombre d’indicateurs et en les concentrant davantage sur les enjeux de santé publique, notamment autour du dépistage des cancers et de la vaccination. Nous discuterons aussi d’un élargissement de son champ".

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Le surdiagnostic des cancers : un défi à l’ère du dépistage

Publié décembre 2022 - Traduction Cancer Rose

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S266700542200059X?via%3Dihub

Barbara K.Dunn12 , Steven Woloshin34 , Heng Xie5 Barnett S.Kramer26

1US National Cancer Institute, Division of Cancer Prevention, Bethesda, Maryland, USA
2 Member, The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, Vermont, USA
3 The Center for Medicine in the Media, Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Geisel School of Medicine at Dartmouth, Lebanon, New Hampshire, USA
4 Director, The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine, Norwich, Vermont, USA
5 Beijing Biostar Pharmaceuticals Co., Ltd, Beijing, China
6 Rockville, Maryland, USA

Résumé

"Le dépistage" consiste à rechercher des maladies précliniques, asymptomatiques, y compris le cancer. Le dépistage généralisé de cancers a conduit à une forte augmentation des cancers et des pré-cancers à un stade précoce. Les messages publics diffusés de manière omniprésente mettent en avant les bénéfices potentiels du dépistage de ces lésions, en se fondant sur l'hypothèse sous-jacente selon laquelle le fait de traiter le cancer à un stade précoce, avant qu'il ne se propage à d'autres organes, devrait permettre de le traiter et de le guérir plus facilement, par des interventions plus tolérables. L'intuition est si forte que parfois, des campagnes publiques sont parfois lancées sans mener d'essais probants comparant directement le dépistage aux traitements habituels.

Un test efficace de dépistage d’un cancer ne devrait pas uniquement augmenter l'incidence de la maladie préclinique à un stade précoce, mais aussi diminuer l'incidence des cancers avancés et métastatiques, et conduire ainsi à une diminution de la mortalité par cancer.
Autrement, les efforts de dépistage risquent de débusquer des réservoirs de lésions non progressives et à progression très lente qui n'étaient pas destinées à causer des symptômes, et des souffrances à la personne jusqu’à la fin de ses jours : un phénomène connu sous le nom de "surdiagnostic".
Nous présentons ici un bilan qualitatif du surdiagnostic de cancer et évoquons des exemples spécifiques dus à un dépistage généralisé dans la population, comprenant le neuroblastome, le cancer de la prostate, le cancer de la thyroïde, le cancer du poumon, le mélanome et le cancer du sein.

Les préjudices liés aux diagnostics de cancers et aux traitements inutiles appellent à une information équilibrée des personnes qui envisagent de se faire dépister, même dans le cas d'un test considéré bénéfique, afin de leur permettre de prendre une décision éclairée.

Nous présentons également des stratégies proposées pour atténuer les conséquences négatives du surdiagnostic.

1. Le dépistage, un bénéfice potentiel avec un sérieux inconvénient : le surdiagnostic

1.1. Définitions

Le dépistage de cancer consiste à rechercher un cancer avant l'apparition de tout symptôme. La présomption sous-jacente est que la découverte d'un cancer si petit qu'il ne se manifeste par aucun signe ou symptôme évident, devrait permettre de le traiter et de le guérir plus facilement grâce à des interventions plus tolérables. Dans le domaine de la santé publique, le dépistage de certains types de tumeurs, notamment celles dont l'incidence est la plus élevée, a été largement mis en avant et encouragé.

Au moins en théorie, tout test de dépistage permettant une détection plus précoce améliorerait vraisemblablement l'équilibre entre les bénéfices et les risques de la prise en charge du cancer.1, 2
En pratique, cela est vrai pour certains tests de dépistage du cancer, mais pas pour d'autres.  Compte tenu de l'importance accordée à des tests de dépistage de plus en plus sensibles, il est évident que ces tests sont capables de détecter des "cancers" à évolution très lente qui n'auraient jamais nui à la personne ou n'auraient jamais fait l'objet d'une attention clinique au cours de sa vie naturelle s'il n'y avait pas eu de test de dépistage.
Il s'agit d'un phénomène peu étudié et sous-estimé connu sous le nom de "surdiagnostic", qui fait l'objet du présent article.

Récemment, la National Library of Medicine (NLM) des États-Unis a ajouté le terme "surdiagnostic" à sa liste de rubriques médicales (MeSH), le définissant comme "l'étiquetage d'une personne par une maladie ou une condition anormale qui n'aurait pas causé de préjudice à la personne si elle n'avait pas été découverte, la création de nouveaux diagnostics en médicalisant des expériences de vie ordinaires, ou l'élargissement des diagnostics existants en abaissant les seuils ou en élargissant les critères sans preuve d'amélioration des résultats. Les individus ne tirent aucun bénéfice clinique du surdiagnostic, alors qu'ils peuvent subir un préjudice physique, psychologique ou financier".3
Cet ajout renforce la capacité à effectuer des recherches systématiques dans la littérature sur le surdiagnostic.

Il est bien évident que le surdiagnostic du cancer pourrait modifier l'équilibre entre les avantages et les inconvénients d'un test de dépistage réalisé sur des personnes asymptomatiques en bonne santé.

Il entraînerait une surmédicalisation conduisant à un surtraitement et à un "glissement" du diagnostic, c'est-à-dire à un déplacement des seuils conduisant à étiqueter les individus comme malades, même en l'absence de symptômes4, 5, 6.

En plus des désagréments physiques causés par des traitements inutiles, le fardeau psychologique lié au fait de savoir qu'on a un cancer, d'être étiqueté comme "patient", ainsi que les répercussions socio-économiques et le fardeau financier, tant au niveau personnel que sociétal, qui en découlent pour le patient, contribuent aux préjudices du surdiagnostic3.

Ces conséquences du surdiagnostic s'ajoutent aux risques, aux désagréments et aux inconvénients des tests de dépistage eux-mêmes. Il est important de noter que le surdiagnostic diffère du diagnostic erroné dans la mesure où le premier est considéré comme un vrai positif, révélant des lésions qu'un pathologiste qualifierait de cancer ou de pré-cancer.2, 7

1.2. Critères applicables au surdiagnostic

 1.2.1. Réservoir de maladie /cancer subclinique

L'absence de symptômes dans le contexte d'une maladie détectée par dépistage implique l'existence, dans le tissu examiné, de lésions subcliniques, c'est-à-dire occultes, qui répondent histologiquement à la définition de "cancer" ou de "malignité", ou de pré-cancer. Leur découverte déclenche généralement un traitement. Elles sont occultes parce qu'elles sont petites et confinées à un organe : il s’agit des caractéristiques mêmes qui rendent la résection chirurgicale si intéressante. Bien que de nombreux cancers détectés par le dépistage aient un potentiel létal, beaucoup d'autres progressent très lentement ou ne progressent pas du tout. L'histopathologie d'une biopsie fixée au formol n'est qu'un instantané dans le temps, sans révéler le comportement dynamique ou le potentiel de progression d'une lésion subclinique.1

Si leur découverte par le dépistage doit effectivement conférer un bénéfice clinique, leur élimination ou un autre traitement devrait faire basculer les cancers de stade avancé potentiellement mortels qui se produiraient dans le futur, vers le présent sous la forme de cancers de stade précoce plus faciles à traiter.8
Ce processus devrait se traduire à terme, au niveau de la population par une diminution de cancers de stade avancé et des décès par cancer dans une mesure équivalente à l'augmentation de l'incidence des cancers de stade précoce détectés par le dépistage. Néanmoins, une telle évolution peut être suffisante, mais elle n'est pas absolument nécessaire pour que le dépistage confère un bénéfice clinique.
Une diminution des cancers d'intervalle, qui se développent à une rapidité telle qu'ils échappent au dépistage et apparaissent entre deux dépistages, devrait également se produire lorsque des tests plus sensibles et plus efficaces sont introduits9.

Une intuition répandue est que toute lésion étiquetée par un pathologiste comme "cancer" ou "pré-cancer" aurait progressé si elle n'avait pas été découverte. Cela explique en partie pourquoi le cancer a été surnommé "l'empereur de toutes les maladies".10 Cependant, les essais cliniques ont montré que la progression des lésions subcliniques est très variable ; elle est influencée par le site du cancer et la biologie sous-jacente.11, 12
Hélas, il n'a pas été démontré que l'incidence des cancers à un stade avancé diminuait en lien avec un certain nombre de tests de dépistage couramment utilisés, ce qui rend difficile l'attribution des tendances observées en terme de mortalité au dépistage, en particulier dans le contexte des améliorations indéniables des thérapies systémiques pour les stades avancés de la maladie. Toutefois, les progrès techniques des modalités de dépistage peuvent contribuer au surdiagnostic en augmentant la sensibilité et en favorisant ainsi la découverte de lésions qui n'ont pas le potentiel de causer des préjudices13.

1.2.2. Un dépistage qui puise dans le réservoir de lésions subcliniques

Une condition essentielle du surdiagnostic est l'existence d'un réservoir substantiel de ces maladies subcliniques ou occultes, parfois appelées dans la littérature ancienne comme "pseudo-maladies".4, 11
En l'absence de toute recherche intentionnelle, ces lésions occultes échapperaient à la détection. La taille et l'histoire naturelle du réservoir latent de lésions subcliniques influencent l'équilibre entre les bénéfices et les risques d'un certain test de dépistage.
Les lésions à évolution plus lente sont présentes pendant une période plus longue et ont donc plus de chances d'être découvertes par le dépistage (Fig. 1A).
Ce phénomène contribue "à enrichir" les cancers dépistés par des tumeurs plus indolentes, tandis que les lésions apparaissant entre deux dépistages, les lésions "d'intervalle" manquées par le dépistage, ont tendance à être plus agressives et à se développer plus rapidement. Ce phénomène est connu sous le nom de "biais de sélection des meilleurs cas" ou "biais de lenteur d'évolution".
Une forme extrême de lenteur d'évolution est le surdiagnostic, qui se produit dans le cas de tumeurs à croissance très lente et non progressives (Fig. 1).8, 13, 14
Un autre facteur contribuant au surdiagnostic se produit si un test de dépistage introduit un long délai d’avance au diagnostic entre la détectabilité et la maladie clinique symptomatique. Dans ce cas, les patients peuvent mourir de causes non liées pendant ce délai en raison de causes concurrentes de décès, souvent liées à l'âge.

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Des preuves attestant de l'existence d'un important réservoir de maladies invasives et non invasives subcliniques dans la population générale proviennent d'études d'autopsie portant sur le cancer de la prostate, du sein et de la thyroïde.11 En outre, certains cancers évolutifs détectés par dépistage peuvent contribuer au surdiagnostic si le patient présente des comorbidités ou des conditions médicales qui entraîneraient son décès avant que tout bénéfice du dépistage ne se manifeste.15 Le cancer étant principalement une maladie associée au vieillissement, le risque de surdiagnostic du cancer peut donc augmenter au fur et à mesure que les patients accumulent des causes concomitantes de décès liés à l'âge.16 Pour toutes ces raisons, l'ampleur du surdiagnostic du cancer est susceptible de varier d'un pays à l'autre, en fonction de la prévalence du dépistage, de la pyramide des âges de la population et de la fréquence des autres pathologies. Au niveau de la population, le surdiagnostic entraîne une forte augmentation de l'incidence du cancer sans réduction concomitante de la mortalité, comme le montre la figure 2 .17.

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1.2.3. Autres situations de surdiagnostic

La découverte fortuite de tumeurs non ciblées lors d'un dépistage ou d'un bilan diagnostique pour d'autres pathologies peut être une source particulière de surdiagnostic. Ces tumeurs sont appelées incidentalomes. L'examen initial n'a aucun rapport avec la lésion découverte fortuitement.18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27
Une grande partie de la littérature sur les incidentalomes se concentre sur les organes endocriniens (par exemple, les glandes surrénales, parathyroïdes, hypophysaires, thyroïdiennes) mais aussi sur les lésions rénales et pulmonaires. En général, la technologie révélatrice implique l'imagerie, bien que même un simple examen physique puisse être en cause, comme la palpation de nodules thyroïdiens lors d'un examen de routine. L'anxiété et les préjudices liés aux incidentalomes peuvent être similaires à ceux d'un surdiagnostic classique.20, 21
Un individu en bonne santé a été transformé en patient subissant désormais toutes les toxicités psychologiques, physiques et financières associées à la maladie, souvent avec des bénéfices incertains.

2. Surdiagnostic détecté lors du dépistage de cancers spécifiques

2.1. Neuroblastome

L'exemple emblématique de surdiagnostic est le neuroblastome. Apparaissant généralement sous la forme d'une masse dans le cou, la poitrine, l'abdomen ou le bassin d'un nourrisson ou d'un jeune enfant, le neuroblastome peut être mortel.28 La peur associée à ce pronostic inquiétant chez un nourrisson a entraîné le recours au dépistage pour détecter les tumeurs à un stade précoce. Le dépistage était étonnamment simple : il consistait à recueillir des urines dans lesquelles les métabolites des catécholamines produites par le cancer (acide vanillylmandélique et homovanillique) étaient détectables.

La combinaison de ces caractéristiques a conduit à l'inclusion systématique du dépistage des catécholamines chez les nourrissons au Japon, et à une augmentation conséquente de l'incidence des neuroblastomes sans diminution concomitante de la mortalité (Fig. 3A).29 Les cancers détectés par le dépistage, même ceux qui ne sont pas à un stade avancé, sont traités de manière agressive par chirurgie et chimiothérapie.28 L'absence de réduction de la mortalité avec le dépistage a également été documentée dans des essais pilotes au Canada et en Allemagne.30, 31, 32 Ces observations suggèrent fortement un surdiagnostic dû au dépistage généralisé.7,29 Le dépistage en population a donc été arrêté au Japon, avec une réduction rapide de l'incidence des neuroblastomes et sans augmentation de la mortalité (Fig. 3B).33, 34

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2.2. Le cancer de la thyroïde

La palpation systématique de la thyroïde dans le cadre de l'examen physique standard révèle fréquemment des nodules : jusqu'à 21% des nodules thyroïdiens sont découverts par palpation,35 ce chiffre augmentant en outre avec le dépistage du cancer de la thyroïde par échographie cervicale.36, 37 Cette pratique a conduit à une épidémie de cancers de la thyroïde,38, 39 largement confinée à l'histotype papillaire à croissance la plus lente, qui représente jusqu'à 87% de l'augmentation.38 Dans un cas classique de surdiagnostic, la mortalité spécifique au cancer de la thyroïde est restée pratiquement inchangée (Fig. 2).17, 38, 40
Mais il existe des risques évidents, notamment une intervention chirurgicale inutile qui peut entraîner une ablation par inadvertance de la parathyroïde (hypoparathyroïdie) et une lésion du nerf laryngé récurrent (enrouement permanent).41, 42 L'imagerie entourant la région thyroïdienne, bien qu'elle soit réalisée pour d’autres pathologies non thyroïdiennes, peut également entraîner un surdiagnostic du cancer de la thyroïde, un cas classique d'incidentalomes.22

2.3. Le cancer de la prostate

Après l'introduction généralisée du dépistage par PSA dans les années 1980, l'incidence du cancer de la prostate a augmenté de façon spectaculaire aux États-Unis.1, 43
Cette augmentation est due à la détection par le dépistage d'un énorme réservoir de pathologie latente que les hommes hébergent en vieillissant. Des études autopsiques chez des hommes décédés de causes non liées au cancer de la prostate et des spécimens de cystoprostatectomie ont documenté la prévalence associée à l'âge d'un cancer de la prostate subclinique chez la plupart des hommes âgés.44, 45, 46
Ces observations, associées à l'incidence croissante des tumeurs à faible risque, suggèrent fortement qu'une grande partie des cancers de la prostate détectés par le dépistage sont indolents et n'auraient probablement jamais affecté la santé ou la longévité de l'individu.4

Parmi les 76 693 hommes de l'essai de dépistage du cancer de la prostate, du poumon, du côlon et de l'ovaire (PLCO), le suivi après 7 et 13 ans a montré une augmentation relative de 22 % et 12 % de l'incidence du cancer de la prostate, respectivement avec dépistage par rapport aux soins habituels47, 48 . Pourtant, la mortalité par cancer de la prostate ne différait pas d’un groupe à l’autre.
En revanche, l’étude européenne de dépistage du cancer de la prostate (ERSPC) randomisant 162387 hommes en 'dépistage tous les quatre ans' ou en 'soins habituels' a montré une réduction des décès par cancer de la prostate : RR = 0,80 (P = 0,04) et RR = 0,79 (P = 0,0001) à 9 et 11 ans, respectivement avec le dépistage par rapport au groupe contrôle.49, 50
En contrepartie de ces bénéfices, il y avait une incidence cumulative du cancer de la prostate environ 50 % plus élevée à 11 ans chez les hommes assignés au dépistage par rapport au contrôle.50 Cela suggère des préjudices associés au surdiagnostic qui devraient être mis en balance avec les bénéfices rapportés. Et cela démontre que le dépistage peut être associé à la fois au bénéfice de la réduction de la mortalité par cancer et au risque de surdiagnostic.

Sous l'influence des preuves de surdiagnostic du cancer de la prostate lié au dépistage, l'US Preventive Services Task Force (USPSTF) a recommandé en 2012 de ne pas procéder à un dépistage systématique du cancer de la prostate.51
Une recommandation modifiée en 2018 stipule que "les hommes âgés de 55 à 69 ans doivent prendre une décision individuelle sur l'opportunité de se faire dépister après une conversation avec leur clinicien sur les avantages et les inconvénients potentiels."
Pour les hommes ≥ 70 ans, les avantages ne sont pas supérieurs aux inconvénients (incontinence, impuissance, douleur liée à la chirurgie/radiation), en partie en raison des effets néfastes du surdiagnostic 52.

2.4. Le cancer du poumon

Les essais de dépistage du cancer du poumon ciblent généralement les personnes présentant un risque élevé de cancer en raison d'antécédents de tabagisme. Dans le cadre du Mayo Lung Project, la mortalité par cancer du poumon chez 9211 hommes fumeurs de cigarettes était similaire avec des radiographies thoraciques standard (CXR) et une cytologie des expectorations par rapport aux soins habituels.53
Un excès persistant de cas (exclusivement des tumeurs à un stade précoce) a été observé avec le dépistage par rapport aux soins habituels sans réduction de la maladie à un stade avancé : 583 contre 500, ce qui suggère un surdiagnostic. La technologie CXR, le dépistage du cancer du poumon dans la PLCO (Essai de dépistage de prostate, poumon, colorectal, and ovarien (PLCO Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian Cancer Screening Trial), n'a pas non plus montré de réduction de la mortalité due au cancer du poumon par rapport aux soins habituels.54, 55
Le National Lung Screening Trial (NLST) du National Cancer Institute (NCI) des États-Unis a randomisé 53 454 gros fumeurs pour trois dépistages annuels avec une tomographie par ordinateur à faible dose/hélicoïdale (LDCT)26,7,22 par rapport à une radiographie thoracique postéro-antérieure à image unique.26,7,32

Une réduction relative de 20% de la mortalité par cancer du poumon avec la LDCT (scanner faible dose) par rapport à la radiographie a été constatée initialement.56
Une analyse après 6,4 ans de suivi a suggéré que plus de 18% de tous les cancers du poumon détectés par LDCT étaient potentiellement surdiagnostiqués.57
Cependant, après 11,3 ans de suivi médian, 1701 cancers du poumon ont été diagnostiqués avec la LDCT(scanner faible dose) et 1681 avec la radiographie thoracique : RR = 1,01 (95% CI : 0,95, 1,09).
Ceci illustre l'importance d'un suivi suffisant. Les décès par cancer du poumon évalués lors d'un suivi médian de 12,3 ans étaient de 1 147 et 1 236 dans les groupes LDCT et radiographie thoracique respectivement (RR = 0,92, IC à 95 % : 0,85, 1,00).58
Les carcinomes broncho-alvéolaires (CCB) représentaient la plupart des cas de surdiagnostic associé à la détection par scanner faible dose,15 confirmant l'idée qu'il existe un sous-ensemble de lésions pulmonaires subcliniques contenant des cancers indolents, bien que d'apparence invasive, ainsi que des lésions in situ prémalignes.

Tous les programmes de dépistage du cancer du poumon ne sont pas réservés aux fumeurs de cigarettes, et le surdiagnostic pourrait être particulièrement fréquent chez les femmes asiatiques non fumeuses qui ne présentent pas de risque élevé de cancer.
Une étude de cohorte écologique basée sur la population et portant sur le dépistage par scanner faible dose chez les femmes à l'aide du registre du cancer de Taïwan (prévalence du tabagisme inférieure à 5 %) a montré que, de 2004 à 2013, l'incidence des cancers de stade précoce a été multipliée par plus de six (de 2,3 à 14,4/100 000 ; différence absolue, 12,1/100 000).
Cependant, l'incidence des cancers de stade avancé n'a pas diminué de manière concomitante (18,7 à 19,3/100 000 ; différence absolue, 0,6) avec l'augmentation des cancers de stade précoce au cours de cette période, et la mortalité est restée stable malgré une survie à 5 ans qui a doublé (18% à 40%), ce qui suggère que tous les cancers supplémentaires représentent un surdiagnostic du cancer du poumon.60
Les auteurs ont donc souligné la nécessité absolue de poursuivre les études sur le dépistage chez les femmes asiatiques. Un tel essai est en cours en Chine.

2.5. Le cancer du sein

Le dépistage par mammographie chez les femmes ≥ 40 ans a augmenté rapidement entre les années 1980 et le début des années 1990 (figure 4).11
Cela s'est accompagné d'une augmentation de l'incidence des cancers du sein à un stade précoce, avec une diminution beaucoup plus faible des cancers à un stade avancé et pratiquement aucun changement dans la maladie métastatique, ce qui suggère une tendance dominée par le surdiagnostic plutôt qu'un véritable changement de stade.61
Sur la base des données américaines Surveillance Epidemiology and End Results (SEER) 1976-2008, qui incluent la transition entre l'ère précédant et celle suivant l'institution du dépistage mammographique, chez les femmes ≥ 40 ans, un doublement des cas de cancer du sein à un stade précoce a été détecté chaque année (112 à 234 cas pour 100 000 femmes). La réduction concomitante du taux de cancer du sein à un stade avancé a été de 8 % seulement. Les auteurs ont ainsi estimé que le cancer du sein était surdiagnostiqué chez plus de 70 000 femmes, ce qui représente 31 % de tous les cancers du sein diagnostiqués61.

Une autre étude basée sur le SEER a montré qu'après l'introduction de la mammographie de dépistage, le pourcentage de petites tumeurs (< 2 cm invasives ou in situ) est passé de 36 % à 68 %. Il convient de noter que les taux de progression du carcinome canalaire in situ (DCIS) varient en fonction du grade histologique, les taux de progression les plus élevés étant associés aux DCIS de haut grade, bien que l'attribution du grade puisse être subjective. La mortalité liée au cancer du sein a diminué, mais cette baisse a été attribuée en grande partie à l'amélioration de la thérapie systémique.62 L'effet de l'introduction de la mammographie 3D, avec son remplacement partiel de la mammographie 2D, n'a pas encore été définitivement déterminé.

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Un rapport sur les préjudices associés au dépistage du cancer du sein dans 29 études a montré que le surdiagnostic variait largement, de 0 à 54 %, alors que dans les essais randomisés, la fourchette était de 11 à 22 %.61,63, 64, 65, 66
Cette grande variation dans la fourchette des estimations du surdiagnostic et la différence dans la taille de la fourchette entre les types d'études a été attribuée au type de données utilisées. Alors qu'aucune étude basée sur des données individuelles n'a donné une estimation supérieure à 17%, les études basées sur des données agrégées ont eu tendance à donner des estimations supérieures à 40%, une différence considérée comme trop systématique pour être une observation aléatoire. Il a été démontré que l'utilisation de données agrégées s'accompagne de biais qui peuvent conduire à un surdiagnostic65.

Les modèles statistiques dits "ajustés au délai d'avance au diagnostic" ont tendance à produire des estimations dans la limite inférieure de cette fourchette, tandis que les estimations dérivées des tendances de la population se situent dans la limite supérieure. Bien que la plupart des modèles statistiques publiés n'intègrent pas la possibilité d'un sous-ensemble de tumeurs non progressives, une publication récente l'a réalisé, estimant qu'un cas sur sept de cancer du sein détecté par dépistage est surdiagnostiqué67. Dans une population de femmes âgées de 50 à 74 ans (médiane 56 ; intervalle interquartile 52-64), parmi les 15,4% de cancers détectés par dépistage estimés être surdiagnostiqués, 6,1% étaient dus à la détection d'un cancer préclinique indolent, et 9,3% à la détection d'un cancer préclinique progressif chez des femmes qui seraient décédées d'une cause non liée, avant le diagnostic clinique du cancer du sein.

Les taux de surdiagnostic rapportés varient également en fonction du choix du dénominateur, chacun ayant des implications différentes. L'utilisation de l'ensemble de la population éligible au dépistage fournit des informations sur la lourdeur nationale du surdiagnostic. L'utilisation du nombre de femmes participant à un programme de dépistage comme dénominateur traduit la part supplémentaire de surdiagnostic associée à l'offre de dépistage dans un contexte organisé. La restriction du dénominateur aux femmes qui ont effectivement été dépistées fournit des informations sur la charge du surdiagnostic pour les femmes qui ont choisi de se faire dépister.

2.6. Mélanome

De fortes augmentations de l'incidence du mélanome cutané (mais pas des autres types de mélanome) ont eu lieu au cours des dernières décennies, triplant presque au cours des 30 années entre 1975 et 2005 selon les données du SEER.11, 68
Tout comme le cancer de la thyroïde, le dépistage du mélanome cutané ne dépend pas habituellement d'une intervention de haute technologie, reposant principalement sur un examen visuel à l'œil nu.69 Cependant, l'utilisation de la dermoscopie dans des mains expérimentées peut améliorer la spécificité du diagnostic, avec un effet inconnu sur le surdiagnostic. Les tendances au dépistage, reflétées par l'augmentation des taux de biopsie cutanée, ont été stimulées par des campagnes internationales de santé publique, en particulier dans les régions où l'exposition au soleil est importante, malgré l'absence de données probantes issues d'essais cliniques randomisés.70, 71

De plus, les critères pathologiques pour le diagnostic du mélanome ont été modifiés dans les années 1970 et 1980, et la migration des stades suite à l'introduction des biopsies du ganglion lymphatique sentinelle pourrait potentiellement être responsable d'une certaine dérive du stade.72 , 73
Les tendances démographiques montrent le schéma classique du surdiagnostic : prédominance des cancers de stade précoce et in situ parmi le nombre croissant de cas, avec peu ou pas de changement dans les maladies plus avancées ou dans la mortalité (Fig. 2).72, 74, 75, 76
Des études menées en Est Anglia (Angleterre de l'est), en Angleterre, et en Australie ont également documenté une augmentation de l'incidence du mélanome associée au surdiagnostic.77, 78, 79

3. Limiter le surdiagnostic : comment limiter ses effets néfastes ?

3.1. Moins de dépistage, et mettre un focus sur les populations à haut risque

L'identification d'une population présentant un risque élevé de cancers évolutifs peut atténuer la proportion de cancers détectés par dépistage qui sont surdiagnostiqués.1
La plupart des programmes de dépistage en population visent cet objectif, par exemple en utilisant des seuils d'âge pour le dépistage des cancers qui sont plus fréquents chez les personnes âgées (par exemple, le cancer du côlon, le cancer de la prostate, le cancer du sein, etc.)
D'autres critères d'éligibilité au dépistage peuvent inclure les expositions environnementales, professionnelles et iatrogènes. Les candidats au dépistage du cancer du poumon, par exemple, peuvent être des personnes ayant des habitudes de tabagisme actuelles et passées.
Mais dans l'ensemble, les outils actuels d'attribution du risque sont approximatifs. Il reste donc beaucoup de chemin à parcourir pour affiner cette stratégie.

3.2. Réagir face à l'enthousiasme excessif du public pour le dépistage

Les avantages potentiels du dépistage du cancer sont intuitifs pour les patients comme pour les professionnels de la santé. Aux États-Unis, les messages de santé publique encourageant la détection précoce remontent au début du XXe siècle et ont abouti à la création de l'organisation précurseur de l'American Cancer Society80 . De fait, une enquête nationale menée entre 2001 et 2002 a révélé que 87 % des adultes américains pensaient que le dépistage systématique du cancer était presque toujours une bonne idée et que 74% pensaient que la détection précoce du cancer permettait de sauver des vies la plupart du temps ou tout le temps.81 Une stratégie importante a été de créer un sentiment de vulnérabilité au cancer, suivi d'une offre d'espoir.82, 83 Il en résulte un système sans réactions négatives.

Le fait d'être rassuré par un dépistage négatif ou d'être satisfait par la découverte d'un cancer "précoce", vraisemblablement "guérissable", lors d'un dépistage positif, encourage l'acceptation sans lecture critique du dépistage.5, 84
En fait, les directives fondées sur des données probantes, telles que celles présentées par l'USPSTF sont largement contestées par les patients et les médecins, dont certains les considèrent comme contre-intuitives et les rejettent même, lorsque la possibilité de surdiagnostic et les inconvénients qui en découlent sont explicitement mentionnés.8
En réalité, bien que les femmes interrogées se disent généralement conscientes des faux positifs de la mammographie de dépistage, elles sont beaucoup moins nombreuses à être conscientes du surdiagnostic et du fait que le dépistage peut détecter des cancers qui n'évolueront peut-être jamais (Tableau 1).85, 86
Les femmes sont plus conscientes des bénéfices de la mammographie que de ses risques.

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Une approche plus nuancée et équilibrée des messages publics ainsi que de l'éducation sur l'existence du surdiagnostic est nécessaire. Les possibilités d'amélioration sont nombreuses. Dans une analyse de la couverture médiatique du dépistage du cancer, les gros titres mentionnaient rarement les concepts de "faible risque", de "surdiagnostic" ou de "surtraitement", même lorsque le texte intégral les mentionnait.87
Une enquête menée auprès de journalistes australiens (principalement spécialisés dans les questions de santé) a montré que, même s'ils connaissaient le terme "surdiagnostic", ils trouvaient le concept difficile à comprendre et à communiquer, étant donné les croyances dominantes sur les bénéfices de la détection précoce.88 Dans l'ensemble, leur connaissances des risques du surdiagnostic étaient limitées. Les premières données qualitatives suggèrent que les interventions visant à améliorer la compréhension de la recherche médicale par les journalistes à l'aide d'une fiche de conseils (tip sheet) sont réalisables.89

3.3. Révision de la terminologie

Lors d'une réunion du NCI américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement90. Le fait qu'une large proportion de DCIS, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le cancer de stade 0) afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".91, 92, 93
Comme indiqué ci-dessus, les taux de progression sont substantiels pour les DCIS de haut grade.

Les termes "cancer" et "carcinome" seraient réservés aux lésions susceptibles de progresser.94, 95, 96
Certains ont avancé le terme de "lésion indolente d'origine épithéliale (LIE)".90
Une telle approche de modification de la terminologie pour mieux s'adapter à la biologie sous-jacente a déjà été utilisée dans le cas de la néoplasie intraépithéliale cervicale (CIN), qui était autrefois appelée carcinome in situ, et dans le cas des tumeurs épithéliales à faible potentiel malin pour les lésions ovariennes.
Une autre approche suggérée a été de relever le seuil à partir duquel un résultat radiologique est qualifié d'"anormal".4, 11, 97
En outre, une sommaire étude qualitative récente  suggère que les femmes atteintes d'un DCIS ou d'un cancer du sein invasif appréciaient et pouvaient bénéficier d'une discussion sur le surdiagnostic du cancer du sein allant au-delà des informations données par leurs soignants.98

3.4. De meilleurs outils de pronostic

Un domaine de recherche important est le développement d'outils qui pourraient théoriquement identifier les surdiagnostics au niveau moléculaire pour les tumeurs individuelles.2, 99, 100 Il serait alors possible d'informer les patients avec plus de confiance si une tumeur récemment diagnostiquée a été surdiagnostiquée ou si elle est susceptible de progresser sans traitement. Un modèle pour cette approche est le score génomique de la prostate (GPS) d'Oncotype DX, un réseau d'expression de 17 gènes dont on a signalé la corrélation avec l'amélioration du suivi par biopsie, pendant la surveillance active du cancer de la prostate.101
Les décisions standard pour le cancer du sein de stade précoce et à récepteurs d'œstrogènes positifs utilisent déjà une catégorisation pronostique basée sur des signatures moléculaires testées dans le " score de récurrence " d'Oncotype DX et d'autres évaluations génomiques, ce qui permet d'éviter les thérapies agressives pour les cancers à faible risque.102 Des évaluations moléculaires comparables des lésions détectées par le dépistage et qui sont à faible risque auraient le potentiel d'éviter la tendance à suivre un surtraitement invasif et nuisible.103

4. Conclusions

Nous soulignons que le fait d'encourager une meilleure compréhension du surdiagnostic n'a pas pour but de décourager le dépistage des personnes concernées dans des contextes qui ont prouvé une réduction de la mortalité grâce à des preuves de haut niveau issues d'essais cliniques.
L'objectif est de permettre aux individus de prendre des décisions en toute connaissance de cause sur le dépistage en utilisant des messages équilibrés qui incluent une discussion sur le surdiagnostic quand son existence a été démontrée pour un test de dépistage donné.103, 104
Seulement dans ce cas, les individus peuvent réellement faire correspondre l'information à leurs valeurs personnelles, en connaissant les compromis en jeu.

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100. Domingo L, Blanch J, Servitja S, et al. Aggressiveness features and outcomes of true interval cancers: comparison between screen-detected and symptom-detected cancers. Eur J Cancer Prev. 2013;22(1):21–28.

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103. Esserman LJ, Study W, Athena I. The WISDOM Study: breaking the deadlock in the breast cancer screening debate. NPJ Breast Cancer. 2017;3:34. 104. Welch HG, Kramer B. The crazy confluence of Congress, liquid biopsies, Medicare, and health inequities. STAT. 2022. [Internet]. 2022 March 10[cited 2022. Available from. https://www.statnews.com/2022/01/12/medicare-shouldnt-cover -liquid-biopsies-early-cancer-detection/

Déclaration des conflits d'intérêts

Le Dr Kramer consacre 25 % de son temps à une subvention de la Fondation Arnold Ventures pour un projet consacré à la formation des journalistes à l'évaluation critique des publications de recherche médicale. L'affiliation du Dr Kramer à cette fondation et à la Fondation Lisa Schwartz n'a eu aucune influence sur le contenu ou les opinions exprimées dans cet article. Le Dr Woloshin reçoit également des fonds de la Fondation Arnold (même subvention que le Dr Kramer) et est le fondateur de la Fondation Lisa Schwartz - là encore, aucune des deux fondations n'a eu d'influence sur cet article. Le Dr Xie est affilié à Beijing Biostar Pharmaceuticals Co., Ltd. et n'a aucun intérêt personnel ou organisationnel à influencer les opinions de cet article.

Remerciements

Les auteurs remercient le Dr Worta McCaskill-Stevens pour sa révision et ses conseils sur le contenu et Mme Carrie Robinson pour son assistance technique.

Contributions des auteurs

B.D., S.W., H.X et B.K. ont rédigé le manuscrit original et l'ont révisé.

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Un courrier d’Ameli

27 octobre 2022, par Cancer Rose
Actualisé le 29 décembre 2022

Madame, Monsieur,

Votre médecin traitant joue un rôle central dans les actions de prévention. En fonction de votre situation, il peut notamment vous informer et répondre à vos questions sur les dépistages organisés des cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal qui permettent de sauver des vies. Plus ces cancers sont détectés tôt, meilleur est le pronostic.

Pour aider votre médecin traitant dans sa mission de conseil en santé auprès de sa patientèle, l'Assurance Maladie va mettre à sa disposition la liste de ses patients concernés par ces dépistages et ne les ayant pas réalisés (1).

Conformément aux dispositions relatives à la protection des données personnelles, vous avez jusqu'au 1er décembre inclus pour vous opposer à cette transmission via le lien suivant : https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/declarer-mon-opposition.
Si vous faites votre demande d'opposition après le 1er décembre, votre demande ne sera pas prise en compte pour la 1ère liste mise à disposition mais le sera pour les prochaines.

Votre situation peut faire que certains de ces dépistages organisés ne vous concernent pas ; dans ce cas, veuillez ne pas tenir compte de ce message.

Soyez assuré(e) de notre attention et de notre disponibilité

Votre correspondant de l'Assurance Maladie

Voici le courrier que tout un chacun aura reçu de son Assurance Maladie-

Rappelons qu'au moment de la concertation citoyenne la communication simpliste de la caisse avait été dénoncée, voir les pages 95 et 96 du rapport de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein.
On ne peut pas dire que la communication soit davantage sophistiquée en 2022 et laisse la moindre place à toute réflexion ou doute.

Dans ce mail, il est affirmé que ces dépistages sauvent des vies, sans aucune référence scientifique, sans aucune étude citée, sans justification, sans référence aucune. La missive vous informe que votre médecin traitant sera informé des dépistages que vous n'avez pas encore réalisés...

Idéalement on pourrait espérer que cette démarche favorise la discussion avec le médecin traitant sur la pertinence des dépistages, aboutisse à une consultation débouchant sur une décision partagée et une information permettant un choix éclairé.
Mais qu'en est-il dans la vie réelle, une de nos lectrices se demande à juste titre si cela ne donnera pas plutôt l'occasion de remettre un peu plus la pression sur les patientes et patients pour participer à des dépistages en perte de vitesse, plus probablement qu'une consultation de choix éclairé, si déjà la caisse elle-même part d'un pré-supposé que les dépistages sauvent des vies, très loin hélas des réalités. Il n'y a pas beaucoup de communication autour des contestations scientifiques qui se multiplient pourtant, concernant la réelle pertinence des dépistages et leurs risques [1] [2] [3] [4] [5] .

L'utilisateur qui reçoit ce courrier est obligé d'activer le refus ; donc son acceptation, s'il omet de se rendre sur le lien lui permettant de s'opposer, est actée par défaut.

Cette initiative semble s'inscrire dans le grand plan européen censé élargir la participation des populations européennes au maximum à divers dépistages, au mépris de nombreux scientifiques demandant une information accrue sur la balance bénéfice-risques de ces dispositifs de santé.
L'objectif étant qu'à l'horizon 2025, 90% de la population de l'UE participe aux dépistages du cancer du sein, de la prostate, du col de l'utérus et du cancer colo-rectal.

Dans le nouveau plan décennal français on peut lire (https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Strategie-de-lutte-contre-les-cancers-en-France/La-strategie-decennale-de-lutte-contre-les-cancers-2021-2030):

L’amélioration de l’accès au dépistage sera renforcée.

"Il s’agira de mieux connaître les déterminants de la réticence aux dépistages et de simplifier l’accès au dépistage (commande directe, professionnels de santé diversifiés, équipes mobiles notamment). Des approches seront développées, proposant un dépistage après une intervention de prévention ou de soins non programmés. Des partenariats seront envisagés, par exemple avec des associations d’aide alimentaire, pour réaliser des opérations de sensibilisation, notamment auprès des plus précaires. Les professionnels de santé, médico-sociaux et sociaux seront dotés d’outils d’information de premier contact et des applications mobiles délivrant des informations et des rappels seront développées. Des incitatifs matériels seront expérimentés pour faciliter la participation des personnes au dépistage. Enfin, les bornes d’âge du dépistage seront requestionnées."

Les incitatifs pécuniers dont on parle dans le texte permettent de recruter notamment les plus faibles économiquement, là aussi au mépris de toute information médicale, ce qui a été dénoncé dans un article du BMJ, dont une des auteurs est une citoyenne française[6]. Les conséquences d'un dépistage abusif pour ces personnes plus fragiles peuvent être dramatiques, avec une paupérisation, une perte de revenus, des difficultés à retrouver un emploi. Le problème de ces personnes défavorisées étant bien davantage l'accès aux soins que de leur trouver inutilement des cancers qui ne leur aurait jamais nui, et c'est aussi celui d'une bonne information médicale et de lutte contre des facteurs de risques auxquels elles sont davantage exposées.

Mais parfois le trop étant l'ennemi du bien, avec les autres dépistages du plan européen qui vont se rajouter force nouvelles invitations, lettres de relance, applications mobiles de rappel, consultations médicales démultipliées, l'effet obtenu risque bien d'être l'inverse: une lassitude des populations, déjà de plus en plus méfiantes vis à vis des injonctions médicales à tout va, et qui vont se détourner, comme c'est déjà le cas, d'une médecine traditionnelle de plus en plus coercitive et traquante. 

Trop c'est trop.


Actualisation décembre 2022

https://www.ameli.fr/medecin/actualites/depistages-organises-des-cancers-envoi-aux-medecins-traitants-de-listes-de-patients-eligibles

Le summum est atteint avec une missive du 23 novembre 2022 par laquelle l'assurance maladie demande clairement aux médecins cette fois d'inciter leurs patients aux dépistages.
L'Assurance Maladie, en plus du système de la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique, déjà très contestable et contestée) souhaite renforcer le rôle des médecins traitants dans une incitation aux dépistages en se servant de listes de patients éligibles à des dépistages mais n'y ayant pas participé.

Selon la missive "L’efficacité de ces dépistages a été démontrée car plus les cancers sont détectés tôt, meilleurs sont les pronostics : ils permettent de sauver des vies."
C'est inexact, incomplet, et non éthique dans la mise délibérée sous silence des inconvénients et risques des dépistages, pour lesquels la concertation citoyenne a demandé une claire information pour les femmes. Cette demande de claire information a été renouvelée et exprimée par le Conseil de l'UE tout récemment.

Le médecin est considéré par l'Assurance maladie comme un simple incitateur de patients listés, non compliants aux dépistages ; l'information compréhensible demandée par les citoyennes et qui est le rôle majeur du médecin traitant est donc bel et bien enterrée, le consentement éclairé une utopie....

Texte du courrier :

Dépistages organisés des cancers : envoi aux médecins traitants de listes de patients éligibles

23 novembre 2022

Début décembre, l’Assurance Maladie va envoyer par courrier aux médecins traitants la liste de leurs patients n’ayant pas réalisé leur dépistage du cancer (cancer du col de l’utérus, cancer du sein et cancer colorectal) dans les intervalles recommandés.

Partant du double constat du retard de la France par rapport à ses voisins européens en termes de taux de participation aux dépistages organisés et de la stagnation de ces derniers depuis 2018, l’Assurance Maladie souhaite renforcer le rôle des médecins traitants dans l’incitation aux dépistages en mettant à leur disposition la liste de leurs patients éligibles.

L’efficacité de ces dépistages a été démontrée car plus les cancers sont détectés tôt, meilleurs sont les pronostics : ils permettent de sauver des vies.

Le rôle déterminant que jouent les médecins généralistes dans la participation aux dépistages a été prouvé, à l’étranger et en France. Grâce à sa relation privilégiée avec ses patients, le médecin peut, lors d’une consultation, les inciter à effectuer ces dépistages et répondre à leurs interrogations.

Pour simplifier la réalisation de cette mission de santé publique, la liste mise à disposition des médecins traitants inclut leurs patients n'ayant pas participé aux dépistages auxquels ils sont éligibles, selon les intervalles recommandés, que ce soit dans le cadre des dépistages organisés ou d'une démarche individuelle. Il s’agit :

À noter : malgré toute l'attention portée par l'Assurance Maladie au ciblage des assurés présents sur cette liste, il est possible que certains d'entre eux ne soient finalement pas concernés (suivi spécifique, dépistage récent, etc.). Certains des patients ont également pu exprimer leur opposition à figurer sur ces listes.

Actualisation février et mars 2024

Sur le site, il n'y a toujours pas de chapitre dédié pour présenter les risques du dépistage, l'utilisateur doit faire la démarche de cliquer sur un lien qui l'envoie sur le site de INCA, puis de là cliquer sur un autre lien pour accéder au livret d'information, puis chercher volontairement la page sur les risques du dépistage parmi toutes les pages du livret.
Il est évident que personne ne procèdera à ces démarches complexes. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cancer-sein/depistage-gratuit-50-74-ans

Sur le site patient il est dit que le dépistage est un choix personnel

"La décision de s’engager dans une démarche de dépistage est un choix personnel : il est important de prendre connaissance des avantages et des inconvénients de cette démarche avant de décider d’y prendre part."

Sur le site pro en revanche l'incitation des patientes est toujours préconisée auprès des médecins

https://www.ameli.fr/medecin/actualites/depistages-organises-des-cancers-ce-qu-il-faut-savoir-sur-les-nouveautes-2024

"Pour améliorer la participation au dépistage organisé des 3 cancers cités plus haut (sein, côlon, col de l'utérus, NDLR), l’Assurance Maladie mettra à disposition des médecins traitants, courant 2024, la liste de leurs patients qui n’ont pas effectué les dépistages. Cette liste sera diffusée via amelipro. Les informations fournies leur permettront d’identifier leurs patients éligibles aux dépistages organisés, afin d’échanger avec eux et d’identifier les éventuels freins et leviers à la réalisation des dépistages."

Rien ne change réellement, l'accès à l'information n'est pas facilité à la patiente et doit être une démarche volontairement accomplie de sa part, et le médecin est toujours poussé à opter pour une incitation des patientes à se soumettre au dépistage, incitation privilégiée par rapport à l'information.

Références

[1] https://cancer-rose.fr/2022/09/12/les-risques-des-depistages-un-elephant-dans-un-couloir-2/

[2] https://cancer-rose.fr/2017/01/05/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/

[3] https://cancer-rose.fr/2019/10/14/en-parallele-dans-lactualite-la-faillite-du-depistage-colo-rectal/

[4] https://cancer-rose.fr/2020/06/05/le-surdiagnostic-du-cancer-de-la-thyroide-une-preoccupation-feminine-aussi/

[5] https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/

[6] https://cancer-rose.fr/2022/01/11/incitations-financieres-pour-le-depistage/

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L’excès des carcinomes in situ, un défi posé par le dépistage

Cancer Rose, 17/12/2022

A l'heure où la pratique de prescription est au rajeunissement du début des mammographies systématiques (les spécialistes gynécologues ont tendance à commencer à 40 ans, certaines femmes conseillées de débuter dès 35 ans), et où le Conseil de l'UE "suggère" (mais ne recommande pas) la possibilité de débuter le dépistage à 45 ans, les données de cet article devraient susciter prudence et réflexions par rapport aux pratiques étatsuniennes, où le dépistage débute dès 40 ans.

Ductal Carcinoma in Situ: State-of-the-Art Review
https://pubs.rsna.org/doi/10.1148/radiol.211839

Cette revue concernant le carcinome canalaire in situ proposée par Lars J. GrimmHabib Rahbar , Monica Abdelmalak , Allison H. Hall , Marc D. Ryser doit être connue des femmes, des prescripteurs, des radiologues.

Qu'est-ce qu'un CIS, et pourquoi sa surdétection est un problème?

Le CIS

Le carcinome in situ (CIS) du sein est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein.

Il est essentiellement de découverte mammographique, en effet 90 % des femmes ayant un diagnostic de CCIS (carcinome canalaire in situ) présentaient des microcalcifications à la mammographie. Dans leur grande majorité ces lésions ne mettent pas en danger la vie des femmes si elles ne sont pas détectées, leur pronostic est très bon, la survie à 10 ans, paramètre très utilisé par les autorités sanitaires, est supérieure à 95%. Il existe la forme canalaire et la forme lobulaire considérée plutôt simplement comme un facteur de risque de cancer du sein.

Les CIS alimentent largement les surdiagnostics, c'est à dire les détections de lésions qui sont inutiles aux femmes, mais seront traitées comme des cancers "vrais".
Les essais et études montrent que la croissante détection des CIS n’a pas contribué à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Avant l’ère des dépistages, le CIS représentait moins de 5% de tous les cancers du sein pour passer à 15 à 20% dans tous les pays où les campagnes de dépistage existent. Ils ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d'incidence (taux des nouveaux cas) donnés par l'Institut National du Cancer, car considérés à part, et non en tant que cancers "vrais".

Actuellement, des essais de surveillance active plutôt que de traitement agressif d'emblée sont à l'essai, dont vous trouverez le détail dans l'article (lien ci-dessus).

Que doit-on retenir des caractéristiques épidémiologiques du CIS depuis l'introduction des dépistages ?

Il y a eu une augmentation spectaculaire de l’incidence du CIS à la suite de l’introduction de programmes organisés de dépistage du cancer du sein aux États-Unis dans les années 1980. Depuis que le programme étatsunien de surveillance, d’épidémiologie et de résultats finaux, (le SEER), a commencé à recueillir des données en 1975-1979 jusqu’en 2000, l’incidence du CIS a augmenté de 571 % (4,9 cas contre 32,9 cas pour 100 000 femmes)[1].
L’incidence du carcinome canalaire invasif n’a augmenté que de 31 % (56,7 cas contre 75,7 cas pour 100 000 femmes) au cours de la même période, même si elle représentait toujours les deux tiers des nouveaux diagnostics de cancer du sein (même réf.).

 De 2000 à 2014, l’incidence du CIS a augmenté chez les femmes âgées de 20 à 44 ans (1,3 %) est de 45 à 55 ans (0,6 %), tandis qu'elle a décru chez les femmes âgées de 55 à 69 ans (0,3 %)[2]

Avis de l'USTPSTF (groupe de travail étatsunien sur les soins préventifs)
11 janvier2016
https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/recommendation/breast-cancer-screening

Le carcinome canalaire in situ est un exemple de lésion mammaire susceptible d'entraîner des taux élevés de surdiagnostic et de surtraitement. Avant l'introduction de la mammographie de dépistage généralisée, 6 cas de CCIS pour 100 000 femmes américaines par an étaient identifiés, contre 37 cas de DCIS pour 100 000 femmes par an après son introduction. Lorsqu'il est classé comme cancer, le CCIS représente aujourd'hui environ 1 cas sur 4 de tous les cancers du sein diagnostiqués au cours d'une année donnée. Cependant, sa nomenclature a récemment fait l'objet d'un débat, car par définition, le DCIS est confiné au système canalaire-lobulaire mammaire et est incapable de métastases (c'est-à-dire qu'il est non invasif et n'a donc pas les caractéristiques classiques du cancer). Le carcinome canalaire in situ peut donc être classé de manière plus appropriée comme un facteur de risque de développement futur d'un cancer ....
Le taux de mortalité par cancer du sein à 20 ans après traitement d'un CCIS n'est que de 3 % .

Surdiagnostic et surtraitement -

Au cours des dernières décennies, il est devenu de plus en plus clair qu’une fraction substantielle des lésions de type CIS détectées par mammographie progressent lentement ou sont indolentes, conduisant à un surdiagnostic de tumeurs qui n’auraient pas causé de symptômes pendant le restant de la vie de la patiente en l’absence de dépistage[3] [4] [5].

Un examen des études d’autopsie a révélé que de 5,9 % à 18 % des femmes décédées d’autres causes avaient un CIS non détecté[6].
En 2009, une conférence nationale sur l’état de la science des instituts de santé a lancé un appel à l’action à la communauté de l’oncologie du sein pour réduire le surdiagnostic et le surtraitement du CIS, bien qu’aujourd’hui l’incidence du CIS et les modes de traitement demeurent essentiellement inchangés[7] . Les estimations du surdiagnostic du CIS sont principalement fondées sur des études de modélisation, qui font état de fourchettes incroyablement larges allant de 20 % à 91 % selon les différences dans les hypothèses du modèle. [8] [9] [10] [11]

Commentaire Cancer Rose, l'histologie n'est pas une science exacte.

Ce sont les anatomo-pathologistes qui, in fine, posent le diagnostic de carcinome.
Leur travail est d'examiner des cellules au microscope de se prononcer quant à leur malignité ou leur bénignité. Le problème c’est que si bon nombre de lésions sont indéniablement cancéreuses et d’autres indéniablement normales, certaines sont difficiles à classer et se situent « entre les deux ». On parle de "lésions frontières".

Il s’agit de lésions pour lesquelles on ne retrouve pas tous les critères de la bénignité qui permettraient de rassurer pleinement et où tous les critères de la malignité ne sont pas non plus réunis pour assurer un diagnostic de carcinome in situ. L'hyperplasie atypique est une de ces entités, parfois, et de peur de porter préjudice à la patiente, le verdict de l'anatomo-pathologiste est "upgradé", selon la perception de l'anatomopathologiste sur les critères qu'il retiendra pour surclasser une lésion intermédiaire en situ ou pas.

L'examen histologique est valide pour confirmer une maladie cancéreuse, qui est évoquée sur l'imagerie et sur sur la dynamique des symptômes de la patiente, il est valide aussi pour infirmer une lésion et assurer sa bénignité.
Mais il est mauvais quand il y a "suspicion", que cette suspicion résulte d'un examen de dépistage où le radiologue est dans le doute, l'anatomopathologie aura tendance à proposer abusivement une classification plus péjorative de peur de "louper" quelque chose, créant ainsi des faux positifs. [12]

Conclusion

Selon les auteurs de cette revue, la détection, le diagnostic et la prise en charge du carcinome canalaire in situ (CIS) demeurent un défi pour les radiologues du sein, les pathologistes et les chirurgiens, surtout actuellement dans un contexte enfin préoccupé par le surdiagnostic et le surtraitement.
Notre compréhension très limitée du CIS sur le spectre biologique, du cancer bénin au cancer invasif, et de l’histoire naturelle du CIS non traité constitue un défi majeur.
La génomique et l’imagerie fournissent des renseignements limités sur la progression du CIS vers le cancer invasif, expliquent les auteurs.
Les radiologues sont généralement familiers avec les présentations d’imagerie les plus courantes du CIS, mais notre compréhension de la relation entre les caractéristiques d’imagerie et les marqueurs pathologiques, les nouvelles techniques d’imagerie et l’analyse avancée des images continue d’évoluer.
Entre-temps, les essais de surveillance active fourniront bientôt une solide source de données sur le pronostic du CCIS pour les femmes diagnostiquées avec un CIS à faible risque, bien que ces attentes soient tempérées par un faible recrutement parmi les deux essais européens. Les radiologues peuvent jouer un rôle important en veillant à ce que l’inscription à la surveillance active soit plus sécuritaire pour les patients et en déterminant quand les patients peuvent être à risque de progression de la maladie.
De petites améliorations dans le diagnostic et la prise en charge du CIS peuvent avoir un impact positif majeur sur les patients étant donné l’incidence élevée du CIS.

Les radiologues sont donc bien placés pour jouer un rôle proactif dans l’exploration multidisciplinaire du DCIS.

Nous rajouterons, les anatomo-pathologistes aussi.


Références

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[2] Ryser MD, Hendrix LH, Worni M, Liu Y, Hyslop T, Hwang ES. Incidence of Ductal Carcinoma In Situ in the United States, 2000-2014. Cancer Epi- demiol Biomarkers Prev 2019;28(8):1316–1323.

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[5] Ryser MD, Weaver DL, Zhao F, et al. Cancer Outcomes in DCIS Patients Without Locoregional Treatment. J Natl Cancer Inst 2019;111(9):952–960.

[6] Erbas B, Provenzano E, Armes J, Gertig D. e natural history of duc- tal carcinoma in situ of the breast: a review. Breast Cancer Res Treat 2006;97(2):135–144.

[7] Allegra CJ, Aberle DR, Ganschow P, et al. NIH state-of-the-science con- ference statement: diagnosis and management of ductal carcinoma in situ (DCIS). NIH Consens State Sci Statements 2009;26(2):1–27.

[8] de Koning HJ, Draisma G, Fracheboud J, de Bruijn A. Overdiagnosis and overtreatment of breast cancer: microsimulation modelling estimates based on observed screen and clinical data. Breast Cancer Res 2006;8(1):202.

[9] van Luijt PA, Heijnsdijk EA, Fracheboud J, et al. e distribution of ductal carcinoma in situ (DCIS) grade in 4232 women and its impact on overdiag- nosis in breast cancer screening. Breast Cancer Res 2016;18(1):47.

[10] Yen MF, Tabár L, Vitak B, Smith RA, Chen HH, Du y SW. Quantifying the potential problem of overdiagnosis of ductal carcinoma in situ in breast cancer screening. Eur J Cancer 2003;39(12):1746–1754.

[11] Seigneurin A, François O, Labarère J, Oudeville P, Monlong J, Colonna M. Overdiagnosis from non-progressive cancer detected by screening mammog- raphy: stochastic simulation study with calibration to population based regis- try data. BMJ 2011;343(nov23 1):d7017.

[12] Hurley sF, kalDor Jm. The bene ts and risks of mammographic screening for breast cancer. Epidemiologic Reviews. 1992;14:101-129.

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Dépistage : il est impératif de faire évoluer l’information des femmes

14/12/2022

Très récemment nous avons relayé les nouvelles recommandations préconisées par le Conseil de l'UE sur les dépistages, constatant qu'elles étaient plutôt prudentes et réfléchies.
Voir le texte du Conseil de l'UE

En grandes lignes, Le Conseil souligne qu'il est nécessaire d'obtenir des preuves supplémentaires de l'efficacité, du rapport coût-efficacité et de la faisabilité de certaines stratégies de dépistage en situation réelle, notamment pour de nouveaux dépistages comme pour le cancer de la prostate, celui du poumon et celui de l'estomac.
Les États membres sont invités à envisager la mise en œuvre des dépistages des cancers sur la base de preuves scientifiques concluantes, en fonction aussi de l'équilibre entre les avantages et les inconvénients des dépistages dont le public doit être dûment informé.

Parution au JO

Le texte est paru au journal officiel, les paragraphes suivants nous semblent capitaux car rejoignent les demandes de la concertation citoyenne de 2016.

(8)       "Le dépistage est le processus consistant à rechercher des maladies dont aucun symptôme n’a été détecté chez une personne. Malgré son effet bénéfique sur la mortalité due à la maladie et sur l’incidence de cancers invasifs, le processus de dépistage présente aussi des limites inhérentes qui peuvent avoir des effets négatifs sur la population dépistée. Il s’agit, entre autres, des faux positifs, qui peuvent être source d’anxiété et nécessiter des tests supplémentaires pouvant présenter des risques potentiels, des faux négatifs, qui apportent une fausse réassurance et retardent le diagnostic, du surdiagnostic (c’est-à-dire la détection d’un cancer qui ne devrait pas entraîner de symptômes au cours de la vie du patient) et du surtraitement qui en découle. Les prestataires de soins de santé devraient être conscients de tous les bénéfices et risques potentiels du dépistage pour un type donné de cancer avant de s’engager dans de nouveaux programmes de dépistage du cancer. En outre, ces bénéfices et ces risques doivent être présentés de manière compréhensible afin de permettre aux citoyens de donner leur consentement éclairé à participer aux programmes de dépistage."

(24) "Il est indispensable, d’un point de vue éthique, juridique et social, que le dépistage du cancer ne soit proposé à des personnes parfaitement informées ne présentant aucun symptôme que si les bénéfices et les risques découlant de la participation au programme de dépistage sont bien connus et les bénéfices sont supérieurs aux risques, et si le rapport coût-efficacité du dépistage est acceptable. Cette évaluation devrait faire partie intégrante de la mise en œuvre au niveau national."

Le Conseil en outre recommande, dans le même texte, aux Etats membres :

4)        "...de veiller à ce que les bénéfices et les risques, y compris les surdiagnostic et surtraitement éventuels, soient présentés d'une manière compréhensible aux personnes participant au dépistage, éventuellement dans le cadre d'un échange entre un professionnel de la santé et le participant, permettant aux personnes d'exprimer leur consentement éclairé lorsqu'elles décident de participer aux programmes de dépistage, et à ce que les principes de l'autodidaxie en matière de santé et de la prise de décision éclairée visant à accroître la participation et l'équité soient pris en considération."

Faire évoluer l'information des femmes, un impératif

Nous avions pointé l'insuffisance d'information du livret de l'INCa destiné aux femmes, qui, malgré quelques améliorations par rapport au précédent, ne fait toujours pas apparaître de pictogramme visuel permettant une compréhension facile de la balance bénéfices/risques, omet de parler de risques du dépistage mais utilise à la place le terme "limites" avec des explications pour les minimiser.

Ce livret ne répond pas aux recommandations du Conseil de l'UE.
Il est envoyé une seule fois à la femme lorsqu'elle atteint l'âge de 50 ans ; ensuite il lui sera envoyé seulement un dépliant lors de chaque dépistage ultérieur, qui ne mentionne aucun des risques du dépistage et qui renvoie vers un site internet, lui aussi très sujet à critiques. Au cours de la vie de la femme, il est évident que le message qui restera ancré dans son esprit sera celui, enjoliveur, du dépliant, dans lequel les risques ne sont tout bonnement pas mentionnés.

Ce qu'on peut constater est que dans le texte émis par le Conseil de l'UE les différents inconvénients du dépistage comme fausse alerte et surdiagnostic sont bien définis (en partie 8), alors que dans le livret de l'INCa la définition de ces notions est parfois très imprécise, souvent minimisée, celle du surdiagnostic est incomplète, le surtraitement non explicité (voir notre analyse).
Dans le dépliant, vous ne trouverez même pas du tout de mention du surdiagnostic.

Il est donc impératif, sur la base de l'exigence de l'UE concernant la présentation des risques du dépistage aux populations ciblées, de faire évoluer l'information des femmes invitées aux dépistages au-delà de 50 ans, dès 52 ans, aussi en respectant les exigences émises pour une bonne litératie, sans occulter les notions de fausse alerte et de surdiagnostic, les deux risques majeurs du dépistage du cancer du sein

En outre tant dans le livret que dans le dépliant, la survie à 5 ans est mise en avant comme "bénéfice", alors que ce n'est pas un indicateur d'efficacité du dépistage.
Dans la recommandation du conseil,  il est indiqué :
6) "Le principal indicateur de l'efficacité du dépistage est une diminution de la mortalité due à la maladie ou de l'incidence de cancers invasifs."

De plus, la présentation des bénéfices et risques n’est pas faite de manière compréhensible, comme recommandé par le Conseil UE.  La baisse de mortalité par cancer du sein est exprimée en pourcentage de réduction relative (15-21%)  alors que le pourcentage du surdiagnostic l'est en pourcentage absolu (10- 20%), ce n'est pas comparable. Ce travers est déjà présent dans le livret de 2017.
20% de diminution de mortalité par cancer ne signifie pas que 20 femmes dépistées sur 100 femmes, en moins, mourront du cancer.
Il s'agit là de l'indication uniquement du risque relatif. Les 20% de décès en moins ne signifient en aucun cas que 20 femmes en moins sur 100 mourront de cancer du sein si elles se font dépister. Ces 20% ne correspondent qu'à une réduction de risque relatif entre deux groupes comparés de femmes.
En fait, selon une projection faite par le Collectif Cochrane basée sur plusieurs études, sur 2 000 femmes dépistées pendant 10 ans, 4 meurent d’un cancer du sein ; sur un groupe de femmes non dépistées dans le même laps de temps 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en valeur absolue un seul décès de femme sera évité (risque absolu de 0.1% ou 0.05% ).

Concernant le taux du surdiagnostic, les 10 à 20% indiqués correspondent à l'évaluation la plus basse, d'autres études suggèrent des taux de surdiagnostics bien plus hauts. Ce surdiagnostic disparaît complètement dans le dépliant, et il y manque de façon flagrante une information compréhensible des risques.
Pour en savoir plus lire :
* L'INCa toujours aussi scandaleusement malhonnête et non-éthique
*Le nouveau livret de l'INCa

Que pourrait-on faire mieux ?

Il est temps que les autorités sanitaires répondent enfin de façon rigoureuse aux recommandations du Conseil publiées dans le Journal officiel, qu'elles respectent la population française en respectant ces recommandations.
Celles-ci indiquent que les "bénéfices et ces risques doivent être présentés de manière compréhensible afin de permettre aux citoyens de donner leur consentement éclairé à participer aux programmes de dépistage".

Pour ce faire, une option moderne et validée est l'emploi par exemple d'outils d'aide à la décision, comme celui du Harding Center of Literacy qui explique comment, de façon visuelle, il est possible de communiquer sur les risques.
https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of-cancer/early-detection-of-breast-cancer-by-mammography-screening

La méthodologie est parfaitement décrite ici :
https://www.hardingcenter.de/de/transfer-und-nutzen/faktenboxen,
avec la référence : https://www.hardingcenter.de/sites/default/files/2021-06/Methods_paper_Harding_Center_EN_20210616_final.pdf

8), page 13 de ce document : "Utilisation des nombres et présentation des risques
Les bénéfices et les risques d'une intervention médicale sont mis en balance dans des encadrés factuels. 
La référence en nombre est toujours la même pour les groupes d'intervention et de contrôle. Les fréquences des événements sont communiquées en nombres absolus. Les risques relatifs ne sont pas communiqués. La valeur de référence choisie (100, 1 000 ou même 10 000) dépend des données de l'étude. Il faut s'assurer que l'indication des nombres entiers soit possible et que les différences statistiquement significatives existantes apparaissent clairement. 
Le changement du risque en termes absolus est indiqué à la fois dans le bref résumé de l'encadré et dans le texte d'accompagnement. 
On ne recourt pas à un format incohérent (présentation des avantages et des inconvénients sous des formats différents). "

Un autre visuel est disponible dans le guide OMS, en page 37/38
https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/330852/9789289054799-fre.pdf

"Les profanes aussi bien que les médecins cliniciens tendent à surestimer les bénéfices du dépistage et à sous-estimer ses effets nocifs (36). Former le personnel à la communication sur les risques et à des outils tels que les infographies, les vidéos et les aides à la décision peut faciliter la compréhension et promouvoir le consentement éclairé de même que les pratiques fondées sur des bases factuelles (cf. Figure 15)."
Voir l'infographie en page 38

Nous proposons de notre côté un "outil Cancer Rose", court et illustré, basé sur des données françaises, que vous pouvez consulter ici : https://drive.google.com/file/d/16Y0wGamO_ZKNV0wrereu0rAqSJNw540o/view

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Pour conclure

Le Conseil de l'UE a émis des recommandations en particulier sur l'information du public et sur la présentation de l'information qui recoupe les demandes citoyennes.

  • L'OMS demande le respect des principes de Wilson et Junger, (lire ici, milieu d'article) ;
  • la concertation citoyenne et scientifique française demande une amélioration de l'information avec présentation honnête et neutre des données,
  • le Conseil de l'UE recommande de façon appuyée une présentation compréhensible des risques du dépistage ; alors qu'elle est encore l'étape supplémentaire qu'il faudrait à nos autorités sanitaires françaises pour exposer loyalement et sincèrement aux femmes les bénéfices et les risques pour leur permettre de faire un vrai choix éclairé ?

Il faut cesser de camoufler les risques du dépistage auxquels sont honteusement soumises les citoyennes, et les informer que le dépistage peut exposer à des inconvénients et des risques, dont le surdiagnostic, qui les mènera inutilement à une maladie qu'elles n'auraient jamais connue sans lui.

Oui vraiment, il est plus que temps....

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