Prudence du Conseil de l’Union Européenne sur l’extension des dépistages

Par Cancer Rose, 11 décembre 2022

En septembre 2022, la Commission Européenne émettait des recommandations pour une nouvelle approche en matière de dépistages.
Nous en parlions ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/22/une-nouvelle-approche-de-lue-en-matiere-de-depistage-du-cancer/

La Commission européenne proposait alors une extension et/ou une reprise de certains dépistages, et une implantation de nouveaux venus, pour certains inexistants (le dépistage du cancer de l'estomac)...

L'objectif étant qu'à l'horizon 2025, 90% de la population de l'UE participe aux dépistages du cancer du sein, de la prostate, du col de l'utérus et du cancer colo-rectal.
S'y rajouteraient les dépistages du cancer du poumon et celui de l'estomac, alors que pour ce dernier aucune étude probante n'existe.

On constate avec soulagement que le Conseil de l'Union Européenne n'a pas suivi ces recommandations, et a été prudent. En ce mois de décembre est publié ce qui a été finalement adopté, et ce que nous allons analyser.

Comparaison des communiqués de presse
Comparaison des recommandations entre projet initial et recos adoptées
Résumé des recommandations pour le dépistage cancer du sein
Rappel de la controverse sur le cancer du poumon
Rappel de la controverse sur le cancer de la prostate
Conclusion
Réactions
Réaction de la WONCA
Publication au Journal Officiel

Comparaison des communiqués de presse

Voici le projet initial de septembre 2022 et celui émis en ce mois de décembre 2022, contenant ce qui a été retenu comme recommandations finales.

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En surligné vous pouvez constater les différences entre le projet et ce qui a été retenu :

  • Pour le cancer cervical et colorectal, des termes plus modérés sont employés sur l'utilisation des tests, qualifiés d'outil "privilégié" pour le dépistage du cancer du col, ou de "dépistage préféré" concernant les tests immunochimiques pour le dépistage du cancer colo-rectal.
  • Pour les trois nouveaux dépistages (poumon, estomac, prostate), le Conseil de l'UE invite à faire des recherches au préalable pour étudier la faisabilité et l'efficacité de ces dépistages, et se garde donc de les introduire comme préconisé initialement.
  • Pour le cancer du sein la recommandation persiste entre 50 et 69, et le dépistage est uniquement suggéré entre 45-74 ( non "recommandé " comme voulu initialement par la Commission Européenne).
    A noter que le dépistage à 45 ans-50 ans était déjà initialement seulement "suggéré".

Comparaison des recommandations, entre le projet initial et l'adoption des recommandations finales par les états membres

Attention : modification du lien encart de droite-Proposition de recommandation (RC) du Conseil sur le renforcement de la prévention par la détection précoce: une nouvelle approche du dépistage du cancer remplaçant la CR 2003/878/CE
https://health.ec.europa.eu/publications/proposal-council-recommendation-cr-strengthening-prevention-through-early-detection-new-approach_en

et : https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/12/09/council-updates-its-recommendation-to-screen-for-cancer/#:~:text=Mettre%20l'accent%20sur%20la,d%C3%A9pistage%20s'est%20r%C3%A9v%C3%A9l%C3%A9%20positif.

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Voici les principales améliorations notables dans le texte final, et les précautions retenues par les décisionnaires :

  • Les principes de Junger et Wilson* sont rappelés, principes qu'on doit appliquer ainsi que d'autres critères déterminés par l'OMS permettant d'évaluer la faisabilité du dépistage avant son implémentation
  • Les risques de surdiagnostic (avec la définition claire) et du surtraitement ont été rajoutés et la nécessité d'informer.
  • On évoque les aides à la décision, en tous cas la nécessité d'exposer les données de façon parfaitement compréhensible. **
  • La notion "d'efficacité de dépistage" est enfin définie en mentionnant qu'elle est définie par la diminution de la mortalité spécifique et la diminution de l'incidence des cancers invasifs.
  • On rappelle que pour le dépistage du cancer du poumon et de la prostate les preuves sont limitées
  • Est souligné le fait qu'on doit tenir compte des aspects de la capacité du système de santé à supporter les dépistage et de prendre en considération les ressources nécessaires.
  • Le "dépistage doit être offert quand il est prouvé que le dépistage améliore la mortalité spécifique" est remplacé par un "dépistage qui doit être offert quand les bénéfices  et les risques sont bien connus et les bénéfices sont plus importants que les risques"
  • Pour l'efficacité par rapport au cout, celle ci doit être considérée au niveau national
  • Est rappelé que les tests de dépistage  (pour les 3 dépistages actuels (colo-rectal, sein, col de l'utérus), et pour 3 nouveaux dépistages (poumon, prostate et estomac) à étudier), doivent être offerts seulement s'il est prouvé que les critères de Junger and Wilson repris par l'OMS sont satisfaits, et que information est fiable sur les bénéfices et les risques.
  • L'accent est mis sur la prise en compte des capacités et des priorités au niveau national lors de l'implémentation de nouveaux programmes de dépistage.
  • Le critère des 90% de la population européenne qui est censée se voir proposer les 3 dépistages (sein, colorectal et cervical) en 2025 est supprimé du texte (taux probablement irréaliste).
  • Dans l'information des populations, les bénéfices et les risques, incluant le surdiagnostic et le surtraitements doivent être présentés, potentiellement via un échange entre le patient et le professionnel de santé, pour une décision éclairée du patient.
  • Pour de nouveaux tests de dépistage, il convient d'envisager l'implémentation seulement après des tests randomisés avec des preuves scientifiques sur l'efficacité.
  • Il convient aussi de travailler et de coopérer sur les tests prédictifs, sur des algorithmes pour réduire le surdiagnostic et le surtraitement.
  • On rappelle le besoin de disposer de preuves scientifiques (evidences based), et on rajoute le terme "risques" à coté de "bénéfices" dans l'évaluation des programmes de dépistages, 
  • Est rajouté enfin le support technique accordé aux pays, si demandé, pour des activités d'information des populations et des parties prenantes, sur les bénéfices et les risques, comme les aides à la décision tenant compte de la littératie en santé des populations.

*Principes de Junger et Wilson pour instaurer un dépistage:
Quels sont ces critères déterminant le bien-fondé d'un dépistage retenus par l'OMS ?Les 10 critères retenus par L'OMS sont :

  • La maladie étudiée doit présenter un problème majeur de santé publique
  •  L’histoire naturelle de la maladie doit être connue
  • Une technique diagnostique doit permettre de visualiser le stade précoce de la maladie
  •  Les résultats du traitement à un stade précoce de la maladie doivent être supérieurs à ceux obtenus à un stade avancé
  •  La sensibilité et la spécificité du test de dépistage doivent être optimales
  • Le test de dépistage doit être acceptable pour la population
  • Les moyens pour le diagnostic et le traitement des anomalies découvertes dans le cadre du dépistage doivent être acceptables
  •  Le test de dépistage doit pouvoir être répété à intervalle régulier si nécessaire
  •  Les nuisances physiques et psychologiques engendrées par le dépistage doivent être inférieures aux bénéfices attendus
  •  Le coût économique d’un programme de dépistage doit être compensé par les bénéfices attendus

**Voici les chapitres consacrés à la litératie (compréhension de la population des données en santé)

Résumé concernant les recommandations sur le dépistage du cancer du sein

  • 1) Directives européennes actuelles pour les 45-50 ans et 70-74 ans

Les directives actuelles, publiées sur le site de l’Europe, ne recommandent pas un dépistage pour les femmes de 45-50 ans et 70-74 ans, mais seulement le « suggère ».

https://healthcare-quality.jrc.ec.europa.eu/european-breast-cancer-guidelines/screening-ages-and-frequencies/women-45-49

https://healthcare-quality.jrc.ec.europa.eu/ecibc/european-breast-cancer-guidelines/screening-ages-and-frequencies#recs-group-70-74

Ces directives qui datent de 2019, sont publiées dans la revue :

https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/m19-2125

Dans le supplément figure le tableau avec les recommandations actuelles qui "suggèrent", mais ne recommandent pas le dépistage entre 45-50 ans et 70-74 ans.

https://www.acpjournals.org/doi/suppl/10.7326/M19-2125/suppl_file/M19-2125_Supplement.pdf

  • 2) Proposition de la Commisssion Europenne pour une extension du dépistage à la tranche d'âge de 50-69 ans à 45-74 ans

En septembre 2022, La Commission Européenne a tenté une extension des bornes, avec une proposition de changement des directives

PROPOSITION :
Texte, page 1 : https://health.ec.europa.eu/publications/proposal-council-recommendation-cr-strengthening-prevention-through-early-detection-new-approach_en

“Extending breast cancer screening from women aged 50 to 69 to include women between 45 and 74 years of age and to consider specific diagnostic measures for women with particularly dense breasts;

Etendre le dépistage du cancer du sein proposé aux femmes âgées de 50 à 69 ans afin d’y inclure les femmes âgées de 45 à 74 ans et envisager des mesures de diagnostic spécifiques pour les femmes dont la poitrine est particulièrement dense; »

 Annexe page 1

https://health.ec.europa.eu/publications/annex-proposal-council-recommendation-cr-strengthening-prevention-through-early-detection-new_en

« Breast cancer: 

Breast cancer: Breast cancer screening for women starting aged 45 to 74 with digital mammography or digital breast tomosynthesis 1 , and for women with particularly dense breasts consider magnetic resonance imaging (MRI), where medically appropriate.

Cancer du sein

Test de dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 45 à 74 ans par mammographie numérique ou tomosynthèse numérique1; chez les femmes ayant des poitrines particulièrement denses, envisager l’imagerie par résonance magnétique (IRM), lorsque cela est approprié sur le plan médical »

  • 3) Contre-proposition du conseil de l’Union Européenne : pas  de changement des directives actuelles, pas d’extension pour inclure les 45-74 ans, dépistage non pas recommandé mais seulement suggéré pour les 45-50 ans et 70-74 ans

En réponse à cette proposition, le Conseil de l’Union Européenne, dans le texte publié  le 9 décembre 2022, n’a pas adopté cette extension.
Les directives pour la tranche d’âge 45-50 ans et 70-74 ans sont restées les mêmes (identiques aux directives actuelles)

Annexe, page 21
https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-14770-2022-INIT/en/pdf

“Breast cancer:

Considering the evidence presented in the European guidelines9, breast cancer screening for women aged 50 to 69 with mammography is recommended. A lower age limit of 45 years and an upper age limit of 74 years is suggested. The use of either digital breast tomosynthesis or digital mammography is suggested. The use of magnetic resonance imaging (MRI) should be considered when medically appropriate

Cancer du sein :

Compte tenu des données présentées dans les lignes directrices européennes 9, le dépistage du cancer du sein par mammographie est recommandé pour les femmes âgées de 50 à 69 ans. Une limite d'âge inférieure de 45 ans et une limite d'âge supérieure de 74 ans sont suggérées. L'utilisation de la tomosynthèse mammaire numérique ou de la mammographie numérique est suggérée. L'utilisation de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) devrait être envisagée lorsque cela est médicalement approprié.”

Rappel de la controverse sur le dépistage du cancer du poumon

Nous avons relaté la controverse sur le dépistage du cancer du poumon et les réactions et publications qui s'en sont suivies ici, actualisées jusqu'à mars 2022 : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/

Rappel de la controverse sur le dépistage du cancer de la prostate

Voici le rappel sur le dépistage du cancer prostatique, et pourquoi la Haute Autorité de Santé ne le préconise pas :
https://cancer-rose.fr/2017/01/05/en-parallele-au-depistage-du-sein-celui-de-la-prostate-du-surdiagnostic-aussi/

https://www.has-sante.fr/jcms/c_1238318/fr/cancer-de-la-prostate-identification-des-facteurs-de-risque-et-pertinence-d-un-depistage-par-dosage-de-l-antigene-specifique-de-la-prostate-psa-de-populations-d-hommes-a-haut-risque
"A ce jour, il n’y a pas de démonstration robuste du bénéfice d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) en population générale, que ce soit en termes de diminution de la mortalité ou d’amélioration de la qualité de vie. Ainsi, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate n’est recommandé en population générale, en France comme aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni."

Conclusion

Le Conseil souligne qu'il est nécessaire d'obtenir des preuves supplémentaires de l'efficacité, du rapport coût-efficacité et de la faisabilité de certaines stratégies de dépistage en situation réelle.
Les États membres sont invités à envisager la mise en œuvre des dépistages des cancers cités, sur la base de preuves scientifiques concluantes, tout en évaluant et en prenant des décisions au niveau national ou régional en fonction de la charge de la maladie et des ressources disponibles en matière de soins de santé, en fonction aussi de l'équilibre entre les avantages et les inconvénients et du rapport coût-efficacité du dépistage du cancer, ainsi que de l'expérience tirée des essais scientifiques et des projets pilotes.

Pour le Cancer du sein : une limité basse de 45 ans et haute de 74 ans sont suggérées (et non pas recommandées comme dans la proposition initiale).
On supprime la mention sur les seins denses.(L'inclusion de l'IRM pour les femmes à seins denses est très débattue ; voir https://cancer-rose.fr/2022/04/26/grosse-deconvenue-pour-lirm-mammaire/)
Pour les trois nouveaux dépistages (poumon, prostate, estomac), le Conseil adopte une position modérée, on invite à poursuivre les recherches pour évaluer la faisabilité et on inclut aussi la notion d'efficacité.
Pour le cancer du poumon, le programme doit inclure aussi des stratégie de prévention primaire (lutte contre le tabagisme) et secondaire.
Pour le cancer gastrique la proposition d'une implémentation immédiate est supprimée, des tests de faisabilité sont demandés.

Réactions

Réaction de la commissaire européenne à l'origine du projet de nouvelles recommandations :

"L’adoption aujourd’hui par le Conseil de nouvelles recommandations de l’UE en matière de dépistage du cancer constitue une étape importante pour les soins contre le cancer, tant au niveau national qu’au niveau européen. 20 ans se sont écoulés depuis l’adoption des recommandations actuelles et la médecine a fait des progrès incroyables. Il est grand temps que de nouvelles recommandations actualisées soient mises en œuvre dans l’ensemble de l’UE et qu’il soit remédié aux disparités inacceptables en matière d’accès. Même si une approche encore plus ambitieuse aurait été souhaitable, cette journée n’en représente pas moins un moment charnière pour les citoyens de l’UE et une réalisation essentielle du plan européen pour vaincre le cancer." Stella Kyriakides, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire - 09/12/2022

La lettre de protestation de l' European Cancer Organisation (regroupant urologues, radiologues, gastro, oncologues etc...)  

https://www.europeancancer.org/screening

Des interventions tardives pour insérer une prudence excessive et une ambition réduite

......, à la suite d'une réunion à huis clos des représentants des États membres le lundi 24 octobre, nous comprenons qu'une réécriture significative de la proposition de la Commission a eu lieu pour :
-Saper et contredire les conseils fournis par le groupe des conseillers scientifiques principaux de l'UE, notamment en ce qui concerne l'ajout de nouveaux programmes de dépistage du cancer et les domaines à mettre à jour en ce qui concerne les types de tumeurs actuellement couverts par les recommandations du Conseil de l'UE de 2003 ;
-Supprimer du texte les objectifs du plan "vaincre le cancer" en matière de participation au dépistage ;
-Insérer des sections entièrement nouvelles indiquant tous les risques potentiels et historiques cités du dépistage du cancer ;Imposer des critères spécifiques que chaque État membre de l'UE devrait utiliser pour prendre des décisions sur le dépistage du cancer,
-Insister de manière exagérée sur les prérogatives nationales permettant aux pays de s'exempter des recommandations ;
-Diluer des conseils relatifs à la satisfaction des besoins psychologiques des personnes chez qui un cancer a été diagnostiqué à la suite d'un dépistage ; et,
-Affaiblir des sections relatives à la nécessité de disposer de systèmes adaptés pour l'enregistrement et la publication d'informations sur les résultats du dépistage.

Members - European Cancer Organisation

Réaction de la WONCA

Déclaration d'EUROPREV sur l'annonce d'une nouvelle approche européenne de la détection du cancer par la Commission européenne
https://europrev.eu/2022/11/27/statement-about-a-new-eu-approach-on-cancer-detection/

27 novembre 2022
EUROPREV - c'est le Réseau Européen pour la Prévention et la Promotion de la Santé en Médecine de Famille et en Médecine Générale. EUROPREV est l'un des cinq réseaux de WONCA Europe.

WONCA Europe :

La branche régionale européenne, WONCA Europe, est la communauté académique et scientifique pour la médecine générale/ médecine de famille en Europe, qui représente 47 organisations membres et plus de 90.000 médecins de famille en Europe.

Le Collège de la Médecine Générale est le représentant de la France auprès des instances internationales œuvrant pour la promotion de la médecine générale. Il peut être consulté sur des questions professionnelles et politiques liées à la spécialité tant au plan national qu’international. Il est membre de l’Organisation mondiale des médecins généralistes, médecins de famille (Wonca Europe et Wonca Monde) et de l’Union Européenne des Médecins Omnipraticiens (UEMO) dont il assure une vice-présidence depuis 2017.

WONCA Monde :

WONCA est un acronyme comprenant les cinq premières initiales de l'Organisation mondiale des collèges nationaux, académies et associations académiques de médecins généralistes/médecins de famille. Le nom court est l'Organisation mondiale des médecins de famille. WONCA a été créée par 18 membres en 1972. Elle compte actuellement 122 organisations membres dans 102 pays, avec un total de 500 000 médecins de famille. WONCA représente et défend les intérêts de ses membres au niveau international, où elle interagit avec des organismes mondiaux tels que l'Organisation mondiale de la santé (OMS). WONCA couvre sept régions : Afrique, Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe, Asie du Sud, Iberoamericana-CIMF et WONCA East Mediterranean Region.

PDF version

En matière de dépistage de cancer, souvent "moins, c'est PLUS!"

À la Commission européenne - Santé et sécurité alimentaire
A la Direction Générale Santé et Sécurité Alimentaire
Aux autorités sanitaires de l'Union européenne
Aux professionnels européens de la médecine familiale et de la santé publique

 Le 20 septembre dernier, la Commission européenne a annoncé : "Une nouvelle approche de l'UE en matière de détection du cancer - dépister plus et dépister mieux".(1)

Les nouvelles recommandations comprennent, entre autres, les points suivants

- L'extension du groupe cible pour le dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 45 à 74 ans (contre la tranche d'âge actuelle de 50 à 69 ans) ;
- Le dépistage du cancer du poumon pour les gros fumeurs actuels et les anciens fumeurs âgés de 50 à 75 ans.
- Dépistage du cancer de la prostate chez les hommes jusqu'à 70 ans sur la base d'un test d'antigène spécifique de la prostate, et d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour le suivi.

Compte tenu des meilleures preuves scientifiques disponibles, nous attirons votre attention sur les faits suivants :

Dépistage du cancer du sein

- Pour 2000 femmes dépistées par mammographie annuelle pendant dix ans, un décès par cancer du sein sera évité. Mais, en même temps, 200 femmes souffriront des conséquences de longue durée d'un résultat faux positif, et dix femmes seront surdiagnostiquées et surtraitées, avec tous les préjudices que cela comporte, allant de l'étiquette de malade du cancer aux effets secondaires et tardifs du traitement contre le cancer. Par conséquent, l'équilibre entre les bénéfices et les risques est incertain, et chaque femme devrait recevoir cette information.(2)
- L'extension du groupe ciblé augmentera proportionnellement les risques et diminuera les bénéfices associés à ce dépistage. Augmentation des risques : les femmes plus jeunes ont un tissu mammaire plus dense, ce qui augmente le taux de faux positifs, et les femmes âgées ont un risque concomitant plus élevé de mourir d'une autre cause que le cancer du sein, ce qui augmente le risque de surdiagnostic. Diminution des bénéfices : l'incidence du cancer du sein est beaucoup plus faible chez les femmes âgées de 45 à 49 ans et, par conséquent, la réduction de la mortalité est beaucoup plus faible en chiffres absolus ; chez les femmes âgées, le bénéfice attendu d'une diminution de la mortalité est beaucoup moins probable en raison de leur espérance de vie plus courte.

Dépistage du cancer de la prostate

- Si on utilise les meilleures preuves disponibles provenant de deux instituts indépendants : la Collaboration Cochrane et l'USPSTF, alors il existe des preuves solides de l'absence de réduction de la mortalité due au dépistage du PSA. Si on sélectionne les preuves ("cherry picking"), alors dans le meilleur des cas, il a été démontré que pour 1000 hommes dépistés par le PSA, deux évitent la mort par cancer de la prostate. Mais, en même temps, 155 hommes connaîtront une fausse alerte. Généralement, cela est associé à une ablation inutile de tissus. Et 51 hommes seront surdiagnostiqués et traités inutilement, avec une détérioration significative de la qualité de vie (incontinence urinaire, dysfonctionnement érectile).(3)
- Les dommages potentiels associés à ce dépistage sont très préoccupants, et c'est pourquoi, jusqu'à présent, aucun programme de dépistage du cancer de la prostate en population n'a été mis en œuvre en Europe. 

Dépistage du cancer du poumon, de l'estomac et d'autres cancers

- Les données disponibles sur les bénéfices et les risques de ces dépistages sont encore rares. Ces programmes de dépistage suscitent également des inquiétudes quant aux faux positifs et au surdiagnostic. Aucun programme de dépistage de cancer dans une population ne devrait être mis en œuvre sans que des essais contrôlés randomisés correctement conçus sur des populations européennes n'évaluent l'équilibre entre les bénéfices et les risques liés à chaque dépistage.(4)

Le mythe du diagnostic précoce

Selon la Commission européenne, ces nouvelles recommandations visent à "augmenter le nombre de dépistages, en couvrant plus de groupes cibles et plus de cancers".

Bien que bien intentionné, cela se traduira, dans la pratique, par un plus grand nombre de personnes en bonne santé inutilement transformées en patients du fait du surdiagnostic.

En outre, et toujours malgré les bonnes intentions, cela se traduira, dans la pratique, par davantage de souffrances, de cancers et de coûts pour des systèmes de santé déjà surchargés et aux ressources limitées.

Enfin, et encore une fois, même si les intentions sont bonnes, dans la perspective de la crise climatique, les émissions de carbone des interventions de soins à faible valeur ajoutée, comme les programmes de dépistage proposés, ne sont pas durables. De plus, ces programmes vont accroître les inégalités sociales en matière de santé et promouvoir la loi inverse des soins.

La proposition de la Commission européenne repose sur un mythe médical. Selon la déclaration de la Commission européenne, "Plus le cancer est détecté tôt, plus cela peut faire une réelle différence en augmentant les options de traitement et en sauvant des vies". En matière de dépistage, il s'agit d'un mythe. Nous disposons aujourd'hui de données issues de programmes de dépistage en population qui montrent que le facteur essentiel de réduction de la mortalité par cancer n'est pas lié à un diagnostic précoce, mais à un bon accès aux soins de santé et aux nouveaux traitements du cancer.(5-7)

Dans le cas du cancer, très souvent, un diagnostic précoce ne signifie qu'un fardeau plus lourd pour la maladie, avec plus de souffrance.

NOTRE RECOMMANDATION

La proposition actuelle de la Commission européenne doit être révisée.

Si nous voulons vraiment améliorer la façon dont le cancer est traité en Europe, nous devons nous concentrer sur les points suivants :

- La prévention primaire : au niveau de la population, améliorer l'alimentation, augmenter l'activité physique, diminuer le tabagisme et la consommation d'alcool. L'efficacité des interventions sociétales structurelles a été démontrée par des preuves solides et de haute qualité, tandis que les interventions de prévention primaire au niveau individuel se sont avérées sans effet, ou seulement à court terme.

- Un bon accès aux soins de santé primaires. Chaque citoyen européen devrait avoir le droit d'avoir son médecin de famille, ce qui signifie avoir le droit d'être soigné par des médecins spécialisés en médecine de famille dans une relation de confiance et de continuité et où le médecin généraliste est formé à la médecine fondée sur les preuves.

- Prévention tertiaire : en cas de diagnostic de cancer, un accès rapide et de qualité aux centres oncologiques spécialisés (ou à d'autres spécialistes compétents) est essentiel pour améliorer les résultats. Cela inclut également un bon accès aux nouvelles thérapies anticancéreuses fondées sur des données probantes.

-Prévention quaternaire : de nouveaux programmes de dépistage devraient être mis en œuvre uniquement lorsque les bénéfices sont plus importants que les risques.

References

1. European Health Union: cancer screening [Internet]. European Commission - European Commission. [cited 2022 Nov 8]. Available from: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_5562
2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 4;(6):CD001877.
3. Harding Center for Risk Literacy. Early detection of prostate cancer with PSA testing [Internet]. Available from: https://www.hardingcenter.de/en/transfer-and-impact/fact-boxes/early-detection-of- cancer/early-detection-of-prostate-cancer-with-psa-testing
4. Heleno B, Thomsen MF, Rodrigues DS, Jorgensen KJ, Brodersen J. Quantification of harms in cancer screening trials: literature review. BMJ. 2013 Sep 16;347(sep16 1):f5334–f5334.
5. Miller AB, Wall C, Baines CJ, Sun P, To T, Narod SA. Twenty five year follow-up for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ. 2014 Feb 11;348:g366.
6. Bleyer A, Welch HG. Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence. N Engl J Med. 2012 Nov 22;367(21):1998–2005.
7. Autier P, Boniol M, Gavin A, Vatten LJ. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database. BMJ. 2011 Jul 28;343:d4411.

Publication au journal officiel

Et c'est ici : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32022H1213(01)

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L’amélioration de la mortalité par cancer du sein imputable aux traitements

Par Cancer Rose, 5/12/2022

Évaluation du dépistage par mammographie sur la mortalité par cancer du sein en Caroline du Nord.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36287307/

Burch AE, Irish WD, Wong JH. Une évaluation de la santé des populations concernant l'impact du dépistage mammographique sur la mortalité par cancer du sein en Caroline du Nord.
"A population health assessment of screening mammography on breast cancer mortality in North Carolina"
Ashley E BurchWilliam D IrishJan H Wong
DOI: 10.1007/s10549-022-06773-3

Objectif de l'étude

Les auteurs de la East Carolina University, Greenville, en Caroline du Nord (USA) ont réalisé une étude transversale*, intégrant des données provenant de bases de données gouvernementales et privées afin de modéliser les facteurs prédictifs du dépistage par mammographie et de la mortalité par cancer du sein en Caroline du Nord.
*Dans les enquêtes épidémiologiques transversales, les sujets formant l'échantillon font l'objet d'une investigation de durée limitée, ce qui permet d'aborder les phénomènes présents au moment de l'étude.

Population étudiée : en 2010, la Caroline du Nord comptait 9 535 483 habitants, dont 2 511 135 (26,3 %) étaient des femmes âgées de 40 ans ou plus. Parmi celles-ci, environ 1 678 416 femmes ont entre 40 et 74 ans inclus.

Résultat principal

Les progrès des traitements disponibles représentent vraisemblablement le principal contributeur à l’amélioration de la mortalité par cancer du sein.

Discussion

Les auteurs ont évalué la relation entre la mortalité par cancer du sein et les cancers avancés au moment du diagnostic, l'incidence du cancer du sein ajustée selon l'âge et les taux de dépistage par mammographie. En outre, ils ont inclus les trois variables qui se sont avérées être significativement liées aux taux de dépistage par mammographie : la pauvreté persistante, le pourcentage de personnes ayant fait des études supérieures et le score de littératie en matière de santé.
Parmi les variables évaluées, seules l'incidence du cancer du sein ajustée à l'âge et le score de littératie en santé sont significativement liés à la mortalité par cancer du sein.

Les auteurs écrivent : "Dans la présente étude, nous avons émis l'hypothèse que la variabilité substantielle des taux de mortalité par cancer du sein chez les femmes dans les comtés de Caroline du Nord et le stade tardif du diagnostic pouvaient s'expliquer, au moins en partie, par le manque d'accès à la mammographie de dépistage. Nos résultats étaient inattendus. Nous n'avons observé qu'une faible corrélation entre les taux de mammographie de dépistage au niveau des comtés de Caroline du Nord et la mortalité par cancer du sein et, dans une analyse multivariable, la mammographie de dépistage n'a pas contribué au modèle prédictif de la mortalité par cancer du sein au niveau des comtés.

Il a été démontré que le dépistage par mammographie augmente la proportion de cancers du sein à un stade précoce, dont un pourcentage indéterminé ne se manifesteront pas cliniquement au cours de la vie de la femme. Cependant, l'impact de la mammographie de dépistage sur la diminution du cancer du sein à un stade avancé au moment du diagnostic a été minime depuis son instauration.

Harding et ses collègues ont analysé plus de 10 ans de données de Centre de Surveillance, d'Epidémiologie et de Résultats Finaux (SEER) au niveau des comtés et ils n'ont pas observé de bénéfice du dépistage par mammographie en termes de mortalité au niveau de la population du comté chez les femmes âgées de ≥ 40 ans ayant subi au moins une mammographie au cours des deux dernières années. Nos résultats sont cohérents avec ces observations. Bien que l'incidence du cancer du sein soit prédictive d'une augmentation de la mortalité par cancer du sein, nous n'avons pas observé de corrélation entre le pourcentage des cancers avancés au moment du diagnostic et le taux de mammographies de dépistage au niveau du comté en Caroline du Nord.
Lire : https://cancer-rose.fr/2015/07/06/analyse-etude-jama/"

En effet (NDLR) l'étude Harding montre une non-réduction des cancers avancés, une non-réduction de la mortalité malgré la pression au dépistage des populations. (Cliquez sur l'image pour agrandir)

"Il est à noter qu'il n'y avait pas de corrélation significative entre les taux de dépistage par mammographie et les variables d'accès aux soins (installations mammographiques ou prestataires de soins de santé (médecins de soins primaires, médecins obstétriciens et gynécologues, assistants médicaux ou infirmiers praticiens)) ou la mortalité par cancer du sein........Le comté ayant le taux le plus élevé de mammographie de dépistage n’avait pas d’installations de mammographie dans le comté, bien qu’il se trouvait en périphérie d’une zone statistique centrale, et il présentait l’un des taux de mortalité par cancer du sein ajustés selon l’âge les plus élevés."

Cliquez sur l'image pour agrandir

"Malgré une acceptation générale des bénéfices du dépistage par mammographie, certains remettent en question l'ampleur des bénéfices attribuables au dépistage par mammographie et suggèrent que l'absence de baisse des cancers du sein au stade avancé du diagnostic est la preuve d'un surdiagnostic de cancers qui étaient destinés à ne jamais devenir cliniquement pertinents. La modélisation statistique suggère que le dépistage mammographique représente entre 28 et 65% de la diminution totale de la mortalité par cancer du sein. Nous avons constaté que le taux d'incidence du cancer du sein, combiné à la littératie de la santé, ne représente que 16,7 % de la variabilité de la mortalité par cancer du sein. Cela renforce la position selon laquelle les améliorations de la mortalité par cancer du sein sont dues, en grande partie, à l'amélioration des traitements."

................
Les auteurs rajoutent : "cette analyse est spécifique à la Caroline du Nord et nos résultats peuvent ne pas être directement applicables à d'autres États qui ont des caractéristiques de population et des données démographiques différentes. Cependant, la modélisation statistique utilisée dans cette étude pourrait être appliquée à d'autres populations pour comprendre l'effet du dépistage par mammographie sur la mortalité par cancer du sein."

Conclusion de l'étude

Cela suggère que les améliorations de la mortalité par cancer du sein sont en grande partie le résultat de l'amélioration des traitements et non du dépistage par mammographie.

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Cancer Grand Challenges- une communauté de chercheurs, un défi

Cancer Grand Challenges

https://cancergrandchallenges.org

Cancer Grand Challenges soutient une communauté de chercheurs diversifiée et mondiale pour qu'elle se rassemble, pour qu'elle pense différemment et relève certains des défis les plus difficiles dans le domaine du cancer. Il s'agit des obstacles qui continuent à entraver les progrès qu'aucun scientifique, institution ou pays ne peut surmonter seul. Grâce au Cancer Grand Challenges, les équipes reçoivent un financement de 25 millions de dollars et sont habilitées à dépasser les frontières traditionnelles pour changer les perspectives des personnes atteintes de cancer.

Fondés par les deux plus grands organismes de financement de la recherche sur le cancer au monde - Cancer Research UK et le National Cancer Institute aux États-Unis - et rassemblant une communauté internationale de partenaires, Cancer Grand Challenges vise à réaliser des progrès urgents dans la lutte contre le cancer.

Tout chercheur, clinicien, sponsor, donateur ou personne touchée par le cancer sont invités à soumettre l'idée qui, selon elle ou lui, représente le plus grand défi sur le portail du Cancer Grand Challenges.
La date limite pour la proposition des idées a été fixée au 28 novembre 2022.
Nous avons proposé deux idées pour les futurs défis.
Les résultats seront connus en Mars 2024.

Proposition idée 1

Challenge statement (20 words)

Evaluate radio-induced cancer risk by low dose- repeated dose radiation in mammography screening, using newest research data and insights from radiobiology
What's the opportunity or barrier that your challenge aims to address (150 words)

Radiation exposure of the female breast by routine mammography screening may contribute to the increased incidence of breast cancer in the population. Despite some research, there are not enough studies to determine health risks arising from low-dose radiation.

Pauwels, Foray and Bourguignon, 2016 ( https://doi.org/10.1159/000442442) reviewed radiobiological effects, including cellular damage and responses due to ionizing radiation and assessed how low-dose radiation may result in carcinogenic DNA damage especially for individuals with hyper susceptibility to radiation. 

Colin et al, 2011 (DOI: 10.3109/09553002.2011.608410) highlighted the existence of DNA damage induced by mammography and revealed two major effects: a dose effect and a low dose repeated dose  effect. 

Fernandez-Antoran et al, 2019 (DOI: 10.1016/j.stem.2019.06.011) show that low doses of radiation equivalent to three CT scans, which are considered safe, promote the spread of cancer-capable cells in healthy tissue. Authors recommend that this risk should be considered in assessing radiation safety.

Today there is a need to accurately inform population regarding the radio-induced cancer by low dose-repeated dose radiation in mammography screening that take into account new insights from radiobiology.

Explain the Potential impact addressing this challenge could have (150 words)

Ionizing radiation as used in low-dose X-ray mammography may be associated with a risk of radiation-induced carcinogenesis in woman population. The risks are especially increased in particular situations. 

Despite the mammography is not recommended below 50 years old in France, many doctors prescribe it, and some women do it annually. Because the dense breasts at a younger age, multiple views are taken increasing the repeated dose of radiation. Beside mammography, women can be also prescribed CT scans and other X-rays exams, cumulating exposure to radiation. Furthermore, a significant risk of cancer is present for individuals who suffer from hyper susceptibility to ionizing radiation. In case of ACR3, multiple mammography views and at close intervals (6 months, 12 and 24 months) are requested for surveillance with repeated exposure to radiation. 

Informing woman on the balance benefits/risks of mammography screening is an ethical duty.

Pauwels E, K, J, Foray N, Bourguignon M, H: Breast Cancer Induced by X-Ray Mammography Screening? A Review Based on Recent Understanding of Low-Dose Radiobiology. Med Princ Pract 2016;25:101-109. doi: 10.1159/000442442

Catherine Colin, Clément Devic, Alain Noël, Muriel Rabilloud, Marie-Thérèse Zabot, Sylvie Pinet-Isaac, Sophie Giraud, Benjamin Riche, Pierre-Jean Valette, Claire Rodriguez-Lafrasse & Nicolas Foray (2011) DNA double-strand breaks induced by mammographic screening procedures in human mammary epithelial cells, International Journal of Radiation Biology, 87:11, 1103-1112, DOI: 10.3109/09553002.2011.608410

David Fernandez-Antoran, Gabriel Piedrafita, Kasumi Murai, Swee Hoe Ong, Albert Herms, Christian Frezza, Philip H. Jones. Outcompeting p53-Mutant Cells in the Normal Esophagus by Redox Manipulation. Cell Stem Cell, 2019; DOI: 10.1016/j.stem.2019.06.011 ; https://www.sciencedaily.com/releases/2019/07/190718150933.htm

Traduction en français

Énoncé du défi (20 mots)

Évaluer le risque de cancer radio-induit par des rayonnements à faible dose et à doses répétées dans le cadre du dépistage mammographique, en utilisant les données de recherche les plus récentes et les connaissances en radiobiologie.

 Quelle est l'opportunité ou l'obstacle que votre défi vise à aborder (150 mots)

L'exposition du sein féminin aux rayonnements dans le cadre d'un dépistage mammographique de routine peut contribuer à l'augmentation de l'incidence du cancer du sein dans la population. Malgré certaines recherches, il n'y a pas suffisamment d'études pour déterminer les risques pour la santé découlant des rayonnements X à faible dose.

Pauwels, Foray et Bourguignon, 2016 ( https://doi.org/10.1159/000442442 ) ont examiné les effets radiobiologiques, y compris les dommages cellulaires et les réponses imputables aux rayonnements ionisants, et ont évalué la façon dont les rayonnements à faible dose peuvent entraîner des dommages cancérigènes au niveau de l'ADN, en particulier chez les personnes présentant une hyper susceptibilité aux rayonnements.

Colin et al, 2011 (DOI : 10.3109/09553002.2011.608410) ont mis en évidence l'existence de dommages sur l'ADN cellulaire induits par la mammographie et ont révélé deux effets majeurs : un effet de dose et un effet de 'dose répétée' à faible dose.  Fernandez-Antoran et al, 2019 (DOI : 10.1016/j.stem.2019.06.011) montrent que de faibles doses de rayonnement équivalentes à trois examens de scanner, considérées comme sûres, peuvent favoriser la propagation de cellules susceptibles de cancériser dans les tissus sains. Les auteurs recommandent de prendre en compte ce risque dans l'évaluation de la sécurité des rayonnements.

Il est aujourd'hui nécessaire d'informer de manière précise la population sur le cancer radio-induit par des rayonnements à faibles doses répétées dans le cadre du dépistage par mammographie, en tenant compte des nouvelles connaissances de la radiobiologie.

Expliquez l'impact potentiel que pourrait avoir le fait de relever ce défi (150 mots)

Les rayonnements ionisants utilisés dans les mammographies à faible dose peuvent être associés à un risque de cancérogenèse radio-induite dans la population féminine. Les risques sont plus importants dans des situations particulières. Bien que la mammographie ne soit pas recommandée en dessous de 50 ans en France, de nombreux médecins la prescrivent, et certaines femmes la font chaque année. En raison de la densité des seins à un plus jeune âge, de multiples clichés sont pris, ce qui augmente la dose répétée de radiation. Outre la mammographie, les femmes peuvent également se voir prescrire des scanners et d'autres examens à rayons X, ce qui cumule l'exposition aux rayonnements. En outre, un risque important de cancer est présent chez les personnes qui souffrent d'une hypersensibilité aux rayonnements ionisants. En cas d'ACR3, des mammographies multiples et à intervalles rapprochés (6 mois, 12 et 24 mois) sont prescrites pour une surveillance avec exposition répétée aux rayonnements.
Informer les femmes sur la balance bénéfices/risques du dépistage mammographique est un devoir éthique.

Pour aller plus loin :

Thèse Mamon Britel : Analyse psychosociale de la radioprotection dans le domaine médical : perspectives pour l'IRSN

https://www.irsn.fr/FR/Larecherche/Formation_recherche/Theses/Theses-soutenues/PSN-SRDS/Pages/2020-Analyse-psychosociale-radioprotection-perspectives-pour-IRSN.aspx#.Y4UPRC_pMUs

Vidéo These Manon Britel , 3 min ici

https://www.irsn.fr/FR/Larecherche/Formation_recherche/3-minutes-these/Pages/3-minutes-these-Manon-Britel.aspx#.Y4UO1S_pMUs

Proposition idée 2

Challenge title: 

Investigation of active surveillance for low-risk invasive breast cancers to reduce overtreatment and increase quality of life

What's the opportunity or barrier that your challenge aims to address (150 words)

The main harm of breast cancer screening is overdiagnosis. NIH (https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#_13_toc) indicates that between 20% and 50% of screen-detected breast cancers represent overdiagnosis based on patient age, life expectancy, tumor type (ductal carcinoma in situ -DCIS and/or invasive). 

Recently, Marcadis et al. 2022 (https://doi.org/10.1016/j.mayocp.2022.08.006) demonstrate that diagnosis of an early-stage breast cancer (DCIS and stage I breast cancer) does not necessarily mean that a woman’s survival has been compromised in comparison to the general population.  Their data support investigation of active surveillance for breast cancer to de-escalate treatment to reduce overtreatment.  Currently, active surveillance is being investigated for DCIS (COMET, LORIS, LORD, and LORETTA trials), and authors conclude that it may also be worthy of study in early-stage hormone receptor-positive breast cancer. Authors suggest considering the investigation of active surveillance for low-risk, screening-detected invasive breast cancers, and this is an important challenge with high impact for breast cancer patients.

Explain the Potential impact addressing this challenge could have (150 words) 

The resulting overtreatment of nonprogressive breast cancer cause substantial harms and significantly reduce the patient’s quality of life without reducing breast cancer mortality.
Internationally, there are four active prospective clinical trials on active surveillance of DCIS.

Pinder et al. 2022 ( https://link.springer.com/article/10.1007/s00428-021-03173-8 ) indicate that an invasive carcinoma that is potentially missed, or develops during high-quality annual surveillance, is also likely to be low grade, small, node negative and unlikely to impact a patient’s prognosis. 

Chapman et al. 2021 (doi: 10.1200/OP.20.00614) found that the majority of women are willing to accept some increase in future breast cancer risk in exchange for reducing the extent of surgery or severity and/or duration of treatment-related side effects. New approaches to the treatment of invasive cancer and not only DCIS, by means of active surveillance to reduce overtreatment and provide more personalized options for patients, need to be also investigated.

References

NIH National Cancer Institute Breast Cancer Screening (PDQ®)–Health Professional Version, https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq

 Marcadis AR, Morris LGT, Marti JL. Relative Survival With Early-Stage Breast Cancer in Screened and Unscreened Populations. Mayo Clin Proc. 2022 Nov 3:S0025-6196(22)00499-2. doi: 10.1016/j.mayocp.2022.08.006. Epub ahead of print. PMID: 36336518.

Chapman BM, Yang JC, Gonzalez JM, Havrilesky L, Reed SD, Hwang ES. Patient Preferences for Outcomes Following DCIS Management Strategies: A Discrete Choice Experiment. JCO Oncol Pract. 2021 Nov;17(11):e1639-e1648. doi: 10.1200/OP.20.00614. Epub 2021 Mar 12. PMID: 33710917.

Pinder SE, Thompson AM, Wesserling J. Low-risk DCIS. What is it? Observe or excise? Virchows Arch. 2022 Jan;480(1):21-32. doi: 10.1007/s00428-021-03173-8. Epub 2021 Aug 27. PMID: 34448893; PMCID: PMC8983540.

Traduction en français

Titre du défi :

Recherche portant sur la surveillance active des cancers du sein invasifs à faible risque afin de réduire le surtraitement et d'améliorer la qualité de vie.

Quelle est l'opportunité ou l'obstacle que votre défi vise à aborder (150 mots)

Le principal préjudice du dépistage du cancer du sein est le surdiagnostic.
Le NIH (https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#_13_toc) indique qu'entre 20 et 50 % des cancers du sein détectés par dépistage représentent un surdiagnostic en fonction de l'âge de la patiente, de son espérance de vie et du type de tumeur (carcinome canalaire in situ (CCIS) et/ou invasif).

Récemment, Marcadis et al. 2022 (https://doi.org/10.1016/j.mayocp.2022.08.006) ont démontré que le diagnostic d'un cancer du sein à un stade précoce (DCIS et cancer du sein de stade I) ne signifie pas nécessairement que la survie d'une femme est compromise par rapport à la population générale.  Leurs données soutiennent l'étude de la surveillance active du cancer du sein afin de réduire l'escalade du traitement et de limiter le surtraitement.  Actuellement, la surveillance active fait l'objet des essais cliniques pour le CCIS (Essais COMET, LORIS, LORD et LORETTA), et les auteurs concluent qu'elle pourrait également être étudiée pour le cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs au stade précoce. Les auteurs suggèrent d'envisager l'étude de la surveillance active pour les cancers du sein invasifs à faible risque, détectés par dépistage, et il s'agit d'un défi important à fort impact pour les patientes atteintes d'un cancer du sein.

Expliquez l'impact potentiel que pourrait avoir le fait de relever ce défi (150 mots)

Le surtraitement du cancer du sein non évolutif cause des préjudices importants et réduit considérablement la qualité de vie des patientes sans pour autant réduire la mortalité due au cancer du sein.
Au niveau international, il existe quatre essais cliniques prospectifs en cours sur la surveillance active du CCIS.

Pinder et al. 2022 ( https://link.springer.com/article/10.1007/s00428-021-03173-8 ) indiquent qu'un carcinome invasif qui serait potentiellement méconnu, ou qui se développerait au cours d'une surveillance annuelle de qualité, serait probablement de faible grade, de petite taille, sans envahissement ganglionnaire et peu susceptible d'avoir un impact sur le pronostic de la patiente.

Chapman et al. 2021(doi : 10.1200/OP.20.00614) ont constaté que la majorité des femmes étaient prêtes à accepter une certaine augmentation du risque de cancer du sein futur en échange d'une réduction de l'étendue de la chirurgie ou de la gravité et/ou de la durée des effets secondaires liés au traitement. Il est donc nécessaire d'étudier aussi de nouvelles approches du traitement du cancer invasif et pas seulement du CCIS, par le biais d'une surveillance active visant à réduire le surtraitement et à offrir des options plus personnalisées aux patientes.

Pour aller plus loin

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La survie au cancer du sein, un mauvais indicateur

28/11/2022

Nous avions déjà parlé maintes fois de l'indicateur statistique "survie", très souvent mis en avant par les promoteurs du dépistage et expliqué pourquoi cet indicateur n'étais pas un critère d'efficacité du dépistage, et était même fallacieux.
Les seuls indicateurs d'un dépistage efficace sont : la diminution drastique et perceptible de la mortalité, la baisse des formes graves de cancers, l'allègement des traitements.
Aucun de ces trois critères n'est obtenu dans le dépistage du cancer du sein.

Voici ici une explication simplifiée à l'aide de graphiques et vidéo : https://cancer-rose.fr/2021/10/18/quest-ce-que-la-survie/

L'étude que nous vous présentons ici démontre que cet indicateur n'est pas pertinent. Des biais impactent sa pertinence, comme le surdiagnostic très important dans le dépistage du cancer du sein (entre 20 et 50%) et le biais d'une population plus saine qui participe au dépistage.
1. La survie des cancers localisés est exagérément optimiste du fait des 
surdiagnostics qui augmentent, avec l'illusion de guérison qui les accompagne, alors que ce sont des lésions détectées mais qui de toute façon n'auraient jamais tué.
2. La survie est meilleure chez des personnes de niveau social plus avantagé et dont la santé de base est meilleure ( personnes correctement assurées et qui consomment davantage de soins).
2. La survie serait en effet meilleure dans les formes évoluées mais le dépistage est inapte à détecter ces formes agressives 'à temps' du fait de leur caractère agressif et de leur rapidité d'évolution.
3. La survie n'est pas un bon marqueur de l'efficacité des dépistages, mais de l'efficacité des traitements.

La survie

De quoi parle-t-on exactement ?

La survie globale à 5 ou à 10 ans correspond à la proportion de patients survivants 5 ou 10 ans après la date de diagnostic, quelle que soit la cause possible du décès (cancer ou autre cause).

La survie relative : elle sert à comparer le taux de survie d’un groupe de personnes atteintes d’une maladie au taux de survie attendu de personnes faisant partie de la population en général ne présentant pas la maladie, et qui ont les mêmes caractéristiques, comme l’âge et le sexe.
La survie relative permet d’exprimer la probabilité de survie au cancer pendant une période donnée, habituellement 5 ans. Un taux de survie relative de 80 % après 5 ans, par exemple, signifie que, en moyenne, les personnes atteintes de ce cancer en particulier ont 80 % de chances de vivre 5 ans ou plus après avoir reçu leur diagnostic, comparativement aux gens du même âge et du même sexe qui font partie de la population en général.
Il est possible qu'on obtienne des estimations de survie relative supérieures à 100 %. Cela signifie que la survie observée chez les personnes atteintes de cancer est meilleure que celle prévue chez la population générale.

Survie spécifique au cancer : il s'agit du pourcentage de patients atteints d'un type et d'un stade spécifique de cancer qui ne sont pas décédés de leur cancer pendant une certaine période après le diagnostic.
Cette période peut être de 1 an, 2 ans, 5 ans, etc., 5 ans étant la période la plus souvent utilisée. La survie spécifique au cancer est également appelée survie spécifique à la maladie. 

L'étude

L'étude de J.Marti* présente trois comparaisons portant sur des femmes subissant des mammographies de dépistage d'intensité variable, à des taux plus élevés ou plus faibles et en fonction de la période, de l'âge de la patiente et de son statut d'assurance. Les trois comparaisons montrent des associations cohérentes entre un recours accru au dépistage et des taux de survie relative supérieurs à 100 %.
Ces données indiquent que les femmes ayant subi un dépistage intensif et chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein à un stade précoce (cancer du sein invasif de stade I ou carcinome canalaire in situ) vivent plus longtemps que leurs homologues appariés selon l'âge, le sexe et l'ethnie.

Ces résultats montrent que les statistiques de survie sont de mauvais indicateurs de l'efficacité du dépistage du cancer.
L'effet de l'utilisateur en bonne santé produira des taux de survie relative plus élevés que la survie spécifique à la maladie. Si les taux de survie spécifiques à la maladie sont proches de 100 %, il en résultera des taux de survie relative qui pourront dépasser 100 %.
Ce phénomène est observé dans le cas de certains cancers détectés par dépistage, pour lesquels les taux de survie spécifiques à la maladie sont proches de 100 % en raison d'un biais lié au temps d'avance au diagnostic (le dépistage avance la date du diagnostic) et d'un biais de lenteur d'évolution (le dépistage détecte de préférence les cancers à évolution lente ou non évolutifs).
Il s'agit de caractéristiques des types de cancer qui sont sujets au surdiagnostic, c'est-à-dire à la détection de cancers à la biologie indolente qui ne causeront pas de symptômes, de décès ou d'autres dommages au cours de la vie de la personne.
Par conséquent, des taux de survie relative supérieurs à 100 % indiquent que la population étudiée est en meilleure santé que la population témoin non atteinte de cancer, et en plus que bon nombre des tumeurs détectées par le dépistage sont des tumeurs à très faible risque pour la personne détectée, et qui ont un comportement indolent, c'est à dire ne tueront pas la personne de toute façon, détectées ou pas.

  • Jennifer Marti travaille au Weill Cornell Breast Center, Department of Surgery, Weill Cornell Medicine, New York, NY, USA/ Le Dr Jennifer Marti est également le chercheur principal de l'essai COMET à Cornell, essai portant sur la pertinence d'une simple surveillance active dans le carcinome in situ du sein.

Implications de l'étude

Premièrement, ces données indiquent que les résultats favorables qui ont été observés dans les cancers du sein détectés par dépistage sont, en partie, attribuables à l'effet de l'utilisateur en bonne santé et au surdiagnostic de tumeurs biologiquement indolentes. Ces résultats de bonne survie au cancer du sein ne sont donc pas attribuables, comme l'avancent des promoteurs du dépistage, à un effet de 'rattrapage' de tumeurs agressives en récoltant davantage de tumeurs de bas stade, puisque le taux des cancers agressifs reste stable malgré les campagnes de dépistage instaurées.

Deuxièmement, ces connaissances, véhiculées auprès de la population féminine, aideraient à pallier une partie de l'anxiété à laquelle est confrontée une femme ayant reçu un nouveau diagnostic de cancer du sein.
La tendance qu'ont les patientes et les médecins à demander et à privilégier des traitements agressifs pour de petits cancers du sein à faible risque, détectés par le dépistage, pourrait être déforcée.

Troisièmement, ces données renforcent au contraire l'effort à placer sur des études de surveillance active du cancer du sein, car elles montrent que le diagnostic d'un cancer du sein à un stade précoce ne signifie pas que la survie d'une femme est compromise par rapport à la population générale.

Intégralité de l'étude, traduite en français

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Dépistage, temps pour une désescalade ?

Par Cancer Rose, le 21/11/2022

Dépistage du cancer du sein : Y a-t-il de la place pour la désescalade ?

Leah S. Kim  - Donald R. Lannin
Rapports actuels sur le cancer du sein- https://doi.org/10.1007/s12609-022-00465-z

Department of Surgery and Yale Comprehensive
Cancer Center, Yale University School of Medicine, PO Box 208062, New Haven, CT 06520, USA

Synthèse

Objet de la revue
Le dépistage du cancer du sein est très controversé et les différentes institutions indiquent des lignes directrices très variables. Cependant, le dépistage est actuellement pratiqué à grande échelle aux États-Unis et l'on pense souvent que "plus on en fait, mieux c'est".
L'objectif de cette revue est d'évaluer objectivement les risques et les bénéfices de la mammographie de dépistage et d'examiner s'il existe des situations où l'on pourrait procéder à une désescalade.

Conclusions récentes
Au cours des dernières années, plusieurs méta-analyses ont été réalisées de manière concordante et il est généralement admis que le principal avantage du dépistage par mammographie serait une réduction d'environ 20 % de la mortalité par cancer du sein. En réalité, environ 5 % des patientes ayant des tumeurs détectées par mammographie en sont concernées.

Il est actuellement établi que le principal préjudice du dépistage est le surdiagnostic, c'est-à-dire la détection d'un cancer qui ne causera aucun préjudice à la patiente et qui n'aurait jamais été détecté sans le dépistage. Cela représente actuellement environ 20 à 30 % des cancers détectés par le dépistage.

La découverte de cancers supplémentaires par un dépistage plus intense n'est pas toujours une bonne chose, car dans cette situation, le risque de surdiagnostic augmente et le bénéfice diminue. Dans certains groupes, le risque de surdiagnostic approche les 75 %.

Résumé
L'objectif du dépistage ne devrait pas être simplement de trouver plus de cancers, mais d'éviter de trouver des cancers qui n'auraient jamais causé de préjudice au patient et qui conduiraient à un traitement inutile. Les auteurs suggèrent certaines situations dans lesquelles il serait raisonnable de 'désescalader' le dépistage.

Introduction

Selon l'American Cancer Society, environ 287 500 femmes recevront un diagnostic de cancer du sein invasif et 43 250 femmes en mourront aux États-Unis en 2022.
......
En raison de son risque conséquent pour la santé, des programmes de mammographie de dépistage ont été massivement introduits dans la population depuis les années 1980, et différentes études indiquaient une réduction de la mortalité liée au cancer du sein entre 0 à 40%.
.....
La mammographie de dépistage...n'est pas un outil parfait et comporte des risques associés, notamment le surdiagnostic, les faux positifs, le surtraitement, l'exposition aux rayonnements et les répercussions psychosociales du stress et de l'anxiété. Par conséquent, ce sujet est devenu très controversé et a été au centre de nombreux débats récents, tant dans le domaine médical que dans les médias publics. En raison de ces risques, la question qui se pose est de savoir si les patientes bénéficieraient de la désescalade de la mammographie de dépistage et du traitement qui s'ensuit.
L'objectif de cette étude est de discuter les principaux bénéfices et risques associés à la mammographie de dépistage et d'identifier les domaines potentiels où une désescalade serait possible.

Méthodologie épidémiologique utilisée pour l'évaluation de la mammographie de dépistage

Dans presque tous les établissements hospitaliers du monde dotés d'un programme de dépistage par mammographie, il est considéré que les patientes atteintes d'un cancer du sein diagnostiqué par mammographie auraient un taux de survie plus élevé et nécessiteraient des traitements moins lourds que les patientes diagnostiquées sur la base de symptômes cliniques au niveau du sein. Par conséquent, le ressenti au quotidien des médecins et des patientes est que la mammographie permet un diagnostic plus précoce et un meilleur taux de guérison.

Mais cela prouve-t-il que le dépistage par mammographie est bénéfique ? La réponse, étonnamment, est non. Il existe un certain nombre de biais importants qui expliquent en majeure partie  l'amélioration de la survie qui est perçue.

Le premier est le biais du temps d'avance au diagnostic (ou phénomène de déplacement de l'origine (du cancer) ou "lead time bias"). Il s'agit du délai entre le moment où un cancer peut être détecté par mammographie et le moment où il serait découvert cliniquement. Nous savons maintenant que ce délai varie énormément selon les tumeurs, de moins d'un an à plus de 30 ans. Toutefois, si le délai moyen dans un groupe de patientes diagnostiquées par mammographie est de 5 ans, ces patientes vivront 5 ans de plus qu'un groupe détecté cliniquement sans que l'histoire naturelle de la maladie ne soit modifiée.

NDLR : Pour prendre une analogie du biais d'avance : un train qui roule vers Paris déraille à Orléans à 15 heures emportant la vie de nombreux passagers. Si vous montez dans ce train à Bordeaux, alors vous vivrez encore trois heures et demie. Si vous montez dans ce même train à Tours, vous vivrez encore 30 minutes. Quoi qu’il en soit, votre train, lui, déraillera toujours à 15 heures. De même façon le dépistage anticipe la "date de naissance du cancer", donnant l'illusion d'une durée de vie plus longue, en fait c'est la durée de 'vie avec cancer' qui s'allonge. Voir illustration ci-dessous-

Schéma issu du livret OMS https://apps.who.int/iris/handle/10665/330852, NDLR

Le deuxième biais important est le biais de lenteur de l'évolution (ou biais de sélection des cas de meilleur pronostic ou "length time bias"). Les mammographies de dépistage sont beaucoup plus susceptibles de détecter des tumeurs à croissance lente et un long temps d’avance que des tumeurs à croissance rapide. Ainsi, même lorsqu'elles sont associées à la taille de la tumeur, les tumeurs détectées par mammographie auront une biologie plus favorable et caractérisée par une meilleure survie.

En outre, il existe d'autres biais de sélection car ce sont les patientes en bonne santé ou disposant de meilleures ressources socio-économiques qui sont beaucoup plus susceptibles de passer une mammographie de dépistage et aussi, indépendamment, de recevoir de meilleurs soins et d'être guéries.

La seule façon de contourner ces biais est de changer le dénominateur des courbes de survie, en passant du patient individuel atteint de cancer à la population dont le patient est issu.
La figure 1 illustre ce concept. Le dépistage entraîne toujours une augmentation du nombre de cancers détectés, à la fois en raison du temps d'avance au diagnostic évoqué plus haut, mais aussi en raison du surdiagnostic qui sera abordé plus loin. Comme le montre la figure, même s'il n'y a pas de réduction effective des décès au sein de la population, le nombre de décès parmi les patients atteints de cancer sera toujours réduit grâce au dépistage. La vraie question à laquelle nous devons répondre, cependant, est de savoir si le le nombre de décès des patients dans la population est réduit grâce au dépistage. Ce bénéfice, s'il existe, sera plus faible et plus difficile à détecter. Il faut pour cela de grandes études de population, et il n'y en a eu que huit, toutes réalisées dans les années 1960 à 1980. Une grande partie de la controverse porte donc sur la manière d'interpréter ces vieilles études. Et comme le dépistage par mammographie fait désormais partie intégrante de notre pratique médicale, il n'y aura probablement plus jamais d'étude similaire.

NDLR : si on rapporte le nombre de décès aux nombres de cancers, le dépistage donne une illusion d'efficacité puisque le dépistage recrute plus de cancers dont des cancers de diagnostics inutiles (les surdiagnostics) ; le dénominateur (taux de cancers) augmente, ce qui donne l'illusion qu'il y a moins de décès ; mais si on rapporte le nombre de décès à la population existante, on voit que le résultat est le même entre les populations dépistées et non dépistées)

Bénéfices et risques de la mammographie

Bénéfice en termes de mortalité

De nombreuses études traitent des bénéfices et des risques de la mammographie, mais le bénéfice le plus cité est la réduction de la mortalité par cancer du sein.
Selon Shepardson et Dean (2), trois méta-analyses distinctes des huit essais contrôlés randomisés ont montré une réduction de 18 à 20 % de la mortalité chez les femmes invitées à subir un dépistage. Ces résultats ont été repris par une revue systématique de Myers et al. en 2015 (3), qui a constaté une réduction globale de 20 % de la mortalité liée au cancer du sein chez les femmes de tous âges à risque moyen, sur la base d'estimations groupées de méta-analyses d'essais contrôlés randomisés.
.........
Il a été donc établi que la détection précoce du cancer du sein par le dépistage de la population a eu une incidence positive sur la santé des femmes aux États-Unis et dans le monde entier. Cependant, une diminution de 20 % est en fait assez faible ; cela signifie que 80 % des femmes qui seraient décédées en absence de mammographie mourront quand même malgré la mammographie de dépistage.

Bénéfices d'un traitement moins agressif

Un autre bénéfice moins souvent évoqué est que les cancers du sein détectés par la mammographie de dépistage sont plus petits, moins susceptibles de métastaser dans les ganglions lymphatiques et plus susceptibles d'être traités efficacement par une thérapie de conservation du sein et sans chimiothérapie. Ces éléments sont importants pour la santé physique et mentale des patientes, car des traitements moins intensifs entraînent moins de toxicité, un rétablissement plus rapide et moins de complications.
Cependant, si on exclut les cancers surdiagnostiqués qui sont actuellement surtraités du groupe dépistage, le bénéfice pour les patientes restantes est beaucoup moins évident.

Les risques

Les multiples organismes américains, tels que l'US Preventative Services Task Force (USPSTF), le National Comprehensive Cancer Network (NCCN), l'American College of Obstetrics and Gynecology, l'American Cancer Society (ACS) et l'American College of Radiology (ACR), ont des recommandations de dépistage différentes en raison des limites et des préjudices de la mammographie de dépistage de la population. Parmi les risques les plus cités, figurent le surdiagnostic, l'exposition aux rayonnements, la douleur pendant la mammographie, les faux résultats positifs et la détresse sur le plan psychosocial.

Exposition aux radiations

......Une étude menée en 2018 a démontré que la dose moyenne de rayonnement était de 2,74 mGy pour chaque sein dans un test à deux vues. Il existe un débat selon lequel les irradiations des dépistages en série peuvent provoquer un cancer du sein. Cependant, Miglioretti et al. (21) ont modélisé que le dépistage annuel des femmes âgées de 40 à 75 ans pourrait induire une moyenne de 125 cancers du sein mais éviter 968 décès par cancer du sein en raison de la détection précoce. En d'autres termes, pour un cancer du sein radio-induit on pourrait éviter 8 décès par cancer du sein. Dans le même ordre d'idées, Hendrick (22) suggère qu'une seule mammographie numérique de 3 mGy présente le même risque de provoquer un cancer que deux mois de rayonnement naturel aux États-Unis.
Par conséquent, le rapport bénéfice/risque de radiation reste globalement en faveur de la mammographie de dépistage.
Cependant, les médecins doivent évaluer les risques individuellement avec chaque patiente lorsqu'ils discutent du dépistage.

NDLR : cet avis n'est pas partagé par tous-La toxicité des rayons X n’est pas uniquement dépendante de la dose reçue par les tissus.
Selon les travaux des radiobiologistes, les microdoses répétées présentent une radiotoxicité plus élevée sur les brins d’ADN qu’une dose équivalente délivrée en une seule fois (les brins se cassent sous l’effet du rayonnement ionisant et n’ont le temps ni de se reformer ni de se réparer entre les différents clichés). Avec des cassures mal réparées, la cellule peut dégénérer en cellule cancéreuse.
Bien identifée par le travail des radiobiologistes, la radiotoxicité est d’autant plus forte que les premières mammographies ont lieu tôt dans la vie d’une femme, que les examens sont fréquents et que l’on multiplie le nombre de clichés par séance.
Par ailleurs, il faut prendre en compte le fait qu’une femme, dans son existence, subira probablement d’autres examens à rayons X, comme les scanners par exemple, et dont les doses se cumulent avec les examens mammographiques.
Le rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en 2020 précise bien la chose suivante : « ... les faibles doses efficaces, associées aux examens ne portant que sur une petite partie du corps – tels que les radiographies dentaires ou la mammographie par exemple –, ne doivent pas masquer que l’exposition locale, aux glandes salivaires ou à la glande mammaire dans le cas des exemples précités, peut être relativement élevée ». Ce qui signifie qu’il faut tenir compte du fait que cette dose est concentrée sur l’organe irradié.

NDLR : le problème de l'irradiation est essentiellement celui du traitement par radiothérapie-Le problème est donc posé dans le cadre d'un surdiagnostic, dans la mesure ou quasiment tout cancer (même le surdiagnostiqué) est traité par radiothérapie. Le traitement alors inutile (surtraitement d'un surdiagnotic) avec de la radiothérapie pose un réel problème de radiotoxicité, et ce de façon plus importante.

Faux positifs

Un deuxième préjudice associé à la mammographie de dépistage est le risque de faux positifs. Ceux-ci entraînent une cascade potentielle d'imagerie diagnostique supplémentaire, des biopsies potentiellement bénignes, de la détresse psychologique et l'utilisation accrue des ressources de santé. Aux États-Unis, le taux de faux positifs sur 10 ans dans le cadre d'un dépistage annuel est de 61 %. Et malheureusement, une mammographie faussement positive peut nécessiter jusqu'à deux ans de surveillance avant que la patiente ne soit déclarée exempte de cancer. En outre, des recherches ont montré que les femmes ressentent une détresse psychologique pendant au moins trois ans après le dépistage.

Les avancées technologiques en matière de dépistage ont permis d'améliorer la sensibilité et la spécificité de la mammographie. La tomosynthèse mammaire numérique est une plateforme d'acquisition d'images en trois dimensions qui contribue à traiter ce problème en réduisant les taux de rappel de 15 à 17 % par rapport à la mammographie classique en deux dimensions.
NDLR : ceci doit être nuancé et est controversé, lire : https://cancer-rose.fr/2022/05/17/%ef%bf%bc/

Surdiagnostic

Au cours de la dernière décennie, nous nous sommes rendus compte que le surdiagnostic est le principal préjudice du dépistage du cancer du sein. L'objectif du dépistage étant de détecter les cancers à un stade précoce, il est inévitable que certains cancers détectés par le dépistage soient découverts si tôt qu'ils ne deviennent jamais cliniquement symptomatiques au cours de la vie d'une patiente, ce que l'on appelle le surdiagnostic.
Les cancers se développent à des rythmes variables et certains progressent plus lentement que d'autres, certains restent statiques et d'autres peuvent même régresser. Malheureusement, notre capacité à prédire quels cancers sont indolents est très limitée. Comme nous ne pouvons jamais savoir avec certitude quels cancers sont surdiagnostiqués, tous les cancers détectés par dépistage entraînent des interventions telles que la chirurgie, la radiothérapie, la chimio et l'endocrinothérapie adjuvantes, qui contribuent toutes à la morbidité physique et psychosociale du patient

L'estimation de la fréquence du surdiagnostic s'est avérée compliquée et controversée, et les études ont rapporté des taux allant de 0 à 50%. Cette grande divergence est due à des méthodologies différentes et au fait que le CCIS (carcinome canalaire in situ, stade O du cancer) est considéré ou non comme un surdiagnostic.
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Il existe deux principaux types de preuves suggérant un surdiagnostic : les études de population et les essais cliniques. (NDLR : également des études d'autopsie, https://cancer-rose.fr/2017/12/14/frequence-des-cancers-latents-de-decouverte-fortuite/)

La première évocation du surdiagnostic a été décrite par Esserman et al. (31) dans une étude de 2009 sur l'incidence du cancer du sein dans la base de données 'Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER)'.
Avec l'introduction de la mammographie de dépistage dans les années 1980, l'incidence du cancer du sein aux États-Unis a rapidement augmenté d'environ 40 %. Si cette augmentation était uniquement due à la détection précoce, on s'attendrait à ce qu'après la période d'avance des cancers détectés, l'incidence diminue pour revenir au niveau de base. Pendant les 40 années suivantes, l'incidence n'a pas diminué, ce qui dépasse de loin les délais raisonnables et suggère qu'une grande partie de l'augmentation était due à un surdiagnostic.
Bleyer et Welch et Welch et al (32)(33) ont étudié ce phénomène plus en détail dans deux articles classiques du New England Journal of Medicine. Ils ont constaté que les cancers (après 3 décennies de dépistage, NDLR) de petite taille et de stade précoce ont augmenté de manière significative, alors que les cancers de grande taille ou de stade avancé n'ont que légèrement diminué. (On augmente le réservoir des petites tumeurs de bon pronostic sans réduction des tumeurs plus graves ni réduction de mortalité, donc sont découvertes des petites tumeurs peu graves qui n'auraient jamais nui aux femmes, NDLR)
Cela signifie qu'une grande partie des petites tumeurs ne sont pas destinées à devenir de grosses tumeurs. Ils ont estimé que le taux de surdiagnostic était de 22 % pour les cancers invasifs et de 31 % si l'on inclut le CCIS. De même, lorsque la mammographie de dépistage a été introduite en Norvège et en Suède, l'incidence du cancer du sein a doublé et les auteurs ont estimé qu'un tiers des cancers invasifs étaient surdiagnostiqués.

Il existe également des preuves importantes provenant des essais randomisés sur le dépistage par mammographie. .......
Une étude récemment publiée sur le suivi à long terme des deux essais canadiens 25 ans après le recrutement montre que chez les femmes âgées de 40 à 49 ans, le taux de surdiagnostic était de 30 % pour les tumeurs invasives et de 40 % si le CCIS était inclus, et que chez les femmes âgées de 50 à 59 ans, il était de 20 % pour les tumeurs invasives et de 30 % si le CCIS était inclus.
(NDLR -Lire aussi : https://cancer-rose.fr/2016/11/20/etude-miller/)

Nous comprenons maintenant le mécanisme de ce surdiagnostic. Il existe une bien plus grande variabilité pour le temps d'avance au diagnostic des différentes tumeurs que ce que l'on pensait auparavant ; cela va de <1 an à plus de 30 ans. Le surdiagnostic se produit lorsque le temps d'avance au diagnostic d'une tumeur dépasse l'espérance de vie (c'est à dire qu'on détecte des tumeurs dont la latence aurait dépassé la longévité du patient, NDLR).
Deux facteurs sont critiques : la biologie de la tumeur et l'âge du patient.
La figure 3 montre une estimation du taux de surdiagnostic pour différents groupes d'âge selon une mesure de la biologie de la tumeur basée sur le grade et le statut des récepteurs hormonaux. Le surdiagnostic est plus fréquent chez les femmes plus âgées avec des tumeurs biologiquement favorables. Cette information peut indiquer les domaines dans lesquels nous pourrions envisager une désescalade du dépistage par mammographie.
(NDLR, à ce propos lire l'étude de Lannin : https://cancer-rose.fr/2017/06/10/les-petits-cancers-du-sein-sont-ils-bons-parce-quils-sont-petits-ou-parce-quils-sont-bons/)

Histoire naturelle des cancers invasifs actuels découverts par mammographie

La figure 2 résume l'histoire naturelle des cancers actuels détectés par mammographie. La figure commence par les données actuelles du SEER (cohorte américaine SEER (Surveillance, Epidemiology, and End Results, NDLR)  qui montrent qu'au cours de la dernière décennie, la mortalité des cancers du sein invasifs est restée stable à environ 20 %.
Ensuite, les données relatives à la réduction de la mortalité due à la mammographie et les données relatives au surdiagnostic sont superposées aux 80 % qui survivent actuellement. Les résultats montrent qu'environ la moitié des patientes actuelles verront leur tumeur guérie, mais qu'elles seraient également guéries si elles attendaient quelques années jusqu'à ce que la tumeur devienne cliniquement apparente.
Ces données correspondent parfaitement à la mortalité enregistrée avant l'introduction de la mammographie dans les années 1980.
Un autre quart (25%), les cancers surdiagnostiqués, seront guéris mais n'auraient jamais été connus s'il n'y avait pas eu de mammographie.
Environ 20% mourront de leur cancer avec ou sans mammographie ; seuls 5% (soit une réduction de 20% par rapport aux 25%) auront leur vie sauvée par la mammographie.
Ces 5 % représentent environ 10 000 femmes par an aux États-Unis, élément important. Cependant, les 80 % de femmes qui sont guéries (environ 200 000 femmes par an aux États-Unis) pensent qu'elles ont été guéries grâce à la mammographie et ce n'est pas le cas.
En outre, les traitements du cancer du sein s'améliorent de façon spectaculaire et, à mesure que les traitements deviennent meilleurs, la valeur de la détection précoce diminue. À l'avenir, à un moment donné, les traitements seront probablement suffisamment efficaces pour que le dépistage ne soit plus nécessaire.

Domaines potentiels de désescalade

Désescalade des intervalles de dépistage

Le groupe de travail américain sur les services préventifs recommande un dépistage biennal pour les femmes de plus de 50 ans, et l'American Cancer Society recommande un dépistage biennal pour les femmes de plus de 55 ans. Néanmoins, de nombreux médecins continuent de pratiquer une mammographie annuelle. Ceci pourrait être un domaine possible de désescalade.

Selon de nombreuses revues systématiques, des estimations raisonnables ont été recueillies à partir d'études d'observation, examinant l'association des intervalles de dépistage sur la probabilité cumulée de faux positifs sur 10 ans chez les femmes subissant un dépistage mammographique à partir de 40 ou 50 ans.
D'après le Breast Cancer Surveillance Consortium, la probabilité cumulative sur 10 ans de recevoir au moins une mammographie faussement positive était de 61 % (IC 95 %, 59 à 63 %) avec un dépistage annuel, et de 42 % (IC, 41 à 43 %) avec un dépistage biennal commençant à 40 ans.
Ces taux étaient similaires lorsque le dépistage annuel et biennal commençait à 50 ans.

En outre, ils ont constaté que la probabilité cumulée de subir une biopsie due à un faux-positif après 10 ans de dépistage à partir de 40 ans était plus élevée avec un dépistage annuel qu'avec un dépistage biennal (7 % contre 5 %).
Parallèlement, si le dépistage commençait à l'âge de 50 ans, la probabilité cumulative de biopsie était de 9,4 % avec un dépistage annuel et de 6,4 % avec un dépistage biennal. Dans l'ensemble, nous constatons que l'augmentation de la fréquence de dépistage entraîne des probabilités cumulatives plus élevées de biopsie inutile, quel que soit le début du dépistage.
.......
Il est probable que beaucoup des 19 % de cancers supplémentaires découverts par le dépistage annuel soient des cancers surdiagnostiqués. Par conséquent, les médecins devraient discuter avec chaque patient de l'opportunité de deésescalade d’un dépistage annuel à un dépistage biennal.

Arrêt de la mammographie à 70 ans

Il existe une grande incertitude quant aux bénéfices du dépistage par mammographie chez les femmes âgées. Bien que les données montrent que l'augmentation de l'âge est un facteur de risque pour le cancer du sein, il n'y a pas d'essais contrôlés randomisés étudiant le bénéfice en termes de mortalité du dépistage chez les patientes de plus de 74 ans.
NDLR - A ce propos lire https://cancer-rose.fr/2022/09/08/depistage-du-cancer-chez-les-personnes-agees-une-revue-systematique/

Au fur et à mesure que les patients vieillissent, il faut tenir compte d'autres causes concurrentes de morbidité et de mortalité telles que l'insuffisance cardiaque, l'hypertension et le diabète. De plus, un examen plus approfondi du petit groupe de femmes âgées de 70 à 74 ans dans le seul essai clinique randomisé où elles étaient incluses n'a pas démontré une réduction significative de la mortalité due au cancer du sein (risque relatif = 1,12 ; intervalle de confiance à 95 %, 0,73 à 1,72).
En raison de ce manque de données, des études ont utilisé des modèles statistiques pour évaluer les avantages du dépistage des femmes âgées de 70 à 79 ans par rapport à l'arrêt à 69 ans. Ces modèles statistiques suggèrent que le dépistage des femmes âgées de plus de 70 ans n'entraîne que 2 décès de moins pour 1000 femmes par rapport à l'arrêt à 69 ans (6 vs 8 décès pour 1000 femmes).
Malheureusement, les taux de faux positifs et de surdiagnostics sont particulièrement élevés dans les groupes d'âge les plus élevés.
Comme le montre la figure 3, pour les femmes chez qui on a diagnostiqué une tumeur favorable (de bon pronostic, NDLR) à l'âge de 70 ans, il y a plus de 60 % de chances qu'il s'agisse d'une tumeur surdiagnostiquée, et plus de 75 % à l'âge de 80 ans.
Selon une méta-analyse de Lee et al (48), il y a un décalage important entre le moment où le dépistage est effectué et celui où l'on constate un bénéfice en termes de mortalité, soit 10 ans après le dépistage. Par conséquent, le dépistage est plus approprié chez les patients âgés de moins de 70 ans. Recommander le dépistage au-delà de cet âge semble exposer les patients à un plus grand risque de préjudice sans bénéfice tangible supplémentaire.

Hyperplasie canalaire atypique

L'hyperplasie canalaire atypique (HCA) est considérée comme une lésion épithéliale bénigne et un précurseur non obligatoire du cancer invasif que l'on retrouve dans 1,2 à 16 % des biopsies mammaires. En raison du risque de cancer simultané non diagnostiqué, de nombreuses études ont examiné le taux d'évolution vers un CCIS ou un carcinome invasif après excision, et les résultats varient largement de 4 à 54 %. En conséquence, les directives du NCCN (National Comprehensive Cancer Network https://www.nccn.org/) avaient recommandé l'excision chirurgicale complète de toutes les lésions d'HCA découvertes par biopsie comme étant le standard de soins.
Des études plus récentes ont trouvé des taux de surclassement plus faibles, de 5 à 20%, grâce aux progrès des techniques d'imagerie et de biopsie.

Par conséquent, des efforts ont été faits pour identifier les facteurs de risque, associés à une mise à jour de l'HCA, afin d'identifier un sous-groupe favorable qui est potentiellement adapté à la surveillance plutôt qu'à l'excision chirurgicale.
......
Surtout, l'HCA est par définition de bas grade et lorsqu'elle est reclassée, ce sera presque toujours vers un cancer invasif ou in situ de bas grade. Ce sont exactement les cancers les plus susceptibles d'être surdiagnostiqués.
Dans cette situation, le plus important n'est pas de trouver le cancer mais de déterminer s'il y a un avantage clinique à le détecter au moment du diagnostic de l'HCA. Il est plus que probable que beaucoup de ces petits cancers ne progresseront pas, et s'ils progressent, ils auront le même taux de guérison que diagnostiqués quelques années plus tard.
Nous disposons actuellement d'essais d'observation très raisonnables pour les CCIS de bas grade et il n'est pas logique d'exciser tous les HCA.
(NDLR : voir essai LORD)

Modalités complémentaires de dépistage

La mammographie a été l'outil d'imagerie de référence pour le dépistage du cancer du sein en raison de sa grande disponibilité, de son coût relativement faible et de ses capacités de détection du cancer. Cependant, il est bien connu que la sensibilité et la spécificité de la mammographie diminuent avec l'augmentation de la densité mammaire, ce qui en fait un outil imparfait. Non seulement la densité mammaire masque les tumeurs sous-jacentes à la mammographie, mais elle augmente également le risque de cancer du sein chez les femmes par rapport aux femmes ayant des seins adipeux.
C'est pour cette raison, que des efforts récents ont été faits pour étudier des outils de dépistage supplémentaires tels que l'échographie et l'IRM.
NDLR - A nuancer en fonction d'études récentes sur l'adjonction de l'IRM mammaire , lire :
https://cancer-rose.fr/2019/05/12/la-densite-mammaire-un-point-de-vue-dans-le-jama/
https://cancer-rose.fr/2022/04/26/grosse-deconvenue-pour-lirm-mammaire/
https://cancer-rose.fr/2019/11/28/depistage-par-irm-supplementaire-pour-les-femmes-ayant-un-tissu-mammaire-extremement-dense/

Dans une revue systématique réalisée par Melnikow et al. (55) les chercheurs ont examiné les performances de l'échographie mammaire et de l'IRM supplémentaires. Ils ont constaté que l'échographie supplémentaire permettait de détecter des cancers supplémentaires à un taux de 4,4 pour 1000 examens, mais au prix d'une augmentation des taux de rappel de 14%.
De même, l'IRM mammaire a permis de détecter 3,5 à 28,6 cancers supplémentaires pour 1 000 examens, mais les taux de rappel étaient également élevés (12-24 %).
Aucune étude n'a examiné les résultats concernant le devenir de ces cancers du sein. Les auteurs ont pu conclure que le dépistage complémentaire permet de trouver des cancers du sein supplémentaires mais au risque d'augmenter les faux positifs et sans bénéfice clair. L'USPSTF lui a attribué la recommandation "I", ce qui signifie que les preuves actuelles sont insuffisantes pour évaluer l'équilibre entre les bénéfices et les risques. Il s’agit d’une conclusion très pertinente. La découverte de cancers supplémentaires, en soi, n'est pas nécessairement une bonne chose.

Certaines données suggèrent que les caractéristiques biologiques des cancers découverts par échographie de dépistage sont plus compatibles avec un surdiagnostic. Il est également possible que, même s'ils ne sont pas surdiagnostiqués, ils soient découverts lors d'une mammographie de routine ultérieure avec des taux de survie équivalents. Il est certain que nous devons rester sceptiques et ne pas être trop enthousiastes à l'égard des cancers détectés par le dépistage complémentaire jusqu'à ce que des preuves montrent un bénéfice réel pour les patientes. Les bénéfices et les risques doivent être attentivement pondérés et discutés individuellement entre la patiente et le praticien.

Conclusion

L'algorithme optimal pour le dépistage du cancer du sein est un sujet assez controversé, les recommandations d' organisations .... étant différentes.
Alors que la mammographie de dépistage présente un bénéfice qui est clairement modeste en termes de mortalité, il existe de nombreux effets négatifs potentiels qui ne doivent pas être sous-estimés. Le plus grave d'entre eux est le surdiagnostic, qui se produit dans 20 à 25 % des cancers invasifs et dans 30 à 35 % si l'on inclut le CCIS. Le surdiagnostic est plus fréquent chez les femmes âgées et qui présentent des tumeurs de bas grade, biologiquement favorables. Une certaine désescalade de la mammographie doit être envisagée dans les situations où le risque de surdiagnostic est particulièrement élevé ou lorsque les tumeurs sont particulièrement susceptibles d'être favorables (de bon pronostic, NDLR).
Les examens complémentaires tels que l'échographie de dépistage et l'IRM permettent de détecter d'autres cancers, mais il n'existe pas de données indiquant un bénéfice en termes de mortalité, et le risque de surdiagnostic reste élevé.

Déclarations conflit d'intérêts

Les auteurs de l'article ne déclarent aucun conflit d’intérêt

Références utilisées par les auteurs pour l'article

Les articles d'intérêt particulier, publiés récemment, ont été mis en évidence comme :
* Importants  ** Importance majeure

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Dix principes utiles aux patients

13 oct. 2022

Dix principes de littératie en santé que doivent connaître les patients atteints de cancer

par Bishal Gyawali

Traduction de l'article par Cancer Rose

Bishal Gyawali, MD, PhD, est professeur associé en oncologie médicale et en sciences de la santé publique et scientifique à la Division des soins du cancer et épidémiologie de l'Université Queen's, à Kingston, au Canada.

L'époque du "Docteur, faites ce que vous pensez être le mieux pour moi" disparaît peu à peu en oncologie.  Les décisions de traitement deviennent plus variées et plus complexes, et les patients sont invités à prendre une part plus active à la prise de décision concernant leur propre santé.

En tant qu'oncologue médical, je vois tous les jours des patients qui se retrouvent face à une myriade de choix - allant des plans de traitement aux effets secondaires, en passant par la qualité de vie et le pronostic - qu'on leur demande d'envisager alors qu'ils sont confrontés au cancer.

Je décris ci-dessous dix principes de littératie* en matière de santé qui, je l'espère, permettront aux patients et à leurs porte-parole d'être informés et de participer activement à ces importantes décisions concernant leur vie.

* littéracie en santé : capacité d’un individu à trouver de l’information sur la santé, à la comprendre et à l’utiliser dans le but d’améliorer sa propre santé ou de développer son autonomie dans le système de santé. 

  1. Le critère d'évaluation est-il important pour vous ?

De nombreuses recommandations de traitement sont formulées sur la base des résultats d'essais cliniques. Cependant, les essais cliniques peuvent mesurer des choses qui n'ont pas d'importance pour vous.
Par exemple, pour un patient atteint d'un cancer avancé, le plus important peut être de savoir si l'intervention améliore la longévité ou la qualité de vie.
Cependant, les essais peuvent se contenter de mesurer si le médicament réduit la tumeur. Une réduction de la tumeur n'est pas toujours synonyme d'une vie plus longue ou meilleure. Il est important de bien comprendre quels sont les avantages et les risques du traitement qui sont démontrés et ceux qui ne sont que supposés.

2. Mourir avec un cancer n'est pas la même chose que mourir du cancer.

Être diagnostiqué avec un cancer ne signifie pas nécessairement que le cancer sera la cause du décès. Certains cancers progressent si lentement que d'autres causes - par exemple un accident vasculaire cérébral - peuvent entraîner la mort avant que le cancer ne devienne fatal.
C'est également la raison pour laquelle de nombreux tests de dépistage du cancer peuvent ne pas être utiles. Par exemple, le dépistage du cancer de la thyroïde n'est pas recommandé car, bien que certaines masses thyroïdiennes puissent être détectées lors du dépistage, elles ne sont pas forcément suffisamment agressives pour causer des problèmes au cours de la vie.
Ces tests inutiles sont pourvoyeurs de surdiagnotics

Pour les patients déjà atteints d'un cancer métastatique, il est également inutile de subir des tests de dépistage d'autres cancers, car tout nouveau cancer diagnostiqué sera vraisemblablement moins agressif que le cancer métastatique déjà existant.
Voir comment se développe un cancer

3. Des valeurs différentes selon les personnes

Même lorsque la survie est le critère d'évaluation des essais, chaque personne y attache une valeur différente. Le degré d'importance accordé à l'amélioration de la survie de 3 mois versus les répercussions des traitements toxiques varie d'un patient à l'autre.
Certains patients peuvent préférer faire un compromis sur la survie s'ils ont la possibilité de passer leur fin de vie avec les membres de leur famille et leurs amis.
Les coûts cachés du traitement (déplacements vers les centres anticancéreux, temps, coûts financiers, etc.) doivent tous être pris en compte dans la prise de décision.

4. Il y a toujours des incertitudes en médecine

En médecine, il est impossible de garantir les résultats individuels. Combien de temps allez-vous vivre ? Ce traitement va-t-il vous être bénéfique ? Il n'y aura jamais de réponses catégoriques à ces questions. Cependant, vous pouvez demander une plage de résultats probables, comme le meilleur et le pire des scénarios et le scénario le plus courant. Cela vous aidera à prendre votre propre décision quant aux différents choix possibles.

5. La somme des anecdotes ne signifie pas des données probantes

Les gros titres sensationnels tels que "un nouveau médicament miracle guérit le cancer" sont généralement basés sur une étude de cas portant sur une poignée de patients. Parfois, des personnalités font la promotion de certains tests ou traitements parce qu'elles pensent que ces interventions leur ont sauvé la vie. Cependant, le problème avec de telles histoires est qu'il y a un biais de sélection - plusieurs centaines et milliers d'autres personnes qui subissent un test ou un traitement similaire n'en tireront aucun bénéfice et pourraient en fait subir des préjudices. Or, ces personnes n'ont pas la motivation nécessaire pour apparaître dans les médias afin d'exposer la futilité ou les inconvénients de ces interventions.

Un guide utile : https://cancer-rose.fr/2021/06/05/un-guide-de-la-sante-et-de-la-medecine-du-gijn/

6. Quelle est l'alternative ?

Il est important de se demander ce qui se passerait en l'absence d'intervention. Que se passerait-il si vous ne subissiez pas le test de dépistage ou si vous ne subissiez pas l'opération ou ne preniez pas le médicament ? Ces questions de type "et si" sont importantes pour prendre des décisions et les réponses à ces questions de type "et si" proviennent d'essais randomisés.

Lire "qu'est-ce qu'il se passe si je ne me fais pas dépister?"

7. Il est difficile d'établir la causalité sans un essai randomisé.

Seul un essai randomisé** permettrait de connaître au mieux le scénario alternatif.
Les essais randomisés attribuent de manière aléatoire la moitié des patients à l'intervention et l'autre moitié aux soins standard (le groupe témoin) et comparent les résultats. Cette randomisation garantit que les patients du groupe d'intervention ne sont pas systématiquement différents de ceux du groupe témoin, de sorte que la différence dans les résultats peut être présumée due à l’intervention, qui peut être évaluée statistiquement.
Sans ces essais randomisés, il est difficile de se prononcer sur le fait de savoir si un résultat observé est dû à l'intervention ou au seul hasard. Ainsi, lorsqu'une intervention est recommandée, vous devez demander si elle a été évaluée dans le cadre d'un essai randomisé.

**L’essai randomisé contrôlé est une technique qui consiste à sélectionner de façon aléatoire, à partir d’une population admissible, le groupe "expérimental" qui bénéficiera de l'intervention (par exemple le dépistage), et le groupe "contrôle" qui servira de témoin, ou de point de comparaison, afin d’évaluer l’effet de cette intervention.
Les populations des deux groupes sont composées d'individus tirés au sort, mais on a fait en sorte que tous les individus admissibles à l'essai soient
 proches dans leurs caractéristiques de base dont les caractéristiques démographiques comme l'âge ou le sexe p.ex. afin qu'on ne puisse pas attribuer les différences constatées entre les deux groupes à d'autres facteurs sociaux ou physologiquesNDLR

Voir aussi un guide utile : https://cancer-rose.fr/2021/06/05/un-guide-de-la-sante-et-de-la-medecine-du-gijn/

8. Statistiquement significatif n'est pas la même chose que cliniquement pertinent

On lit souvent à la une des journaux : "Le médicament X a amélioré de manière significative la survie par rapport au traitement standard".
Ici, le terme "significativement" signifie généralement "statistiquement significatif". Cela signifie simplement que la différence de survie est probablement due au médicament plutôt qu'au hasard. Cependant, l'amélioration de la survie pourrait n'être que de quelques jours. Elle peut être statistiquement significative et réelle, mais elle peut ne pas être pertinente du tout.
Il est arrivé que des médicaments contre le cancer soient approuvés en raison de résultats statistiquement significatifs qui n'ont aucune pertinence clinique, comme le retardement de la progression de seulement trois jours !

9. Attention aux risques relatifs et absolus

Un nouveau traitement contre le cancer peut prétendre améliorer la survie de 50 %. Cette amélioration peut sembler être un avantage énorme à première vue, mais il pourrait s'agir simplement d'une prolongation de la survie de deux à trois mois.
De même, une déclaration peut affirmer que "seuls deux patients de l'essai ont souffert d'effets secondaires graves". Cependant, il pourrait s'agir de deux patients sur 100, soit un risque de deux pour cent, ce qui peut être considérable lorsque le traitement est proposé à plusieurs milliers de patients.

Lire : "la mauvaise statistique du mois"

10. Les décisions au niveau individuel et au niveau de la population peuvent ne pas être alignées

Les décisions politiques doivent être prises au niveau de la population sur la base de données. Cela diffère des décisions prises au niveau individuel, qui peuvent être fondées sur des valeurs.
Un individu peut penser que cela vaut la peine de suivre une thérapie toxique pendant un an pour réduire de 5 % le risque de rechute du cancer, mais pour d'autres, cela peut sembler trop risqué pour un bénéfice trop faible.
Un pays peut décider que payer 100 000 dollars pour un mois de vie supplémentaire ne vaut pas la peine, alors qu'un individu peut penser que la vie humaine n'a pas de prix.
Il est important de séparer les données des jugements de valeur, en particulier pour les décisions prises au niveau de la population.

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Augmentation des cancers, une épidémie ?

Dr C.Bour, 27 octobre 2022

Marie Négré Desurmont est reporter-conférencière et a suivi une formation de recherche en anthropologie à l’École de Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Elle est journaliste scientifique et a étudié spécifiquement la question du cancer du sein, après avoir été elle-même atteinte, et frappée, un peu à l'instar de Maëlle Sigonneau par les injonctions envers les malades véhiculées par le langage et que les malades subissent dans leur quotidien.

Dans un article engagé, "octobre rose ou la non-politique du sein", l'auteure dénonce ce qu'elle appelle la neutralisation des enjeux sociaux, environnementaux et politiques lors du mois rose, et recommande une vision plus large, au-delà de la simple campagne d'octobre rose pour garantir un avenir aux générations futures, qui ne les rendra pas malades.
" Ayons le courage", écrit-elle, "de voir plus loin qu’Octobre Rose et d’exiger qu’on puisse mettre au monde des petites filles qui n’auront pas à perdre autant d’énergie à tenter de survivre, soignées par ce même monde qui les aura rendues malades."

Elle dénonce :
"…plutôt que de politiser cette maladie grave, on préfère répéter que c’est le cancer le mieux soigné, on se concentre sur les comportements individuels en valorisant les survivantes qui ont tant appris de cette épreuve,.."
L'accent est mis, avec un vernis coloré et souriant, sur l'apparence et le bien-être, "car", écrit l'auteure en citant Audre Lordre (Journal du Cancer*), " il est plus facile d’exiger des gens qu’ils soient heureux que d’assainir l’environnement. Partons à la recherche de la joie n’est-ce pas, plutôt que d’une nourriture saine, d’un air propre et d’un avenir moins fou sur une terre vivable ."

*Audre Lorde, Journal du Cancer, traduit de l’américain par Frédérique Pressman, Éd. Mamamélis, Genève, 1998.

Politisation du cancer

Maëlle Sigonneau plaidait déjà dans son livre "Impatiente" pour un combat qui doit aller bien au-delà de la seule focalisation sur les comportements individuels des "survivantes".
Pour elle, afin de sortir des comportements compassionnels et de la glamourisation du cancer, il faudrait boycotter octobre rose, remplacer les messages roses par de grandes affiches sur les perturbateurs endocriniens ; on pourrait imaginer un mois, écrivait-elle, où on 'sensibiliserait', (pour utiliser un mot galvaudé et vidé de sens), sur les effets cancérigènes de l'environnement, des pesticides, par exemple…

MMe Desurmont résume très bien la façon qu'a notre société de…prendre le problème à l'envers : " Notre société a tellement confiance en ses capacités technologiques, qu’elle s’occupe plus de mettre des moyens dans la réparation des dégâts de la croissance, que dans le fait de trouver une autre forme de production et d’échange moins mortifère."
Presque la moitié des cancers sont d'origine comportementale et environnementale, et l'auteure rappelle à juste titre que les facteurs de risques ne sont pas seulement ceux du tabac, de l’alcool ou de l'obésité, mais aussi des perturbateurs endocriniens, les rayonnements ionisants (dont la mammographie !), de la pollution atmosphérique, de nouvelles substances chimiques (pesticides), de l’exposition aux gaz d’échappement, des expositions professionnelles, et de l’exposition aux substances chimiques en population générale.

Les campagnes roses et les messages des autorités sanitaires en parlent peu, et lorsqu'ils en parlent c'est surtout pour blâmer les comportements individuels, mais est-ce vraiment essentiellement et uniquement une problématique de comportement individuel ?
"À force de vouloir nous faire croire que nous sommes maîtres de notre santé, imperméables aux conditions environnantes et indépendants de nos structures sociétales, nous en venons, nous patientes, à chercher désespérément la cause de notre cancer, psychologisant à tout prix cette maladie."

On parle d'injustice d'une maladie qui touche les femmes dans leur féminité-même, mais, dit Mme Desurmont, "ce qui est vraiment injuste, c’est ce qu’on a fait du monde, pas le cancer qui n’en a que faire de ce que nous pensons de lui et qui profite juste du tapis rouge que nous lui déroulons pour se développer.
La réalité, c’est qu’en parlant d’injustice et de petites batailles individuelles, nous finissons par croire que le cancer est anecdotique, que c’est « la faute à pas de chance », et qu’il suffit d’avoir un moral d’acier pour le vaincre. Alors qu’il s’agit d’une épidémie pas vraiment rose bonbon et qui s’aggrave en même temps que se dégrade l’environnement. Adoptez un mode de vie sain mesdames, mais s’il vous plaît oubliez que lorsque vous faites votre footing, vous respirez à pleins poumons un air pollué."

A juste titre Marie Négré Desurmont, comme Maëlle Sigonneau, dénoncent la culpabilisation et la resposabilisation qu'on fait peser sur les femmes atteintes du cancer.

Mais qu'en est-il de "l'épidémie" ?

Une épidémie ?

Et si "l'épidémie" provenait aussi de la médecine ?

Dans son livre "dépistage du cancer du sein, la grande illusion" (ed.Souccar), Bernard Duperray explique :
"Des années 1980 aux années 2000, le nombre de mammographies réalisées explose. Dans le même temps, le parc des sénographes, les appareils permettant de réaliser les mammographies, s’étend considérablement : de 308 sénographes en 1980 avec 350 000 mammographies en 1982, on passe à 2 511 sénographes avec 3 millions de mammographies en 2000. Quel va être le résultat de cette progression spectaculaire de l’activité mammographique ? 21 387 cancers du sein diagnostiqués en 1980, 42 696 en 2000, 49 087 en 2005. Une épidémie de cancers du sein ? Épidémie indépendante de l’activité humaine ou résultat lié à une activité humaine hors contrôle ?
ÉPIDÉMIE OU UN SURDIAGNOSTIC LIÉ À L’ACTIVITÉ DE DÉPISTAGE ?
Deux hypothèses sont envisageables pour expliquer cette flambée des cancers :
•soit il s’agit d’une simple coïncidence entre la mise en place du
dépistage et la survenue d’une épidémie de cancers du sein ;
• soit il s’agit d’une pléthore de diagnostics de cancer du sein liée au dépistage.
Examinons la première hypothèse. Si l’accroissement continu des nouveaux diagnostics annuels correspondait à une épidémie de cancers évolutifs, il faudrait alors que la réduction de mortalité grâce au dépistage soit considérable : on aurait 1 cancer guéri pour 1 décès en 1980 et 3 cancers guéris pour 1 décès en 2000.
Or, ni les résultats les plus optimistes des essais randomisés concernant la réduction de mortalité, ni les progrès thérapeutiques durant cette période ne peuvent soutenir cette hypothèse.
Voyons le deuxième scénario selon lequel le dépistage serait à l’origine de l’augmentation du nombre de nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque année.
Entre 1980 et 2000, le taux d’incidence augmente de 2,7 % par an en moyenne. L’augmentation concerne toutes les tranches d’âge mais elle est plus marquée chez les femmes de 50 à 75 ans. Or cette tranche d’âge est celle des femmes pour lesquelles un dépistage mammographique systématique est réalisé (dans les dix départements pilotes). ……
L’épidémie de cancers du sein actuellement constatée n’est qu’apparente. Pourquoi apparente ? Sans le dépistage, nombre de cancers diagnostiqués aujourd’hui ne se seraient pas manifestés. Nous fabriquons ainsi de toutes pièces, avec le surdiagnostic provoqué par le dépistage, une épidémie qui n’est effectivement qu’apparente. L’augmentation de l’incidence ne signi e pas épidémie dès lors qu’on reconnaît le surdiagnostic.
L’hypothèse d’une majoration du surdiagnostic liée au dépistage n’a pas de contre-argument objectif. La démonstration de sa réalité repose sur des données épidémiologiques irréfutables, à haut niveau de preuves. "

J'en donne une explication détaillée dans mon livre "mammo ou pas mammo" (ed.Souccar), que je vous livre ici :
"Une étude a été conduite en France pour permettre cette analyse ne de la situation : il s’agit d’une enquête réalisée en 2011 par des épidémiologistes internationaux, dont un Français, Bernard Junod, éminent épidémiologiste issu de l’École des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP) (Junod B, et al. S. An investigation of the apparent breast cancer epidemic in France: screening and incidence trends in birth cohorts. BMC Cancer. 2011;11(1):1-8. ).
Voici leurs observations :
• ✹ Le nombre d’appareils de mammographie en fonctionnement en
France a augmenté régulièrement en l’espace de 20 ans, passant de 308 en 1980, à 499 en 1984, puis à 1351 en 1990, 2282 en 1994 et 2511 en 2000. Le nombre d’appareils a donc été multiplié par huit entre 1980 et 2000. En conséquence, le dépistage s’est intensifié.
• ✹ Lorsqu’on compare l’incidence du cancer du sein à différentes époques chez des femmes de même classe d’âge, on s’aperçoit qu’elle augmente avec le temps et qu’elle est nettement supérieure lorsque les femmes sont soumises à un dépistage intense. La plus forte augmentation, de 112 %, s’est produite en 2005 pour le groupe d’âge de 60 à 64 ans.
Cette augmentation de l’incidence du cancer du sein s’est donc produite parallèlement à l’augmentation de l’intensité du dépistage comme l’illustre la figure 1.

cliquez sur image pour agrandir

Plus on dépiste, plus l’incidence augmente. Ce phénomène d’augmentation d’incidence, dès lors qu’on introduit un dépistage systématique, est frappant. Il a été observé dans tous les pays où le dépistage a été instauré. "

La dénonciation de la non-prise en compte des facteurs environnementaux est tout à fait justifiée et pertinente, mais le rôle de la médecine elle-même doit être inclus et dénoncé au même titre.
Il faut se poser les bonnes questions devant le constat d'une augmentation de nouveaux cas de cancers et de l'absence concomitante de la réduction des cancers graves, de l'absence concomitante de réduction de ces cancers qui tuent, que le dépistage ne détecte pas, car ils ne sont pas anticipables et évoluent avec une vitesse de croissance qui fait d'eux des cancers graves. L'incidence augmente, la mortalité ne chute pas parallèlement à l'intensité du dépistage.

Et en parallèle, le dépistage massif et systématique débusque une foule de lésions qui n'auraient jamais tué si non détectées, ce qu'on appelle le surdiagnostic. Les carcinomes in situ alimentent de beaucoup le réservoir des cancers surdiagnostiqués et sont d'ailleurs, pour certains scientifiques, appelés cancers à tort.

Pourquoi le surdiagnostic est-il un réel danger ?


Il augmente abusivement l'incidence (le taux de nouveaux cas de cancers) du cancer du sein ; comme il s'agit de cancers qui n'auraient jamais nui, les taux de survie s'améliorent artificiellement, conduisant à ce slogan rassurant: "le cancer du sein se traite très bien et guérit souvent". Certes, il se guérit d'autant mieux qu'on surtraite des lésions qui n'auraient jamais dû être détectées et n'auraient de toute façon jamais tué, le corps médical ne résistant pas à avancer aux patientes qu'on les a "sauvées", alors que le dépistage les a peut-être même lésées.

Surtout, le surdiagnostic augmente les surtraitements, dont font partie les radiothérapie. Comme la chirurgie du sein (mastectomies partielles et totales) qui n'est en rien "allégée" contrairement à ce qui est péroré par les autorités sanitaires elles-mêmes, les traitements par radiothérapie ne font que croître, contribuant à ce que nos deux auteures dénoncent, à savoir une exposition aux rayonnements ionisants
Ce n'est peut-être pas tant l'exposition directe lors des mammographies qui est en cause ici (sauf néanmoins pour les femmes jeunes, non ménopausées, en-dessous de 50ans qui voient leur risque de cancer radio-induit majoré), que la radiothérapie qu'une femme va subir.
Parler de traitement "allégé" comme le font les autorités sanitaires apparaît bien cynique, car il ne s'agit pas d'alléger des traitements mais de faire en sorte que des femmes ne soient pas surdiagnostiquées et ne subissent pas abusivement un traitement qu'elles n'auraient jamais dû connaître.

La radiotoxicité, minimisée en matière de dépistage du cancer du sein, est une réalité, le cancer radio-induit ne doit pas être passé sous silence.
Les cardiopathies radio-induites sont le plus grand tueur chez les survivantes du cancer traité.
Des cancers hématologiques peuvent survenir après radiothérapie et chimiothérapie.

Subir cela n'est pas anodin, subir cela abusivement parce qu'une femme n'a pas été alertée du risque de surdiagnostic inhérent au dépistage est éthiquement inacceptable.

Conclusion


Alors oui, reprenons la conclusion de Mme Desurmont :" Ayons le courage de voir plus loin qu’Octobre Rose et d’exiger qu’on puisse mettre au monde des petites filles qui n’auront pas à perdre autant d’énergie à tenter de survivre, soignées par ce même monde qui les aura rendues malades."

Mais ce courage doit inclure la remise en question de la médecine elle-même, de son caractère intrusif sur des personnes saines par un dépistage qui les rendra abusivement malades.

C'est à cela qu'il faut que nous soyons tous, public, malades et non-malades et surtout politiques, "sensibilisés". Et cette sensibilisation passe par une information honnête des femmes sur les dérives et dangers du dépistage, et non par une propagande rose héroïsant à tort des femmes dont certaines n'auraient jamais dû connaître cette maladie, et d'autres connaissant cette maladie dans sa forme la plus grave, loin du rose, qui les invisibilise, les paupérise, et qui les isole de la société.

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Les mini actus d’octobre 2022

Synthèse Dr C.Bour, 20 octobre 2022

1°-Nous commençons par un article dans Medscape, rédigé par Ryan Syrek
directeur éditorial, de Medscape US, sur les troubles sexuels et l'image de soi dégradée chez les femmes traitées pour cancer du sein, et souvent celles par hormonothérapie.

C'est un sujet quasi tabou et bien évidemment insuffisamment traité. La préoccupation de l'auteur concerne l'engouement pour certaines thérapeutiques au bénéfice douteux voire inexistant. Il souligne aussi le surtraitement chez des femmes atteintes de CCIS (carcinome in situ) qui "sont généralement mal informées de leur diagnostic et prennent des décisions de traitement non éclairées."
L'information insuffisante des femmes saines (en rapport avec le dépistage) ainsi que des femmes atteintes (sur leurs possibilités thérapeutiques), ne peut qu'être encore une fois déplorée.

Mais quels sont les freins à informer dûment les femmes ; paresse ? Manque de temps ? Ou bien aussi une considération persistante patriarcale selon laquelle les femmes sont insuffisamment armées pour comprendre ou décider, et qu'il faut leur éviter toute surcharge cognitive ? On caricature en disant cela ? Pas du tout, l'art de la manipulation des femmes a même donné lieu à une véritable étude : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Nous rajouterons également que l'information doit déjà au préalable être axée sur les risques du dépistage en général, et en particulier sur le surdiagnostic, celui-ci étant très largement alimenté par la découverte de très nombreux carcinomes "in situ" (voir article FAQ) qui dans leur très grande majorité n'impactent pas les femmes, mais qui sont malheureusement majoritairement détectés par les mammos répétées.

2°-Dans le BMJ, des auteurs posent la question sur la connaissance du surdiagnostic par les médecins, ce qui devrait être un pré-requis pour pouvoir l'expliquer aux patiente.... Une étude est en cours, présentée ici : https://bmjopen.bmj.com/content/12/10/e054267.info

Le titre est "Les médecins et autres professionnels de la santé connaissent-ils le surdiagnostic dans les examens de dépistage et quelle attitude adoptent-ils à cet égard ? Un protocole pour une revue systématique à méthodes mixtes"
PAr Piessens V, Heytens S, Van Den Bruel A, et al : "Do doctors and other healthcare professionals know overdiagnosis in screening and how are they dealing with it? A protocol for a mixed methods systematic review"  BMJ Open 2022;12:e054267. doi:10.1136/bmjopen-2021-054267

Les médecins et autres professionnels de la santé connaissent-ils le surdiagnostic dans les examens de dépistage et quelle attitude adoptent-ils à cet égard ?
Introduction : Le surdiagnostic est le diagnostic d'une maladie qui n'aurait jamais causé aucun symptôme ou problème. Il s'agit d'un effet secondaire néfaste du dépistage, qui peut entraîner des traitements, des coûts et des inconvénients émotionnels inutiles. Les médecins et autres professionnels de la santé (PSS) ont la possibilité de limiter ces conséquences, non seulement en informant leurs patients ou le public, mais aussi en adaptant les méthodes de dépistage, voire en évitant le dépistage. Cependant, il n'est pas clair dans quelle mesure les professionnels de santé sont conscients du surdiagnostic et si cela affecte leurs décisions de dépistage. Cette revue systématique a pour but de synthétiser toutes les recherches disponibles sur ce que les professionnels de santé savent et pensent du surdiagnostic, comment cela affecte leur attitude vis-à-vis de la politique de dépistage et s'ils pensent que les patients et le public devraient être informés à ce sujet.

Méthodes et analyse Nous rechercherons systématiquement dans plusieurs bases de données (MEDLINE, Embase, Web of Science, Scopus, CINAHL et PsycArticles) les études qui examinent directement les connaissances et les perceptions subjectives des HCP sur le surdiagnostic dû au dépistage dans le domaine de la santé, de manière qualitative et quantitative. Nous optimiserons notre recherche en examinant les listes de références et de citations, en contactant des experts dans le domaine et en recherchant manuellement les résumés de la conférence annuelle Preventing Overdiagnosis.

Après sélection et évaluation de la qualité, les auteurs se proposent d'analyser les résultats qualitatifs et quantitatifs, les données seront examinées et présentées de manière descriptive.

3°-Dans les Annals of Internal Medicine est présentée une initiative dont notre Institut National du Cancer pourrait s'inspirer. https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M22-1139

Pour les auteurs, Aruna Kamineni, V. Paul Doria-Rose, Jessica Chubak, et al, le dépistage du cancer ne devrait être recommandé que lorsque la balance entre les bénéfices et les risques est favorable. La revue ici présentée évalue comment les lignes directrices américaines sur le dépistage du cancer rapportent les risques.
Objectif : Décrire les pratiques actuelles de communication et identifier les possibilités d'amélioration.
Conception : Examen des lignes directrices.
Contexte :États-Unis, étude financée par l'Institut du Cancer américain.
Patients : Patients éligibles pour le dépistage du cancer du sein, du col de l'utérus, du cancer colorectal, du poumon ou de la prostate selon les directives américaines.

En voici les résultats :
La déclaration des risques n'est pas uniforme pour tous les types d'organes et à chaque étape du processus de dépistage du cancer. Les lignes directrices ne signalent pas tous les risques pour un type d'organe spécifique ou pour une catégorie de risques dans tous les types d'organes. Les lignes directrices sur le dépistage du cancer de la prostate sont les plus complètes et celles sur le dépistage du cancer colorectal sont les moins complètes. La conceptualisation des risques et l'utilisation de données probantes quantitatives diffèrent également selon le type d'organe.

Les auteurs concluent :
Cette étude a permis d'identifier des possibilités d'améliorer la conceptualisation, l'évaluation et la communication des risques liés au processus de dépistage dans les lignes directrices.
Les travaux futurs devraient tenir compte des nuances associées à chaque processus de dépistage du cancer propre à un organe, y compris les risques les plus importants et les lacunes en matière de données probantes, et explorer explicitement la façon de pondérer de manière optimale les données probantes disponibles pour déterminer les bénéfices nets du dépistage.
L'amélioration de la communication des risques pourrait faciliter la prise de décisions éclairées et, en fin de compte, améliorer la pratique du dépistage du cancer.

4°-Pour finir, citons encore deux publications, une "lettre pour l'éditeur" par Rani Marx (Medical Decision MakingVolume 42, Issue 8, November 2022, Pages 1041-1044)
et un editorial récent, par Marilyn M. Schapira, professeure de médecine en Pennsylvanie  and Katharine A. Rendle, professeure adjointe de médecine familiale et santé communautaire à l'école de médecine Perelman (Pennsylvanie), plaidant tous les deux pour une prise de conscience de la nécessité d'une désescalade des dépistages et du changement nécessaire, pour le bénéfice des femmes.

Dans sa lettre « Overscreening for Women's Cancer: Time for Change » ( "sur-dépistage des cancers féminin : il est temps de changer"), Dr Marx, épidémiologiste et patiente, relate :
"Le dépistage inutile et potentiellement dangereux du cancer chez les femmes est un fardeau pour les soins de santé et nuit probablement aux patientes." L'auteure dénonce "des tests abondants, malgré des preuves rares sur l'amélioration de la santé de la population ou la réduction de la mortalité..."

Elle raconte d'ailleurs sa propre expérience en 2020.

Dans son commentaire « Overscreening for Women's Cancer: Time for Change », le Dr Rani Marx aborde le problème complexe de la prise de décision éclairée et fondée sur des valeurs en matière de santé des femmes. Forte de son expérience en recherche sur les services de santé et en épidémiologie, mais aussi de sa propre expérience de 'patiente', la Dre Marx relate ses tentatives frustrantes au cours de sa vie de dépistage pour engager les cliniciens dans la prise en considération des risques, de la balance bénéfices- risques. Elle expose les compromis impliqués dans les prises de décisions lors des tests de dépistage du cancer.
Lorsqu'on leur demande, explique Dr Marx, de nombreux patients et cliniciens acceptent et reconnaissent la nécessité de désamorcer les soins lorsqu'ils sont soutenus par des preuves scientifiques, et d'entamer un processus de prise de décision éclairée et partagée.

L'éditorial de Schapira et Rendle lui, plaide pour relever le défi de la désescalade : un changement à plusieurs niveaux est nécessaire pour améliorer la pratique clinique. Ces améliorations doivent porter sur les lignes directrices, sur des efforts de consensus de ces directives, et sur des processus de prises de décision partagées entre une femme et son clinicien, pour aboutir à des décisions de dépistage individualisées qui reflètent les valeurs et les préférences de la femme.

C'est ce que la concertation citoyenne demandait, mais le chemin est bien long, et la prise de décision partagée apparaît un mirage lorsqu'on voit les spots télévisés incitatifs de l'INCa pour les femmes ou les documents d'information de l'institut encore insuffisamment pondérés et peu diserts sur le descriptif des risques du dépistage.

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Le nouveau livret de l’INCa 2022

15 octobre 2022

Nous avions réalisé une analyse critique en 2017 sur le livret d'information de l'Institut National du Cancer (INCa) pour les femmes concernant le dépistage du cancer du sein et qui leur était envoyé avec leur première convocation.

Le score de qualité de l'information à l'époque n'était pas brillant.. Une nouvelle édition 2022 a été mise en ligne à la disposition des femmes. Nous allons comparer les ajustements et examiner l'actualisation qui a été faite entre les deux éditions.

Notre patiente référente Sophie s'est penchée sur un travail comparatif entre les deux livrets pour voir l'évolution de la communication de l'INCa, elle en a réalisé une analyse que nous restituons ci-dessous.

Les points négatifs

1)  Envoi du livret une seule fois à 50 ans ; ensuite est envoyé un dépliant à chaque dépistage qui ne mentionne aucun des risques du dépistage et qui renvoie vers un site internet. Au fil des années il est clair que le message ancré qui restera dans les esprits sera celui du dépliant , sans présentation des risques qui seront complètement oubliés.

2) Dans les bénéfices, mise en avant de la survie à 5 ans, qui n'est pas un indicateur d'efficacité du dépistage.

3) La baisse de mortalité est exprimée en pourcentage de réduction relative (15-21%)  alors que le pourcentage du surdiagnostic l'est en pourcentage absolu (10- 20%), ce n'est pas comparable. Ce travers est déjà présent dans le livret de 2017.

ATTENTION : 20% de diminution de mortalité par cancer ne signifie pas que 20 femmes dépistées sur 100 femmes, en moins, mourront du cancer.
Il s'agit là de l'indication uniquement du risque relatif. Les rédacteurs font fi de la revendication des citoyennes de ne plus être bernées par des chiffres qui ne signifient pas ce qu'ils semblent dire. Les 20% de décès en moins ne signifient en aucun cas que 20 femmes en moins sur 100 mourront de cancer du sein si elles se font dépister. Ces 20% ne correspondent qu'à une réduction de risque relatif entre deux groupes comparés de femmes.
En fait, selon une projection faite par le Collectif Cochrane basée sur plusieurs études, sur 2 000 femmes dépistées pendant 10 ans, 4 meurent d’un cancer du sein ; sur un groupe de femmes non dépistées dans le même laps de temps 5 meurent d’un cancer du sein, le passage de 5 à 4 constitue mathématiquement une réduction de 20% de mortalité, mais en valeur absolue un seul décès de femme sera évité (risque absolu de 0.1% ou 0.05% ).
En fait cela correspond à une réduction de risque absolu de 0.05% (1 femme sur 2000)  à 0.1 % (1 femme sur 1000) au terme de 10 à 25 années de dépistage selon les estimations retenues (américaines, revue Prescrire, US TaskForce). (5)

Pour bien comprendre la différence entre risque relatif et absolu, lire ici https://web.archive.org/web/20170623084247/http://hippocrate-et-pindare.fr/2017/01/01/resolution-2017-non-au-risque-relatif-oui-au-risque-absolu/

Concernant le taux du surdiagnostic, les 10 à 20% indiqués correspondent à l'évaluation la plus basse, d'autres études suggèrent des taux de surdiagnostics bien plus hauts.

4) Le site du NIH (National Cancer Institute américain) est cité dans les références du livret pour étayer les statistiques de la survie que le livret met en avant, mais omet la page de ce même institut qui indique que la survie justement n'est pas un bon indicateur de l'efficacité du dépistage, et omet également la page où le taux de surdiagnostic est donné à un taux de 20 à 50%.  Dans un document, donner un taux à sa fourchette basse est une option, mais la fourchette haute doit aussi être indiquée avec honnêteté.

Que dit exactement le NIH sur ces deux paramètres ?

Sur les taux de surdiagnostics
https://www.cancer.gov/types/breast/hp/breast-screening-pdq#_13_toc

Magnitude de l'effet : Entre 20 % et 50 % des cancers détectés par dépistage représentent un surdiagnostic en fonction de l'âge des patientes, de leur espérance de vie et du type de tumeur (carcinome canalaire in situ et/ou invasif) [11,12]. Ces estimations reposent sur deux méthodes d'analyse imparfaites : [11,13]
Le suivi à long terme des essais cliniques randomisés de dépistage (RCT).
Le calcul de l'incidence excédentaire dans des programmes étendus de dépistage [11,12].
Conception de l'étude : RCTs, descriptifs, comparaisons entre populations, séries d'autopsies, et séries de prélèvements de résection mammaire.

Sur la survie et l'efficacité de dépistage
https://www.cancer.gov/about-cancer/screening/research/what-screening-statistics-mean

Une bonne partie de la confusion entourant les bénéfices du dépistage provient de l'interprétation des statistiques qui sont souvent utilisées pour décrire les résultats des études de dépistage. Une amélioration de la survie - c'est-à-dire de la durée de vie d'une personne après un diagnostic de cancer - chez les personnes qui ont subi un test de dépistage du cancer est souvent interprétée comme signifiant que le test sauve des vies.Mais la survie ne peut pas être utilisée correctement dans ce but en raison de plusieurs sources de biais.

5) Le titre ne mentionne  plus le choix, le dernier chapitre sur le choix de dépistage a été supprimé et remplacé par des témoignages incitatifs sur les bénéfices. (témoignage rassurant d' un dépistage qui a "sauvé" la vie, et celui d'une femme qui ne s'est pas fait dépister et aurait subi des traitements plus lourds). 

Cette option du choix figurait à la fin du livret de 2017 :

6) Il n'y a toujours pas de pictogramme visuel, ce que les citoyennes ont demandé, qui illustre en nombre absolu les bénéfices et les risque, ceci pour avoir une vision globale et pour que les femmes puissent faire leur choix.

7) on continue à appeler les risques du dépistage, des "limites" (page 13 du livret) , alors que le terme en anglais c'est "harms", ce qui signifie les dommages.
"Limites", cela implique plutôt l'incapacité à dépister correctement.

8) On utilise le message de personnalités (président de l'INCa), d'autorités (recommandation en Europe), appel à la peur (si on se fait pas dépister ...), comme techniques d'influence.

Les points positifs

1) Une page spécifique qui regroupe les risques du dépistage (présents aussi en 2017, mais non regroupés et sans titre clair pour chaque risque).

2) Une meilleure organisation de l'information sur la prévention (facteurs de risque et protecteurs, tableau sur les statistiques de cancer liés à chaque facteur de risque, page 9) 

3) Document plus facile à lire, plus visuel

4) L'ajout de la sage femme (alternative au médecin généraliste ou gynécologue) dans les examens cliniques de suivi et pour les questions sur le dépistage.

Comparaison des textes des deux livrets en tableau

Download /Télécharger

En conclusion

Ce livret, de préférence corrigé sur les insuffisances persistantes que Sophie a analysées pour nous, pourrait être envoyé aussi lors de chaque convocation au dépistage, pas seulement une fois à l'âge de 50 ans.

Dans le dépliant prévu pour les dépistages subséquents (après 50 ans) les risques du dépistage et les informations sur la prévention ont été supprimés, ce qui constitue une information tronquée et incomplète.

Or les femmes doivent maintenant être informées complètement et dûment, selon les exigences de la concertation citoyenne, et ce jusqu'au bout de leur vie de dépistée.
Celles qui ont déjà eu leur premier dépistage antérieur à 2022 ne recevront jamais cette information.
Cela peut être mis en oeuvre sans trop de difficulté en remplaçant le dépliant prévu pour les invitations suivantes tout simplement par ce livret, dûment complété et corrigé sur ses faiblesses.

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Des « diagnostics délicats »

Par Cancer Rose, 10 octobre 2022

Diagnostic délicat : éviter les préjudices en cas de diagnostic difficile, contesté ou souhaité.

7 octobre 2022

Un point de vue publié par :

Margaret McCartney est Honorary Senior Lecturer at the School of Medicine, University of St Andrews.

Natalie Armstrong est Professor of Healthcare Improvement Research au Department of Health Sciences, University of Leicester.

Graham Martin est Director of Research at The Healthcare Improvement Studies Institute, University of Cambridge.

David Nunan est Senior Research Fellow at the Nuffield Department of Primary Care Health Sciences, University of Oxford.

Owen Richards est Chair of the Patient and Carer Partnership Group, Royal College of General Practitioners.

Frank Sullivan est Professor of Primary Care Medicine at the School of Medicine, University of St Andrews.

« Diagnostics délicats » - Les auteurs présentent ici un cadre qui peut être utile lors de l'examen d'un diagnostic « difficile, contesté et souhaité ». Ils suggèrent une nouvelle approche à ce problème complexe auquel est souvent confronté le médecin dans sa  pratique clinique - la tolérance à l'incertitude est la clé -

Les points majeurs sont :

- Certains diagnostics sont particulièrement sujets à l'ambiguïté, au surdiagnostic, au surtraitement et aux préjudices associés.

- Les facteurs systématiques comprennent la partialité, les conflits d'intérêts et la variabilité de la qualité de l'information pour les patients et les cliniciens.

- Le fait de considérer certains diagnostics comme "délicats" permet d'identifier ces caractéristiques et éventuellement de les limiter.

- La tolérance à l'égard de l'incertitude et la volonté d'adopter des diagnostics provisoires peuvent constituer un moyen approprié pour contrebalancer les risques.

Voici les passages principaux du texte, traduits.

"Les diagnostics médicaux peuvent être confrontés à l'ambiguïté, au doute, à la subjectivité et à l'incertitude inhérente. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des soins primaires, où de nombreux symptômes observés ne permettent pas toujours d'établir un diagnostic clair. Les seuils de normalité sont souvent peu évidents.

Les symptômes sont généralement vécus et décrits comme un "iceberg". Plus d'un tiers des personnes par ailleurs en bonne santé et ne souffrant pas d'une maladie chronique, se sont senties fatiguées ou épuisées, ou ont eu mal à la tête pendant les deux dernières semaines, et plus d'un quart ont eu mal au dos ou aux articulations.1 Distinguer les maladies qui bénéficieraient d'un diagnostic et d'une intervention plus précoce de celles qui sont temporaires, résolutives et sujettes à une médicalisation néfaste, reste un défi."

L'article insiste sur la différenciation à faire entre un surdiagnostic, qui est un vrai diagnostic mais excessif, et un diagnostic contestable, et contesté.

"Alors que le surdiagnostic est le diagnostic d'une maladie qui, si elle n'était pas détectée, ne causerait pas de symptômes ou de préjudices, les diagnostics contestés correspondent à des symptômes auxquels on a attribué un diagnostic, mais pour lesquels le diagnostic, qui les explique, est controversé.
Les opposants considèrent que les diagnostics contestés sont "erronés", non pas en raison d'une erreur dans l'anamnèse, l'examen clinique ou l'interprétation des résultats d'un test (qui risquerait de conduire à un mauvais diagnostic), mais parce que le diagnostic lui-même, par exemple la maladie de Lyme chronique ou la polysensibilité chimique, n'est pas valide2,3.
Les diagnostics contestés sont entourés de "pseudo-sciences", par exemple la fatigue surrénalienne, le syndrome de l'intestin irritable ou la candidose chronique, qui tentent d'expliquer les symptômes à l'aide d'une "science" qui est de toute évidence inexacte (encadré 1)4 ."

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Comme on peut le voir dans ce tableau, les auteurs ont cité le surdiagnostic du cancer de la tyhyroïde ainsi que le carcinome canalaire in situ, qui alimente en effet le surdiagnostic du cancer du sein mais ne le résume pas. D'authentiques cancers invasifs du sein peuvent être des surdiagnostic, car à croissance tellement lente qu'ils n'auraient jamais impacté la vie des patientes.

Ce surdiagnostic est un fardeau dans la vie des femmes que nous avons illustré ici : voir l'image "comment le surdiagnostic gâche des années de vie".

"De nombreux diagnostics contestés concernent des symptômes qui ne sont pas clairement définis, ce qui signifie que certaines personnes reçoivent un diagnostic qui ne leur confère aucun avantage. D'autres restent surtout des " toujours inexpliqués". Par exemple, le syndrome de la guerre du Golfe a été traité comme une maladie contestée, mais il est maintenant reconnu comme causé par l'exposition au gaz sarin.6 D'autres conditions reconnues sont sujettes à une variété d'influences telles que les risques de diagnostics conduisant à des préjudices, à travers un ensemble varié de mauvais diagnostics, de surdiagnostics, de pseudo-sciences ou de surtraitements.
Un dispositif permettant de considérer certaines affections comme des "diagnostics délicats" pourrait contribuer à reconnaître et à réduire les méfaits de la médecine dans ces circonstances."

Diagnostic délicat

Les auteurs examinent les facteurs influençant ces diagnostics délicats et comment il peuvent execer une pression pour les faire admettre.

" Différents modèles ont été utilisés pour décrire et expliquer comment les médecins parviennent à un diagnostic."
"Les médecins généralistes travaillent principalement sur la base de " schémas mentaux ",7 " des directives tacites, internalisées et renforcées collectivement... informés par de brèves lectures, mais surtout par leurs interactions entre eux et avec les leaders d'opinion, les patients et les représentants pharmaceutiques ".

Les mêmes démarches et procédures peuvent s'appliquer de façon analogue aux patients.
Il en résulte un risque de biais et les inconvénients qui en découlent : soins de mauvaise qualité, surdiagnostic et surtraitement.

"Il est souvent difficile de trouver des informations de bonne qualité. Par exemple, si l'on cherche "Ai-je un TADH ?" sur Google, on obtient, dans les premiers résultats, un site de quiz avec un questionnaire non validé, un questionnaire hébergé par un site sponsorisé par un fabricant de médicaments pour le TADH, et seulement ensuite, des informations du NHS (système de soins britannique).
Les premiers résultats pour des informations sur "l'allergie aux protéines du lait de vache" incluent des fabricants de lait pour bébé et des organisations de patients parrainées par ces derniers.
Les campagnes concernant le cancer de la prostate ont été menées par des organisations d'hommes et des consultants en pratique libérale."

"Au Royaume-Uni, les médecins généralistes ne sont pas non plus en mesure d'aborder certains diagnostics de manière neutre. Ils ont déjà reçu des incitations financières dans le cadre de leur contrat pour chercher à poser des diagnostics "précoces" qu'ils n'auraient autrement pas considérés comme cliniquement utiles.8 Bien que la continuité des soins soit souhaitée par les patients,9 elle est en déclin.10 Par facilité, les patients recherchent des conseils sur Internet 11 mais les médecins pour leurs compétences professionnelles - or celles-ci ne sont pas toujours à portée de main, dans un contexte de tension dans les soins primaires."

Certains diagnostics, expliquent les auteurs, et les circonstances dans lesquelles ils sont susceptibles de se présenter, peuvent être considérés comme "délicats" et mériter une attention particulière.
Les caractéristiques suggérant un "diagnostic délicat"(encadré 2), se recoupent et incluent des critères tels que : marges floues, une science non établie et des différences culturelles, ainsi que la subjectivité des symptômes et les risques d'éléments transactionnels (par exemple, le paiement pour accéder aux investigations d'une maladie et des séquelles associées)

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Des exemples de maladies ou de syndromes sont donnés dans ce tableau avec les critères auxquels ils peuvent être assujettis et qui créent ainsi une fragilité, qui font de ces maladies ou syndromes un "diagnostic délicat", sujet à caution, à interprétation excessive, à surdiagnostic.
Ce tableau liste les pressions exercées qui vont en faire des diagnostics sujets à contestation.
Ces caractéristiques - non exhaustives et non définitives - sont importantes lorsque l'on envisage un diagnostic en dehors de ce qui a été expérimenté ou vérifié, ou lorsqu'il y a un risque que les schémas mentaux soient sujets à des biais systématiques ou basés sur des informations de mauvaise qualité.
A la fois les attentes et de la difficulté d'atteindre la certitude en médecine rend ces diagnostics particulièrement susceptibles d'être influencés, notamment par la recherche d'un diagnostic, et du seuil adopté sur lequel ce diagnostic est posé.

Une compréhension partagée entre les professionnels du diagnostic, les citoyens et les patients

Les auteurs suggèrent qu'il nous faut, aussi bien patients que corps médical, admettre en médecine un certain degré d'incertitude. Ceci permettrait d'alléger le fardeau d'un diagnostic qui repose sur les épaules du patient.

Ils écrivent :
"Il n'est peut-être pas possible, ni souhaitable, de rendre les diagnostics "délicats" plus robustes. Au contraire, une tolérance à l'égard de l'incertitude et une volonté d'adopter un diagnostic douteux, hésitant ou provisoire peuvent être appropriées. Cela doit être mis en balance avec le risque de préjudice potentiel lorsque le diagnostic et le traitement qui en découle peuvent être pertinents. Cependant, une intervention urgente dans ces cas est rarement nécessaire, et un diagnostic rapide doit être mis en balance avec les inconvénients de l'occultation du diagnostic, de la médecine de faible valeur et préjudiciable, et du fardeau de la "patientalité".

Lorsque l'environnement dominant reflète un parti pris, des efforts peuvent être nécessaires pour atteindre et maintenir un équilibre plus neutre (encadré 3).

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Les systèmes de codage informatique peuvent restituer un diagnostic potentiel ou incertain, et peuvent nécessiter une adaptation pour refléter l'incertitude. Il ne faut pas non plus sous-estimer la valeur du diagnostic : la capacité de nommer un trouble permet d'élaborer des définitions robustes, de procéder à des tests équitables et de développer des interventions efficaces."

Le partenariat patient-corps médical doit être ici fortement encouragé et prend toute sa valeur.

"Le défi pour les cliniciens et les patients est de trouver des avantages tout en évitant les inconvénients. Cela peut ne pas être facile pour l'une ou l'autre des parties, surtout si l'on considère le caractère attractif de la certitude et des privilèges associés à un diagnostic particulier. Pour minimiser les inconvénients et maximiser les avantages, il est nécessaire d'établir un partenariat entre le médecin et le patient, en particulier dans un environnement où les intérêts particuliers sont légion."

Conclusion

Les auteurs concluent :

"Alors que la médecine évolue à l'ère du COVID-19, de nouveaux défis sont susceptibles d'avoir un impact sur la façon dont les médecins et les patients cherchent à obtenir un diagnostic et sur la manière dont ils le font. La continuité et la relation avec le patient sont appréciées mais deviennent moins courantes.

Une multitude de pressions environnementales, dont certaines sont visibles et d'autres non, sont omniprésentes.
Les informations nouvelles et émergentes peuvent être difficiles à évaluer et à utiliser de manière critique, souvent en raison de biais et de désinformation.
Un cadre permettant de considérer certains diagnostics comme "délicats" permet d'identifier et d'analyser systématiquement les influences qui les entourent. Cela pourrait permettre de concevoir des mesures appropriées pour atténuer les biais, aider les patients et les médecins à éviter les préjudices et informer la recherche et les politiques."

Références

1. McAteer A, Elliott AM, Hannaford PC. Ascertaining the size of the symptom iceberg in a UK-wide community-based survey. Br J Gen Pract 2011; DOI: https://doi.org/10.3399/bjgp11X548910.
2. Lantos PM, Wormser GP. Chronic coinfections in patients diagnosed with chronic lyme disease: a systematic review. Am J Med 2014; 127(11): 1105–1110.
3. Das-Munshi J, Rubin GJ, Wessely S. Multiple chemical sensitivities: a systematic review of provocation studies. J Allergy Clin Immunol 2006; 118(6): 1257–1264.
4. Shapiro ED, Baker PJ, Wormser GP. False and misleading information about Lyme disease. Am J Med 2017; 130(7): 771–772.
5. Rebman AW, Aucott JN, Weinstein ER, et al. Living in limbo: contested narratives of patients with chronic symptoms following Lyme disease. Qual Health Res 2017; 27(4): 534–546.
6. Haley RW, Kramer G, Xiao J, et al. Evaluation of a gene–environment interaction of PON1 and low-level nerve agent exposure with Gulf War illness: a prevalence case–control study drawn from the U.S. Military Health Survey’s national population sample. Environ Health Perspect 2022; 130(5): 57001.
7. Gabbay J, le May A. Evidence based guidelines or collectively constructed “mindlines?” Ethnographic study of knowledge management in primary care. BMJ 2004; 329(7473): 1013.
8. Brunet MD, McCartney M, Heath I, et al. There is no evidence base for proposed dementia screening. BMJ 2012; 345: e8588.
9. Aboulghate A, Abel G, Elliott MN, et al. Do English patients want continuity of care, and do they receive it? Br J Gen Pract 2012; DOI: https://doi.org/10.3399/bjgp12X653624.
10. Tammes P, Morris RW, Murphy M, Salisbury C. Is continuity of primary care declining in England? Practice-level longitudinal study from 2012 to 2017. Br J Gen Pract 2021; DOI: https://doi.org/10.3399/BJGP.2020.0935.
11. Clarke MA, Moore JL, Steege LM, et al. Health information needs, sources, and barriers of primary care patients to achieve patient-centered care: a literature review. Health Informatics J 2016; 22(4): 992–1016.
12. House of Commons Health Committee. The influence of the pharmaceutical industry. Fourth report of session 2004–05. Volume 1. 2005. https://publications.parliament.uk/pa/cm200405/cmselect/cmhealth/42/42.pdf (accessed 22 Sep 2022).
13. Department of Health. Innovation, health and wealth: accelerating adoption and diffusion in the NHS. 2011. https://webarchive.nationalarchives.gov.uk/ukgwa/20130107013731/http://www.dh.gov.uk/en/Publicationsandstatistics/Publications/PublicationsPolicyAndGuidance/DH_131299 (accessed 21 Sep 2022).
14. UK National Screening Committee. Adult screening programme: atrial fibrillation. 2019. https://view-health-screening-recommendations.service.gov.uk/atrial-fibrillation (accessed 21 Sep 2022).

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