Dépistage et femme âgée

8 août 2023, par Cancer Rose

Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes âgées de 70 à 85 ans et plus, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic variait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion l'âge avançant.
D'autres études antérieures mettaient déjà fortement en doute l'intérêt du dépistage chez les femmes âgées, et l'effet délétère des traitements lourds sur ces organismes fragilisés et à prendre d'autant plus en compte.

https://www.acpjournals.org/doi/abs/10.7326/M23-0133?af=R&journalCode=aim

 Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes de 70 ans à 74 ans, de 75 à 84 ans et de plus de 85 ans, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic varierait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion plus l'âge avance.

Ces résultats rejoignent ceux d'une étude antérieure, de 2014, d'universitaires de Leyden, Pays Bas.
Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.

Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge.
Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.

Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.

Les auteurs de l'étude américaine ici posent également la question de savoir si les bénéfices sont vraiment suffisamment importants, et qui ils concernent réellement pour contrebalancer les effets néfastes des surdiagnostics. Cette question reste en suspens.

Lien connexe : https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

Faut-il freiner chez la femme âgée ?

C'est une question que pose le JAMA, en 2019, et dont nous parlions ici : https://cancer-rose.fr/2019/02/06/depistage-chez-la-femme-agee/

Les auteurs relatent les résultats d'une étude portant sur l'efficacité de techniques numériques assistées par ordinateur pour aider le radiologue à détecter des zones suspectes.
Cette vaste étude de 2013, donnait, chez les femmes âgées de 65 à 84 ans, des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.
FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

Des doutes d'efficacité existent aussi pour l'utilisation de la tomosynthèse chez les femmes âgées, et l'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes en particulier chez celles de 75 ans et plus.

En conclusion

Il est, une fois de plus, démontré que le dépistage du cancer du sein dans les tranches d'âge au-delà de 74 ans est associé à une plus grande incidence du cancer du sein, ce qui suggère un surdiagnostic augmentant en fréquence avec l'âge.
Les méfaits du surdiagnostic ne semblent pas équilibrés par des bénéfices en termes de diminution des formes avancées de cancer.

Il convient de ce fait de rester très prudent et le moins intrusif possible chez ces patientes dont le système immunitaire est affaibli.
Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien avec l'âge, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration des traitements lourds, comportant eux-mêmes des risques et des complications, pouvant être fatals au grand âge..

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

La guerre de la mammo n’aura de fin

Traduction et restitution du texte par Cancer Rose, 31/07/2023

Pourquoi les nouvelles lignes directrices recommandant le dépistage à 40 ans ne peuvent pas mettre fin à la guerre des mammographies

Par Asia Friedman, 27 juillet 2023

Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l’Université du Delaware et auteur du livre « Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes » (Rutgers).

Les nouvelles lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein émises par le groupe de travail américain sur les services préventifs (United States Preventive Services Task Force) paraissent mettre fin à un débat qui dure depuis des décennies sur la date à laquelle les femmes doivent commencer à passer des mammographies. L'agence recommande désormais de commencer à 40 ans*, annulant ainsi la recommandation de 50 ans qui était en vigueur depuis 2009. Ce changement l'aligne sur d'autres organisations d'experts telles que l'American College of Radiology (bien que les deux diffèrent encore sur la question de savoir si les femmes devraient subir une mammographie tous les ans ou tous les deux ans).

*Voir à ce sujet notre article : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/

Malgré ce nouveau consensus apparent, la "guerre des mammographies" n'est pas terminée.

La mammographie a beau être pratiquée 40 millions de fois par an aux États-Unis, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine. Hormis la récente convergence sur les lignes directrices relatives à l'âge, les experts restent divisés sur la meilleure façon de définir et de mesurer les bénéfices et les risques de la mammographie, et en plus sur la validité de l'idée même de détection précoce.

Ce n'est pas parce que nous ne disposons pas de suffisamment de données. Aucun dépistage médical - en fait, peut-être aucune autre condition médicale - n'a été plus examiné que la mammographie.

Deux schémas de pensée différents

Au contraire, comme le suggère ma recherche, deux partis interprètent les données existantes selon des critères de signification différents.
Sur la base de dizaines d'entretiens avec des scientifiques, des médecins et des patientes, j'identifie deux schémas de pensée dominants au cœur des conflits sur la mammographie : l'interventionnisme et le scepticisme.

En bref, les interventionnistes croient fermement aux bénéfices de la détection précoce et minimisent tout préjudice possible du dépistage. Ils critiquent donc tout effort visant à retarder l'âge recommandé pour les mammographies ou à réduire la fréquence du dépistage.

Les sceptiques sont moins confiants dans l'efficacité du dépistage par mammographie et accordent plus d'importance aux préjudices du dépistage, qu'ils définissent d'ailleurs de manière plus large que les interventionnistes. Ils préconisent donc généralement de retarder l'initiation et de ralentir la fréquence des mammographies pour limiter ces risques.

Fondamentalement, les perspectives différentes des sceptiques et des interventionnistes dépendent de leur conviction que la détection précoce présente des bénéfices incontestables. La détection précoce est devenue une logique culturelle par défaut, en grande partie en raison des messages de santé publique de longue date qui insistent sur les bénéfices d'un diagnostic précoce pour de nombreuses maladies.

Les médecins sceptiques et les chercheurs en cancérologie remettent en question ce discours dominant sur les bénéfices de la détection précoce. Comme l'a déclaré un oncologue, "pendant des décennies, le message a été : 'L'outil le plus important est la mammographie', 'La mammographie sauve des vies', et il a donc été ... condensé en quelques mots ... qui ne laissent aucune place à l'incertitude quant aux bénéfices et ne mentionnent même pas les préjudices". Les sceptiques mettent en avant toute une série de préjudices potentiels liés au dépistage. Certains experts disent même que le dépistage déclenche une "cascade de préjudices".

Quels préjudices ?

Les préjudices les plus courants de la mammographie sont le stress et l'anxiété associés à des dépistages répétés en raison de résultats ambigus ou faussement positifs. "Nous essayons de trouver autant de cancers que possible", a déclaré un médecin de premier recours et chercheur en médecine, "et c'est la porte ouverte à un grand nombre de fausses alertes". On m'a également dit : "Je pense que nous avons pratiquement fait de la peur du cancer du sein un rite de passage pour les femmes américaines d'âge moyen".

Les estimations du taux de mammographies faussement positives varient, mais un article paru en 2020 dans Ethnicity & Health faisait état d'un risque de 20 à 65 % de recevoir un résultat faux-positif au cours de la vie, et un article paru en 2004 dans le Journal of the American Medical Association indiquait que 35 % des participantes avaient eu au moins une mammographie faussement positive. Parmi les patientes que j'ai interrogées, près des trois quarts avaient été rappelées au moins une fois pour un dépistage ou un test supplémentaire. Pour certaines, un nouveau dépistage a lieu à chaque fois qu'elles passent une mammographie, un processus qui peut prendre des mois.

Malgré cela, les interventionnistes ont tendance à rejeter l'idée que le dépistage peut être nuisible. Comme l'a expliqué le directeur d'un centre de lutte contre le cancer, "si vous aviez une balançoire à bascule et que d'un côté il y avait un bloc de béton de 100 livres, c'est le bénéfice. J'estime que les préjudices sont équivalents à une plume et c'est ce que j'empile de l'autre côté". Un radiologue m'a également dit que les critiques avaient "exagéré les aspects négatifs du dépistage".
Il a qualifié les inconvénients du dépistage de minimes : "l'anxiété et le désagrément d'être rappelée" et : "ne sont certainement pas l'équivalent de mourir d'un cancer du sein".

Un inconvénient moins connu du dépistage qui préoccupe particulièrement les sceptiques de la mammographie est le surdiagnostic, c'est-à-dire les cancers révélés par le dépistage qui se développent lentement ou qui ne sont pas dangereux de manière imminente. Pourtant, lorsque de tels cancers sont détectés, ils sont presque toujours traités, ce qui, selon les sceptiques, est plus néfaste que bénéfique, compte tenu de leurs caractéristiques biologiques relativement bénignes.

Voir notre article : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

Il est difficile de mesurer le surdiagnostic car les cancers surdiagnostiqués sont généralement traités et sont donc très rarement identifiables en tant qu'exemples de surdiagnostic au niveau du patient individuel. Néanmoins, de nombreux experts s'accordent à dire que le surdiagnostic est réel et démontrable au niveau de la population. "Il y a un consensus, au moins dans la communauté scientifique, sur le fait qu'il s'agit d'un problème et qu'il faut s'y intéresser", a déclaré un chercheur en médecine.

Du point de vue des sceptiques, le surdiagnostic représente un changement de paradigme actuellement en cours dans la façon de penser le cancer. Comme l'a décrit un chirurgien et spécialiste du cancer du sein, "il existe un mantra selon lequel l'un des meilleurs moyens d'améliorer la guérison du cancer est de le détecter à un stade précoce". La détection précoce est basée sur un "modèle conceptuel de la maladie qui est linéaire", a-t-il expliqué, et ne prend donc pas en compte le surdiagnostic.

Voir l'article : https://cancer-rose.fr/2023/06/26/quest-ce-que-lhistoire-naturelle-du-cancer/

Pourtant, s'inquiéter du surdiagnostic n'aide pas à traiter les patients individuellement, affirment les interventionnistes. Comme l'a dit un radiologue, "le problème avec le concept de surdiagnostic est que nous n'avons aucun moyen de savoir quel cancer diagnostiqué tuera ou non le patient". Par conséquent, ce concept est "juste théorique" et ne devrait pas être pris en compte dans la détection et le traitement du cancer. Les interventionnistes affirment également qu'il est plus urgent de se concentrer sur le risque de sous-diagnostic, ou de non-détection de la maladie d'un patient. Les faux positifs ne sont peut-être pas une expérience agréable, mais comme l'a dit un médecin de famille, "je pense que c'est une conséquence plus acceptable que la mort d'un plus grand nombre de femmes".

Désaccord inconciliable

Malgré des décennies de recherche, les interventionnistes et les sceptiques ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la mammographie. La multiplication des données ne suffira pas à modifier les lignes de fracture fondamentales de ce désaccord, et les éternels débats sur l'opportunité de dépister les femmes d'une quarantaine d'années ne s'attaquent pas au cœur du conflit.

À moins d'une découverte scientifique révolutionnaire qui obligerait les deux partis à faire face aux limites de leurs opinions antérieures, notre meilleur espoir de sortir de cette impasse et de développer une nouvelle approche du dépistage réside dans un examen sociologique plus approfondi, sur la manière dont les croyances enracinées concernant la détection précoce et les bénéfices et préjudices du dépistage limitent la façon dont les experts, ainsi que nous-mêmes, sont capables de penser à propos de la mammographie.

Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l'université du Delaware et auteur du livre "Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes" (Rutgers). (Les guerres de la mammographie/Analyser l'attention dans les conflits culturels et médicaux.)

A propos de ce livre

La mammographie est un examen médical de routine pratiqué quarante millions de fois chaque année aux États-Unis. Pourtant, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine, les organisations nationales de soins de santé soutenant des lignes directrices contradictoires. Dans Mammography Wars, la sociologue Asia Friedman examine les désaccords culturels et médicaux sur la mammographie. L'enjeu est de savoir s'il faut dépister les femmes de moins de cinquante ans, ce qui est enraciné dans des questions plus profondes sur la détection précoce et le développement supposé linéaire et progressif du cancer du sein. Sur la base d'entretiens avec des médecins et des scientifiques, d'entretiens avec des femmes âgées de 40 à 50 ans et de la couverture médiatique de la mammographie, Friedman utilise la sociologie de l'attention pour cartographier la structure cognitive des "guerres de la mammographie", offrant ainsi un aperçu de la nature enracinée des débats sur la mammographie, qui passe souvent inaperçue lorsque l'on applique un point de vue médical. L'analyse de Friedman suggère également le potentiel unique de la sociologie de l'attention pour analyser les conflits culturels au-delà de la mammographie, et même au-delà de la médecine.

Lire aussi : La Conspiration de l'espoir, livre de Renée Pellerin - https://cancer-rose.fr/2021/06/12/conspiration-de-lespoir-un-livre-de-renee-pellerin/

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Communication des risques : être impartial pour le bien des patients

Par Cancer Rose, 18 juin 2023

A partir d'un article du BMJ, paru le 16 juin 2023

Quel est mon risque, docteur ? Comment communiquer le risque de maladie et les effets du traitement

Michael Bretthauer, Mette Kalager, Clinical Effectiveness Research Group, Université d'Oslo, Norvège
the bmj | BMJ 2023;381:e075289 | doi : 10.1136/bmj-2022-075289
https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-075289.full

Les auteurs introduisent l'article sur la base d'un exemple concret, qui servira pour illustrer leur propos :

Mme Olsen est une femme de 65 ans qui souffre d'hypercholestérolémie et d'hypertension. Son médecin lui dit qu'elle peut réduire son risque d'accident cardiovasculaire majeur de 50 % si elle prend une statine. "C'est génial", pense-t-elle, "50 % de réduction, c'est beaucoup !" Elle se sent alors contente et bien informée, et prévoit de prendre la statine.

Une fois rentrée chez elle, elle se souvient de sa récente conversation avec un concessionnaire automobile (elle avait vraiment besoin d'une nouvelle voiture). Il lui a dit que le prix d'une voiture qu'il avait en stock avait été réduit de 15 %. C'est peut-être une bonne affaire, pense-t-elle, et elle demande le prix de la voiture. Malheureusement, il était beaucoup trop élevé, même avec la réduction de 15 %. Elle a pensé que le concessionnaire n'avait pas été honnête puisqu'il ne lui avait pas annoncé le prix d'emblée, mais seulement la réduction.

Le risque de maladie et d'effets du traitement est exprimé de plusieurs manières : de façon relative ou absolue, en pourcentages, en risques ou en ratios de probabilité ("odds ratios"). Certaines sont plus informatives que d'autres, et les plus fréquemment utilisées sont souvent difficiles à comprendre.
Cet article explique comment communiquer les bénéfices, les dommages et le fardeau des interventions aux patients et à la société de manière informative, et propose des conseils pour communiquer les risques absolus et relatifs en consultation avec les patients, les collègues et les décideurs politiques.

Ce qu'il faut savoir

- Les effets relatifs des traitements sont souvent évoqués dans les entretiens avec les patients, les revues scientifiques et les médias, mais, utilisés seuls pour guider la prise de décision, ils sont insuffisants et potentiellement trompeurs.

- Les effets absolus des traitements, associés au risque absolu de la maladie que l'on souhaite prévenir ou traiter, sont plus instructifs et doivent être utilisés dans ce cas.

- Les discussions concernant les seuils pour le risque absolu de maladie et les effets absolus du traitement sont importantes lors des rencontres avec les patients et ailleurs dans le système de soins de santé.

Mais quelle est la différence entre un risque absolu et un risque relatif ?

Nous ouvrons ici un chapitre afin de donner d'abord quelques définitions et un exemple concret pour comprendre la suite de l'exposé.

  • Risque absolu (RA) : nombre d’évènements survenus sur l'effectif global du groupe 
  • Risque relatif (RR) :  rapport entre le risque du groupe traité (intervention)/groupe de référence (ou témoin) 
  • La réduction du risque relatif : se calcule par 1-RR
  • La réduction du risque relatif exprime le bénéfice, l’efficacité de l'intervention.

Appliquons cela dans un exemple concret :

On réalise un essai clinique sur un nouvel anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), le groupe 1 est le groupe testé (ou groupe intervention) avec nouveau médicament.
Le groupe 2 est le groupe de référence (ou témoin) avec l'ancien AINS.

Le risque absolu d'avoir un ulcère d'estomac avec le nouvel AINS est de 20 ulcères/300 personnes ; le risque absolu d’ulcère pour le groupe intervention (groupe 1) est donc de 6,6%.

Le risque absolu de connaître un ulcère avec l'ancien AINS est de 35 ulcères/300 personnes ; le risque absolu d'ulcère pour le groupe témoin (groupe 2) est donc de 11,6%

Le risque relatif est le rapport entre les deux groupes, le groupe testé/groupe référence : 6,6%/11,6% = 0,57

La réduction du risque relatif est, comme nous l'avons vu dans les définitions, 1-RR ; elle est ici donc de 1-0,57 = 0,43

Ce qui signifie que le traitement testé réduit de 43% l’évènement ulcère.
Ce chiffre est une expression en termes de réduction de risque relatif, c'est à dire en comparant deux groupes.
MAIS en valeurs absolues, il y a 7 évènements pour 100 personnes dans le groupe testé ; et environ 12 évènements dans le groupe de référence pour 100 pers.
Le médicament réduit le risque ulcéreux pour 5 personnes/100

Vous voyez donc que les nombres absolus sont plus clairement représentatifs que les pourcentages, mais beaucoup moins spectaculaires et moins "média-géniques"...

Revenons à l'article :

Confiance et prise de décision partagée

La confiance dans les médecins et les professionnels de la santé est fondamentale pour des échanges informatifs avec les patients et l'adhésion ultérieure des patients au traitement et aux soins.1 La confiance des patients et du public dans les médecins est élevée, bien que des rapports aient indiqué un déclin ces dernières années, avec des variations entre les pays et les environnements de soins.2 Pourtant, dans le cas de nombreux échanges avec les patients en médecine, nous, médecins, ne fournissons pas les bénéfices et les dommages absolus des interventions que nous recommandons. Souvent, nous ne fournissons des informations que sur le gain (la réduction du risque relatif) pour la maladie, et nous attendons des patients qu'ils prennent des décisions en connaissance de cause, alors qu'en fait ils ne disposent pas de toutes les informations pertinentes pour le faire.1

En tant que médecins, nous visons une prise de décision partagée lors des consultations, alors pourquoi rendons-nous les choses si difficiles pour les patients3 ? En 2012, un stagiaire en première année de médecine a estimé dans The BMJ que "de nombreux médecins ne connaissent pas les bénéfices réels des médicaments qu'ils prescrivent ou ne comprennent pas les implications statistiques de base de la réduction du risque absolu par rapport au risque relatif "4 Nous pensons que la situation est similaire aujourd'hui.

Les idées fausses et le manque de connaissances des médecins et des décideurs politiques sur les risques absolus et relatifs entravent la prise de décision partagée et empêchent un consentement véritablement éclairé. D'après notre expérience, l'utilisation des risques et bénéfices relatifs domine encore les échanges des médecins avec les patients, ainsi que les discussions entre médecins dans les services et les cliniques sur les thérapies et les interventions. Le plus souvent, ce n'est pas intentionnel, mais plutôt inconscient, en raison des normes culturelles qui entourent le conseil aux patients et du manque de formation à l'interprétation et à la transmission des chiffres relatifs aux risques.

Alors....

Comment communiquer les risques, les bénéfices et les dommages

Une prise de décision appropriée nécessite une discussion sur les résultats pertinents pour le patient et une communication réfléchie de quatre éléments, que nous décrivons ci-dessous à l'aide du cas de Mme Olsen :

1. Quel est le risque absolu de la maladie en l'absence de traitement ?
Dans le cas de Mme Olsen, qui souffre d'hypertension et d'hypercholestérolémie et pour laquelle un traitement par statines est envisagé, quel est son risque (par exemple, dans les 10 ou 15 prochaines années) de subir un événement cardiovasculaire majeur (infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) en l'absence de statines ?

2. Quel est le bénéfice du traitement en question pour réduire ce risque ?
Il peut s'agir d'une différence de risque absolue ou d'une réduction du risque relatif.

Quelle est la réduction du risque pour Mme Olsen de développer un événement cardiovasculaire majeur dans les 10 ou 15 prochaines années avec des statines, par rapport à l'absence de statines ?

3. Quel est le risque absolu de la maladie avec le traitement ?
Quel est le risque pour Mme Olsen de développer un événement cardiovasculaire majeur dans les 10 ou 15 prochaines années avec les statines ?

4. Quels sont les risques absolus de dommages et quelle est la charge du traitement ?
Quel est le risque absolu de dommages et d'effets secondaires (par exemple, diarrhée ou douleurs musculaires) liés à la prise d'une statine pour Mme Olsen au cours des 10 ou 15 prochaines années, et quelle est la contrainte que représente pour elle la prise du traitement (par exemple, les coûts, les rendez-vous de contrôle, les tests en aval, et la manière dont le traitement par statine peut affecter sa qualité de vie en raison de la crainte potentielle d'être exposée à un risque de maladie8) ?

Si on doit être brefs, il convient d'utiliser les chiffres absolus parce que les effets relatifs peuvent être calculés à partir de ces chiffres, mais pas l'inverse.

Rencontre avec la patiente, Mme Olsen

En appliquant les principes ci-dessus et en ajoutant des exemples numériques, une rencontre informative avec Mme Olsen comprendrait les éléments suivants :

- Premièrement, estimer son risque absolu d'événement cardiovasculaire, par exemple en utilisant un calculateur de risque sur 10 ans.11 Sur une période de 10 ans, son risque d'avoir une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral est d'environ 6 %

- Deuxièmement, appliquer la réduction attendue au risque absolu estimé (6 %). Supposons que la réduction de 50 % suggérée par son médecin soit exacte (bien qu'elle soit plutôt de l'ordre de 20 à 25 %12), la réduction de son risque de moitié lui donnerait une différence de risque de 3 %.

- Troisièmement, lui dire que son risque d'avoir un événement cardiovasculaire majeur est de 3 % si elle choisit d'utiliser une statine.

- Quatrièmement, l'informer de la fréquence absolue des effets secondaires du traitement par statine, par exemple un risque de 5 % de douleurs musculaires et de 10 % de troubles digestifs, tels que constipation, diarrhée ou ballonnements.

Nous rouvrons ici une parenthèse pour parler de la présentation du risque de décéder dans le cadre du cancer du sein, et la présentation qui en est faite sur les sites officiels français et lors des campagnes de dépistage.

le dépistage du cancer du sein

Très fréquemment, notamment sur les sites officiels vous lirez que le dépistage réduit de 20% le risque de décéder du cancer du sein. Qu'en est-il ?

Reprenons la méta-analyse d'un collectif de chercheurs nordiques (Cochrane)-
2000 femmes ont effectué une mammographie de dépistage à partir de 50 ans et cela pendant 10 ans. Au terme de ces 10 ans, 4 femmes étaient mortes d’un cancer du sein.
Pour pouvoir comparer, une projection est faite pour 2000 femmes à partir de 50 ans ne se soumettant pas au dépistage. Les deux groupes sont comparables car ont les mêmes caractéristiques (âge, profil physiologique etc..).
Dans ce groupe non dépisté, 5 femmes sont mortes d’un cancer du sein.
Appliquons nos calculs :
Groupe testé/groupe témoin : 4 décès sur 2000/ 5décès sur 2000 = 0,8 ;
La réduction du risque relatif est ici de 1-0,8 = 0,2 = 20%
Voilà d'où vient cette valeur toujours mise en avant.

Mais quel est réellement le bénéfice pour une femme de se faire dépister?
C’est le bénéfice absolu qui nous le donne. Sur les 2000 femmes qui se feront dépister, 1 seule verra son cancer dépisté plus tôt et donc sa vie sauvée ( 5 décès – 4 décès).

20% de bénéfice relatif, 0.05% de bénéfice absolu.
Si on avait opté pour une présentation honnête nous aurions dû lire dans les documents d'information :

 » Les programmes de dépistage permettent de réduire le nombre de décès par cancer du sein. Selon les chiffres issus d’études internationales, cette réduction est estimée aux alentours de 0,05 %. »

Quand bien même il y a 20% de réduction du risque relatif, il faut considérer cette donnée selon le risque absolu de décéder en fonction de l'âge des personnes.
En France en 2010 par exemple, le risque absolu de mourir par cancer du sein était d'environ 4% dont 1,9% chez les femmes entre 50 et 79 ans. Réduire de 20% un risque de mourir déjà très faible n'est pas extraordinaire, et doit être mis en balance avec le risque de connaître un effet adverse du dépistage.

La présentation en fréquences absolues, de plus, permet la conception de pictogrammes visuels, et ce sont eux qui permettent une meilleure communication au public, et une bonne compréhension de la part des patients.
Comme cet outil d'aide à la décision, ici, élaboré sur la base de la méta-analyse Cochrane.

Fermons cette parenthèse, les auteurs de l'article s'interrogent à présent sur la pertinence d'agir sur le risque et surtout sur le moment à partir du quel il serait pertinent d'agir sur le risque.

Quand agir sur le risque ?

Transmettre des risques absolus et des réductions de risque au lieu de chiffres relatifs moins informatifs nécessite une formation et une communication éclairée. La question la plus difficile reste cependant la suivante : à quel niveau doit se situer le risque d'une maladie ou d'une affection pour que l'on puisse agir, compte tenu d'une certaine réduction de ce risque grâce à une thérapie ou à un traitement ? Il est plus difficile d'établir des seuils pour savoir quand agir, car cela dépend des valeurs et des préférences individuelles et sociétales.

Au niveau du patient, il est important de comprendre les perceptions et les préférences personnelles concernant les bénéfices et les dommages des interventions visant à réduire un certain risque de maladie. Mme Olsen peut être intéressée par un risque de 6 % d'événement cardiovasculaire, mais elle ne se soucierait peut-être pas d'entreprendre un traitement si son risque était de 3 %. D'autres patients peuvent voir les choses différemment et seraient prêts à commencer à prendre des statines avec un risque plus faible que celui de Mme Olsen.

Bien que les calculateurs de risques de maladies futures s'améliorent et puissent prédire le risque individuel de manière assez précise pour certaines maladies, ils sont encore insuffisants pour beaucoup d'autres. Des collections de calculateurs de risques et d'aides à la décision sont disponibles en ligne pour les médecins et les patients, comme l'initiative "Care that fits" de la Mayo Clinic (http://carethatfits.org).

Toutefois, certains patients peuvent accepter ou refuser de suivre un traitement ou une action sans tenir compte du cadre et des faits relatifs aux risques et aux effets, et fonder leur décision sur d'autres facteurs, tels que l'expérience de membres de leur famille atteints de la maladie en question, ou les contraintes financières liées aux frais de prescription.13 14

La stratégie pour les patients individuels (comme Mme Olsen) utilisant les quatre caractéristiques décrites peut également être appliquée à la prise de décision au niveau de la société. De nombreux systèmes de santé proposent des interventions, des tests et des traitements remboursés. La plupart des systèmes de santé publique disposent également de lignes directrices prioritaires et de répertoires établis d'options thérapeutiques, qui sont proposés à la population. Ces priorités doivent tenir compte du risque absolu et de la réduction du risque.

Communiquer les risques et les effets des traitements

Nous pensons que les publications scientifiques ont leur part de responsabilité dans l'insuffisance de l'information fournie aux patients sur les risques liés aux maladies et les effets des traitements. Les estimations des effets relatifs, telles que les rapports de risque, les risques relatifs ou les ratios de probabilité, apparaissent couramment dans les rapports d'études d'observation et d'essais cliniques depuis des dizaines d'années. De nombreux rapports scientifiques mettent en évidence les effets relatifs,5 6 alors que les chiffres absolus sous-jacents sont difficiles à déterminer, car ils nécessitent souvent des compétences et du temps qui ne sont pas à la disposition de la plupart des cliniciens.

Dans un essai pivot sur le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie au Royaume-Uni en 2017, le principal résultat a été rapporté comme "l'incidence du cancer colorectal a été réduite de 26 % (rapport de risque 0,74 ; intervalle de confiance à 95 % 0,70 à 0,80 ; P<0,0001)".7 L'essai a influencé la décision d'introduire le dépistage du cancer colorectal dans la population au Royaume-Uni.
Bien que le rapport de l'essai ne soit pas incorrect, le rapport de risque ne suffit pas à lui seul à fonder une décision éclairée sur l'opportunité d'introduire le dépistage. Dans ce cas, la décision doit prendre en considération les risques absolus de cancer colorectal auxquels s'applique la réduction du risque relatif rapportée.
(NDLR : en effet, il faut considérer le risque de base de la personne ; 25% de réduction du risque relatif par le dépistage reste une réduction faible chez les personnes présentant un risque de base déjà faible de faire un cancer colorectal. Les préjudices de ce dépistage sont susceptibles de l'emporter largement sur un maigre bénéfice)

La couverture médiatique des nouvelles interventions médicales suit rapidement la publication des résultats des essais et transmet généralement au public les effets relatifs présentés dans l'article scientifique. Cela peut être intéressant, car les effets relatifs semblent souvent plus impressionnants que les effets absolus et attirent davantage l'attention. Mais cela ne fournit pas d'informations impartiales et ne permet pas de prendre les bonnes décisions. Si les revues scientifiques occultent la réduction du risque absolu au profit d'effets relatifs apparemment plus importants et plus attrayants, il est compréhensible que les médias s'en emparent et présentent ce côté de l'histoire.

Conclusion des auteurs

De notre point de vue, aucune situation en médecine clinique ne tire bénéfice de l'utilisation de différences relatives au lieu de différences absolues pour la compréhension dans les conversations entre les médecins et les patients, ou entre les médecins lorsqu'ils discutent des options de traitement pour un patient.
Dans les discussions sur ce qu'un système de soins de santé devrait offrir, l'utilisation de chiffres absolus est cruciale pour garantir des soins équitables. Les risques absolus et les réductions absolues de risques doivent être utilisés dans la communication avec les patients, les collègues, les décideurs et les médias. Les réductions relatives peuvent être utilisées en plus des réductions absolues pour illustrer ou exemplifier, mais seulement en plus et non à la place des effets et des risques absolus.

L'éducation dans la pratique

- Entraînez-vous à trouver et à transmettre les risques absolus de maladie pour votre patient, ainsi que les effets absolus de tout traitement que vous envisagez de recommander.

- Discutez avec vos patients de l'importance du risque pour qu'un certain traitement soit intéressant. Quels sont les facteurs susceptibles d'influencer leur décision ?

Bref, il s'agit bien de décision partagée avec le patient dont parlent ces auteurs.

Commentaire Cancer Rose

Le nouveau livret de l'Institut National du Cancer persiste dans ce travers que la concertation citoyenne lui avait déjà reproché, à savoir une présentation en valeurs relatives, mettant en avant les 20% de réduction de mortalité. Nous en parlons ici : https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

Or les femmes doivent maintenant être informées complètement et dûment, selon les exigences de la concertation citoyenne, et ce jusqu'au bout de leur vie de dépistée.

Pour les journalistes

Un site utile :

site Winton Risk communication Center , avec outil de conversion du risque relatif en risque absolu, à destination des journalistes.

https://realrisk.wintoncentre.uk

RealRisk est un outil en ligne destiné aux attachés de presse et aux journalistes qui travaillent à la communication de la recherche sur les risques dans le domaine de la santé et des sciences sociales.

Les titres des journaux regorgent des dernières recherches sur les risques : les aliments liés au cancer, les modes de vie qui favorisent les maladies cardiaques, les médicaments qui augmentent le risque de caillots sanguins, les habitudes associées à une mauvaise santé mentale. Les articles écrits sur ces questions sont souvent effrayants et les chiffres utilisés sont souvent trompeurs.

RealRisk convertit les statistiques spécialisées souvent utilisées pour rendre compte des conclusions de recherches - notamment les risques relatifs, les rapports de cotes et les rapports de dangerosité - en risques absolus, plus facilement compréhensibles par tous. Les risques absolus qui en résultent sont présentés sous forme de texte, de tableaux d'icônes et de diagrammes à barres dont l'utilisation est gratuite.

 Nous voulons encourager les attachés de presse et les journalistes à rendre compte des "risques sanitaires" à l'aide de chiffres largement compréhensibles et qui ne provoquent pas d'anxiété inutile.

https://wintoncentre.maths.cam.ac.uk/resources/resources-journalists/

https://wintoncentre.maths.cam.ac.uk/resources/medicine/

Références utilisées par les auteurs

1 Rasiah S, Jaafar S, Yusof S, Ponnudurai G, Chung KPY, Amirthalingam SD. A study of the nature and level of trust between patients and healthcare providers, its dimensions and determinants: a scoping review protocol. BMJ Open 2020;10:e028061.
doi: 10.1136/bmjopen-2018-028061 pmid: 31980505

2 Blendon RJ, Benson JM, Hero JO. Public trust in physicians-U.S. medicine in international perspective. N Engl J Med 2014;371:-2. doi: 10.1056/NEJMp1407373 pmid: 25337746

3 Prasad V. An unmeasured harm of screening. Arch Intern Med 2012;172:-3. doi: 10.1001/2013.jamainternmed.682 pmid: 22987011

4 Freudenthal B. Doctors need to understand absolute versus relative risk reduction with statins. BMJ 2012;345:e8357. doi: 10.1136/bmj.e8357 pmid: 23229286

5 Gigerenzer G, Wegwarth O, Feufel M. Misleading communication of risk. BMJ 2010;341:. doi: 10.1136/bmj.c4830 pmid: 20940219

6 Diamond DM, Leaverton PE. Historical review of the use of relative risk statistics in the portrayal of the purported hazards of high LDL cholesterol and the benefits of lipid-lowering therapy. Cureus 2023;15:e38391.pmid: 37143855

7 Atkin W, Wooldrage K, Parkin DM, etal. Long term effects of once-only flexible sigmoidoscopy screening after 17 years of follow-up: the UK Flexible Sigmoidoscopy Screening randomised controlled trial. Lancet 2017;389:-311. doi: 10.1016/S0140-6736(17)30396-3 pmid: 28236467

8 Heath I. Role of fear in overdiagnosis and overtreatment-an essay by Iona Heath. BMJ 2014;349:. doi: 10.1136/bmj.g6123 pmid: 25954986

9  Helsingen LM, Vandvik PO, Jodal HC, etal. Colorectal cancer screening with faecal immunochemical testing, sigmoidoscopy or colonoscopy: a clinical practice guideline. BMJ 2019;367:.
doi: 10.1136/bmj.l5515 pmid: 31578196

10  Bielawska B, Dubé C. Colorectal cancer screening: it is not time for a radical shift. CMAJ 2020;192:-2. doi: 10.1503/cmaj.191566 pmid: 31971514

11  BMJ Best Practice. Evidence-based medical calculators. https://bestpractice.bmj.com/calculators

12  Cholesterol Treatment Trialists’ Collaboration. Efficacy and safety of statin therapy in older people: a meta-analysis of individual participant data from 28 randomised controlled trials. Lancet 2019;393:-15. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31942-1 pmid: 30712900

13  Usher-Smith JA, Mills KM, Riedinger C, etal. The impact of information about different absolute benefits and harms on intention to participate in colorectal cancer screening: a think-aloud study and online randomised experiment. PLoS One 2021;16:e0246991.
doi: 10.1371/journal.pone.0246991 pmid: 33592037

14  Rosenbaum L. Invisible risks, emotional choices-mammography and medical decision making. N Engl J Med 2014;371:-52. doi: 10.1056/NEJMms1409003 pmid: 25317876

15  Appleby J, Devlin N, Parkin D. NICE’s cost effectiveness threshold. BMJ 2007;335:-9. doi: 10.1136/bmj.39308.560069.BE pmid: 17717337

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Risque de décès par cancer du sein, en baisse, dépistage ou pas

Mortalité par cancer du sein pour 500 000 femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce en Angleterre, 1993-2015 : étude de cohorte observationnelle basée sur la population.

BMJ 2023; 381 doi: https://doi.org/10.1136/bmj-2022-074684 (Published 13 June 2023)Cite this as: BMJ 2023;381:e074684

Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist2,  
Paul McGale, statistician1,  
Jake Probert, statistician1,  
John Broggio, cancer analytical lead3,  
Jackie Charman, senior cancer analyst3,  
Sarah C Darby, professor of medical statistics1,  
Amanda J Kerr, systematic reviewer1,  
Timothy Whelan, radiation oncologist4,  
David J Cutter, senior clinical research fellow and clinical oncologist2,  
Gurdeep Mannu, lecturer in general surgery1,  
David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist2

1Nuffield Department of Population Health, University of Oxford, Oxford, UK
2Oxford University Hospitals, Oxford, UK
3National Disease Registration Service (NDRS), NHS England, Birmingham, UK
4Department of Oncology, McMaster University and Juravinski Cancer Centre, Hamilton, ON Canada

Article

Synthèse Cancer Rose

Analyse par Dr Vincent Robert, statisticien

Réponse aux auteurs, par H.Zahl, épidémiologiste et statisticien

On a écrit à l'auteure principale

Opinions

Objectif de l'étude

Il s'agit d'une étude de cohorte (un groupe de sujets suivis pendant la durée de l'étude), observationnelle, portant sur 512 447 femmes.

Il y a deux objectifs :

1°- Analyse des taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques de mortalité cumulés en fonction du temps écoulé depuis le diagnostic, pour les femmes dont le diagnostic a été posé au cours de chacune de ces périodes calendaires : 1993-99, 2000-04, 2005-09 et 2010-15

2°- Examen des variations de ces taux de mortalité en fonction de plusieurs critères : selon la période calendaire du diagnostic, selon le temps écoulé depuis le diagnostic, selon la détection ou non du cancer par dépistage, et selon les caractéristiques des patientes et des tumeurs qu'elles présentaient.

Dans l'ensemble, près de la moitié des cancers chez les femmes des groupes d'âge éligibles au dépistage ont été détectés par le dépistage.

Résultats principaux :

Les risques bruts de mortalité par cancer du sein diminuent avec l'augmentation de la période calendaire.
En d'autres termes, les femmes des périodes calendaires plus proches de notre période contemporaine ont plus de chance de survivre longtemps après le diagnostic de cancer par rapport aux femmes diagnostiquées lors de périodes calendaires plus anciennes dans le temps, avec une ampleur significative.

Le risque de mortalité cumulé par cancer du sein sur cinq ans était :

  • de 14,4 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999, et
  • de 4,9 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 2010 et 2015.

Ces résultats correspondent à la totalité d’une cohorte de 512 447 femmes entre 18-89 ans dont :
-femmes éligibles au dépistage, avec cancer détecté dans le cadre du dépistage organisé : 128 240 femmes (soit environ un quart de la cohorte)
-femmes éligibles au dépistage, mais non dépistées, avec cancer détecté en dehors du dépistage : 133 427 femmes (soit environ un quart de la cohorte)
-femmes non éligibles au dépistage organisé : 250 780 femmes (soit environ la moitié de la cohorte)

Composition des groupes indiquée dans le tableau 1, extraction ci-après :

Les taux annuels de mortalité par cancer du sein, ajustés, ont également diminué de façon similaire avec l'avancée de la période calendaire dans presque tous les groupes de patientes, d'un facteur d'environ trois pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes positifs, qui correspondent aux formes de cancers de meilleur pronostic, et d'environ deux pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes négatifs, qui correspondent à des formes de cancers plus péjoratives. Le risque de mortalité s'améliore avec l'avancée des périodes calendaires étudiées vers les années proches de nous, par rapport aux années plus anciennes.

Le but de l'étude était principalement d'utiliser les risques de mortalité par cancer du sein à cinq ans pour les patientes ayant reçu un diagnostic récent. En effet, disent les auteurs, ces taux de mortalité qu'on connaît à présent peuvent être utilisés pour estimer les risques de mortalité par cancer du sein pour les patientes d'aujourd'hui.
La finalité de l'étude étant d'informer les patients et les cliniciens des risques de mortalité absolus probables pour les patientes traitées aujourd'hui pour un cancer du sein, en tenant compte, entre autres, des caractéristiques de leur tumeur.
L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins. Cette information est d'utilité pour les femmes contemporaines.

Les auteurs concluent: "Il faut toutefois noter que les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".

Conclusions détaillées :

Le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990. La plupart d'entre elles peuvent s'attendre à survivre à long terme au cancer, même si le risque reste appréciable pour quelques-unes d'entre elles.

Depuis les années 1990, le risque de décès cumulé à cinq ans dû au cancer du sein est passé de 14,4 % à 4,9 % dans l'ensemble, avec des réductions observées dans presque tous les groupes de patientes.
En effet, le risque de mortalité cumulé sur cinq ans était de 14,4 % (intervalle de confiance à 95 % de 14,2 % à 14,6 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999 et a diminué progressivement avec l'augmentation de la période calendaire pour atteindre 4,9 % (de 4,8 % à 5,0 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé plus tard, entre 2010 et 2015.

Il est donc démontré que le taux de mortalité par cancer du sein a diminué avec la période calendaire du diagnostic au cours de la période couverte par l'étude.
Mais bien que des diminutions se soient produites dans presque tous les groupes de patientes, l'ampleur de la diminution du taux de mortalité et le risque de décès par cancer à 5 ans variait considérablement entre les femmes selon qu'elles présentaient des caractéristiques différentes :
- le risque de mortalité est inférieur à 3 % pour 62,8 % des femmes,
- mais il est de 20 % ou plus pour 4,6 % d'entre elles, correspondant aux formes de cancers particulièrement agressives et difficilement curables.

Dans nos données, expliquent les auteurs, l'absence de diminution de la mortalité chez les femmes âgées de 80 à 89 ans atteintes d'un cancer du sein à récepteurs d'œstrogènes négatifs peut s'expliquer par le fait que ces femmes ne reçoivent généralement pas de traitement systématique adjuvant (traitement qui complète le traitement principal afin de prévenir un risque de récidive locale ou de métastases, comme une hormonothérapie ou une immunothérapie p.ex.), ou qui ne reçoivent pas de radiothérapie, de sorte que toute amélioration en soi de ces traitements n'aurait pas eu d'effet sur la mortalité dans ce groupe de patientes.
Les patientes âgées de moins de 40 ans au moment du diagnostic présentaient un risque de mortalité par cancer du sein plus élevé que les patientes âgées de 40 diagnostiquées, cela s'expliquant par le fait que les cancers du sein chez les femmes plus jeunes sont intrinsèquement plus agressifs que ceux des femmes plus âgées.

Les auteurs ont constaté que la mortalité par cancer du sein diminuait toujours en fonction de la période calendaire du diagnostic, quels que soient les différences de caractéristiques des tumeurs et même, les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.
Ceci est résumé dans l'illustration ci-dessous, qui présente les résultats sur la totalité des femmes (dont un quart de femmes éligibles et dépistées, un quart sont des cas de cancers chez des femmes éligibles mais non dépistées,  et la moitié de l'effectif sont des femmes non éligibles au dépistage) :

On peut arguer que le dépistage permet la détection de tumeurs de plus en plus petites au fil des années avec des améliorations technologiques de appareils de mammographie importantes, avec des tumeurs trouvées de grades toujours plus bas, mais, disent les auteurs, cette baisse de la mortalité ne peut être attribuée aux seuls changements de taille de la tumeur, au nombre de ganglions positifs ou au grade de la tumeur, car la mortalité par cancer du sein a continué de diminuer selon la période calendaire du diagnostic, même après ajustement tenant compte de ces facteurs.

Sans compter que le dépistage et les techniques d'imagerie mammaire plus sensibles sont également susceptibles de n'avoir conduit qu'à un diagnostic plus précoce et à une survie apparemment plus longue, sans pour autant modifier l'évolution clinique de la maladie. La survie, rappelons-le, correspond à la durée de vie avec le diagnostic de cancer, et augmente avec l'amélioration des traitements et avec le surdiagnostic. En effet, plus on détecte tôt dans la vie de l'individu des cancers qui de toute façon n'étaient pas destinés à tuer leur hôte, qui sont de très bas grade et le resteront, et plus les données de survie sont artificiellement améliorées, sans pour autant influer sur l'espérance de vie.

Relations avec le dépistage


Pour les patientes ayant reçu un diagnostic de cancer dépisté ou non dépisté, les taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques cumulés de mortalité par cancer du sein ont montré des tendances similaires de baisse à celles de l'ensemble des femmes en fonction de la période calendaire du diagnostic.

L'étude montre que les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.
L'augmentation du dépistage n'explique donc pas les améliorations de la mortalité,

L'apport de l'étude

D'autres études ont déjà montré le rôle très marginal du dépistage dans la décroissance de mortalité par cancer du sein depuis les années 90.
On sait déjà que le risque de mortalité par cancer du sein après un diagnostic de cancer du sein invasif précoce a diminué au cours des dernières décennies.

L'étude d'impact de Bleyer et Miller concluait que le lien entre mammographie de dépistage et le degré de réduction de mortalité par cancer du sein observée ces dernières années était de plus en plus sujet à controverse. Leur comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontrait pas de corrélation entre l'intensité du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de réduction de mortalité par cancer du sein.

Les preuves issues des trois approches différentes (approche temporelle, approche d'ampleur et approche comparative avec d'autres pathologies ne faisant pas l'objet d'un dépistage), et d'autres observations supplémentaires ne soutenaient pas l'hypothèse que le dépistage par mammographie serait la raison principale de la réduction de mortalité par cancer du sein observée en Europe et en Amérique du Nord.

De même façon l'étude des trois paires de pays comparées de P.Autier suggérait que le dépistage n’avait pas joué de rôle direct dans la réduction de la mortalité par cancer du sein, au vu du contraste entre les différences temporelles dans la mise en œuvre du dépistage mammographique et la similitude dans les réductions de mortalité entre les paires de pays.
C'est à dire que les pays ayant introduit le dépistage plus tôt que d'autres pays l'ayant fait plus tardivement connaissaient une réduction de mortalité par cancer du sein similaire, alors qu'on aurait dû constater un phénomène amplificateur dans la réduction de mortalité par le fait d'un instauration plus précoce des campagnes.
Il n'y a donc pas de lien entre l'activité du dépistage et la baisse de la mortalité.

Et le cancer invasif métastatique reste toujours aux mêmes taux, le dépistage ne permettant pas d'appréhender cette forme agressive du fait de ses caractéristiques intrinsèques biologiques agressives et souvent du fait de sa grande vélocité. 

Citons pour finir cette étude : Søren R Christiansen, Philippe Autier, Henrik Støvring, Change in effectiveness of mammography screening with decreasing breast cancer mortality: a population-based study
Résumée ici : https://cancer-rose.fr/2022/07/01/leffet-du-depistage-du-cancer-du-sein-en-declin/

Selon les auteurs, les améliorations apportées aux thérapies contre le cancer au cours des 30 dernières années ont réduit la mortalité, ce qui pourrait éroder la balance bénéfices-inconvénients du dépistage par mammographie. 
De plus les améliorations futures de la prise en charge des patientes atteintes d'un cancer du sein réduiront de plus en plus le rapport bénéfice-risque du dépistage.
Le bénéfice de la mammographie en termes de réduction de la mortalité diminue alors que les inconvénients tels que le surdiagnostic ne sont , eux, constants. 
Le dépistage conduit à la fois au surdiagnostic et au surtraitement, ce qui a un coût à la fois humain et économique,

Ce que l'étude ici apporte, c'est une estimation de l'ampleur de la décroissance du taux de mortalité par cancer du sein constatée depuis les années 90, et que celle-ci n'est pas liée au dépistage ni à aucun autre facteur lié à la tumeur ou à la femme porteuse du cancer, puisqu'on ne constate pas de différence dans les variations des taux de mortalité quels que soient ces facteurs, que le cancer soit trouvé par dépistage ou non.
La raison est très vraisemblablement à chercher parmi les améliorations thérapeutiques des dernières décennies.

Illustrations : taux de mortalité annuels et risques cumulés de mortalité

Le risque cumulatif est la somme des différents risques annuels, présents sur 5 ans. La fonction de risque de mortalité décrit l'évolution en fonction du temps et des facteurs cumulés du risque instantané de décès. 

Synthèse par Cancer Rose

Il s'agit d'une étude d'épidémiologie descriptive. Son objectif est de quantifier la diminution de mortalité observée depuis les années 90. Cette diminution n'est pas un scoop loin de là, mais il était intéressant de la chiffrer globalement et par sous-groupes.
Elle est de l'ordre de 14,4% à 4,9% à 5 ans entre les deux laps de périodes examinés. pour toutes les femmes, avec une réduction similaire selon les groupes (dépistées ou pas).
Des études d'impact (voir notre article) ont déjà objectivé cette diminution de mortalité par cancer du sein depuis les années 90, l'impact du dépistage est très marginal voire inexistant, car cette diminution n'est pas en phase avec l'introduction des campagnes de dépistage.

Les auteurs concluent essentiellement que les données récentes montrent une amélioration des risques de mortalité par cancer du sein par rapport aux données plus anciennes, est ceci est confirmé par leurs résultats. Ils précisent plusieurs choses : "...l’augmentation du dépistage ne peut expliquer à elle seule la diminution de la mortalité par cancer du sein que nous avons observée." et un peu plus loin : "cette étude observationnelle ne peut déterminer les causes spécifiques de ces réductions de mortalité."
Et encore, vraisemblablement le plus important : "...les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".

Cette étude confirme (et surtout chiffre) l'évolution à la baisse de la mortalité par cancers du sein mais elle ne conclut pas (et ne permet pas de conclure) sur la ou les causes de cette baisse.

Ce qu'il faut bien comprendre est que dans cette étude, il ne s'agit pas du taux de mortalité mais du RISQUE cumulé de mortalité sur 5, 10 ou 15 ans. Ces risques de mortalité cumulés dépendent du temps T0 choisi. Ici ce temps T0 est la date du diagnostic du cancer. Les risques de mortalité présentés dans l'étude sont donc influencés par l'avance au diagnostic, (puisque le T0 sera plus précoce pour les cancers dépistés que pour les cancers non dépistés) et donnera un apparent meilleur succès dans les groupes dépstés.
L'avance au diagnostic est un biais très bien connu inhérent au dépistage donnant une illusion de meilleure survie au cancer alors qu'on a juste anticipé sa 'date de naissance'.

Le pronostic des cancers du sein s'améliore, sans qu'il soit possible de dire quelle est la part du dépistage, des progrès thérapeutiques et des facteurs de confusion que sont le biais d'avance au diagnostic, les surdiagnostics surtout, et aussi les facteurs sociaux et économiques.

Selon les études déjà disponibles (voir article) le rôle du dépistage est vraisemblablement marginal, et l'apparent succès dans les groupes dépistés est influencé par l'avance au diagnostic.

Analyse de Dr V.Robert

Vous trouverez des réflexions ici, plus techniques sur l'étude, de notre statisticien Dr Vincent Robert : https://mypebs-en-question.fr/actus/taylor-bmj.php

Dr Vincent Robert a également publié une 'réponse rapide' à l'article dans le BMJ, à lire ici :

https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-074684/rapid-responses

"Taylor et ses collègues (1) ont publié une étude intéressante sur la mortalité par cancer du sein entre 1993 et 2015. L’étude a confirmé une diminution de la mortalité au fil du temps. Cette étude compare également la mortalité associée aux cancers dépistés avec la mortalité associée aux cancers non dépistés.
Bien que cette étude ne permette pas de tirer de conclusions sur les avantages de l’examen préalable, et malgré les avertissements explicites dans la publication, les promoteurs du dépistage l’utilisent pour promouvoir ce dépistage.

1. Cancers d'intervalles

Les deux groupes de cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par dépistage ne correspondent pas à la répartition entre femmes dépistées et femmes non dépistées. Les cancers non détectés par le dépistage comprennent les cancers d’intervalle découverts entre deux séries de dépistage chez les femmes qui participent au dépistage. Ces cancers d’intervalle sont des échecs de dépistage, et il n’est pas logique d’évaluer le rendement du dépistage en attribuant ces échecs et les décès qui en résultent aux femmes non traitées. Ce problème est loin d’être mineur : en Angleterre, les cancers d’intervalle représentent environ un tiers de tous les cancers chez les femmes dépistées (2). En outre, ces cancers d’intervalle ont un stade plus élevé avec des caractéristiques moléculaires défavorables (3).

2. Surdiagnostic.

Le surdiagnostic, qui correspond aux cancers découverts par le dépistage mais qui n’auraient jamais affecté la santé s’ils n’avaient pas été découverts, conduit à une augmentation artificielle des cancers sans augmentation des décès.
Le surdiagnostic tend donc mathématiquement à abaisser le taux de mortalité et à créer l’illusion de l’efficacité du dépistage, alors qu’en réalité, le dépistage n’a pas amélioré le pronostic des cancers "réels" ("réels" au sens de cancers susceptibles de nuire à la santé).
Encore une fois, il ne s’agit pas d’un problème mineur puisque le surdiagnostic peut représenter plus de 40 % des cancers diagnostiqués par dépistage (4).

3. Non-comparabilité entre les groupes.

Comme les deux groupes correspondant aux cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par le dépistage n’ont pas été mis en place par randomisation, la répartition des facteurs de risque de décès n’est probablement pas équilibrée entre les groupes.

Dans de nombreux cas, le défaut de réponse aux invitations du dépistage reflète des problèmes psychosociaux ou des difficultés d’accès aux établissements de santé, dont les conséquences ne se limitent pas à ne pas accepter les invitations au dépistage, mais sont également susceptibles d’affecter la prise en charge et le pronostic du cancer.

4. Biais d'avance au diagnostic

Le biais d'avance ne devrait pas jouer un rôle important dans la mortalité tardive. En revanche, il est susceptible de réduire la mortalité précoce (mortalité sur 5 ans) des cancers dépistés.

  1. Les préjudices liés au dépistage devraient également être pris en considération

Il ne suffit pas d’évaluer les avantages du dépistage.

Les préjudices liés au dépistage, tels que le stress dû aux fausses alarmes, le surdiagnostic avec répercussions psychologiques et sociales, les conséquences somatiques des traitements inutiles causés par le surdiagnostic et les cancers induits par les rayonnements par des mammographies répétées, doivent tous être pris en considération et soupesés.

L’étude ne fournit aucune information sur ces aspects (ce n’était pas non plus le but de l’étude). Toutefois, ce n’est qu’après avoir examiné tous ces facteurs - la diminution de la mortalité et le coût de cette diminution - qu’on peut porter un jugement sur la valeur du dépistage.

Et c’est à chaque femme de décider elle-même, sans coercition ni persuasion, si oui ou non elle veut être contrôlée.

La valeur du dépistage ne peut être évaluée qu'après avoir pris en compte tous ces aspects. Et chaque femme doit décider elle-même de se faire dépister ou non, sans aucune contrainte ni persuasion."

Références :

  1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
  2. Bennet RL, Sellars SJ, Moss SM. Interval cancers in the NHS breast cancer screening programme in England, Wales and Northern Ireland. Br J Cancer 2011;104(4):571-577  doi:10.1038/bjc.2011.3
  3. Ambinder EB, Lee E, Nguyen DL, Gong AJ, Haken OJ, Visvanathan K. Interval Breast Cancers Versus Screen Detected Breast Cancers: A Retrospective Cohort Study. Acad Radiol. 2023 Feb 3:S1076-6332(23)00020-X. doi: 10.1016/j.acra.2023.01.007
  4. Jørgensen KJ, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl PH. Breast Cancer Screening in Denmark: A Cohort Study of Tumor Size and Overdiagnosis. Ann Intern Med. 2017;166(5):313-323. doi:10.7326/M16-0270

Réponse rapide par Per-Henrik Zahl 

H.Zahl est épidéiologiste et statisticien au Norwegian Institute of Public Health et il répond aux auteurs https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-074684/rr

Taylor et ses collègues [1] ont publié un article intéressant sur le pronostic du cancer du sein au stade précoce diagnostiqué en Angleterre entre 1993 et 2015 et ont conclu que "le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif au stade précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990". Il n'est pas si évident que le pronostic se soit amélioré de manière substantielle, car le biais de surdiagnostic (qui comprend à la fois le biais de temps d'avance et le biais de lenteur d’évolution) n'a pas été correctement pris en compte, je pense.

Les auteurs utilisent le terme de mortalité pour décrire la survie après un diagnostic de cancer du sein. Habituellement, le terme de mortalité est utilisé pour désigner le nombre de décès pour 100 000 personnes exposées au risque de décès. Je ne trouve aucune référence aux années d'exposition au risque de la population dans cet article. Il semble donc que les auteurs étudient la mortalité (ou la survie) après un diagnostic plutôt que la mortalité telle qu'elle est normalement définie en épidémiologie. La survie après un diagnostic est une mesure valable pour comparer les thérapies anticancéreuses dans les essais randomisés ; cependant, les changements dans la survie à 5 ans après un diagnostic au fil du temps n'ont que peu de rapport avec les changements dans la mortalité par cancer pour 100 000 personnes à risque. Au contraire, l'évolution de la survie à 5 ans semble principalement liée à l'évolution des schémas de diagnostic [2]. L'évolution des schémas de diagnostic du cancer du sein est appelée surdiagnostic (défini comme la détection de tumeurs qui ne se transformeraient jamais en maladie clinique au cours de la vie de la patiente) [3].

Le niveau de surdiagnostic lors du dépistage du cancer du sein était typiquement d'environ 50 % il y a 20 ans [3]. Le surdiagnostic ne se limite pas au dépistage en tant que tel, mais il est également lié à l'introduction de méthodes de diagnostic plus sensibles, méthodes qui sont également utilisées en dehors des programmes publics de dépistage. La mammographie détecte également de nombreux carcinomes canalaires in situ (CCIS), que beaucoup considèrent comme des lésions précancéreuses. Si vrai, cela devrait permettre de détecter moins de cancers du sein invasifs, ce qui n'a jamais été observé. Le niveau de surdiagnostic augmente avec le temps en raison de l'introduction de nouvelles méthodes de diagnostic plus sensibles [4] et il en va de même pour le CCIS. Le cancer du sein invasif et le CCIS sont positivement corrélés et pas négativement corrélés.

Supposons que le niveau de surdiagnostic soit de 50 % sur une période donnée, qu'il n'y ait pas d'amélioration dans le traitement du cancer et que la survie à 5 ans soit de 80 % pour le cancer du sein à un stade précoce au début de la période. Le nombre de décès parmi les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein passerait alors de 20 pour 100 cas de cancer du sein à 20 pour 150 cas de cancer du sein, soit une réduction d'un tiers, même en l'absence d'amélioration du traitement du cancer du sein.

References
1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
2. Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Are increasing 5-year survival rates evidence of success against cancer? JAMA 2000; 283: 2975-8.
3. Zahl P-H, Strand BH, Mæhlen J. Breast cancer incidence in Norway and Sweden during introduction of nation-wide screening: prospective cohort study. BMJ 2004; 328: 921-4.
4. Bakker MF, de Lange SV, Pijnappel RM, Mann RM, Peeters PHM, et al. Supplemental MRI Screening for Women with Extremely Dense Breast Tissue. NEJM 2019; 381: 2091-102

Réponse à notre courrier de l'auteure principale

Devant la récupération par une certaine presse grand public donnant l'occasion à des défenseurs du dépistage toute latitude à s'exprimer, sans contradiction, les laissant affirmer que l'étude prouverait la suprématie du dépistage pour diminuer la mortalité par cancer du sein ces dernières décennies, nous avons écrit (ainsi que beaucoup d'autres scientifiques, le problème de la distorsion par la presse se posant dans d'autres pays) à l'auteure principale, Mme la Pr. Carolyn Taylor, et avons reçu cette réponse :

"Many thanks for your message to Professor Carolyn Taylor regarding her recent paper published in The BMJ.

Professor Taylor has received a number of inquiries arising from the publication of her paper. She would like to point out that the paper does not provide any information as to the benefits or otherwise of breast screening and that she has nothing to add to what she has already said in the paper.

Thank you again for your interest, ...
Oxford Population Health Communications"

"Un grand merci pour votre message au professeur Carolyn Taylor concernant son récent article publié dans The BMJ .

Le professeur Taylor a reçu un certain nombre de demandes de renseignements découlant de la publication de son article. Elle tient à souligner que le document ne fournit aucune information quant aux avantages ou non du dépistage du sein et qu'elle n'a rien à ajouter à ce qu'elle a déjà dit dans le document.

Merci encore pour votre intérêt ....
Oxford Population Health Communications"

Opinions

BMJ 2023; 381 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.p1355 (Published 13 June 2023)Cite this as: BMJ 2023;381:p1355

Mairead MacKenzie, patient advocate1,  
Hilary Stobart, patient advocate1,  
David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist23,  
Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist23

  1. 1Independent Cancer Patients’ Voice
  2. 2Nuffield Department of Population Health, University of Oxford
  3. 3Oxford University Hospitals, Oxford, UK

Deux défenseures des droits des patientes racontent comment elles ont contribué à l'étude de recherche sur le cancer du sein.

"Mairead MacKenzie et Hilary Stobart ont reçu un diagnostic de cancer du sein il y a quelques années. Elles ne sont que deux parmi le demi-million de femmes qui ont transmis leurs données à notre étude sur les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein au stade précoce en Angleterre. En tant que défenseures des patientes, elles ont également contribué à l'élaboration de l'étude.

Hilary et Mairead estiment toutes les deux qu'il est nécessaire de disposer d'informations actualisées sur les suites d'un diagnostic de cancer du sein au stade précoce. Elles ont utilisé leur expertise en tant que patientes pour souligner comment les données des femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein dans le passé pouvaient être utiles à la pratique clinique d'aujourd'hui. En outre, l'étude leur a également donné l'occasion de réfléchir à tout ce qui a changé depuis que le cancer a été diagnostiqué.

"On ne comprend pas vraiment ce qu'est un cancer tant qu'on ne l'a pas eu", explique Hilary. "Vous rejoignez soudain un groupe dont vous ne vouliez pas faire partie et vous vous rendez compte que vous avez énormément de choses en commun avec les autres membres de ce groupe. Vous avez une vision différente de ce qui est important".
......

L'étude fournit des estimations du risque pour chaque patient. Hilary et Mairead soulignent toutes les deux que les médecins doivent aider les patientes à comprendre que le cancer du sein "n'est pas une seule et même chose". Le pronostic varie considérablement en fonction de facteurs de risque tels que la taille de la tumeur, l'atteinte des ganglions lymphatiques et si la tumeur ait été détectée dans le cadre d'un dépistage.

"Lorsque j'ai été diagnostiquée il y a 20 ans, on ne m'a pas donné de pronostic, si ce n'est qu'il s'agissait d'une maladie grave et qu'il fallait la traiter rapidement", explique Mairead. "Mais je pense qu'une communication claire et de qualité sur le pronostic peut faire une grande différence sur la qualité de vie d'un patient et sur la façon dont il peut faire face à la situation.

"Lorsque l'on diagnostique un cancer du sein, on peut déjà connaître quelqu'un qui est décédé d'un cancer du sein", ajoute Hilary. "Elles peuvent penser que leur risque est le même, mais beaucoup d'entre elles n'ont que moins de 1 % de risque de mourir d'un cancer du sein après cinq ans.

"Pour la majorité des femmes, le pronostic est bon", reconnaît Mairead. "Cette étude le confirme et rassure, car au départ, tout le monde pense qu'il va mourir."

L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins.

Les patientes atteintes d'un cancer du sein ont contribué à cette amélioration.

"Je n'ai encore jamais rencontré de patiente atteinte d'un cancer qui ne soit pas satisfaite de l'utilisation de ses données pour la recherche", déclare Mairead. "S'il y a une chance de faire quelque chose qui pourrait faciliter la vie de ceux qui suivront, les patients disent presque toujours oui.

"Et si les gens n'avaient pas dit oui, nous n'en serions pas là aujourd'hui, n'est-ce pas ? Nous savons que notre traitement actuel est bon grâce à tout le travail qui a été fait auparavant ... le grand nombre d'essais et les milliers de femmes qui étaient prêtes à y participer.

Nos résultats font partie de cet héritage. Ils quantifient des décennies d'améliorations et posent les bases de celles à venir. En attendant, ils peuvent éclairer la façon dont les médecins parlent aujourd'hui de leur pronostic aux patients.

"C'est une bonne nouvelle", conclut Hilary. "Elle montre ce que nous avons fait et que nous devons continuer à le faire. D'autres études comme celle-ci seront nécessaires à l'avenir. Le cancer du sein n'a pas disparu. Il reste encore beaucoup à faire."

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Conséquences psychologiques des fausses alertes

C.Bour, 28 mai 2023

Conséquences psychosociales à long terme de la mammographie de dépistage faussement positive

John Brodersen et Volkert Dirk Siersma
Annals of Family Medicine Mars 2013, 11 (2) 106-115; DOI : https://doi.org/10.1370/afm.1466
https://www.annfammed.org/content/11/2/106.full

Dans le cas de la mammographie de dépistage, le préjudice le plus fréquent est un résultat faussement positif.

C'est une suspicion de cancer sur une image mammographique mais qui ne se confirmera pas, cela après bien des examens complémentaires, avec une attente pour la patiente dans un contexte de stress avant de pouvoir être rassurée que l'image vue à sa mammographie n'est pas un cancer. C'est une situation extrêmement stressante que certaines femmes vivent plusieurs fois dans leur parcours de dépistée.

On connait globalement les effets de stress à court terme, mais cette étude de cohorte de 2013 se promettait de faire une étude à plus long terme, sur trois années exactement, en examinant 454 femmes ayant présenté des résultats anormaux à la mammographie de dépistage. Elles ont été invitées à remplir un questionnaire validé englobant 12 résultats psychosociaux, avec des résultats colligés au départ, puis à 1, puis à 6, 18 et enfin à 36 mois.
Nous en reparlons ici en 2023 parce que les conséquences psychologiques et du surdiagnostic et de la fausse alerte sont souvent négligées et sous-évaluées, et comme les fausses alertes sont un évènement en recrudescence en raison de la double lecture et des progrès croissants de la détection précoce, il est important de bien connaître cet effet adverse.
Les femmes ne l'expérimentent pas moins souvent mais au contraire bien davantage, en raison des progrès technologiques détectant de plus en plus petites anomalies et les exposant à la découverte d'images diverses parmi les trois grands signes majeurs que le radiologue recherche : masse, distorsion architecturale, microcalcifications..

C'est une réalité comptable que mentionnent tous les outils d'aide à la décision, avec des résultats variables selon le groupe d'âge qui est étudié et la durée d'observation.
https://cancer-rose.fr/2021/06/27/outils-daide-a-la-decision-internationaux/
https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf
https://drive.google.com/file/d/1jh53ZZkVRTCsoK0J1DynH-gR1ugEYz8p/view

Des études déjà existantes

Des études sur l'effet psychologique des faux positifs à court terme existaient déjà.[1]
La conclusion est que les faux positifs ont des conséquences psychosociales, pour celles qui les subissent, négatives à court terme, mais les conséquences psychosociales à long terme sont plus ambiguës. Certaines études montrent des conséquences psychosociales négatives importantes, même 35 mois après un faux positif.
Mais d'autres, disent les auteurs, semblent suggérer que l'impact psychosocial négatif, au contraire, disparaît avec le temps. Ces enquêtes, cependant, ajoutent-ils, ont été réalisées en utilisant des mesures inadéquates.

Cette enquête-là sur les conséquences psychosociales à long terme des faux positifs se fait par une mesure en 2 parties : une première partie évalue les conséquences psychosociales associées à une menace directe de cancer (l'annonce d'une image considérée comme suspecte); et une deuxième partie étudie les changements psychosociaux à long terme vécus après le résultat final du diagnostic. 

Le questionnaire

Il y a 29 items dans la partie I et 13 items dans la partie II, mesurant les conséquences psychosociales d'une mammographie de dépistage anormale et faussement positive.

La partie I comprend 2 items uniques ("se sentir moins attirante" et "occupée à me changer les idées") et 6 échelles mesurant l'anxiété (6 items), le sentiment d'abattement (6 items), l'impact négatif sur le comportement (7 items), le sommeil (4 items), la sexualité (2 items) et le degré d'auto-examen des seins (2 items).  
On a 4 catégories de réponse : « pas du tout », « un peu », « assez » et « beaucoup ». 
Plus le score est élevé, plus les conséquences psychosociales négatives subies par la personne sont importantes. 

La partie II du formulaire comprend 4 échelles destinées à mesurer les changements perçus à la suite d'un dépistage mammographique :
-valeurs existentielles (6 items ; par exemple, « mes réflexions sur l'avenir sont plutôt pessimistes/optimistes » ; « mon sentiment de bien-être est moindre/mieux »); 
-impact sur les relations au sein du réseau social (3 items ; par exemple, « ma relation avec mes amis/ ma famille est moins/plus proche » ; « ma relation avec les autres est moins bonne/meilleure ») ;
-se sentir moins ou plus détendu/calme (2 items) ;
-être moins ou plus anxieux face au cancer du sein/« croire que je n'ai pas de cancer du sein » (2 items).  
A tous les éléments de ces échelles sont attribuées 5 catégories de réponse possible : « beaucoup moins », « moins », « comme avant », « plus » et « beaucoup plus ».

Résultats

Six mois après le diagnostic final, les femmes ayant des résultats faussement positifs ont signalé des changements dans les valeurs existentielles et le calme intérieur aussi importants que ceux rapportés par les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein. 
Trois ans après avoir été déclarées exemptes de cancer, les femmes avec des résultats initialement faussement positifs lors d'une mammographie ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes qui avaient eu des résultats normaux, et ce dans tous les 12 résultats psychosociaux. 

CONCLUSION 

Les résultats faussement positifs à la mammographie de dépistage causent des dommages psychosociaux à long terme.

Dans une période de 3 ans après avoir été déclarées indemnes de suspicion de cancer, les femmes présentant des expériences de faux positifs ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes présentant des résultats normaux.

Le premier semestre après le diagnostic final, les femmes avec des faux positifs ont signalé des changements tout aussi importants dans leurs valeurs existentielles et leur ressenti de calme intérieur que les femmes atteintes d'un cancer du sein.

 Trois ans après un résultat faussement positif, les femmes subissent des conséquences psychosociales qui varient entre celles subies par les femmes ayant une mammographie normale et celles ayant reçu un diagnostic de cancer du sein.


[1] Salz T , Méta-analyses de l'effet des mammographies faussement positives sur les résultats psychosociaux génériques et spécifiques . Psycho-oncologie . 2010 ; 19 (10) : 1026 – 1034 

PubMed

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Dépister la…cytoliose !

L'impact des influences dans les invitations envoyées dans le cadre d’un programme de dépistage médical : un essai contrôlé randomisé

Christian Patrick Jauernik 1,2,  Or Joseph Rahbek 1,2,  Thomas Ploug 3,  Volkert Siersma 1, John Brandt Brodersen 1,2
1  Department of Public Health, The Research Unit for General Practice and Section of General Practice, University of Copenhagen, Copenhagen, Denmark
2  The Primary Health Care Research Unit, Zealand Region, Sorø, Denmark
3  Centre for Applied Ethics and Philosophy of Science, Department of Communication and Psychology, Aalborg University Copenhagen, Copenhagen, Denmark
European Journal of Public Health, ckad067, https://doi.org/10.1093/eurpub/ckad067

Les auteurs de cette publication ont eu l'idée d'un dépistage de maladie fictive, la "cytoliose", non transmissible et potentiellement mortelle, et ont envoyé pour ce faire des invitations à un dépistage avec dépliants, dépistage tout aussi fictif.

Cet essai est randomisé avec sept bras, c'est à dire sept groupes de personnes dans un total de 600 personnes étudiées.
Chaque groupe recevait un dépliant, avec des messages qui différaient plus ou moins dans leur caractère incitatif à participer au dépistage.
Les objectifs de l'étude étaient :
1) évaluer si les différentes méthodes d'influences ont un effet significatif sur l'intention de participer à un programme de dépistage, et
2) si les participants étaient conscients de ces influences, et si il y avait une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience.

Introduction et contexte

Selon les auteurs :
"...Les programmes de dépistage du cancer s'accompagnent de nombreux préjudices involontaires tels que les faux positifs, le surdiagnostic et le surtraitement, qui peuvent entraîner des préjudices physiques, psychologiques ou sociaux. La qualité des programmes de dépistage est parfois évaluée en fonction d'un taux de participation important."

Du point de vue des autorités sanitaires il est pré-supposé qu'un programme de dépistage de maladies cancéreuses est plus bénéfique que nocif, et qu'un taux de participation élevé maximiserait les avantages escomptés de ce programme de dépistage.
En outre, on constate que les citoyens ayant un statut socio-économique plus bas ont une incidence plus élevée de maladies cancéreuses (à l'exception du cancer du sein), mais qu'ils sont moins enclins à participer aux programmes de dépistage.

"Cela incite encore plus les autorités sanitaires à rendre la participation au dépistage simple et sans obstacle afin de promouvoir l'égalité en matière de santé. Les autorités sanitaires peuvent influencer systématiquement les citoyens de manière subtile..." disent les auteurs.

"Tous les citoyens ne partagent pas la même appréciation des bénéfices et des risques que les autorités sanitaires. Et même s'ils sont d'accord avec les autorités sanitaires pour affirmer que les bénéfices l'emportent sur les risques au niveau de la population, il se peut qu'ils ne souhaitent pas participer parce qu'ils risquent, au niveau individuel, de subir plus de préjudices que de bénéfices - les données actuelles suggèrent que les citoyens les mieux informés sont moins susceptibles de participer au dépistage du cancer."

Les auteurs se réfèrent à une étude publiée en 2019 sur les méthodes d'influence qui sont utilisées par les autorités sanitaires pour pousser les populations à participer à divers programmes de dépistage : ces méthodes vont des messages anxiogènes à la minimisation des risques et des inconvénients du dépistage.
Notre Institut National du Cancer (INCa) était cité dans cette étude, dans la catégorie 1) Présentation trompeuse des statistiques et 2) Représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.
Il est d'ailleurs amusant de constater que ledit INCa est très prompt à classer la controverse du dépistage dans les fake-news dans une page intitulée "éclairages" tout en étant lui-même pris en faute de manipulation du public par sa documentation orientée et fallacieuse.

L'auteur de cette étude de 2019 sur la manipulation du public est un des co-auteurs de cette étude actuelle ; en 2019 il distinguait dans sa publication 5 catégories d'influences des personnes :
1.      Présentation tendancieuse des statistiques,
2.     Omission des effets nocifs et accent mis sur les bénéfices,
3.     Recommandations à participation,
4.     Systèmes de non-participation (opt-out) -Cela consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer.
5.     Appels à la peur.

Ces différents types d'influences affectent de manière significative la participation individuelle en contournant ou en contrecarrant la réflexion, et elles peuvent être incompatibles avec une prise de décision éclairée.

La cytoliose

Cette maladie totalement crée pour l'étude, soi-disant mortelle, a été inventée pour éviter un biais dû aux idées préconçues et aux craintes liées au cancer.

Les auteurs expliquent :
" La brochure (neutre, de base, NDLR) sur le dépistage de la cytoliose s'inspirait en partie de la brochure danoise sur le dépistage du cancer colorectal, et la cytoliose avait la même incidence et la même mortalité que le cancer colorectal.
Le programme de dépistage de la cytoliose présentait les mêmes bénéfices (par exemple, réduction de la mortalité) et les mêmes risques (par exemple, faux positifs, dommages physiques et surtraitement) que le dépistage du cancer colorectal chez un homme de 50 à 60 ans.
Les préjudices du programme de dépistage fictif ont été amplifiés par rapport au dépistage du cancer colorectal afin de mieux équilibrer les bénéfices et les préjudices liés à la participation."

Il y a eu donc sept brochures différentes qui ont été distribuées, une pour chacun des sept groupes de cette étude randomisée :
A- La brochure "neutre"
B- Une brochure avec des diminutions relatives de risque pour accentuer la réduction de la mortalité.
(A l'instar du procédé de l'INCa pour le cancer du sein, donnant des pourcentages de réduction de mortalité qui correspondent à des taux de comparaison entre des populations, mais pas du tout aux données réelles, absolues ; voir l'article : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/
Cette technique de tromperie dans la présentation de la réduction de mortalité est constamment utilisée par l'INCa, alors même que les citoyennes l'ont reproché lors de la concertation sur le dépistage du cancer du sein en 2016 ; rien n'a changé dans la communication de l'INCa et on peut toujours lire dans les documents une "réduction de mortalité de 20%", ce qui correspond en vraie vie à une seule femme dont la vie est prolongée par le dépistage sur femmes 2000 dépistées et sur 10ans de dépistage, ce qui n'est plus la même chose....
C- La troisième brochure donnait une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages, omettait les effets nocifs et mettait l'accent sur les bénéfices, là aussi très similaire aux méthodes de l'INCa avec omission volontaire des risques les plus importants, (lire https://cancer-rose.fr/2021/10/19/linca-toujours-scandaleusement-malhonnete-et-non-ethique/)
D- La quatrième brochure était basée sur les rendez-vous pris à l'avance (système opt-out, voir plus haut)
E- La cinquième brochure contenait une recommandation explicite de participation
F- La sixième brochure faisait appel à la peur
G- Et enfin, une dernière brochure contenait tous les systèmes d'influence à la fois.

Tous les types d'influence étudiés ont été inspirés par des exemples réels de programmes de dépistage du cancer.(De type brochures 2 et 4 pour notre institut français)

Toutes les brochures sont à retrouver dans l'annexe PDF

 Les résultats

A- Résultat principal : mesure de l’intention de participer

"La proportion la plus faible de personnes ayant l'intention de participer (31,8 %) a été observée dans le groupe ayant reçu la brochure neutre (A), tandis que la proportion des personnes avec intention de participait se situait entre 39,2 % et 80,0 % lorsque les autres brochures, non neutres, avaient été distribuées.."
Voir tableau 2 (cliquez pour agrandir)

L'intention de participer (sans ajustement en fonction du statut socio-démographique) a augmenté de manière statistiquement significative dans les groupes ayant reçu des brochures contenant des réductions du risque relatif (B), une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages (C), une recommandation explicite de participation (E), des appels à la peur (F) et toutes les influences combinées(G)

B- Résultat secondaire : connaissance des influences et effet de la connaissance des influences sur l'intention de participer

 Les participants étaient-ils conscients de ces influences auxquelles ils étaient soumises pour participer davantage, et y avait-il une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience des influences subies ?

"Une majorité variant entre 60,0 % et 78,3 % des participants", disent les auteurs "n'a pas indiqué avoir conscience que leur choix tentait d'être influencé (brochures B à G).
Il n'y avait pas de différence claire entre les réponses à la brochure neutre (A) et les brochures contenant une tentative délibérée d'influencer le choix des participants."

" Les participants qui ont reçu une brochure avec une influence (B-G) et qui n'ont pas indiqué être conscients que leur choix était influencé ont eu davantage l'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix et qui ont ensuite correctement localisé une influence."

Les auteurs disent aussi que les participants avec une brochure influente et non conscients de cela ont eu davantage d'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix mais qui, en revanche, ne parvenaient pas à localiser correctement cette influence.

Néanmoins, avertissent les auteurs " Les résultats secondaires doivent être interprétés avec prudence. Étant donné que les résultats secondaires sont mesurés après que les participants ont indiqué leur intention de participer, cela peut affecter leur réponse sur le fait que la brochure essayait ou non d'orienter leur choix. Nous émettons l'hypothèse que les participants qui avaient l'intention de participer pourraient être plus réticents à admettre qu'ils ont été potentiellement influencés."

En tout cas il est certain et démontré que les cinq catégories d'influences augmentent l'intention de participer lorsqu'elles sont utilisées dans les documents envoyés aux cibles des dépistages.
Moins de la moitié des participants reconnaissaient ces influences, et le fait de ne pas les connaître s'associait de facto à une augmentation de l'intention de participer.

Conclusion des auteurs

" Ces résultats appellent une réflexion et une discussion sur l'utilisation de différents types d'influence pour augmenter le taux de participation aux programmes de dépistage du cancer. Les risques potentiels de la participation à des programmes de dépistage du cancer peuvent être graves et substantiels, et l'effet escompté de l'augmentation du taux de participation par l'utilisation d'influences doit être soigneusement évalué par rapport à l'effet involontaire de contourner potentiellement le choix éclairé des participants. Il est donc nécessaire de trouver d'autres moyens d'évaluer les programmes de dépistage du cancer que le taux de participation.
L'une de ces alternatives pourrait être le taux de décisions éclairées prises par les participants potentiels au dépistage."
Et cela même si, comme le supposent les auteurs, les citoyens pourraient se sentir désemparés en prenant connaissance des multiples risques des dépistages.

D'autres aspects dans la prise de décision d'une personne de participer ou pas sont aussi à considérer :
" Le matériel d'information n'est pas le seul aspect de la prise de décision, et cette étude n'examine pas les raisons externes des choix des participants, par exemple la culture (de la santé) de la société, les attitudes propres et générales de la société à l'égard des interventions de santé, le sens du devoir, le comportement et les opinions des proches, les obstacles à l'intention et au comportement réel, les incitations financières des professionnels de la santé pour augmenter le recours au dépistage, etc. ...Les recherches portant sur les raisons externes peuvent quantifier l'importance de la prise de décision sur le matériel d'information."

"L'effet considérable des influences qui sont encore renforcées par la non-conscience (de ces influences) suggère que l'application de ces influences devrait être soigneusement examinée pour les interventions où la participation informée est prévue."

Les rédacteurs de cette publication suggèrent que des recherches supplémentaires sur les effets négatifs potentiels de ces influences soient envisagées, car les effets négatifs de ces techniques d'influence sur la population débouchent un affaiblissement de la confiance dans les autorités sanitaires.

ANNEXE-LES BROCHURES

Commentaire Cancer Rose

Cette publication, avec celle de Rahbek de 2019, rappellent une fois de plus les effets désastreux sur la santé des gens des influences néfastes que des documents d'information fallacieux et déséquilibrés peuvent entraîner.

Il faut toujours avoir à l'esprit que les documents pour des dépistages sont envoyés à des populations qui se portent bien et n'ont, a priori, aucune plainte clinique. L'influence utilisée pour les faire entrer dans des processus de dépistage potentiellement nocifs s'apparente à imposer un dispositif de santé potentiellement nuisible sans en informer les personnes et en les trompant. Ce qui est éthiquement indéfendable, et pourtant fait par les autorités sanitaires.

L'INCa français, est pointé du doigt dans l'étude de 2019, comme on peut le voir dans un tableau synthétique de létude (https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2021/04/nouveau-tableau.pdf ; voir les parties surlignées) ; plutôt que de consacrer des ressources à pointer du doigt une controverse de plus en plus présente sur la pertinence du dépistage du cancer du sein, l'institut ferait bien de consacrer temps et moyens pour corriger ses graves défauts de communication qui trompent les citoyennes françaises sur le dépistage du cancer du sein.

Concernant le dépistage du cancer du sein, nous pouvons mettre cette étude en relation avec une autre, française celle-ci, parue en 2016, démontrant que lorsqu’on donne aux femmes une information un peu plus objective sur le dépistage du cancer du sein par mammographie, elles s’y soumettent moins.( https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/)
Cette étude est passée relativement inaperçue, et pour cause, puisque pour les autorités sanitaires un seul critère compte, c'est le rendement de la participation, et que la tromperie des femmes est une thématique scientifique tout à fait assumée : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Références

1          Brodersen J, Jorgensen KJ, Gotzsche PC. The benefits and harms of screening for cancer with a focus on breast screening. Polskie Archiwum Medycyny Wewnetrznej 2010;120:89–94.

2          Jorgensen KJ. Mammography screening. Benefits, harms, and informed choice. Dan Med J 2013;60:B4614.

3          Public Health England. Health matters: Improving the prevention and diagnosis of bowel cancer. 2016. Available at: https://www.gov.uk/government/publications/health-matters-preventing-bowel-cancer/health-matters-improving-the-prevention-and-detection-of-bowel-cancer (15 January 2020, date last accessed).

4          The Danish Health Agency. Screening for cervical cancer – recommendations. [Danish] 2012. Available at: http://www.sst.dk/~/media/B1211EAFEDFB47C5822E883205F99B79.ashx (15 January 2020, date last accessed).

5          The Danish Health Agency. Screening for colorectal cancer – recommendations. [Danish] 2012. Available at: https://www.sst.dk/~/media/1327A2433DDD454C86D031D50FE6D9D6.ashx (1 February 2020, date last accessed).

6          Broberg G, Wang J, Östberg AL, et al.  Socio-economic and demographic determinants affecting participation in the Swedish cervical screening program: a population-based case-control study. PLoS One 2018;13:e0190171.

7          Orsini M, Trétarre B, Daurès J-P, Bessaoud F. Individual socioeconomic status and breast cancer diagnostic stages: a French case–control study. Eur J Public Health 2016;26:445–50.

8          Boscoe FP, Henry KA, Sherman RL, Johnson CJ. The relationship between cancer incidence, stage and poverty in the United States. Int J Cancer 2016;139:607–12.

9          Hofmann B, Stanak M. Nudging in screening: literature review and ethical guidance. Patient Educ Couns 2018;101:1561–9.

10        Hersch J, Barratt A, Jansen J, et al.  Use of a decision aid including information on overdetection to support informed choice about breast cancer screening: a randomised controlled trial. Lancet 2015;385:1642–52.

11        Hestbech MS, Gyrd-Hansen D, Kragstrup J, et al.  Effects of numerical information on intention to participate in cervical screening among women offered HPV vaccination: a randomised study. Scand J Prim Health Care 2016;34:401–19.

12        Rahbek OJ, Jauernik CP, Ploug T, Brodersen J. Categories of systematic influences applied to increase cancer screening participation: a literature review and analysis. Eur J Public Health 2021;31:200–6.

13        Ploug T, Holm S, Brodersen J. To nudge or not to nudge: cancer screening programmes and the limits of libertarian paternalism. J Epidemiol Community Health 2012;66:1193–6.

14        Ploug T, Holm S. Doctors, patients, and nudging in the clinical context–four views on nudging and informed consent. Am J Bioeth 2015;15:28–38. Google ScholarCrossrefPubMedWorldCat

15        Sarfati D, Howden-Chapman P, Woodward A, Salmond C. Does the frame affect the picture? A study into how attitudes to screening for cancer are affected by the way benefits are expressed. J Med Screen 1998;5:137–40.

16        Lönnberg S, Andreassen T, Engesæter B, et al.  Impact of scheduled appointments on cervical screening participation in Norway: a randomised intervention. BMJ Open 2016;6:e013728.

17        The Danish Health Agency. Bowel cancer: treatment and prognosis [Danish] 2019. Available at: https://www.sst.dk/da/Viden/Screening/Screening-for-kraeft/Tarmkraeft/Behandling-og-prognose (1 February 2020, date last accessed).

18        Adab P, Marshall T, Rouse A, et al.  Randomised controlled trial of the effect of evidence based information on women's willingness to participate in cervical cancer screening. J Epidemiol Community Health 2003;57:589–93.

19        Malenka DJ, Baron JA, Johansen S, et al.  The framing effect of relative and absolute risk. J Gen Intern Med 1993;8:543–8.

20        Johansson M, Jorgensen KJ, Getz L, Moynihan R. "Informed choice" in a time of too much medicine-no panacea for ethical difficulties. BMJ 2016;353:i2230.

21        Getz L, Brodersen J. Informed participation in cancer screening: the facts are changing, and GPs are going to feel it. Scand J Prim Health Care 2010;28:1–3.

22        Byskov Petersen G, Sadolin Damhus C, Ryborg Jønsson AB, Brodersen J. The perception gap: how the benefits and harms of cervical cancer screening are understood in information material focusing on informed choice. Health Risk Soc 2020;22:177–96.

23        Hoffmann TC, Del Mar C. Patients' expectations of the benefits and harms of treatments, screening, and tests: a systematic review. JAMA Intern Med 2015;175:274–86.

24        Reisch LA, Sunstein CR. Do Europeans like nudges? Judgm Decis Mak 2016;11:310–25.

25        Slovic P, Peters E, Finucane ML, Macgregor DG. Affect, risk, and decision making. Health Psychol 2005;24:S35–40.

26        Loewenstein GF, Weber EU, Hsee CK, Welch N. Risk as feelings. Psychol Bull 2001;127:267–86.

27        Damhus CS, Byskov Petersen G, Ploug T, Brodersen J. Informed or misinformed choice? Framing effects in a national information pamphlet on colorectal cancer screening. Health, Risk and Society 2018;20:241–58.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Biologie immunitaire du cancer pour expliquer le « surdiagnostic » clinique

Traductions, restitution et synthèse par Cancer Rose, 4 mai 2023

Un diagnostic précoce accru du cancer : Révéler la biologie immunitaire du cancer pour expliquer le "surdiagnostic" clinique

Bruce A. Wauchope 1,2Brendon J. Coventry 2David M. Roder 3

1 Molechecks Australia, 1284 South Road, Clovelly Park 5042, Australia

2 Discipline of Surgery, Cancer Immunotherapy Laboratory, University of Adelaide, Royal Adelaide Hospital, Adelaide 5005, Australia

3 Cancer Epidemiology and Population Health, Allied Health and Human Performance, University of South Australia, Adelaide 5000, Australia

Cancers 202315(4),1139; https://doi.org/10.3390/cancers15041139

La régulation immunitaire du cancer est prouvée et peut expliquer pourquoi certains cancers progressent alors que d'autres restent silencieux.

Les auteurs avancent "un modèle immunitaire fondé sur des preuves, qui mérite d'être approfondi et qui pourrait expliquer le "surdiagnostic" du cancer et la prédisposition à la récurrence, à la régression et à la létalité." C'est à dire, qui pourrait expliquer pourquoi certains cancers tuent, d'autres non et d'autres encore régressent.
Ils considèrent surtout " que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures", afin d'arriver à affiner la distinction entre cancers mortels et non-mortels, et ce afin d'éviter les traitements inutiles découlant du surdiagnostic qu'apporte tout dépistage.

Résumé des auteurs

"Même si les cancers "précoces" cliniquement petits représentent biologiquement plusieurs millions de cellules, lorsqu'ils sont enlevés chirurgicalement, souvent ils ne récidivent pas ou ne se développent pas à nouveau, et ne réduisent pas la durée de vie de l'individu.
Toutefois, certains cancers précoces restent quiescents et indolents, tandis que d'autres se développent et forment des métastases, menaçant la vie de l'individu. La distinction entre ces différents comportements cliniques à l'aide de critères cliniques/pathologiques est actuellement problématique. On rapporte que de nombreuses lésions suspectes et des cancers précoces sont retirés chirurgicalement alors qu'ils ne menaceraient pas la vie du patient. Ce phénomène a été qualifié de "surdiagnostic", en particulier dans le domaine du dépistage du cancer.
Bien qu'il s'agisse d'un sujet controversé et émotionnel, il pose des problèmes cliniques et de politique de santé publique. La différenciation diagnostique entre les formes de tumeurs "non létales" et "létales" (= mortelles ou non mortelles, NDLR) est généralement impossible.
Une perspective qui s'appuie sur des preuves est qu'il existe un équilibre dynamique entre la réponse immunitaire et les processus malins qui déterminent la "létalité", où beaucoup plus de cancers sont produits sans qu'ils ne deviennent cliniquement significatifs parce que le système immunitaire empêche leur progression.
Les taux de "diagnostic" plus élevés du dépistage médical peuvent refléter des effets de temps d'avance au diagnostic (c'est à dire une détection du cancer avant qu'il ne s'exprime cliniquement, NDLR), avec plus de cancers "non progressifs" détectés lorsqu'une interaction immunitaire-cancer précoce se produit.
Nous présentons un modèle de cette interaction entre le système immunitaire et le cancer et examinons les affirmations d'"excès" ou de "surdiagnostic" qui accompagnent des technologies de diagnostic et de dépistage de plus en plus sensibles.

Nous estimons que les outils immunitaires devraient être intégrés dans les recherches futures, avec un potentiel de modulation du système immunitaire pour certains cancers précoces."

Introduction, problématique des dépistages

"...Le manque de données probantes concernant certains cancers, pour lesquels un dépistage plus sensible et une détection précoce ne se traduisent pas nécessairement par une réduction de la morbidité et de la mortalité, constitue une énigme majeure.

Certains cancers précoces n'évoluent pas vers des métastases et la mort, et ne mettent donc pas le patient en danger durant sa vie, et ne nécessitent pas de traitement. Il peut exister des variantes biologiques non métastatiques et non mortelles. Il est fondamental de distinguer les cancers potentiellement "mortels" des cancers "non mortels" pour que le dépistage soit bénéfique de manière sélective, tout en évitant les traitements inutiles."...
L'ampleur de la modulation par le système immunitaire du processus de malignité pourrait influencer de manière décisive les suites du cancer, y compris la létalité."

On devrait s'attendre, rappellent les auteurs, à ce que le dépistage de lésions dites "précoces" entraîne, dans une population dépistée, une réduction des cancers graves. Or ce n'est pas ce que l'on observe, il y a toujours un excédant de diagnostics dans les groupes dépistés sans changement de la létalité (taux de décès par maladie dans un groupe de malades).

" Après un certain temps (de dépistage), le taux de diagnostic précoce devrait se traduire par une réduction du taux de mortalité."
Si les taux d'incidence cumulés, c'est à dire les taux de diagnostics de cancers, ne sont pas similaires dans les groupes dépistés par rapport à une population non dépistée, avec une augmentation dans le groupe dépisté sans différence de mortalité, on peut s'interroger sur le risque de surdiagnostic de cancers "non mortels", ce qui peut soulever des questions d'éthique, de coût et d'autres questions professionnelles.
Les auteurs rappellent :
"Par comparaison, un dépistage efficace du cancer impliquerait la détection précoce des cancers à potentiel létal ou de leurs précurseurs, ce qui entraînerait une réduction de la morbidité et de la mortalité. Un dépistage efficace devrait se traduire par une réduction de la mortalité spécifique au cancer et de l'incidence des cancers avancés ajustée à l'âge."

Cette inflation de cancers non mortels et de détection inutile est ce qu'on appelle le surdiagnostic,ce qui commence à poser un important problème de santé publique car on constate ce phénomène pour tous les dépistages, entraînant les personnes dans des "maladies" qu'elles n'auraient pas dû connaître.

"Des augmentations relativement plus importantes ont été constatées entre les différents types de lésions (par exemple, davantage pour les lésions in situ du sein féminin que pour les lésions invasives). Cela s'applique au carcinome canalaire in situ par rapport à la mammographie et à d'autres cancers in situ - cancer de la prostate, du côlon, des cellules squameuses du tractus gastro-intestinal, du tractus génital et de la peau, types de cancer basocellulaire et mélanomes cutanés"

L'exemple particulier du mélanome.

" Les sous-populations ayant fait l'objet d'un dépistage du mélanome ont présenté des taux de détection et des taux de passage d'in situ à invasif plus élevés que ceux attendus à partir des données des registres de population, sans que la mortalité liée au mélanome ne soit inférieure aux prévisions ", expliquent les auteurs.

"On s'interroge depuis longtemps sur l'augmentation de l'incidence du mélanome et sur le diagnostic des formes de mélanome non létales et "non métastasantes".
Ainsi, un vocabulaire comprenant le surdiagnostic, les réservoirs asymptomatiques d'affections "indolentes", les formes "dormantes" et "non métastasantes" de mélanomes est apparu.

"... le surdiagnostic pourrait être la conséquence des tests de dépistage courants. Il est encore plus probable qu'il se produise et qu'il augmente dans les environnements de diagnostic avec l'avènement de technologies de diagnostic de plus en plus sensibles.
Certains ont émis l'hypothèse d'un abaissement des seuils pour la réalisation des biopsies, les cliniciens et les pathologistes modifiant les seuils de diagnostic, l'ensemble conduisant à une augmentation des taux de détection des cas, ce qui donne une apparente impression de réussite. "Les pathologistes, lorsqu'on leur présente des lames datant d'il y a 20 ans, augmentent les taux de diagnostic des mélanomes : 14 % des lésions gravement dysplasiques sont converties en mélanomes ."

Les auteurs résument ainsi deux grandes causes de surdiagnostics : les capacités technologiques de détection de plus en plus affinées, détectant des lésions qu'on pouvait ignorer, et la tendance à sur-grader les lésions volontairement, de peur de laisser passer quelque chose, les anatomo-pathologistes préférant proposer une classification plus péjorative de ce qu'ils voient sous le microscope.
Il y a une troisième cause décrite par les rédacteurs de l'étude :
"Des incitations financières ont également été évoquées (qui rémunèrent les médecins lors de l'intégration de leurs patients dans certains dépistages, NDLR). Tous ces éléments peuvent favoriser une incitation au dépistage.

La pertinence clinique des cancers détectés lors du dépistage devient plus discutable s'il n'y a pas de réduction correspondante de la morbidité et de la mortalité."

Les auteurs proposent un modèle pour le surdiagnostic et le système immunitaire à travers le mélanome.

"En intégrant ces idées, nous présentons ici un modèle composite basé sur l'exemple du dépistage du mélanome, qui examine l'interaction entre la formation précoce de la tumeur et la réponse immunitaire," modèle que nous allons décrire un peu après.

Dynamique du cancer et taux de croissance

Le comportement biologique des cancers détectés lors d'un dépistage n'est pas constant. Les auteurs rappellent la figure que proposait le chercheur américain G.Welsch décrivant les différentes possibilités de croissance cancéreuses, que nous expliquons dans cette vidéo.

Certains cancers évoluent très vite, sont péjoratifs mais échappent au dépistage du fait de leur vélocité. D'autres évoluent lentement et n'auraient jamais nui à la personne, certains régressent, le surdiagnostic ou détection inutile se produit dans ces cas ; la personne sera traitée inutilement.

Le système immunitaire

Sur ce chapitre, beaucoup de questions sont posées, et restent en suspens, selon les auteurs : "Le cancer existe-t-il seul ou est-il en relation avec le reste de l'organisme et le système immunitaire ? Comment le système immunitaire est-il impliqué dans le microenvironnement du cancer et dans sa croissance ? Le système immunitaire peut-il influer sur la croissance des cancers ? En d'autres termes, le système immunitaire peut-il limiter la croissance du cancer, ou/et peut-il augmenter la croissance du cancer ? En outre, le système immunitaire est-il modulable ? En d'autres termes, dans quelle mesure peut-il modifier son profil, ou est-il fixe et statique ? Si le système immunitaire se modifie, peut-il affecter la croissance du cancer ? La modification du système immunitaire peut-elle entraîner un changement dans le comportement et l'issue du cancer ?"

"Il est bien établi que l'immunosuppression chez les personnes "saines" entraîne une augmentation d'au moins 3 fois du nombre de cancers" et on sait que "du côté des traitements, l'utilisation d'inhibiteurs de points de contrôle immunitaires a révolutionné la survie au cancer, mais seulement pour une partie des types de cancer (environ 1 à 50 %)".

"En outre, de nombreux cliniciens connaissent des cas rares mais frappants de régression tumorale spontanée, un processus par lequel certains cancers disparaissent spontanément, potentiellement en raison de processus immunologiques. Bien que l'explication de ce phénomène reste une énigme, il pourrait être plus fréquent qu'on ne le pense, peut-être davantage dans le cas des cancers "précoces". ..
En résumé, il est prouvé que le système immunitaire peut influer sur la formation, la progression et la mortalité du cancer. Il ne s'agit donc pas d'un simple taux de croissance des cellules cancéreuses, mais d'une interaction entre le cancer et le système immunitaire."

" Cette évolution de la pensée se poursuit, avec la reconnaissance clinique croissante du fait que le système immunitaire, en plus de gérer les infections, est au cœur de la croissance, de la réparation et de la cicatrisation des tissus normaux. ..
Dans le micro-environnement tumoral, le stroma, en particulier ses composants immunitaires, interagit avec la tumeur et affecte sa croissance et sa progression".

Les données issues de grandes études cliniques, expliquent les auteurs, démontrent en effet qu'une forte infiltration des lésions néoplasiques par des populations de cellules immunitaires spécifiques constitue un indicateur pronostique indépendant dans plusieurs types de cancer ; la présence de certaines cellules (macrophages, lymphocytes) peuvent avoir un effet bénéfique sur le pronostic, d'autres au contraire signent une évolution plus sombre.

"Le contrôle du système immunitaire peut être considéré comme l'arbitre influent des métastases, de la progression de la maladie et de la survie."
À la lumière des interactions immunitaires affectant la croissance dans le microenvironnement et les métastases, nous suggérons que l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur affecte de manière critique les résultats de la croissance, les taux de croissance de la tumeur, sa capacité à être indolente ou pathogène et, dans certains cas, sa disparition et sa régression."

Un modèle est proposé sur l'intrication de l'immunité et du surdiagnostic dans la progression cancéreuse.

Un modèle intégrant surdiagnostic et rôle de l'immunité

Trois résultats sont observés dans le cadre du dépistage :

1. Augmentation des taux de diagnostic
2. Augmentation des ratios in situ/invasifs
3. Augmentation des allégations de surdiagnostic

La proposition des auteurs est que ces trois résultats peuvent logiquement être des manifestations biologiques de la relation immunité-cancer dans les premiers stades (ou peut-être les plus précoces) du développement du cancer.

Cliquez sur l'image pour agrandir
Figure 2

Il est pris comme modèle le mélanome. Voici l'explication de la figure 2 :

" La tumorigénèse du mélanome implique la prolifération de mélanocytes aberrants dont l'inhibition de contact est réduite et qui sont de plus en plus décohésifs dans un organisme multicellulaire. La surveillance du système immunitaire détecte la tumeur à (A). Si le système immunitaire favorise la tumeur, la partie supérieure grise du diagramme (B) devient opérationnelle. La tumeur est alors facilitée dans sa croissance, comme cela se produit dans la cicatrisation proliférative. Dans le microenvironnement tumoral, les cellules immunitaires innées telles que les macrophages peuvent être associées à la progression de la tumeur. Sur le plan clinique, les mélanomes nodulaires à croissance rapide en sont un exemple. Ils pénètrent profondément et se propagent moins latéralement. Bien qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de l'ensemble des mélanomes, ils sont à l'origine de 30 % des décès."

Voilà décrite la situation dans le cas où le système immunitaire sera facilitateur pour le développement tumoral.
Que se passe-t il au contraire si le système immunitaire freine a progression tumorale ?
Dans ce profil immunitaire de "freination", on peut assister à trois modèles :
"Le mélanome entre dans une phase de régression, avec selon le diagramme (1) l'élimination, (2) l'équilibre, ou (3) la fuite, comme décrit :

(1) Élimination de la tumeur : La "régression" immunitaire associée aux lymphocytes peut éliminer toute trace histopathologique de mélanome. Sur le plan clinique, il s'agit d'une régression spontanée ou d'un mélanome primaire en régression.

(2)Équilibre : Le système immunitaire n'a pas éliminé la tumeur, mais l'a freinée. La tumeur et le système immunitaire peuvent atteindre un état d'équilibre. Sur le plan clinique, on retrouve ce phénomène dans les données post-mortem des personnes décédées avec un cancer, mais pas de cancer. C'est peut-être là que se trouve une grande partie du réservoir de surdiagnostic.

 (3)Échappée immunitaire : Le cancer peut d'abord être freiné par le système immunitaire, puis le vaincre. Si le système immunitaire élimine la tumeur primaire après la libération des métastases, des métastases secondaires sans primitif connu apparaissent. Cliniquement, on parle de "mélanome occulte" ou de "mélanome d'origine primaire inconnue", qui survient dans environ 3 %."

Que fait le dépistage dans ce modèle, comment intervient-il ? Il faut examiner à présent le champ D, correspondant à l'intervention d'un dépistage minutieux par dermatoscopie.

" Le dépistage à (D) permet d'obtenir
1. Un taux de détection des mélanomes plus élevé et une augmentation encore plus importante du taux de détection des mélanomes in situ par rapport à ce que l'on trouverait dans un registre du cancer basé sur la population. Cela donne,
2. Une augmentation du ratio mélanome in situ/Invasif. L'augmentation du taux de détection des mélanomes et des mélanomes in situ, malgré l'absence de réduction de la mortalité, donne :
3. Un surdiagnostic relatif."

On comprend ainsi que la détection précoce intervient alors que le système immunitaire ne s'est encore pas exprimé, ne laissant pas de 'chance' aux cancers qui ne se développeront pas de rester non découverts.
Ceci est d'un impact important lorsqu'on sait que le dépistage du mélanome n'a pas eu pour effet de diminuer la mortalité par ce cancer. Lire une réflexion du Lown institute : https://lowninstitute.org/balancing-prevention-and-overdiagnosis-in-skin-cancer-screening/

Conclusion des auteurs

"Si le système immunitaire contrôle le cancer dans tous les cas ou dans la plupart des cas, le surdiagnostic peut en fait être le reflet de l'étendue du contrôle immunitaire sur la capacité des cellules cancéreuses à se comporter de manière non métastatique (ou pas).

1.              Le surdiagnostic du cancer par le dépistage peut également avoir une base immunitaire, ce qui est confirmé par des preuves de plus en plus nombreuses.

2.              Le profilage cellulaire/immunitaire fait actuellement défaut pour identifier les lésions qui seront contenues par la défense immunologique, ou qui seront éliminées, ou qui évolueront vers des métastases.

3.              Il n'existe actuellement aucun moyen clinique ou pathologique de quantifier l'interaction entre le système immunitaire et la tumeur pour décider de la nécessité d'un traitement.

4.              L'interaction entre le système immunitaire et la tumeur devrait faire l'objet d'une recherche accrue afin de mieux comprendre et d'améliorer la lutte contre le cancer. La peau, en tant qu'organe externe, est idéalement accessible pour cette recherche."

"On considère que nous risquons de devenir de plus en plus performants dans la détection des cancers précoces qui ne menacent pas le patient au cours de sa vie - avec l'indécision clinique actuelle quant aux cancers qui deviendront invasifs ou métastatiques, et ceux qui ne le deviendront pas. L'arbitre pourrait en effet ne pas être uniquement les cellules cancéreuses elles-mêmes, qui ont fait l'objet de tant d'attention jusqu'à présent, mais plutôt le comportement dynamique et la force de la réponse du système immunitaire de l'hôte."

" Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir la distinction entre les cancers qui peuvent évoluer vers la fatalité et ceux qui ne le peuvent pas ou ne le font pas. De cette manière, un diagnostic plus précis pourrait bien être obtenu afin de réduire tout excès de diagnostic de cancer qui n'est pas associé à une signification clinique, y compris la mortalité."

Commentaires Cancer Rose

Tout d'abord il est salutaire qu'enfin une publication considère le problème du cancer non pas par le mauvais bout de la lorgnette, à savoir sa détection en aval, mais se préoccupe plutôt de la nécessité de revenir à la recherche fondamentale, en amont, et de poser la question de ce qui va faire d'un cancer une lésion mortelle ou pas.
Il nous faut, pour solutionner cette question, revenir absolument aux recherches fondamentales et approfondir les connaissances sur ce qu'on appelle 'histoire naturelle du cancer'.

Cependant, tout le raisonnement de l'étude tient sur une hypothèse, laquelle est toujours profondément ancrée dans nos esprits, à savoir la "précocité" de la détection. Or cette précocité est une notion arbitraire. La précocité suppose une croissance linéaire et continue du cancer. Or ce modèle de croissance tumorale est faux ; la question est : à partir de quand est-on malade ? Où commence la maladie ? Et la réponse n'est pas dans la taille tumorale. Certains cancers du sein peuvent être volumineux, de très bon pronostic et, non découverts, sans plainte du patient, et inversement.

D'autre part, s'il est certain que le système immunitaire a un rôle important dans le développement cancéreux, il n'est pas le seul acteur.
Le cancer est aussi le marqueur d’une souffrance cellulaire dont l’origine peut être métabolique et en lien avec le milieu extérieur ce qui ne doit pas être occulté.
Un gène d'expression d'un cancer peut grandement favoriser l'apparition d'un cancer, mais pas obligatoirement si l'environnement rencontré n'est pas suffisamment délétère pour déclencher ce cancer. Par exemple, toutes les femmes porteuse du gène muté BCRA ne développeront pas un cancer du sein, car malgré l'augmentation importante du risque de développer un cancer, il reste tout de même 30 à 60% de femmes portant le gène muté BCRA1 , et 50 à 60% des femmes porteuses du gène muté BCRA2 qui ne mourront pas de ce cancer et vivront jusqu'à un âge avancé pour décéder de tout à fait autre chose.

Pour finir, on ne connait pas précisément encore quel est le rôle réciproque des cellules spécifiques épithéliales d'un organe et de son tissu de soutien dans l’émergence de la malignité.
Nous citons l'ouvrage de Bernard Duperray, "dépistage du cancer du sein, la grande illusion, aux éditions Souccar :

"Des expériences sur l’animal suggèrent que la recombinaison de cellules mammaires altérées par des mutations avec un stroma normal aboutit rarement au développement d’une tumeur, alors que la recombinaison de cellules spécifiques du sein normales avec un stroma altéré entraîne la formation de tumeurs.

Les travaux de l’équipe de Maricel Maffini (faculté de médecine de l’université Tufts, Boston, États-Unis) montrent en effet le rôle crucial du stroma de la glande mammaire dans le processus de cancérisation. Les chercheurs ont greffé des cellules cancéreuses mammaires à des rates. Le stroma a empêché le développement de ces cellules cancéreuses et encouragé leur croissance normale. Cette capacité des cellules normales du stroma à reprogrammer des cellules épithéliales cancéreuses est dépendante de l’âge et de la parité (antécédents ou non de mise bas)."
Réf : maffini mv, calaBro Jm et al. Stromal regulation of neoplastic development: age-dependent normalization of neoplastic mammary cells by mammary stroma. The American Journal of Pathology. 2005 Nov;167(5):1405-10.

Cette étude de Maffini suggère qu’une interaction fondamentale a lieu entre deux milieux cellulaires, le cancer a donc une histoire extrêmement complexe que nous ne connaissons pas en totalité, elle est dépendante de la nature biologique intrinsèque même du cancer, mais certainement aussi de l'immunité comme le suggère l'étude que nous venons de synthétiser, mais aussi de l'environnement dans une grande mesure certainement, et pour finir de l'interaction de la cellule avec le milieu dans lequel elle baigne.

Rien n'est simple, et prétendre venir à bout du cancer par une détection précoce avec des dépistages intempestifs et inopérants, comme nous le voyons quotidiennement, est un non-sens arrogant.
De plus il n'est pas éthique de dissimuler cette complexité au public et de lui faire miroiter, dans un charlatanisme médical éhonté, de pourvoir à son bien alors que nous fabriquons du surdiagnostic en pagaille dans la très grande majorité des dépistages, et que nous continuons ces dispositifs médicaux à grand renfort de publicités, incitant les populations démunies en information lors de grands barnums médiatiques dont octobre rose est un désespérant avatar.

Références utilisées par les auteurs

  1. Welch, H.G.; Black, W.C. Overdiagnosis in cancer. J. Natl. Cancer Inst. 2010102, 605–613. [Google Scholar] [CrossRef]
  2. Srivastava, S.; Reid, B.J.; Ghosh, S.; Kramer, B.S. Research Needs for Understanding the Biology of Overdiagnosis in Cancer Screening. J. Cell. Physiol. 2015231, 1870–1875. [Google Scholar] [CrossRef]
  3. Srivastava, S.; Koay, E.J.; Borowsky, A.D.; De Marzo, A.M.; Ghosh, S.; Wagner, P.D.; Kramer, B.S. Cancer overdiagnosis: A biological challenge and clinical dilemma. Nat. Rev. Cancer 201919, 349–358. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  4. Whiteman, D.C.; Olsen, C.M.; MacGregor, S.; Law, M.H.; Thompson, B.; Dusingize, J.C.; Green, A.C.; Neale, R.E.; Pandeya, N.; for the QSkin Study. The effect of screening on melanoma incidence and biopsy rates. Br. J. Dermatol. 2022187, 515–522. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  5. Ahn, H.S.; Kim, H.J.; Welch, H.G. Korea’s thyroid-cancer “epidemic”–screening and overdiagnosis. N. Engl. J. Med. 2014371, 1765–1767. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  6. Oke, J.L.; O’Sullivan, J.W.; Perera, R.; Nicholson, B.D. The mapping of cancer incidence and mortality trends in the UK from 1980–2013 reveals a potential for overdiagnosis. Sci. Rep. 20188, 14663. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  7. Welch, H.G.; Mazer, B.L.; Adamson, A.S. The Rapid Rise in Cutaneous Melanoma Diagnoses. N. Engl. J. Med. 2021384, 72–79. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  8. Burton, R.C.; Armstrong, B.K. Non-metastasizing melanoma? J. Surg. Oncol. 199867, 73–76. [Google Scholar] [CrossRef]
  9. Burton, R.C.; Armstrong, B.K. Current melanoma epidemic: A nonmetastasizing form of melanoma? World J. Surg. 199519, 330–333. [Google Scholar] [CrossRef]
  10. Burton, R.C.; Armstrong, B.K. Recent incidence trends imply a nonmetastasizing form of invasive melanoma. Melanoma Res. 19944, 107–113. [Google Scholar] [CrossRef]
  11. Burton, R.C.; Coates, M.S.; Hersey, P.; Roberts, G.; Chetty, M.P.; Chen, S.; Hayes, M.H.; Howe, C.G.; Armstrong, B.K. An analysis of a melanoma epidemic. Int. J. Cancer 199355, 765–770. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  12. Frangos, J.E.; Duncan, L.M.; Piris, A.; Nazarian, R.M.; Mihm, M.C.; Hoang, M.P.; Gleason, B.; Flotte, T.J.; Byers, H.R.; Barnhill, R.L.; et al. Increased diagnosis of thin superficial spreading melanomas: A 20-year study. J. Am. Acad. Dermatol. 201167, 387–394. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  13. Glasziou, P.P.; A Jones, M.; Pathirana, T.; Barratt, A.L.; Bell, K.J. Estimating the magnitude of cancer overdiagnosis in Australia. Med. J. Aust. 2019212, 163–168. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  14. Nikiforov, Y.E.; Seethala, R.R.; Tallini, G.; Baloch, Z.W.; Basolo, F.; Thompson, L.D.R.; Barletta, J.A.; Wenig, B.M.; Ghuzlan, A.A.; Kakudo, K.; et al. Nomenclature Revision for Encapsulated Follicular Variant of Papillary Thyroid Carcinoma: A Paradigm Shift to Reduce Overtreatment of Indolent Tumors. JAMA Oncol. 20162, 1023–1029. [Google Scholar] [CrossRef]
  15. Cardozo, J.M.N.L.; Drukker, C.A.; Rutgers, E.J.T.; Schmidt, M.K.; Glas, A.M.; Witteveen, A.; Cardoso, F.; Piccart, M.; Esserman, L.J.; Poncet, C.; et al. Outcome of Patients With an Ultralow-Risk 70-Gene Signature in the MINDACT Trial. J. Clin. Oncol. 202240, 1335–1345. [Google Scholar] [CrossRef]
  16. Johansson, A.; Yu, N.Y.; Iftimi, A.; Tobin, N.P.; van’t Veer, L.; Nordenskjöld, B.; Benz, C.C.; Fornander, T.; Perez-Tenorio, G.; Stål, O.; et al. Clinical and molecular characteristics of estrogen receptor-positive ultralow risk breast cancer tumors identified by the 70-gene signature. Int. J. Cancer 2022150, 2072–2082. [Google Scholar] [CrossRef]
  17. Esserman, L.J.; Yau, C.; Thompson, C.K.; van’t Veer, L.J.; Borowsky, A.D.; Hoadley, K.; Tobin, N.P.; Nordenskjöld, B.; Fornander, T.; Stål, O.; et al. Use of Molecular Tools to Identify Patients with Indolent Breast Cancers with Ultralow Risk Over 2 Decades. JAMA Oncol. 20173, 1503–1510. [Google Scholar] [CrossRef]
  18. Lindelöf, B.; Sigurgeirsson, B.; Gäbel, H.; Stern, R.S. Incidence of skin cancer in 5356 patients following organ transplantation. Br. J. Dermatol. 2000143, 513–519. [Google Scholar]
  19. Vajdic, C.M.S.; McCredie, M. Cancer incidence before and after kidney transplantation. JAMA 2006296, 2823–2831. [Google Scholar] [CrossRef]
  20. Serraino, D.; Piselli, P.; Busnach, G.; Burra, P.; Citterio, F.; Arbustini, E.; Baccarani, U.; De Juli, E.; Pozzetto, U.; Bellelli, S.; et al. Risk of cancer following immunosuppression in organ transplant recipients and in HIV-positive individuals in southern Europe. Eur. J. Cancer 200743, 2117–2123. [Google Scholar] [CrossRef]
  21. Hoshida, Y.; Tsukuma, H.; Yasunaga, Y.; Xu, N.; Fujita, M.Q.; Satoh, T.; Ichikawa, Y.; Kurihara, K.; Imanishi, M.; Matsuno, T.; et al. Cancer risk after renal transplantation in Japan. Int. J. Cancer 199771, 517–520. [Google Scholar] [CrossRef]
  22. Seidel, J.; Otsuka, A.; Kabashima, K. Anti-PD-1 and Anti-CTLA-4 Therapies in Cancer: Mechanisms of Action, Efficacy, and Limitations. Front. Oncol. 20188, 86. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  23. Pradeu, T. Philosophy of Immunology; Cambridge University Press (CUP): Cambridge, UK, 2019. [Google Scholar]
  24. Cann, S.H.; van Netten, J.; van Netten, C.; Glover, D. Spontaneous regression: A hidden treasure buried in time. Med. Hypotheses 200258, 115–119. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  25. de Visser, K.E.; Eichten, A.; Coussens, L.M. Paradoxical roles of the immune system during cancer development. Nat. Rev. Cancer 20066, 24–37. [Google Scholar] [CrossRef]
  26. Chen, R.; Gong, Y.; Zou, D.; Wang, L.; Yuan, L.; Zhou, Q. Correlation between subsets of tumor-infiltrating immune cells and risk stratification in patients with cervical cancer. Peerj 20197, e7804. [Google Scholar] [CrossRef]
  27. Kunimasa, K.; Goto, T. Immunosurveillance and Immunoediting of Lung Cancer: Current Perspectives and Challenges. Int. J. Mol. Sci. 202021, 597. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  28. Guo, F.F.; Cui, J.W. The Role of Tumor-Infiltrating B Cells in Tumor Immunity. J. Oncol. 20192019, 2592419. [Google Scholar] [CrossRef]
  29. Wang, S.-S.; Liu, W.; Ly, D.; Xu, H.; Qu, L.; Zhang, L. Tumor-infiltrating B cells: Their role and application in anti-tumor immunity in lung cancer. Cell. Mol. Immunol. 201816, 6–18. [Google Scholar] [CrossRef]
  30. Li, L.; Ouyang, Y.; Wang, W.; Hou, D.; Zhu, Y. The landscape and prognostic value of tumor-infiltrating immune cells in gastric cancer. Peerj 20197, e7993. [Google Scholar] [CrossRef]
  31. Wu, M.; Mei, F.; Liu, W.; Jiang, J. Comprehensive characterization of tumor infiltrating natural killer cells and clinical significance in hepatocellular carcinoma based on gene expression profiles. Biomed. Pharmacother. 2019121, 109637. [Google Scholar] [CrossRef]
  32. Germann, M.; Zangger, N.; Sauvain, M.O.; Sempoux, C.; Bowler, A.D.; Wirapati, P.; Kandalaft, L.E.; Delorenzi, M.; Tejpar, S.; Coukos, G.; et al. Neutrophils suppress tumor-infiltrating T cells in colon cancer via matrix metalloproteinase-mediated activation of TGF β. EMBO Mol. Med. 202012, e10681. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  33. Zhang, S.-C.; Hu, Z.-Q.; Long, J.-H.; Zhu, G.-M.; Wang, Y.; Jia, Y.; Zhou, J.; Ouyang, Y.; Zeng, Z. Clinical Implications of Tumor-Infiltrating Immune Cells in Breast Cancer. J. Cancer 201910, 6175–6184. [Google Scholar] [CrossRef]
  34. Ye, L.; Zhang, T.; Kang, Z.; Guo, G.; Sun, Y.; Lin, K.; Huang, Q.; Shi, X.; Ni, Z.; Ding, N.; et al. Tumor-Infiltrating Immune Cells Act as a Marker for Prognosis in Colorectal Cancer. Front. Immunol. 201910, 2368. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  35. Barry, K.C.; Hsu, J.; Broz, M.L.; Cueto, F.J.; Binnewies, M.; Combes, A.J.; Nelson, A.E.; Loo, K.; Kumar, R.; Rosenblum, M.D.; et al. A natural killer–dendritic cell axis defines checkpoint therapy–responsive tumor microenvironments. Nat. Med. 201824, 1178–1191. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  36. Binnewies, M.; Roberts, E.W.; Kersten, K.; Chan, V.; Fearon, D.F.; Merad, M.; Coussens, L.M.; Gabrilovich, D.I.; Ostrand-Rosenberg, S.; Hedrick, C.C.; et al. Understanding the tumor immune microenvironment (TIME) for effective therapy. Nat. Med. 201824, 541–550. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  37. Senovilla, L.; Vacchelli, E.; Galon, J.; Adjemian, S.; Eggermont, A.; Fridman, W.H.; Sautès-Fridman, C.; Ma, Y.; Tartour, E.; Zitvogel, L.; et al. Trial watch: Prognostic and predictive value of the immune infiltrate in cancer. Oncoimmunology 20121, 1323–1343. [Google Scholar] [CrossRef] [PubMed]
  38. Coventry, B.J.; Henneberg, M. The Immune System and Responses to Cancer: Coordinated Evolution. F1000Reserch 20154, 552. [Google Scholar] [CrossRef]
  39. Kamposioras, K.; Pentheroudakis, G.; Pectasides, D.; Pavlidis, N. Malignant melanoma of unknown primary site. To make the long story short. A systematic review of the literature. Crit. Rev. Oncol. 201178, 112–126. [Google Scholar] [CrossRef]
  40. Guitera, P.; Menzies, S.W.; Coates, E.; Azzi, A.; Fernandez-Penas, P.; Lilleyman, A.; Badcock, C.; Schmid, H.; Watts, C.G.; Collgros, H.; et al. Efficiency of Detecting New Primary Melanoma Among Individuals Treated in a High-risk Clinic for Skin Surveillance. JAMA Dermatol. 2021157, 521. [Google Scholar] [CrossRef]

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Les non-maladies, un livre de Luc Perino

27 avril 2023

Luc Perino est médecin, écrivain, propriétaire du blog Le Monde "pour raisons de santé", et du blog https://www.lucperino.com/ et il vient de publier un essai "Les non-maladies : la médecine au défi" aux éditions du Seuil.

Situations de rencontres patient-médecin

A notre époque où on traite de plus en plus des personnes saines et ne se plaignant de rien, où on fait croire au public que même un bien-portant a besoin de soins et où la médecine fait la collusion entre diagnostic et maladie, L'auteur propose 4 situations bien distinctes de rencontres patient-médecin, qu'il détaille dans l'ouvrage.

  • La première catégorie de rencontre est la situation parfaite, où il y a adéquation entre les plaintes du malade et la labellisation médicale. Les symptômes vont bien correspondre à une maladie étiquetée et déboucher sur un traitement.
  • La deuxième catégorie, les MNO ou maladies non objectivables, est un trouble vécu par le malade mais pour lequel la médecine ne parvient pas à élaborer de diagnostic. La médecine tente néanmoins de regrouper ces symptômes et de labelliser certains syndromes, comme la fibromyalgie, le trouble du déficit de l'attention, phobie sociale, syndrome de l'intestin irritable, syndrome prémenstruel, troubles musculo-squelettiques etc....
    Selon l'auteur : "Lorsque les symptômes sont assez prévalents dans la population et similaires d'un patient à l'autre, le commerce médical créé un nouvel objet-maladie en rupture totale avec le précepte anatomo-clinique."
    "D'autres maladies non objectivables ont été secondairement acceptées par la médecine académique et intégrées dans les classifications officielles des objets-maladie sous la seule pression du marché, après la découverte d'un médicament. Le cas emblématique est celui de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge)."
  • Les objets non-maladie, composant la troisième ligne, sont définis par l'auteur dans un interview accordé à La Nutrition :
    "C’est le cas, par exemple, où vous allez très bien. Vous n’avez ni plainte, ni souffrance, mais un beau matin, vous recevez une invitation pour un dépistage pour tel ou tel cancer. Vous n’y pensiez pas avant. Vous allez donc vous soumettre au dépistage, pensant qu’il est bon pour vous. Peut-être qu’on va vous trouver quelque chose, comme une minuscule image suspecte dans le sein. Cette maladie qui vous est « proposée » par la médecine elle-même, voilà ce que j’appelle les « non-maladies ». Cet objet ne vous concerne pas, mais la médecine vous propose un diagnostic. Cette intrusion peut être considérée comme abusive, et elle l’est assez souvent."
    Car ces objets non-maladie, comme l'hypercholestérolémie, le syndrome métabolique, et les surdiagnostics des dépistages systématiques ont un réel impact dans la vie d'une personne.
  • Enfin, dans la quatrième catégorie se trouvent les 'hors-sujets sanitaires'. Il s'agit par exemple du vieillissement, la calvitie, la demande de beauté, enfin ces rencontres patient-médecin qui ne relèvent pas du registre de la santé à proprement parler, qui ne sont, selon l'auteur, " des extensions de la pratique médicale, consistant non plus à réparer le corps mais à tenter de l'améliorer".
    "L'exigence démesurée des consommateurs, les contraintes juridiques et administratives, le niveau de compétition, la tyrannie du paraître et tant d'autres facteurs sociétaux conduisent les citoyens dans les cabinets médicaux."

La fabrication des ONM, objets non-maladies

Ce chapitre nous a intéressés en premier lieu, les découvertes de lésions par les dépistages avec leur lot de surdiagnostics s'insérant dans cette catégorie.

L'obsession diagnostique est déplacée en amont de la maladie et l'idée générale pour l'instauration des dépistages est, dit l'auteur, "de ralentir ou de stopper l'évolution du processus physio-pathologique avant l'apparition des symptômes, donc avant que la maladie ne devienne clinique".

Cet espoir repose sur deux dogmes :

  • Dogme de la continuité physiopathologique, selon lequel un cancer évoluerait de façon inexorable de la cellule aux métastases, que l'athérosclérose aboutirait immanquablement à l'obstruction d'une artère etc...
  • Dogme de l'équivalence du soin pré-symptomatique, qui part du principe que le traitement administré lors des symptômes se montrera aussi efficace administré en amont, avant l'apparition des signes. Comme fluidifier le sang avant l'accident vasculaire, traiter l'ostéoporose avant la fracture, donner des neuroleptiques avant l'apparition de délires, et ôter tout cancer solide non symptomatique avant sa manifestation clinique.
    "Malgré la multiplication des exemples prouvant l'inefficacité ou la dangerosité de certaines préventions pharmacologiques primaires", dit l'auteur, "celles-ci continuent à gagner du terrain sous l'influence des deux dogmes précités."

Nous devons nous considérer comme des porteurs sains, explique Luc Perino, de gènes de prédisposition et de facteurs de risque, dont on ne sait que faire puisque ne sachant pas si on a découvert alors des maladies réelles, virtuelles ou potentielles. En réalité ce ne sont que des objets non-maladie.

Lire les différents modèles de progression du cancer : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/cancers-et-depistages/

Et notre vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=pbGZdyUCITc

Objets non-maladie, les surdiagnostics et les incidentalomes

1° Les incidentalomes, ce sont des découvertes fortuites, lors d'examens para-cliniques, d'anomalies inexprimées qui n'ont rien à voir avec les symptômes ou la maladie pour lesquels ces examens ont été prescrits, et souvent qui ne siègent même pas dans l'organe qui était l'objet des explorations.

Souvent, comme l'explique l'auteur, "ces incidentalomes conduisent à de nouvelles « vérifications ». Vous allez entrer dans une spirale d’examens et une chaîne ininterrompue entre commerce médical et angoisses."
En effet, "les incidentalomes sont trouvés dans près de 40% des examens d'imagerie médicale, ils suscitent des interrogations nécessitant de nouveaux examens de contrôle qui génèrent à leur tout un lot incompressible d'incidentalomes".

Ainsi on trouve des nodules surrénaliens silencieux, des nodules pulmonaires non spécifiques, très fréquemment, dont certains sont surveillés parfois pendant plusieurs années. Certaine de ces découvertes aboutissent à des faux positifs de cancers, et d'autres à des découvertes inutiles générant du surdiagnostic, objet du prochain paragraphe.

2° Le surdiagnostic, c'est la découverte inutile d'une lésion contenant vraiment des cellules cancéreuses sous le microscope, mais qui n'aurait jamais mis en danger ni la santé ni la vie du patient si elle n'avait pas été découverte.

Voir ici pour définition et explication : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

"Alors même que les autorités de santé de tous les pays déconseillent le dépistage par PSA(Antigène Prostatique Spécifique), même chez les patients avec facteurs de risque, la moitié des médecins ignorent cette recommandation ou se heurtent à des patients qui la réclament. Le problème est plus délicat pour le sein et la polémique continue, alors que 30% à 50% des diagnostics sont inutiles ou erronés."
"On a de bonnes raisons de supposer qu’il en sera de même pour le cancer du côlon. En France, nous n’en sommes pas encore là. En revanche, pour le cancer de la thyroïde, je suis très clair : 98% des interventions de la thyroïde pour cancer sont inutiles."

L'auteur s'exprime également sur un nouveau dépistage, à l'étude, celui du cancer broncho-pulmonaire par scanners faibles doses :
"Pour certains dépistages, comme celui du cancer du poumon que certains essaient activement de promouvoir, nous possédons déjà suffisamment de données pour savoir qu’il aura un effet délétère. Cela pourra diminuer les incitations à ne pas fumer ou à cesser de le faire. On sait aussi que le diagnostic de ce mauvais cancer élève sensiblement le taux de suicide. Un tel dépistage aura bien du mal à prouver un effet bénéfique en termes de santé publique, mais la machine est en marche et certains pays finiront par le proposer. Pour moi, ce énième dépistage relève d’un ensemble de commerces scandaleux qui jouent sur l’angoisse et l’idée mensongère qu’on peut supprimer ce fléau sans supprimer le tabac. Je trouve cela éthiquement honteux. "
A ce propos lire : https://cancer-rose.fr/2021/02/24/etre-femme-et-tabagique-des-rayons-en-perspective/

La confusion entre dépistage et prévention est totale et ainsi "de nombreux bien-portants se sentent malades. C'est un curieux paradoxe largement entretenu par les médias qui ne cessent de ressasser tous les risques qui nous guettent et contre lesquels on doit se protéger."
L'auteur cite Amartya Sen, un Indien prix Nobel d’économie, " plus la santé objective s’améliore, plus la santé subjective se dégrade. En France, de nombreux bien- portants se sentent malades"

Notion de porteur sain

Nous connaissons cette notion en infectiologie. Concernant la cancérologie, nous portons tous en nous des gènes de prédisposition et des facteurs de risque.
En infectiologie, un microbe ne suffit pas à développer la maladie, il faut d'autres facteurs inhérents au malade et aussi à son environnement. En cancérologie l'affaire est analogue. Sous la forte pression biomédicale que nous connaissons dans la médecine actuelle, ne pas être malade ne signifie pas la même chose qu'être un non-malade, mais la connaissance d'être porteur d'une non-maladie fait que la peur précède l'épidémie (ou la maladie), au lieu de la suivre, explique l'auteur.

Pour le cancer du sein, nous connaissons des variants pathogènes de gènes BCRA1 et BCRA2 qui impliquent une augmentation significative de la probabilité d'avoir un cancer du sein par rapport à la population générale. Bien sûr ces femmes doivent bénéficier d'un suivi particulier, mais il y a néanmoins 30 à60% des femmes avec mutation BCRA1, et jusqu'à 50/60% des femmes avec la mutation BCRA2 qui vivront jusqu'à 90 ans ou mourront de tout à fait autre chose qu'un cancer du sein.
L'environnement, l'exposition à d'autres facteurs supplémentaires ont une importance pour l'expression ou non de la maladie.

Comme le relate Luc Perino dans son ouvrage, la cellule cancéreuse a acquis des potentialités importantes de reproduction. Nous sommes tous porteurs de cellules cancéreuses, mutées, mais la plupart du temps d'une part le système immunitaire les considère comme étrangères et les éliminera, d'autre part les cellules mutées ont une telle instabilité génétique que les mutations de leur ADN finissent par les tuer.
Il faut donc beaucoup de temps, explique l'auteur, pour que la défaillance immunitaire permette aux cellules de migrer et coloniser des tissus. On estime que les cellules qui migrent échouent à coloniser un nouvel organe dans 99% des cas." "Le cancer est donc biologiquement inscrit dans l'évolution de toutes les lignées cellulaires."

On comprend ainsi qu'un cancer peut rester infra-clinique, ou pré-clinique pendant longtemps, voire durant la vie du patient, et même disparaître. (De nombreux cas de disparitions et guérisons spontanées, notamment de mélanomes ou de cancers de poumon sont décrits depuis les années 1970 ; mis on ne peut pas parier dessus bien évidemment, ainsi tout cancer détecté sera traité).
"Néanmoins, lorsqu'un anatomo-pathologiste détecte une cellule cancéreuse sous son microscope, il ne tient pas compte de cette savante biologie et il écrit au médecin ou au chirurgien que son patient est porteur d'un cancer. Lorsque le mot du diagnostic est prononcé, il n'est plus possible de revenir en arrière".

La symbolique du cancer est particulière, aucune autre maladie ne possède cette aura d'ennemi interne, d'alien dont chacun "est persuadé que cet ennemi poursuit inexorablement sa route dans l'organisme et qu'il faut constamment le traquer pour l'extraire avec un bistouri, le brûler avec des rayons, le tuer avec des produits chimiques."
Et il en sera de même pour les biopsies liquides, dont la recherche systématique est très controversée dans le domaine des dépistages, faisant planer sur le patient un syndrome de Damoclès. Voir ici : https://cancer-rose.fr/2022/09/15/biopsie-liquides-le-graal-2/

Selon Luc Perino, la question du temps zéro va se poser avec de plus en plus d'acuité, s'exprimant dans la question : 'à partir de quand est-on malade ?'
"...demain les puces de microréseaux d'ADN et les biopsies liquides, encore contestées, nous permettrons de détecter des cancers bien avant." "La question du temps zéro du cancer devient alors impérative, ne pas y répondre conduirait tôt ou tard la biomédecine à diagnostiquer des cancers chez tous les adultes."

Les abus des dépistages

On peut déterminer 4 groupes évolutifs de cancer, explique Luc Perino, ce sont ceux que vous trouverez figurés dans notre vidéo sus-citée, expliquant la mécanique des cancers.

1-Les cancers rapidement mortels.
2-Les cancers évolutifs entraînant une mort anticipée
3-Les cancers pas ou peu évolutifs, sans effet sur la durée de vie "programmée", "idéale" ou "prévisible"
4- Les cancers à régression ou guérison spontanée.

Le troisième groupe, dit l'auteur, "est incontestablement majoritaire. Les cancers accompagnant la vieillesse jusqu'à ce que la mort survienne par une autre cause sont innombrables. Les carcinomes baso-cellulaires de la peau, les cancers papillaires de la thyroïde, l'adénocarcinome de la prostate, les cancers du rein sont les plus connus de ceux dont on peut affirmer que l'incidence sur la durée de vie n'est pas plus importante que celle de tous les autres processus de vieillissement."

C'est pour cela d'ailleurs que les dépistages, notamment celui du sein, sont stoppés à un certain âge, et c'est cela qui rend l'appel du Collège des Gynécologues pour un dépistage du cancer du sein à un âge prolongé complètement insensé.

Le surdiagnostic des cancers est une problématique importante, car c'est la détection inutile de masses qui n'auraient jamais nui, mais qui seront traitées avec virulence. Mais, dit l'auteur, "cela risque aussi de nous dissimuler l'histoire naturelle des cancers, car presque tous les cancers dépistés sont traités." Ceci pour des raisons éthiques, politiques et économiques mais aussi, selon lui, pour des raisons émotionnelles qu'on peut regrouper sous le terme de "panique au cancer".
"L'autre abus de la communication en cancérologie est d'assimiler le dépistage à une façon d'éviter le cancer".

LE DEPISTAGE N'EST PAS UNE PREVENTION ! Ressasse avec justesse l'auteur. Classiquement, rappelle-t-il, "les mesures hygiéno-diététiques et comportementales sont les seules mesures de la prévention primaire."

D'autres objets-non maladie

C'est le façonnage de maladies, ou ce qu'on appelle le 'disease-mongering'.

Il s'agit de parler dans les médias d'une maladie en suggérant qu'elle est méconnue ou sous-reconnue, ou d'abaisser les seuils critiques pour qu'un plus grand nombre de personnes soit atteint (l'hypercholestérolémie en est un bon exemple), ou transformer des expériences humaines en pathologie (l'hyperactivité par exemple, ou la ménopause). D'autres 'fabrications' de maladies peuvent s'opérer en présentant des facteurs de risque comme des pathologies à part entière, en utilisant des statistiques en exploitant les biais pour exagérer un bénéfice d'un traitement, ou amplifier l'impact épidémiologique de symptômes rares.

Conséquences

L'auteur alerte sur cette multiplication d'objets non-maladie, mais aussi de maladies non objectivables et des demandes hors sujet sanitaire, car elle "entraîne une dissociation entre diagnostic et soin :
-L'augmentation de la précision diagnostique a de moins en moins de répercussions sur la qualité des soins.
-Les médecins ont une offre de diagnostics qui dépasse largement largement leur offre de soins.
-Les patients ont une demande de diagnostics devenue étrangement aussi importante que leur demande de soins.
-La demande de soins est de plus en plus dé-corrélée de l'exactitude diagnostique.
-Les choix de soins sont soumis à de multiples pressions médiatiques, médicales, commerciales et politiques qui contraignent le médecin.
-Les soins deviennent une cause de confusion, voire d'empêchement diagnostique.
-Les soins deviennent une cause majeure de morbidité.
-Les progrès de la recherche fondamentale n'ont presque plus de répercussion sur l'amélioration de la santé publique et sur le gain individuel de quantité-qualité de vie (QALY)."

Conclusion

Nous renouvellerons la conclusion d'un article que nous avions publié en janvier de cette année, en lien avec l'ouvrage "les non-maladies" de Luc Perino, à savoir que nous devons accepter la probabilité de connaître telle ou telle situation de santé, mais jamais en termes de certitudes, aucune technologie, aucun test n'étant capable de nous prévoir avec une certitude absolue ce qu'il va advenir. Et parfois ce test peut même nous induire en erreur. Il peut déboucher sur des procédures et des traitements inutiles.

Les tests systématiques peuvent induire des "objets non-maladie", dont parle Luc Perino, dont nous ne savons que faire et qui nous conduisent dans des parcours de "malades" que nous n'aurions pas connus sans eux.

Evaluer un risque est difficile, et la précipitation peut conduire à des décisions délétères ; en cela le médecin traitant est un allié pour n'être pas piégé par des slogans, des poncifs tout prêts et simplistes, des campagnes médiatiques outrancières et bêtifiantes, et par des injonctions de leaders d'opinion dont les liens d'intérêts ne sont pas toujours bien annoncés.

Dans l'interview accordé à La Nutrition, Luc Perino conclut en répondant à la question : et pour terminer, qu’est-ce qu’être en bonne santé ?
"En être convaincu ! Je connais plein de grands malades et de porteurs d’objets maladies en bonne santé !"

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Ne m’appelez plus cancer….

Doit-on abandonner le terme  "cancer" pour les CCIS à faible risque ? Une revue des données probantes.

https://link.springer.com/article/10.1007/s10549-023-06934-y

Synthèse et traduction d'extraits par Cancer Rose, le 24 avril 2023

Il s'agit d'une revue réalisée par des chercheurs de l'Université de Sydney (Australie) dans des bases de données (PubMed et EMBASE) des études sur les carcinomes canalaires in situ (CCIS) à faible risque.
Le carcinome canalaire est une entité particulière de lésion du sein qui reste dans le canal lactifère du sein, et qui n'est pas comptabilisé dans les taux des "vrais" cancers, mais qui est néanmoins traité avec la même agressivité et lourdeur que les cancers invasifs du sein.
Nous expliquons cette forme de lésion mammaire ici : https://cancer-rose.fr/2019/09/04/quest-ce-quun-carcinome-in-situ/

Pourquoi cette étude ?


"Le dépistage mammographique du cancer du sein dans la population a entraîné une forte augmentation du diagnostic et du traitement du carcinome canalaire in situ (CCIS). La surveillance active a été proposée comme stratégie de gestion pour les CCIS à faible risque afin d'atténuer les risques de surdiagnostic et de surtraitement. Cependant, les cliniciens et les patients restent réticents à choisir la surveillance active, même dans le cadre d'un essai. Un recalibrage du seuil diagnostique pour les CCIS à faible risque et/ou l'utilisation d'un label ne comportant pas le mot "cancer" pourraient encourager le recours à la surveillance active et à d'autres options de traitement conservateur. "
Les auteurs expliquent :
"Nous avons cherché à identifier et à rassembler des données épidémiologiques pertinentes afin d'alimenter la discussion sur ces idées."

En effet des études " ont rapporté que les femmes atteintes d'un CCIS à faible risque avaient des résultats comparables, qu'elles aient ou non subi une intervention chirurgicale. Le risque de cancer du sein invasif chez les patientes présentant un CCIS à faible risque variait de 6,5 % (7,5 ans) à 10,8 % (10 ans). Le risque de décès d'un cancer du sein chez les patientes présentant un CCIS à faible risque variait de 1,2 à 2,2 % (10 ans)."
"Il est possible que les lésions à faible risque soient un indicateur de risque de cancer invasif plutôt qu'une lésion précurseur directe.
Les études d'autopsie démontrent l'existence d'un réservoir de cancer du sein in situ subclinique qui n'a pas provoqué de symptômes ou contribué au décès des femmes."
"L'ampleur du surdiagnostic a été sous-estimée [15]. En particulier, bien que le CCIS ait été rarement diagnostiqué avant le dépistage, il est aujourd'hui systématiquement traité avec une thérapie agressive, malgré l'incertitude concernant son histoire naturelle [6], y compris le fait que certains cas sont déjà métastatiques au moment où ils sont détectables [53]."
"Au niveau de la population, le traitement agressif du CCIS n'a pas entraîné de baisse de l'incidence du cancer invasif [15, 17] ou du cancer métastatique."

Une initiative de changement de label déjà évoquée antérieurement

La terminologie d'une lésion a une grande importance car elle détermine l'attitude plus ou martiale que la médecine va employer pour la traiter.

Lors d'une réunion du National Cancer Institute américain en 2012, un groupe d'experts a discuté des stratégies visant à atténuer les préjudices du surdiagnostic et du surtraitement. Le fait qu'une large proportion de DCIS, par exemple, est peu susceptible d'évoluer vers un cancer invasif a conduit à la proposition de modifier la terminologie pour supprimer le mot "carcinome" (et le mot 'cancer de stade 0') afin que le nom corresponde mieux à la compréhension croissante de la biologie sous-jacente, en les désignant simplement comme des "néoplasies intraépithéliales".
Les termes "cancer" et "carcinome" seraient réservés aux lésions susceptibles de progresser.
Certains ont avancé le terme de "lésion indolente d'origine épithéliale (LIE)".
Une telle approche de modification de la terminologie pour mieux s'adapter à la biologie sous-jacente a déjà été utilisée dans le cas de la néoplasie intraépithéliale cervicale (du col utérin), qui était autrefois appelée carcinome in situ, et dans le cas des tumeurs épithéliales à faible potentiel malin pour les lésions ovariennes.
Voir bibliographie :
* Veronesi U, Zurrida S, Goldhirsch A, et al. Breast cancer classification: time for a change. J Clin Oncol. 2009;27(15):2427–2428.
* Ganz PA. Quality-of-life issues in patients with ductal carcinoma in situ. J Natl Cancer Inst Monogr. 2010;2010(41):218–222.
* NIH State-of-the-Science Conference: Diagnosis and Management of Ductal Carcinoma in Situ (DCIS), September 22-24. (Accessed August 21,2013) 2009 [Available from: http://consensus.nih.gov/2009/dcis.htm.
* Nickel B, Moynihan R, Barratt A, et al. Renaming low risk conditions labelled as cancer. BMJ. 2018;362:k3322.

Discussion, résultats

"La généralisation du dépistage mammographique du cancer du sein a considérablement augmenté la détection des cancers du sein au stade précoce et des lésions précurseurs, y compris le carcinome canalaire in situ (CCIS). Comme il est peu probable que certaines de ces lésions évoluent vers une maladie cliniquement significative au cours de la vie de la personne si elles ne sont pas détectées et traitées, les programmes de dépistage par mammographie entraînent un important préjudice, à savoir le surdiagnostic et le surtraitement qui en découle [1,2,3,4].
Les tendances épidémiologiques aux États-Unis montrent une augmentation des taux de diagnostic du cancer du sein, alors que les taux de maladie métastatique et de mortalité par cancer du sein restent largement stables [5], des observations qui vont dans le sens d'un surdiagnostic. Les personnes diagnostiquées avec un CCIS se voient généralement proposer une intervention chirurgicale sous la forme d'une chirurgie conservatrice du sein ou d'une mastectomie. Elles peuvent également subir une intervention au niveau du ganglion lymphatique axillaire (biopsie du ganglion lymphatique sentinelle et parfois curage du ganglion lymphatique axillaire), une radiothérapie et des thérapies endocriniennes [6]. Les risques d'effets indésirables et les inconvénients d'au moins certains de ces traitements peuvent être des compromis acceptables par rapport aux avantages potentiels en termes de prolongation de la vie pour les lésions à haut risque [3].
Cependant, dans le cas d'un CCIS à faible risque, les compromis ne sont peut-être plus acceptables, car les bénéfices potentiels sont bien moindres. Afin d'éviter les effets néfastes d'un surtraitement des lésions à faible risque, la surveillance active a été proposée comme stratégie alternative de prise en charge [7, 8]."

En effet plusieurs études cliniques (essais) sont en cours pour évaluer la pertinence d'une simple surveillance active des carcinomes in situ plutôt qu'un traitement d'emblée.
.......
"Si les résultats de ces essais montrent que la surveillance active est une option de prise en charge sûre et efficace, elle pourra être proposée dans la pratique clinique courante, comme c'est le cas aujourd'hui pour le cancer de la prostate à faible risque [11]. Le recrutement dans les essais a été lent, probablement en raison des préoccupations des cliniciens et des patients concernant la surveillance active en tant qu'option de prise en charge [12,13,14]. En outre, en dehors des essais, seuls 3 % des femmes diagnostiquées avec un CCIS aux États-Unis choisissent de renoncer à la chirurgie et à la radiothérapie [3, 4]. Pour encourager le recours à la surveillance active des CCIS à faible risque, on peut envisager d'utiliser d'autres termes pour décrire ces lésions, sans utiliser le terme "cancer" [15, 16]. Une autre solution consisterait à conserver l'appellation CCIS, mais en recalibrant les seuils diagnostiques de manière à ce que le terme CCIS ne soit appliqué qu'aux lésions présentant un risque plus élevé d'évolution défavorable [17], et que le CCIS à faible risque reçoive une autre appellation qui ne contienne pas le mot "cancer". Ces possibilités peuvent amener les cliniciens et les patientes à opter pour une surveillance active et d'autres options de prise en charge conservatrice lorsque cela est cliniquement approprié [18,19,20,21,22]."

S'accorder sur les définitions

".....L'idée qu'un traitement agressif est nécessaire en cas de cancer persiste, et les patientes hésitent souvent à opter pour la surveillance active [16]. Cela a conduit à des propositions de changement de terminologie pour les CCIS de bas grade, sans le mot carcinome, afin de refléter leur nature indolente et d'encourager l'adoption d'options thérapeutiques moins agressives [15,16,17, 55]. Des termes tels que "lésions indolentes d'origine épithéliale" (LIE) [17] et "néoplasie intraépithéliale canalaire" (DIN) [56] ont été proposés. Il a été démontré que, dans un scénario hypothétique, davantage de femmes préféraient un traitement chirurgical lorsque le CCIS était décrit comme un cancer, plutôt que comme une "lésion mammaire" ou des "cellules anormales" [16].
"Si le CCIS à faible risque doit devenir une catégorie diagnostique distincte avec des recommandations de traitement différentes, il faudra s'accorder sur une définition de ce qui constitue une lésion à faible risque et améliorer la reproductibilité diagnostique de ces lésions."

"La modification de la terminologie utilisée pour décrire les lésions à faible risque peut faire partie de la stratégie globale, mais il est peu probable qu'elle résolve à elle seule ces problèmes. Si l'on estime qu'un changement de terminologie s'impose, il faudra d'abord s'entendre sur ce qui est considéré comme un risque faible pour le mettre en œuvre."

"Comme pour la détection d'autres affections asymptomatiques, le choix du seuil de dichotomie entre les catégories à faible risque et à haut risque est délicat. La disponibilité croissante d'indicateurs moléculaires [57,58,59,60,61] et la prédiction par l'intelligence artificielle d'un comportement cliniquement agressif [62, 63] peuvent aider à cette détermination."

Conclusion

"Les données épidémiologiques appuient l'idée d'un changement du libellé et/ou d'un recalibrage des seuils diagnostiques pour les CCIS à faible risque. De tels changements diagnostiques nécessiteraient un accord sur la définition du CCIS à faible risque et une amélioration de la reproductibilité du diagnostic."

"Les points forts de cette revue résident dans sa rigueur méthodologique, y compris une recherche exhaustive de la littérature, complétée par des articles suggérés par des experts dans le domaine, et une évaluation critique des études incluses. Nous présentons des données sur le CCIS dans son ensemble, ainsi que sur le CCIS à faible risque lorsqu'il a été signalé. Il s'agit également de la première analyse des données probantes visant à répondre à la question de savoir si le CCIS à faible risque devrait devenir une catégorie diagnostique distincte avec une appellation diagnostique non cancéreuse."

"Les essais randomisés actuellement en cours apporteront des preuves définitives de la sécurité de la surveillance active [1,2,3, 9, 10, 67], mais ces données ne seront pas disponibles avant plusieurs années. En attendant, les données résumées dans cette revue peuvent faciliter l'ouverture d'une discussion sur les avantages et les inconvénients de la suppression du terme "cancer" de l'étiquette diagnostique du CCIS à faible risque. Lorsque les données des essais seront disponibles, elles permettront d'éclairer davantage le débat, notamment en proposant une définition plus précise du CCIS à faible risque qui soit largement acceptée par les communautés cliniques et pathologiques."

Pour aller plus loin

L'excès des carcinomes in situ, un défi pour le dépistage

Un blog dédié, pour les femmes

Bibliographie et références de la publication

  1. Elshof LE, Tryfonidis K, Slaets L, Van Leeuwen-Stok AE, Skinner VP, Dif N et al (2015) Feasibility of a prospective, randomised, open-label, international multicentre, phase III, non-inferiority trial to assess the safety of active surveillance for low risk ductal carcinoma in situ—The LORD study. Eur J Cancer 51(12):1497–1510Article PubMed Google Scholar 
  2. Grimm LJ, Ryser MD, Partridge AH, Thompson AM, Thomas JS, Wesseling J et al (2017) Surgical upstaging rates for vacuum assisted biopsy proven DCIS: implications for active surveillance trials. Ann Surg Oncol 24(12):3534–3540Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  3. Hwang ES, Hyslop T, Lynch T, Frank E, Pinto D, Basila D et al (2019) The COMET (comparison of operative versus monitoring and endocrine therapy) trial: a phase III randomised controlled clinical trial for low-risk ductal carcinoma in situ (DCIS). BMJ Open 9(3):e026797Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  4. Ryser MD, Worni M, Turner EL, Marks JR, Durrett R, Hwang ES (2016) Outcomes of active surveillance for ductal carcinoma in situ: a computational risk analysis. J Natl Cancer Inst 108(5):dvj372Article Google Scholar 
  5. Welch HG, Kramer BS, Black WC (2019) Epidemiologic signatures in cancer. N Engl J Med 381(14):1378–1386Article PubMed Google Scholar 
  6. Omling S, Houssami N, McGeechan K, Zackrisson S, Jacklyn G, Walters D et al (2021) The management of women with ductal carcinoma in situ of the breast in Australia and New Zealand between 2007 and 2016. ANZ J Surg 91(9):1784–1791Article PubMed Google Scholar 
  7. Benson JR, Jatoi I, Toi M (2016) Treatment of low-risk ductal carcinoma in situ: is nothing better than something? Lancet Oncol 17(10):e442–e451Article PubMed Google Scholar 
  8. Fallowfield L, Francis A (2016) Overtreatment of low-grade ductal carcinoma in situ. JAMA Oncol 2(3):382–383Article PubMed Google Scholar 
  9. Rea D, Francis A, Wallis M, Thomas J, Bartlett J, Bowden S et al (2017) Confusion over differences in registration and randomization criteria for the LORIS (Low-Risk DCIS) trial. Ann Surg Oncol 24(Suppl 3):566–567Article PubMed Google Scholar 
  10. Kanbayashi C, Iwata H (2017) Current approach and future perspective for ductal carcinoma in situ of the breast. Jpn J Clin Oncol 47(8):671–677Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  11. Carroll PH, Mohler JL (2018) NCCN guidelines updates: prostate cancer and prostate cancer early detection. J Natl Compr Canc Netw 16(5S):620–623Article PubMed Google Scholar 
  12. Fallowfield L, Matthews L, Jenkins V, May S, Francis A, Rae D et al (2018) Abstract OT3–08–01: interview data from women contemplating LORIS trial entry during the feasibility study. Cancer Res. https://doi.org/10.1158/1538-7445.SABCS17-OT3-08-01Article Google Scholar 
  13. Hersch J, Nickel B, Dixon A, Jansen J, Saunders C, Houssami N, et al., editors. Treating (or Monitoring?) Low-risk ductal carcinoma in situ (DCIS): Focus groups about women’s views. 42nd annual meeting of the society for medical decision making; 2020.
  14. Nickel B, McCaffery K, Houssami N, Jansen J, Saunders C, Spillane A et al (2020) Views of healthcare professionals about the role of active monitoring in the management of ductal carcinoma in situ (DCIS): qualitative interview study. Breast 54:99–105Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  15. Esserman LJ, Thompson IM, Reid B, Nelson P, Ransohoff DF, Welch HG et al (2014) Addressing overdiagnosis and overtreatment in cancer: a prescription for change. Lancet Oncol 15(6):e234–e242Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  16. Nickel B, Moynihan R, Barratt A, Brito JP, McCaffery K (2018) Renaming low risk conditions labelled as cancer. BMJ (Clin Res ed) 362:k3322Article Google Scholar 
  17. Esserman LJ, Varma M (2019) Should we rename low risk cancers? BMJ (Clin Res ed) 364:k4699Article Google Scholar 
  18. McCaffery K, Nickel B, Moynihan R, Hersch J, Teixeira-Pinto A, Irwig L et al (2015) How different terminology for ductal carcinoma in situ impacts women’s concern and treatment preferences: a randomised comparison within a national community survey. BMJ Open 5:e008094Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  19. Nickel B, Barratt A, Copp T, Moynihan R, McCaffery K (2017) Words do matter: a systematic review on how different terminology for the same condition influences management preferences. BMJ Open 7(7):e014129Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  20. Nickel B, Barratt A, Hersch J, Moynihan R, Irwig L, McCaffery K (2015) How different terminology for ductal carcinoma in situ (DCIS) impacts women’s concern and management preferences: a qualitative study. Breast 24(5):673–679Article PubMed Google Scholar 
  21. Dixon PR, Tomlinson G, Pasternak JD, Mete O, Bell CM, Sawka AM et al (2019) The role of disease label in patient perceptions and treatment decisions in the setting of low-risk malignant neoplasms. JAMA Oncol 5(6):817–823Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  22. Omer ZB, Hwang ES, Esserman LJ, Howe R, Ozanne EM (2013) Impact of ductal carcinoma in situ terminology on patient treatment preferences. JAMA Intern Med 173(19):1830–1831Article PubMed Google Scholar 
  23. Sterne JA, Hernán MA, Reeves BC, Savović J, Berkman ND, Viswanathan M et al (2016) ROBINS-I: a tool for assessing risk of bias in non-randomised studies of interventions. BMJ (Clin Res ed) 355:i4919Google Scholar 
  24. Hoy D, Brooks P, Woolf A, Blyth F, March L, Bain C et al (2012) Assessing risk of bias in prevalence studies: modification of an existing tool and evidence of interrater agreement. J Clin Epidemiol 65(9):934–939Article PubMed Google Scholar 
  25. Whiting PF, Rutjes AW, Westwood ME, Mallett S, Deeks JJ, Reitsma JB et al (2011) QUADAS-2: a revised tool for the quality assessment of diagnostic accuracy studies. Ann Intern Med 155(8):529–536Article PubMed Google Scholar 
  26. Lucas NP, Macaskill P, Irwig L, Bogduk N (2010) The development of a quality appraisal tool for studies of diagnostic reliability (QAREL). J Clin Epidemiol 63(8):854–861Article PubMed Google Scholar 
  27. Erbas B, Provenzano E, Armes J, Gertig D (2006) The natural history of ductal carcinoma in situ of the breast: a review. Breast Cancer Res Treat 97(2):135–144Article PubMed Google Scholar 
  28. Byng D, Retèl VP, Schaapveld M, Wesseling J, van Harten WH (2021) Treating (low-risk) DCIS patients: what can we learn from real-world cancer registry evidence? Breast Cancer Res Treat 187(1):187–196Article CAS PubMed PubMed Central Google Scholar 
  29. Akushevich I, Yashkin AP, Greenup RA, Hwang ES (2020) A medicare-based comparative mortality analysis of active surveillance in older women with DCIS. NPJ breast cancer 6:57Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  30. Ryser MD, Weaver DL, Zhao F, Worni M, Grimm LJ, Gulati R et al (2019) Cancer outcomes in DCIS patients without locoregional treatment. J Natl Cancer Inst 111(9):952–960Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  31. Sagara Y, Mallory MA, Wong S, Aydogan F, DeSantis S, Barry WT et al (2015) Survival benefit of breast surgery for low-grade ductal carcinoma in situ a population-based cohort study. JAMA Surg 150(8):739–745Article PubMed Google Scholar 
  32. Mannu GS, Wang Z, Broggio J, Charman J, Cheung S, Kearins O et al (2020) Invasive breast cancer and breast cancer mortality after ductal carcinoma in situ in women attending for breast screening in England, 1988–2014: population based observational cohort study. BMJ (Clin Res ed) 369:m1570Google Scholar 
  33. Co M, Ngan RKC, Mang OWK, Tam AHP, Wong KH, Kwong A (2021) Long-term survival outcomes of “low risk” ductal carcinoma in situ from a territory-wide cancer registry. Clin Oncol 33(1):40–45Article CAS Google Scholar 
  34. Maxwell AJ, Dodwell DJ, Pinder SE, Wallis MG, Thompson AM, Thompson A et al (2018) Risk factors for the development of invasive cancer in unresected ductal carcinoma in situ. Eur J Surg Oncol 44(4):429–435Article PubMed Google Scholar 
  35. Grimm LJ, Ghate SV, Hwang ES, Soo MS (2017) Imaging features of patients undergoing active surveillance for ductal carcinoma in situ. Acad Radiol 24(11):1364–1371Article PubMed Google Scholar 
  36. Meyerson AF, Lessing JN, Itakura K, Hylton NM, Wolverton DE, Joe BN et al (2011) Outcome of long term active surveillance for estrogen receptor-positive ductal carcinoma in situ. Breast 20(6):529–533Article PubMed Google Scholar 
  37. Thomas ET, Del Mar C, Glasziou P, Wright G, Barratt A, Bell KJL (2017) Prevalence of incidental breast cancer and precursor lesions in autopsy studies: a systematic review and meta-analysis. BMC Cancer 17(1):808Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  38. Segnan N, Minozzi S, Ponti A, Bellisario C, Balduzzi S, González-Lorenzo M et al (2017) Estimate of false-positive breast cancer diagnoses from accuracy studies: a systematic review. J Clin Pathol 70(4):282–294Article PubMed Google Scholar 
  39. Elmore JG, Longton GM, Carney PA, Geller BM, Onega T, Tosteson AN et al (2015) Diagnostic concordance among pathologists interpreting breast biopsy specimens. JAMA 313(11):1122–1132Article CAS PubMed PubMed Central Google Scholar 
  40. Van Bockstal MR, Berlière M, Duhoux FP, Galant C (2020) Interobserver variability in ductal carcinoma in situ of the breast. Am J Clin Pathol 154(5):596–609Article PubMed Google Scholar 
  41. Mercan E, Mehta S, Bartlett J, Shapiro LG, Weaver DL, Elmore JG (2019) Assessment of machine learning of breast pathology structures for automated differentiation of breast cancer and high-risk proliferative lesions. JAMA Netw Open. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2019.8777Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  42. Qiu L, Mais DD, Nicolas M, Nanyes J, Kist K, Nazarullah A (2019) Diagnosis of papillary breast lesions on core needle biopsy: upgrade rates and interobserver variability. Int J Surg Pathol 2019:1066896919854543Google Scholar 
  43. Brunye TT, Mercan E, Weaver DL, Elmore JG (2017) Accuracy is in the eyes of the pathologist: The visual interpretive process and diagnostic accuracy with digital whole slide images. J Biomed Inform 66:171–179Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  44. Jackson SL, Frederick PD, Pepe MS, Nelson HD, Weaver DL, Allison KH et al (2017) Diagnostic reproducibility: what happens when the same pathologist interprets the same breast biopsy specimen at two points in time? Ann Surg Oncol 24(5):1234–1241Article PubMed Google Scholar 
  45. Tozbikian G, Brogi E, Vallejo CE, Giri D, Murray M, Catalano J et al (2017) Atypical ductal hyperplasia bordering on ductal carcinoma in situ. Int J Surg Pathol 25(2):100–107Article PubMed Google Scholar 
  46. Trocchi P, Holzhausen HJ, Loning T, Bocker W, Schmidt-Pokrzywniak A, Thomssen C et al (2017) Intraobserver agreement on histopathologic evaluations of core breast biopsies. Breast J 23(2):215–219Article PubMed Google Scholar 
  47. Rakha EA, Ahmed MA, Aleskandarany MA, Hodi Z, Lee AH, Pinder SE et al (2017) Diagnostic concordance of breast pathologists: lessons from the national health service breast screening programme pathology external quality assurance scheme. Histopathology 70(4):632–642Article PubMed Google Scholar 
  48. Rakha EA, Ahmed MA, Ellis IO (2016) Papillary carcinoma of the breast: diagnostic agreement and management implications. Histopathology 69(5):862–870Article PubMed Google Scholar 
  49. van Seijen M, Jóźwiak K, Pinder SE, Hall A, Krishnamurthy S, Thomas JS et al (2021) Variability in grading of ductal carcinoma in situ among an international group of pathologists. J Pathol Clin Res 7(3):233–242Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  50. Tsuda H, Yoshida M, Akiyama F, Ohi Y, Kinowaki K, Kumaki N et al (2021) Nuclear grade and comedo necrosis of ductal carcinoma in situ as histopathological eligible criteria for the Japan Clinical Oncology Group 1505 trial: an interobserver agreement study. Jpn J Clin Oncol 51(3):434–443Article PubMed Google Scholar 
  51. Onega T, Weaver DL, Frederick PD, Allison KH, Tosteson ANA, Carney PA et al (2017) The diagnostic challenge of low-grade ductal carcinoma in situ. Euro J Cancer 80:39–47Article Google Scholar 
  52. Esserman LJ, Thompson IM Jr, Reid B (2013) Overdiagnosis and overtreatment in cancer: an opportunity for improvement. JAMA 310(8):797–798Article CAS PubMed Google Scholar 
  53. Welch HG, Gorski DH, Albertsen PC (2016) Trends in metastatic breast and prostate cancer. N Engl J Med 374(6):596PubMed Google Scholar 
  54. Osdoit M, Yau C, Symmans WF, Boughey JC, Ewing CA, Balassanian R et al (2022) Association of residual ductal carcinoma in situ with breast cancer recurrence in the neoadjuvant I-SPY2 Tr
  55. al. JAMA Surg. https://doi.org/10.1001/jamasurg.2022.4118Article PubMed Google Scholar 
  56. Allegra CJ, Aberle DR, Ganschow P, Hahn SM, Lee CN, Millon-Underwood S et al (2010) National institutes of health state-of-the-science conference statement: diagnosis and management of ductal carcinoma in situ september 22–24, 2009. J Natl Cancer Inst 102(3):161–169Article PubMed Google Scholar 
  57. Galimberti V, Monti S, Mastropasqua MG (2013) DCIS and LCIS are confusing and outdated terms. They should be abandoned in favor of ductal intraepithelial neoplasia (DIN) and lobular intraepithelial neoplasia (LIN). Breast 22(4):431–435Article PubMed Google Scholar 
  58. Wilson GM, Dinh P, Pathmanathan N, Graham JD (2022) Ductal carcinoma in situ: molecular changes accompanying disease progression. J Mammary Gland Biol Neoplasia 27(1):101–131Article PubMed PubMed Central Google Scholar 
  59. McCart Reed AE, Kalita-De Croft P, Kutasovic JR, Saunus JM, Lakhani SR (2019) Recent advances in breast cancer research impacting clinical diagnostic practice. J Pathol 247(5):552–562Article PubMed Google Scholar 
  60. Pang JB, Savas P, Fellowes AP, Mir Arnau G, Kader T, Vedururu R et al (2017) Breast ductal carcinoma in situ carry mutational driver events representative of invasive breast cancer. Modern Pathol 30(7):952–963Article CAS Google Scholar 
  61. Rebbeck CA, Xian J, Bornelöv S, Geradts J, Hobeika A, Geiger H et al (2022) Gene expression signatures of individual ductal carcinoma in situ lesions identify processes and biomarkers associated with progression towards invasive ductal carcinoma. Nat Commun 13(1):3399Article CAS PubMed PubMed Central Google Scholar 
  62. Soon PS, Provan PJ, Kim E, Pathmanathan N, Graham D, Clarke CL et al (2018) Profiling differential microRNA expression between in situ, infiltrative and lympho-vascular space invasive breast cancer: a pilot study. Clin Exp Metas 35(1–2):3–13Article CAS Google Scholar 
  63. Capurro D, Coghlan S, Pires DEV (2022) Preventing digital overdiagnosis. JAMA 327(6):525–526Article PubMed Google Scholar 
  64. Bifulco C, Piening B, Bower T, Robicsek A, Weerasinghe R, Lee S et al (2021) Identifying high-risk breast cancer using digital pathology images. Science 2021:1Google Scholar 
  65. Nicosia L, Latronico A, Addante F, De Santis R, Bozzini AC, Montesano M et al (2021) Atypical ductal hyperplasia after vacuum-assisted breast biopsy: can we reduce the upgrade to breast cancer to an acceptable rate? Diagnostics (Basel, Switzerland). 11(6):1120PubMed PubMed Central Google Scholar 
  66. Schiaffino S, Cozzi A, Sardanelli F (2020) An update on the management of breast atypical ductal hyperplasia. Br J Radiol 93(1110):20200117Article PubMed Google Scholar 
  67. Zadro JR, O’Keeffe M, Ferreira GE, Traeger AC, Gamble AR, Page R et al (2022) Diagnostic labels and advice for rotator cuff disease influence perceived need for shoulder surgery: an online randomised experiment. J Physiother 68(4):269–276Article PubMed Google Scholar 
  68. DCIS Precision (2022) Clinical trials—DCIS precision 2022. https://www.dcisprecision.org/clinical-trials/. Accessed 27 Oct 2022

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.

Le surdiagnostic est sous-estimé dans les dépistages, une revue systématique

Synthèse et traduction par Cancer Rose, 2 avril 2023

Selon cette revue systématique les essais randomisés de dépistage du cancer sont rarement conçus pour estimer le surdiagnostic. De nombreux essais utilisés dans la conception des dépistages ont été biaisés vers une sous-estimation du degré de surdiagnostic.
Il s'agit de la première revue et de la première ré-analyse du surdiagnostic dans les essais de dépistage du cancer.
Plusieurs auteurs (danois, portugais, norvégiens) dont des chercheurs de la Collaboration Cochrane ont réalisé ce travail de synthèse.
Quantification of overdiagnosis in randomised trials of cancer screening: an overview and re-analysis of systematic reviews
Theis Voss, Mikela Krag, Frederik Martiny, Bruno Heleno, Karsten Juhl Jørgensen, John Brandt Brodersen 
https://doi.org/10.1016/j.canep.2023.102352

Le point fort de cet aperçu est qu'il a inclus des essais issus des revues systématiques Cochrane, reconnues pour leurs recherches exhaustives de la littérature et leur évaluation structurée du risque de biais, ainsi qu'une revue systématique de l'USPSTF* , dont les normes méthodologiques sont également élevées[54]. La stratégie de recherche est mise à jour et les auteurs ont vérifié la liste de référence des essais inclus, ce qui augmente les chances de présenter un aperçu complet et actualisé.
*Groupe de travail sur les services préventifs des États-Unis ; il s'agit d'un groupe indépendant d'experts en soins primaires et en prévention qui examine systématiquement les preuves d'efficacité et élabore des recommandations pour les services cliniques de prévention.

Le degré de surdiagnostic dans les essais courants de dépistage du cancer est incertain en raison d'une conception inadéquate des essais, d'une définition variable et des méthodes utilisées pour estimer le surdiagnostic.
Les auteurs ont cherché à quantifier le risque de surdiagnostic pour les programmes de dépistage du cancer les plus largement mis en œuvre et à évaluer les implications des problèmes de conception et des biais des essais utilisés pour divers dépistages sur les estimations du surdiagnostic, en effectuant une nouvelle analyse des revues systématiques sur le dépistage des cancers.
Des recherches ont été effectuées dans PubMed et dans la Cochrane Library depuis leur date de création jusqu'au 29 novembre 2021. Les auteurs ont évalué le risque de biais en utilisant l'outil « Cochrane Risk of Bias Tool »  de la Collaboration Cochrane.

Dix-neuf essais décrits dans trente articles ont été extraits pour examen, rapportant des résultats pour les types de dépistage suivants :
*mammographie pour le cancer du sein,
*radiographie du thorax ou tomodensitométrie à faibles doses pour le cancer du poumon,
*alpha-foetoprotéine et échographie pour le cancer du foie,
*toucher rectal, antigène prostatique spécifique et échographie transrectale pour le cancer de la prostate,
*test CA-125 et/ou échographie pour le cancer de l'ovaire.

Aucun essai sur le dépistage du mélanome n'était éligible.

L'ampleur du surdiagnostic variait de 17 % à 38 % dans les programmes de dépistage du cancer. En moyenne les auteurs ont constaté que :
-27 % des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
-27 % des cancers du foie détectés par dépistage
-38% des cancers prostatiques détectés par PSA et
-17 % des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

Les auteurs concluent qu'il existe un risque significatif de surdiagnostic dans les essais randomisés inclus sur le dépistage du cancer. Les essais n'étaient généralement pas conçus pour estimer le surdiagnostic et de nombreux essais présentaient un risque élevé de biais susceptibles d'orienter les estimations du surdiagnostic vers la valeur nulle.
En effet, l'ampleur réelle du surdiagnostic dû au dépistage du cancer est vraisemblablement sous-estimée.

Voici la traduction des majeures parties de l'article publié dans Cancer Epidemiology, avec les tableaux, suivie des commentaires Cancer Rose- (les figures additionnelles se trouvent en fin d'article).

1. Introduction

Le surdiagnostic du cancer est le diagnostic d'une pathologie néoplasique indolente qui n'évoluerait jamais au point de provoquer des symptômes et/ou la mort au cours de la vie d'un individu[1] et constitue le préjudice le plus grave du dépistage du cancer[2],[3],[4]
Si un cancer est détecté, les cliniciens ne peuvent pas savoir quelles sont les personnes surdiagnostiquées, car il est impossible de savoir comment le cancer aurait évolué en l'absence de dépistage. Par conséquent, tous les patients se voient proposer un traitement ou une surveillance de routine[5],[6]. Les personnes surdiagnostiquées sont donc inutilement diagnostiquées, puis surtraitées, ce qui leur porte préjudice.

C'est pour cette raison qu'il est essentiel de connaître l'ampleur du surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer afin de pouvoir prendre des décisions éclairées en matière de dépistage, par exemple en ce qui concerne la participation individuelle ou la mise en place d'un programme de dépistage donné au niveau national, tel que le dépistage du cancer de la prostate[7],[8].

En théorie, la méthode la plus solide pour estimer le surdiagnostic consiste à utiliser des données provenant d'essais contrôlés randomisés avec un suivi à vie de tous les participants et sans contamination du groupe de contrôle ou du groupe d'intervention, c'est-à-dire sans dépistage des deux groupes d'essai pendant et après la fin de l'étude [5], [9]. [À la fin de la phase de dépistage actif, on s'attend à un excès de cancers dans la population dépistée, car le dépistage devrait avancer le moment du diagnostic (lead time)[5]. S'il n'y avait pas de surdiagnostic, cet excès de cancers devrait être compensé au fil du temps, car ils évolueraient tous vers un cancer qui serait détecté cliniquement après la phase de dépistage actif. Ainsi, un excès persistant dans l'incidence cumulée des cancers dans la population dépistée après une période de suivi suffisante pour tenir compte du délai d'anticipation constitue une preuve de haute qualité de surdiagnostic[5], [8], [10].

L'objectif de cette vue d'ensemble et de cette nouvelle analyse des revues systématiques des essais contrôlés randomisés sur le dépistage du cancer était d'évaluer l'étendue des limitations de la conception et des biais dans les essais contrôlés randomisés inclus pour quantifier le surdiagnostic et, si possible, d'estimer la probabilité que le cancer détecté par le dépistage ait été surdiagnostiqué pour les programmes de dépistage du cancer les plus répandus. De nombreux types de dépistage du cancer, si ce n'est tous, peuvent conduire à un surdiagnostic. À notre connaissance, nous sommes les premiers à compiler les données relatives au surdiagnostic dans le cadre du dépistage de différents cancers. Pour le présent document, nous avons choisi de nous concentrer sur les programmes de dépistage du cancer les plus répandus.

2. Méthodes utilisées

Cette vue d'ensemble et cette réanalyse des revues systématiques ont été réalisées sur la base d'un protocole publié avant la réalisation de la présente étude[11].

Critères d'éligibilité

Les revues systématiques d'essais randomisés étaient éligibles si elles :
1) étudiaient le dépistage visant à détecter le cancer plus tôt qu'il n'apparaîtrait cliniquement.
2) comparaient une intervention de dépistage du cancer à l'absence de dépistage.
3) rapportaient l'incidence du cancer chez les participants dépistés et non dépistés, ainsi que le nombre de cancers détectés par le dépistage.
4) ont été réalisées par la Collaboration Cochrane, c'est-à-dire des revues Cochrane, et n'ont inclus que des essais contrôlés randomisés. .....
.......

Stratégie de recherche

Nous avons effectué une recherche dans la Cochrane Library of Systematic Reviews (février 2016) en utilisant les termes de recherche "screening" et "cancer" dans le titre, le résumé ou les mots-clés.
........

Évaluation du risque de biais dans les essais inclus

Nous avons extrait les évaluations du risque de biais des revues systématiques Cochrane incluses. Nous avons utilisé le Cochrane Risk of Bias Tool version 1.0[14] qui comprend les six domaines suivants :
1. Biais de sélection : génération de séquences aléatoires et dissimulation de l'allocation
2. Biais de performance : aveuglement des participants et du personnel (non extrait)
3. Biais de détection : aveuglement de l'évaluation des résultats
4. Biais d'attrition : données incomplètes sur les résultats
5. Biais de déclaration : déclaration sélective des résultats
6. autres sources possibles de biais
............

Nous avons évalué deux autres biais susceptibles d'affecter l'estimation du surdiagnostic (tableau 1) :
1. La contamination du groupe de contrôle après la randomisation[15] La contamination a été définie comme le nombre déclaré de participants du groupe de contrôle qui ont été exposés à la même technologie de dépistage que le groupe dépisté. ......
2. Prise en compte inadéquate du délai (suivi post-intervention trop court ou dépistage proposé au groupe témoin à la fin de l'essai)
.....................

TABLEAU 1

Autres facteurs influençant les estimations du surdiagnostic.
1. Risque de cancer différent au départ entre les groupes d'intervention et les groupes témoins (équivalent au biais de sélection inclus dans l'outil Risk of Bias de Cochrane).
2. Le taux de participation aux cycles de dépistage. La participation n'a pas été considérée comme un biais dans le cadre de l'estimation du surdiagnostic, mais comme une composante du dépistage.
3. Nombre de cycles de dépistage et intervalle entre ces cycles.
4. Poursuite du dépistage, c'est-à-dire si les participants ont continué à bénéficier de la modalité de dépistage proposée de leur propre initiative après la fin du dépistage.
............

3. Les résultats

Sur les 19 essais examinés, le plus petit comptait 3206 participants (ITALUNG [22]), le plus grand 202 546 participants (UKCTOCS [23]) et la médiane des essais était de 26 602 participants (Stockholm [24]) (Tableau 2)

TABLEAU 2

........................
Estimations du surdiagnostic dans les études incluses

Pour tous les essais et tous les types de programmes de dépistage du cancer, les estimations du surdiagnostic variaient entre 6 et 67%
* Dans les essais de dépistage du cancer du sein par mammographie, les estimations variaient de 10 à 30 % .
* Dans le cas du cancer du poumon par scanner faibles doses, le surdiagnostic variait de 13 à 67 % .
* Dans le cas du cancer de la prostate, de 12 à 63 % .
* Dans le cas du cancer de l'ovaire par CA-125, de 6 à 42 %.
Seuls un essai sur le dépistage du cancer du foie et un essai sur le dépistage du cancer du poumon par radiographie du thorax ont été inclus et tous les deux ont montré que 27 % des cancers du poumon ou du foie détectés par le dépistage étaient surdiagnostiqués, respectivement (tableau 4 et figure 2 (à la fin de l'article)).
..........

TABLEAU 4

Dans notre méta-analyse primaire, nous avons estimé que 28 % (IC à 95 % : 4-52 %) des cancers du sein détectés par dépistage étaient surdiagnostiqués en utilisant les données de l'essai de Malmö sur le dépistage du cancer du sein.
Cet essai présentait un taux de surdiagnostic supérieur de trois points de pourcentage par rapport à la méta-analyse basée sur l'ensemble des essais inclus (tableau 4, figure 2, figure supplémentaire A1, voir fin d'article). [28], [29].
...........

Notre méta-analyse post hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire excluant les essais présentant un risque élevé de biais dans les domaines de la génération de séquences aléatoires, de la dissimulation de l'affectation, de la contamination ou du délai d'exécution, comprenait les données de 12 essais présentant des résultats pour six types de dépistage du cancer.
En moyenne, 27 % (IC à 95 % : 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie et 30 % (IC à 95 % : 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses ont été surdiagnostiqués.
Pour les quatre autres types de dépistage, les résultats n'étaient pas significatifs. Nous avons estimé qu'en moyenne 27 % (IC 95 % -10 à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 27 % (IC 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 sont surdiagnostiqués.
......

La méta-analyse de tous les essais inclus dans la synthèse, quel que soit le risque de biais, a montré qu'en moyenne, 25 % (IC 95 % 12-38 %) des cancers du sein détectés par mammographie, 27 % (IC 95 % -10 % à 64 %) des cancers du poumon détectés par radiographie du thorax, 29 % (IC 95 % 7-52 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses, 27 % (IC 95 % 4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par échographie, 38 % (IC95% 14–62%) des cancers de la prostate détectés par PSA, 17 % (IC 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 et 6 % (IC 95 % -27 % à 39 %) des cancers de l'ovaire détectés par échographie ont fait l'objet d'un surdiagnostic (Fig. 2, fin d'article).
............

4. Discussion

Principaux résultats


.....
Dans notre méta-analyse post-hoc des essais les plus fiables, c'est-à-dire, excluant les essais présentant un risque élevé de biais ......nous avons constaté que :
-27 % (IC à 95 % 8-45 %) des cancers du sein détectés par mammographie,
-31 % (IC à 95 % 2-59 %) des cancers du poumon détectés par scanner faibles doses,
- 27 % (IC à 95 % -4 % à 58 %) des cancers du foie détectés par dépistage et
-17 % (IC à 95 % -14 % à 48 %) des cancers de l'ovaire détectés par CA-125 avaient fait l'objet d'un surdiagnostic.

De nombreux essais risquaient d'être biaisés en raison d'une mauvaise randomisation, d'une contamination du groupe témoin ou d'une prise en compte inadéquate du délai d'attente, c'est-à-dire d'une durée de suivi insuffisante pour tenir compte des cancers à croissance lente. La confiance dans les estimations du surdiagnostic a encore diminué en raison de l'imprécision de l'estimation groupée et de l'incohérence (hétérogénéité) entre les essais (figure 2, tableau supplémentaire A1, fin d'article).
...............

Implications pour la pratique

Le surdiagnostic est l'inconvénient le plus grave du dépistage du cancer.
Pourtant, nous avons constaté que de nombreux essais de dépistage de divers types de cancer n'étaient pas conçus de manière adéquate pour en estimer l'ampleur.
De nombreux programmes de dépistage ont été mis en œuvre à la suite de résultats préliminaires bénéfiques. Cependant, les effets néfastes du dépistage, comme le surdiagnostic, prennent de nombreuses années avant d'être estimés de manière adéquate. Cet aperçu souligne la nécessité de poursuivre l'évaluation (par l'USPSTF, par exemple) des programmes de dépistage du cancer actuels et futurs, afin de prendre en compte les éventuels effets néfastes qui pourraient nécessiter des modifications, voire l'arrêt d'un programme de dépistage.

5. Conclusion

Les essais contrôlés randomisés constituent le modèle le plus fiable pour quantifier le surdiagnostic s'ils sont conçus à cet effet ; cependant, notre aperçu montre que la confiance dans les estimations du surdiagnostic dans les essais contrôlés randomisés de dépistage du cancer est modérée à très faible.
.................

Deux technologies de dépistage (le cancer du poumon par scanner faibles doses et le cancer du sein par mammographie) ont montré un surdiagnostic significatif de 30 % et 27 %, respectivement.

En outre, dans le cas du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA, l'estimation suggère que 38 % des cancers de la prostate détectés par dépistage ont été surdiagnostiqués, même si les risques de biais sont élevés dans les essais cliniques randomisés inclus, ce qui favorise la sous-estimation.

Pour les programmes de dépistage du cancer de l'ovaire, nos meilleures estimations sont que 17 % des cancers de l'ovaire dépistés par le CA-125 et 6 % des cancers de l'ovaire dépistés par échographie transvaginale pourraient être surdiagnostiqués.

Figures additionnelles, cliquez pour agrandir :

Commentaires Cancer Rose

Trois problématiques doivent être soulevées :

-Tout d'abord l'information des femmes, les documents d'information de l'Institut National du Cancer restent insuffisants et défaillants dans l'exposition des données complètes, uniquement les fourchettes les plus basses sont exposées aux femmes et le surdiagnostic largement minimisé.
https://cancer-rose.fr/2022/10/15/le-nouveau-livret-de-linca/

-Les risques du dépistage du cancer du sein surpassent, lorsqu'on y additionne les fausses alertes, la morbidité et la mortalité secondaires aux surtraitements (hémopathies, cardiopathies et cancers secondaires aux traitements), les cancers radio-induits, l'hypothétique bénéfice de ce dépistage, les traitements étant reconnus pour être à l'origine de la relative baisse de mortalité depuis les années 90.
De ce fait il est scandaleux que la controverse scientifique sur ce dépistage figure, selon l'Institut National du Cancer français, dans les "fake-news".
https://cancer-rose.fr/2021/06/24/les-informations-independantes-en-sante-taxees-de-fake-news-cancer-rose-monte-au-creneau/

-Une étude sur un dépistage stratifié selon le risque est financée à hauteur de 12 millions d'euros qui sera incapable de chiffrer le surdiagnostic du dépistage du cancer du sein, donnant uniquement le choix aux femmes entre un dépistage (standard) et un autre dépistage (stratifié), partant du principe que le dépistage de ce cancer doit absolument être maintenu, et cela au mépris des demandes des citoyennes lors de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein.
Pourtant la vraie question de base est bien : doit-on maintenir ces dépistages onéreux, dont la plupart sont des services de faible valeur à la population ?

Un autre dépistage n'a pas été abordé dans cette analyse car officiellement non existant, celui du cancer de la thyroïde énormément pratiqué par échographie cervicale systématique, en dépit d'un risque de surdiagnostic connu et affolant (jusqu'à 84% !!!) et dont essentiellement les femmes font les frais.
En dehors du coût sur le plan de la santé humaine, son coût économique en France a fait l'objet d'une étude parue dans 'Value in Health'.
En voici le résultat :
Entre 2011-2015, on estime que 33 911 femmes et 10 846 hommes en France ont été diagnostiqués porteurs d'un cancer de la thyroïde, avec un coût moyen par habitant de 6 248 €.
Parmi les personnes traitées, 8 114-14 925 femmes et 1 465-3 626 hommes l'ont été à la suite d'un surdiagnostic. Le coût total de la prise en charge des patients atteints d'un cancer de la thyroïde était de 203,5 millions d'euros (154,3 millions d'euros pour les femmes et 49,3 millions d'euros pour les hommes).

Le surdiagnostic représente non seulement un problème clinique pour la personne, et de santé publique pour la population non seulement française mais dans le monde occidental, mais il représente aussi un fardeau économique colossal.

Bibliographie de l'étude

[1] J. Brodersen, L.M. Schwartz, S. Woloshin, Overdiagnosis: how cancer screening can turn indolent pathology into illness, Apmis 122 (8) (2014) 683–689.

[2] B. Heleno, M.F. Thomsen, D.S. Rodrigues, K.J. Jørgensen, J. Brodersen, Quantification of harms in cancer screening trials: literature review, Bmj 347(2013) f5334.

[3] K.J. Jørgensen, P.-H. Zahl, P.C. Gøtzsche, Overdiagnosis in organised mammography screening in Denmark. A comparative study, BMC Women’S. Health 9 (1) (2009) 36.

[4] Screening for Breast Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement, Ann. Intern. Med. 164 (4) (2016) 279–296.

[5] H.G. Welch, W.C. Black, Overdiagnosis in cancer, J. Natl. Cancer Inst. 102 (9) (2010) 605–613.

[6] H.G. Welch, S. Woloshin, L.M. Schwartz, L. Gordis, P.C. Gøtzsche, R. Harris, et al., Overstating the evidence for lung cancer screening: the International Early Lung Cancer Action Program (I-ELCAP) study, Arch. Intern Med 167 (21) (2007) 2289–2295.

[7] J.L. Carter, R.J. Coletti, R.P. Harris, Quantifying and monitoring overdiagnosis in cancer screening: a systematic review of methods, Bmj 350 (2015) g7773.

[8] C. Biesheuvel, A. Barratt, K. Howard, N. Houssami, L. Irwig, Effects of study methods and biases on estimates of invasive breast cancer overdetection with mammography screening: a systematic review, Lancet Oncol. 8 (12) (2007) 1129–1138.

[9] P.C. Gøtzsche, K.J. Jørgensen, Screening for breast cancer with mammography, Cochrane Database Syst. Rev. 2013 (6) (2013), Cd001877.

[10] R. de Gelder, E.A. Heijnsdijk, N.T. van Ravesteyn, J. Fracheboud, G. Draisma, H.J. de Koning, Interpreting overdiagnosis estimates in population-based mammography screening, Epidemiol. Rev. 33 (1) (2011) 111–121.

[11] T. Voss MK, B. Heleno, K.J. Jørgensen, F. Martiny, J. Brodersen. Quantification of overdiagnosis in randomised trials of cancer screening: an overview and re-analysis of systematic reviews. crdyorkacuk/prospero/. 2019.

[12] Team TE Endnote. EndNote X9 ed. Philadelphia, PA: Clarivate; 2013.

[13] Corporation M.. Microsoft Excel. Microsoft Exel, Microsoft 365. 2018 ed: Microsoft Corporation; 2018.

[14] Higgins J.P.T. AD, Sterne JAC. Assessing risk of bias in included studies: The Cochrane Collaboration; 2011 [updated updated March 2011. 5.1.0 [Available from: www.cochrane-handbook.org.

[15] J. Brodersen, How to conduct research on overdiagnosis. A keynote paper from the EGPRN May 2016, Tel Aviv, Eur. J. Gen. Pr. 23 (1) (2017) 78–82.

[16] D. Ilic, M. Djulbegovic, J.H. Jung, E.C. Hwang, Q. Zhou, A. Cleves, et al., Prostate cancer screening with prostate-specific antigen (PSA) test: a systematic review and meta-analysis, BMJ 362 (2018) k3519.

[17] J. Brodersen, Overdiagnosis: An Unrecognised and Growing Worldwide Problem in Healthcare, Zdr. Varst. 56 (3) (2017) 147–149.

[18] M.G. Marmot, D.G. Altman, D.A. Cameron, J.A. Dewar, S.G. Thompson, M. Wilcox, The benefits and harms of breast cancer screening: an independent review, Br. J. Cancer 108 (11) (2013) 2205–2240.

[19] Team RC. R: A Language and Environment for Statistical Computing. 2013.

[20] Review Manager (RevMan) 5.3 ed. Copenhagen:: The Nordic Cochrane Centre. The Cochrane Collaboration; 2014.

[21] M. Johansson, J. Brodersen, P.C. Gøtzsche, K.J. Jørgensen, Screening for reducing morbidity and mortality in malignant melanoma, Cochrane Database Syst. Rev. 6 (6) (2019), Cd012352.

[22] E. Paci, D. Puliti, A. Lopes Pegna, L. Carrozzi, G. Picozzi, F. Falaschi, et al., Mortality, survival and incidence rates in the ITALUNG randomised lung cancer screening trial, Thorax 72 (9) (2017) 825–831.

[23] U. Menon, A. Gentry-Maharaj, M. Burnell, N. Singh, A. Ryan, C. Karpinskyj, et al.,Ovarian cancer population screening and mortality after long-term follow-up in the UK Collaborative Trial of Ovarian Cancer Screening (UKCTOCS): a randomised controlled trial, Lancet 397 (10290) (2021) 2182–2193.

[24] A. Kjellman, O. Akre, U. Norming, M. T¨ornblom, O. Gustafsson, 15-year followup of a population based prostate cancer screening study, J. Urol. 181 (4) (2009) 1615–1621.

[25] A.B. Miller, T. To, C.J. Baines, C. Wall, Canadian National Breast Screening Study-2: 13-year results of a randomized trial in women aged 50-59 years, J. Natl. Cancer Inst. 92 (18) (2000) 1490–1499.

[26] Miller A.B., To T., Baines C.J., Wall C.. The Canadian National Breast Screening Study-1: breast cancer mortality after 11 to 16 years of follow-up. A randomized screening trial of mammography in women age 40 to 49 years. Ann Intern Med. 2002;137(5 Part 1):305–12.

[27] A.B. Miller, C. Wall, C.J. Baines, P. Sun, T. To, S.A. Narod, Twenty five year followup for breast cancer incidence and mortality of the Canadian National Breast Screening Study: randomised screening trial. BMJ, Br. Med. J. 348 (2014) g366.

[28] I. Andersson, L. Janzon, Reduced breast cancer mortality in women under age 50:updated results from the Malm¨o Mammographic Screening Program, J. Natl. Cancer Inst. Monogr. 22 (1997) 63–67.

[29] S. Zackrisson, I. Andersson, L. Janzon, J. Manjer, J.P. Garne, Rate of over-diagnosis of breast cancer 15 years after end of Malm¨o mammographic screening trial: follow-up study, Bmj 332 (7543) (2006) 689–692.

[30] S. Shapiro, Evidence on screening for breast cancer from a randomized trial, Cancer 39 (6) (1977) 2772–2782.

[31] S. Shapiro, Periodic Screening for Breast Cancer: The HIP Randomized Controlled Trial, JNCI Monogr. 1997 (22) (1997) 27–30.

[32] S. Moss, I. Thomas, A. Evans, B. Thomas, L. Johns, Randomised controlled trial of mammographic screening in women from age 40: results of screening in the first 10 years, Br. J. Cancer 92 (5) (2005) 949–954.

[33] S.M. Moss, H. Cuckle, A. Evans, L. Johns, M. Waller, L. Bobrow, Effect of mammographic screening from age 40 years on breast cancer mortality at 10 years’follow-up: a randomised controlled trial, Lancet 368 (9552) (2006) 2053–2060.

[34] S.M. Moss, C. Wale, R. Smith, A. Evans, H. Cuckle, S.W. Duffy, Effect of mammographic screening from age 40 years on breast cancer mortality in the UK Age trial at 17 years’ follow-up: a randomised controlled trial, Lancet Oncol. 16 (9)(2015) 1123–1132.

[35] P.C. Prorok, P. Wright, T.R. Riley, B.S. Kramer, C.D. Berg, J.K. Gohagan, Overall and Multiphasic Findings of the Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian (PLCO) Randomized Cancer Screening Trial. Rev Recent Clin Trials 13 (4) (2018) 257–273.

[36] Oken M.M., Hocking W.G., Kvale P.A., Andriole G.L., Buys S.S., Church T.R., et al. Screening by chest radiograph and lung cancer mortality: the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian (PLCO) randomized trial Differences in risk for type 1 and type 2 ovarian cancer in a large cancer screening trial. JAMA. 2011;306(17):1865–73.

[37] Z. Saghir, A. Dirksen, H. Ashraf, K.S. Bach, J. Brodersen, P.F. Clementsen, et al., CTscreening for lung cancer brings forward early disease. The randomised Danish Lung Cancer Screening Trial: status after five annual screening rounds with lowdose CT, Thorax 67 (4) (2012) 296–301.

[38] H.J. de Koning, C.M. van der Aalst, P.A. de Jong, E.T. Scholten, K. Nackaerts, M.A. Heuvelmans, et al., Reduced Lung-Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial, N. Engl. J. Med 382 (6) (2020) 503–513.

[39] U. Yousaf-Khan, C. van der Aalst, P.A. de Jong, M. Heuvelmans, E. Scholten, J.W. Lammers, et al., Final screening round of the NELSON lung cancer screening trial: the effect of a 2.5-year screening interval, Thorax 72 (1) (2017) 48–56.

[40] U. Pastorino, M. Rossi, V. Rosato, A. Marchian`o, N. Sverzellati, C. Morosi, et al.,Annual or biennial CT screening versus observation in heavy smokers: 5-year results of the MILD trial, Eur. J. Cancer Prev. 21 (3) (2012) 308–315.

[41] U. Pastorino, M. Silva, S. Sestini, F. Sabia, M. Boeri, A. Cantarutti, et al., Prolonged lung cancer screening reduced 10-year mortality in the MILD trial: new confirmation of lung cancer screening efficacy, Ann. Oncol. 30 (7) (2019)1162–1169.

[42] S. Gonz´alez Maldonado, E. Motsch, A. Trotter, H.U. Kauczor, C.P. Heussel,S. Hermann, et al., Overdiagnosis in lung cancer screening: Estimates from the German Lung Cancer Screening Intervention Trial, Int J. Cancer 148 (5) (2021)1097–1105.

[43] B.H. Zhang, B.H. Yang, Z.Y. Tang, Randomized controlled trial of screening for hepatocellular carcinoma, J. Cancer Res Clin. Oncol. 130 (7) (2004) 417–422.

[44] J. Hugosson, M.J. Roobol, M. Månsson, T.L.J. Tammela, M. Zappa, V. Nelen, et al.,A 16-yr Follow-up of the European Randomized study of Screening for Prostate Cancer, Eur. Urol. 76 (1) (2019) 43–51.

[45] G. Sandblom, E. Varenhorst, O. L¨ofman, J. Rosell, P. Carlsson, Clinical consequences of screening for prostate cancer: 15 years follow-up of a randomised controlled trial in Sweden, Eur. Urol. 46 (6) (2004) 717–723.

[46] G. Sandblom, E. Varenhorst, J. Rosell, O. Lofman, P. Carlsson, Randomised prostate cancer screening trial: 20 year follow-up, Bmj 342 (2011) d1539.

[47] G.L. Andriole, E.D. Crawford, R.L. Grubb 3rd, S.S. Buys, D. Chia, T.R. Church, et al.,Mortality results from a randomized prostate-cancer screening trial, N. Engl. J.Med 360 (13) (2009) 1310–1319.

[48] G.L. Andriole, E.D. Crawford, R.L. Grubb 3rd, S.S. Buys, D. Chia, T.R. Church, et al.,Prostate cancer screening in the randomized Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian Cancer Screening Trial: mortality results after 13 years of follow-up,J. Natl. Cancer Inst. 104 (2) (2012) 125–132.

[49] P.F. Pinsky, E. Miller, P. Prorok, R. Grubb, E.D. Crawford, G. Andriole, Extended follow-up for prostate cancer incidence and mortality among participants in the Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian randomized cancer screening trial, BJU Int 123 (5) (2019) 854–860.

[50] S.M. Temkin, E.A. Miller, G. Samimi, C.D. Berg, P. Pinsky, L. Minasian, Outcomes from ovarian cancer screening in the PLCO trial: Histologic heterogeneity impacts detection, overdiagnosis and survival, in: European journal of cancer (Oxford, England: 1990), 87, 2017, pp. 182–188.

[51] I.J. Jacobs, S.J. Skates, N. MacDonald, U. Menon, A.N. Rosenthal, A.P. Davies, et al., Screening for ovarian cancer: a pilot randomised controlled trial, Lancet 353 (9160) (1999) 1207–1210.

[52] S.W. Duffy, D. Vulkan, H. Cuckle, D. Parmar, S. Sheikh, R.A. Smith, et al., Effect of mammographic screening from age 40 years on breast cancer mortality (UK Age trial): final results of a randomised, controlled trial, Lancet Oncol. 21 (9) (2020) 1165–1172.

[53] G. Sandblom, E. Varenhorst, J. Rosell, O. L¨ofman, P. Carlsson, Randomised prostate cancer screening trial: 20 year follow-up, BMJ 342 (2011) d1539.

[54] Force USPST. [Available from: https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/about-uspstf/methods-and-processes/procedure-manual/proceduremanual-section-4-evidence-review-development.

[55] Pollock M.F.R., Becker L.A., Pieper D., Hartling L. Chapter V: Overviews of Reviews. Available from www.training.cochrane.org/handbook.2022.

[56] P.H. Zahl, K.J. Jørgensen, P.C. Gøtzsche, Overestimated lead times in cancer screening has led to substantial underestimation of overdiagnosis, Br. J. Cancer 109 (7) (2013) 2014–2019.

[57] S.W. Duffy, D. Parmar, Overdiagnosis in breast cancer screening: the importance of length of observation period and lead time, Breast Cancer Res 15 (3) (2013) R41.

[58] R. Gulati, E.J. Feuer, R. Etzioni, Conditions for Valid Empirical Estimates of Cancer Overdiagnosis in Randomized Trials and Population Studies, Am. J. Epidemiol. 184(2) (2016) 140–147.

[59] Deeks J.J.H.J., Altman D.G. (editors). Chapter 10: Analysing data and undertaking meta-analyses. Chapter 10: Analysing data and undertaking meta-analyses. Available from www.training.cochrane.org/handbook.2022.

[60] M. Johansson, F. Borys, H. Peterson, G. Bilamour, M. Bruschettini, K.J. Jørgensen, Addressing harms of screening - A review of outcomes in Cochrane reviews and suggestions for next steps, J. Clin. Epidemiol. 129 (2021) 68–73.

[61] R. Manser, A. Lethaby, L.B. Irving, C. Stone, G. Byrnes, M.J. Abramson, et al., Screening for lung cancer, Cochrane Database Syst. Rev. 2013 (6) (2013), Cd001991.

[62] D. Ilic, M.M. Neuberger, M. Djulbegovic, P. Dahm, Screening for prostate cancer, Cochrane Database Syst. Rev. (1)) (2013).

[63] Siu A.L. Screening for Breast Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement. Annals of Internal Medicine; 2016. [Accessed October 2016] Available from https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/breast-cancer-screening1?ds=1&s=breast%20cancer%20screening.

[64] Moyer V.A. Screening for Lung Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement. Annals of Internal Medicine; 2013. [accessed October2016] Available from: https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/lung-cancer-screening?ds=1&s=lung%20cancer%20screening. [.

[65] Moyer V.A.. Screening for Prostate Cancer: U.S. Preventive Services Task Force Recommendation Statement. Annals of Internal Medicine; 2012. [Accessed October2016] Available from https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/Page/Document/UpdateSummaryFinal/prostate-cancer-screening?ds=1&s=prostat%20cancer%20screening.

[66] M.W. Marcus, S.W. Duffy, A. Devaraj, B.A. Green, M. Oudkerk, D. Baldwin, et al.,Probability of cancer in lung nodules using sequential volumetric screening up to 12 months: the UKLS trial, Thorax 74 (8) (2019) 761–767.

[67] A. Hodkinson, J.J. Kirkham, C. Tudur-Smith, C. Gamble, Reporting of harms data in RCTs: a systematic review of empirical assessments against the CONSORT harms extension, BMJ Open 3 (9) (2013), e003436.

[68] J.P. Ioannidis, S.J. Evans, P.C. Gotzsche, R.T. O’Neill, D.G. Altman, K. Schulz, et al., Better reporting of harms in randomized trials: an extension of the CONSORT statement, Ann. Intern Med 141 (10) (2004) 781–788.

Cancer Rose est un collectif de professionnels de la santé, rassemblés en association. Cancer Rose fonctionne sans publicité, sans conflit d’intérêt, sans subvention. Merci de soutenir notre action sur HelloAsso.


Cancer Rose is a French non-profit organization of health care professionals. Cancer Rose performs its activity without advertising, conflict of interest, subsidies. Thank you to support our activity on HelloAsso.